Éclats pop, pastiches baroques, souvenirs psychédéliques: ce film hors norme dynamite les codes du cinéma d’espionnage avec une jubilation graphique et référentielle débridée. Un tourbillon visuel où l’intrigue se dérobe mais où la cinéphilie triomphe, en hommage effervescent à un âge d’or fantasmé

La parodie se donne des ailes pour grimper jusqu’à hauteur stratosphérique, les plans s’enchaînent à la mitraillette, dans un montage millimétré de très haute précision, le pastiche fait des étincelles, les cartoons s’incrustent à foison dans une image grevée de split screen, les citations des 007 de la grande époque (celle des « diamants éternels », bien sûr) dérapent dans des ruisseaux d’hémoglobine, sous le soleil de plomb de la Riviera, les suites aussi opulentes que démodées sont le théâtre de règlements de compte définitifs, les déchirures du latex découvrent une panoplie de faux visages superposés, les masques tombent sous les coups de canifs, le fétichisme érotique fait sa flaque, les télescopages s’accélèrent jusqu’au vertige. Remixant avec malice tous les codes du film d’espionnage mais aussi du cinéma de genre, ce délire savamment orchestré est assez jouissif.
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L’intrigue ? On n’y pige rien, mais c’est fait exprès. En deux mots, le septuagénaire John D. (Fabio Testi), ancien agent secret en costume d’alpaga, épuise ses dernières ressources pécuniaires dans le palace de la côte d’azur où on le supporte encore – plus pour bien longtemps. Et voilà que les démons du passé refont surface, que les sixties se fraient jusqu’à ses méninges défaillantes un chemin ludique dans la jungle des contrefaçons transalpines, de Diabolik à Satanik – BD, séries B, romans-photos… Dans sa robe vintage Paco Rabanne, Amanda, sa partenaire, fait illusion. La bande-son également, qui tire des bords entre La Wally de Catalani, un tube de Christophe, des extraits de la BO de Orgasmo, ou encore les thèmes revisités des plus canoniques blockbusters de l’espionnage…
Si le titre du film évoque immanquablement le célèbre Reflet dans un œil d’or, classique hollywoodien de John Huston avec Marlon Brando – rien à voir. Ou plutôt si: les reflets d’un certain l’âge d’or du cinéma, ce diamant mort brillamment ressuscité, rééclairé sur toutes ses facettes, par les fantasmes radieusement inventifs d’une cinéphilie débridée.
En salles le 25 juin.
Reflet dans un diamant mort. Avec Fabio Testi, Yannick Renier, Koren de Bouw, Maria de Medeiros, Thi Mai Nguyen. Film d’Hélène Cattet et Bruni Forzani. Belgique, Luxembourg, Italie, France, 2025. Durée : 1h27.