Accueil Site

« Io sono Giorgia » ! Le système Meloni

Giorgia Meloni est à la tête du gouvernement italien depuis trois ans. Ses succès ne reposent pas uniquement sur les lois votées ni les réformes engagées mais sur une stratégie européenne de longue haleine qui lui confère aujourd’hui prestige et sympathie sur la scène internationale.


En 1997, vous avez vibré pour le « blairisme », ce coup de neuf progressiste dont la social-démocratie européenne avait tant besoin ? En 2007, vous vous êtes emballé pour le « sarkozysme », ce grand retour de la volonté en politique ? En 2017, vous avez admiré le « macronisme », ce syncrétisme socialo-libéral si efficace et dynamique, censé dépasser les clivages traditionnels ? Alors c’est certain, vous adorerez le « melonisme », ce néopopulisme célébré ces derniers temps dans la presse internationale comme le mariage réussi entre convictions identitaires et rigueur budgétaire. Cependant, si vous ne croyez pas au père Noël, un bilan d’étape plus circonstancié de la politique de Giorgia Meloni depuis qu’elle a pris la tête du gouvernement italien s’impose. On verra aussi que la conquête du pouvoir a été préparée par une mue politique mûrement réfléchie.

Longévité rare

Arrivée en octobre 2022 au palais Chigi (le Matignon italien), Meloni peut se vanter d’une longévité rare à ce poste, mais surtout d’avoir maîtrisé les déficits, obtenu une forte désinflation et fait baisser le chômage. Seulement la Première ministre n’a pas eu recours à un traitement de choc à la Javier Milei pour obtenir ces résultats. On veut la recette de sa potion magique.

Retour en 2022. Dès qu’elle rentre en fonction, Meloni referme l’ère du « quoi qu’il en coûte », qui avait été ouverte par la pandémie de Covid, puis prolongée par l’envolée des prix de l’énergie suite à l’invasion de l’Ukraine. Conséquence, le déficit public, supérieur à 8 % du PIB en 2022, est ramené sous la barre des 4 % en 2024. Mieux, cette baisse de la dépense publique n’a pas asphyxié l’activité, car la présidente du Conseil s’est arrangée pour faire octroyer à l’Italie une portion non négligeable (environ 200 milliards d’euros) du plan de relance européen. En d’autres termes, comme l’a souligné Marine Le Pen dans notre numéro de novembre, nos voisins transalpins font désormais financer une partie de leurs dépenses publiques par Bruxelles. Cependant, comme on le verra, l’UE, comme le Ciel, aide ceux qui s’aident eux-mêmes. Meloni a beaucoup travaillé pour obtenir ce cadeau.

Vient alors le trophée de Meloni : l’emploi. Le taux de chômage, qui stagnait depuis une décennie autour de 9 à 10 %, s’établit désormais à environ 7 % et pourrait continuer de baisser. Ce succès, accompagné d’une belle reprise de l’investissement (680 milliards d’euros estimés en 2025), s’explique par un net recul de l’inflation (0,9 % aujourd’hui contre 8 % en 2022, ce qui a permis de sauvegarder la demande intérieure), doublé d’un excédent commercial en hausse (40 milliards d’euros cette année), reflet des performances de l’industrie italienne sur les marchés européens et asiatiques.

Parmi les autres mesures économiques décidées par Meloni, signalons la réforme du revenu de citoyenneté (l’équivalent de notre RSA), la réduction des subventions pour la rénovation énergétique des bâtiments et la flexibilisation du marché du travail. Mais aussi une baisse de l’impôt sur le revenu pour la tranche comprise entre 28 000 et 50 000 euros annuels (passée de 35 % à 33 %) et un allégement de l’impôt sur les sociétés. Enfin, quelques privatisations partielles comme celles d’ITA Airways (la compagnie aérienne nationale), de la banque Monte dei Paschi di Siena (la plus ancienne banque au monde) et du pétrolier ENI (le premier groupe du pays) ont rapporté autour de 4 milliards d’euros.

Pas vraiment une rupture historique

Cependant l’Italie n’est pas sortie de l’auberge. La croissance reste faible (+ 0,7 % en 2024), la productivité du travail demeure atone, la bureaucratie administrative continue de peser sur les entreprises, les inégalités régionales se creusent et le vieillissement de la population érode le marché du travail. Enfin, avec une dette publique proche de 135 % du PIB, l’Italie reste le deuxième pays le plus endetté de l’UE (derrière la Grèce et juste devant la France). Bref, l’essentiel du redressement économique de la péninsule provient davantage de circonstances favorables, dont Meloni a certes su tirer le plus grand profit, que de réformes structurelles durables, dont le pays aurait pourtant bien besoin. Et si Rome inspire aujourd’hui davantage de confiance aux institutions européennes et aux marchés financiers, les jeunes actifs italiens se montrent plus réservés puisque 156 000 d’entre eux ont émigré en 2024, tandis que le nombre de naissances a atteint un niveau historiquement bas, avec 370 000 naissances par an et un taux de fécondité de 1,18 enfant par femme.

Autre point crucial : la politique migratoire, pilier de la campagne électorale de Meloni en 2022 et thème majeur pour ses alliés berlusconistes et salvinistes. Depuis que la droite est aux affaires, des résultats authentiquement positifs et concrets ont été enregistrés en matière de réduction des flux. Pourtant, le protocole pour l’établissement de centres d’accueil externalisés en Albanie, conçus pour traiter les cas de 36 000 migrants par an, a été bloqué par la justice. Parallèlement, afin de ne pas nuire aux entreprises, le gouvernement a octroyé 450 000 permis de travail pour la période 2023-2025, et 500 000 sont prévus pour 2026-2028. Bref, s’il y a moins d’entrées illégales, c’est très largement parce qu’il y a plus de permis de séjour.

En réalité, le crédit politique dont bénéficie la Première ministre, et d’où découle son enviable marge de manœuvre, tient pour une grande part à des mesures situées hors des champs économique et migratoire. Une réforme résolument « pro-forces de l’ordre » est notamment en cours, pour accélérer les procédures judiciaires, renforcer les pouvoirs de la police, garantir les peines de perpétuité réelle et interdire les rave parties. En matière bioéthique, une loi anti-GPA a été adoptée en octobre 2024, avec des peines allant jusqu’à deux ans de prison et un million d’euros d’amende pour les contrevenants. Enfin, un projet de « IIIᵉ République » visant à instaurer l’élection directe du Premier ministre au suffrage universel pour un mandat de cinq ans est en débat.

Cette politique, qui ne manque pas de bons sens et de résultats tangibles, ne suffit pas à parler de rupture historique en Italie. Ce ne sont pas des mesures concrètes qui ont permis à Giorgia Meloni de devenir la préférée de Trump, la coqueluche de The Economist et un modèle de réussite pour la droite. Pour comprendre ce phénomène, il faut remonter quelques années en arrière et, plutôt que de regarder vers Rome, se tourner vers Strasbourg et Bruxelles.

Il y a cinq ans, Giorgia Meloni a opéré un virage. Tout en continuant de revendiquer ses origines modestes, d’assumer son passé d’extrême droite, de clamer sa sensibilité anti-élitiste et de tendre la main à la Russie, elle a rompu avec l’euroscepticisme auquel elle devait pourtant son ascension politique. Comparée à Mario Draghi, fils de banquier, lui-même ex-banquier chez Goldman Sachs et ancien gouverneur de la Banque centrale européenne, la quadragénaire n’est pas obligée de prouver ni son attachement à la souveraineté nationale, ni son appartenance au peuple. Pour caricaturer, si elle était française, on pourrait dire qu’elle sent bon le gilet jaune à côté de son prédécesseur qui fait terriblement penser à Macron.

Fitto: la main sur le robinet de lait

Désormais, son objectif est de faire de l’Italie une voix audible à Bruxelles, plutôt que de suivre son allié Matteo Salvini, un temps le patron de la droite italienne, qui se maintient dans la dissidence antisystème. Dès 2021, elle se fait remarquer en refusant de rejoindre le projet de groupe populiste, les Patriots for Europe (P4E), porté au Parlement de Strasbourg non seulement par Salvini, mais aussi par Viktor Orban et Marine Le Pen. Avec son bras droit Raffaele Fitto, elle maintient son parti, les Frères d’Italie (FdI), au sein du groupe Conservateurs et réformistes européens (CRE) qui, contrairement aux P4E, accepte de dialoguer avec les députés de droite classique du Parti populaire européen (PPE). Une manœuvre appréciée dans les rangs de celui-ci.

Cette stratégie est aussi appliquée à l’intérieur de l’Italie. Lorsqu’en février 2021, Draghi forme un gouvernement d’unité nationale, Meloni choisit de rester en dehors de la coalition pour incarner une opposition patriotique sans pour autant rompre avec les circuits institutionnels. Ainsi, tout en critiquant les orientations générales de « Super Mario », elle vote en faveur de ses projets de lois liés à la sécurité, à la gestion sanitaire et au plan de relance européen, se positionnant dès lors comme l’opposition responsable, figure de proue d’une droite responsable.

C’est ainsi que lorsque Meloni arrive au pouvoir l’année suivante, Ursula von der Leyen sait déjà qu’on peut lui faire confiance. À ses yeux, avoir une interlocutrice raisonnable au cœur du camp populiste européen est même inespéré. La Première ministre italienne comprend vite le bénéfice qu’elle peut en tirer pour son pays. Ce bénéfice porte un nom : « Next Generation EU ». C’est le vaste plan de relance mis en place par l’Union à partir de 2020.

Alors que durant le gouvernement Draghi, le volet italien de Next Generation EU était géré dans une logique de neutralité destinée à rassurer Bruxelles, Meloni confie le dossier directement au seul Raffaele Fitto, ancien député européen, fin connaisseur des arcanes de l’UE et homme de confiance. Désormais ministre des Affaires européennes, il s’applique à le transformer en un instrument au service de sa politique. Reconnaissante de cet engagement résolument européen qui fragilise considérablement le camp souverainiste à Strasbourg, von der Leyen fait en sorte que Fitto ne soit pas dérangé par la machine bruxelloise.

Bari, 24 juin 2020 : Giorgia Meloni aux côtés de Raffaele Fitto, candidat de droite à la présidence de la région des Pouilles. PA/SIPA

Dans le prolongement de ce revirement pro-UE, Meloni s’aligne aussi sur les États-Unis en affichant un soutien ferme à l’Ukraine et à l’OTAN, et en se retirant du projet chinois de « Nouvelles Routes de la soie ». Bien avant les embrassades avec Donald Trump, elle sait rassurer la Maison-Blanche de Joe Biden.

En juin 2024, la victoire du PPE de von der Leyen aux élections européennes renforce encore la position de l’Italienne. Fitto quitte le gouvernement italien pour rejoindre la Commission en tant que vice-président exécutif et commissaire à la cohésion et aux réformes, un poste en surplomb, qui permet d’intervenir sur une part importante du budget européen. Le chat a désormais la main directement sur le robinet de lait.

C’est ainsi qu’un cycle vertueux économique a pu se déclencher à toute vitesse en Italie, avec à la clé la stabilisation de la dette, la confiance renouvelée des marchés, la décision des agences de notation de relever la perspective du pays et enfin la baisse des taux, et donc du coût du service de la dette. Chaque acteur dans cet écosystème aurait pu se dire « attendons un peu, une hirondelle ne fait pas le printemps ». Seulement, grâce à un travail politique de longue haleine en amont, la Première ministre, qui a su se faire des amis puissants à Bruxelles, Strasbourg, Londres et New York, est accueillie avec le tapis rouge à tous les étages.

Pour comprendre la méthode Meloni et ses indéniables succès, il ne faut donc pas chercher du côté des lois votées ni des réformes engagées. Sa réussite est d’abord celle d’une stratégie européenne et internationale entreprise en profondeur et rendue possible par une solide personnalité. Son parcours, son style et ses prises de position lui ont conféré une côte de sympathie considérable auprès des électeurs de droite et permis de s’imposer face à ses deux alliés, Forza Italia, l’ancien parti de Berlusconi, et la Lega de Salvini. Meloni en a profité pour fixer comme priorité absolue le maintien de bonnes relations avec les bailleurs de fonds mondiaux. S’il fallait, pour cela, modérer la critique de l’UE et soutenir l’Ukraine, qu’il en fût ainsi. Ses accomplissements économiques, son prestige sur la scène internationale et ses mesures conservatrices adoptées sur le plan sociétal lui ont permis de naviguer habilement et de se construire un espace politique unique. L’art d’avancer, comme elle aime à le répéter, con i piedi per terra, « avec les pieds sur terre ».

Parlez-vous le Goldnadel?

Compagnon de route de Causeur, le président d’Avocats sans frontières a du fond mais aussi de la forme. Dans son nouvel essai, où il attaque la gauche dévoyée par le racialisme et l’islamisme, il multiplie les formules spirituelles et les fulgurances comiques. Petit florilège des plus fameuses.


