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Panoptique malais

“Stranger Eyes”, un thriller de Yeo Siew Hua, aujourd’hui dans les salles


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"Stranger Eyes" de Siew Hua Yeo (2025) © Grace Baey / Epicentre Films

Né en 1985, le cinéaste Yeo Siew Hua s’est fait connaître en France par son deuxième long métrage, Les Etendues imaginaires, Léopard d’Or au festival de Locarno, sorti dans nos salles il y a six ans. Le scénario vous égarait dans une enquête sur la disparition d’un ouvrier chinois sur un chantier du littoral de Singapour…  

Colombo singapourien

Stranger Eyes, prolongement de ce polar métaphysique augural, s’ouvre sur une autre disparition, celle de Bo, une enfant de deux ans, dans un square de Singapour où le jeune papa, assis sur un banc public, la perd de vue pendant les quelques secondes fatales où il répond à un appel sur son smartphone. Le couple éploré fait appel à la police, la grand-mère distribue inlassablement des affichettes aux passants, un enquêteur se lance avec méthode sur la piste du ravisseur présumé, au cœur de cette cité-Etat insulaire surpeuplée (six millions d’habitants), bardée de caméras de surveillance et connue, comme chacun sait, pour être l’une des plus sécurisées de la planète. Elle est, en quelque sorte, le vrai personnage central du film.

Le mystère s’épaissit encore quand les parents dévastés, sur le palier de l’appartement qu’ils occupent dans une vaste barre d’immeuble, réceptionnent des DVD leur renvoyant l’image de leur vie domestique et conjugale, de longue date filmée par un étrange voyeur. « La police n’a plus besoin de jouer à cache-cache, ni d’agir sous couverture comme dans les films. Il suffit d’observer attentivement, et de patienter », assure le Colombo de service. De fait, les soupçons se concentrent vite sur un type d’âge mûr, en poste au pôle de vidéosurveillance sensé sécuriser le supermarché voisin.

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Mais l’intrigue prend un tour de plus en plus labyrinthique : Junyang, le père – incarné par l’acteur photogénique taïwanais Chien Ho Wu, 32 ans, d’une belle présence quasi mutique d’un bout à l’autre du film – commençant lui-même à filmer son harceleur, lequel habite seul, dans l’immeuble d’en face, avec sa mère aveugle…  Les fêlures intimes du petit ménage se creusent également, à mesure que la thématique de la surveillance panoptique se démultiplie dans le temps et dans l’espace, à travers les méandres d’un scénario décidément très cérébral.

Epicentre Films

Bof…

Formé à la philosophie, Yeo Siew Hua croit-il la pensée abstraite soluble dans le polar ? Si Stranger Eyes rappelle irrésistiblement Caché, ce joyau de Michael Haneke, et évoque par sa pente énigmatique et sensorielle l’univers de David Lynch, il s’en faut de beaucoup pour que son formalisme esthétique – dialogues raréfiés, lenteur calculée, montage ciselé, mises en abyme de l’image dans l’image, absence de musique, exceptée la sérénade de Endless Love, à mi-parcours, répétée en générique de fin – attise la flamme d’un suspense tant soit peu brûlant. La construction ésotérique du film a toutes chances de vous laisser en plan.


Stranger Eyes. Film de Yeo Siew Hua. Singapour, Taïwan, France, couleur, 2024. Durée : 2h04

En salles le 25 juin




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