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Affaire Mila: Vallaud-Belkacem mieux armée que Blanquer?

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Malgré son mauvais bilan, l’ancienne ministre de François Hollande est d’une rare prétention en matière d’éducation et continue de donner des leçons. Préparant son retour en politique, elle regrette l’abandon de ses préconisations pour l’enseignement moral et civique de nos enfants.


« Il faudrait bien comprendre que le rôle de l’école est d’apprendre aux enfants ce qu’est le monde, et non pas leur inculquer l’art de vivre.[…] L’éducation sans enseignement est vide et dégénère donc aisément en une rhétorique émotionnelle et morale. […] Le fait significatif est que pour ne pas aller à l’encontre de certaines théories, bonnes ou mauvaises, on a résolument mis à l’écart toutes les règles du bon sens. » Hannah Arendt. La crise de l’éducation.

Bye Bye EMC que j’aimais

Suite à un tweet rageur de Najat Vallaud-Belkacem critiquant la politique de son successeur et dirigeant vers une tribune écrite par la chercheuse Keren Desmery (Libération du 7 février), il était opportun d’aller voir plus avant ce qu’est cet EMC (enseignement moral et civique) tant vanté par notre pas regrettée ex-ministre de l’Éducation nationale et dont elle craint la disparition :

« L’EMC prônait des pédagogies inédites permettant d’aborder des questions épineuses liées notamment aux faits religieux, au racisme, à l’antisémitisme, à l’homophobie, au handicap et de partager des valeurs telles que la tolérance, la fraternité, la liberté, etc. », écrit la chercheuse Keren Desmery dans sa tribune. Nos élèves ont de plus en plus de mal à lire et à écrire mais « dès l’âge de 6 ans, un travail concret quant à l’acquisition du vocabulaire, du lexique et de l’argumentation était proposé. » Il ne s’agit ici que du vocabulaire et du lexique des « valeurs » et de la « réflexion critique » qui permettront de valider « des jugements moraux ». C’est-à-dire du vocabulaire et du lexique nécessaires à la seule compréhension des catastrophiques ABCD de l’égalité, ou des mille associations invitées dans nos écoles à donner des cours de « citoyenneté » féministe, antiraciste ou LGBT compatibles, au lieu des cours de français, d’histoire, de langues ou de mathématiques.

Dans son dernier livre, René Chiche nous disait ce qu’est la catastrophe d’une « école tellement mise sens dessus dessous » qu’elle voyait certains de ses professeurs des écoles « s’improviser professeurs de philosophie et conduire dès la maternelle des “discussions à visée philosophique” » au lieu d’apprendre par cœur La Fontaine et Verlaine.

Les « épineuses » questions des préjugés ou de la grossophobie

Plus tard, nos élèves, toujours aussi pauvrement armés en lectures de livres mais audacieusement suréquipés en formules fleurant bon le Bien et la Tolérance, se voient proposer des EMC s’attardant sur « les préjugés et les stéréotypes, le racisme, les atteintes à la personne d’autrui, l’antisémitisme, le sexisme, la xénophobie, l’homophobie, le harcèlement, l’égalité, la solidarité individuelle et collective, le respect des autres dans leur diversité… » En attendant ceux sur l’écologie, le validisme et la grossophobie. D’ailleurs, de plus en plus, certains « professeurs » de français ou d’anglais font « travailler » leurs élèves en « analysant » des tracts militants plutôt que des livres anciens : la paresse se pare alors de toutes les vertus.

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Il devrait pourtant tomber sous le bon sens qu’un enfant de 6 ans n’est pas apte, intellectuellement, à disserter sur les « valeurs » ou à avoir une « discussion à visée philosophique ».

Il devrait pourtant tomber sous le bon sens que c’est l’apprentissage le plus sérieux de la lecture et de l’écriture, puis l’approche la plus sérieuse et la découverte des livres les plus éminents, puis la transmission la plus sérieuse de notre Histoire de France commune, qui conduisent tout naturellement nos enfants devenus adolescents puis adultes, sur la voie de la réflexion critique,  capables non seulement de porter des jugements et de les argumenter, mais surtout de se tenir à distance des seules émotions médiatiques ou des réactions moutonnières et épidermiques.

Les camarades de Mila n’ont pas suivi les EMC: tout s’explique !

Keren Desmery et Najat Vallaud-Belkacem regrettent donc ces EMC qui, si j’ai bien lu certains commentaires, sont toujours très présents dans les programmes scolaires. Mais le plus intéressant n’est pas là. Le plus intéressant est que Keren Desmery croit dur comme fer que, si ces « dispositifs » n’auraient pas permis d’éviter l’affaire Mila, « ils en auraient sans doute atténué les retombées. » (sic). Veut-elle dire par là que les individus des réseaux dits sociaux se seraient comportés tout autrement si le programme vallaudbelkacemmien avait perduré ? Ne voit-elle pas que ce sont ces élèves-là justement, enfants de diverses origines auxquels manquent les acquis fondamentaux nécessaires à la compréhension du monde, incultes et illettrés moutons baignant depuis leur plus jeune âge dans la sauce idéologique de la « tolérance », du « respect » et des « valeurs » du troupeau progressiste, qui sont devenus les monstres des réseaux improprement appelés sociaux ?

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Leur vocabulaire s’est juste un peu étoffé de mots plus orduriers les uns que les autres et, pour les plus religieux d’entre eux, de quelques références coraniques très superficielles et souvent menaçantes. Voilà le résultat de tant d’années d’éducation à la citoyenneté, de lâcheté, et de manque d’instruction et de transmission des savoirs.

Le comble est que Madame Vallaud-Belkacem et ses émules continuent de s’en vanter et de donner des leçons.

Dijon: Chercheur·euse·s indigné·e·s


Tous les intervenants ne sont pas les bienvenus dans le milieu universitaire. La vague d’indignation a encore frappé.


La grève des trains n’a pas fait que des malheureux. Le 10 décembre dernier, faute de TGV Paris-Dijon, le professeur de linguistique Jean Szlamowicz n’a pu se rendre à l’université de Bourgogne… à la grande satisfaction du doyen de l’UFR lettres et philosophie, Henri Garric. Ce dernier avait en effet découvert avec effroi qu’un de ses professeurs invitait Szlamowicz, adversaire affiché de l’écriture inclusive, à intervenir dans son séminaire.

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Par politesse, Szlamowicz s’est décommandé la veille par courriel, tout en faisant état des bruits qui lui étaient parvenus : grève ou pas, il ne serait pas le bienvenu dans l’établissement. Mail pour mail, dent pour dent, la réponse carabinée du doyen Garric vaut son pesant de bile : « J’ai été saisi par de nombreuses collègues qui étaient scandalisées que vous soyez invité – en particulier par des collègues qui ont travaillé scientifiquement sur cette question sur laquelle vous exprimez votre opinion, […] enfin le fait que vous soyez rédacteur de ce torchon sexiste et raciste qu’est Causeur vous discrédite d’un point de vue scientifique. » S’attribuant le monopole de la scientificité, le mandarin balaie tous les arguments de Szlamowicz, pourtant auteur de l’essai très argumenté Le Sexe et la Langue : petite grammaire du genre en français, où l’on étudie écriture inclusive, féminisation et autres stratégies militantes de la bien-pensance. Que les militants de l’écriture inclusive se rassurent, Garric promet d’« organiser une journée d’étude qui invitera de vrai·e·s chercheur·euse·s ayant travaillé sur la question ». On l’aura noté, ce chantre de la tolérance prend prétexte des quelques articles publiés par Szlamowicz dans Causeur pour l’accuser de compromission avec la bête immonde. Heureusement, la grande majorité des linguistes se range du côté du professeur injurié, rappelant que recherche et militantisme font mauvais ménage. Mais en ces temps de grégarisme 2.0, Garric a fait des petits. Sur la Toile, des étudiants dijonnais chauffés à blanc dénoncent « un prof sexiste qui ne croit pas à l’écriture inclusive » (pouah !) et lui promettent une sanction sans appel : « grave le fumer ». L’inclusisme, ça fait du mal par où ça passe !

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Izzo, planète Marseille

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Jean-Claude Izzo, une bio de Jean-Marc Matalon


Il y a tout juste vingt ans, un 26 janvier, disparaissait Jean-Claude Izzo, le héraut du polar marseillais. Si l’actualité littéraire a souvent la mémoire courte et remise les gloires du passé sur de poussiéreuses étagères, le journaliste Jean-Marc Matalon n’a pas oublié cette figure provençale au regard cabossé. Souvenez-vous, le succès fut immédiat. Le fils d’immigrés du Panier devint le chantre de la cité pas toujours radieuse. Tout y était : les gueules du Mistral, les odeurs d’Orient, les couleurs mordorées, la mouise inhérente aux Hommes nés de peu, la danse du Mia et ce vieux fond d’humanisme hérité de l’alliance bringuebalante entre les cellules du PCF et du syndicalisme chrétien. Et les cigales chantèrent sur la Série Noire. Patrick Raynal avait adoubé le vieux gamin du Sud, poète de la Cannebière et militant énamouré.

Dans les couloirs de Gallimard, on sifflotait « Marseille, mon pays » en prenant l’accent de Tino Rossi. Total Khéops sort en 1995, suivront Chourmo et Solea, une trilogie cash machine qui hissa Fabio Montale au rang d’icone pagnolesque sans la sauce pittoresque. Alain Delon se glissa même dans la peau de ce personnage pour la télévision dans une version plus Chuck Norris que Vincent Scotto. Montale, inspecteur de la Brigade de surveillance des secteurs se coule dans les quartiers les plus pauvres de la ville. C’est un produit local et aussi le fruit de son époque, celle de l’arrivée des socialistes au pouvoir et de la gabegie immobilière, les prémices d’une mondialisation étouffante. « Izzo prête à Montale une partie de sa propre histoire. Comme lui, ce policer est fils d’immigrés italiens. Comme Gennaro, son propre père, il a grandi dans les ruelles humides du Panier au milieu des voyous et des prolétaires » écrit le biographe.

Du CAP de tourneur-fraiseur à la reconnaissance littéraire…

Ce livre qui paraît aux éditions du Rocher ne décortique pas la mécanique du best-seller. Très habilement et fidèlement, sans emphase et avec beaucoup de tact, il raconte le parcours d’un titulaire de CAP tourneur-fraiseur qui vendra bientôt plus de livres qu’un académicien ou un philosophe dans le vent. Là, résident le charme et le parfum de cette biographie éclairante. Car, que vous aimiez ou non la prose de Izzo, peu importe, c’est le chemin qui vous séduira, cette route pleine de soubresauts qui débouche, à la fin, sur la reconnaissance littéraire. Un conte de fées pour ouvrier métallo. Aujourd’hui, le diplôme est roi et vaut sauf-conduit partout, dans les hémicycles ou les rédactions, imaginez l’exploit de sortir d’un lycée professionnel et d’ouvrir les portes, un jour, de la rue Sébastien-Bottin, ça tient lieu de percée Hannibalesque.  « Á la fin des années 1950, la plupart des enfants d’immigrés, et plus généralement les élèves modestes, sont écartés sans raison des filières de l’enseignement général. Et cela ne scandalise pas grand-monde » s’étonne Jean-Marc Matalon. Il va donc falloir s’armer de patience et d’une détermination hors-norme. Le jeune Izzo, intelligent et grand lecteur, n’a pas l’intention de finir sa vie au pied d’une machine et de régler son horloge biologique sur les 3/8.