C’est peut-être une déformation professionnelle. L’habitude, depuis plus de quarante ans qu’il est inscrit au barreau de Paris, de plaider dans des affaires délicates et d’intervenir dans des dossiers explosifs. Gilles-William Goldnadel manie le verbe comme un torero sa cape rouge. Ses délicieuses comparaisons animalières – « le président chauve-souris », « les journalistes perroquets » – et ses expressions de conteur de fables sont devenues comme une marque de fabrique, en particulier pour ceux de ses amis qui se plaisent à l’imiter : si vous entendez quelqu’un dire « où que je porte mon regard… » ou encore « Mon imagination est impuissante à décrire… », ne cherchez pas, c’est Goldnadel.

Le président d’Avocats sans frontières a su imposer son style unique, d’abord sur les plateaux des « Grandes Gueules » (RMC) d’Alain Marschall et Olivier Truchot, puis de « Salut les Terriens » (Canal +) de Thierry Ardisson, avant de devenir un habitué de « L’Heure des pros » (CNews) de Pascal Praud, où il est à l’évidence l’un des chroniqueurs les plus aimés du public, non seulement parce que, comme il aime à le dire, il incarne à la fois le « juif de combat » et la « droite sauciflard » (bien qu’il soit végétarien) mais aussi, et peut-être surtout, parce qu’il est un athlète du trait d’esprit.

Dans son nouvel essai, impeccable plaidoirie contre le politiquement correct et l’antisémitisme contemporain, il truffe presque chaque page de ces calembours assassins qui ont fait sa réputation et qui rendent sa prose d’autant plus redoutable. Pour aider le public novice à bien entrer dans cet ouvrage salutaire (et par ailleurs fort sérieux et documenté), nous avons dressé un petit dictionnaire de traduction des jeux de mots favoris de notre camarade chroniqueur, dont nous recommandons chaudement la lecture.

Autorités d’occultation : Petit nom donné par l’essayiste aux pouvoirs publics français, en raison de leur tendance coutumière à cacher les réalités dérangeantes. Dernier exemple en date, sur la plaque officielle de commémoration des attentats du 13 novembre 2015, qui vient d’être inaugurée en face de la mairie de Paris, aucune référence n’est mentionnée quant à l’appartenance islamiste des terroristes impliqués dans cette abomination.

Fâcheuse sphère : Le président d’Avocats sans frontières fait partie des voix, taxées par certains de populisme, qui se réjouissent de l’émergence des réseaux sociaux dans le débat public. Selon lui, Facebook et X ont permis de briser la plupart des grands tabous imposés par la presse autorisée. D’où son refus d’employer le mot insultant de « fachosphère » pour désigner les internautes dont les publications hostiles à l’immigration incontrôlée et l’islam politique provoquent des haut-le-coeur à Saint-Germain-des-Prés.

Ministère de la dépense : Attention, faux-ami. Goldnadel ne vise pas à travers ce calembour le budget des Armées (qui augmente certes d’année en année), mais notre dispendieuse politique sociale, dont il fustige la « conception paresseuse de l’assistanat, de l’argent magique et de l’absentéisme ainsi que la détestation des riches ».

Odieux visuel de service public : Formule devenue récurrente sous la plume de notre ami lorsqu’il évoque les médias audiovisuels d’État. Pour Goldnadel, cet ensemble de 13 000 employés, sept chaînes de TV et sept stations de radio est un monstre administratif et idéologique au gigantisme injustifié dans une démocratie libérale digne de ce nom.

Privilège rouge : Ripostant à la thèse woke selon laquelle l’Occident vivrait sous le règne du « privilège blanc », l’auteur des Martyrocrates (2004) objecte que, sous nos latitudes, c’est bien plutôt quand on se revendique de gauche que l’on obtient les plus grands avantages. Ainsi, lorsque le 28 octobre, l’antifa Raphaël Arnault a fait un tweet menaçant en réponse à Éric Zemmour (« Suprémacistes religieux ou nationalistes, on va tous vous dézinguer »), le peu de réactions dans la classe politique n’a eu d’égal que le scandale national auquel on aurait eu droit si, à l’inverse, le président de Reconquête ! avait osé adresser un message de cet acabit au député insoumis.

Rance Inter : Nom donné par Goldnadel à la radio publique généraliste, dont il s’inflige tous les matins l’écoute attentive afin d’en déconstruire le récit quotidien. Parmi ses cibles favorites : la nouvelle préposée à la revue de presse Nora Hamadi qui, comme le remarque l’essayiste, « adore citer Blast, L’Huma et Street Press », et beaucoup moins Le Figaro, CNews et Causeur.

Thomas Lepetit et Patrick Coco : On aura reconnu derrière ces affectueux surnoms les deux pieds nickelés de France Inter, Thomas Legrand et Patrick Cohen, surpris il y a quelques mois dans un bistrot parisien en train d’assurer à des huiles du PS que, pour la municipale à Paris, ils « font ce qu’il faut » en s’employant avec zèle à nuire à Rachida Dati dans leurs éditos.

Vol au-dessus d’un nid de cocus, Gilles-William Goldnadel, Fayard, 2025.

Du caviar au goûter?

0

Les maisons Kaviari et Valrhona ont associé l’excellence de leurs produits pour créer un dessert a priori déroutant mais qui s’avère délicieux: une mousse au chocolat et au caviar. Belle découverte.


« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. » Les mots de Mark Twain pourraient sembler emphatiques pour parler d’une création culinaire. Mais celle-ci les mérite amplement, tant elle bouscule les idées reçues et séduit les papilles par ses saveurs inédites. Pensez : une mousse au chocolat et au caviar ! A priori, ces deux-là n’ont aucune affinité, aucun atome crochu, la première étant condamnée à être dégustée avec un biscuit à la cuillère, et le second à être tartiné sur un blini (ou des œufs brouillés). Osons le dire, parce qu’on parle de cuisine, cela a tout du mariage contre nature.

La rencontre

Passant récemment par la belle ville de Beaune, la directrice de Kaviari, Karin Nebot, a fait une halte chez le chef Alexandre Marza à La Maison 1896. Ce dernier lui avait réservé une surprise : une mousse au chocolat au caviar élaborée avec les produits Kaviari et Valrhona. Séduite par cette alliance inattendue entre l’amertume du cacao et l’iode de ses œufs d’esturgeons, elle a ensuite contacté Thierry Bridon, le chef pâtissier exécutif de l’École Valrhona Paris, afin de concevoir ensemble la recette commercialisable d’une telle mousse.

A lire aussi, Emmanuel Tresmontant: « La morue? Oui, chef! »

Leur travail a consisté à solliciter avec justesse tous les sens, beauté visuelle, longueur en bouche, parfums délicats, jeux des textures… pour faire découvrir comment la subtile salinité du caviar osciètre peut exalter la profondeur du chocolat, ou plutôt des chocolats.

À monter soi-même

En boutique, le produit se présente sous forme de deux boîtes rondes, deux boîtes de caviar : une grande jaune, contenant la mousse, et une petite bleu nuit, contenant le caviar. Avant dégustation, le « geste » consiste à étaler les grains d’osciètre sur le disque croquant de chocolat Nyangbo (Ghana) qui recouvre la mousse réalisée à partir de fèves de République Dominicaine. Ensuite, à chacun de faire comme il lui plaît. Mélanger tous les ingrédients à la cuillère, ou goûter l’un, puis l’autre, puis les deux ensemble (c’est ce qu’on recommande), afin de révéler au fil de la dégustation les notes de sarrazin grillé, de graines de coriandre et de noisettes torréfiées contenues dans la mousse de chocolat, puis la rondeur iodée de l’osciètre qui complète cet assemblage gustatif délicat et audacieux. Ce puzzle savoureux n’a rien d’un grossier empilage « sucré-salé ».

Causeur s’était déjà fait un plaisir de souligner la qualité des produits Kaviari, la maison fête cette année ses 50 ans ; on se félicite à l’occasion de cette création de rappeler l’excellence des chocolats Valrhona dont on ne peut que reprendre la devise : faire du bien avec du bon.


La Mousse au chocolat au caviar est disponible dans tous les Delikatessen Kaviari https://kaviari.com

Et à la Maison Valrhona : 47, rue des Archives 75004 Paris.

Prix : 59 euros.

Dire le réel en démocratie: le cas Trump–Ilhan Omar et l’impossibilité contemporaine du conflit

0

Donald Trump a renouvelé ses propos virulents contre l’élue d’origine somalienne Ilhan Omar, déclarant hier qu’elle « devrait se faire dégager de notre pays ».


Donald Trump avait tenu à propos de la députée Ilhan Omar des propos d’une rare brutalité, qui méritent d’être cités intégralement avant toute analyse :

« Regardez ce qui arrive avec des gens comme Ilhan Omar. Elle vient d’un pays complètement effondré, un endroit en ruine totale. Et au lieu d’être reconnaissante envers l’Amérique de l’avoir accueillie, elle passe son temps à salir notre pays, à lui cracher dessus, à dire que nous sommes mauvais.
Et maintenant, on fait entrer des dizaines de milliers de personnes venant du même pays, du même endroit, et tout cela ne va pas améliorer quoi que ce soit chez nous. Ce ne sont pas des gens qui se lèvent le matin pour travailler dur, pour rendre l’Amérique meilleure. Non. On fait entrer des gens qui n’apportent rien, et si on continue comme ça, on va droit dans le mur.
Je vous le dis : si on continue à accepter n’importe qui, si on continue à faire entrer ce qui abîme notre pays, on va le payer très cher. Nous n’avons pas besoin de ramener chez nous les problèmes d’un pays brisé. Nous avons assez à faire avec les nôtres.
Et Ilhan Omar, eh bien… c’est exactement ça. C’est une catastrophe ambulante. C’est une honte. Elle est un déchet politique — et les gens qu’elle soutient, les gens qu’elle veut faire venir ici, ce sont des déchets aussi. Ce n’est pas ce dont l’Amérique a besoin.
Quand je serai de retour, nous arrêterons ces entrées massives. Nous mettrons un terme à cette folie. Et ceux qui n’auraient jamais dû être autorisés à venir ici, nous les renverrons chez eux. Nous allons faire ce qu’il faut pour protéger notre pays.
Parce que si on laisse entrer des gens venant de pays en échec total, on se dirige nous aussi vers l’échec. Et moi, je ne laisserai pas l’Amérique devenir ça. Pas question. »

Ces paroles très dures, transgressant ouvertement les normes du débat public, ont immédiatement suscité un déluge d’indignations. Elles choquent, bien sûr ; elles doivent choquer. Mais leur violence ne dispense pas de comprendre ce qu’elles révèlent. Et l’on doit rappeler, pour situer l’enjeu, que Trump n’a jamais nourri d’hostilité particulière envers les Afro-Américains en tant que tels : c’est l’immigration récente et sa logique qui sont ici visées, non un groupe racial installé dans la communauté politique américaine.

La brutalité comme révélateur : dire sans médiation

La radicalité du propos trumpien ne tient pas seulement à l’injure ou à la dépréciation de personnes. Elle réside dans la volonté de dire directement une réalité telle qu’il la perçoit : la décomposition d’un modèle d’intégration, l’impuissance de l’État à maîtriser les flux migratoires, l’inquiétude diffuse d’une partie du pays face à une transformation démographique qui semble échapper à tout contrôle.

On peut contester la vision, la réfuter, en démonter les biais ou les généralisations hâtives. Ce serait même le seul terrain légitime de la critique. Mais il faut reconnaître à cette parole ce qui lui donne son efficacité : elle ne cherche pas à ménager ce que nous appelons aujourd’hui, souvent de manière purement esthétique, le « politiquement correct ». Trump parle comme si la démocratie se réduisait à l’énonciation sans médiation de son propre jugement. Il le fait au nom de ce qu’il considère comme la vérité factuelle — et que ses adversaires qualifieront immédiatement de fantasme ou de haine.

La surprise n’est pas là où l’on croit : ce n’est pas qu’un dirigeant parle ainsi ; c’est que l’ensemble du système politique soit devenu incapable d’y répondre autrement que par l’excommunication morale.

L’allergie à la conflictualité : quand le désaccord devient faute morale

Il faut ici mesurer ce que révèle la réaction en chaîne déclenchée par ses propos. On n’opposera pas à Trump des chiffres, des analyses sur les effets socio-économiques de telle immigration, ni même une réflexion sur ce que signifie accueillir en masse les ressortissants d’un pays en effondrement institutionnel. On lui opposera un mot : racisme.

Le recours immédiat au registre moral est devenu l’outil ordinaire de l’argumentation politique. Il évite précisément de répondre au fond : que représente l’immigration somalienne aux États-Unis ? Quels sont les critères d’intégration ? Quelle articulation entre accueil des personnes et exigences de cohésion nationale ? Quelles responsabilités pour celles et ceux qui, entrés dans la communauté politique, s’attaquent ensuite à ses fondements symboliques ?

Ces questions légitimes sont devenues interdites parce qu’elles font sentir la dimension conflictuelle inhérente à toute démocratie vivante.

Car c’est bien là que se situe le cœur du problème : nous sommes les héritiers de sociétés qui ont voulu conjurer la conflictualité, non pas la réguler. Toute parole heurtant la sensibilité du groupe dominant — ou de ceux qu’il a érigés en figures sacrées — est immédiatement renvoyée dans le registre de l’inhumanité.

