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Top 14: la finale de la double revanche

Rugby. Après une humiliation historique infligée par Toulouse à Bordeaux-Bègles en finale du Top 14 l’année dernière, les deux équipes se retrouvent à nouveau face à face samedi au Stade de France.


Samedi, il y aura tout juste un an, lors de la finale du championnat de France du Top-14, disputée à Marseille pour cause de JO et non au Stade de France comme le veut la tradition, L’Union Bordeaux-Bègles (UBB) avait encaissé face au Stade toulousain (ST) une monumentale déculottée (59-3), sans précédente à ce niveau de la compétition. Son adversaire lui avait passé pas moins de neuf essais dont quatre transformés et deux pénalités.

L’UBB favorite ?

Dix mois plus tard, en demi-finale de la Champion cup (coupe d’Europe), c’est Bordeaux-Bègles qui sortait à l’issue d’un match échevelé Toulouse par un 35 à 18, la frustrant d’un potentiel sixième sacre européen, après avoir franchi la ligne d’en-but à cinq reprises, réussi deux transformations, contre deux et une transformation pour la partie opposée, et deux pénalités de chaque côté. 

En finale, à Dublin, en terre adverse, l’UBB s’est imposée par un 28 à 10, décrochant ainsi son premier titre, face au XV anglais de Northampton.

Du coup, la finale de ce samedi à Saint-Denis qui oppose pour la seconde fois consécutive les deux mêmes équipes, inaugurant peut-être un futur « clasico » du rugby, prend la tournure d’une double revanche, chacune voulant effacer l’affront subi. Mais les deux entraîneurs respectifs, Yannick Bru (UBB) et Hugo Mola (ST), ont implicitement réfuté qu’un esprit de revanche animent leurs joueurs, la culture du règlement de compte ne faisant pas partie du rugby. Même si Maxime Lucu, le capitaine de l’UBB, reconnaît que l’humiliation de Marseille « est toujours présente ». Mais ce n’est pas se venger que veut Bordeaux-Bègles mais se réhabiliter et Toulouse effacer un déboire de mauvais augure.

D’autant, singularité de ce match, que les joueurs des deux équipes ont l’habitude de jouer ensemble. Ils constituent l’ossature des Bleus et ont partagé la joie de remporter le Tournoi des Six nations, de vaincre les All Blacks. Toulouse fournit au XV français le gros des avants et Bordeaux-Bègles ses trois-quarts (dits la patrouille de France), et la charnière depuis la blessure d’Antoine Dupont. Disputer des matches sous le même maillot soude des fraternités et loyautés qui relativisent les rivalités de circonstance. Cette finale va donc opposer, en somme, deux moitiés de l’équipe de France, l’une à l’autre, deux conceptions du jeu, la puissance avec Toulouse, le mouvement avec Bordeaux-Bègles.

Sur le papier, l’UBB fait légèrement figure de favorite. En cette fin de saison, elle a le vent en poupe comme l’a démontré sa victoire en demi-finale contre Toulon par 39 à 14, grâce à quatre essais dont trois aplatis par son pilier, chevelure rousse et casqué, Maxime Lamothe. Réaliser un triplé en demi-finale est un exploit unique qui dément que la faiblesse de l’UBB soit désormais devant comme c’était sa réputation.

A lire aussi, Céline Pina : Port du voile dans les compétitions sportives: les jeunes confondent égalité et naïveté

Depuis son élimination de la Champion cup, rappelons-le par Bordeaux-Bègles, Toulouse marque le pas malgré une saison exceptionnelle en dépit de l’absence du meilleur joueur du monde dont les fulgurances étaient souvent décisives, Antoine Dupont, victime d’une grave blessure qui risque d’hypothéquer le reste de sa carrière. En effet, le Stade toulousain a battu son record de points inscrits. Sur les 26 matches disputés, il en a marqué 891, soit une moyenne par rencontre de 34.

Réussite dans l’abnégation

Avant de rencontrer en demi-finale Bayonne et de s’imposer difficilement par un étriqué 32 à 25 et avoir cumulé 13 fautes, signe d’une fébrilité certaine, le Stade toulousain s’était incliné déjà contre Castres (28-23) et à domicile face au Racing (35-37), défaites mettant fin à une série de 38 succès consécutifs, un record. En outre, dans la phase des matches aller et retour du championnat, Bordeaux-Bègles a vaincu Toulouse les deux fois par 12-16 en visiteur et 32-24 à domicile. 

« Le rugby, a dit Antoine Blondin, le chantre de l’Ovalie et du Tour de France, c’est l’art subtil de la réussite dans l’abnégation ». Devise qu’a su faire sienne Bordeaux-Bègles après l’électrochoc de Marseille.

Est-ce que l’UBB, détentrice d’un seul titre conquis cette année après 20 ans d’existence infructueux, confirmera son ascension en défaisant la plus titrée des équipes françaises, le Stade toulousain (23 championnats de France dont quatre des cinq dernières éditions, plus cinq coupes d’Europe) ? Le discret président bordelais-béglois, Laurent Marti, avait confié à Sud-Ouest, le quotidien de Bordeaux, après la victoire contre Northampton, que le bouclier de Brennus, qui récompense le titre de champion de France, avait pour lui plus de valeur que la coupe d’Europe.            

Dans un entretien accordé à Sud-Ouest, l’ancien entraîneur de Toulouse, Guy Novès, qui a fait de ce club un des meilleurs d’Europe sinon le meilleur, a estimé que les jeunes joueurs de ce dernier « ont appris à connaître le goût de la défaite. Ils en avaient peut-être besoin pour se remettre en cause ».

Et, un fabuliste, au vu du parcours réciproques des deux finalistes, aurait pu, lui, conclure que c’est le goût de la défaite qui donne sa saveur à la victoire. En tout cas, le match de samedi s’annonce fabuleux. Il reste aux deux équipes à le confirmer.  

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John Textor, le cowboy américain qui ne comprenait rien au football

Terrible désillusion pour l’Olympique lyonnais, qualifié pour la Ligue Europa dans les dernières minutes du championnat, mais relégué en Ligue 2 suite à la décision de la DNCG. Derrière cette descente aux enfers, c’est toute la logique des multipropriétés de John Textor dans le football qui est critiquée


23 février 2025. À l’occasion de la venue du Paris-Saint-Germain dans l’antre de l’Olympique lyonnais, John Textor apparaissait un chapeau de cowboy sur la tête, qu’il retira au moment de saluer les deux virages du Groupama Stadium. La facétie était en réalité une pique adressée au propriétaire du PSG qui l’avait renvoyé à ses origines américaines peu de temps auparavant. Ce jour-là, les fans de l’OL ont probablement pensé qu’il valait mieux avoir à la tête de leur club un magnat américain qu’un homme d’affaires qatari.

C’est pas de la bombe, bébé

Quelques mois plus tard, ils déchantent. Tandis que les Parisiens ont remporté la Ligue des champions, l’Olympique lyonnais vient d’être relégué en Ligue 2 par la Direction nationale de contrôle et de gestion (DNCG), gendarme du football français dont le sigle fait penser à une officine du renseignement. Faute de garantie financière, l’OL est donc rétrogradé et son propriétaire pris pour cible : les Bad Gones, principal groupe de supporters du club, animant le Virage nord du stade, n’ont pas manqué d’afficher des calicots hostiles sur les ponts de la capitale des Gaules. La guerre est déclarée : heureusement, Textor ne possède pas dans son arsenal de bombe GBU-571 pour anéantir les BG872.

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Évidemment, c’est tout un système et même une vision du football qui sont une nouvelle fois interrogés. Lyon, autrefois entre les mains sûres de Jean-Michel Aulas, appartient désormais à une de ces galaxies de clubs détenus par le même propriétaire. Ces multipropriétés sont un des cancers du football moderne, car chaque entité n’est qu’une variable d’ajustement d’un projet global, faisant fi des particularités locales et des histoires propres à chaque blason. Ailleurs dans la noria textorienne, la colère gronde d’ailleurs aussi.

Molenbeek, Londres…

Dimanche dernier, plusieurs centaines de sympathisants du RWDM, club populaire bruxellois, effectuaient une marche pour dénoncer le changement de nom de leur club. Pour le mi-clown, mi-tycoon américain, le M du sigle, qui renvoie à Molenbeek où évolue le club, n’est pas vendeur en raison de la sulfureuse réputation de la commune. Pourtant, les supporters du RWDM sont majoritairement issus de la classe populaire blanche, parfois émigrée ailleurs dans la Région bruxelloise ou dans les Brabant flamand et wallon ; leurs ultras penchent quant à eux clairement à droite. Rien à voir avec des islamistes donc.

Dans la galaxie Textor, Crystal Palace est à peine mieux loti. Le club de la capitale londonienne, situé dans le quartier qui avait accueilli l’exposition universelle de 1851, végète dans le ventre mou de la Premier League, loin du prestige des clubs de Manchester, de Liverpool ou de Chelsea. Si le club a remporté la dernière Coupe d’Angleterre, il n’est pas certain qu’il puisse participer à la prochaine Coupe d’Europe en raison justement de la double casquette de son actionnaire principal. Pour se prémunir d’un nouvel affront, il vient de revendre ses parts dans le club londonien à… un autre Américain fortuné.

À lire aussi : PSG: on ne peut pas plaire à tout le monde

Dans leur malheur, les supporters lyonnais verront peut-être un espoir et un réconfort : un appel à la décision de relégation est possible et, si celui-ci devait ne pas aboutir, ils auront la possibilité de vivre un derby face à l’ennemi stéphanois la saison prochaine. Une rivalité dont John Textor ne comprend sans doute pas la portée…


  1. GBU-57 : bombe anti-bunker américaine utilisée récemment en Iran ↩︎
  2. BG87 : Bad Gones 1987 ↩︎

Le bac de français sans Français

Chaque année, à l’approche des examens, les syndicats de profs dénoncent la « surcharge » pesant sur les enseignants mobilisés pour le bac de français. Pourtant, entre exigences orthographiques et grammaticales revues à la baisse et consignes de correction assouplies, tout semble fait pour leur simplifier la tâche


« Le ministère ne veut pas comprendre la charge de travail qui s’abat sur les collègues convoqué.es comme jury de bac. En français et philosophie, la pression est même insoutenable »1. C’est le SNES-FSU qui l’affirme, dans un communiqué de presse du 12 juin 2025, avec un appel à la grève en appendice. Comme tous les ans. Enfin, avec ce motif, puisque l’appel à la grève, dans l’Éducation nationale, c’est plutôt toutes les quatre à six semaines. Alors pourquoi cette participation aux examens, charge normale d’emploi et obligation de service, pèse-t-elle si lourdement sur les épaules et le « mental » des professeurs ? Cette revendication syndicale est-elle justifiée ?

C’est faire fi des efforts de l’Institution pour leur alléger la tâche. Tout d’abord, elle veille à ce qu’il n’y ait pas trop de contenu : quatre œuvres étudiées en français pendant l’année de première et des parcours de lecture associés qui n’en sont plus (des 24 textes prévus par la réforme Blanquer pour l’oral de français, on est arrivé à 16 textes en 2024). Ensuite, les commissions d’entente académiques enjoignent aux correcteurs de « relâcher la pression » : les corrigés nationaux des dissertations sont à considérer « comme une proposition de pistes et non la représentation de ce que l’on doit s’attendre à trouver dans les copies d’élèves » ; on n’exige (surtout) pas une « organisation canonique en trois parties elles-mêmes constituées de trois sous-parties » pour le commentaire et on ne sanctionnera pas « l’absence de paragraphes » ; pas de « pénalité supplémentaire comme cela pouvait se faire lors des sessions précédentes » quand l’orthographe et la syntaxe sont défaillantes. En d’autres termes, on souffle, on se détend, on libère les chakras.

À lire aussi, Corinne Berger : Rappel à l’ordre

Enfin, copies et correction sont dématérialisées via le logiciel Santorin2, gage d’un voyage mémorable. Comme l’île égéenne, il offre, cette année, des panoramas variés. Autant que de copies : un morceau de rap, des vœux de bonne correction, une déclaration suicidaire de huit pages, une recette de tiramisu pour 24 personnes… Parfois, l’Éducation nationale y appose un pictogramme : un bonhomme aux bras levés qui signale, depuis l’année dernière, les copies de certains « candidats en situation de handicap » et, par surcroît, édition 2025, des « élèves allophones nouvellement arrivés (EANA) ». Il est alors exigé du correcteur qu’il ne prenne pas en compte « la qualité rédactionnelle dont l’orthographe » : cerise sur le tiramisu. Ainsi, pour briller au bac de français, mieux vaut ne pas le parler. Le baccalauréat de français sans français, ni Français.

Il faudrait songer à rebaptiser le programme Santorin. Cap sur Lampedusa, lège, voile au vent : de quoi se refaire une santé ! Et le SNES se plaint ?