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Il sait presque inconsciemment que le livre sera au cœur de son existence. Il écrit des poèmes. Un fraiseur qui rédige, c’est comme un taulard qui prend la plume, le monde des lettres a des réflexes claniques. L’absence de papiers officiels signe votre arrêt de mort scriptural. Comment réussir à vivre de ses mots et les voir déjà publiés ? Cette question sous-tend la biographie. Alors, Izzo empruntera une sorte de voie parallèle, le militantisme comme accès au métier de journaliste. Un long apprentissage qui avait commencé sous la houlette d’un aumônier catholique et de l’association Pax Christi. Le patronage d’alors passait par la cinéphilie et la poésie.

… un parcours tourmenté

Toutes ces étapes serviront à nourrir sa fiction future, un service militaire à Djibouti, le métier de libraire, une formation politique du soir, d’abord dans les pas du PSU des Bouches-du-Rhône, des campagnes électorales, le tractage puis le compagnonnage avec les communistes et toutes ces années à La Marseillaise. C’est dans les méandres de ce quotidien historique qu’Izzo apprendra le métier plus que des techniques d’écriture. Qui n’a pas été localier une fois dans sa vie ne connaît rien aux douleurs et aux joies de signer ses premiers articles. Matalon nous replonge dans l’aventure industrielle de Fos-sur-Mer, l’irruption des radios libres ou les arcanes de la presse mutualiste. Ce parcours tourmenté donne au succès d’Izzo une saveur particulière.

Jean-Claude Izzo de Jean-Marc Matalon – éditions du Rocher

Royaume-Uni: capitalisation, piège à cons!

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Outre-Manche, le nouveau système de retraite par capitalisation a ruiné des dizaines de milliers d’actifs. La faute à des fonds de pension véreux hâtivement certifiés par l’État. De quoi bénir le modèle social français.


Alors que le navire britannique s’apprête à larguer les amarres et à quitter les rives de l’Union européenne pour naviguer vers le grand large, je souhaiterais partager avec mes amis français quelques réflexions sur les conséquences désastreuses de notre système de retraite historiquement basé sur la capitalisation, qui a subi plusieurs réformes au fil des dernières décennies.

 

En 2037, l’âge auquel les Britanniques pourront toucher leur pension de retraite à taux plein devrait passer de 65 à 68 ans[tooltips content= »« La retraite au Royaume-Uni », la-retraite-en-clair.fr. »][1][/tooltips]. Cet âge pourrait même être relevé à 70 ans[tooltips content= »« State pension age must rise again, says report », theguardian.com, 23 mars 2017. »][2][/tooltips] ! Chaque employeur est désormais tenu d’enregistrer ses employés auprès d’un régime de retraite. Il a l’obligation de cotiser en premier lieu pour la retraite d’État de base et, deuxièmement, il a le choix entre cotiser auprès du fonds de pension d’État NEST (« National Employment Savings Trust »), ou bien auprès de fonds de pension privés[tooltips content= »Jatin Radia, « Comment fonctionne le système de retraite en Angleterre ? », pramex.com. »][3][/tooltips].

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Ce sont ces derniers qui posent un grave problème, car les réformes successives ont ouvert la voie à une cohorte de criminels en col blanc, qui se sont accaparé – avec le blanc-seing de l’État – les milliards des cotisations de dizaines de milliers d’actifs, les laissant sur la paille pour leurs vieux jours. Le quotidien Daily Mail aurait, à lui seul, réussi à identifier 8 000 victimes, mais l’organisme officiel de régulation des pensions britanniques (« Pension Regulator ») en aurait répertorié 100 000, avec un préjudice estimé à 10 milliards de livres sterling à ce jour[tooltips content= »« Lambs to the slaughter », dailymail.co.uk, 29 décembre 2019. »][4][/tooltips], soit quelque 11,5 milliards d’euros !

Les militaires et les policiers comptent aujourd’hui dans leurs rangs des milliers de personnels spoliés ayant perdu l’intégralité de leurs cotisations de retraite. Un ancien combattant ayant guerroyé sur de nombreux théâtres d’opérations expliquait le 30 décembre, toujours dans le Daily Mail, qu’ayant tout perdu, il ne lui restait plus qu’à espérer avoir la force de travailler jusqu’à 80 ans.

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Comment en est-on arrivé là ? Facile : certains fonds de pension gérés par des crapules, qui coulent en ce moment même des jours heureux au soleil, avaient tous été certifiés soit par le Pension Regulator, soit par l’Administration fiscale et douanière (HMRC), voire carrément par le ministère de la Défense. Or, on découvre que leur enregistrement par les services de l’État pouvait être effectué en quelques minutes sur internet sans aucun garde-fou. Rassurés par l’estampillage officiel de l’État, incapables de discerner le bon grain de l’ivraie parmi les multiples offres de placement et délibérément induits en erreur par l’annonce de taux mirobolants, des milliers d’Anglais, Gallois, Écossais, Nord-Irlandais ont tous plongé dans le gouffre la tête la première.

Au vu de cette tragédie nationale, le système français de retraite par répartition apparaît comme une bénédiction. Il est le trophée d’âpres luttes sociales et d’immenses sacrifices consentis par les générations passées. Il serait regrettable de le faire passer à la trappe de l’Histoire pour s’acheminer vers des lendemains incertains faits de misère économique, de larmes et d’expansion de la criminalité en col blanc.

Petit recueil des maladies de la droite

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La politique a quelque chose à voir avec la drague. Il n’est pas nécessaire d’être beau pour triompher. Il suffit parfois d’être malin et audacieux et surtout de saisir l’opportunité qui ne se présente qu’une seule fois.


La droite française (tous courants confondus) est un dragueur malchanceux, un prétendant éternellement reconduit qui s’est habitué à l’échec. Il regarde ses concurrents faire la fête et rumine, seul dans son coin : « j’avais cru que cette fois était la bonne, mais qu’est-ce qu’elle peut bien leur trouver à ces tocards ? ».

Or, nous le savons tous : ce n’est pas du côté de la personne désirée que le problème se trouve, c’est plutôt le candidat malheureux qui doit faire son autocritique et rectifier le tir.

Les progressistes sont certes bourrés de défauts mais ils assurent l’essentiel en fixant un cap : le vivre-ensemble, une fable censée autoriser le bonheur narcissique de toutes les « individualités » sans se soucier des conséquences de leurs actes. Leur promesse est ridicule mais la droite n’a rien à offrir de mieux, jusqu’à nouvel ordre

Cet article se propose donc de recenser les causes principales du « blocage » de la droite française dans une perspective pratique et opérationnelle.

Un problème idéologique

Commençons d’abord par les obstacles d’ordre idéologique. Des archaïsmes de la pensée de droite, très difficiles à déraciner.

La démographie joue contre la droite dans le sens où l’immigration fausse le résultat électoral en faisant pencher la balance à gauche. Si les progressistes adorent les migrants, ce n’est pas par humanisme (qui peut souhaiter à son prochain de passer un hiver à Calais ou en bas du périphérique ?). Ils savent très bien que les régularisations finissent, à la longue, par leur donner un coup de pouce électoral.

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Cet enfumage est particulièrement dur à avaler lorsque l’on sait que les diasporas sont, de cœur et d’esprit, alignées sur le programme conservateur le plus traditionaliste. À la limite de la caricature même : anti-avortement, anti-PMA, allergie au féminisme, etc.

Au lieu de se saisir de ce réservoir de sentiments conservateurs, la droite française tourne par exemple le dos au vote musulman. La tête haute, elle cède ce vote à la gauche et aux listes communautaires naissantes. La conscience tranquille, elle assiste au hold-up des suffrages musulmans par ceux qui spécialisent les immigrés dans le rap, le foot et l’assistanat.

Quel gâchis !  Car avec un peu d’audace, il serait possible de capter le vote des immigrés les moins aisés et les moins assimilés. Contrairement à l’opinion commune, les immigrés ayant réussi votent Macron comme ils auraient voté DSK s’il n’y avait pas eu l’accident de New-York : ils raisonnent déjà en tant que vainqueurs de la mondialisation et du projet européen. La mine d’or gît sous les pieds des classes populaires d’origine extra-européenne, qu’il s’agisse de la petite bourgeoisie (hantée par la peur du déclassement) ou des prolétaires (perdus dans une société libertaire qui se suicide à petit feu). Ces deux catégories ressentent le choc de la post-modernité et sont encore plus « sonnées » que les Français de souche. Face à l’accélération du monde, elles veulent des cadres, des règles rigides et des limites. Ce sentiment de désarroi, cette insécurité morale de l’immigré est la matière première de la politique pour la dizaine de millions d’extra-européens qui vivent sur le sol français. Qui s’en saisira aura une longueur d’avance dans la course à l’Élysée.  Pour cela, il faut oser penser en dehors des sentiers battus.

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Ces propos peuvent surprendre, il n’empêche : la remise en cause idéologique est nécessaire après tant de déconvenues électorales et elle exige des mesures d’exception. Autrement, la droite risque de se momifier pour devenir un témoignage vivant d’une France qui n’existe plus.

Cette France d’avant était grandiose, elle forçait l’admiration du monde entier mais elle a disparu. Il ne sert à rien de se lamenter car les électeurs ne votent pas pour les professionnels du deuil et de la lamentation : deux spécialités de la droite française. Ils aiment le courage car faire de la politique requiert beaucoup de courage. Ils aiment aussi les belles histoires qui fédèrent les gens de bonne volonté, ils veulent entendre un récit où chacun a une place et surtout où chacun reste à sa place : les chefs naturels aux manettes, les élites dans le rôle du co-pilote compétent et attaché au bien commun, et enfin le peuple qui accompagne de son poids l’élan venu d’en haut.

Quel est donc ce grand récit de la droite ? J’ai beau chercher, je ne le trouve pas. Lire les programmes des différents courants de la droite française, des libéraux aux populistes, revient à faire une promenade dans un tas de ruines (la patrie, l’identité) et d’ouvrages abandonnés en cours de construction (dont le projet européen). Les progressistes sont certes bourrés de défauts mais ils assurent l’essentiel en fixant un cap : le vivre-ensemble, une fable censée autoriser le bonheur narcissique de toutes les « individualités » sans se soucier des conséquences de leurs actes. Leur promesse est ridicule mais la droite n’a rien à offrir de mieux, jusqu’à nouvel ordre.

Trop bon, trop con

Parmi les obstacles les plus redoutables au succès de la droite, se trouvent les défauts inhérents à sa manière d’être. Permettez-moi de les décrire sans ambages.

Elle est trop gentille. Personne n’a peur de la droite alors que tout le monde tremble à l’idée d’énerver les islamistes ou de se faire « blacklister » par les progressistes. C’est bien la première fois que l’outsider renonce à utiliser les armes propres à l’outsider qui sont une certaine violence, l’effet de surprise et l’esprit de meute.