L’impensé démocratique : la peur du réel

Ce que Trump montre, dans sa façon d’aller droit au but, c’est la difficulté contemporaine à assumer que la démocratie implique l’autorisation du conflit. Dire ce que l’on pense, non pas dans une forme polie, mais dans une forme tranchée, est devenu suspect. L’individu démocratique, tel qu’il s’est façonné au fil des décennies, refuse désormais de considérer que le désaccord peut être frontal sans être criminel.

Or l’histoire longue des systèmes démocratiques nous enseigne l’inverse : c’est par l’affrontement explicite des points de vue que les sociétés libres ont su s’orienter. Si l’on commence par interdire la parole au nom de son caractère blessant, on finit par rendre impossible toute mise en évidence du réel. Car le réel, par définition, blesse.

Le cas Ilhan Omar : entre appartenance et contestation

L’affaire prend ici une dimension symbolique singulière. Ilhan Omar est à la fois le produit d’une tradition démocratique américaine — celle qui permet l’intégration et la participation politique de personnes issues de sociétés effondrées — et la critique radicale de cette même tradition, qu’elle accuse de racisme, d’impérialisme, d’iniquité constitutive.

Cela n’est pas nouveau : les démocraties modernes ont toujours donné voix à leurs propres contestataires. Mais ce qui change, c’est que l’expression de cette contestation n’est plus perçue comme un élément interne au débat démocratique. Elle devient un signe d’hostilité civilisationnelle.

La difficulté — et c’est là que Trump met le doigt dessus, sans capacité d’élaboration conceptuelle — est de savoir comment une démocratie peut accueillir des personnes issues de mondes qui n’ont pas connu la matrice politique occidentale, tout en préservant les cadres symboliques qui rendent possible la coexistence. Ce n’est pas une question raciale. C’est une question de forme de vie.

Le malentendu fondamental : dire le réel ou le déformer ?

Il serait trop simple de renvoyer Trump à sa brutalité, ou d’en faire un raciste structurel. L’enjeu est ailleurs : comment une démocratie affronte-t-elle l’irruption de paroles qui disent le réel sous une forme insoutenable ?

Car la démocratie ne meurt pas de la brutalité verbale. Elle meurt de la disqualification morale du réel.

Lorsque l’on refuse d’entendre une inquiétude — justifiée ou non — sous prétexte qu’elle heurte, on ouvre la voie à ce que cette inquiétude devienne rage.

La règle du conflit démocratique n’est pas d’édulcorer ce qui se dit. Elle est de l’affronter, d’y répondre, d’argumenter. C’est précisément ce qui a disparu. Les accusations ont remplacé les arguments. L’indignation a supplanté l’analyse.

Trump, paradoxalement, remplit une fonction démocratique essentielle : rappeler que le conflit existe. Mais il la remplit de manière sauvage, parce que la démocratie elle-même ne sait plus l’apprivoiser.

La société malade

Price: 23,90 €

3 used & new available from 23,90 €

Le bon sens sous les radars


Selon la base de données SCDB, avec 400 radars par million d’habitants, la Belgique est le pays le plus équipé. En 2024, ceux-ci ont rapporté 577 millions d’euros d’amendes routières. Cependant, la Belgique affichait toujours 37 morts par million d’habitants sur ses routes en 2024. D’autres pays, tels le Danemark ou la Norvège, affichent de bien meilleurs résultats avec un taux de radars bien plus faible. Mais probablement aussi un taux d’amendes routières plus faible également. Ce qui explique sans doute que la Belgique ait l’intention d’installer plus de 150 nouveaux radars en Wallonie d’ici à la fin 2025. Et il y en aura pour tous les goûts ! Des radars fixes, des radars tronçons et même des radars de feu ! Qui dit mieux ?

C’est le moment qu’a choisi Jean-Marie Dedecker pour poster sur la question. Son nom ne vous dit rien ? C’est normal, car contrairement à d’autres figures pittoresques du royaume, il n’est guère connu au-delà des frontières. C’est regrettable parce qu’il vaut le détour. Armé de bon sens et de franc-parler, c’est un homme politique flamand tonitruant et inclassable. Raison pour laquelle les médias, le monde politique et le troupeau électoral l’ont classé « extrême droite ». Il est vrai qu’il n’est pas d’extrême gauche et semble très peu disposé à ingurgiter la moraline wokiste qu’on nous sert à tous les repas. Parlez-lui plutôt de la bière belge qu’il distribue gratuitement à la cafétéria de la Chambre des représentants depuis qu’elle y a été interdite à la vente.

Ancien entraîneur de judo et auteur en 2010 d’un ouvrage qui a un poil hérissé les écolos, Dedecker est aussi maire. Et voici ce qu’il a tweeté concernant sa ville : « Middelkerke compte 424 km de routes. Il n’y a AUCUN radar fixe ou mobile. Avec 15 accidents, dont 1 grave, pour 100 km de route, c’est pourtant l’une des communes les plus sûres de Flandre en matière de sécurité routière (avec une moyenne de 22 accidents, dont 2 graves) ».

Autrement dit, ici, les autorités ont mieux à faire qu’emmerder les automobilistes, elles ont d’autres idées pour financer les dépenses communales que la répression et les routes y sont sûres. On aimerait que toute la Belgique en prenne de la graine. Et la France ?

Trop de tentations pour les avocats?

Alors que l’avocat parisien Xavier Cazottes est impliqué dans le procès lié à une vaste tentative d’escroquerie visant Total à Nanterre, il fait aussi l’objet d’accusations d’emprunts d’argent répétés dans la capitale. Escroquerie, abus de faiblesse, abus de confiance voire harcèlement: notre chroniqueur s’étonne de l’inaction de l’ordre des avocats et souligne que, malgré ses possibles erreurs, la magistrature demeure globalement à l’abri des corruptions ordinaires des avocats


Il n’y a pas lieu de s’en réjouir, et le magistrat honoraire que je suis le déplore plus que tout autre : depuis quelques années, la morale professionnelle des avocats est mise à mal et leur éthique personnelle fragilisée. Un certain nombre d’affaires, allant de transgressions minimes à des infractions graves, défrayent la chronique, même si je prends soin de préciser qu’elles ne sont pas encore définitivement jugées et que les mis en cause bénéficient, en pareil cas, de la présomption d’innocence.

Ce qui m’intéresse, ce sont les raisons de ces dérives, qui ne concernent évidemment pas l’ensemble du barreau.

Je me revois projeté des années en arrière lorsque, ayant un temps caressé l’idée de devenir avocat, je l’écartai aussitôt pour un double motif : je craignais d’être soumis à trop de tentations de toutes sortes et je sentais que ma personnalité, bien que désireuse de liberté, aurait besoin d’une structure, d’un cadre que la magistrature m’offrirait.

La rigueur qui doit être celle, tout particulièrement, des avocats pénalistes – tant les occasions de fauter sont nombreuses dans ce domaine, compte tenu de la nature de la clientèle et des liens troubles qu’elle peut engendrer – est fondamentale. S’abandonner à la moindre entorse ouvre une brèche susceptible, à force, de conduire à un délitement et à un laxisme progressifs.

A lire aussi: Mont-de-Marsan: peine maximale pour la mère empoisonneuse

Me Pascal Garbarini, que j’ai soumis à la question, avait pointé, pour expliquer cette multiplication d’incidents professionnels, la suppression des cinq puis des trois années de stage obligatoire chez un avocat après la prestation de serment, avant de pouvoir s’installer, lesquelles permettaient auparavant à de nombreux jeunes avocats de se former et d’être attentifs aux mille risques susceptibles de résulter d’une pratique insuffisamment exigeante.

Pour avoir certains exemples dans la tête, je suis persuadé que le corporatisme du barreau est trop souvent un bouclier infranchissable et que les Conseils de l’Ordre n’ont que trop tendance à minimiser les problèmes qui leur sont soumis.

Cette accumulation, ces derniers temps, de griefs, de soupçons ou de scandales liés au comportement d’avocats de plus en plus nombreux n’est pas anodine. Je considère qu’on ne peut guère attendre d’un Conseil qui n’est pas irréprochable sur ce plan une rectitude intellectuelle et judiciaire dans le traitement du fond des débats et dans l’argumentation qu’il lui revient de développer.

Face à ces ombres qui ne cessent de s’amplifier, et sans pour autant encenser la magistrature en tout, j’ai tout de même envie de défendre celle-ci. Si elle peut connaître des dérèglements d’analyse et parfois rendre des jugements ou des arrêts discutables, elle semble toutefois à l’abri des corruptions vulgaires et des dépendances honteuses. Sa responsabilité pourrait être davantage engagée lorsque, de toute évidence, certains de ses actes ou décisions sont si aberrants qu’ils échappent au champ des voies de recours mais son éthique collective ou personnelle est quasiment irréprochable.

Pour schématiser, si le barreau doit résister aux tentations provenant principalement de l’extérieur, les magistrats ont pour devoir de battre en brèche celles qui, en eux-mêmes, pourraient miner leur indépendance et leur liberté.

MeTooMuch ? (Essai)

Price: 6,99 €

1 used & new available from 6,99 €

Gays for Jordan?

0

L’hebdomadaire féminin ELLE s’émeut de la banalisation des homosexuels qui se mettent à voter comme tout le monde…


D’après une enquête du magazine Elle, le Rassemblement national a la cote chez les homosexuels. Deux phénomènes :

  • Le premier n’est pas un secret de polichinelle parce que ce pas un secret du tout. Le RN est le parti qui compte le plus d’homosexuels affichés (comme Jean-Philippe Tanguy ou Sébastien Chenu, fondateur de GayLib). Sur 82 élus masculins, il y aurait 30 à 35 homos.
  • Jusqu’en 2012, les homosexuels votaient massivement à gauche. Mais dans le sondage IFOP cité par Elle, 30 % des homos s’apprêteraient à voter Bardella.

De l’eau a coulé sous les ponts

Tempête sous les crânes militants. Pour la gauche, le lobby LGBT et les journalistes de Elle, les choses sont assez simples : être homosexuel c’est bien, être progressiste c’est bien. L’homosexuel est progressiste et l’extrême droite homophobe. La preuve, le RN est allié avec Viktor Orban. Les mêmes ne reprochent pas à Mélenchon sa complaisance avec les Mollahs. Et eux ne refusent pas le mariage gay comme Orban, ils pendent les homosexuels.  

A lire aussi, Charles Rojzman : Mon coming-out nationaliste!

Dans les crimes imputés au FN puis RN, l’homophobie suivait de près le racisme et l’antisémitisme. Accusation nourrie par les saillies de Jean-Marie Le Pen sur les sidaïques ou les folles. Lui-même avait comme majordome et plus proche conseiller deux homos. Mais dans la frange catho-tradi très conservatrice de son électorat, l’homophobie était décomplexée. Aujourd’hui, dire que le RN est homophobe est une plaisanterie.

Qu’est-ce qui explique ce changement, l’arrivée de Marine Le Pen ?

La société a changé. Les homosexuels ont gagné le droit à l’indifférence. Il n’y a plus de discriminations à combattre au grand dam des associations qui en cherchent désespérément à l’extrême droite mais ne les voient pas dans nos territoires perdus ou à Gaza.

La vraie homophobie, celle qui casse la figure aux homosexuels, a plutôt cours dans les banlieues travaillées par l’islam radical, pas chez les bourgeois du XVI qui, s’ils en ont, gardent leurs mauvais sentiments pour eux. Gays for Jordan est plus crédible que Queers for Gaza – désolée.

En réalité, les homosexuels ne votent pas plus pour le RN, ils votent comme les autres Français et se fichent totalement des consignes de militants. « Grâce à la banalisation de l’homosexualité, l’orientation sexuelle ne pèse plus autant sur le vote» regrette l’auteur de l’enquête de Elle, Hicham Zemrani. Les homos ne votent pas en tant qu’homos. Cela devrait réjouir le lobby LGBT. Les homosexuels ne sont plus une minorité montrée du doigt, ni une communauté politique. Ce sont des citoyens comme vous-et-moi. Ils votent avec leur tête pas avec leurs fesses.


Cette chronique a été diffusée sur Sud radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale

La France humiliée mais Boualem libre

Toute la classe politique aurait dû célébrer la libération de Boualem Sansal. Mais perdue dans ses compromissions ou ses renoncements, elle confond prudence et lâcheté. Après les geôles d’Alger, l’écrivain rebelle découvre, en France, le bridage médiatique.


La libération de Boualem Sansal aurait dû être un moment de soulagement, puis de fierté nationale. Elle aurait pu rappeler que la France reste, au-delà de ses contra dictions, un pays qui protège les écrivains menacés, les esprits libres, les consciences dissidentes. Au lieu de cela, elle met cruellement en lumière nos renoncements, notre timidité diplomatique et, plus grave encore, l’abdication d’une partie de la classe politique face à un régime autoritaire. Le contraste est brutal : quand la France hésite, recule ou se tait, c’est l’Allemagne qui obtient la libération de Boualem Sansal.