  1. Communiqué de presse du SNES-FSU, 12 juin 2025 https://www.snes.edu/article/communiques/alerte-sur-le-bac-2025/ ↩︎
  2. Le « Systeme d’Aide Numérique à la noTatiOn et corRectIoN  » nommé SANTORIN est un service intégré à CYCLADES se donnant pour mission de gérer la correction dématérialisée d’examens/concours. ↩︎

Jean Anouilh, le jeune homme (éternellement) vert

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Un festival Jean Anouilh ! Léocadia au Lucernaire et Souvenirs d’un jeune homme au Poche-Montparnasse.


Jean Anouilh (1910-1987) revient depuis quelques années – et c’est une bonne nouvelle. Après Eurydice, La Culotte (avec Herrade von Meier, irrésistible héroïne d’Anouilh – entre autres), Pauvre Bitos, et avant, bientôt, Le Bal des voleurs(12 juillet-31 août au Funambule Montmartre), 2 pièces se jouent en ce moment à Paris (nous bougeons peu de Paris, hélas – ou non).

D’abord, Léocadia, au Lucernaire, jusqu’au 27 juillet. Et Jean Anouilh-Souvenirs d’un jeune homme (d’après ses… souvenirs, La Table Ronde, 1987), jusqu’au 9 juillet, au Théâtre de Poche – notre seconde maison. Et les deux sont délicieux.


« C’est très joli la vie, mais cela n’a pas de forme », disait Anouilh qui s’appliqua à lui en donner, en particulier pour nous dans La Répétition ou l’amour puni (un de ses chefs d’œuvre) – où sa lucidité, voire son désenchantement, n’empêchait pas l’enchantement : allez comprendre ! C’est tout Anouilh.

Souvenez-vous. La Répétition, c’était ça – par exemple : « Je m’intéresse assez peu, personnellement, aux confidences. C’est toujours à peu près la même chose et cela ne soulage que celui qui les fait. Vous êtes jeune, vous débarquez au pays de l’amour ; vous devez avoir l’impression d’être une exploratrice, de découvrir des continents… Ne protestez pas, c’est très gentil… Vous apprendrez bien assez vite que la pièce ne comporte que deux ou trois rôles, deux ou trois situations toujours les mêmes – et que, ce qui jaillit irrésistiblement du cœur dans les plus grands moments d’extase, ce n’est qu’un vieux texte éculé, rabâché depuis l’aube du monde, par des bouches aujourd’hui sans dents. On n’invente guère. Jusqu’aux vices qui sont d’une banalité, d’une précision, désespérantes ! Un vrai catalogue, avec les prix courants dans la colonne de droite. Car tout se paie bien entendu. Sodomie : solitude et ulcère indiscret ; éthylisme : ascite et cirrhose ; passion : fatigue ; tendre amour : cher petit cœur brisé. On n’y coupe pas ! »

Si cela n’est pas un morceau de bravoure inoubliable… Par ailleurs, aveu : j’aime beaucoup Anouilh, aussi parce qu’il ponctue comme je le fais, sans fin, avec des tirets, des virgules, des points virgules, etc. Il connaît les ressources de la langue, et il en use. Merci Monsieur Anouilh, ma meilleure excuse.

Mais après cet apéritif pour redire le génie d’Anouilh, revenons à Léocadia, puisque c’est la pièce que l’on a (re)vue en premier.

Toute la fantaisie d’Anouilh s’y trouve. Imaginez : un jeune homme « sombre dans la mélancolie depuis la mort de son grand amour, Léocadia » (rencontrée trois jours avant sa mort, seulement – précision importante pour… « grand » amour).

Une jeune modiste, Amanda, pure, apparemment naïve mais plutôt douée du génie de la candeur, est embauchée par la tante du jeune homme (un prince, comme dans n’importe quel conte de fée) pour jouer le rôle du « souvenir » de Léocadia – il se trouve qu’elle lui ressemble, c’est même pour cela qu’elle a été embauchée.

Elle va jouer « son » rôle (celui de Léocadia), pendant trois jours. Et inventer le sien propre : le 4ème ?

Cela se finit – donc c’est triste. Mais cela se finit « bien » – donc ce n’est pas triste. Quelle idée… géniale : incarner un souvenir, pour lutter contre le mal d’amour, en faire « passer » le souvenir – comme on le dit d’une couleur (pâlie… ou passée).

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Tout est réussi dans ce spectacle : la scénographie si inventive, l’alchimie entre les comédiens de la compagnie Les Ballons rouges (une vraie troupe de – grands, jeunes et moins jeunes – professionnels) – et puis ce texte tellement onirique…

On ne bavardera pas autour de ce spectacle parfait. Une mention spéciale peut-être pour Amanda-Léocadia : Camille Delpech – qui a la fraîcheur, le primesaut et la science de l’héroïne d’Anouilh rêvée. Et une autre pour la trop méconnue Valérie Français, dans le rôle de la tante extravagante – régal.

Celles-et-ceux qui ont aimé La Belle époque, le si romanesque et romantique film de Nicolas Bedos, aimeront ce moment – où tout est réuni : délicatesse, poésie, humour. Et, non pas « absurde » – mais rêverie.

Au Théâtre de Poche, ce sont les Souvenirs d’Anouilh (titre : La Vicomtesse d’Eristal n’a pas reçu son balai mécanique) qui sont mis en scène, joués par Gaspard Cuillé (ou Emmanuel Gaury) et Benjamin Romieux, de la Compagnie du Colimaçon – celle-là même qui monta avec succès (un an à l’affiche, 2023-2024), Eurydice.

La mise en scène ? Le contraire du « divertissement » (qui di-vertit, sens strict) : un bureau, deux chaises – et deux Anouilh qui se font face (mais pas seulement…). Ce sont surtout les deux Anouilh qui nous ont requis.

Cela commence, pour le jeune Bordelais, au service des Réclamations des Grands Magasins du Louvre. Vocation ratée, donc – d’ailleurs son chef le lui dira : « C’est dommage, Anouilh, car vous aviez l’étoffe d’un bon réclamateur. »

Puis c’est une expérience – brève aussi – dans une agence de publicité (« concepteur-rédacteur ») où il rencontre (quand même) Jacques Prévert, Paul Grimault, Georges Neveux et Jean Aurenche.

Il écrit Humulus le muet (que nous ne connaissons pas mais dont le « résumé », sur scène, fait mourir de rire), une première version du Bal des voleurs – et L’Hermine (1931, Théâtre de l’Œuvre, 1932), avec Pierre Fresnay : premier succès – avant Le Voyageur sans bagage (1936, Mathurins-Pitoëff, 1937).

Puis il y a la guerre (et Eurydice en 1942 à l’Atelier, Antigone en 1944), le cinéma, Louis Jouvet, etc. Les Mémoires du jeune homme Anouilh se terminent avec la création d’Antigone, l’évocation du rôle de Georges Pitoëff (« un génie »), d’André Barsacq, un presque frère pour Anouilh. Etc.

Avouons que l’on était un peu circonspect, à propos d’une mise en scène de ces souvenirs : les souvenirs, il vaut mieux les lire, pensions-nous. Assister à un long monologue qui égrène les étapes d’une vie… Pas gagné.

Nous avions tort : la mise en scène, les effets musicaux, les lumières, et surtout, les deux comédiens – le soir où nous étions, c’était Gaspard Cuillé et Benjamin Romieux – sont exceptionnels. Si drôles, si accordés, si complices et espiègles ! À croire, après Léocadia, qu’Anouilh procure du talent à quiconque s’y colle. C’est faux : les deux acteurs, comme la troupe de Léocadia, sont simplement mémorables. Deux occasions exceptionnelles de voir et d’écouter Anouilh, son humour, sa tendresse, son humanité.

Une « précision » à propos du rôle d’Anouilh pendant la guerre. Note ami Stéphane Barsacq ne manque jamais de dire ce que son aïeul d’origine juive, André Barsacq (1909-1973) – directeur du Théâtre de l’Atelier et metteur en scène d’Anouilh, d’Aymé, etc. -, a dû à la protection d’Anouilh, pendant la guerre.

Voilà pour les donneurs de leçons. Qui fatiguent terriblement, surtout lorsque leurs leçons sont erronées – et occultent celles-et-ceux qui ont eu, alors, une souplesse enviable. N’est-ce pas Sartre, Beauvoir, Duras, Blanchot, etc. ? L’époque était ce qu’elle était : difficile, compliquée, grise, dangereuse. Héroïque, pas toujours. A sa manière, à sa mesure, Anouilh fut « du côté » de ces gens qui ont fait ce qu’ils ont pu, et toujours le bien : Stéphane Barsacq, qui a une mémoire d’éléphant (euphémisme), ne manque jamais de le mentionner – et il a raison. Fin de la « précision ».

Une ultime (autre précision) – quand même : nous n’arbitrerons pas entre les deux pièces : « rien de commun » (comme disait José Corti, sa devise) – sinon Anouilh. Donc, rien à perdre. D’un côté le côté biographique, fantaisiste et drôle, mais aussi déclaration d’amour au théâtre ; de l’autre, l’œuvre, invitation funambulesque au voyage (amoureux). A vous de voir. Aucun risque d’un côté comme de l’autre. Qui aime Anouilh sera conquis par l’une – et l’autre.

NB. Nous étions un jeune homme (oui, déjà), nous avions lu L’Hurluberlu ou le réactionnaire amoureux – et avions beaucoup aimé : cette pièce est si drôle, elle aussi. A-t-elle vieilli ? Je ne sais pas, je ne l’ai pas relue. Une de ces deux compagnies s’en saisira-t-elle ? Nous aimerions beaucoup. La suite ? À venir. Comme son nom l’indique (sourire).


Toute l’œuvre de Jean Anouilh est disponible (en principe) à La Table Ronde, en poche (collection La Petite Vermillon) ou en édition originale.

Léocadia, de Jean Anouilh, mise en scène de David Legras, Théâtre du Lucernaire (53, rue Notre-Dame des Champs 75006 Paris – 01 45 44 57 34). Jusqu’au 27 juillet – 1H30.

Jean Anouilh, souvenirs d’un jeune homme, jusqu’au 9 juillet, au Théâtre de Poche-Montparnasse (75006). Tél. : 0145445021. Uniquement le mardi et le mercredi à 19H. Durée : 1H10.

Et toujours : Bréviaire capricieux de littérature contemporaine pour lecteurs déconcertés, désorientés, désemparés, de François Kasbi, Éditions de Paris-Max Chaleil – à propos de 600 écrivains, femmes et hommes, de France et d’ailleurs.

Liberté, que de partis on crée en ton nom !

Vers une union des droites? La première édition du Sommet des Libertés s’est tenue mardi soir au Casino de Paris, devant une salle comble. Grâce à l’implication de MM. Stérin et Bolloré, des personnalités issues du Rassemblement national, de «Reconquête» et des Républicains se sont ainsi croisées près des stands de dédicaces. Nos reporters se sont glissés parmi le public pour nous rendre compte de l’ambiance de la soirée.


Si l’on voulait croiser la droite chic et bien élevée, il fallait être au Casino de Paris ce mardi soir. Le premier « Sommet des libertés » s’y tenait, organisé à l’initiative de Pierre-Édouard Stérin et Vincent Bolloré en partenariat avec le JDNews.

On retrouve l’occasion d’un soir l’ambiance chapelet et Ralph Lauren des grands raouts de Valeurs Actuelles mais avec cette fois un peu moins d’identitaire et un peu plus de retraite par capitalisation. Pas de stand « institut Iliade » mais plutôt des think thanks libéraux, si vous préférez. C’est un peu comme si les pages saumon avaient avalé les pages débats du Figaro. « On peut venir sans être libéral et la Cocarde est présente partout », se justifie Edouard Bina, président de la Cocarde, le syndicat étudiant de droite sociale et souverainiste, surpris au rayon bière. On trouve des militants marinistes présents aux abords des stands. Une certaine confusion idéologique règne parfois. Les mots, les idées, les labels fusent…. Un ancien stagiaire de Reconquête est « libéral, identitaire et européen ». Les militants du RN présents sont surtout là pour « soutenir » leur président, Jordan Bardella. Quand il apparait sur scène, les applaudissements fusent. « National ou libéral, c’est une question de degré » élude l’un d’eux à la question de savoir si le parti de Marine Le Pen était maintenant converti au national-libéralisme. Le militant Oscar Piloquet, qui sera candidat à la maire d’Alençon, dans l’Orne, et « vient du fillonisme », tente de faire la distinction entre liberté et libéralisme : « ce n’est pas la même chose » assure-t-il. Liberté, que de partis on crée en ton nom !