À force d’être bien élevée, la droite laisse aux autres le soin de faire des opérations coup de poing qui impressionnent l’adversaire et désarticulent ses appuis. Je rêve du jour où des militants de droite occuperont (pacifiquement) les locaux de France Inter ! Qu’ils s’inspirent de ladite « base » de la CGT qui se permet d’envahir le siège de la CFDT. Opération discutable sur le plan moral mais… admirable sur le plan tactique. Il n’y a aucune raison pour que la gauche détienne le monopole des méthodes musclées.

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L’excès de gentillesse de la droite est aggravé par un manque total de solidarité interne. L’on parle à tout bout de champ d’unions des droites mais il faudrait commencer par créer un esprit de famille. Un sentiment de solidarité entre les différentes sensibilités de droite. À l’ennemi, je réserve la diatribe et l’hostilité ; aux membres de ma famille, j’offre l’esprit de dialogue le plus abouti. La gauche fait pareil depuis le début de son aventure. Résultat : elle n’a aucun mal à se dire « plurielle » quand elle est faible et à se quereller, face caméra, lorsqu’elle est en position de force.

Des problèmes de méthode

Les méthodes de la droite sont, non seulement teintées de candeur, mais largement en deçà du défi à relever. La droite doit monter une falaise, les mains enduites de graisse ! Elle a tout perdu : les universités, les lycées, les médias, les quartiers huppés (convertis au macronisme!) ainsi que les cités populaires (réservoirs de violence révolutionnaire).

Ce défi extraordinaire exige des méthodes de rupture notamment en ce qui concerne la communication et l’influence. Or, il n’y a pas de télévision de droite. Les Américains ont Fox News, les Italiens ont Rai 2 et la droite française n’a rien. Jusqu’à quand ? TV Libertés est certainement une belle initiative mais elle n’est assumée par aucun parti de droite. Assumer veut dire y envoyer ses cadres chaque jour, en parler au parlement, y inviter ses concurrents pour débattre…

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L’émotion d’abord, la réflexion ensuite

Enfin, le plus grand manquement de la droite consiste en son incapacité à jouer sur les émotions. Or, ce sont les sentiments qui déterminent le vote. Ceux qui remportent la mise ont réussi, au préalable, à communiquer avec l’électeur sur le plan émotionnel. La révolution est toujours une rencontre violente entre deux sentiments enflammés et antagonistes : la soif de revanche des laissés-pour-compte et l’angoisse de ceux qui ont tout à perdre. Or, pour la première fois depuis longtemps, la droite évolue dans l’univers émotionnel des laissés-pour-compte : comme eux, elle est en colère contre les élites ; comme eux, elle a peur de l’avenir. Quel formidable gisement d’énergie révolutionnaire !

Il n’y a rien de bien sorcier là-dedans. Il suffit que la droite admette qu’elle est un outsider qui ne peut plus se comporter comme un bon élève, toujours prompt à suivre les règles du jeu fixées par la maîtresse. C’est peut-être ça le plus difficile : amener des gens issus du système à envisager que leur seul moyen de conquérir le pouvoir est de se comporter comme des insurgés.

Le jeu en vaut la chandelle car le progressisme ne tombera pas à la régulière, il a beau être faible, il ne laissera aucune chance aux naïfs et aux mous.

Campagnes: l’invasion des bidonvilles

 


Sous pression démographique, nos campagnes se font coloniser par la ville. Jusqu’à perdre leur âme et leur beauté pétrie de vide en devenant des banlieues. Voire des bidonvilles.


Les mots en age sont les plus beaux, avec leurs longs a semblables à des soirs d’été, dans la Marche ou le Gévaudan. Il faut y mettre toute la bouche, la langue et surtout la mâchoire : visaaage, langaaage, paysaaage. On aimerait être au paysage, ce qu’est au visage Lévinas. D’ailleurs le paysage n’est-il pas le visage d’un pays, d’une province, des saisons de la vie ? C’est lui qu’on se rappelle dans la nostalgie d’une époque, d’une civilisation, d’un voyage ; lui qui nous échappe comme un sens.

Deux amours sont fatalement malheureuses aujourd’hui : du paysage et du langage. Toutes deux ne sont que trahisons, mauvais coups, dérobades, cuirs, mots pour un autre, platitudes, vexations, stabulations, chagrins. Et plus on aime plus on souffre, naturellement. C’est à cela qu’on reconnaît les faux amoureux, qui sont l’immense majorité : eux ne souffrent pas. S’ils n’étaient pas majoritaires, les paysages ne seraient pas à ce point massacrés.

La culture du paysage

La France n’a pas de culture du paysage, autant dire qu’elle n’en a pas d’amour. Elle n’en a que des théoriciens, qui sont à peu près le contraire. Il en va d’eux comme des théoriciens du langage, ou comme des experts en identité nationale : ils expliquent que tout va très bien, que même ça n’a jamais été si bien ; que tout ça est dans votre tête ; et que si désastre il y a, il n’est que d’apprendre à l’aimer pour le renverser en apothéose.

Le cœur des grandes capitales est certes gravement affecté par les changements de peuple et de civilisation, le tourisme de masse, la sursignalisation, la commercialisation, la prolétarisation générale et la croissante saleté, mais il n’est pas compromis dans son être même comme le paysage…

Je ne connais pour ma part que deux cultures du paysage : l’Angleterre et le Japon (où je ne suis jamais allé). L’absence de ces cultures ailleurs n’est pas une preuve d’incivilisation. L’Italie n’a aucune culture du paysage (sauf dans les tableaux). Elle est encore plus massacrée que la France. Au demeurant, il paraît que le Japon l’est aussi.

Libertés individuelles et paysage ont le même ennemi. Ce que j’ai vu leur être le plus fatal, au cours de ma vie (de sorte qu’on ne pourra pas venir me dire, comme d’habitude, que j’idéalise un passé fantasmé…), c’est la croissance démographique (et sans doute la croissance tout court). La France et l’Europe subissent quatre colonisations superposées : par l’Afrique, migratoire ; par l’Amérique, culturelle ; par la petite bourgeoisie, déculturelle ; par le ciment, territoriale. En sa conquête, l’artificialisation va encore plus vite que l’islam – un département tous les sept ans, si j’en crois la formule consacrée.

Des campagnes oubliées mais pas désertes

Rien n’est plus faux que cette autre formule : la désertification des campagnes. Plût au Ciel que les campagnes se désertifiassent ! C’est tout le contraire : certes elles sont abandonnées du pouvoir remplaciste, qui a sur elles d’autres vues que de se ruiner à leur profit en écoles, gendarmeries, bureaux de poste, maternités, maisons de la presse et autres hôpitaux de proximité. Elles n’en deviennent pas moins de moins en moins désertes, c’est-à-dire de moins en moins campagnes. Comme le paysage, avec lequel elles ont tendance à se confondre, et comme la patrie, dont elles ont été l’âme, elles sont détruites à petit feu par le mitage : l’installation à marches forcées, en leur sein, d’enclaves et d’éléments qui leur sont étrangers, voies rapides, ronds-points, hangars, petites usines, centres commerciaux, centres de loisirs, garages, cimetières de voitures, zones artisanales, pylônes et bien sûr éoliennes. J’ai longtemps soutenu que l’agriculture était le dernier champ à s’industrialiser. Je me trompais : c’est l’homme.

La cité du Wiesberg à Forbach (Moselle), 2005 © Biosphoto/ H. Rigel/ AFP
La cité du Wiesberg à Forbach (Moselle), 2005
© Biosphoto/ H. Rigel/ AFP

J’aimais parler aussi de banlocalisation, pour la campagne et son devenir-banlieue. Le mot n’est pas joli, et surtout, m’a-t-on fait remarquer, il procède d’une grossière erreur d’étymologie : lieu dans banlieue n’est pas le lieu, locus, mais la lieue, leuga ; et mieux vaut dire dès lors banleugalisation. Hélas, entre-temps, ce n’était plus banlieue que devenait le monde, mais bidonville. Le bidonville est l’horizon indépassable du remplacisme global. Dans l’univers bidon du faussel, le réel faux, le réel de substitution, il dresse ses usines aux mille veaux et ses fabriques à homme parmi les champs d’épandage et les terrains vagues de la violence hébétée, pour la fabrication de l’être liquéfié de la société liquide, cf. Baumann, destiné aux bidons de l’interchangeabilité générale (pour ne pas dire à la liquidation). It’s closing time in the gardens of the West – on a tort de ne pas pousser jusqu’au bout, en général, cette citation rituelle de Cyril Connolly : « […] et à partir de maintenant un artiste ne sera plus jugé que par la résonnance de sa solitude ou la qualité de son désespoir. »

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… À moins que solitude, solitude, ce ne soit précisément ce dont l’homme est spolié – et de son désespoir par la même occasion, quelle qu’en puisse être la qualité. Toutes les générations avant les nôtres avaient derrière elles la nature, quand elles devaient affronter le malheur, la tragédie, la misère, la trahison, l’ennui, le déshonneur, le ridicule ou le dégoût. On pouvait toujours s’enfoncer dans le paysage, s’y fondre. Il y avait la campagne, les champs, les chemins, les forêts, les sources, les nymphes, les faunes et les sommets, où plus présents sont les dieux, nous assure Hölderlin. Pour nous rien de pareil. Nous nous battons dos au mur et sommes faits comme des rats. À l’homme du bidonville global ce qui fait le plus gravement défaut c’est le défaut, le vide, sa propre absence. Non seulement a sonné l’heure de la fermeture, dans les jardins de l’Ouest, mais ces jardins sont lotis, leurs murs abattus, goudronnées les allées qu’il en reste et dotées d’affreux lampadaires, qui empêchent de voir les étoiles. Comme l’Europe, comme l’université, comme le mariage ou les musées, ils sont cette chose atroce et qui prélude toujours à la mort, pour tout ce qui est précieux : ouverts à tous – y compris et surtout à ceux qui n’éprouvent pour eux nul désir et aucun besoin, sinon de les gâcher pour ceux qui les aimaient.

Vers une fusion des villes et des campagnes

L’art, curieusement, résiste un peu moins mal que la nature, la ville que la campagne, l’architecture que la Création. Le centre des villes, surtout celles qui sont traditionnellement bien repérées pour leur beauté, est moins abîmé que les campagnes, les montagnes, les rivages. Le cœur des grandes capitales est certes gravement affecté par les changements de peuple et de civilisation, le tourisme de masse, la sursignalisation, la commercialisation, la prolétarisation générale et la croissante saleté, mais il n’est pas compromis dans son être même comme le paysage, qui n’est jamais autant lui-même que malaxé d’absence, habité d’inintervention, pétri de vide – tous biens gravement menacés par le sinistre aménagement.

