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Caisse qu’il dessine?

Les Dessous chics


Caisse qu’il dessine?
Le paysagiste et dessinateur Quentin Geffroy © Philippe Lacoche

Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


Peintre éhonté et fort talentueux, ma Sauvageonne n’arrête pas. Dimanche dernier, elle m’a, une fois de plus, emporté dans ses bagages, entre tableaux, toiles, papier bulle, chevalets boisés, et une malle (contenant robes, sous-vêtements affriolants, trousse de maquillage, flacon de parfum Panthère de Cartier, format deux litres, etc.) digne d’une impératrice des Indes ; nous avons fourré le tout dans notre carrosse, aimablement tiré par notre fidèle jument Yvonne, ce afin de nous rendre au siège de la Société d’horticulture, une fort jolie demeure située rue Le Nôtre, à Amiens. Cette dernière organisait une exposition de peintures.

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Une vingtaine d’artistes étaient réunis ; parmi eux : la Sauvageonne avec ses œuvres plus colorées que les soixante-deux pages de Tintin et les Picaros et lestées de titres abracadabrants et carrément hilarants (« Tais-toi, Fernand ! », « On est mieux là qu’ici », « Bain de pieds entre filles », etc.). Cette belle manifestation m’a permis de découvrir et apprécier des artistes, dont Benoît Drouart, peintre et sculpteur de talent installé dans le plus beau département de France : l’Aisne (Contact : 3, ferme de la Forêt, 02300 Ugny-le-Gay ; bdrouart@yahoo.com). Des styles différents dans la salle ? C’est peu dire. Du figuratif, de l’abstrait, du cubisme, de l’impressionnisme, de l’expressionnisme, etc. Il y en avait pour tous les goûts. Mais, je dois le confesser, ce qui m’a le plus surpris et comblé, ce sont les créations de Quentin Geffroy (contact : bonjour@quentiongeffroy.fr). Paysagiste de profession (sa société est basée à Brive-la-Gaillarde, mais il vit aussi à Amiens où il a suivi son amie), il dessine de micros paysages et jardins imaginaires au dos de tickets de caisse.

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« Ma pratique professionnelle consiste à dessiner et concevoir des jardins répartis dans toute la France », explique-t-il. « De ces déplacements récurrents est née une habitude qui s’est progressivement ritualisée : dessiner sur la face non imprimée des tickets de caisse. Ce petit espace laissé vacant devient alors un « échappatoire miniature ». Ces fragments de papier deviennent les symboles du temps qui passe, de la transaction et de l’éphémère. Ce sont des fictions géographiques, des visions oniriques méticuleusement dessinées. Le geste est à la fois méditatif et concentré, transformant le rebut en un territoire précieux et complexe. Les tickets devenus mini tableaux, habituellement transportés dans une petite boîte métallique sont déployés sur le mur, créant une cartographie à double lecture, une superposition d’espaces-temps. En effet, la face cachée des tickets contient des informations factuelles, tangibles liées aux territoires traversés (titres des œuvres présentées), l’autre ouvre sur une géographie de l’imaginaire. La transformation de ce support trivial est à la fois une démarche introspective et une invitation à prendre part aux voyages. » Il reconnaît que sa démarche singulière peut être interprétée comme un pied de nez à la société marchande.  « C’est aussi comme si je récupérais du papier au fur et à mesure et que je devais l’utiliser. J’aime beaucoup dessiner sur des choses que je récupère. » Pour notre plus grand plaisir.



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Il a publié une vingtaine de livres dont "Des Petits bals sans importance, HLM (Prix Populiste 2000) et Tendre Rock chez Mille et Une Nuits. Ses deux derniers livres sont : Au Fil de Creil (Castor astral) et Les matins translucides (Ecriture). Journaliste au Courrier Picard et critique à Service littéraire, il vit et écrit à Amiens, en Picardie. En 2018, il est récompensé du prix des Hussards pour "Le Chemin des fugues".

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