Ciotti laboure son sillon

Éric Ciotti au Sommet des Libertés © GDS

Éric Ciotti est en dédicace et nous propose une synthèse. Il serre des mains, il sourit, il goûte sur scène à son triomphe quand il rappelle qu’il a été le premier à briser le tabou de l’union des droites: « National et libéral ? Les deux valeurs sont consubstantielles (…) L’État doit juste se recentrer et bien faire ses missions. » Dans un pays centralisé qui aime autant l’argent public, les partis de droite ont souvent affiché des tendances sociales ou dirigistes. Le national-libéralisme a-t-il un avenir en France ? « Il progresse en tout cas… » sourit l’auteur de Je ne regrette rien, sûr d’avoir trouvé un créneau politique porteur.

« Oui mais » plutôt que 18 juin

Sommet des libertés ? pas au point de laisser la tireuse à bière couler après le début des débats : « Le stand à bière est fermé… On voit qu’on est chez les libéraux. Les libéraux veulent tout interdire » peste l’avocat Laurent Frölich. À la tribune, se succèdent des intervenants et des clips vidéos.

Alexandre Jardin, devant un parterre bourgeois, défend la victoire de « ses gueux », qui pourront continuer de rouler au diesel dans les centres-villes. Assise à côté de nous, une mauvaise langue persiffle: « à force, il va se retrouver dans les mêmes eaux politiques que feu son grand-père ». Luc Ferry fait applaudir une énième « grande réforme » de l’Éducation nationale avec en prime l’urgence des « cours d’instruction civique ». Très Chevènement 1984 ! Il est par ailleurs paniqué quant à l’avenir de la liberté d’expression, renvoyant dos à dos les wokistes cancelleurs et l’administration Trump qui coupe les vivres de chercheurs. Il épilogue sur le danger des deep fakes, la fin du vrai et du faux… Notre mauvaise langue commente: « Les gens ont appris à lire à partir de Jules Ferry, et ont désappris à partir de Luc Ferry ».

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Laetitia Strauch-Bonart, auteure d’un lénifiant La Gratitude : Récit politique d’une trajectoire inattendue, explique devant un public peu convaincu qu’être de droite, c’est prendre fait et cause pour l’Ukraine et que c’est refuser toute alliance avec le Rassemblement national. Décidée à bousculer René Rémond, elle situe le gaullisme dans la continuité des conservateurs libéraux du XIXème siècle, continuateur pour son « oui, mais ». On connait pourtant la réponse de De Gaulle au « oui, mais » de Giscard : « on ne fait pas de la politique avec des mais ». L’ancienne élève d’Henri IV finit huée par le public. La mauvaise langue continue : « Macron a supprimé l’ENA. Quand j’entends Strauch-Bonart, je pense qu’il faut aussi supprimer l’ENS ».

La liberté, pour quoi faire ?

50 nuances de libéralisme ? On trouve même d’anciens « sarkozystes de gauche », comme Monsieur le préfet Thierry Coudert, de la Diagonale, club qui réunissait les cadres issus du PS refusant de voter Royal et ralliant Sarkozy au bénéfice de l’ouverture. « Je n’étais plus de gauche depuis longtemps… il fallait que des anciens socialistes puissent rejoindre la majorité de Sarkozy sur l’alliance des libertés et de l’autorité » explique l’ancien directeur de cabinet de Brice Hortefeux. L’homme portera les couleurs du RN et de l’UDR à Dijon, où il tentera en 2026 de ravir la mairie.

C’est au tour des têtes de gondole de la soirée de se succéder : les leaders des principaux partis de droite. La discussion est animée par Christine Kelly. L’exercice, intitulé « Grand oral », a des airs d’entretien d’embauche, alors que les deux mécènes de la droite libérale-conservatrice cherchent un poulain en vue des présidentielles. On commence avec Jordan Bardella, président du Rassemblement national. Le jeune chef de parti n’a eu aucun mal à défendre une ligne pro-business… assez éloignée de celle de Marine Le Pen. « Au moins, Mitterrand a attendu d’être au pouvoir pour faire le tournant libéral » croit bon de rappeler la mauvaise langue. Bardella enchaine ensuite les mots clefs de la droite des années 2000 : « la France vit au-dessus de ses moyens ». Mais il n’est jamais aussi à l’aise que sur le registre de l’anti-intellectualisme, notamment lorsqu’il esquive toute définition conceptuelle. « La liberté on pourrait longtemps pérorer sur le concept » ; puis il fait applaudir à tout rompre C8, « chaine la plus populaire », « censurée par l’Arcom ».

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Tandis que Marion Maréchal essuie quelques noms d’oiseau lors de son passage en tribune (le coup de Jarnac qui a conclu son passage à Reconquête n’étant pas digéré de tous), à l’applaudimètre, Sarah Knafo rafle nettement la mise. Pasionaria de la droite nationale depuis son arrivée dans le champ médiatique il y a tout juste un an, elle n’a aucun mal à séduire aussi une droite plus libérale… et à accélérer la fusion de ces deux tendances. « Imaginez deux boulangers. L’un est subventionné, protégé par le maire, payé d’avance. L’autre paie tout, subit les contrôles… et pourtant, c’est chez lui que les gens font la queue ! Ce n’est pas une fable. C’est CNews contre le service public. (…). France télévisions est un abonnement obligatoire qui coûte 83 euros à chacun d’entre nous ». Il n’y a plus qu’à envoyer le formulaire de résiliation à Delphine Ernotte.

Toujours à l’affût des micro-tendances, nous étions aussi curieux d’observer le passage de Nicolas Dupont-Aignan. Incapable de mener une liste aux Européennes, défait aux législatives quelques semaines plus tard, l’ex-futur Premier ministre de Marine Le Pen et son mouvement semblent au début de leur crépuscule. Devant la droite Bolloré, « NDA » défend la sortie de l’UE, la participation salariale et l’accès à la propriété. L’ancien député de l’Essonne est venu avec ses thèmes et ne s’est pas complètement adapté à son auditoire. Presque une audace, en plein « Grand oral » national-libéral.

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La vérité étouffée, le réel masqué: sur la propagande, la Palestine et l’aveuglement des élites

Ensauvagement. Face à l’insécurité dans les rues et face à l’insécurité culturelle qui s’installe dans les esprits, toute une haute bourgeoisie intellectuelle laisse la situation pourrir, laisse brûler, et laisse le peuple subir, observe notre chroniqueur…


Qui propage le mensonge ? Qui le fait circuler, le glisse dans les esprits comme une traînée de poudre, le travestit sous les atours de la vérité morale et du savoir éclairé ? Ce ne sont pas les gens du peuple. Non, le peuple n’a ni le temps ni la prétention de comprendre ce qui se joue, à mille lieues de ses préoccupations immédiates, au cœur de Gaza ou de Ramallah. Ce peuple-là — ou ce qu’il en reste — vit les yeux dans le gris, préoccupé par sa survie, sa sécurité, la déchéance d’un quotidien rongé par l’insécurité, par la misère, par le délitement du lien social. Il ne lit pas Le Monde, il n’écoute pas France Inter, il ne consulte pas les éditos du Monde diplomatique. Il vit. Il endure.

Demi-sachants

Ce sont les élites qui propagent. Les élites intellectuelles, médiatiques, universitaires, administratives. La France Insoumise, bien sûr, porte flambeau d’une gauche qui s’est dévoyée dans l’antisionisme paré des oripeaux du progressisme. Mais elle ne fait que cristalliser ce que pensent tout bas bien d’autres segments de la société cultivée : enseignants, magistrats, chefs de service dans la police ou le social, hauts fonctionnaires, journalistes, directeurs de conscience dans les ONG et les grandes écoles. Tous ces demi-sachants, engoncés dans leur bonne conscience, persuadés de comprendre le Moyen-Orient à force de lectures biaisées, de colloques creux et d’un entre-soi moral qui ne supporte ni la nuance ni la contradiction.

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Ils ne vivent pas les réalités qu’ils commentent. Ils ne subissent pas la montée de la violence dans les quartiers. Ils ne voient pas ce que le peuple voit : la transformation lente mais certaine de pans entiers du territoire en zones de non-droit, le recul du droit commun face à des logiques communautaires. Et dans leur aveuglement, ils enseignent. Ils formatent. Ils éduquent des générations de lycéens, d’étudiants, d’apprentis fonctionnaires à haïr l’Occident, à voir en Israël le diable, en Netanyahou un criminel, en chaque Palestinien une victime pure et désincarnée. La vérité devient suspecte, la complexité est chassée comme hérétique. L’histoire elle-même est triturée, inversée.

L’autorité n’est pas la haine

Et pourtant, il existe des mesures de bon sens. Il y en a. Elles ne relèvent ni du fantasme, ni de l’extrémisme, mais d’un souci élémentaire de survie collective. Des mesures à prendre sur l’immigration de masse, sur la délinquance, sur l’insécurité quotidienne, sur la restauration d’un ordre minimal dans les rues, les écoles, les tribunaux, les hôpitaux. Mais qui résiste à ces mesures ? Qui les bloque ? Ceux-là mêmes qui, au nom d’une idéologie issue du traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, voient dans tout étranger un nouveau juif pourchassé. Ce prisme moral, aussi dévoyé que paralysant, confond la fermeté avec la persécution, la lucidité avec le racisme, l’autorité avec la haine.

Ce sont eux encore, cette caste — non seulement la haute bourgeoisie intellectuelle, mais aussi toute la hiérarchie intermédiaire des institutions — qui empêche toute réforme réelle. La magistrature, les médias, les rectorats, les directions de la police, les hautes sphères du social et de la santé : tous formatés à cette idéologie victimaire, persuadés qu’agir serait céder à la bête immonde. Alors ils laissent pourrir. Ils laissent brûler. Ils laissent le peuple subir. Et ils s’enorgueillissent d’être du bon côté de l’Histoire, alors qu’ils n’ont même plus la décence de regarder le pays en face.

A lire aussi, du même auteur: Montagnac ou le refus de partager

C’est là que je dis — oui, je le dis sans honte — que je suis populiste. Parce que je crois, comme en 1942, que le peuple est resté digne, quand les élites se sont couchées. Ce ne sont pas les paysans du Limousin ou les ouvriers des faubourgs qui ont organisé les rafles, rempli les autobus, tenu les registres. Ce sont des magistrats, des préfets, des commissaires, des fonctionnaires zélés. Ceux-là même que l’on trouve aujourd’hui à la tête des grandes institutions, prompts à s’émouvoir de Gaza mais muets devant le sort des femmes violées à Lyon ou des enfants tués à Marseille.

Ce peuple que l’on accuse aujourd’hui de racisme, parce qu’il résiste — dans le silence et parfois dans la colère — à l’ensauvagement de son environnement, à l’islamisation qu’il voit progresser chaque jour sans pouvoir la nommer. Ce peuple humilié, moqué, invisibilisé, qui pourtant recèle encore en lui les vestiges d’un courage ancien, d’un instinct de conservation que la bourgeoisie a depuis longtemps sacrifié sur l’autel de son confort. C’est ce peuple qui demeure l’honneur de la France. Et ceux qui l’insultent aujourd’hui sont les mêmes que ceux qui trahissaient hier. L’histoire se répète, non comme farce, mais comme honte.

Villepin, ou ces «humanistes» qui bradent la France

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Dominique de Villepin a lancé hier son mouvement politique, « La France humaniste », et il publie ce jour un livre, Le Pouvoir de dire non, chez Flammarion, dans lequel il affirme pouvoir incarner la France des Lumières. Ses détracteurs le soupçonnent au contraire d’être sous les influences les plus diaboliques.


Se méfier des « humanistes » autoproclamés. J’ai constaté, chez ceux qui se gratifient ostensiblement de cette vertu, une propension à la jactance et à l’évitement, quand ce n’est pas à la traîtrise. Ces beaux esprits, enamourés d’eux-mêmes, sont pareils à la Célimène de Baudelaire (L’Imprévu). Elle « roucoule et dit: « Mon cœur est bon ». Mais le poète précise: « Son cœur ! cœur racorni, fumé comme un jambon (…) ». En ayant choisi hier, en vue de la campagne présidentielle, de baptiser son propre parti « La France humaniste », Dominique de Villepin a rejoint la cohorte des faux gentils, dont j’avais dénoncé la tartufferie en 2004 dans un de mes livres[1]. Depuis cinquante ans, ces clercs bradent la nation fragile en l’ouvrant toujours davantage, au nom de la fraternité et autres raffarinades, à un islam ombrageux et remplaciste.

Jean-Luc Mélenchon grand remplacé ?

J’ai déjà rappelé ici le 21 mai[2] les démentes envolées immigrationnistes et islamophiles de Villepin. Ses odes à la société ouverte et multiculturelle le rapprochent de Jean-Luc Mélenchon pour qui, lui aussi, « l’insoumission est un nouvel humanisme ». C’était en portant cette même générosité en sautoir qu’Alain Juppé plaidait naguère pour les « accommodements raisonnables », destinés à satisfaire un séparatisme civilisationnel se réclamant d’Allah et de l’oumma post-nationale. Quand Villepin en appelle également, dans sa course à l’Élysée, à « l’unité » de la nation, ce mot creux avait déjà été avancé par Emmanuel Macron, le 12 novembre 2023, pour ne pas se joindre à la « marche pour la République et contre l’antisémitisme », après le pogrom islamiste et anti-juif du 7-octobre.

