Chaque année, à l’approche des examens, les syndicats de profs dénoncent la « surcharge » pesant sur les enseignants mobilisés pour le bac de français. Pourtant, entre exigences orthographiques et grammaticales revues à la baisse et consignes de correction assouplies, tout semble fait pour leur simplifier la tâche…
« Le ministère ne veut pas comprendre la charge de travail qui s’abat sur les collègues convoqué.es comme jury de bac. En français et philosophie, la pression est même insoutenable »1. C’est le SNES-FSU qui l’affirme, dans un communiqué de presse du 12 juin 2025, avec un appel à la grève en appendice. Comme tous les ans. Enfin, avec ce motif, puisque l’appel à la grève, dans l’Éducation nationale, c’est plutôt toutes les quatre à six semaines. Alors pourquoi cette participation aux examens, charge normale d’emploi et obligation de service, pèse-t-elle si lourdement sur les épaules et le « mental » des professeurs ? Cette revendication syndicale est-elle justifiée ?
C’est faire fi des efforts de l’Institution pour leur alléger la tâche. Tout d’abord, elle veille à ce qu’il n’y ait pas trop de contenu : quatre œuvres étudiées en français pendant l’année de première et des parcours de lecture associés qui n’en sont plus (des 24 textes prévus par la réforme Blanquer pour l’oral de français, on est arrivé à 16 textes en 2024). Ensuite, les commissions d’entente académiques enjoignent aux correcteurs de « relâcher la pression » : les corrigés nationaux des dissertations sont à considérer « comme une proposition de pistes et non la représentation de ce que l’on doit s’attendre à trouver dans les copies d’élèves » ; on n’exige (surtout) pas une « organisation canonique en trois parties elles-mêmes constituées de trois sous-parties » pour le commentaire et on ne sanctionnera pas « l’absence de paragraphes » ; pas de « pénalité supplémentaire comme cela pouvait se faire lors des sessions précédentes » quand l’orthographe et la syntaxe sont défaillantes. En d’autres termes, on souffle, on se détend, on libère les chakras.
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Enfin, copies et correction sont dématérialisées via le logiciel Santorin2, gage d’un voyage mémorable. Comme l’île égéenne, il offre, cette année, des panoramas variés. Autant que de copies : un morceau de rap, des vœux de bonne correction, une déclaration suicidaire de huit pages, une recette de tiramisu pour 24 personnes… Parfois, l’Éducation nationale y appose un pictogramme : un bonhomme aux bras levés qui signale, depuis l’année dernière, les copies de certains « candidats en situation de handicap » et, par surcroît, édition 2025, des « élèves allophones nouvellement arrivés (EANA) ». Il est alors exigé du correcteur qu’il ne prenne pas en compte « la qualité rédactionnelle dont l’orthographe » : cerise sur le tiramisu. Ainsi, pour briller au bac de français, mieux vaut ne pas le parler. Le baccalauréat de français sans français, ni Français.
Il faudrait songer à rebaptiser le programme Santorin. Cap sur Lampedusa, lège, voile au vent : de quoi se refaire une santé ! Et le SNES se plaint ?
- Communiqué de presse du SNES-FSU, 12 juin 2025 https://www.snes.edu/article/communiques/alerte-sur-le-bac-2025/ ↩︎
- Le « Systeme d’Aide Numérique à la noTatiOn et corRectIoN » nommé SANTORIN est un service intégré à CYCLADES se donnant pour mission de gérer la correction dématérialisée d’examens/concours. ↩︎
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