Certes, je ne confonds pas le paysage et la campagne, ni la campagne avec la nature. Je sais qu’on peut parler de paysages urbains, et même de paysages intérieurs, qui toutefois ne sont pas exactement notre sujet. Il reste qu’on va vers un broyage, comme pour tout le reste : une indifférenciation, une fusion entre ville et campagne, dont répond assez bien la croissante abstraction des noms, déshistoricisés : déjà il était fort abusif que Le Puy ou Moulins fussent en « Auvergne », mais à présent c’est Grenoble qui l’est aussi, dans beaucoup d’esprits, ce qui confine à l’absurde, pour ne pas dire au criminel. Aubusson est dans la même région que Saint-Jean-de-Luz. Autant dire que région n’a plus le moindre sens, dont déjà il avait beaucoup moins que province. On conçoit que les gestionnaires davocratiques du parc humain aient recours désormais au ridicule territoires, les territoires, qui a au moins le mérite de désigner clairement un mode d’administration des espaces nationaux comme gestion des stocks, management financier des avoirs fonciers.

Tronçon de l'autoroute A10, dans l'Eure-et-Loir © AFP
Tronçon de l’autoroute A10, dans l’Eure-et-Loir
© AFP

Ce qui sans doute a le plus défiguré, et très littéralement, la France, ou du moins son patrimoine bâti, durant le dernier demi-siècle, c’est l’arrachement des enduits, la Grande Pelade, qui non seulement a donné des airs de maisons neuves, autant dire de vieilles peaux, à des édifices dont tout le mérite était d’être anciens, et de porter la trace du passage du temps ; mais qui rendait totalement inintelligible la grammaire et la langue même de l’architecture vernaculaire traditionnelle, en abolissant la distinction essentielle entre crépi et pierre de taille, fond et forme, prose et poésie, façades et ornements, murs pleins et portes et fenêtres. Rien ne se construisant plus en pierre, la pierre devenait un élément de richesse à exposer, même là où elle avait toujours été cachée. L’intéressant, conceptuellement, et même ontologiquement, est que la destruction d’une authenticité (les enduits, l’histoire, la volonté des bâtisseurs, les couleurs du temps) s’opérait au nom d’un autre (celle du matériau, qu’on décidait de mettre à nu, brechtiennement). Or c’est là la structure de la plupart des destructions contemporaines, tout étant aboli par excès de soi-même : le droit par la loi, la nation par ses « valeurs », la démocratie par l’égalité, l’école par la pédagogie, la culture par le culturel, la famille par la familiarité, la féminité par le féminisme, etc.

Uniformisation par l’éolienne

Aujourd’hui, selon une structure assez semblable (le bien comme fourrier du mal, plus que le mal), c’est plutôt l’écologie, hélas, qui s’attaque aux façades et donc aux visages, ceux des maisons et ceux du pays, les paysages. Par une conception tout utilitaire d’elle-même, et donc autocontradictoire, elle impose partout d’affreuses huisseries censées être seules isolantes, de hideux fenestrages à un seul pan de verre, qui traitent les ouvertures comme si elles ne faisaient pas partie des édifices, comme si elles y étaient une parenthèse sans importance stylistique, alors qu’elles occupent une part considérable de leur surface dressée.

Mais ce sont évidemment les éoliennes qui sont dans le paysage la plus grave des contradictions de l’écologie, qui pour son malheur et le nôtre n’en manque pas, Dieu sait. Déjà il est absurde, évidemment, d’élaborer pour sauver la Terre toute sorte de politiques savantes et très légitimes sans se soucier de la croissance démographique, qui les rend lettre morte avant leur première once de réalisation. Il n’est pas moins vain de prétendre se soucier de biodiversité en en excluant l’espèce humaine, ses cultures, ses civilisations, et en faisant tout, au contraire, pour qu’elles soient bien broyées au profit de la seule MHI (Matière Humaine Indifférenciée), ses industries de l’homme, son Nutella humain, son surimi posthumanitaire.

De ces contradictions létales les éoliennes sont le symbole absolu, mais un symbole qui pèse de tout son poids. À quoi bon sauver la Terre, en effet, si c’est pour la rendre odieuse, horrible, désespérante, inhabitable ? Si c’est pour placer la vie en tous lieux sous le signe formidable des maîtres, l’utilité (prétendue), le profit, la bêtise, la laideur, la méchanceté, la haine de l’espèce ? À l’homme on a déjà volé la campagne, le silence, la nuit : faut-il qu’on lui dérobe encore le Ciel, pour mieux lui signifier sa finitude, passe encore, son aliénation, sa captivité, mais surtout son définitif retranchement des dieux ?

Ce n’est pas le grivois Griveaux qui me désespère!

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Benjamin Griveaux aurait dû assumer les photos volées diffusées sur les réseaux sociaux la nuit dernière. Et les internautes sur Twitter feraient mieux de s’indigner d’autres trahisons…


Le compteur de nombre de vues n’en finit pas de tourner depuis hier sur la page qui a illégalement publié les sextos de Benjamin Griveaux.

Dans mon monde, on aura plus commenté la taille de son engin, la décoration de sa cuisine et l’absence d’abdominaux que ses capacités à diriger la mairie de Paris.

Benjamin Griveaux n’est pas un bon candidat dans mon monde, nous sommes assez unanimes dessus et ce n’est pas le sujet aujourd’hui.

Le sujet c’est le coup de théâtre ce matin : Griveaux n’est plus candidat à la mairie de Paris. Il est treize heures et les notifications de mon téléphone continuent de s’emballer.

Si je ne suis pas fan de Griveaux, je suis abasourdie de cette décision, des commentaires de félicitations et de soulagement qui font suite à son retrait et du message que ce retrait dit de la politique française et de ce que l’on conçoit comme intérêt général.

Je naime pas Griveaux mais sil avait assumé, je laurais applaudi et je n’aurais pas été seule à le faire

Nostalgie d’abord, effroi mais aussi désespoir. Voilà ce que le désormais célèbre #GriveauxGate m’inspire.

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Nostalgie car ce retour du puritanisme semble en conforter plus d’un, dans ce pays où un président a eu une double vie, des enfants cachés, on s’émeut qu’un homme, aussi marié soit-il, envoie des vidéos de son pénis à une adulte consentante, on s’indigne qu’il en désire une autre pendant que son épouse « coucherait les enfants ». J’avoue que pour avoir été bercée par des histoires à n’en plus finir des coucheries d’après-guerre dans les villages de France, les vidéos de Griveaux m’ont plus arraché des sourires voire des rires.

Paris, ville autrefois de fête

Effroi car il semblerait que l’intrusion dans la vie privée, la vie sexuelle d’un homme peut maintenant être considérée comme de l’art et de l’activisme politique, et que cela aboutisse en plus à une victoire. Celle de le voir abdiquer.

Le retrait de Benjamin Griveaux est un énième indicateur du fait qu’il n’était pas le bon candidat pour LREM mais surtout le mauvais candidat pour Paris, cette ville autrefois de fête, cette ville autrefois insolente et élégante à la fois.

C’est un candidat pudibond qui faisait campagne pour Paris, exhibant une famille tout droit sortie d’une banlieue riche de la côte ouest des États-Unis à des électeurs surmenés, toujours pressés, débordés, en recherche éternelle de nounous et de professeurs particuliers mais qui s’accrochent tant bien que mal et malgré l’état sécuritaire calamiteux de leur ville, à la faire vivre.

Et voilà que l’on découvre à travers ce crime odieux, ignoble que la famille Griveaux n’est pas aussi parfaite qu’elle le laisse entendre. Griveaux séduit, Griveaux sextote, Griveaux ne fait peut-être pas tout avec l’accord de son épouse que visiblement il trompe, Griveaux est léger, Griveaux est faible quand il s’agit de plaisirs charnels, Griveaux est infidèle, Griveaux est grivois.

J’ignore qui gère sa campagne mais je n’ai aucun doute sur le fait que lui aussi a été aussi mal choisi que celui dont il sert les intérêts.

L’ex candidat a été victime d’un crime, et sa vie et son pénis ainsi exposés à la vue de tous sont certainement la dernière chose qui refroidiraient les Parisiens, ils en ont vu d’autres, certains mêmes se sont reconnus en lui ou en son interlocutrice, moi la première.

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Il n’aurait pas dû se retirer pour cela, il aurait pu même continuer sa campagne de mari et de père parfait car échanger des SMS coquins et des dickpics avec une femme sur Instagram ou Telegram n’est pas incompatible avec notre capacité à être un bon parent et un bon époux. Cela rend même l’image de son couple bien plus humain qu’on ne le pensait et bien plus en phase avec les couples parisiens que nous sommes si nombreux à être et à fréquenter !

Les acharnés de l’exemplarité nous gonflent

J’espère que c’est bien cela que l’entourage de l’ex-future première dame de Paris lui répète en tout cas. À madame Griveaux, j’espère que l’on n’adresse pas des SMS et des mails de condoléances, des regards de pitié et de compassion. Je n’ose imaginer ce dont on la couvre et la recouvre depuis hier, le sentiment d’humiliation que l’on doit projeter sur elle. Alors qu’il suffirait qu’elle passe une soirée en compagnie de tant de Parisiennes que je côtoie pour qu’elle en rie elle-même. On lui raconterait comment nos hommes ne sont pas plus exemplaires que le sien et comment nous ne le sommes pas non plus, que non seulement ce n’est pas la fin du monde, mais que ça ne l’entache en rien, du tout.

Je n’aime pas Griveaux mais s’il avait assumé, je l’aurais applaudi et je n’aurais pas été seule à le faire.

En fait, ce qui est encore plus alarmant avec cette histoire, ses conséquences et la couverture que l’on en fait c’est qu’hier, Jean-Christophe Lagarde, lui, n’a pas démissionné à la suite des révélations graves dans le livre d’Ève Szeftel Le Maire et les Barbares. Pourtant, elle y détaille comment « un pouvoir municipal s’est allié à des islamistes et des criminels du grand banditisme pour gérer une ville démunie ». Comment le mal qui ronge plus de 150 quartiers en France s’installe et comment on y efface les valeurs de la République pour des voix.

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Cela n’a pas fait trembler Twitter, le poids des accusations et des preuves n’a pas couvert de honte le député de la 5e circonscription de la Seine-Saint-Denis, pas assez pour démissionner ne serait-ce que le temps que l’on y voit plus clair. Ce n’est pas sur l’article qui dénonce la genèse d’une trahison de la République que le compteur des vues a explosé, ce n’est pas le #LagardeGate qui est en « Tendance Twitter » nationale.

C’est de Griveaux dont on parle, c’est Griveaux qui démissionne parce qu’il a envoyé sa queue en MMS. Désormais en France, trahir la République c’est moins grave que de tromper sa femme, encore une raison de se croire vivre sous l’Inquisition. Ou sous le joug du KGB, vu l’auteur de ce crime, qui a d’ailleurs fui un pays qu’il dit liberticide tout en y important les pratiques fascistes. C’est ça la politique française, c’est ça le nouvel intérêt général, c’est ça qui doit provoquer notre désespoir.

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« La grande majorité des Français n’accepte pas qu’il y ait des personnes à la rue »

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Ils sont les vrais Misérables. En hiver évidemment, mais pas seulement : d’après le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, plus d’une personne décède chaque jour des conséquences de la vie à la rue. Près de sept décennies après l’appel de l’Abbé Pierre, la situation ne s’est pas améliorée, bien au contraire. Pourquoi ?