La France a peur d’Alger

Depuis des années, Sansal incarne tout ce que les dictatures redoutent : la parole libre, l’ironie acérée, la critique lucide de l’islamisme et du militarisme algérien. Il n’a jamais renoncé à dénoncer le conformisme, la corruption et la dérive autoritaire du pouvoir d’Alger. Voir un tel écrivain arrêté, humilié, menacé pour ses idées aurait dû déclencher un réflexe immédiat dans le pays des Lumières. Ce réflexe n’est jamais venu.

Pire encore : alors que la société civile s’inquiétait, que des voix académiques et littéraires tentaient de s’élever, les autorités françaises se sont réfugiées dans un mutisme embarrassé. Pas un mot fort, pas une condamnation nette, pas la moindre pression publique, les efforts isolés – quoique courageux – de Bruno Retailleau mis à part. La raison est connue : la France a peur d’Alger. Peur de froisser un partenaire imprévisible. Peur de remettre en question une coopération sécuritaire fragile. Peur, surtout, d’affronter une mémoire franco-algérienne instrumentalisée, que nos gouvernants tentent d’apaiser au moyen de repentances symboliques plutôt que par la défense de principes.

Cette prudence, que certains osent appeler « réalisme diplomatique », n’est rien d’autre qu’une forme de lâcheté. Une lâcheté d’autant plus choquante qu’elle contraste avec la détermination de l’Allemagne. Berlin, sans passé colonial en Algérie, sans dette mémorielle utilisée comme chantage, a agi avec fermeté et célérité pour sortir de sa geôle un écrivain persécuté. Ce simple écart de posture révèle une vérité dérangeante : la France n’est plus, dans cette région du monde, un acteur respecté, mais un pays paralysé par sa culpabilité et incapable d’affirmer ses lignes rouges.

Le naufrage des Insoumis

Plus grave encore est l’attitude d’une partie de la gauche radicale française, au premier rang de laquelle La France insoumise. Au lieu de défendre la liberté d’expression d’un intellectuel persécuté, plusieurs députés LFI ont choisi de le calomnier, l’accusant de « racisme » et d’« islamophobie » – anathèmes automatiques dès qu’un penseur critique l’islamisme ou ses relais politiques. Ils ont voté contre les résolutions appelant à sa libération, préférant s’en prendre à l’écrivain plutôt qu’au régime qui l’emprisonne. L’histoire retiendra leurs noms.

Boualem Sansal n’est certes pas consensuel. Sa critique de l’islamisme est frontale, sans fard. Il ose même critiquer l’islam, ce qui est son droit le plus absolu au pays de Charlie. Son regard sur les dérives identitaires heurte ceux qui confondent défense des minorités et sacralisation d’une religion. Mais c’est cela, précisément, la litté rature : la liberté d’inquiéter, de bousculer, de choquer. Or ce sont des élus de la République qui ont rejoint, consciemment ou non, le camp de ceux qui veulent faire taire les voix dissidentes.

Maintenant qu’il est « libéré », une question se pose : l’est-il vraiment ? Peut-on dire aujourd’hui que Boualem Sansal a recouvré sa liberté pleine et entière lorsqu’il affirme lui-même qu’il devra « modérer » sa parole pour ne pas mettre en danger les siens ? Lui est-il demandé – et par qui ? – de ne pas livrer le fond de sa pensée et le récit de son emprisonnement ? Le gouvernement français, soucieux de préserver ses relations avec Alger, impose-t-il implicitement à Sansal une prudence qui tranche avec son esprit rebelle et effronté ?

À cela s’ajoute un plan média verrouillé, conçu par Gallimard : une première prise de parole sur France Inter, puis une autre sur France Télévisions – ce même service public qui a laissé traiter l’écrivain de raciste et d’islamophobe, et qui n’a jamais rectifié ni assumé les injures de certains de ses chroniqueurs. Qu’un auteur libéré d’une dictature commence son retour par un parcours médiatique ainsi organisé interroge : protège-t-on Sansal, ou encadre-t-on ce qu’il est autorisé à dire ? Il y a quelque chose de terrible dans cette image d’un dissident surveillé par ses libérateurs.

Boualem est certes revenu en France, et c’est heureux. Mais quand retrouvera-t-il pleinement la place qui est la sienne – celle d’un esprit libre ? Tant que subsisteront les pressions politiques, les menaces implicites, les silences prudents et les stratégies d’image pour ne pas froisser Alger, sa libération restera incomplète. Et elle continuera de symboliser, au-delà de son cas personnel, notre renoncement collectif à défendre sans trembler ceux qui parlent librement.

Mont-de-Marsan: peine maximale pour la mère empoisonneuse

La personnalité inquiétante de l’accusée semble avoir été déterminante dans la décision du jury.


Le jury de la Cour d’assises des Landes, à Mont-de-Marsan, devant laquelle comparaissait Maylis Daubon, 53 ans, accusée d’avoir empoisonné ses deux filles dont l’aînée Enéa est décédée dans sa dix-huitième année, a été hermétiquement sourd aux plaidoiries. Estimant que l’hypothèse du suicide de cette dernière était plausible, ses deux défenseurs, Me Carine Monzat et Me Gérard Danglade, avaient réclamé son acquittement pur et simple.

Un procès qui a passionné la ville

Or, tout au contraire, la Cour l’a condamnée mercredi au terme de huit jours d’audience qui ont fait chaque fois salle comble (une durée exceptionnellement longue pour un procès d’assises), à la peine maximale de 30 ans de réclusion requise par le Ministère public. Le jury en a même rajouté en portant la peine de sûreté de 15 ans demandée par ce dernier à 20 ans. Et n’a pas été, davantage, sensible au témoignage de la cadette, Lau, la présumée survivante, âgée de 23 ans aujourd’hui, étudiante en biologie, venue à la barre proclamer avec force l’innocence de sa mère.

Elle avait redit ce qu’elle n’avait cessé de répéter durant l’instruction : qu’elle était convaincue que sa mère ne les avait pas empoisonnées, elle et sa sœur. A l’inverse, elle a chargé son père, Yannick Reverdy, 49 ans, un ancien international de handball, l’accusant de violence envers son épouse. « Je l’ai vu casser la gueule à ma mère, il était très violent physiquement et mentalement », a-t-elle affirmé sans que la Cour cherche à en savoir davantage.

Pas de place au doute

La conclusion de ce procès ne peut que laisser dubitatif. Au fil des audiences, à aucun moment n’a été avancé le moindre élément susceptible d’accréditer que Maylis Daubon avait administré à Enéa, le matin du 13 novembre 2019, entre 50 et 75 cachets de propranolol, un bétabloquant cardiaque qui allaient provoquer sa mort six jours plus tard après avoir été admise aux urgences de l’hôpital de Dax. Alors se pose une question : sur quoi les jurés ont fondé leur intime conviction ? Elle restera sans réponse car les délibérations relèvent du secret.

A l’énoncé du verdict, la présidente, Emmanuelle Adoul, s’est bornée à déclarer qu’ « au regard de la gravité des faits, de la mort d’Enéa, de leur durée, des modes opératoires (…), la Cour a estimé la culpabilité ». Puis elle ajouté que « la vie de Lau (NDLR la cadette) a été sauvée du fait de l’interpellation » de la mère. L’avocat général, Marc Borragué, de son côté, a affirmé que la victime était « affaiblie par une surmédicalisation, avec une soumission chimique qui a entraîné une abolition de son libre arbitre. »

Donc à propos du propranolol, « on lui donne ou elle prend, je ne peux l’affirmer, dit-il, mais l’absorption a été faite dans des conditions d’emprise. » Selon lui, Maylis Daubon a agi sous l’effet du syndrome de Münchhausen. A savoir, a-t-il expliqué : « J’ai emprise sur quelqu’un qui va m’échapper, je ne peux le supporter, je le tue. »

D’un point de vue strictement médical, ce syndrome, selon le spécialiste Eric Binet, « est un trouble factice qui conduit un parent à simuler, exagérer, provoquer chez son enfant une pathologie pour en obtenir une reconnaissance à travers l’assistance médicale qu’il lui apporte ».

Dans les faits, ce 13 novembre, l’accusée n’était pas à son domicile lorsque Enéa a eu en fin de matinée sa crise de convulsions qui allait lui coûter la vie. Elle avait un rendez-vous avec un prof de Lau qui était restée, elle, à la maison. De style gothique, déscolarisée depuis un an, Enéa souffrait de troubles psychiatriques sévères, avec des tendances, selon son entourage, suicidaires. Elle était sous traitement.  L’infirmier était passé à 8h30 lui prodiguer ses soins bi-quotidiens. Il n’avait rien noté d’anormal. Plus tard arrive le petit-ami de Lau. C’est lui qui découvrira Enéa, dans sa chambre, en pleine crise de convulsions. Alertée, la mère arrive dix minutes plus tard, et alerte à son tour les pompiers.

Une personnalité inquiétante

Ce sont eux qui ont la suspicion d’un possible empoisonnement. Ils alertent la police qui ouvre une enquête qui a abouti à l’inculpation de Maylis Daubon. L’analyse toxicologique avait décelé dans le corps de la morte dix fois la dose thérapeutique du bétabloquant en question. Sur les conditions de cette ingestion, « on ne sait rien », insistera la défense. « Avaler autant de cachets, affirmera Me Carine Mongat, c’est impossible. » L’énigme demeure entière. Seul un Sherlock Holmes aurait éventuellement pu la résoudre. L’unique certitude, c’est que, d’après une experte, le poison détecté a été ingurgité au moins deux heures avant.

Deux faits ont contribué à accréditer la culpabilité de Maylis Daubon auprès de la cour, sa personnalité et le stock « impressionnant » de propranolol découvert chez elle lors d’une perquisition. Qualifiée de menteuse invétérée et de mythomane, comment dès lors la croire à sa sincérité lorsqu’elle clame avec véhémence son innocence. Avant que le jury ne se retire pour délibérer, en vain elle a prononcé ces derniers mots : « C’est avec l’énergie du désespoir que je vous dis mon innocence. Je n’ai pas empoisonné Enéa et Lau. » Quant au stock de propranolol, c’est elle qui se l’est procuré à l’aide d’ordonnances truquées et en courant les pharmacies, ce qui indubitablement a très probablement induit le sentiment auprès des jurés de la planification d’un empoisonnement sur la durée.

Ses avocats ont laissé entendre qu’elle allait interjeter appel. Elle a dix jours pour le faire à partir de l’énoncé de sa peine.

Teen Vogue la galère…

Aux États-Unis, la déclinaison de Vogue pour les jeunes fait les frais du mouvement de libération anti-woke. Didier Desrimais raconte.


Petite sœur de Vogue, la revue américaine Teen Vogue a été lancée en 2003. Destinée, comme son nom l’indique, aux jeunes, elle a d’abord traité de sujets propres à la marque : la mode et les célébrités. En 2016, dogme DEI (diversité, équité, inclusion) oblige, Condé Nast, la maison d’édition à qui appartient Teen Vogue, propulse l’Afro-Américaine Elaine Welteroth au poste de rédactrice en chef. La ligne éditoriale est dès lors de plus en plus politique, démocrate et woke.

Entre deux papiers anti-Trump, les juvéniles lecteurs de Teen Vogue apprennent de nouveaux « concepts » – masculinité toxique, privilège blanc, racisme systémique, fluidité de genre, apocalypse climatique, etc. – et découvrent qu’un homme peut être enceint et une femme avoir un pénis, qu’être « non binaire, c’est être libre », que tous les Blancs sont racistes et que Greta Thunberg est une « icône inspirante ».

A lire aussi: France Inter: ce que le militantisme fait à l’humour…

Au nom de la « santé sexuelle » et parce que « le sexe anal est trop souvent stigmatisé », Teen Vogue propose aux adolescents des articles sur la sodomie, agrémentés de chatoyants croquis anatomiques, dans lesquels il est spécifié que le coït anal n’est pas réservé aux homosexuels et que les « non-propriétaires de prostate » (les femmes) peuvent également y prétendre. Récemment encore, et bien que le wokisme batte de l’aile aux États-Unis, les divagations sur le « système patriarco-hétéronormatif » et les élucubrations sur la « crise climatique, symptôme du système colonial et blanc » se multipliaient dans le magazine pour ados à cheveux verts et à idées courtes. Mais… business is business : de nombreuses entreprises abandonnent les politiques « d’inclusion et de diversité » imposées par les groupes de pression « progressistes », mais de plus en plus contre-productives et financièrement préjudiciables. La maison d’édition Condé Nast a décidé de participer à ce mouvement libérateur en licenciant les trois quarts des journalistes de Teen Vogue et en fusionnant ce dernier avec Vogue.com où, avertit diplomatiquement mais fermement l’équipe de direction, il devra se plier à sa ligne éditoriale dépolitisée. Vive le Mouvement de libération anti-woke !

« Io sono Giorgia » ! Le système Meloni

0
Giorgia Meloni et Ursula von der Leyen au sommet du G7 à Borgo Egnazia, dans les Pouilles, le 13 juin 2024 © Francesco Fotia/AGF/SIPA

Giorgia Meloni est à la tête du gouvernement italien depuis trois ans. Ses succès ne reposent pas uniquement sur les lois votées ni les réformes engagées mais sur une stratégie européenne de longue haleine qui lui confère aujourd’hui prestige et sympathie sur la scène internationale.