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Prêt à toutes les reculades

Ces humanistes-là avancent masqués. Ils sont intellectuellement prêts à toutes les reculades pour diluer l’identité nationale dans une civilisation conquérante, en conflit millénaire avec l’Occident. Hormis sans doute son approche économique et son bagage culturel, rien ne différencie plus Villepin de l’extrême gauche. Ils sont unis dans la détestation de la droite souverainiste et du peuple enraciné. L’ancien Premier ministre de Jacques Chirac se profile comme un possible concurrent, plus présentable, face à un Mélenchon fossoyeur du Français[3].

Villlepin crée son parti : mieux Qatar que jamais !

Les sondages d’opinion sont flatteurs à son endroit. Sa détestation d’Israël et son palestinisme obligé, héritages de la politique arabe issue de la diplomatie gaulliste, sont appréciés y compris d’une extrême-droite antisioniste et antisémite qui, à rebours des soutiens du RN à Donald Trump et Benyamin Nétanyahou, dénonce les bombardements israéliens et américains contre les sites nucléaires des mollahs apocalyptiques.

Les assauts de Villepin contre Bruno Retailleau sont proportionnels aux déclarations de guerre du ministre de l’Intérieur contre les Frères musulmans et leurs collaborateurs, l’immigration de masse, ou le régime algérien qui détient plus que jamais Boualem Sansal en otage.

Dans la fracture identitaire qui sépare la France en deux, y compris lors de la dernière Fête de la musique, les humanistes de carnaval ont choisi l’oummanisme (cf. le bon mot de Céline Pina) et le parti de l’étranger. Bas les masques !

Le Pouvoir de dire non

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[1] La république des faux gentils, Le Rocher

[2] https://www.causeur.fr/rapport-renseignements-freres-musulmans-ces-irresponsables-qui-ont-permis-lislamisation-de-la-france-rapport-freres-musulmans-310040

[3] https://www.lefigaro.fr/politique/elle-n-appartient-plus-aux-francais-melenchon-souhaiterait-rebaptiser-la-langue-francaise-en-langue-creole-20250623

Bruxelles étrangle nos agriculteurs avec des « tarifs » sur les engrais

L’UE doit au contraire apporter des solutions d’urgence pour notre secteur agricole, déjà étranglé par la hausse du prix des fertilisants.


L’Union européenne prétend défendre ses agriculteurs, mais sa dernière offensive commerciale – des droits de douane imposés dès le 1er juillet 2025 sur les engrais russes et biélorusses – frappe de plein fouet ceux qu’elle jure de protéger.

Les engrais soumis à une terrible inflation

Présentée comme un rempart contre la dépendance à Moscou et un coup porté au financement de la guerre en Ukraine, cette mesure est une erreur stratégique qui aggrave la crise des engrais et menace la sécurité alimentaire de 450 millions d’Européens. Bruxelles doit revoir sa copie, et vite, avant que nos campagnes ne s’effondrent sous le poids de ces décisions.

Les chiffres sont alarmants. Depuis janvier 2025, les prix des engrais ont bondi de 11% au niveau mondial, selon la Banque mondiale, avec des hausses de 20% pour l’urée, 18% pour la potasse et 20% pour le phosphate. En Europe, c’est pire : l’urée se négocie à 397 € la tonne en juin, 15% de plus qu’en 2024, contre un prix mondial de 350 €. Pour un céréalier, cela représente un surcoût de 25 à 30 € par hectare, anéantissant des marges déjà fragiles. Ces tarifs, débutant à 40 € par tonne et prévus pour grimper à 300 € d’ici 2028, pèsent directement sur les agriculteurs, ajoutant une facture annuelle estimée à 400-500 millions d’euros.

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Copa-Cogeca, la voix des agriculteurs et des coopératives européennes, n’a pas mâché ses mots : « Bruxelles alourdit les coûts de production dans un contexte où les agriculteurs sont déjà asphyxiés par la flambée des prix de l’énergie et les réglementations environnementales. » L’organisation dénonce une mesure qui, loin de protéger les fermes européennes, les expose à des importations plus coûteuses en provenance d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient, incapables de compenser le déficit laissé par les millions de tonnes d’engrais russes importés en 2024 pour un montant de 2,12 milliards d’euros.

Promesse non tenue

La Commission européenne avait anticipé cette flambée des prix. Elle avait promis des « mécanismes de compensation » pour amortir le choc. Où sont-ils ? À ce jour, aucun soutien tangible n’a été déployé, laissant les agriculteurs seuls face à des coûts insoutenables. Pendant ce temps, les chocs géopolitiques s’accumulent : les tensions au Moyen-Orient font grimper le pétrole (+10 %) et le gaz européen (+6,6 %), essentiel à la production d’engrais azotés. Les récents bombardements ukrainiens sur des usines russes, comme Novomoskovsk Azot et Nevinnomyssk Azot, ont temporairement paralysé des sites produisant davantage que la consommation annuelle de la France et de l’Allemagne réunies. Auparavant, l’Ukraine n’avait pas ciblé d’usines d’engrais. Une riposte russe sur les usines d’engrais ukrainiennes, comme celle de Rivne, pourrait non seulement aggraver la pénurie, mais aussi provoquer une catastrophe environnementale aux portes de l’UE.

Pire encore, Bruxelles alourdit le fardeau avec une taxe carbone imminente et une transition énergétique qui, bien que nécessaire, expose les agriculteurs à une volatilité accrue des prix de l’énergie. Les alternatives aux importations russes – Égypte, Qatar, Arabie saoudite – sont insuffisantes, surtout si les exportations iraniennes s’effondrent sous l’effet des tensions militaires.

Urgences

Pour éviter le désastre, Bruxelles doit agir sans délai : verser les compensations promises avant la saison des semis pour soutenir les agriculteurs en difficulté, contribuer à l’arrêt des frappes visant les infrastructures de production d’engrais afin de limiter les hausses imprévisibles des prix, investir dans une production européenne d’engrais – notamment l’ammoniac vert et le recyclage des déchets organiques – pour réduire la dépendance aux importations instables, coordonner une stratégie énergétique assurant un gaz abordable tout en accélérant la transition vers les énergies renouvelables, et créer une réserve stratégique agricole pour amortir les pénuries et stabiliser les prix.

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Les agriculteurs européens ne peuvent plus être les otages des errements bureaucratiques et des tensions géopolitiques. Bruxelles doit cesser de les sacrifier au nom d’objectifs mal calibrés. Nos fermes, nos assiettes et notre souveraineté alimentaire sont en jeu. L’heure n’est plus aux promesses, mais aux actes.

Panoptique malais


Né en 1985, le cinéaste Yeo Siew Hua s’est fait connaître en France par son deuxième long métrage, Les Etendues imaginaires, Léopard d’Or au festival de Locarno, sorti dans nos salles il y a six ans. Le scénario vous égarait dans une enquête sur la disparition d’un ouvrier chinois sur un chantier du littoral de Singapour…  

Colombo singapourien

Stranger Eyes, prolongement de ce polar métaphysique augural, s’ouvre sur une autre disparition, celle de Bo, une enfant de deux ans, dans un square de Singapour où le jeune papa, assis sur un banc public, la perd de vue pendant les quelques secondes fatales où il répond à un appel sur son smartphone. Le couple éploré fait appel à la police, la grand-mère distribue inlassablement des affichettes aux passants, un enquêteur se lance avec méthode sur la piste du ravisseur présumé, au cœur de cette cité-Etat insulaire surpeuplée (six millions d’habitants), bardée de caméras de surveillance et connue, comme chacun sait, pour être l’une des plus sécurisées de la planète. Elle est, en quelque sorte, le vrai personnage central du film.

Le mystère s’épaissit encore quand les parents dévastés, sur le palier de l’appartement qu’ils occupent dans une vaste barre d’immeuble, réceptionnent des DVD leur renvoyant l’image de leur vie domestique et conjugale, de longue date filmée par un étrange voyeur. « La police n’a plus besoin de jouer à cache-cache, ni d’agir sous couverture comme dans les films. Il suffit d’observer attentivement, et de patienter », assure le Colombo de service. De fait, les soupçons se concentrent vite sur un type d’âge mûr, en poste au pôle de vidéosurveillance sensé sécuriser le supermarché voisin.

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Mais l’intrigue prend un tour de plus en plus labyrinthique : Junyang, le père – incarné par l’acteur photogénique taïwanais Chien Ho Wu, 32 ans, d’une belle présence quasi mutique d’un bout à l’autre du film – commençant lui-même à filmer son harceleur, lequel habite seul, dans l’immeuble d’en face, avec sa mère aveugle…  Les fêlures intimes du petit ménage se creusent également, à mesure que la thématique de la surveillance panoptique se démultiplie dans le temps et dans l’espace, à travers les méandres d’un scénario décidément très cérébral.

Epicentre Films

Bof…

Formé à la philosophie, Yeo Siew Hua croit-il la pensée abstraite soluble dans le polar ? Si Stranger Eyes rappelle irrésistiblement Caché, ce joyau de Michael Haneke, et évoque par sa pente énigmatique et sensorielle l’univers de David Lynch, il s’en faut de beaucoup pour que son formalisme esthétique – dialogues raréfiés, lenteur calculée, montage ciselé, mises en abyme de l’image dans l’image, absence de musique, exceptée la sérénade de Endless Love, à mi-parcours, répétée en générique de fin – attise la flamme d’un suspense tant soit peu brûlant. La construction ésotérique du film a toutes chances de vous laisser en plan.


Stranger Eyes. Film de Yeo Siew Hua. Singapour, Taïwan, France, couleur, 2024. Durée : 2h04

En salles le 25 juin

L’origine du « Monde »

Après la politique, l’économie ou le climat, Le Monde se penche sur un nouveau front de la lutte progressiste: la vulve. Et Maïa Mazaurette n’est même pas dans le coup. Bienvenue dans le grand combat pour la réhabilitation des petites lèvres


Par ces temps de body positivism, faut-il s’inquiéter ou se réjouir du phénomène, Le Monde ne le dit pas ! Dans un article du 10 mai intitulé « Histoire esthétique de la vulve, de l’intime au politique1 », Virginie Larousse, numéro deux des pages « Débats », nous apprend que la chirurgie de l’intime représente déjà près de 4 000 interventions par an dans l’Hexagone – un chiffre probablement sous-estimé.

Derrière la préoccupation esthétique, la vogue de la nymphoplastie, vaginoplastie ou hyménoplastie serait le résultat d’une injonction sociale. Une activité florissante aux États-Unis, où les « vulvar designers » ont pignon sur rue. Après être passées sous le bistouri, nos amies les femmes ressortent toutes avec un sexe Barbie comme les actrices porno, réduit à une pure fente.

« L’idéal devient la norme ! Les femmes ont intériorisé ces représentations liées aux stéréotypes de genre », déplore la psychologue Sara Piazza. « Un sexe glabre, sans rien qui dépasse, ferme, rose et inodore. Il est difficile d’échapper aux normes des sociétés auxquelles on appartient », observe la gynécologue Sophie Berville.

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Cette obsession de la beauté génitale et cette chasse moderne aux petites lèvres s’inscrivent, selon Le Monde, dans une longue tradition de rejet du sexe féminin. Encore récemment, d’horribles machos ont véhiculé des représentations dégradantes de la vulve : Freud, par exemple, pour qui « l’appareil génital reste le cloaque ; chez la femme, il semble n’en être qu’une dépendance » ; Sartre, qui écrivait que « l’obscénité du sexe féminin est celle de toute chose béante » ; ou encore Alain Roger, selon qui la vulve a de tout temps été « sale, velue et gluante ».

La civilisation a interdit l’excision, alors faudrait-il refuser ces actes au nom de la lutte contre les normes sexistes ? Pas de réponse. Désormais, Le Monde ne nous dit pas seulement ce qu’il faut penser de Marine Le Pen ou de la guerre à Gaza. Il se soucie désormais de notre nombril.


  1. https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/05/10/histoire-esthetique-de-la-vulve-de-l-intime-au-politique_6604610_3232.html ↩︎

Top 14: la finale de la double revanche

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Finale du Top 14 du 28 juin 2024 au stade Vélodrome à Marseille UBB-Stade Toulousain © Adrienpittore/NEIRDAPROD/SIPA

Rugby. Après une humiliation historique infligée par Toulouse à Bordeaux-Bègles en finale du Top 14 l’année dernière, les deux équipes se retrouvent à nouveau face à face samedi au Stade de France.


Samedi, il y aura tout juste un an, lors de la finale du championnat de France du Top-14, disputée à Marseille pour cause de JO et non au Stade de France comme le veut la tradition, L’Union Bordeaux-Bègles (UBB) avait encaissé face au Stade toulousain (ST) une monumentale déculottée (59-3), sans précédente à ce niveau de la compétition. Son adversaire lui avait passé pas moins de neuf essais dont quatre transformés et deux pénalités.