Afin de mieux comprendre, Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, a accepté de m’accorder un peu de son emploi du temps chargé.

Causeur. Vous qui travaillez auprès des SDF depuis des années, pouvez-vous dresser un profil type du SDF?

Christophe Robert. Un profil type non, mais il y a des tendances fortes. En proportion, il y a beaucoup de personnes seules. Mais on trouve de plus en plus de familles avec enfants, ce qui n’était pas le cas il y a une dizaine d’années. Vous avez aussi une forte représentation des jeunes. Dans nos lieux d’accueil pour les personnes sans domiciles, nous voyons une surreprésentation des jeunes, pour l’essentiel en rupture familiale et qui n’ont aucune ressource car comme vous le savez, quand on a moins de 25 ans on ne peut pas toucher le RSA. Et il y a également des personnes en situation de migration.

Nous nous pencherons sur ces dernières un peu plus tard. Depuis dix ans, le nombre de places d’hébergement d’urgence augmente chaque année. Pourquoi dans le même temps le nombre de SDF augmente également? 

C’est la grande question. Il y a souvent un raccourci qui est fait, qui est : il y a des personnes à la rue, si on met en place un nombre de places d’hébergement d’urgence ou d’insertion, on devrait pouvoir y répondre. Le bon sens voudrait cela mais en fait ce n’est pas si simple. En effet, on retrouve à la rue des personnes qui se retrouvent sans solutions pour plein de raisons. Je vais vous prendre quelques exemples: des personnes qui sortent de l’aide sociale à l’enfance, des personnes qui sortent de prison, des personnes qui sortent de l’hôpital psychiatrique, des personnes qui sont en rupture familiale ou qui sont expulsées de leur logement. Je pourrais multiplier ce type d’exemple. On voit bien là que ce n’est pas qu’un problème d’hébergement. On parle là de politiques qui ne sont pas satisfaisantes dans leur domaine. Vous avez des défaillances de politiques qui font qu’un certain nombre de personnes, quand elles n’ont pas la solidarité familiale, par exemple, vont se retrouver sans solution. Ça c’est le premier facteur. Le deuxième facteur, c’est qu’on reste dans l’hébergement mais qu’on ne va pas forcément vers une solution durable de logement. Et que donc les gens restent dans ce secteur de l’hébergement et n’en sortent pas suffisamment. Avec ce double phénomène, on a beau augmenter le nombre de place d’hébergement d’urgence, ça ne suffit pas pour autant.

Venons-en aux demandeurs d’asile. Est-ce qu’une partie des étrangers demandeurs d’asile prive une partie des SDF de nationalité française de places dans les centres d’hébergement d’urgence? 

Non, pas du tout. Pour cette population, comme pour les autres que j’ai évoquées avant -les jeunes en rupture familiale, ceux qui sont sur le point d’être expulsés, ceux qui sortent de prison- la politique qui leur est normalement dédiée, le dispositif national d’accueil de l’asile (DNA), est défaillante : comme il y a une personne sur deux qui ne trouve pas de place en Centre d’accueil pour demandeur d’asile (Cada), ils vont se retrouver à solliciter des hébergements d’urgence comme les autres. Comme pour les autres qui se retrouvent dans des situations d’urgence, ils sont victimes de l’insuffisance de la politique mise en place dans leur domaine. Le secteur de l’hébergement d’urgence voit alors converger les personnes victimes des défaillances que j’ai évoquées précédemment, dont celle du DNA. Des demandeurs d’asile se retrouvent d’ailleurs dans des campements sauvages ou dans des bidonvilles, faute de places suffisantes dans le DNA.

Justement en janvier 2019, Edouard Gaudela, chercheur au CNRS déclarait sur France-Culture que « 40 % des personnes dites SDF sont en fait des migrants ». Si ce chiffre est fiable doit-on en déduire que si demain on freine l’immigration, le nombre de SDF va baisser en France? 

Votre question est curieusement tournée. S’il y avait moins de personnes sur Terre, il y aurait moins de besoins en logement. Je pense qu’il faut qu’on aide les enfants qui sortent de l’aide sociale à l’enfance pour qu’ils ne se retrouvent pas à la rue. Je pense aussi qu’il faut qu’on ait des places, comme le droit nous y oblige, pour les demandeurs d’asile, pour qu’ils ne soient pas à la rue. Si une partie de ces derniers est à la rue, c’est parce qu’ils manquent de places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile.

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À la Fondation Abbé Pierre, nous pensons que personne ne doit rester à la rue. Si on regarde les personnes qui sont à la rue, on doit pouvoir décrypter pour chacune les raisons qui l’ont conduite à la rue. Si on prend la question migratoire, c’est bien l’insuffisance de places en centre d’accueil pour demandeurs d’asile qui fait que ces personnes sont à la rue. Le traitement de cette question renvoie donc à la politique effective des centres d’accueil pour demandeurs d’asile.

Laissons maintenant les demandeurs d’asile et revenons au sans-abrisme à proprement parler. D’après une enquête du Samu social de novembre dernier, 20 % des SDF du métro parisien auraient un emploi. Ce chiffre est surprenant. Comment peut-on être en état de travailler quand on vit à la rue? 

À la Fondation Abbé Pierre, nous rencontrons beaucoup de gens dans ce cas de figure, de gens qui viennent dans nos lieux d’accueil de jour pour personnes à la rue et qui travaillent. Déjà une enquête de l’INSEE montrait des taux à peu près similaires en 2012. Parmi les gens qui sont à la rue, il y a beaucoup de gens qui ont des problèmes psychiques ou psychiatriques. Ces gens ne sont pas en état de travailler, en tous cas pas pour le moment. Mais il y a une partie des personnes sans domicile qui ne sont pas à la rue pour des raisons de fragilité psychologique ou comportementale, mais qui sont à la rue, souvent pendant un temps plus limité que les autres, parce qu’elles n’ont pas de logement adapté à leurs ressources, en particulier dans les grandes villes. Ce sont souvent des personnes qui vont avoir du mal à rester propres, vont arriver très fatiguées au travail, qui vont tout faire pour cacher leur absence de logement et qui nous disent que c’est extrêmement difficile. Ceux-là ont plus de chance à terme de trouver une solution de logement, même précaire, que ceux qui ont des problèmes psychologiques, mais il y en a effectivement beaucoup. Ce sont souvent des gens qui ont des temps partiels contraints, et qui gagnent des ressources de l’ordre de 600, 700 euros par mois, ce qui ne permet pas de se loger dans les grandes villes.

Et particulièrement à Paris. « La vision de la pauvreté semble régulièrement distinguer les bons des mauvais pauvres », est-il écrit dans le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre. Qu’entendez-vous par là? 

Nous ne disons pas que rien n’est fait en matière de politique publique, justement. Le nombre de places dans les centres d’hébergement d’urgence augmente d’année en année, mais de fait, ce n’est pas la solution. Du coup, quand cent personnes sollicitent le 115 pour dire qu’ils ne savent pas où dormir ce soir, que va-t-il se passer? Alors que du point de vue juridique, on a la responsabilité de trouver une solution pour chacun, on établit des critères, on hiérarchise. Par exemple, on va dire que monsieur un tel qui est seul n’est pas prioritaire par rapport à madame avec sa fille de trois ans. Par exemple, on va prioritairement prendre les familles avec des enfants de moins de trois ans, en mettant les autres sur le carreau pendant un temps. Dans la réalité, c’est ça qui se passe. De façon pragmatique, et c’est horrible de dire ça sur ce sujet, on finit par établir des critères, des grilles, alors que le droit à l’hébergement d’urgence est normalement un droit inconditionnel.

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En décembre 2014, Manuel Valls, alors premier ministre, en avait appelé à la « vigilance, la solidarité et la générosité » envers les sans-abris, suite à la mort de six SDF à cause du froid. La France étant la 6ème puissance économique mondiale, n’est-ce pas curieux de s’en remettre à la générosité supposée des Français pour résoudre ce problème? 

Je partage votre étonnement sur cette déclaration. Je crois vraiment que notre pays a la capacité, s’il s’en donne les moyens de répondre à ses besoins sociaux, et au moins de ne pas laisser des personnes à la rue. Après, dire que les associations comme nous -et je précise que la Fondation Abbé Pierre n’a que 2 % de subventions publiques, ce qui nous laisse notre liberté- ont leur rôle à jouer, c’est évidemment vrai, et nous le faisons. Il n’empêche que nous sommes convaincus que c’est d’abord à la protection sociale de régler ce problème. Nous essayons donc de faire évoluer la protection sociale et la puissance publique dans ce sens.

Je constate une réelle générosité chez les Français, dans notre culture, il y a une sensibilité à ce sujet et je pense que l’idée que ce n’est pas acceptable qu’il y ait autant de gens à la rue dans notre pays est fortement ancrée chez les Français. Je pense que la France ne s’est pas habituée à voir autant de personnes sans domicile. Je pense qu’on est maintenant à un moment déterminant : la grande majorité des Français n’accepte pas qu’il y ait des personnes à la rue. Mais le risque, c’est qu’on finisse par s’y habituer comme dans certains pays.

Lesquels par exemple?

Je pense à certains états des Etats-Unis ou à des pays en voie de développement. Il y aussi des pays où c’est l’inverse : en Finlande par exemple, les autorités ont réussi à réduire de deux-tiers le nombre de SDF en proposant des solutions dignes.

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On sent en effet qu’il y a une certaine solidarité en France. Si on ne doit évidemment pas s’en plaindre, est-ce que ça n’alimenterait pas une certaine inaction des pouvoirs publics?

Pour que ça soit le cas, il faudrait que la substitution apportée par la population réponde à l’ensemble des besoins. Si tous les gens qui ne supportaient plus qu’il y ait des personnes sans domicile les accueillaient chez eux, je pense qu’il y aurait certains responsables qui s’en contenteraient bien. Mais je ne crois pas que donner quelque chose à manger, donner un ticket resto ou une petite pièce à quelqu’un qui fait la manche suffise à répondre à l’insuffisance des politiques publiques et à terme, conduise à considérer que que c’est la réponse nécessaire.

Vous avez dit récemment à la radio RCF que la responsabilité des maires est importante dans la gestion du mal logement et du sans-abrisme. D’après vous, qu’est-ce qui marche de façon pérenne pour faire baisser le sans-abrisme? 

