Vers une union des droites? La première édition du Sommet des Libertés s’est tenue mardi soir au Casino de Paris, devant une salle comble. Grâce à l’implication de MM. Stérin et Bolloré, des personnalités issues du Rassemblement national, de «Reconquête» et des Républicains se sont ainsi croisées près des stands de dédicaces. Nos reporters se sont glissés parmi le public pour nous rendre compte de l’ambiance de la soirée.
Si l’on voulait croiser la droite chic et bien élevée, il fallait être au Casino de Paris ce mardi soir. Le premier « Sommet des libertés » s’y tenait, organisé à l’initiative de Pierre-Édouard Stérin et Vincent Bolloré en partenariat avec le JDNews.
On retrouve l’occasion d’un soir l’ambiance chapelet et Ralph Lauren des grands raouts de Valeurs Actuelles mais avec cette fois un peu moins d’identitaire et un peu plus de retraite par capitalisation. Pas de stand « institut Iliade » mais plutôt des think thanks libéraux, si vous préférez. C’est un peu comme si les pages saumon avaient avalé les pages débats du Figaro. « On peut venir sans être libéral et la Cocarde est présente partout », se justifie Edouard Bina, président de la Cocarde, le syndicat étudiant de droite sociale et souverainiste, surpris au rayon bière. On trouve des militants marinistes présents aux abords des stands. Une certaine confusion idéologique règne parfois. Les mots, les idées, les labels fusent…. Un ancien stagiaire de Reconquête est « libéral, identitaire et européen ». Les militants du RN présents sont surtout là pour « soutenir » leur président, Jordan Bardella. Quand il apparait sur scène, les applaudissements fusent. « National ou libéral, c’est une question de degré » élude l’un d’eux à la question de savoir si le parti de Marine Le Pen était maintenant converti au national-libéralisme. Le militant Oscar Piloquet, qui sera candidat à la maire d’Alençon, dans l’Orne, et « vient du fillonisme », tente de faire la distinction entre liberté et libéralisme : « ce n’est pas la même chose » assure-t-il. Liberté, que de partis on crée en ton nom !
Ciotti laboure son sillon

Éric Ciotti est en dédicace et nous propose une synthèse. Il serre des mains, il sourit, il goûte sur scène à son triomphe quand il rappelle qu’il a été le premier à briser le tabou de l’union des droites: « National et libéral ? Les deux valeurs sont consubstantielles (…) L’État doit juste se recentrer et bien faire ses missions. » Dans un pays centralisé qui aime autant l’argent public, les partis de droite ont souvent affiché des tendances sociales ou dirigistes. Le national-libéralisme a-t-il un avenir en France ? « Il progresse en tout cas… » sourit l’auteur de Je ne regrette rien, sûr d’avoir trouvé un créneau politique porteur.
« Oui mais » plutôt que 18 juin
Sommet des libertés ? pas au point de laisser la tireuse à bière couler après le début des débats : « Le stand à bière est fermé… On voit qu’on est chez les libéraux. Les libéraux veulent tout interdire » peste l’avocat Laurent Frölich. À la tribune, se succèdent des intervenants et des clips vidéos.
Alexandre Jardin, devant un parterre bourgeois, défend la victoire de « ses gueux », qui pourront continuer de rouler au diesel dans les centres-villes. Assise à côté de nous, une mauvaise langue persiffle: « à force, il va se retrouver dans les mêmes eaux politiques que feu son grand-père ». Luc Ferry fait applaudir une énième « grande réforme » de l’Éducation nationale avec en prime l’urgence des « cours d’instruction civique ». Très Chevènement 1984 ! Il est par ailleurs paniqué quant à l’avenir de la liberté d’expression, renvoyant dos à dos les wokistes cancelleurs et l’administration Trump qui coupe les vivres de chercheurs. Il épilogue sur le danger des deep fakes, la fin du vrai et du faux… Notre mauvaise langue commente: « Les gens ont appris à lire à partir de Jules Ferry, et ont désappris à partir de Luc Ferry ».
