Rugby. L’Union Bordeaux-Bègles a remporté sa première Champions Cup, mettant fin à des années de frustration. Ce sacre européen, fruit d’un long cheminement collectif, consacre enfin un club longtemps maudit et désormais lancé à la conquête d’un possible doublé historique…

En s’imposant par 28 à 20, samedi, à Cardiff, en terre adverse convient-il de le souligner, dans la finale de la Champions cup (coupe d’Europe) face à la solide équipe anglaise de Northampton-Saints (Midlands), l’Union Bordeaux-Bègles a remporté bien plus qu’une victoire, réalisé davantage qu’un exploit… L’équipe girondine est parvenue tout simplement à conjurer une malédiction qui l’accompagnait depuis sa création.
Un jeune club prometteur
Née il y a deux décennies de la fusion de deux clubs, un bourgeois, le bordelais, l’autre ouvrier, le béglais, lors de la professionnalisation du rugby, elle a enfin décroché son premier titre, certes bien tardif mais amplement mérité. Considérée comme une des meilleures équipes du Top 14, elle a longtemps maraudé autour de l’un d’eux sans y parvenir. Surtout ces cinq dernières années où à chaque saison, tant au niveau européen que national, elle se hissait dans le dernier carré mais en sortait systématiquement bredouille.
« On était cette équipe qui était en phase finale mais ne gagnait jamais, a convenu Matthieu Jalibert, le demi d’ouverture, au quotidien bordelais Sud-ouest. On chassait notre premier titre, on a réussi à l’avoir. Je ne sais pas si on est dans la cour des grands, mais c’est un trophée majeur pour le club. Il récompense beaucoup d’années de travail. » Et il a conclu en disant : « On a d’autres trophées à chasser cette année ».
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C’est clair, l’UBB ambitionne désormais d’être aussi en juin championne de France… et ainsi rejoindre le club très fermé des équipes hexagonales qui ont réalisé le doublé, titre européen et national, à savoir Toulon (une foi, en 2014), et Toulouse (trois fois, en 1996,2021 et 24). Qu’est-ce qui a été le déclic qui a mis fin à cette fatalité chronique ? Paradoxalement, c’est la monumentale dérouillée d’un 57 à 3 que lui avait infligée Toulouse lors de la finale du championnat de France de l’an dernier.
« On ne voulait plus jamais vivre ça », a confié au Journal du dimanche, Damian Penaud, le trois-quarts aile désigné meilleur joueur de cette édition de la Champions cup, et auteur du premier essai des Girondins seulement deux minutes après que Northampton eut ouvert le score.
La revanche de Max et Pat
À la surprise générale, un an après, l’UBB en demi-finale de cette compétition éliminait Toulouse sur un score de 35 à 18, en lui passant pas moins de cinq essais. Comme quoi dans le sport comme dans la vie, il faut parfois être humilié pour trouver la voie du salut, aurait pu dire Antoine Blondin, chantre et moraliste du ballon ovale et du Tour de France.
Jusqu’alors, on imputait la faiblesse des Girondins à son pack avant qui ne parvenait pas à briser le rempart adverse pour ouvrir le passage vers la ligne d’en-but à ses trois-quarts, surnommés « la patrouille de France », puisqu’ils sont tous les quatre, Penaud, Depoortère, Moefana et la fusée Bielle-Biarrey, membres permanents des trois-quarts des Bleus, car très certainement parmi les tout meilleurs de la planète Ovalie. En tout cas, cette lacune des avants semble désormais comblée. Leur deuxième ligne, Adam Coleman et Cyril Cazeaux, ont chacun marqué samedi leur essai en rouleau-compresseur, dans un match âpre et rugueux, mais toutefois correct malgré trois cartons jaunes, deux anglais, un français, et deux joueurs anglais sortis sur blessure dès l’entame de la première mi-temps. Déjà en demi-finale contre Toulouse, le pack avant avait tenu la dragée haute à son homologue d’en face.
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Enfin, cette finale a pris pour Maxime Lucu et Matthieu Jalibert, dits respectivement Max et Mat, la charnière de l’UBB, congédiés en 2024 des Bleus en termes peu diplomatiques, comme il en est souvent coutumier, par le sélectionneur Fabien Galthié, une tournure malgré eux de petite et discrète revanche. Ce dernier ayant reconnu sa bévue, les a réintégrés cette année. Comme Antoine Dupont ne sera pas remis de sa grave blessure, et qui a permis à Lucu au « cerveau de général et engagement de soldat » selon L’Équipe, de révéler son talent à la fois de distributeur du jeu et d’opiniâtre défenseur, Galthié ne pourra que l’embarquer avec Jalibert, le dynamiteur, dans la tournée cet été, en Nouvelle-Zélande, chez les All Blacks que les Bleus ont battus lors de leurs deux dernières rencontres. Tout le bloc arrière français, trois-quarts et charnière, sera girondine… Un sacre pour l’UBB.
En conclusion, il convient de souligner que la fan-zone organisée place des Quinconces, au cœur de Bordeaux, avait rassemblé samedi 25 000 personnes, que dimanche pour accueillir les champions d’Europe 40 000 supporteurs avaient investi le centre-ville, sans le moindre incident… Toute la différence avec le foot est là…
S’ajoute que le maire de Bordeaux, un écolo décalé, Pierre Hurmic, qui a assisté à tous les matches de l’UBB au stade Chaban-Delmas, et à celui du Cardiff, aussi grand amateur de cyclisme (à l’inverse de son homologue de Lyon, Gregory Doucet, il a fait lui revenir le Tour de France dans sa ville), a accueilli les vainqueurs en son hôtel de ville, place Pey-Berland et il leur a lancé : « Cette étoile, je crois qu’elle brillera encore longtemps dans le cœur de nos habitants ». À ses côtés était le maire de Bègles, Clément Rossignol-Puech, lui aussi écologiste. Est-ce à dire qu’il y aurait une écologie girondine, héritière des Girondins de la Révolution française ?…