Ce qui marche, c’est la simultanéité de plusieurs leviers, comme l’a fait la Finlande, ou comme on commence à le faire un peu aujourd’hui avec la politique du logement d’abord. Cette politique, c’est de dire que plutôt que le logement devienne une récompense après un parcours dans la rue, en hébergement d’urgence ou en hôtel social devienne le levier de la réinsertion. Certaines initiatives de ce type ont vu le jour localement. Cette idée d’arriver à proposer un logement, éventuellement avec un accompagnement social, plutôt qu’un hébergement temporaire, commence à faire son chemin au niveau local. Après, cela passe par de nombreux leviers à activer. Par exemple, celui qui est sans domicile n’a pas d’adresse, par définition. Il faut bien qu’il puisse exercer ses droits civiques, recevoir ses papiers et cetera. C’est la question de la domiciliation dans les Centres communaux d’action sociale (CCAS) qui doit se mettre en place à la hauteur des besoins dans tous les territoires. Il s’agit aussi de fermer le robinet qui vient faire que des gens se retrouvent à la rue. Cela passe par des politiques de prévention en amont pour éviter les expulsions locatives par exemple. Il y a des compétences qui relèvent de l’Etat ou du département, mais tous ces enjeux se jouent à l’échelle locale. La lutte contre l’habitat indigne, par exemple, qui n’a pas été suffisamment traité à l’échelle locale, c’était le cas à Marseille pendant ces vingt dernières années ce qui a conduit à la catastrophe de la rue d’Aubagne. Toutes les politiques qui ont porté leurs fruits sont des politiques qui certes ont été coordonnées avec l’Etat ou les Départements, mais ont été concrètement portées par les villes ou des intercommunalités. Ça passe notamment par la construction de logements sociaux, l’encadrement des prix des loyers, la création de lieux pour la domiciliation des personnes sans domicile, la mise en place de politiques foncières, la résorption du problème des bidonvilles… Il y a de quoi faire dans cette voie et les élections municipales doivent être l’occasion de soulever ces enjeux.

Le site de la fondation, si vous souhaitez agir contre le mal logement en France: https://www.fondation-abbe-pierre.fr/

Bienvenue dans la société 0% hypocrisie 100% transparence!

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Notre chroniqueur politique David Desgouilles est abasourdi par l’affaire Benjamin Griveaux, ce candidat à la mairie de Paris malheureux contraint d’abandonner la course, suite à la publication de messages et vidéos privés.


Je ne me suis pas fait remarquer par la plus grande tendresse pour l’homme politique Benjamin Griveaux. Lui-même m’avait invité à prendre un café avec lui pour nous en expliquer après que je l’avais consciencieusement démoli dans d’autres colonnes sur la question « des clopes et du diesel ». N’étant pas parisien moi-même, la rencontre n’a pas pu se faire. Peut-être ai-je manqué l’occasion de me rendre compte que l’homme n’était pas antipathique. Peut-être même que nous nous serions très bien entendus. Peut-être pas. En tout cas, cela ne m’aurait pas empêché de lui adresser des critiques virulentes à nouveau. Ou d’adresser pourquoi pas un satisfecit, le cas échéant.

Parce que la politique, la vie publique, c’est une chose.

Et les rapports humains, la vie privée, c’en est une autre.

Bientôt ce sera votre tour

On le sait : les réseaux sociaux ont pour une bonne part brouillé ces repères, que l’on croyait pourtant attachés à notre culture nationale. On se souvenait de Malraux, et des hommes qu’il décrivait en « misérables tas de petits secrets ». On se souvenait que pour le Canard enchaîné – qui a dénoncé bien des « scandales » de nos puissants – l’investigation s’arrêtait à la porte de la chambre à coucher.  Là aussi, la révolution #MeToo a brouillé d’autres repères.

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Depuis ce matin, on me fait valoir qu’un « candidat à la mairie de Paris ne devrait pas faire ça ». On me demande d’imaginer si le Général de Gaulle etc. On m’explique même que Benjamin Griveaux mettait en avant sa famille dans sa campagne et que la divulgation de cette vidéo met fin à une hypocrisie. Hypocrisie, le mot est lâché. D’ailleurs il l’a aussi été par l’auteur de la mise en ligne des vidéos, un activiste russe qui bénéficie de l’asile politique dans notre beau pays de libertés.

Cette société 0% hypocrisie 100% transparence, elle vous fait tant envie ? L’an dernier, sortait au cinéma un film Le jeu. Dans un repas d’amis, chacun posait son téléphone et si une notification de l’un des appareils retentissait, le propriétaire devait en faire lecture à tous les autres convives. Un cauchemar ! Êtes-vous certains d’être si irréprochable ?

Aujourd’hui, c’est une « sextape » d’un homme politique en vue. C’est en effet spectaculaire, une première en France. Mais demain ? Demain ce sera vous !
Parce que vous guignez un poste dans votre boîte qui en intéresse d’autres. Parce que vous n’avez pas dit bonjour dans l’ascenseur. Parce que vous avez souri à quelqu’un et qu’il ne fallait pas. Ne vous croyez pas à l’abri. L’an dernier, un couple de propriétaires d’un supermarché a vu sa vie brisée parce qu’un activiste les avait retrouvés sur une photo d’une chasse (tout à fait légale) en Afrique. Plus personne n’est à l’abri. Demain, un pirate à qui vous avez grillé la priorité peut hacker votre téléphone et envoyer des textos compromettants à votre femme, à votre mari. Demain, il pourra mettre sur la place publique les propos que vous avez tenus sur votre patron.

Je regrette le retrait de Griveaux

Admettons que cela ne toucherait pas ceux qui, pour vivre heureux, vivent cachés. Gagnons-nous véritablement à voir dans nos vies publiques que des personnes à la vie privée irréprochable, sachant que cette définition diffère énormément selon les points de vue ? La perspective de subir la divulgation des éléments de la vie privée ne découragera-t-elle pas les meilleurs d’entre nous de briguer des postes exposés ?

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Voilà pourquoi il était urgent de soutenir Benjamin Griveaux et – si on le comprend néanmoins – regretter qu’il ait dû renoncer à sa candidature. Le jour où quelqu’un répondra : « Oui, et alors ? Je vous emmerde », les justiciers du net auront l’air des idiots qu’ils sont réellement. Mais, plus facile à dire qu’à faire. Il me semble que la réussite et la popularité de Donald Trump résident dans cette faculté de répondre : « Oui, et alors ? Je vous emmerde ». On craint à raison la multiplication des caméras à reconnaissance faciale, qui permettent de gérer le crédit social de centaines de millions d’individus en Chine. Aujourd’hui en France, il n’y a pas besoin de reconnaissance faciale, ni d’État. Un type qui ne vous aime pas suffira.

Cela vous fait envie, cette société ? Vivement que le réchauffement climatique nous en débarrasse. Tiens, je vais aller rouler en diesel, pour accélérer ça.

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Aurélien Pradié (LR): « La métapolitique, je m’en contrefous! »

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Entretien avec Aurélien Pradié, député du Lot et Secrétaire général des Républicains


Causeur. Il y a quelques mois, vous avez exclu des Républicains un militant partisan de l’union de droites. Que répondez-vous aux électeurs de droite qui vous reprochent de recentrer LR sur une ligne macron-compatible ?

 

Aurélien Pradié. Ça fait dix ans que je suis élu dans le Lot. Alors que je viens d’une famille ni de droite ni de gauche, j’ai toujours fait le choix d’être de droite sur la terre de gauche qu’est le Lot. Et je n’ai jamais baissé la voilure sur mon étiquette. Aux dernières élections législatives, j’ai été élu député avec l’étiquette Les Républicains. Alors que beaucoup de ceux qui me donnent aujourd’hui des leçons de « pureté politique » avaient planqué leur étiquette !

 

Il faudrait nécessairement être ou progressiste ou conservateur, ou macroniste  ou lepéniste ?! La vie politique et la pensée politique valent mieux que cette stérilité, cette dualité consternante

 

Lorsqu’un élu local LR s’allie avec LREM comme le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc, vous le laissez faire. Pourquoi ce deux poids deux mesures ?

 

Jean-Luc Moudenc est maire sortant de Toulouse. Il a une légitimité électorale forte. C’est à lui de constituer son équipe, pas à nous  Il a toujours soutenu LR. Il continuera de le faire. C’est certain. 

Beaucoup des théoriciens des alliances locales, qui hurlent au loup, n’ont jamais gagné d’élections. Ils parlent fort mais ne se frottent pas au suffrage universel. Je veux bien qu’on théorise la politique en dehors de la réalité électorale, mais il y a tout de même un moment de vérité : les élections. Les élections municipales restent ensuite des élections locales et pas nationales. Quand j’étais maire d’une commune, mon équipe municipale rassemblait des gens de droite et des gens de gauche. J’étais le maire de tous les habitants. Pas un chef de clan. Pour autant, personne n’a jamais douté de mon appartenance politique sincère et profonde. 

 

Justement, d’aucuns vous soupçonnent d’être ni de droite ni de droite. Autrement dit, de vouloir renouer avec une certaine droite chiraquienne s’excusant perpétuellement de ne pas être de gauche. Assumez-vous la part de conservatisme inhérente à l’ADN de la droite ?

 

Mesurez-vous le niveau de bêtise intellectuelle et politique auquel nous en sommes venus ? Il faudrait nécessairement être ou progressiste ou conservateur, ou macroniste  ou lepéniste ?! La vie politique et la pensée politique valent mieux que cette stérilité, cette dualité consternante. Ce piège des « progressistes » et des « conservateurs » a d’ailleurs d’abord été tendu par Emmanuel Macron lui-même ! Une telle bipolarisation de la pensée politique signera la mort de la pensée politique. A 33 ans, je ne sais pas si je suis chiraquien, mais je suis fier de ce que Jacques Chirac a laissé à notre pays. Chirac s’est battu contre les vieux hiboux du musée du Louvre qui méprisaient les arts premiers. Est-ce qu’aujourd’hui l’un d’entre nous en serait arrivé au point de dire que le musée du quai Branly est une aberration et que les arts premiers n’ont pas de sens ? Bien sûr que non, c’est notre bel héritage et nous l’assumons.

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Ces dernières années, la droite s’est appuyée sur une jeune garde d’intellectuels conservateurs souvent issus de la Manif pour tous. Rejetez-vous ce legs ?

 

Je ne crois pas en la métapolitique. Celle des théories et non des actes. Le legs de la Manif pour tous ? Pardon de vous dire que je ne vois pas très bien en quoi cet épisode a marqué notre histoire politique et intellectuelle… Cela passionne peut-être beaucoup de monde dans les salons parisiens mais pardon de vous dire que je m’en contrefous … La pensée politique est un peu plus large que cela il me semble. Cela n’intéresse que quelques petits penseurs parisiens qui se distraient avec ces sujets. Avec tout le respect que je leur dois, j’aimerais qu’ils viennent passer une semaine dans le Lot. Ils verront à quel point tout le monde se fout de l’idéologie  post-Manif pour tous … Tout simplement parce que personne ne sait ce que cela veut dire. D’ailleurs les manifestants de cette époque, que je respecte vivement pour leurs convictions, ne peuvent pas résumer leur pensée politique à cette seule prise de position. D’une manière générale, je trouve devenu d’un conformisme banal que d’être anticonformiste sur tout. Je ne me sens ni attiré par le conformisme mou ni par l’anticonformisme permanent. C’est devenu une facilité d’être conservateur, comme c’est devenu une facilité d’être progressiste. Une flemme intellectuelle. C’est la réponse d’une mode à une autre mode. Sur bien des sujets je me sens conservateur. Sur d’autres non. Bref, une pensée politique ce n’est pas blanc ou noir. Cela me semble pouvoir être un peu plus complexe… du moins je le souhaite. 

 

Au fond, qu’est-ce qui vous distingue d’Emmanuel Macron ?