En 1997, vous avez vibré pour le « blairisme », ce coup de neuf progressiste dont la social-démocratie européenne avait tant besoin ? En 2007, vous vous êtes emballé pour le « sarkozysme », ce grand retour de la volonté en politique ? En 2017, vous avez admiré le « macronisme », ce syncrétisme socialo-libéral si efficace et dynamique, censé dépasser les clivages traditionnels ? Alors c’est certain, vous adorerez le « melonisme », ce néopopulisme célébré ces derniers temps dans la presse internationale comme le mariage réussi entre convictions identitaires et rigueur budgétaire. Cependant, si vous ne croyez pas au père Noël, un bilan d’étape plus circonstancié de la politique de Giorgia Meloni depuis qu’elle a pris la tête du gouvernement italien s’impose. On verra aussi que la conquête du pouvoir a été préparée par une mue politique mûrement réfléchie.

Longévité rare

Arrivée en octobre 2022 au palais Chigi (le Matignon italien), Meloni peut se vanter d’une longévité rare à ce poste, mais surtout d’avoir maîtrisé les déficits, obtenu une forte désinflation et fait baisser le chômage. Seulement la Première ministre n’a pas eu recours à un traitement de choc à la Javier Milei pour obtenir ces résultats. On veut la recette de sa potion magique.

Retour en 2022. Dès qu’elle rentre en fonction, Meloni referme l’ère du « quoi qu’il en coûte », qui avait été ouverte par la pandémie de Covid, puis prolongée par l’envolée des prix de l’énergie suite à l’invasion de l’Ukraine. Conséquence, le déficit public, supérieur à 8 % du PIB en 2022, est ramené sous la barre des 4 % en 2024. Mieux, cette baisse de la dépense publique n’a pas asphyxié l’activité, car la présidente du Conseil s’est arrangée pour faire octroyer à l’Italie une portion non négligeable (environ 200 milliards d’euros) du plan de relance européen. En d’autres termes, comme l’a souligné Marine Le Pen dans notre numéro de novembre, nos voisins transalpins font désormais financer une partie de leurs dépenses publiques par Bruxelles. Cependant, comme on le verra, l’UE, comme le Ciel, aide ceux qui s’aident eux-mêmes. Meloni a beaucoup travaillé pour obtenir ce cadeau.

Vient alors le trophée de Meloni : l’emploi. Le taux de chômage, qui stagnait depuis une décennie autour de 9 à 10 %, s’établit désormais à environ 7 % et pourrait continuer de baisser. Ce succès, accompagné d’une belle reprise de l’investissement (680 milliards d’euros estimés en 2025), s’explique par un net recul de l’inflation (0,9 % aujourd’hui contre 8 % en 2022, ce qui a permis de sauvegarder la demande intérieure), doublé d’un excédent commercial en hausse (40 milliards d’euros cette année), reflet des performances de l’industrie italienne sur les marchés européens et asiatiques.

Parmi les autres mesures économiques décidées par Meloni, signalons la réforme du revenu de citoyenneté (l’équivalent de notre RSA), la réduction des subventions pour la rénovation énergétique des bâtiments et la flexibilisation du marché du travail. Mais aussi une baisse de l’impôt sur le revenu pour la tranche comprise entre 28 000 et 50 000 euros annuels (passée de 35 % à 33 %) et un allégement de l’impôt sur les sociétés. Enfin, quelques privatisations partielles comme celles d’ITA Airways (la compagnie aérienne nationale), de la banque Monte dei Paschi di Siena (la plus ancienne banque au monde) et du pétrolier ENI (le premier groupe du pays) ont rapporté autour de 4 milliards d’euros.

Pas vraiment une rupture historique

Cependant l’Italie n’est pas sortie de l’auberge. La croissance reste faible (+ 0,7 % en 2024), la productivité du travail demeure atone, la bureaucratie administrative continue de peser sur les entreprises, les inégalités régionales se creusent et le vieillissement de la population érode le marché du travail. Enfin, avec une dette publique proche de 135 % du PIB, l’Italie reste le deuxième pays le plus endetté de l’UE (derrière la Grèce et juste devant la France). Bref, l’essentiel du redressement économique de la péninsule provient davantage de circonstances favorables, dont Meloni a certes su tirer le plus grand profit, que de réformes structurelles durables, dont le pays aurait pourtant bien besoin. Et si Rome inspire aujourd’hui davantage de confiance aux institutions européennes et aux marchés financiers, les jeunes actifs italiens se montrent plus réservés puisque 156 000 d’entre eux ont émigré en 2024, tandis que le nombre de naissances a atteint un niveau historiquement bas, avec 370 000 naissances par an et un taux de fécondité de 1,18 enfant par femme.

Autre point crucial : la politique migratoire, pilier de la campagne électorale de Meloni en 2022 et thème majeur pour ses alliés berlusconistes et salvinistes. Depuis que la droite est aux affaires, des résultats authentiquement positifs et concrets ont été enregistrés en matière de réduction des flux. Pourtant, le protocole pour l’établissement de centres d’accueil externalisés en Albanie, conçus pour traiter les cas de 36 000 migrants par an, a été bloqué par la justice. Parallèlement, afin de ne pas nuire aux entreprises, le gouvernement a octroyé 450 000 permis de travail pour la période 2023-2025, et 500 000 sont prévus pour 2026-2028. Bref, s’il y a moins d’entrées illégales, c’est très largement parce qu’il y a plus de permis de séjour.

En réalité, le crédit politique dont bénéficie la Première ministre, et d’où découle son enviable marge de manœuvre, tient pour une grande part à des mesures situées hors des champs économique et migratoire. Une réforme résolument « pro-forces de l’ordre » est notamment en cours, pour accélérer les procédures judiciaires, renforcer les pouvoirs de la police, garantir les peines de perpétuité réelle et interdire les rave parties. En matière bioéthique, une loi anti-GPA a été adoptée en octobre 2024, avec des peines allant jusqu’à deux ans de prison et un million d’euros d’amende pour les contrevenants. Enfin, un projet de « IIIᵉ République » visant à instaurer l’élection directe du Premier ministre au suffrage universel pour un mandat de cinq ans est en débat.

Cette politique, qui ne manque pas de bons sens et de résultats tangibles, ne suffit pas à parler de rupture historique en Italie. Ce ne sont pas des mesures concrètes qui ont permis à Giorgia Meloni de devenir la préférée de Trump, la coqueluche de The Economist et un modèle de réussite pour la droite. Pour comprendre ce phénomène, il faut remonter quelques années en arrière et, plutôt que de regarder vers Rome, se tourner vers Strasbourg et Bruxelles.

Il y a cinq ans, Giorgia Meloni a opéré un virage. Tout en continuant de revendiquer ses origines modestes, d’assumer son passé d’extrême droite, de clamer sa sensibilité anti-élitiste et de tendre la main à la Russie, elle a rompu avec l’euroscepticisme auquel elle devait pourtant son ascension politique. Comparée à Mario Draghi, fils de banquier, lui-même ex-banquier chez Goldman Sachs et ancien gouverneur de la Banque centrale européenne, la quadragénaire n’est pas obligée de prouver ni son attachement à la souveraineté nationale, ni son appartenance au peuple. Pour caricaturer, si elle était française, on pourrait dire qu’elle sent bon le gilet jaune à côté de son prédécesseur qui fait terriblement penser à Macron.

Fitto: la main sur le robinet de lait

Désormais, son objectif est de faire de l’Italie une voix audible à Bruxelles, plutôt que de suivre son allié Matteo Salvini, un temps le patron de la droite italienne, qui se maintient dans la dissidence antisystème. Dès 2021, elle se fait remarquer en refusant de rejoindre le projet de groupe populiste, les Patriots for Europe (P4E), porté au Parlement de Strasbourg non seulement par Salvini, mais aussi par Viktor Orban et Marine Le Pen. Avec son bras droit Raffaele Fitto, elle maintient son parti, les Frères d’Italie (FdI), au sein du groupe Conservateurs et réformistes européens (CRE) qui, contrairement aux P4E, accepte de dialoguer avec les députés de droite classique du Parti populaire européen (PPE). Une manœuvre appréciée dans les rangs de celui-ci.

Cette stratégie est aussi appliquée à l’intérieur de l’Italie. Lorsqu’en février 2021, Draghi forme un gouvernement d’unité nationale, Meloni choisit de rester en dehors de la coalition pour incarner une opposition patriotique sans pour autant rompre avec les circuits institutionnels. Ainsi, tout en critiquant les orientations générales de « Super Mario », elle vote en faveur de ses projets de lois liés à la sécurité, à la gestion sanitaire et au plan de relance européen, se positionnant dès lors comme l’opposition responsable, figure de proue d’une droite responsable.

C’est ainsi que lorsque Meloni arrive au pouvoir l’année suivante, Ursula von der Leyen sait déjà qu’on peut lui faire confiance. À ses yeux, avoir une interlocutrice raisonnable au cœur du camp populiste européen est même inespéré. La Première ministre italienne comprend vite le bénéfice qu’elle peut en tirer pour son pays. Ce bénéfice porte un nom : « Next Generation EU ». C’est le vaste plan de relance mis en place par l’Union à partir de 2020.

Alors que durant le gouvernement Draghi, le volet italien de Next Generation EU était géré dans une logique de neutralité destinée à rassurer Bruxelles, Meloni confie le dossier directement au seul Raffaele Fitto, ancien député européen, fin connaisseur des arcanes de l’UE et homme de confiance. Désormais ministre des Affaires européennes, il s’applique à le transformer en un instrument au service de sa politique. Reconnaissante de cet engagement résolument européen qui fragilise considérablement le camp souverainiste à Strasbourg, von der Leyen fait en sorte que Fitto ne soit pas dérangé par la machine bruxelloise.

Bari, 24 juin 2020 : Giorgia Meloni aux côtés de Raffaele Fitto, candidat de droite à la présidence de la région des Pouilles. PA/SIPA

Dans le prolongement de ce revirement pro-UE, Meloni s’aligne aussi sur les États-Unis en affichant un soutien ferme à l’Ukraine et à l’OTAN, et en se retirant du projet chinois de « Nouvelles Routes de la soie ». Bien avant les embrassades avec Donald Trump, elle sait rassurer la Maison-Blanche de Joe Biden.

En juin 2024, la victoire du PPE de von der Leyen aux élections européennes renforce encore la position de l’Italienne. Fitto quitte le gouvernement italien pour rejoindre la Commission en tant que vice-président exécutif et commissaire à la cohésion et aux réformes, un poste en surplomb, qui permet d’intervenir sur une part importante du budget européen. Le chat a désormais la main directement sur le robinet de lait.

C’est ainsi qu’un cycle vertueux économique a pu se déclencher à toute vitesse en Italie, avec à la clé la stabilisation de la dette, la confiance renouvelée des marchés, la décision des agences de notation de relever la perspective du pays et enfin la baisse des taux, et donc du coût du service de la dette. Chaque acteur dans cet écosystème aurait pu se dire « attendons un peu, une hirondelle ne fait pas le printemps ». Seulement, grâce à un travail politique de longue haleine en amont, la Première ministre, qui a su se faire des amis puissants à Bruxelles, Strasbourg, Londres et New York, est accueillie avec le tapis rouge à tous les étages.

Pour comprendre la méthode Meloni et ses indéniables succès, il ne faut donc pas chercher du côté des lois votées ni des réformes engagées. Sa réussite est d’abord celle d’une stratégie européenne et internationale entreprise en profondeur et rendue possible par une solide personnalité. Son parcours, son style et ses prises de position lui ont conféré une côte de sympathie considérable auprès des électeurs de droite et permis de s’imposer face à ses deux alliés, Forza Italia, l’ancien parti de Berlusconi, et la Lega de Salvini. Meloni en a profité pour fixer comme priorité absolue le maintien de bonnes relations avec les bailleurs de fonds mondiaux. S’il fallait, pour cela, modérer la critique de l’UE et soutenir l’Ukraine, qu’il en fût ainsi. Ses accomplissements économiques, son prestige sur la scène internationale et ses mesures conservatrices adoptées sur le plan sociétal lui ont permis de naviguer habilement et de se construire un espace politique unique. L’art d’avancer, comme elle aime à le répéter, con i piedi per terra, « avec les pieds sur terre ».

Parlez-vous le Goldnadel?

0
© Hannah Assouline

Compagnon de route de Causeur, le président d’Avocats sans frontières a du fond mais aussi de la forme. Dans son nouvel essai, où il attaque la gauche dévoyée par le racialisme et l’islamisme, il multiplie les formules spirituelles et les fulgurances comiques. Petit florilège des plus fameuses.


C’est peut-être une déformation professionnelle. L’habitude, depuis plus de quarante ans qu’il est inscrit au barreau de Paris, de plaider dans des affaires délicates et d’intervenir dans des dossiers explosifs. Gilles-William Goldnadel manie le verbe comme un torero sa cape rouge. Ses délicieuses comparaisons animalières – « le président chauve-souris », « les journalistes perroquets » – et ses expressions de conteur de fables sont devenues comme une marque de fabrique, en particulier pour ceux de ses amis qui se plaisent à l’imiter : si vous entendez quelqu’un dire « où que je porte mon regard… » ou encore « Mon imagination est impuissante à décrire… », ne cherchez pas, c’est Goldnadel.

