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Partenariat stratégique UE-Asie centrale: quand la Commission européenne ignore la leçon du Mercosur…

Une tribune libre d’Alexandre Dufosset, député de la 18e circonscription du Nord (RN)


Partenariat stratégique UE-Asie centrale: quand la Commission européenne ignore la leçon du Mercosur…
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, arrive pour participer au premier sommet entre les dirigeants de l’Union européenne et les cinq pays d’Asie centrale à Samarcande, en Ouzbékistan, le 4 avril 2025 © SPUTNIK/SIPA

Le partenariat entre l’Union européenne et les pays d’Asie centrale, présenté comme un accord économique, constitue en réalité une nouvelle menace potentielle pour notre agriculture, en ouvrant la voie à une concurrence déloyale.


Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizistan, Tadjikistan, Turkménistan… Ces cinq noms au suffixe commun – « stan », qui signifie « pays » – ont quelque chose d’exotique. Les pays qu’ils désignent nous semblent bien lointains. Et pourtant, ils ne se trouvent qu’à quelques heures d’avion de la France. Et ce qui s’y passe pourrait bien, un jour, influer sur notre destin. Et notamment, celui de nos agriculteurs. Comme s’ils avaient besoin de cette menace supplémentaire…

En effet, il y a quelques semaines, l’Union européenne y a scellé avec les pays d’Asie centrale un partenariat stratégique. Présenté comme un simple accord de coopération économique et politique, il s’agit en réalité d’un jalon de plus dans le processus d’ouverture commerciale aux quatre vents que la Commission de Bruxelles poursuit en roue libre, malgré la nette opposition des peuples européens. Certes, les matières premières agricoles ne sont pas, à ce stade, incluses dans cet accord – mais qui peut garantir qu’il en sera toujours ainsi ?

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Chat échaudé craint l’eau froide… L’accord UE-Mercosur nous a servi de leçon. Au départ, certains produits agricoles sensibles, tels que la viande bovine et l’éthanol, en étaient exclus. Puis les « négociateurs » les ont réintroduits, à la faveur de négociations opaques. Cette méthode des « petits pas », vantée par Jean Monnet, repose sur cette ambiguïté : les textes initiaux semblent inoffensifs, mais ils portent en germe des évolutions désastreuses.

Or, ce partenariat, qui n’a pas fait grand bruit (à dessein ?), est tout sauf anodin : les pays d’Asie centrale, soutenus par des investissements internationaux, sont des puissances agricoles émergentes. En 2024, le Kazakhstan a produit 25,2 millions de tonnes de céréales (dont 18 millions de tonnes de blé, en hausse de 49 % par rapport à l’année précédente), l’Ouzbékistan 8,4 millions de tonnes de blé, 11,6 millions de tonnes de légumes et 3,6 millions de tonnes de pommes de terre. Les exportations agricoles ouzbèkes dépassent les 2 millions de tonnes, pour 1,5 milliard de dollars. S’agissant des produits d’élevage, les chiffres sont tout aussi impressionnants – et inquiétants : en janvier 2023, la production de viande (abattage ou vente pour abattage) au Kazakhstan a augmenté de 4,8 % par rapport à l’année précédente, tandis que la production de lait a augmenté de 3 %. Au Tadjikistan, depuis 2009, le cheptel bovin a augmenté de 35 % et celui des petits ruminants de 44 %. Évidemment, ce surplus de production n’est pas absorbé par la consommation intérieure ; il est destiné à l’exportation.

Ce dynamisme pourrait donc rapidement se transformer en concurrence directe pour les filières européennes, notamment dans les secteurs des céréales, des fruits et des légumes. Les producteurs européens, astreints à des normes environnementales et sanitaires strictes, ne peuvent rivaliser avec des systèmes de production à faible coût, soumis à peu de contraintes réglementaires. Les agriculteurs de ma circonscription ne cessent de me le répéter : « Nous jouons sur le même terrain que les autres mais l’arbitre ne surveille que nous ! »

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En tant que député, je refuse de considérer ces accords comme des fatalités techniques. Si elle ne peut peser sur la négociation et la signature de ce type de partenariats, conclus au niveau européen, l’Assemblée nationale peut — et doit — jouer son rôle de contre-pouvoir. Le gouvernement doit rendre des comptes sur la position qui a été la sienne à propos de cet accord : l’exclusion formelle des matières premières agricoles des futurs élargissements de l’accord a-t-elle été posée comme ligne rouge ? à défaut, des garanties fermes (clauses miroirs, clauses de sauvegarde) ont-elles été exigées pour les prochaines phases de mise en œuvre ? une évaluation systématique des risques pour chaque filière concernée a-t-elle été menée ?

À court terme, les Français doivent savoir. Et à moyen et long terme, ils doivent décider. Décider, en toute connaissance de cause, démocratiquement, de ce qu’il doit advenir du modèle agricole français. Au Rassemblement national, la politique que nous proposons est claire : exclure l’agriculture du champ des traités de libre-échange. Car, pour reprendre les mots de Marine Le Pen, « les produits agricoles ne sont pas des biens comme les autres : ils sont liés à la santé humaine et sont un élément essentiel de la souveraineté. »



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Député Rassemblement national de la 18e circonscription du Nord

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