L’UBB favorite ?

Dix mois plus tard, en demi-finale de la Champion cup (coupe d’Europe), c’est Bordeaux-Bègles qui sortait à l’issue d’un match échevelé Toulouse par un 35 à 18, la frustrant d’un potentiel sixième sacre européen, après avoir franchi la ligne d’en-but à cinq reprises, réussi deux transformations, contre deux et une transformation pour la partie opposée, et deux pénalités de chaque côté. 

En finale, à Dublin, en terre adverse, l’UBB s’est imposée par un 28 à 10, décrochant ainsi son premier titre, face au XV anglais de Northampton.

Du coup, la finale de ce samedi à Saint-Denis qui oppose pour la seconde fois consécutive les deux mêmes équipes, inaugurant peut-être un futur « clasico » du rugby, prend la tournure d’une double revanche, chacune voulant effacer l’affront subi. Mais les deux entraîneurs respectifs, Yannick Bru (UBB) et Hugo Mola (ST), ont implicitement réfuté qu’un esprit de revanche animent leurs joueurs, la culture du règlement de compte ne faisant pas partie du rugby. Même si Maxime Lucu, le capitaine de l’UBB, reconnaît que l’humiliation de Marseille « est toujours présente ». Mais ce n’est pas se venger que veut Bordeaux-Bègles mais se réhabiliter et Toulouse effacer un déboire de mauvais augure.

D’autant, singularité de ce match, que les joueurs des deux équipes ont l’habitude de jouer ensemble. Ils constituent l’ossature des Bleus et ont partagé la joie de remporter le Tournoi des Six nations, de vaincre les All Blacks. Toulouse fournit au XV français le gros des avants et Bordeaux-Bègles ses trois-quarts (dits la patrouille de France), et la charnière depuis la blessure d’Antoine Dupont. Disputer des matches sous le même maillot soude des fraternités et loyautés qui relativisent les rivalités de circonstance. Cette finale va donc opposer, en somme, deux moitiés de l’équipe de France, l’une à l’autre, deux conceptions du jeu, la puissance avec Toulouse, le mouvement avec Bordeaux-Bègles.

Sur le papier, l’UBB fait légèrement figure de favorite. En cette fin de saison, elle a le vent en poupe comme l’a démontré sa victoire en demi-finale contre Toulon par 39 à 14, grâce à quatre essais dont trois aplatis par son pilier, chevelure rousse et casqué, Maxime Lamothe. Réaliser un triplé en demi-finale est un exploit unique qui dément que la faiblesse de l’UBB soit désormais devant comme c’était sa réputation.

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Depuis son élimination de la Champion cup, rappelons-le par Bordeaux-Bègles, Toulouse marque le pas malgré une saison exceptionnelle en dépit de l’absence du meilleur joueur du monde dont les fulgurances étaient souvent décisives, Antoine Dupont, victime d’une grave blessure qui risque d’hypothéquer le reste de sa carrière. En effet, le Stade toulousain a battu son record de points inscrits. Sur les 26 matches disputés, il en a marqué 891, soit une moyenne par rencontre de 34.

Réussite dans l’abnégation

Avant de rencontrer en demi-finale Bayonne et de s’imposer difficilement par un étriqué 32 à 25 et avoir cumulé 13 fautes, signe d’une fébrilité certaine, le Stade toulousain s’était incliné déjà contre Castres (28-23) et à domicile face au Racing (35-37), défaites mettant fin à une série de 38 succès consécutifs, un record. En outre, dans la phase des matches aller et retour du championnat, Bordeaux-Bègles a vaincu Toulouse les deux fois par 12-16 en visiteur et 32-24 à domicile. 

« Le rugby, a dit Antoine Blondin, le chantre de l’Ovalie et du Tour de France, c’est l’art subtil de la réussite dans l’abnégation ». Devise qu’a su faire sienne Bordeaux-Bègles après l’électrochoc de Marseille.

Est-ce que l’UBB, détentrice d’un seul titre conquis cette année après 20 ans d’existence infructueux, confirmera son ascension en défaisant la plus titrée des équipes françaises, le Stade toulousain (23 championnats de France dont quatre des cinq dernières éditions, plus cinq coupes d’Europe) ? Le discret président bordelais-béglois, Laurent Marti, avait confié à Sud-Ouest, le quotidien de Bordeaux, après la victoire contre Northampton, que le bouclier de Brennus, qui récompense le titre de champion de France, avait pour lui plus de valeur que la coupe d’Europe.            

Dans un entretien accordé à Sud-Ouest, l’ancien entraîneur de Toulouse, Guy Novès, qui a fait de ce club un des meilleurs d’Europe sinon le meilleur, a estimé que les jeunes joueurs de ce dernier « ont appris à connaître le goût de la défaite. Ils en avaient peut-être besoin pour se remettre en cause ».

Et, un fabuliste, au vu du parcours réciproques des deux finalistes, aurait pu, lui, conclure que c’est le goût de la défaite qui donne sa saveur à la victoire. En tout cas, le match de samedi s’annonce fabuleux. Il reste aux deux équipes à le confirmer.  

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John Textor, le cowboy américain qui ne comprenait rien au football

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John Textor lors de la victoire de Lyon contre Strasbourg à Lyon, le 19 mai 2024 © ALLILI MOURAD/SIPA

Terrible désillusion pour l’Olympique lyonnais, qualifié pour la Ligue Europa dans les dernières minutes du championnat, mais relégué en Ligue 2 suite à la décision de la DNCG. Derrière cette descente aux enfers, c’est toute la logique des multipropriétés de John Textor dans le football qui est critiquée


23 février 2025. À l’occasion de la venue du Paris-Saint-Germain dans l’antre de l’Olympique lyonnais, John Textor apparaissait un chapeau de cowboy sur la tête, qu’il retira au moment de saluer les deux virages du Groupama Stadium. La facétie était en réalité une pique adressée au propriétaire du PSG qui l’avait renvoyé à ses origines américaines peu de temps auparavant. Ce jour-là, les fans de l’OL ont probablement pensé qu’il valait mieux avoir à la tête de leur club un magnat américain qu’un homme d’affaires qatari.

C’est pas de la bombe, bébé

Quelques mois plus tard, ils déchantent. Tandis que les Parisiens ont remporté la Ligue des champions, l’Olympique lyonnais vient d’être relégué en Ligue 2 par la Direction nationale de contrôle et de gestion (DNCG), gendarme du football français dont le sigle fait penser à une officine du renseignement. Faute de garantie financière, l’OL est donc rétrogradé et son propriétaire pris pour cible : les Bad Gones, principal groupe de supporters du club, animant le Virage nord du stade, n’ont pas manqué d’afficher des calicots hostiles sur les ponts de la capitale des Gaules. La guerre est déclarée : heureusement, Textor ne possède pas dans son arsenal de bombe GBU-571 pour anéantir les BG872.

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Évidemment, c’est tout un système et même une vision du football qui sont une nouvelle fois interrogés. Lyon, autrefois entre les mains sûres de Jean-Michel Aulas, appartient désormais à une de ces galaxies de clubs détenus par le même propriétaire. Ces multipropriétés sont un des cancers du football moderne, car chaque entité n’est qu’une variable d’ajustement d’un projet global, faisant fi des particularités locales et des histoires propres à chaque blason. Ailleurs dans la noria textorienne, la colère gronde d’ailleurs aussi.

Molenbeek, Londres…

Dimanche dernier, plusieurs centaines de sympathisants du RWDM, club populaire bruxellois, effectuaient une marche pour dénoncer le changement de nom de leur club. Pour le mi-clown, mi-tycoon américain, le M du sigle, qui renvoie à Molenbeek où évolue le club, n’est pas vendeur en raison de la sulfureuse réputation de la commune. Pourtant, les supporters du RWDM sont majoritairement issus de la classe populaire blanche, parfois émigrée ailleurs dans la Région bruxelloise ou dans les Brabant flamand et wallon ; leurs ultras penchent quant à eux clairement à droite. Rien à voir avec des islamistes donc.

Dans la galaxie Textor, Crystal Palace est à peine mieux loti. Le club de la capitale londonienne, situé dans le quartier qui avait accueilli l’exposition universelle de 1851, végète dans le ventre mou de la Premier League, loin du prestige des clubs de Manchester, de Liverpool ou de Chelsea. Si le club a remporté la dernière Coupe d’Angleterre, il n’est pas certain qu’il puisse participer à la prochaine Coupe d’Europe en raison justement de la double casquette de son actionnaire principal. Pour se prémunir d’un nouvel affront, il vient de revendre ses parts dans le club londonien à… un autre Américain fortuné.

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Dans leur malheur, les supporters lyonnais verront peut-être un espoir et un réconfort : un appel à la décision de relégation est possible et, si celui-ci devait ne pas aboutir, ils auront la possibilité de vivre un derby face à l’ennemi stéphanois la saison prochaine. Une rivalité dont John Textor ne comprend sans doute pas la portée…


  1. GBU-57 : bombe anti-bunker américaine utilisée récemment en Iran ↩︎
  2. BG87 : Bad Gones 1987 ↩︎

Le bac de français sans Français

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Elisabeth Borne, ministre de l'Éducation nationale, se rend au lycée Buffon pour le début des épreuves écrites du baccalauréat général et technologique, à Paris, le 16 juin 2025 © Stephane Lemouton/SIPA

Chaque année, à l’approche des examens, les syndicats de profs dénoncent la « surcharge » pesant sur les enseignants mobilisés pour le bac de français. Pourtant, entre exigences orthographiques et grammaticales revues à la baisse et consignes de correction assouplies, tout semble fait pour leur simplifier la tâche


« Le ministère ne veut pas comprendre la charge de travail qui s’abat sur les collègues convoqué.es comme jury de bac. En français et philosophie, la pression est même insoutenable »1. C’est le SNES-FSU qui l’affirme, dans un communiqué de presse du 12 juin 2025, avec un appel à la grève en appendice. Comme tous les ans. Enfin, avec ce motif, puisque l’appel à la grève, dans l’Éducation nationale, c’est plutôt toutes les quatre à six semaines. Alors pourquoi cette participation aux examens, charge normale d’emploi et obligation de service, pèse-t-elle si lourdement sur les épaules et le « mental » des professeurs ? Cette revendication syndicale est-elle justifiée ?

C’est faire fi des efforts de l’Institution pour leur alléger la tâche. Tout d’abord, elle veille à ce qu’il n’y ait pas trop de contenu : quatre œuvres étudiées en français pendant l’année de première et des parcours de lecture associés qui n’en sont plus (des 24 textes prévus par la réforme Blanquer pour l’oral de français, on est arrivé à 16 textes en 2024). Ensuite, les commissions d’entente académiques enjoignent aux correcteurs de « relâcher la pression » : les corrigés nationaux des dissertations sont à considérer « comme une proposition de pistes et non la représentation de ce que l’on doit s’attendre à trouver dans les copies d’élèves » ; on n’exige (surtout) pas une « organisation canonique en trois parties elles-mêmes constituées de trois sous-parties » pour le commentaire et on ne sanctionnera pas « l’absence de paragraphes » ; pas de « pénalité supplémentaire comme cela pouvait se faire lors des sessions précédentes » quand l’orthographe et la syntaxe sont défaillantes. En d’autres termes, on souffle, on se détend, on libère les chakras.

À lire aussi, Corinne Berger : Rappel à l’ordre

Enfin, copies et correction sont dématérialisées via le logiciel Santorin2, gage d’un voyage mémorable. Comme l’île égéenne, il offre, cette année, des panoramas variés. Autant que de copies : un morceau de rap, des vœux de bonne correction, une déclaration suicidaire de huit pages, une recette de tiramisu pour 24 personnes… Parfois, l’Éducation nationale y appose un pictogramme : un bonhomme aux bras levés qui signale, depuis l’année dernière, les copies de certains « candidats en situation de handicap » et, par surcroît, édition 2025, des « élèves allophones nouvellement arrivés (EANA) ». Il est alors exigé du correcteur qu’il ne prenne pas en compte « la qualité rédactionnelle dont l’orthographe » : cerise sur le tiramisu. Ainsi, pour briller au bac de français, mieux vaut ne pas le parler. Le baccalauréat de français sans français, ni Français.

Il faudrait songer à rebaptiser le programme Santorin. Cap sur Lampedusa, lège, voile au vent : de quoi se refaire une santé ! Et le SNES se plaint ?