 

Tout. Depuis le début.  Sa vision de la société  Son mépris du peuple. Sa fatalité dans la vision des relations sociales. Je combats d’ailleurs son projet de société depuis la première heure. Sans faiblir. Il suffit de regarder mes positions et votes à l’Assemblée nationale. Je crois en une stratégie qui entre dans les sujets de fond par des sujets concrets. Une des grandes difficultés que nous avons collectivement est sûrement de tenter de démasquer ce qu’est l’idéologie de la macronie. On peut tenter de la démasquer, en théorisant son rapport au monde, son rapport à l’argent contre lequel je lutte quotidiennement à l’Assemblée nationale depuis que j’y suis. Je souris quand je vois aujourd’hui des pseudo-héros du conservatisme nous expliquer qu’ils luttent pas à pas contre la macronie, alors qu’ils ont voté une majorité des textes du gouvernement … 


A qui pensez-vous ? 

 

Regardez les votes de chacun. Vous verrez que certains très vindicatifs aujourd’hui ont plus souvent voté des textes d’Emmanuel Macron que moi. Lorsqu’on travaille sur la question du handicap, on arrive à démasquer la vision typiquement fataliste qu’Emmanuel Macron a de la société. Il considère que oui, le politique doit faire quelques bricoles sur le handicap, mais qu’il ne pourra pas corriger toutes les injustices du handicap en profondeur et notamment les injustices de la vie. Moi je ne défends ni une vision misérabiliste ni une vision d’exclusion sur le handicap. J’estime que la différence, le handicap en l’occurrence, permet de faire grandir la société. C’est une chance. Et l’action politique doit porter cette chance.


Nous devons avoir la belle ambition de transformer la société autour de ses différences. Aussi, je considère qu’un enfant atteint de dyslexie ou d’une autre forme de handicap est aussi capable de faire grandir la société dans son ensemble. C’est une vision de tolérance au sens le plus noble du terme. Si je prends l’exemple plus parlant des violences conjugales, qu’est-ce que nous avons réussi à démasquer en faisant voter notre loi d’actions à l’unanimité sur ce sujet ? Le vide abyssal de Marlène Schiappa.

Depuis trois ans, elle baratine sur le sujet. Mais lorsqu’on porte une proposition de loi à l’Assemblée, que l’on met le gouvernement au pied du mur, on arrive à démontrer en l’espace de quelques heures que nous faisons les choses et qu’eux se contentent de parler. Les masques tombent par le concret.

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Vous avez cité deux grands chantiers sociétaux. Ne craignez-vous pas d’être en porte à faux avec ce qui reste de l’électorat Les Républicains de droite, qui partage de plus en plus les thèses du RN sur la sécurité et d’immigration ?

 

Traiter de la question du handicap c’est être bon teint ? Traiter de la question des violences conjugales c’est être bon teint ? Franchement. Que pensez-vous qu’attendent nos concitoyens, y compris ceux qui ne votent plus depuis des lustres ? Des grands débats théoriques ou des solutions concrètes. Souvent les solutions concrètes en disent plus long sur notre vision de la société que les débats des salons de thé parisiens… 

 

N’oubliez pas que 65% des Français estiment qu’il y a une immigration trop massive… 

 

Récemment, j’étais dans la fédération LR du Doubs, je m’exprimais pendant deux heures et je n’ai pas prononcé une seule fois le mot « immigration ». Est-ce que pour autant tout le monde est parti frustré ? Pas du tout. On doit parler de tous les sujets. Y compris l’immigration.  Fortement et courageusement. Mais pas seulement. Tous les sujets sont importants pour dire ce que nous espérons faire de notre nation.

Je vous rappelle que LR a testé la stratégie qui consiste à tenter de copier les autres. Et je l’ai soutenue. Elle a échoué aux européennes. C’est une illusion de penser que l’on va copier les autres, Emmanuel Macron sur les sujets économiques ou Marine Le Pen sur les sujets régaliens, pour leur faire concurrence. Plus bien-pensant que Macron ou plus démago que la famille Le Pen ? Ça ne fonctionne pas et c’est nous réduire à devenir le dernier wagon des uns ou des autres. Notre ambition c’est d’être la locomotive. Pas le denier wagon.
Nous, notre chemin, et je sais qu’il est difficile, c’est d’ouvrir une voie. Sans nous vendre à la Macronie ou aux Le Pen & co. Il faut rebâtir la droite républicaine. 

Affaire Mila: Vallaud-Belkacem mieux armée que Blanquer?

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Najat Vallaud-Belkacem en 2018 © MATHIEU PATTIER/SIPA Numéro de reportage: 00882723_000078

Malgré son mauvais bilan, l’ancienne ministre de François Hollande est d’une rare prétention en matière d’éducation et continue de donner des leçons. Préparant son retour en politique, elle regrette l’abandon de ses préconisations pour l’enseignement moral et civique de nos enfants.


« Il faudrait bien comprendre que le rôle de l’école est d’apprendre aux enfants ce qu’est le monde, et non pas leur inculquer l’art de vivre.[…] L’éducation sans enseignement est vide et dégénère donc aisément en une rhétorique émotionnelle et morale. […] Le fait significatif est que pour ne pas aller à l’encontre de certaines théories, bonnes ou mauvaises, on a résolument mis à l’écart toutes les règles du bon sens. » Hannah Arendt. La crise de l’éducation.

Bye Bye EMC que j’aimais

Suite à un tweet rageur de Najat Vallaud-Belkacem critiquant la politique de son successeur et dirigeant vers une tribune écrite par la chercheuse Keren Desmery (Libération du 7 février), il était opportun d’aller voir plus avant ce qu’est cet EMC (enseignement moral et civique) tant vanté par notre pas regrettée ex-ministre de l’Éducation nationale et dont elle craint la disparition :

« L’EMC prônait des pédagogies inédites permettant d’aborder des questions épineuses liées notamment aux faits religieux, au racisme, à l’antisémitisme, à l’homophobie, au handicap et de partager des valeurs telles que la tolérance, la fraternité, la liberté, etc. », écrit la chercheuse Keren Desmery dans sa tribune. Nos élèves ont de plus en plus de mal à lire et à écrire mais « dès l’âge de 6 ans, un travail concret quant à l’acquisition du vocabulaire, du lexique et de l’argumentation était proposé. » Il ne s’agit ici que du vocabulaire et du lexique des « valeurs » et de la « réflexion critique » qui permettront de valider « des jugements moraux ». C’est-à-dire du vocabulaire et du lexique nécessaires à la seule compréhension des catastrophiques ABCD de l’égalité, ou des mille associations invitées dans nos écoles à donner des cours de « citoyenneté » féministe, antiraciste ou LGBT compatibles, au lieu des cours de français, d’histoire, de langues ou de mathématiques.

Dans son dernier livre, René Chiche nous disait ce qu’est la catastrophe d’une « école tellement mise sens dessus dessous » qu’elle voyait certains de ses professeurs des écoles « s’improviser professeurs de philosophie et conduire dès la maternelle des “discussions à visée philosophique” » au lieu d’apprendre par cœur La Fontaine et Verlaine.

Les « épineuses » questions des préjugés ou de la grossophobie

Plus tard, nos élèves, toujours aussi pauvrement armés en lectures de livres mais audacieusement suréquipés en formules fleurant bon le Bien et la Tolérance, se voient proposer des EMC s’attardant sur « les préjugés et les stéréotypes, le racisme, les atteintes à la personne d’autrui, l’antisémitisme, le sexisme, la xénophobie, l’homophobie, le harcèlement, l’égalité, la solidarité individuelle et collective, le respect des autres dans leur diversité… » En attendant ceux sur l’écologie, le validisme et la grossophobie. D’ailleurs, de plus en plus, certains « professeurs » de français ou d’anglais font « travailler » leurs élèves en « analysant » des tracts militants plutôt que des livres anciens : la paresse se pare alors de toutes les vertus.

A lire aussi, du même auteur: Ecole: le tableau noir de René Chiche

Il devrait pourtant tomber sous le bon sens qu’un enfant de 6 ans n’est pas apte, intellectuellement, à disserter sur les « valeurs » ou à avoir une « discussion à visée philosophique ».

Il devrait pourtant tomber sous le bon sens que c’est l’apprentissage le plus sérieux de la lecture et de l’écriture, puis l’approche la plus sérieuse et la découverte des livres les plus éminents, puis la transmission la plus sérieuse de notre Histoire de France commune, qui conduisent tout naturellement nos enfants devenus adolescents puis adultes, sur la voie de la réflexion critique,  capables non seulement de porter des jugements et de les argumenter, mais surtout de se tenir à distance des seules émotions médiatiques ou des réactions moutonnières et épidermiques.

Les camarades de Mila n’ont pas suivi les EMC: tout s’explique !

Keren Desmery et Najat Vallaud-Belkacem regrettent donc ces EMC qui, si j’ai bien lu certains commentaires, sont toujours très présents dans les programmes scolaires. Mais le plus intéressant n’est pas là. Le plus intéressant est que Keren Desmery croit dur comme fer que, si ces « dispositifs » n’auraient pas permis d’éviter l’affaire Mila, « ils en auraient sans doute atténué les retombées. » (sic). Veut-elle dire par là que les individus des réseaux dits sociaux se seraient comportés tout autrement si le programme vallaudbelkacemmien avait perduré ? Ne voit-elle pas que ce sont ces élèves-là justement, enfants de diverses origines auxquels manquent les acquis fondamentaux nécessaires à la compréhension du monde, incultes et illettrés moutons baignant depuis leur plus jeune âge dans la sauce idéologique de la « tolérance », du « respect » et des « valeurs » du troupeau progressiste, qui sont devenus les monstres des réseaux improprement appelés sociaux ?

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Leur vocabulaire s’est juste un peu étoffé de mots plus orduriers les uns que les autres et, pour les plus religieux d’entre eux, de quelques références coraniques très superficielles et souvent menaçantes. Voilà le résultat de tant d’années d’éducation à la citoyenneté, de lâcheté, et de manque d’instruction et de transmission des savoirs.

Le comble est que Madame Vallaud-Belkacem et ses émules continuent de s’en vanter et de donner des leçons.

Dijon: Chercheur·euse·s indigné·e·s

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© D.R.

Tous les intervenants ne sont pas les bienvenus dans le milieu universitaire. La vague d’indignation a encore frappé.


La grève des trains n’a pas fait que des malheureux. Le 10 décembre dernier, faute de TGV Paris-Dijon, le professeur de linguistique Jean Szlamowicz n’a pu se rendre à l’université de Bourgogne… à la grande satisfaction du doyen de l’UFR lettres et philosophie, Henri Garric. Ce dernier avait en effet découvert avec effroi qu’un de ses professeurs invitait Szlamowicz, adversaire affiché de l’écriture inclusive, à intervenir dans son séminaire.

