Accueil Édition Abonné Décembre 2025 Suicide économique, mode d’emploi

Suicide économique, mode d’emploi

Le mur des comptes, la chronique éco de Jean-Jacques Netter


Suicide économique, mode d’emploi
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Chaque mois le vice-président de l’Institut des libertés décode l’actualité économique. Et le compte n’y est pas.


La palme des idées économiques les plus stupides du mois n’est pas difficile à décerner. Sébastien Lecornu et Yaël Braun-Pivet sont de loin les grands gagnants. Commençons par la présidente de l’Assemblée nationale, qui veut encore augmenter la taxation des héritages, voire les supprimer carrément ! « Le truc qui vous tombe du ciel, à un moment ça suffit », a-t-elle déclaré le 15 octobre sur France 2. Pas étonnant que Philippe Aghion, le prix Nobel d’économie 2025, qui préfère la croissance à l’impôt, soit « atterré par le niveau intellectuel et économique de certains députés qui ne comprennent rien à l’économie, ne s’informent pas, ne lisent pas », comme il l’a confié lors de son audition devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 28 octobre. Il n’a pas tort. Tous les élus du Palais-Bourbon qui brocardent à longueur de séance les « ultra-riches », comme ils les appellent, ne parlent jamais, par exemple, des 36 joueurs de football de la Ligue 1 figurant dans la liste des 100 salariés les mieux payés de France (il faut, selon l’Insee, gagner plus de 312 458 euros par mois pour rentrer dans ce club) ! Avec de tels démagogues à la tête du pays, parmi lesquels il convient bien sûr de citer Emmanuel Macron (huit ans de pouvoir au compteur) et Bruno Le Maire (sept ans à Bercy), on comprend pourquoi nos finances publiques affichent un bilan si calamiteux. Pour se rendre compte de l’étendue de la catastrophe, il faut se rappeler qu’en 1958, année désastreuse qui marqua la fin de la IVe République, notre endettement s’élevait à 75 % du PIB. Dès qu’il entra à Matignon, de Gaulle demanda à Antoine Pinay de lui résumer la situation : « Sur tous les postes à la fois, nous sommes au bord du désastre », répondit le nouveau ministre des Finances. En 2025, notre dette publique est proche de 120 % du PIB. C’est presque deux fois pire.

Autre bonnet d’âne économique du mois : Sébastien Lecornu, qui est devenu à lui tout seul une véritable usine à inventer de nouvelles taxes. Le budget qu’il a présenté comprend 40 milliards d’euros d’impôts et 30 milliards de dépenses supplémentaires. À cela s’ajoute la honteuse capitulation/suspension sur les retraites. Emmanuel Macron l’a acceptée en échange de sa survie à l’Élysée. Ce n’est pas trop grave, puisque cela fait trente ans qu’on essaye sans aucun succès de réformer les retraites : Balladur en 1993, Raffarin en 2003, Fillon en 2010, Ayrault en 2014, Philippe de 2017 à 2020, Borne en 2023 et Bayrou avec son conclave en 2025.

La transformation de l’impôt sur la fortune immobilière en impôt sur la fortune improductive est un dispositif que personne à Bercy n’aurait osé imaginer tellement il est stupide. Rappelons que l’amendement a été déposé par Jean-Paul Matteï, élu du Modem, et voté par le Rassemblement national… Il a même été question d’inclure dans la base imposable les fonds Euro des contrats d’assurance-vie, alors qu’il s’agit d’une machine à absorber les emprunts émis par l’État français ! On est bien en présence de mesures irréfléchies votées à la va-vite et uniquement par idéologie et populisme. Tous ceux qui se sont donné la peine de comprendre comment fonctionne l’économie savent bien qu’en dehors de l’or, du bitcoin et de ses dérivés, il n’existe pas d’épargne improductive. La quasi-totalité des placements des Français sont enregistrés sur des supports constitués d’obligations, d’actions et d’immobilier, c’est-à-dire d’actifs ayant un lien avec l’économie réelle, les services publics, les entreprises et la construction. La logique d’une écrasante majorité de nos politiciens est pourtant claire : taxer plus pour dépenser plus et s’endetter plus. Pendant ce temps, la Grèce, l’Italie et le Portugal se redressent. Pas la France. À force d’assistanat généralisé et d’étouffement de l’initiative individuelle, on peut se demander si nos gouvernants ne cherchent pas à faire ressembler la France au Venezuela, ce pays si riche et pourtant ruiné par le socialisme et la coupure avec la réalité. À Caracas, l’incapacité, depuis vingt ans, à maîtriser la dette a eu pour effet de détruire l’État et de jeter la population dans la misère. L’esprit d’arrogance de nos dirigeants et leur aveuglement devant les réalités rappellent terriblement les funestes Nicolas Maduro et Hugo Chávez.

La France insoumise (LFI) trouve pourtant que le budget présenté au Parlement est trop austère ! Pour Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale, il faut absolument « développer la résistance populaire et parlementaire pour lutter contre ce budget cruel ». Son parti prône, excusez du peu, 168 milliards de dépenses nouvelles, qu’il propose de faire financer par les « ultra-riches », c’est-à-dire les footballeurs et les grandes entreprises. C’est la grande idée de l’économiste Gabriel Zucman, soutien de Jean-Luc Mélenchon. Une idée qui a ressuscité en quelques jours seulement la lutte des classes dans notre pays, et qui est plébiscitée par 86 % des Français, selon un sondage IFOP, y compris chez les sympathisants de droite. Cela montre une fois de plus à quel point nos compatriotes sont sous-éduqués en matière économique. Vous avez dit suicide économique, moral et politique ?

À l’exception du pétrole qui baisse partout sauf dans les stations-service, toutes les valeurs de marché ont monté depuis le début de l’année. Même si la Bourse de Paris, qui culmine dans ses plus hauts historiques, reste à la traîne par rapport à Francfort. Les alarmes retentissent cependant partout : avec l’afflux de liquidités, le développement exponentiel des investissements dans l’intelligence artificielle et l’explosion des cryptomonnaies « stables », n’est-on pas en train de voir se constituer une bulle spéculative ? Maigre consolation, tandis que la France est en proie à l’instabilité et croule sous les dettes, les grandes entreprises tricolores cotées vont bien. La raison est simple. Comme elles sont bien gérées, elles réalisent l’essentiel de leur activité en dehors de notre pays.

Décembre 2025 – #140

Article extrait du Magazine Causeur




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