  1. Communiqué de presse du SNES-FSU, 12 juin 2025 https://www.snes.edu/article/communiques/alerte-sur-le-bac-2025/ ↩︎
  2. Le « Systeme d’Aide Numérique à la noTatiOn et corRectIoN  » nommé SANTORIN est un service intégré à CYCLADES se donnant pour mission de gérer la correction dématérialisée d’examens/concours. ↩︎

Jean Anouilh, le jeune homme (éternellement) vert

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"Souvenirs d’un jeune homme" au Théâtre de Poche -Montparnasse © Alejandro Guerrero

Un festival Jean Anouilh ! Léocadia au Lucernaire et Souvenirs d’un jeune homme au Poche-Montparnasse.


Jean Anouilh (1910-1987) revient depuis quelques années – et c’est une bonne nouvelle. Après Eurydice, La Culotte (avec Herrade von Meier, irrésistible héroïne d’Anouilh – entre autres), Pauvre Bitos, et avant, bientôt, Le Bal des voleurs(12 juillet-31 août au Funambule Montmartre), 2 pièces se jouent en ce moment à Paris (nous bougeons peu de Paris, hélas – ou non).

D’abord, Léocadia, au Lucernaire, jusqu’au 27 juillet. Et Jean Anouilh-Souvenirs d’un jeune homme (d’après ses… souvenirs, La Table Ronde, 1987), jusqu’au 9 juillet, au Théâtre de Poche – notre seconde maison. Et les deux sont délicieux.


« C’est très joli la vie, mais cela n’a pas de forme », disait Anouilh qui s’appliqua à lui en donner, en particulier pour nous dans La Répétition ou l’amour puni (un de ses chefs d’œuvre) – où sa lucidité, voire son désenchantement, n’empêchait pas l’enchantement : allez comprendre ! C’est tout Anouilh.

Souvenez-vous. La Répétition, c’était ça – par exemple : « Je m’intéresse assez peu, personnellement, aux confidences. C’est toujours à peu près la même chose et cela ne soulage que celui qui les fait. Vous êtes jeune, vous débarquez au pays de l’amour ; vous devez avoir l’impression d’être une exploratrice, de découvrir des continents… Ne protestez pas, c’est très gentil… Vous apprendrez bien assez vite que la pièce ne comporte que deux ou trois rôles, deux ou trois situations toujours les mêmes – et que, ce qui jaillit irrésistiblement du cœur dans les plus grands moments d’extase, ce n’est qu’un vieux texte éculé, rabâché depuis l’aube du monde, par des bouches aujourd’hui sans dents. On n’invente guère. Jusqu’aux vices qui sont d’une banalité, d’une précision, désespérantes ! Un vrai catalogue, avec les prix courants dans la colonne de droite. Car tout se paie bien entendu. Sodomie : solitude et ulcère indiscret ; éthylisme : ascite et cirrhose ; passion : fatigue ; tendre amour : cher petit cœur brisé. On n’y coupe pas ! »

Si cela n’est pas un morceau de bravoure inoubliable… Par ailleurs, aveu : j’aime beaucoup Anouilh, aussi parce qu’il ponctue comme je le fais, sans fin, avec des tirets, des virgules, des points virgules, etc. Il connaît les ressources de la langue, et il en use. Merci Monsieur Anouilh, ma meilleure excuse.

Mais après cet apéritif pour redire le génie d’Anouilh, revenons à Léocadia, puisque c’est la pièce que l’on a (re)vue en premier.

Toute la fantaisie d’Anouilh s’y trouve. Imaginez : un jeune homme « sombre dans la mélancolie depuis la mort de son grand amour, Léocadia » (rencontrée trois jours avant sa mort, seulement – précision importante pour… « grand » amour).

Une jeune modiste, Amanda, pure, apparemment naïve mais plutôt douée du génie de la candeur, est embauchée par la tante du jeune homme (un prince, comme dans n’importe quel conte de fée) pour jouer le rôle du « souvenir » de Léocadia – il se trouve qu’elle lui ressemble, c’est même pour cela qu’elle a été embauchée.

Elle va jouer « son » rôle (celui de Léocadia), pendant trois jours. Et inventer le sien propre : le 4ème ?

Cela se finit – donc c’est triste. Mais cela se finit « bien » – donc ce n’est pas triste. Quelle idée… géniale : incarner un souvenir, pour lutter contre le mal d’amour, en faire « passer » le souvenir – comme on le dit d’une couleur (pâlie… ou passée).

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Tout est réussi dans ce spectacle : la scénographie si inventive, l’alchimie entre les comédiens de la compagnie Les Ballons rouges (une vraie troupe de – grands, jeunes et moins jeunes – professionnels) – et puis ce texte tellement onirique…

On ne bavardera pas autour de ce spectacle parfait. Une mention spéciale peut-être pour Amanda-Léocadia : Camille Delpech – qui a la fraîcheur, le primesaut et la science de l’héroïne d’Anouilh rêvée. Et une autre pour la trop méconnue Valérie Français, dans le rôle de la tante extravagante – régal.

Celles-et-ceux qui ont aimé La Belle époque, le si romanesque et romantique film de Nicolas Bedos, aimeront ce moment – où tout est réuni : délicatesse, poésie, humour. Et, non pas « absurde » – mais rêverie.

Au Théâtre de Poche, ce sont les Souvenirs d’Anouilh (titre : La Vicomtesse d’Eristal n’a pas reçu son balai mécanique) qui sont mis en scène, joués par Gaspard Cuillé (ou Emmanuel Gaury) et Benjamin Romieux, de la Compagnie du Colimaçon – celle-là même qui monta avec succès (un an à l’affiche, 2023-2024), Eurydice.

La mise en scène ? Le contraire du « divertissement » (qui di-vertit, sens strict) : un bureau, deux chaises – et deux Anouilh qui se font face (mais pas seulement…). Ce sont surtout les deux Anouilh qui nous ont requis.

Cela commence, pour le jeune Bordelais, au service des Réclamations des Grands Magasins du Louvre. Vocation ratée, donc – d’ailleurs son chef le lui dira : « C’est dommage, Anouilh, car vous aviez l’étoffe d’un bon réclamateur. »

Puis c’est une expérience – brève aussi – dans une agence de publicité (« concepteur-rédacteur ») où il rencontre (quand même) Jacques Prévert, Paul Grimault, Georges Neveux et Jean Aurenche.

Il écrit Humulus le muet (que nous ne connaissons pas mais dont le « résumé », sur scène, fait mourir de rire), une première version du Bal des voleurs – et L’Hermine (1931, Théâtre de l’Œuvre, 1932), avec Pierre Fresnay : premier succès – avant Le Voyageur sans bagage (1936, Mathurins-Pitoëff, 1937).

Puis il y a la guerre (et Eurydice en 1942 à l’Atelier, Antigone en 1944), le cinéma, Louis Jouvet, etc. Les Mémoires du jeune homme Anouilh se terminent avec la création d’Antigone, l’évocation du rôle de Georges Pitoëff (« un génie »), d’André Barsacq, un presque frère pour Anouilh. Etc.

Avouons que l’on était un peu circonspect, à propos d’une mise en scène de ces souvenirs : les souvenirs, il vaut mieux les lire, pensions-nous. Assister à un long monologue qui égrène les étapes d’une vie… Pas gagné.

Nous avions tort : la mise en scène, les effets musicaux, les lumières, et surtout, les deux comédiens – le soir où nous étions, c’était Gaspard Cuillé et Benjamin Romieux – sont exceptionnels. Si drôles, si accordés, si complices et espiègles ! À croire, après Léocadia, qu’Anouilh procure du talent à quiconque s’y colle. C’est faux : les deux acteurs, comme la troupe de Léocadia, sont simplement mémorables. Deux occasions exceptionnelles de voir et d’écouter Anouilh, son humour, sa tendresse, son humanité.

Une « précision » à propos du rôle d’Anouilh pendant la guerre. Note ami Stéphane Barsacq ne manque jamais de dire ce que son aïeul d’origine juive, André Barsacq (1909-1973) – directeur du Théâtre de l’Atelier et metteur en scène d’Anouilh, d’Aymé, etc. -, a dû à la protection d’Anouilh, pendant la guerre.

Voilà pour les donneurs de leçons. Qui fatiguent terriblement, surtout lorsque leurs leçons sont erronées – et occultent celles-et-ceux qui ont eu, alors, une souplesse enviable. N’est-ce pas Sartre, Beauvoir, Duras, Blanchot, etc. ? L’époque était ce qu’elle était : difficile, compliquée, grise, dangereuse. Héroïque, pas toujours. A sa manière, à sa mesure, Anouilh fut « du côté » de ces gens qui ont fait ce qu’ils ont pu, et toujours le bien : Stéphane Barsacq, qui a une mémoire d’éléphant (euphémisme), ne manque jamais de le mentionner – et il a raison. Fin de la « précision ».

Une ultime (autre précision) – quand même : nous n’arbitrerons pas entre les deux pièces : « rien de commun » (comme disait José Corti, sa devise) – sinon Anouilh. Donc, rien à perdre. D’un côté le côté biographique, fantaisiste et drôle, mais aussi déclaration d’amour au théâtre ; de l’autre, l’œuvre, invitation funambulesque au voyage (amoureux). A vous de voir. Aucun risque d’un côté comme de l’autre. Qui aime Anouilh sera conquis par l’une – et l’autre.

NB. Nous étions un jeune homme (oui, déjà), nous avions lu L’Hurluberlu ou le réactionnaire amoureux – et avions beaucoup aimé : cette pièce est si drôle, elle aussi. A-t-elle vieilli ? Je ne sais pas, je ne l’ai pas relue. Une de ces deux compagnies s’en saisira-t-elle ? Nous aimerions beaucoup. La suite ? À venir. Comme son nom l’indique (sourire).


Toute l’œuvre de Jean Anouilh est disponible (en principe) à La Table Ronde, en poche (collection La Petite Vermillon) ou en édition originale.

Léocadia, de Jean Anouilh, mise en scène de David Legras, Théâtre du Lucernaire (53, rue Notre-Dame des Champs 75006 Paris – 01 45 44 57 34). Jusqu’au 27 juillet – 1H30.

Jean Anouilh, souvenirs d’un jeune homme, jusqu’au 9 juillet, au Théâtre de Poche-Montparnasse (75006). Tél. : 0145445021. Uniquement le mardi et le mercredi à 19H. Durée : 1H10.

Et toujours : Bréviaire capricieux de littérature contemporaine pour lecteurs déconcertés, désorientés, désemparés, de François Kasbi, Éditions de Paris-Max Chaleil – à propos de 600 écrivains, femmes et hommes, de France et d’ailleurs.

Liberté, que de partis on crée en ton nom !

Jordan Bardella interviewé par Christine Kelly lors du Sommet des Libertés à Paris, 24 juin 2025 © D.R.

Vers une union des droites? La première édition du Sommet des Libertés s’est tenue mardi soir au Casino de Paris, devant une salle comble. Grâce à l’implication de MM. Stérin et Bolloré, des personnalités issues du Rassemblement national, de «Reconquête» et des Républicains se sont ainsi croisées près des stands de dédicaces. Nos reporters se sont glissés parmi le public pour nous rendre compte de l’ambiance de la soirée.


Si l’on voulait croiser la droite chic et bien élevée, il fallait être au Casino de Paris ce mardi soir. Le premier « Sommet des libertés » s’y tenait, organisé à l’initiative de Pierre-Édouard Stérin et Vincent Bolloré en partenariat avec le JDNews.

On retrouve l’occasion d’un soir l’ambiance chapelet et Ralph Lauren des grands raouts de Valeurs Actuelles mais avec cette fois un peu moins d’identitaire et un peu plus de retraite par capitalisation. Pas de stand « institut Iliade » mais plutôt des think thanks libéraux, si vous préférez. C’est un peu comme si les pages saumon avaient avalé les pages débats du Figaro. « On peut venir sans être libéral et la Cocarde est présente partout », se justifie Edouard Bina, président de la Cocarde, le syndicat étudiant de droite sociale et souverainiste, surpris au rayon bière. On trouve des militants marinistes présents aux abords des stands. Une certaine confusion idéologique règne parfois. Les mots, les idées, les labels fusent…. Un ancien stagiaire de Reconquête est « libéral, identitaire et européen ». Les militants du RN présents sont surtout là pour « soutenir » leur président, Jordan Bardella. Quand il apparait sur scène, les applaudissements fusent. « National ou libéral, c’est une question de degré » élude l’un d’eux à la question de savoir si le parti de Marine Le Pen était maintenant converti au national-libéralisme. Le militant Oscar Piloquet, qui sera candidat à la maire d’Alençon, dans l’Orne, et « vient du fillonisme », tente de faire la distinction entre liberté et libéralisme : « ce n’est pas la même chose » assure-t-il. Liberté, que de partis on crée en ton nom !