Le président d’Avocats sans frontières a su imposer son style unique, d’abord sur les plateaux des « Grandes Gueules » (RMC) d’Alain Marschall et Olivier Truchot, puis de « Salut les Terriens » (Canal +) de Thierry Ardisson, avant de devenir un habitué de « L’Heure des pros » (CNews) de Pascal Praud, où il est à l’évidence l’un des chroniqueurs les plus aimés du public, non seulement parce que, comme il aime à le dire, il incarne à la fois le « juif de combat » et la « droite sauciflard » (bien qu’il soit végétarien) mais aussi, et peut-être surtout, parce qu’il est un athlète du trait d’esprit.

Dans son nouvel essai, impeccable plaidoirie contre le politiquement correct et l’antisémitisme contemporain, il truffe presque chaque page de ces calembours assassins qui ont fait sa réputation et qui rendent sa prose d’autant plus redoutable. Pour aider le public novice à bien entrer dans cet ouvrage salutaire (et par ailleurs fort sérieux et documenté), nous avons dressé un petit dictionnaire de traduction des jeux de mots favoris de notre camarade chroniqueur, dont nous recommandons chaudement la lecture.

Autorités d’occultation : Petit nom donné par l’essayiste aux pouvoirs publics français, en raison de leur tendance coutumière à cacher les réalités dérangeantes. Dernier exemple en date, sur la plaque officielle de commémoration des attentats du 13 novembre 2015, qui vient d’être inaugurée en face de la mairie de Paris, aucune référence n’est mentionnée quant à l’appartenance islamiste des terroristes impliqués dans cette abomination.

Fâcheuse sphère : Le président d’Avocats sans frontières fait partie des voix, taxées par certains de populisme, qui se réjouissent de l’émergence des réseaux sociaux dans le débat public. Selon lui, Facebook et X ont permis de briser la plupart des grands tabous imposés par la presse autorisée. D’où son refus d’employer le mot insultant de « fachosphère » pour désigner les internautes dont les publications hostiles à l’immigration incontrôlée et l’islam politique provoquent des haut-le-coeur à Saint-Germain-des-Prés.

Ministère de la dépense : Attention, faux-ami. Goldnadel ne vise pas à travers ce calembour le budget des Armées (qui augmente certes d’année en année), mais notre dispendieuse politique sociale, dont il fustige la « conception paresseuse de l’assistanat, de l’argent magique et de l’absentéisme ainsi que la détestation des riches ».

Odieux visuel de service public : Formule devenue récurrente sous la plume de notre ami lorsqu’il évoque les médias audiovisuels d’État. Pour Goldnadel, cet ensemble de 13 000 employés, sept chaînes de TV et sept stations de radio est un monstre administratif et idéologique au gigantisme injustifié dans une démocratie libérale digne de ce nom.

Privilège rouge : Ripostant à la thèse woke selon laquelle l’Occident vivrait sous le règne du « privilège blanc », l’auteur des Martyrocrates (2004) objecte que, sous nos latitudes, c’est bien plutôt quand on se revendique de gauche que l’on obtient les plus grands avantages. Ainsi, lorsque le 28 octobre, l’antifa Raphaël Arnault a fait un tweet menaçant en réponse à Éric Zemmour (« Suprémacistes religieux ou nationalistes, on va tous vous dézinguer »), le peu de réactions dans la classe politique n’a eu d’égal que le scandale national auquel on aurait eu droit si, à l’inverse, le président de Reconquête ! avait osé adresser un message de cet acabit au député insoumis.

Rance Inter : Nom donné par Goldnadel à la radio publique généraliste, dont il s’inflige tous les matins l’écoute attentive afin d’en déconstruire le récit quotidien. Parmi ses cibles favorites : la nouvelle préposée à la revue de presse Nora Hamadi qui, comme le remarque l’essayiste, « adore citer Blast, L’Huma et Street Press », et beaucoup moins Le Figaro, CNews et Causeur.

Thomas Lepetit et Patrick Coco : On aura reconnu derrière ces affectueux surnoms les deux pieds nickelés de France Inter, Thomas Legrand et Patrick Cohen, surpris il y a quelques mois dans un bistrot parisien en train d’assurer à des huiles du PS que, pour la municipale à Paris, ils « font ce qu’il faut » en s’employant avec zèle à nuire à Rachida Dati dans leurs éditos.

Vol au-dessus d’un nid de cocus, Gilles-William Goldnadel, Fayard, 2025.

Du caviar au goûter?

0
© Kaviari/Valrhona.

Les maisons Kaviari et Valrhona ont associé l’excellence de leurs produits pour créer un dessert a priori déroutant mais qui s’avère délicieux: une mousse au chocolat et au caviar. Belle découverte.


« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. » Les mots de Mark Twain pourraient sembler emphatiques pour parler d’une création culinaire. Mais celle-ci les mérite amplement, tant elle bouscule les idées reçues et séduit les papilles par ses saveurs inédites. Pensez : une mousse au chocolat et au caviar ! A priori, ces deux-là n’ont aucune affinité, aucun atome crochu, la première étant condamnée à être dégustée avec un biscuit à la cuillère, et le second à être tartiné sur un blini (ou des œufs brouillés). Osons le dire, parce qu’on parle de cuisine, cela a tout du mariage contre nature.

La rencontre

Passant récemment par la belle ville de Beaune, la directrice de Kaviari, Karin Nebot, a fait une halte chez le chef Alexandre Marza à La Maison 1896. Ce dernier lui avait réservé une surprise : une mousse au chocolat au caviar élaborée avec les produits Kaviari et Valrhona. Séduite par cette alliance inattendue entre l’amertume du cacao et l’iode de ses œufs d’esturgeons, elle a ensuite contacté Thierry Bridon, le chef pâtissier exécutif de l’École Valrhona Paris, afin de concevoir ensemble la recette commercialisable d’une telle mousse.

A lire aussi, Emmanuel Tresmontant: « La morue? Oui, chef! »

Leur travail a consisté à solliciter avec justesse tous les sens, beauté visuelle, longueur en bouche, parfums délicats, jeux des textures… pour faire découvrir comment la subtile salinité du caviar osciètre peut exalter la profondeur du chocolat, ou plutôt des chocolats.

À monter soi-même

En boutique, le produit se présente sous forme de deux boîtes rondes, deux boîtes de caviar : une grande jaune, contenant la mousse, et une petite bleu nuit, contenant le caviar. Avant dégustation, le « geste » consiste à étaler les grains d’osciètre sur le disque croquant de chocolat Nyangbo (Ghana) qui recouvre la mousse réalisée à partir de fèves de République Dominicaine. Ensuite, à chacun de faire comme il lui plaît. Mélanger tous les ingrédients à la cuillère, ou goûter l’un, puis l’autre, puis les deux ensemble (c’est ce qu’on recommande), afin de révéler au fil de la dégustation les notes de sarrazin grillé, de graines de coriandre et de noisettes torréfiées contenues dans la mousse de chocolat, puis la rondeur iodée de l’osciètre qui complète cet assemblage gustatif délicat et audacieux. Ce puzzle savoureux n’a rien d’un grossier empilage « sucré-salé ».

Causeur s’était déjà fait un plaisir de souligner la qualité des produits Kaviari, la maison fête cette année ses 50 ans ; on se félicite à l’occasion de cette création de rappeler l’excellence des chocolats Valrhona dont on ne peut que reprendre la devise : faire du bien avec du bon.


La Mousse au chocolat au caviar est disponible dans tous les Delikatessen Kaviari https://kaviari.com

Et à la Maison Valrhona : 47, rue des Archives 75004 Paris.

Prix : 59 euros.

Dire le réel en démocratie: le cas Trump–Ilhan Omar et l’impossibilité contemporaine du conflit

0
La représentante américaine Ilhan Omar et d’autres Américano-somaliens répondent aux questions après une conférence de presse donnée en réaction à l’annonce du président Trump selon laquelle il révoquerait le Statut de protection temporaire pour les Somaliens du Minnesota, au Capitole de l’État du Minnesota, 24 novembre 2025 © Renee Jones Schneider/ZUMA/SIPA

Donald Trump a renouvelé ses propos virulents contre l’élue d’origine somalienne Ilhan Omar, déclarant hier qu’elle « devrait se faire dégager de notre pays ».


Donald Trump avait tenu à propos de la députée Ilhan Omar des propos d’une rare brutalité, qui méritent d’être cités intégralement avant toute analyse :

« Regardez ce qui arrive avec des gens comme Ilhan Omar. Elle vient d’un pays complètement effondré, un endroit en ruine totale. Et au lieu d’être reconnaissante envers l’Amérique de l’avoir accueillie, elle passe son temps à salir notre pays, à lui cracher dessus, à dire que nous sommes mauvais.
Et maintenant, on fait entrer des dizaines de milliers de personnes venant du même pays, du même endroit, et tout cela ne va pas améliorer quoi que ce soit chez nous. Ce ne sont pas des gens qui se lèvent le matin pour travailler dur, pour rendre l’Amérique meilleure. Non. On fait entrer des gens qui n’apportent rien, et si on continue comme ça, on va droit dans le mur.
Je vous le dis : si on continue à accepter n’importe qui, si on continue à faire entrer ce qui abîme notre pays, on va le payer très cher. Nous n’avons pas besoin de ramener chez nous les problèmes d’un pays brisé. Nous avons assez à faire avec les nôtres.
Et Ilhan Omar, eh bien… c’est exactement ça. C’est une catastrophe ambulante. C’est une honte. Elle est un déchet politique — et les gens qu’elle soutient, les gens qu’elle veut faire venir ici, ce sont des déchets aussi. Ce n’est pas ce dont l’Amérique a besoin.
Quand je serai de retour, nous arrêterons ces entrées massives. Nous mettrons un terme à cette folie. Et ceux qui n’auraient jamais dû être autorisés à venir ici, nous les renverrons chez eux. Nous allons faire ce qu’il faut pour protéger notre pays.
Parce que si on laisse entrer des gens venant de pays en échec total, on se dirige nous aussi vers l’échec. Et moi, je ne laisserai pas l’Amérique devenir ça. Pas question. »

Ces paroles très dures, transgressant ouvertement les normes du débat public, ont immédiatement suscité un déluge d’indignations. Elles choquent, bien sûr ; elles doivent choquer. Mais leur violence ne dispense pas de comprendre ce qu’elles révèlent. Et l’on doit rappeler, pour situer l’enjeu, que Trump n’a jamais nourri d’hostilité particulière envers les Afro-Américains en tant que tels : c’est l’immigration récente et sa logique qui sont ici visées, non un groupe racial installé dans la communauté politique américaine.

La brutalité comme révélateur : dire sans médiation

La radicalité du propos trumpien ne tient pas seulement à l’injure ou à la dépréciation de personnes. Elle réside dans la volonté de dire directement une réalité telle qu’il la perçoit : la décomposition d’un modèle d’intégration, l’impuissance de l’État à maîtriser les flux migratoires, l’inquiétude diffuse d’une partie du pays face à une transformation démographique qui semble échapper à tout contrôle.

On peut contester la vision, la réfuter, en démonter les biais ou les généralisations hâtives. Ce serait même le seul terrain légitime de la critique. Mais il faut reconnaître à cette parole ce qui lui donne son efficacité : elle ne cherche pas à ménager ce que nous appelons aujourd’hui, souvent de manière purement esthétique, le « politiquement correct ». Trump parle comme si la démocratie se réduisait à l’énonciation sans médiation de son propre jugement. Il le fait au nom de ce qu’il considère comme la vérité factuelle — et que ses adversaires qualifieront immédiatement de fantasme ou de haine.

La surprise n’est pas là où l’on croit : ce n’est pas qu’un dirigeant parle ainsi ; c’est que l’ensemble du système politique soit devenu incapable d’y répondre autrement que par l’excommunication morale.

L’allergie à la conflictualité : quand le désaccord devient faute morale

Il faut ici mesurer ce que révèle la réaction en chaîne déclenchée par ses propos. On n’opposera pas à Trump des chiffres, des analyses sur les effets socio-économiques de telle immigration, ni même une réflexion sur ce que signifie accueillir en masse les ressortissants d’un pays en effondrement institutionnel. On lui opposera un mot : racisme.

Le recours immédiat au registre moral est devenu l’outil ordinaire de l’argumentation politique. Il évite précisément de répondre au fond : que représente l’immigration somalienne aux États-Unis ? Quels sont les critères d’intégration ? Quelle articulation entre accueil des personnes et exigences de cohésion nationale ? Quelles responsabilités pour celles et ceux qui, entrés dans la communauté politique, s’attaquent ensuite à ses fondements symboliques ?

Ces questions légitimes sont devenues interdites parce qu’elles font sentir la dimension conflictuelle inhérente à toute démocratie vivante.