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Laetitia Strauch-Bonart, auteure d’un lénifiant La Gratitude : Récit politique d’une trajectoire inattendue, explique devant un public peu convaincu qu’être de droite, c’est prendre fait et cause pour l’Ukraine et que c’est refuser toute alliance avec le Rassemblement national. Décidée à bousculer René Rémond, elle situe le gaullisme dans la continuité des conservateurs libéraux du XIXème siècle, continuateur pour son « oui, mais ». On connait pourtant la réponse de De Gaulle au « oui, mais » de Giscard : « on ne fait pas de la politique avec des mais ». L’ancienne élève d’Henri IV finit huée par le public. La mauvaise langue continue : « Macron a supprimé l’ENA. Quand j’entends Strauch-Bonart, je pense qu’il faut aussi supprimer l’ENS ».
La liberté, pour quoi faire ?
50 nuances de libéralisme ? On trouve même d’anciens « sarkozystes de gauche », comme Monsieur le préfet Thierry Coudert, de la Diagonale, club qui réunissait les cadres issus du PS refusant de voter Royal et ralliant Sarkozy au bénéfice de l’ouverture. « Je n’étais plus de gauche depuis longtemps… il fallait que des anciens socialistes puissent rejoindre la majorité de Sarkozy sur l’alliance des libertés et de l’autorité » explique l’ancien directeur de cabinet de Brice Hortefeux. L’homme portera les couleurs du RN et de l’UDR à Dijon, où il tentera en 2026 de ravir la mairie.
C’est au tour des têtes de gondole de la soirée de se succéder : les leaders des principaux partis de droite. La discussion est animée par Christine Kelly. L’exercice, intitulé « Grand oral », a des airs d’entretien d’embauche, alors que les deux mécènes de la droite libérale-conservatrice cherchent un poulain en vue des présidentielles. On commence avec Jordan Bardella, président du Rassemblement national. Le jeune chef de parti n’a eu aucun mal à défendre une ligne pro-business… assez éloignée de celle de Marine Le Pen. « Au moins, Mitterrand a attendu d’être au pouvoir pour faire le tournant libéral » croit bon de rappeler la mauvaise langue. Bardella enchaine ensuite les mots clefs de la droite des années 2000 : « la France vit au-dessus de ses moyens ». Mais il n’est jamais aussi à l’aise que sur le registre de l’anti-intellectualisme, notamment lorsqu’il esquive toute définition conceptuelle. « La liberté on pourrait longtemps pérorer sur le concept » ; puis il fait applaudir à tout rompre C8, « chaine la plus populaire », « censurée par l’Arcom ».
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Tandis que Marion Maréchal essuie quelques noms d’oiseau lors de son passage en tribune (le coup de Jarnac qui a conclu son passage à Reconquête n’étant pas digéré de tous), à l’applaudimètre, Sarah Knafo rafle nettement la mise. Pasionaria de la droite nationale depuis son arrivée dans le champ médiatique il y a tout juste un an, elle n’a aucun mal à séduire aussi une droite plus libérale… et à accélérer la fusion de ces deux tendances. « Imaginez deux boulangers. L’un est subventionné, protégé par le maire, payé d’avance. L’autre paie tout, subit les contrôles… et pourtant, c’est chez lui que les gens font la queue ! Ce n’est pas une fable. C’est CNews contre le service public. (…). France télévisions est un abonnement obligatoire qui coûte 83 euros à chacun d’entre nous ». Il n’y a plus qu’à envoyer le formulaire de résiliation à Delphine Ernotte.


Toujours à l’affût des micro-tendances, nous étions aussi curieux d’observer le passage de Nicolas Dupont-Aignan. Incapable de mener une liste aux Européennes, défait aux législatives quelques semaines plus tard, l’ex-futur Premier ministre de Marine Le Pen et son mouvement semblent au début de leur crépuscule. Devant la droite Bolloré, « NDA » défend la sortie de l’UE, la participation salariale et l’accès à la propriété. L’ancien député de l’Essonne est venu avec ses thèmes et ne s’est pas complètement adapté à son auditoire. Presque une audace, en plein « Grand oral » national-libéral.
Je ne regrette rien: L'heure est venue de dire pourquoi
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