Ciotti laboure son sillon

Éric Ciotti au Sommet des Libertés © GDS

Éric Ciotti est en dédicace et nous propose une synthèse. Il serre des mains, il sourit, il goûte sur scène à son triomphe quand il rappelle qu’il a été le premier à briser le tabou de l’union des droites: « National et libéral ? Les deux valeurs sont consubstantielles (…) L’État doit juste se recentrer et bien faire ses missions. » Dans un pays centralisé qui aime autant l’argent public, les partis de droite ont souvent affiché des tendances sociales ou dirigistes. Le national-libéralisme a-t-il un avenir en France ? « Il progresse en tout cas… » sourit l’auteur de Je ne regrette rien, sûr d’avoir trouvé un créneau politique porteur.

« Oui mais » plutôt que 18 juin

Sommet des libertés ? pas au point de laisser la tireuse à bière couler après le début des débats : « Le stand à bière est fermé… On voit qu’on est chez les libéraux. Les libéraux veulent tout interdire » peste l’avocat Laurent Frölich. À la tribune, se succèdent des intervenants et des clips vidéos.

Alexandre Jardin, devant un parterre bourgeois, défend la victoire de « ses gueux », qui pourront continuer de rouler au diesel dans les centres-villes. Assise à côté de nous, une mauvaise langue persiffle: « à force, il va se retrouver dans les mêmes eaux politiques que feu son grand-père ». Luc Ferry fait applaudir une énième « grande réforme » de l’Éducation nationale avec en prime l’urgence des « cours d’instruction civique ». Très Chevènement 1984 ! Il est par ailleurs paniqué quant à l’avenir de la liberté d’expression, renvoyant dos à dos les wokistes cancelleurs et l’administration Trump qui coupe les vivres de chercheurs. Il épilogue sur le danger des deep fakes, la fin du vrai et du faux… Notre mauvaise langue commente: « Les gens ont appris à lire à partir de Jules Ferry, et ont désappris à partir de Luc Ferry ».

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Laetitia Strauch-Bonart, auteure d’un lénifiant La Gratitude : Récit politique d’une trajectoire inattendue, explique devant un public peu convaincu qu’être de droite, c’est prendre fait et cause pour l’Ukraine et que c’est refuser toute alliance avec le Rassemblement national. Décidée à bousculer René Rémond, elle situe le gaullisme dans la continuité des conservateurs libéraux du XIXème siècle, continuateur pour son « oui, mais ». On connait pourtant la réponse de De Gaulle au « oui, mais » de Giscard : « on ne fait pas de la politique avec des mais ». L’ancienne élève d’Henri IV finit huée par le public. La mauvaise langue continue : « Macron a supprimé l’ENA. Quand j’entends Strauch-Bonart, je pense qu’il faut aussi supprimer l’ENS ».

La liberté, pour quoi faire ?

50 nuances de libéralisme ? On trouve même d’anciens « sarkozystes de gauche », comme Monsieur le préfet Thierry Coudert, de la Diagonale, club qui réunissait les cadres issus du PS refusant de voter Royal et ralliant Sarkozy au bénéfice de l’ouverture. « Je n’étais plus de gauche depuis longtemps… il fallait que des anciens socialistes puissent rejoindre la majorité de Sarkozy sur l’alliance des libertés et de l’autorité » explique l’ancien directeur de cabinet de Brice Hortefeux. L’homme portera les couleurs du RN et de l’UDR à Dijon, où il tentera en 2026 de ravir la mairie.

C’est au tour des têtes de gondole de la soirée de se succéder : les leaders des principaux partis de droite. La discussion est animée par Christine Kelly. L’exercice, intitulé « Grand oral », a des airs d’entretien d’embauche, alors que les deux mécènes de la droite libérale-conservatrice cherchent un poulain en vue des présidentielles. On commence avec Jordan Bardella, président du Rassemblement national. Le jeune chef de parti n’a eu aucun mal à défendre une ligne pro-business… assez éloignée de celle de Marine Le Pen. « Au moins, Mitterrand a attendu d’être au pouvoir pour faire le tournant libéral » croit bon de rappeler la mauvaise langue. Bardella enchaine ensuite les mots clefs de la droite des années 2000 : « la France vit au-dessus de ses moyens ». Mais il n’est jamais aussi à l’aise que sur le registre de l’anti-intellectualisme, notamment lorsqu’il esquive toute définition conceptuelle. « La liberté on pourrait longtemps pérorer sur le concept » ; puis il fait applaudir à tout rompre C8, « chaine la plus populaire », « censurée par l’Arcom ».

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Tandis que Marion Maréchal essuie quelques noms d’oiseau lors de son passage en tribune (le coup de Jarnac qui a conclu son passage à Reconquête n’étant pas digéré de tous), à l’applaudimètre, Sarah Knafo rafle nettement la mise. Pasionaria de la droite nationale depuis son arrivée dans le champ médiatique il y a tout juste un an, elle n’a aucun mal à séduire aussi une droite plus libérale… et à accélérer la fusion de ces deux tendances. « Imaginez deux boulangers. L’un est subventionné, protégé par le maire, payé d’avance. L’autre paie tout, subit les contrôles… et pourtant, c’est chez lui que les gens font la queue ! Ce n’est pas une fable. C’est CNews contre le service public. (…). France télévisions est un abonnement obligatoire qui coûte 83 euros à chacun d’entre nous ». Il n’y a plus qu’à envoyer le formulaire de résiliation à Delphine Ernotte.

Toujours à l’affût des micro-tendances, nous étions aussi curieux d’observer le passage de Nicolas Dupont-Aignan. Incapable de mener une liste aux Européennes, défait aux législatives quelques semaines plus tard, l’ex-futur Premier ministre de Marine Le Pen et son mouvement semblent au début de leur crépuscule. Devant la droite Bolloré, « NDA » défend la sortie de l’UE, la participation salariale et l’accès à la propriété. L’ancien député de l’Essonne est venu avec ses thèmes et ne s’est pas complètement adapté à son auditoire. Presque une audace, en plein « Grand oral » national-libéral.

Je ne regrette rien: L'heure est venue de dire pourquoi

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La vérité étouffée, le réel masqué: sur la propagande, la Palestine et l’aveuglement des élites

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À Paris, à l’occasion de la fête de la musique, une femme a été violemment frappée d’un coup de pied à la tête sur les quais, au pied de Notre-Dame, le samedi 21 juin © image issue des réseaux sociaux

Ensauvagement. Face à l’insécurité dans les rues et face à l’insécurité culturelle qui s’installe dans les esprits, toute une haute bourgeoisie intellectuelle laisse la situation pourrir, laisse brûler, et laisse le peuple subir, observe notre chroniqueur…


Qui propage le mensonge ? Qui le fait circuler, le glisse dans les esprits comme une traînée de poudre, le travestit sous les atours de la vérité morale et du savoir éclairé ? Ce ne sont pas les gens du peuple. Non, le peuple n’a ni le temps ni la prétention de comprendre ce qui se joue, à mille lieues de ses préoccupations immédiates, au cœur de Gaza ou de Ramallah. Ce peuple-là — ou ce qu’il en reste — vit les yeux dans le gris, préoccupé par sa survie, sa sécurité, la déchéance d’un quotidien rongé par l’insécurité, par la misère, par le délitement du lien social. Il ne lit pas Le Monde, il n’écoute pas France Inter, il ne consulte pas les éditos du Monde diplomatique. Il vit. Il endure.

Demi-sachants

Ce sont les élites qui propagent. Les élites intellectuelles, médiatiques, universitaires, administratives. La France Insoumise, bien sûr, porte flambeau d’une gauche qui s’est dévoyée dans l’antisionisme paré des oripeaux du progressisme. Mais elle ne fait que cristalliser ce que pensent tout bas bien d’autres segments de la société cultivée : enseignants, magistrats, chefs de service dans la police ou le social, hauts fonctionnaires, journalistes, directeurs de conscience dans les ONG et les grandes écoles. Tous ces demi-sachants, engoncés dans leur bonne conscience, persuadés de comprendre le Moyen-Orient à force de lectures biaisées, de colloques creux et d’un entre-soi moral qui ne supporte ni la nuance ni la contradiction.

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Ils ne vivent pas les réalités qu’ils commentent. Ils ne subissent pas la montée de la violence dans les quartiers. Ils ne voient pas ce que le peuple voit : la transformation lente mais certaine de pans entiers du territoire en zones de non-droit, le recul du droit commun face à des logiques communautaires. Et dans leur aveuglement, ils enseignent. Ils formatent. Ils éduquent des générations de lycéens, d’étudiants, d’apprentis fonctionnaires à haïr l’Occident, à voir en Israël le diable, en Netanyahou un criminel, en chaque Palestinien une victime pure et désincarnée. La vérité devient suspecte, la complexité est chassée comme hérétique. L’histoire elle-même est triturée, inversée.

L’autorité n’est pas la haine

Et pourtant, il existe des mesures de bon sens. Il y en a. Elles ne relèvent ni du fantasme, ni de l’extrémisme, mais d’un souci élémentaire de survie collective. Des mesures à prendre sur l’immigration de masse, sur la délinquance, sur l’insécurité quotidienne, sur la restauration d’un ordre minimal dans les rues, les écoles, les tribunaux, les hôpitaux. Mais qui résiste à ces mesures ? Qui les bloque ? Ceux-là mêmes qui, au nom d’une idéologie issue du traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, voient dans tout étranger un nouveau juif pourchassé. Ce prisme moral, aussi dévoyé que paralysant, confond la fermeté avec la persécution, la lucidité avec le racisme, l’autorité avec la haine.

Ce sont eux encore, cette caste — non seulement la haute bourgeoisie intellectuelle, mais aussi toute la hiérarchie intermédiaire des institutions — qui empêche toute réforme réelle. La magistrature, les médias, les rectorats, les directions de la police, les hautes sphères du social et de la santé : tous formatés à cette idéologie victimaire, persuadés qu’agir serait céder à la bête immonde. Alors ils laissent pourrir. Ils laissent brûler. Ils laissent le peuple subir. Et ils s’enorgueillissent d’être du bon côté de l’Histoire, alors qu’ils n’ont même plus la décence de regarder le pays en face.

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C’est là que je dis — oui, je le dis sans honte — que je suis populiste. Parce que je crois, comme en 1942, que le peuple est resté digne, quand les élites se sont couchées. Ce ne sont pas les paysans du Limousin ou les ouvriers des faubourgs qui ont organisé les rafles, rempli les autobus, tenu les registres. Ce sont des magistrats, des préfets, des commissaires, des fonctionnaires zélés. Ceux-là même que l’on trouve aujourd’hui à la tête des grandes institutions, prompts à s’émouvoir de Gaza mais muets devant le sort des femmes violées à Lyon ou des enfants tués à Marseille.

Ce peuple que l’on accuse aujourd’hui de racisme, parce qu’il résiste — dans le silence et parfois dans la colère — à l’ensauvagement de son environnement, à l’islamisation qu’il voit progresser chaque jour sans pouvoir la nommer. Ce peuple humilié, moqué, invisibilisé, qui pourtant recèle encore en lui les vestiges d’un courage ancien, d’un instinct de conservation que la bourgeoisie a depuis longtemps sacrifié sur l’autel de son confort. C’est ce peuple qui demeure l’honneur de la France. Et ceux qui l’insultent aujourd’hui sont les mêmes que ceux qui trahissaient hier. L’histoire se répète, non comme farce, mais comme honte.

Villepin, ou ces «humanistes» qui bradent la France

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Dominique de Villepin à Marseille, le 18 juin 2025 © Alain ROBERT/SIPA

Dominique de Villepin a lancé hier son mouvement politique, « La France humaniste », et il publie ce jour un livre, Le Pouvoir de dire non, chez Flammarion, dans lequel il affirme pouvoir incarner la France des Lumières. Ses détracteurs le soupçonnent au contraire d’être sous les influences les plus diaboliques.


Se méfier des « humanistes » autoproclamés. J’ai constaté, chez ceux qui se gratifient ostensiblement de cette vertu, une propension à la jactance et à l’évitement, quand ce n’est pas à la traîtrise. Ces beaux esprits, enamourés d’eux-mêmes, sont pareils à la Célimène de Baudelaire (L’Imprévu). Elle « roucoule et dit: « Mon cœur est bon ». Mais le poète précise: « Son cœur ! cœur racorni, fumé comme un jambon (…) ». En ayant choisi hier, en vue de la campagne présidentielle, de baptiser son propre parti « La France humaniste », Dominique de Villepin a rejoint la cohorte des faux gentils, dont j’avais dénoncé la tartufferie en 2004 dans un de mes livres[1]. Depuis cinquante ans, ces clercs bradent la nation fragile en l’ouvrant toujours davantage, au nom de la fraternité et autres raffarinades, à un islam ombrageux et remplaciste.

Jean-Luc Mélenchon grand remplacé ?