Car c’est bien là que se situe le cœur du problème : nous sommes les héritiers de sociétés qui ont voulu conjurer la conflictualité, non pas la réguler. Toute parole heurtant la sensibilité du groupe dominant — ou de ceux qu’il a érigés en figures sacrées — est immédiatement renvoyée dans le registre de l’inhumanité.

L’impensé démocratique : la peur du réel

Ce que Trump montre, dans sa façon d’aller droit au but, c’est la difficulté contemporaine à assumer que la démocratie implique l’autorisation du conflit. Dire ce que l’on pense, non pas dans une forme polie, mais dans une forme tranchée, est devenu suspect. L’individu démocratique, tel qu’il s’est façonné au fil des décennies, refuse désormais de considérer que le désaccord peut être frontal sans être criminel.

Or l’histoire longue des systèmes démocratiques nous enseigne l’inverse : c’est par l’affrontement explicite des points de vue que les sociétés libres ont su s’orienter. Si l’on commence par interdire la parole au nom de son caractère blessant, on finit par rendre impossible toute mise en évidence du réel. Car le réel, par définition, blesse.

Le cas Ilhan Omar : entre appartenance et contestation

L’affaire prend ici une dimension symbolique singulière. Ilhan Omar est à la fois le produit d’une tradition démocratique américaine — celle qui permet l’intégration et la participation politique de personnes issues de sociétés effondrées — et la critique radicale de cette même tradition, qu’elle accuse de racisme, d’impérialisme, d’iniquité constitutive.

Cela n’est pas nouveau : les démocraties modernes ont toujours donné voix à leurs propres contestataires. Mais ce qui change, c’est que l’expression de cette contestation n’est plus perçue comme un élément interne au débat démocratique. Elle devient un signe d’hostilité civilisationnelle.

La difficulté — et c’est là que Trump met le doigt dessus, sans capacité d’élaboration conceptuelle — est de savoir comment une démocratie peut accueillir des personnes issues de mondes qui n’ont pas connu la matrice politique occidentale, tout en préservant les cadres symboliques qui rendent possible la coexistence. Ce n’est pas une question raciale. C’est une question de forme de vie.

Le malentendu fondamental : dire le réel ou le déformer ?

Il serait trop simple de renvoyer Trump à sa brutalité, ou d’en faire un raciste structurel. L’enjeu est ailleurs : comment une démocratie affronte-t-elle l’irruption de paroles qui disent le réel sous une forme insoutenable ?

Car la démocratie ne meurt pas de la brutalité verbale. Elle meurt de la disqualification morale du réel.

Lorsque l’on refuse d’entendre une inquiétude — justifiée ou non — sous prétexte qu’elle heurte, on ouvre la voie à ce que cette inquiétude devienne rage.

La règle du conflit démocratique n’est pas d’édulcorer ce qui se dit. Elle est de l’affronter, d’y répondre, d’argumenter. C’est précisément ce qui a disparu. Les accusations ont remplacé les arguments. L’indignation a supplanté l’analyse.

Trump, paradoxalement, remplit une fonction démocratique essentielle : rappeler que le conflit existe. Mais il la remplit de manière sauvage, parce que la démocratie elle-même ne sait plus l’apprivoiser.

La société malade

Price: 23,90 €

3 used & new available from 23,90 €

Le bon sens sous les radars

0
DR.

Selon la base de données SCDB, avec 400 radars par million d’habitants, la Belgique est le pays le plus équipé. En 2024, ceux-ci ont rapporté 577 millions d’euros d’amendes routières. Cependant, la Belgique affichait toujours 37 morts par million d’habitants sur ses routes en 2024. D’autres pays, tels le Danemark ou la Norvège, affichent de bien meilleurs résultats avec un taux de radars bien plus faible. Mais probablement aussi un taux d’amendes routières plus faible également. Ce qui explique sans doute que la Belgique ait l’intention d’installer plus de 150 nouveaux radars en Wallonie d’ici à la fin 2025. Et il y en aura pour tous les goûts ! Des radars fixes, des radars tronçons et même des radars de feu ! Qui dit mieux ?

C’est le moment qu’a choisi Jean-Marie Dedecker pour poster sur la question. Son nom ne vous dit rien ? C’est normal, car contrairement à d’autres figures pittoresques du royaume, il n’est guère connu au-delà des frontières. C’est regrettable parce qu’il vaut le détour. Armé de bon sens et de franc-parler, c’est un homme politique flamand tonitruant et inclassable. Raison pour laquelle les médias, le monde politique et le troupeau électoral l’ont classé « extrême droite ». Il est vrai qu’il n’est pas d’extrême gauche et semble très peu disposé à ingurgiter la moraline wokiste qu’on nous sert à tous les repas. Parlez-lui plutôt de la bière belge qu’il distribue gratuitement à la cafétéria de la Chambre des représentants depuis qu’elle y a été interdite à la vente.

Ancien entraîneur de judo et auteur en 2010 d’un ouvrage qui a un poil hérissé les écolos, Dedecker est aussi maire. Et voici ce qu’il a tweeté concernant sa ville : « Middelkerke compte 424 km de routes. Il n’y a AUCUN radar fixe ou mobile. Avec 15 accidents, dont 1 grave, pour 100 km de route, c’est pourtant l’une des communes les plus sûres de Flandre en matière de sécurité routière (avec une moyenne de 22 accidents, dont 2 graves) ».

Autrement dit, ici, les autorités ont mieux à faire qu’emmerder les automobilistes, elles ont d’autres idées pour financer les dépenses communales que la répression et les routes y sont sûres. On aimerait que toute la Belgique en prenne de la graine. Et la France ?

Trop de tentations pour les avocats?

0
DR.

Alors que l’avocat parisien Xavier Cazottes est impliqué dans le procès lié à une vaste tentative d’escroquerie visant Total à Nanterre, il fait aussi l’objet d’accusations d’emprunts d’argent répétés dans la capitale. Escroquerie, abus de faiblesse, abus de confiance voire harcèlement: notre chroniqueur s’étonne de l’inaction de l’ordre des avocats et souligne que, malgré ses possibles erreurs, la magistrature demeure globalement à l’abri des corruptions ordinaires des avocats


Il n’y a pas lieu de s’en réjouir, et le magistrat honoraire que je suis le déplore plus que tout autre : depuis quelques années, la morale professionnelle des avocats est mise à mal et leur éthique personnelle fragilisée. Un certain nombre d’affaires, allant de transgressions minimes à des infractions graves, défrayent la chronique, même si je prends soin de préciser qu’elles ne sont pas encore définitivement jugées et que les mis en cause bénéficient, en pareil cas, de la présomption d’innocence.

Ce qui m’intéresse, ce sont les raisons de ces dérives, qui ne concernent évidemment pas l’ensemble du barreau.

Je me revois projeté des années en arrière lorsque, ayant un temps caressé l’idée de devenir avocat, je l’écartai aussitôt pour un double motif : je craignais d’être soumis à trop de tentations de toutes sortes et je sentais que ma personnalité, bien que désireuse de liberté, aurait besoin d’une structure, d’un cadre que la magistrature m’offrirait.

La rigueur qui doit être celle, tout particulièrement, des avocats pénalistes – tant les occasions de fauter sont nombreuses dans ce domaine, compte tenu de la nature de la clientèle et des liens troubles qu’elle peut engendrer – est fondamentale. S’abandonner à la moindre entorse ouvre une brèche susceptible, à force, de conduire à un délitement et à un laxisme progressifs.

A lire aussi: Mont-de-Marsan: peine maximale pour la mère empoisonneuse

Me Pascal Garbarini, que j’ai soumis à la question, avait pointé, pour expliquer cette multiplication d’incidents professionnels, la suppression des cinq puis des trois années de stage obligatoire chez un avocat après la prestation de serment, avant de pouvoir s’installer, lesquelles permettaient auparavant à de nombreux jeunes avocats de se former et d’être attentifs aux mille risques susceptibles de résulter d’une pratique insuffisamment exigeante.

Pour avoir certains exemples dans la tête, je suis persuadé que le corporatisme du barreau est trop souvent un bouclier infranchissable et que les Conseils de l’Ordre n’ont que trop tendance à minimiser les problèmes qui leur sont soumis.

Cette accumulation, ces derniers temps, de griefs, de soupçons ou de scandales liés au comportement d’avocats de plus en plus nombreux n’est pas anodine. Je considère qu’on ne peut guère attendre d’un Conseil qui n’est pas irréprochable sur ce plan une rectitude intellectuelle et judiciaire dans le traitement du fond des débats et dans l’argumentation qu’il lui revient de développer.

Face à ces ombres qui ne cessent de s’amplifier, et sans pour autant encenser la magistrature en tout, j’ai tout de même envie de défendre celle-ci. Si elle peut connaître des dérèglements d’analyse et parfois rendre des jugements ou des arrêts discutables, elle semble toutefois à l’abri des corruptions vulgaires et des dépendances honteuses. Sa responsabilité pourrait être davantage engagée lorsque, de toute évidence, certains de ses actes ou décisions sont si aberrants qu’ils échappent au champ des voies de recours mais son éthique collective ou personnelle est quasiment irréprochable.

Pour schématiser, si le barreau doit résister aux tentations provenant principalement de l’extérieur, les magistrats ont pour devoir de battre en brèche celles qui, en eux-mêmes, pourraient miner leur indépendance et leur liberté.

MeTooMuch ? (Essai)

Price: 6,99 €

1 used & new available from 6,99 €

Gays for Jordan?

0
Jordan Bardella à Paris le 6 octobre 2025 © ISA HARSIN/SIPA

L’hebdomadaire féminin ELLE s’émeut de la banalisation des homosexuels qui se mettent à voter comme tout le monde…


D’après une enquête du magazine Elle, le Rassemblement national a la cote chez les homosexuels. Deux phénomènes :

  • Le premier n’est pas un secret de polichinelle parce que ce pas un secret du tout. Le RN est le parti qui compte le plus d’homosexuels affichés (comme Jean-Philippe Tanguy ou Sébastien Chenu, fondateur de GayLib). Sur 82 élus masculins, il y aurait 30 à 35 homos.
  • Jusqu’en 2012, les homosexuels votaient massivement à gauche. Mais dans le sondage IFOP cité par Elle, 30 % des homos s’apprêteraient à voter Bardella.

De l’eau a coulé sous les ponts

Tempête sous les crânes militants. Pour la gauche, le lobby LGBT et les journalistes de Elle, les choses sont assez simples : être homosexuel c’est bien, être progressiste c’est bien. L’homosexuel est progressiste et l’extrême droite homophobe. La preuve, le RN est allié avec Viktor Orban. Les mêmes ne reprochent pas à Mélenchon sa complaisance avec les Mollahs. Et eux ne refusent pas le mariage gay comme Orban, ils pendent les homosexuels.  

A lire aussi, Charles Rojzman : Mon coming-out nationaliste!

Dans les crimes imputés au FN puis RN, l’homophobie suivait de près le racisme et l’antisémitisme. Accusation nourrie par les saillies de Jean-Marie Le Pen sur les sidaïques ou les folles. Lui-même avait comme majordome et plus proche conseiller deux homos. Mais dans la frange catho-tradi très conservatrice de son électorat, l’homophobie était décomplexée. Aujourd’hui, dire que le RN est homophobe est une plaisanterie.

Qu’est-ce qui explique ce changement, l’arrivée de Marine Le Pen ?

La société a changé. Les homosexuels ont gagné le droit à l’indifférence. Il n’y a plus de discriminations à combattre au grand dam des associations qui en cherchent désespérément à l’extrême droite mais ne les voient pas dans nos territoires perdus ou à Gaza.

La vraie homophobie, celle qui casse la figure aux homosexuels, a plutôt cours dans les banlieues travaillées par l’islam radical, pas chez les bourgeois du XVI qui, s’ils en ont, gardent leurs mauvais sentiments pour eux. Gays for Jordan est plus crédible que Queers for Gaza – désolée.

En réalité, les homosexuels ne votent pas plus pour le RN, ils votent comme les autres Français et se fichent totalement des consignes de militants. « Grâce à la banalisation de l’homosexualité, l’orientation sexuelle ne pèse plus autant sur le vote» regrette l’auteur de l’enquête de Elle, Hicham Zemrani. Les homos ne votent pas en tant qu’homos. Cela devrait réjouir le lobby LGBT. Les homosexuels ne sont plus une minorité montrée du doigt, ni une communauté politique. Ce sont des citoyens comme vous-et-moi. Ils votent avec leur tête pas avec leurs fesses.


Cette chronique a été diffusée sur Sud radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale

La France humiliée mais Boualem libre

0
Boualem Sansal interviewé au JT de 20 heures sur France 2, 23 novembre 2025. DR.

Toute la classe politique aurait dû célébrer la libération de Boualem Sansal. Mais perdue dans ses compromissions ou ses renoncements, elle confond prudence et lâcheté. Après les geôles d’Alger, l’écrivain rebelle découvre, en France, le bridage médiatique.


La libération de Boualem Sansal aurait dû être un moment de soulagement, puis de fierté nationale. Elle aurait pu rappeler que la France reste, au-delà de ses contra dictions, un pays qui protège les écrivains menacés, les esprits libres, les consciences dissidentes. Au lieu de cela, elle met cruellement en lumière nos renoncements, notre timidité diplomatique et, plus grave encore, l’abdication d’une partie de la classe politique face à un régime autoritaire. Le contraste est brutal : quand la France hésite, recule ou se tait, c’est l’Allemagne qui obtient la libération de Boualem Sansal.

