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Politique: les passions humaines prennent le dessus!

Le billet de Philippe Bilger


Politique: les passions humaines prennent le dessus!
Le Premier ministre Sébastien Lecornu, Paris, 10 décembre © Alfonso Jimenez/Shutterstock/SIPA

Nous vivons une époque et un climat qui conviennent aux immatures en politique comme moi. Non que je sois dépourvu de convictions ou de quelques rares admirations, mais je ne suis pas loin, m’abritant derrière le génie de Friedrich Nietzsche, de penser que « le contraire de la vérité n’est en effet pas le mensonge, mais la conviction ». Dès lors qu’on est presque autant attentif à la réflexion et à l’écoute de l’autre que soucieux de sa propre affirmation, la politique d’aujourd’hui n’est pas faite pour vous.

Nerfs à vif

D’ailleurs, cette dernière prend un tour passionnant sur le plan de la psychologie humaine où, par exemple, on baptise « compromis » des abandons en rase campagne, où l’on cherche à tout prix à sauver sa peau partisane à coups de calculs, de tactiques, de concessions de dernière heure, le tout imprégné d’un cynisme qui n’a plus la moindre honte de lui : au contraire, il s’affiche…

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En même temps, quelle spectaculaire comédie humaine, où les nerfs sont à vif, où les sensibilités s’expriment, où les détestations se montrent à haine ouverte, où les affrontements ne cherchent même plus à s’ennoblir, mais se réduisent à une hostilité nue, une antipathie éclatante, une multitude de combats singuliers. Comme si l’on en avait assez de la poudre aux yeux, des simulacres, des prétextes, de l’humanisme abstrait, et que l’on désirait seulement faire surgir, du fond de soi, la pureté d’une malfaisance sans excuse, la cruauté voluptueuse débarrassée de tous ses voiles prétendument politiques.

Ce n’est pas seulement vrai dans les joutes de l’Assemblée nationale ou au Sénat.

Songeons à Brigitte Macron, dont on découvre avec stupéfaction qu’elle est humaine et qu’elle est capable, pour une bonne cause – celle d’un Ary Abittan qui a bénéficié d’un non-lieu et à qui il convient de « fiche la paix » en le laissant enfin travailler -, de s’abandonner à un verbe cru et grossier qui, en l’occurrence, ne laisse aucune place au doute : elle ne dénonce pas le féminisme, mais certaines de ses odieuses manifestations.

Jean-Luc Mélenchon, malgré la révérence, est probablement détesté par certains de ses inconditionnels apparents ; lui-même n’aime pas Olivier Faure, qui le lui rend au centuple. Ce n’est pas le socialisme qui se bat contre l’extrémisme révolutionnaire et irresponsable, mais un tempérament qui ne supporte pas l’autre, une manière d’exister qui juge lamentable celle de l’autre. Une brutalité satisfaite d’elle-même et assurée de sa propre domination, qui honnit les calculs sournois d’une personnalité équivoque.

Hostilités

Laurent Wauquiez fait tout ce qu’il peut pour s’ériger, lui et son groupe parlementaire, en ennemis irréductibles de Bruno Retailleau. C’est tellement systématique de sa part qu’il n’éprouve même plus le besoin de déguiser son hostilité en considérations politiques.

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La rigueur, la constance et l’intégrité de l’ancien ministre de l’Intérieur et président des Républicains sont tellement aux antipodes de son caractère qu’il s’agit d’une lutte d’homme à homme se servant de prétextes partisans et conjoncturels pour éclater au grand jour.

Il me semble d’ailleurs que le lien entre Bruno Retailleau et Sébastien Lecornu relève de la même méfiance humaine. La transparence honorable du premier n’a pas admis les sinuosités masquées du second. Les personnalités en deçà ou au-delà de la politique sont vouées à se détester.

Que les passions humaines prennent le dessus n’est sans doute pas très progressiste, mais c’est ainsi : il faut bien que les êtres respirent et soient eux-mêmes. On a beau apposer des couches multiples entre soi et le réel, à un certain moment – miraculeux ou déplorable – il n’y a plus que soi !

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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