J’ai déjà rappelé ici le 21 mai[2] les démentes envolées immigrationnistes et islamophiles de Villepin. Ses odes à la société ouverte et multiculturelle le rapprochent de Jean-Luc Mélenchon pour qui, lui aussi, « l’insoumission est un nouvel humanisme ». C’était en portant cette même générosité en sautoir qu’Alain Juppé plaidait naguère pour les « accommodements raisonnables », destinés à satisfaire un séparatisme civilisationnel se réclamant d’Allah et de l’oumma post-nationale. Quand Villepin en appelle également, dans sa course à l’Élysée, à « l’unité » de la nation, ce mot creux avait déjà été avancé par Emmanuel Macron, le 12 novembre 2023, pour ne pas se joindre à la « marche pour la République et contre l’antisémitisme », après le pogrom islamiste et anti-juif du 7-octobre.

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Prêt à toutes les reculades

Ces humanistes-là avancent masqués. Ils sont intellectuellement prêts à toutes les reculades pour diluer l’identité nationale dans une civilisation conquérante, en conflit millénaire avec l’Occident. Hormis sans doute son approche économique et son bagage culturel, rien ne différencie plus Villepin de l’extrême gauche. Ils sont unis dans la détestation de la droite souverainiste et du peuple enraciné. L’ancien Premier ministre de Jacques Chirac se profile comme un possible concurrent, plus présentable, face à un Mélenchon fossoyeur du Français[3].

Villlepin crée son parti : mieux Qatar que jamais !

Les sondages d’opinion sont flatteurs à son endroit. Sa détestation d’Israël et son palestinisme obligé, héritages de la politique arabe issue de la diplomatie gaulliste, sont appréciés y compris d’une extrême-droite antisioniste et antisémite qui, à rebours des soutiens du RN à Donald Trump et Benyamin Nétanyahou, dénonce les bombardements israéliens et américains contre les sites nucléaires des mollahs apocalyptiques.

Les assauts de Villepin contre Bruno Retailleau sont proportionnels aux déclarations de guerre du ministre de l’Intérieur contre les Frères musulmans et leurs collaborateurs, l’immigration de masse, ou le régime algérien qui détient plus que jamais Boualem Sansal en otage.

Dans la fracture identitaire qui sépare la France en deux, y compris lors de la dernière Fête de la musique, les humanistes de carnaval ont choisi l’oummanisme (cf. le bon mot de Céline Pina) et le parti de l’étranger. Bas les masques !

Le Pouvoir de dire non

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[1] La république des faux gentils, Le Rocher

[2] https://www.causeur.fr/rapport-renseignements-freres-musulmans-ces-irresponsables-qui-ont-permis-lislamisation-de-la-france-rapport-freres-musulmans-310040

[3] https://www.lefigaro.fr/politique/elle-n-appartient-plus-aux-francais-melenchon-souhaiterait-rebaptiser-la-langue-francaise-en-langue-creole-20250623

Bruxelles étrangle nos agriculteurs avec des « tarifs » sur les engrais

Les agriculteurs français ont participé à un rassemblement organisé par la FDSA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) et JA (Jeunes agriculteurs), pour manifester leur opposition à l'accord de libre-échange avec le Mercosur, Strasbourg, 22 janvier 2025 © ANTONIN UTZ/SIPA

L’UE doit au contraire apporter des solutions d’urgence pour notre secteur agricole, déjà étranglé par la hausse du prix des fertilisants.


L’Union européenne prétend défendre ses agriculteurs, mais sa dernière offensive commerciale – des droits de douane imposés dès le 1er juillet 2025 sur les engrais russes et biélorusses – frappe de plein fouet ceux qu’elle jure de protéger.

Les engrais soumis à une terrible inflation

Présentée comme un rempart contre la dépendance à Moscou et un coup porté au financement de la guerre en Ukraine, cette mesure est une erreur stratégique qui aggrave la crise des engrais et menace la sécurité alimentaire de 450 millions d’Européens. Bruxelles doit revoir sa copie, et vite, avant que nos campagnes ne s’effondrent sous le poids de ces décisions.

Les chiffres sont alarmants. Depuis janvier 2025, les prix des engrais ont bondi de 11% au niveau mondial, selon la Banque mondiale, avec des hausses de 20% pour l’urée, 18% pour la potasse et 20% pour le phosphate. En Europe, c’est pire : l’urée se négocie à 397 € la tonne en juin, 15% de plus qu’en 2024, contre un prix mondial de 350 €. Pour un céréalier, cela représente un surcoût de 25 à 30 € par hectare, anéantissant des marges déjà fragiles. Ces tarifs, débutant à 40 € par tonne et prévus pour grimper à 300 € d’ici 2028, pèsent directement sur les agriculteurs, ajoutant une facture annuelle estimée à 400-500 millions d’euros.

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Copa-Cogeca, la voix des agriculteurs et des coopératives européennes, n’a pas mâché ses mots : « Bruxelles alourdit les coûts de production dans un contexte où les agriculteurs sont déjà asphyxiés par la flambée des prix de l’énergie et les réglementations environnementales. » L’organisation dénonce une mesure qui, loin de protéger les fermes européennes, les expose à des importations plus coûteuses en provenance d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient, incapables de compenser le déficit laissé par les millions de tonnes d’engrais russes importés en 2024 pour un montant de 2,12 milliards d’euros.

Promesse non tenue

La Commission européenne avait anticipé cette flambée des prix. Elle avait promis des « mécanismes de compensation » pour amortir le choc. Où sont-ils ? À ce jour, aucun soutien tangible n’a été déployé, laissant les agriculteurs seuls face à des coûts insoutenables. Pendant ce temps, les chocs géopolitiques s’accumulent : les tensions au Moyen-Orient font grimper le pétrole (+10 %) et le gaz européen (+6,6 %), essentiel à la production d’engrais azotés. Les récents bombardements ukrainiens sur des usines russes, comme Novomoskovsk Azot et Nevinnomyssk Azot, ont temporairement paralysé des sites produisant davantage que la consommation annuelle de la France et de l’Allemagne réunies. Auparavant, l’Ukraine n’avait pas ciblé d’usines d’engrais. Une riposte russe sur les usines d’engrais ukrainiennes, comme celle de Rivne, pourrait non seulement aggraver la pénurie, mais aussi provoquer une catastrophe environnementale aux portes de l’UE.

Pire encore, Bruxelles alourdit le fardeau avec une taxe carbone imminente et une transition énergétique qui, bien que nécessaire, expose les agriculteurs à une volatilité accrue des prix de l’énergie. Les alternatives aux importations russes – Égypte, Qatar, Arabie saoudite – sont insuffisantes, surtout si les exportations iraniennes s’effondrent sous l’effet des tensions militaires.

Urgences

Pour éviter le désastre, Bruxelles doit agir sans délai : verser les compensations promises avant la saison des semis pour soutenir les agriculteurs en difficulté, contribuer à l’arrêt des frappes visant les infrastructures de production d’engrais afin de limiter les hausses imprévisibles des prix, investir dans une production européenne d’engrais – notamment l’ammoniac vert et le recyclage des déchets organiques – pour réduire la dépendance aux importations instables, coordonner une stratégie énergétique assurant un gaz abordable tout en accélérant la transition vers les énergies renouvelables, et créer une réserve stratégique agricole pour amortir les pénuries et stabiliser les prix.

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Les agriculteurs européens ne peuvent plus être les otages des errements bureaucratiques et des tensions géopolitiques. Bruxelles doit cesser de les sacrifier au nom d’objectifs mal calibrés. Nos fermes, nos assiettes et notre souveraineté alimentaire sont en jeu. L’heure n’est plus aux promesses, mais aux actes.

Panoptique malais

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"Stranger Eyes" de Siew Hua Yeo (2025) © Grace Baey / Epicentre Films

Né en 1985, le cinéaste Yeo Siew Hua s’est fait connaître en France par son deuxième long métrage, Les Etendues imaginaires, Léopard d’Or au festival de Locarno, sorti dans nos salles il y a six ans. Le scénario vous égarait dans une enquête sur la disparition d’un ouvrier chinois sur un chantier du littoral de Singapour…  

Colombo singapourien

Stranger Eyes, prolongement de ce polar métaphysique augural, s’ouvre sur une autre disparition, celle de Bo, une enfant de deux ans, dans un square de Singapour où le jeune papa, assis sur un banc public, la perd de vue pendant les quelques secondes fatales où il répond à un appel sur son smartphone. Le couple éploré fait appel à la police, la grand-mère distribue inlassablement des affichettes aux passants, un enquêteur se lance avec méthode sur la piste du ravisseur présumé, au cœur de cette cité-Etat insulaire surpeuplée (six millions d’habitants), bardée de caméras de surveillance et connue, comme chacun sait, pour être l’une des plus sécurisées de la planète. Elle est, en quelque sorte, le vrai personnage central du film.

Le mystère s’épaissit encore quand les parents dévastés, sur le palier de l’appartement qu’ils occupent dans une vaste barre d’immeuble, réceptionnent des DVD leur renvoyant l’image de leur vie domestique et conjugale, de longue date filmée par un étrange voyeur. « La police n’a plus besoin de jouer à cache-cache, ni d’agir sous couverture comme dans les films. Il suffit d’observer attentivement, et de patienter », assure le Colombo de service. De fait, les soupçons se concentrent vite sur un type d’âge mûr, en poste au pôle de vidéosurveillance sensé sécuriser le supermarché voisin.

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Mais l’intrigue prend un tour de plus en plus labyrinthique : Junyang, le père – incarné par l’acteur photogénique taïwanais Chien Ho Wu, 32 ans, d’une belle présence quasi mutique d’un bout à l’autre du film – commençant lui-même à filmer son harceleur, lequel habite seul, dans l’immeuble d’en face, avec sa mère aveugle…  Les fêlures intimes du petit ménage se creusent également, à mesure que la thématique de la surveillance panoptique se démultiplie dans le temps et dans l’espace, à travers les méandres d’un scénario décidément très cérébral.

Epicentre Films

Bof…

Formé à la philosophie, Yeo Siew Hua croit-il la pensée abstraite soluble dans le polar ? Si Stranger Eyes rappelle irrésistiblement Caché, ce joyau de Michael Haneke, et évoque par sa pente énigmatique et sensorielle l’univers de David Lynch, il s’en faut de beaucoup pour que son formalisme esthétique – dialogues raréfiés, lenteur calculée, montage ciselé, mises en abyme de l’image dans l’image, absence de musique, exceptée la sérénade de Endless Love, à mi-parcours, répétée en générique de fin – attise la flamme d’un suspense tant soit peu brûlant. La construction ésotérique du film a toutes chances de vous laisser en plan.


Stranger Eyes. Film de Yeo Siew Hua. Singapour, Taïwan, France, couleur, 2024. Durée : 2h04

En salles le 25 juin

L’origine du « Monde »

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DR

Après la politique, l’économie ou le climat, Le Monde se penche sur un nouveau front de la lutte progressiste: la vulve. Et Maïa Mazaurette n’est même pas dans le coup. Bienvenue dans le grand combat pour la réhabilitation des petites lèvres


Par ces temps de body positivism, faut-il s’inquiéter ou se réjouir du phénomène, Le Monde ne le dit pas ! Dans un article du 10 mai intitulé « Histoire esthétique de la vulve, de l’intime au politique1 », Virginie Larousse, numéro deux des pages « Débats », nous apprend que la chirurgie de l’intime représente déjà près de 4 000 interventions par an dans l’Hexagone – un chiffre probablement sous-estimé.

Derrière la préoccupation esthétique, la vogue de la nymphoplastie, vaginoplastie ou hyménoplastie serait le résultat d’une injonction sociale. Une activité florissante aux États-Unis, où les « vulvar designers » ont pignon sur rue. Après être passées sous le bistouri, nos amies les femmes ressortent toutes avec un sexe Barbie comme les actrices porno, réduit à une pure fente.

« L’idéal devient la norme ! Les femmes ont intériorisé ces représentations liées aux stéréotypes de genre », déplore la psychologue Sara Piazza. « Un sexe glabre, sans rien qui dépasse, ferme, rose et inodore. Il est difficile d’échapper aux normes des sociétés auxquelles on appartient », observe la gynécologue Sophie Berville.

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Cette obsession de la beauté génitale et cette chasse moderne aux petites lèvres s’inscrivent, selon Le Monde, dans une longue tradition de rejet du sexe féminin. Encore récemment, d’horribles machos ont véhiculé des représentations dégradantes de la vulve : Freud, par exemple, pour qui « l’appareil génital reste le cloaque ; chez la femme, il semble n’en être qu’une dépendance » ; Sartre, qui écrivait que « l’obscénité du sexe féminin est celle de toute chose béante » ; ou encore Alain Roger, selon qui la vulve a de tout temps été « sale, velue et gluante ».

La civilisation a interdit l’excision, alors faudrait-il refuser ces actes au nom de la lutte contre les normes sexistes ? Pas de réponse. Désormais, Le Monde ne nous dit pas seulement ce qu’il faut penser de Marine Le Pen ou de la guerre à Gaza. Il se soucie désormais de notre nombril.


  1. https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/05/10/histoire-esthetique-de-la-vulve-de-l-intime-au-politique_6604610_3232.html ↩︎