La France a peur d’Alger

Depuis des années, Sansal incarne tout ce que les dictatures redoutent : la parole libre, l’ironie acérée, la critique lucide de l’islamisme et du militarisme algérien. Il n’a jamais renoncé à dénoncer le conformisme, la corruption et la dérive autoritaire du pouvoir d’Alger. Voir un tel écrivain arrêté, humilié, menacé pour ses idées aurait dû déclencher un réflexe immédiat dans le pays des Lumières. Ce réflexe n’est jamais venu.

Pire encore : alors que la société civile s’inquiétait, que des voix académiques et littéraires tentaient de s’élever, les autorités françaises se sont réfugiées dans un mutisme embarrassé. Pas un mot fort, pas une condamnation nette, pas la moindre pression publique, les efforts isolés – quoique courageux – de Bruno Retailleau mis à part. La raison est connue : la France a peur d’Alger. Peur de froisser un partenaire imprévisible. Peur de remettre en question une coopération sécuritaire fragile. Peur, surtout, d’affronter une mémoire franco-algérienne instrumentalisée, que nos gouvernants tentent d’apaiser au moyen de repentances symboliques plutôt que par la défense de principes.

Cette prudence, que certains osent appeler « réalisme diplomatique », n’est rien d’autre qu’une forme de lâcheté. Une lâcheté d’autant plus choquante qu’elle contraste avec la détermination de l’Allemagne. Berlin, sans passé colonial en Algérie, sans dette mémorielle utilisée comme chantage, a agi avec fermeté et célérité pour sortir de sa geôle un écrivain persécuté. Ce simple écart de posture révèle une vérité dérangeante : la France n’est plus, dans cette région du monde, un acteur respecté, mais un pays paralysé par sa culpabilité et incapable d’affirmer ses lignes rouges.

Le naufrage des Insoumis

Plus grave encore est l’attitude d’une partie de la gauche radicale française, au premier rang de laquelle La France insoumise. Au lieu de défendre la liberté d’expression d’un intellectuel persécuté, plusieurs députés LFI ont choisi de le calomnier, l’accusant de « racisme » et d’« islamophobie » – anathèmes automatiques dès qu’un penseur critique l’islamisme ou ses relais politiques. Ils ont voté contre les résolutions appelant à sa libération, préférant s’en prendre à l’écrivain plutôt qu’au régime qui l’emprisonne. L’histoire retiendra leurs noms.

Boualem Sansal n’est certes pas consensuel. Sa critique de l’islamisme est frontale, sans fard. Il ose même critiquer l’islam, ce qui est son droit le plus absolu au pays de Charlie. Son regard sur les dérives identitaires heurte ceux qui confondent défense des minorités et sacralisation d’une religion. Mais c’est cela, précisément, la litté rature : la liberté d’inquiéter, de bousculer, de choquer. Or ce sont des élus de la République qui ont rejoint, consciemment ou non, le camp de ceux qui veulent faire taire les voix dissidentes.

Maintenant qu’il est « libéré », une question se pose : l’est-il vraiment ? Peut-on dire aujourd’hui que Boualem Sansal a recouvré sa liberté pleine et entière lorsqu’il affirme lui-même qu’il devra « modérer » sa parole pour ne pas mettre en danger les siens ? Lui est-il demandé – et par qui ? – de ne pas livrer le fond de sa pensée et le récit de son emprisonnement ? Le gouvernement français, soucieux de préserver ses relations avec Alger, impose-t-il implicitement à Sansal une prudence qui tranche avec son esprit rebelle et effronté ?

À cela s’ajoute un plan média verrouillé, conçu par Gallimard : une première prise de parole sur France Inter, puis une autre sur France Télévisions – ce même service public qui a laissé traiter l’écrivain de raciste et d’islamophobe, et qui n’a jamais rectifié ni assumé les injures de certains de ses chroniqueurs. Qu’un auteur libéré d’une dictature commence son retour par un parcours médiatique ainsi organisé interroge : protège-t-on Sansal, ou encadre-t-on ce qu’il est autorisé à dire ? Il y a quelque chose de terrible dans cette image d’un dissident surveillé par ses libérateurs.

Boualem est certes revenu en France, et c’est heureux. Mais quand retrouvera-t-il pleinement la place qui est la sienne – celle d’un esprit libre ? Tant que subsisteront les pressions politiques, les menaces implicites, les silences prudents et les stratégies d’image pour ne pas froisser Alger, sa libération restera incomplète. Et elle continuera de symboliser, au-delà de son cas personnel, notre renoncement collectif à défendre sans trembler ceux qui parlent librement.

Mont-de-Marsan: peine maximale pour la mère empoisonneuse

0
DR.

La personnalité inquiétante de l’accusée semble avoir été déterminante dans la décision du jury.


Le jury de la Cour d’assises des Landes, à Mont-de-Marsan, devant laquelle comparaissait Maylis Daubon, 53 ans, accusée d’avoir empoisonné ses deux filles dont l’aînée Enéa est décédée dans sa dix-huitième année, a été hermétiquement sourd aux plaidoiries. Estimant que l’hypothèse du suicide de cette dernière était plausible, ses deux défenseurs, Me Carine Monzat et Me Gérard Danglade, avaient réclamé son acquittement pur et simple.

Un procès qui a passionné la ville

Or, tout au contraire, la Cour l’a condamnée mercredi au terme de huit jours d’audience qui ont fait chaque fois salle comble (une durée exceptionnellement longue pour un procès d’assises), à la peine maximale de 30 ans de réclusion requise par le Ministère public. Le jury en a même rajouté en portant la peine de sûreté de 15 ans demandée par ce dernier à 20 ans. Et n’a pas été, davantage, sensible au témoignage de la cadette, Lau, la présumée survivante, âgée de 23 ans aujourd’hui, étudiante en biologie, venue à la barre proclamer avec force l’innocence de sa mère.

Elle avait redit ce qu’elle n’avait cessé de répéter durant l’instruction : qu’elle était convaincue que sa mère ne les avait pas empoisonnées, elle et sa sœur. A l’inverse, elle a chargé son père, Yannick Reverdy, 49 ans, un ancien international de handball, l’accusant de violence envers son épouse. « Je l’ai vu casser la gueule à ma mère, il était très violent physiquement et mentalement », a-t-elle affirmé sans que la Cour cherche à en savoir davantage.

Pas de place au doute

La conclusion de ce procès ne peut que laisser dubitatif. Au fil des audiences, à aucun moment n’a été avancé le moindre élément susceptible d’accréditer que Maylis Daubon avait administré à Enéa, le matin du 13 novembre 2019, entre 50 et 75 cachets de propranolol, un bétabloquant cardiaque qui allaient provoquer sa mort six jours plus tard après avoir été admise aux urgences de l’hôpital de Dax. Alors se pose une question : sur quoi les jurés ont fondé leur intime conviction ? Elle restera sans réponse car les délibérations relèvent du secret.

A l’énoncé du verdict, la présidente, Emmanuelle Adoul, s’est bornée à déclarer qu’ « au regard de la gravité des faits, de la mort d’Enéa, de leur durée, des modes opératoires (…), la Cour a estimé la culpabilité ». Puis elle ajouté que « la vie de Lau (NDLR la cadette) a été sauvée du fait de l’interpellation » de la mère. L’avocat général, Marc Borragué, de son côté, a affirmé que la victime était « affaiblie par une surmédicalisation, avec une soumission chimique qui a entraîné une abolition de son libre arbitre. »

Donc à propos du propranolol, « on lui donne ou elle prend, je ne peux l’affirmer, dit-il, mais l’absorption a été faite dans des conditions d’emprise. » Selon lui, Maylis Daubon a agi sous l’effet du syndrome de Münchhausen. A savoir, a-t-il expliqué : « J’ai emprise sur quelqu’un qui va m’échapper, je ne peux le supporter, je le tue. »

D’un point de vue strictement médical, ce syndrome, selon le spécialiste Eric Binet, « est un trouble factice qui conduit un parent à simuler, exagérer, provoquer chez son enfant une pathologie pour en obtenir une reconnaissance à travers l’assistance médicale qu’il lui apporte ».

Dans les faits, ce 13 novembre, l’accusée n’était pas à son domicile lorsque Enéa a eu en fin de matinée sa crise de convulsions qui allait lui coûter la vie. Elle avait un rendez-vous avec un prof de Lau qui était restée, elle, à la maison. De style gothique, déscolarisée depuis un an, Enéa souffrait de troubles psychiatriques sévères, avec des tendances, selon son entourage, suicidaires. Elle était sous traitement.  L’infirmier était passé à 8h30 lui prodiguer ses soins bi-quotidiens. Il n’avait rien noté d’anormal. Plus tard arrive le petit-ami de Lau. C’est lui qui découvrira Enéa, dans sa chambre, en pleine crise de convulsions. Alertée, la mère arrive dix minutes plus tard, et alerte à son tour les pompiers.

Une personnalité inquiétante

Ce sont eux qui ont la suspicion d’un possible empoisonnement. Ils alertent la police qui ouvre une enquête qui a abouti à l’inculpation de Maylis Daubon. L’analyse toxicologique avait décelé dans le corps de la morte dix fois la dose thérapeutique du bétabloquant en question. Sur les conditions de cette ingestion, « on ne sait rien », insistera la défense. « Avaler autant de cachets, affirmera Me Carine Mongat, c’est impossible. » L’énigme demeure entière. Seul un Sherlock Holmes aurait éventuellement pu la résoudre. L’unique certitude, c’est que, d’après une experte, le poison détecté a été ingurgité au moins deux heures avant.

Deux faits ont contribué à accréditer la culpabilité de Maylis Daubon auprès de la cour, sa personnalité et le stock « impressionnant » de propranolol découvert chez elle lors d’une perquisition. Qualifiée de menteuse invétérée et de mythomane, comment dès lors la croire à sa sincérité lorsqu’elle clame avec véhémence son innocence. Avant que le jury ne se retire pour délibérer, en vain elle a prononcé ces derniers mots : « C’est avec l’énergie du désespoir que je vous dis mon innocence. Je n’ai pas empoisonné Enéa et Lau. » Quant au stock de propranolol, c’est elle qui se l’est procuré à l’aide d’ordonnances truquées et en courant les pharmacies, ce qui indubitablement a très probablement induit le sentiment auprès des jurés de la planification d’un empoisonnement sur la durée.

Ses avocats ont laissé entendre qu’elle allait interjeter appel. Elle a dix jours pour le faire à partir de l’énoncé de sa peine.

Teen Vogue la galère…

0
DR

Aux États-Unis, la déclinaison de Vogue pour les jeunes fait les frais du mouvement de libération anti-woke. Didier Desrimais raconte.


Petite sœur de Vogue, la revue américaine Teen Vogue a été lancée en 2003. Destinée, comme son nom l’indique, aux jeunes, elle a d’abord traité de sujets propres à la marque : la mode et les célébrités. En 2016, dogme DEI (diversité, équité, inclusion) oblige, Condé Nast, la maison d’édition à qui appartient Teen Vogue, propulse l’Afro-Américaine Elaine Welteroth au poste de rédactrice en chef. La ligne éditoriale est dès lors de plus en plus politique, démocrate et woke.

Entre deux papiers anti-Trump, les juvéniles lecteurs de Teen Vogue apprennent de nouveaux « concepts » – masculinité toxique, privilège blanc, racisme systémique, fluidité de genre, apocalypse climatique, etc. – et découvrent qu’un homme peut être enceint et une femme avoir un pénis, qu’être « non binaire, c’est être libre », que tous les Blancs sont racistes et que Greta Thunberg est une « icône inspirante ».

A lire aussi: France Inter: ce que le militantisme fait à l’humour…

Au nom de la « santé sexuelle » et parce que « le sexe anal est trop souvent stigmatisé », Teen Vogue propose aux adolescents des articles sur la sodomie, agrémentés de chatoyants croquis anatomiques, dans lesquels il est spécifié que le coït anal n’est pas réservé aux homosexuels et que les « non-propriétaires de prostate » (les femmes) peuvent également y prétendre. Récemment encore, et bien que le wokisme batte de l’aile aux États-Unis, les divagations sur le « système patriarco-hétéronormatif » et les élucubrations sur la « crise climatique, symptôme du système colonial et blanc » se multipliaient dans le magazine pour ados à cheveux verts et à idées courtes. Mais… business is business : de nombreuses entreprises abandonnent les politiques « d’inclusion et de diversité » imposées par les groupes de pression « progressistes », mais de plus en plus contre-productives et financièrement préjudiciables. La maison d’édition Condé Nast a décidé de participer à ce mouvement libérateur en licenciant les trois quarts des journalistes de Teen Vogue et en fusionnant ce dernier avec Vogue.com où, avertit diplomatiquement mais fermement l’équipe de direction, il devra se plier à sa ligne éditoriale dépolitisée. Vive le Mouvement de libération anti-woke !