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Par politesse, Szlamowicz s’est décommandé la veille par courriel, tout en faisant état des bruits qui lui étaient parvenus : grève ou pas, il ne serait pas le bienvenu dans l’établissement. Mail pour mail, dent pour dent, la réponse carabinée du doyen Garric vaut son pesant de bile : « J’ai été saisi par de nombreuses collègues qui étaient scandalisées que vous soyez invité – en particulier par des collègues qui ont travaillé scientifiquement sur cette question sur laquelle vous exprimez votre opinion, […] enfin le fait que vous soyez rédacteur de ce torchon sexiste et raciste qu’est Causeur vous discrédite d’un point de vue scientifique. » S’attribuant le monopole de la scientificité, le mandarin balaie tous les arguments de Szlamowicz, pourtant auteur de l’essai très argumenté Le Sexe et la Langue : petite grammaire du genre en français, où l’on étudie écriture inclusive, féminisation et autres stratégies militantes de la bien-pensance. Que les militants de l’écriture inclusive se rassurent, Garric promet d’« organiser une journée d’étude qui invitera de vrai·e·s chercheur·euse·s ayant travaillé sur la question ». On l’aura noté, ce chantre de la tolérance prend prétexte des quelques articles publiés par Szlamowicz dans Causeur pour l’accuser de compromission avec la bête immonde. Heureusement, la grande majorité des linguistes se range du côté du professeur injurié, rappelant que recherche et militantisme font mauvais ménage. Mais en ces temps de grégarisme 2.0, Garric a fait des petits. Sur la Toile, des étudiants dijonnais chauffés à blanc dénoncent « un prof sexiste qui ne croit pas à l’écriture inclusive » (pouah !) et lui promettent une sanction sans appel : « grave le fumer ». L’inclusisme, ça fait du mal par où ça passe !

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Izzo, planète Marseille

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L'écrivain Jean-Claude Izzo © ANDERSEN/SIPA Numéro de reportage: 00329049_000004

Jean-Claude Izzo, une bio de Jean-Marc Matalon


Il y a tout juste vingt ans, un 26 janvier, disparaissait Jean-Claude Izzo, le héraut du polar marseillais. Si l’actualité littéraire a souvent la mémoire courte et remise les gloires du passé sur de poussiéreuses étagères, le journaliste Jean-Marc Matalon n’a pas oublié cette figure provençale au regard cabossé. Souvenez-vous, le succès fut immédiat. Le fils d’immigrés du Panier devint le chantre de la cité pas toujours radieuse. Tout y était : les gueules du Mistral, les odeurs d’Orient, les couleurs mordorées, la mouise inhérente aux Hommes nés de peu, la danse du Mia et ce vieux fond d’humanisme hérité de l’alliance bringuebalante entre les cellules du PCF et du syndicalisme chrétien. Et les cigales chantèrent sur la Série Noire. Patrick Raynal avait adoubé le vieux gamin du Sud, poète de la Cannebière et militant énamouré.

Dans les couloirs de Gallimard, on sifflotait « Marseille, mon pays » en prenant l’accent de Tino Rossi. Total Khéops sort en 1995, suivront Chourmo et Solea, une trilogie cash machine qui hissa Fabio Montale au rang d’icone pagnolesque sans la sauce pittoresque. Alain Delon se glissa même dans la peau de ce personnage pour la télévision dans une version plus Chuck Norris que Vincent Scotto. Montale, inspecteur de la Brigade de surveillance des secteurs se coule dans les quartiers les plus pauvres de la ville. C’est un produit local et aussi le fruit de son époque, celle de l’arrivée des socialistes au pouvoir et de la gabegie immobilière, les prémices d’une mondialisation étouffante. « Izzo prête à Montale une partie de sa propre histoire. Comme lui, ce policer est fils d’immigrés italiens. Comme Gennaro, son propre père, il a grandi dans les ruelles humides du Panier au milieu des voyous et des prolétaires » écrit le biographe.

Du CAP de tourneur-fraiseur à la reconnaissance littéraire…

Ce livre qui paraît aux éditions du Rocher ne décortique pas la mécanique du best-seller. Très habilement et fidèlement, sans emphase et avec beaucoup de tact, il raconte le parcours d’un titulaire de CAP tourneur-fraiseur qui vendra bientôt plus de livres qu’un académicien ou un philosophe dans le vent. Là, résident le charme et le parfum de cette biographie éclairante. Car, que vous aimiez ou non la prose de Izzo, peu importe, c’est le chemin qui vous séduira, cette route pleine de soubresauts qui débouche, à la fin, sur la reconnaissance littéraire. Un conte de fées pour ouvrier métallo. Aujourd’hui, le diplôme est roi et vaut sauf-conduit partout, dans les hémicycles ou les rédactions, imaginez l’exploit de sortir d’un lycée professionnel et d’ouvrir les portes, un jour, de la rue Sébastien-Bottin, ça tient lieu de percée Hannibalesque.  « Á la fin des années 1950, la plupart des enfants d’immigrés, et plus généralement les élèves modestes, sont écartés sans raison des filières de l’enseignement général. Et cela ne scandalise pas grand-monde » s’étonne Jean-Marc Matalon. Il va donc falloir s’armer de patience et d’une détermination hors-norme. Le jeune Izzo, intelligent et grand lecteur, n’a pas l’intention de finir sa vie au pied d’une machine et de régler son horloge biologique sur les 3/8.

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Il sait presque inconsciemment que le livre sera au cœur de son existence. Il écrit des poèmes. Un fraiseur qui rédige, c’est comme un taulard qui prend la plume, le monde des lettres a des réflexes claniques. L’absence de papiers officiels signe votre arrêt de mort scriptural. Comment réussir à vivre de ses mots et les voir déjà publiés ? Cette question sous-tend la biographie. Alors, Izzo empruntera une sorte de voie parallèle, le militantisme comme accès au métier de journaliste. Un long apprentissage qui avait commencé sous la houlette d’un aumônier catholique et de l’association Pax Christi. Le patronage d’alors passait par la cinéphilie et la poésie.

… un parcours tourmenté

Toutes ces étapes serviront à nourrir sa fiction future, un service militaire à Djibouti, le métier de libraire, une formation politique du soir, d’abord dans les pas du PSU des Bouches-du-Rhône, des campagnes électorales, le tractage puis le compagnonnage avec les communistes et toutes ces années à La Marseillaise. C’est dans les méandres de ce quotidien historique qu’Izzo apprendra le métier plus que des techniques d’écriture. Qui n’a pas été localier une fois dans sa vie ne connaît rien aux douleurs et aux joies de signer ses premiers articles. Matalon nous replonge dans l’aventure industrielle de Fos-sur-Mer, l’irruption des radios libres ou les arcanes de la presse mutualiste. Ce parcours tourmenté donne au succès d’Izzo une saveur particulière.

Jean-Claude Izzo de Jean-Marc Matalon – éditions du Rocher

Royaume-Uni: capitalisation, piège à cons!

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© D.R.

Outre-Manche, le nouveau système de retraite par capitalisation a ruiné des dizaines de milliers d’actifs. La faute à des fonds de pension véreux hâtivement certifiés par l’État. De quoi bénir le modèle social français.


Alors que le navire britannique s’apprête à larguer les amarres et à quitter les rives de l’Union européenne pour naviguer vers le grand large, je souhaiterais partager avec mes amis français quelques réflexions sur les conséquences désastreuses de notre système de retraite historiquement basé sur la capitalisation, qui a subi plusieurs réformes au fil des dernières décennies.

 

En 2037, l’âge auquel les Britanniques pourront toucher leur pension de retraite à taux plein devrait passer de 65 à 68 ans[tooltips content= »« La retraite au Royaume-Uni », la-retraite-en-clair.fr. »][1][/tooltips]. Cet âge pourrait même être relevé à 70 ans[tooltips content= »« State pension age must rise again, says report », theguardian.com, 23 mars 2017. »][2][/tooltips] ! Chaque employeur est désormais tenu d’enregistrer ses employés auprès d’un régime de retraite. Il a l’obligation de cotiser en premier lieu pour la retraite d’État de base et, deuxièmement, il a le choix entre cotiser auprès du fonds de pension d’État NEST (« National Employment Savings Trust »), ou bien auprès de fonds de pension privés[tooltips content= »Jatin Radia, « Comment fonctionne le système de retraite en Angleterre ? », pramex.com. »][3][/tooltips].

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Ce sont ces derniers qui posent un grave problème, car les réformes successives ont ouvert la voie à une cohorte de criminels en col blanc, qui se sont accaparé – avec le blanc-seing de l’État – les milliards des cotisations de dizaines de milliers d’actifs, les laissant sur la paille pour leurs vieux jours. Le quotidien Daily Mail aurait, à lui seul, réussi à identifier 8 000 victimes, mais l’organisme officiel de régulation des pensions britanniques (« Pension Regulator ») en aurait répertorié 100 000, avec un préjudice estimé à 10 milliards de livres sterling à ce jour[tooltips content= »« Lambs to the slaughter », dailymail.co.uk, 29 décembre 2019. »][4][/tooltips], soit quelque 11,5 milliards d’euros !

Les militaires et les policiers comptent aujourd’hui dans leurs rangs des milliers de personnels spoliés ayant perdu l’intégralité de leurs cotisations de retraite. Un ancien combattant ayant guerroyé sur de nombreux théâtres d’opérations expliquait le 30 décembre, toujours dans le Daily Mail, qu’ayant tout perdu, il ne lui restait plus qu’à espérer avoir la force de travailler jusqu’à 80 ans.

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Comment en est-on arrivé là ? Facile : certains fonds de pension gérés par des crapules, qui coulent en ce moment même des jours heureux au soleil, avaient tous été certifiés soit par le Pension Regulator, soit par l’Administration fiscale et douanière (HMRC), voire carrément par le ministère de la Défense. Or, on découvre que leur enregistrement par les services de l’État pouvait être effectué en quelques minutes sur internet sans aucun garde-fou. Rassurés par l’estampillage officiel de l’État, incapables de discerner le bon grain de l’ivraie parmi les multiples offres de placement et délibérément induits en erreur par l’annonce de taux mirobolants, des milliers d’Anglais, Gallois, Écossais, Nord-Irlandais ont tous plongé dans le gouffre la tête la première.

Au vu de cette tragédie nationale, le système français de retraite par répartition apparaît comme une bénédiction. Il est le trophée d’âpres luttes sociales et d’immenses sacrifices consentis par les générations passées. Il serait regrettable de le faire passer à la trappe de l’Histoire pour s’acheminer vers des lendemains incertains faits de misère économique, de larmes et d’expansion de la criminalité en col blanc.

Petit recueil des maladies de la droite

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François Fillon au Trocadéro pendant la dernière élection présidentielle française © Laurence Geai/SIPA

 


La politique a quelque chose à voir avec la drague. Il n’est pas nécessaire d’être beau pour triompher. Il suffit parfois d’être malin et audacieux et surtout de saisir l’opportunité qui ne se présente qu’une seule fois.


La droite française (tous courants confondus) est un dragueur malchanceux, un prétendant éternellement reconduit qui s’est habitué à l’échec. Il regarde ses concurrents faire la fête et rumine, seul dans son coin : « j’avais cru que cette fois était la bonne, mais qu’est-ce qu’elle peut bien leur trouver à ces tocards ? ».

Or, nous le savons tous : ce n’est pas du côté de la personne désirée que le problème se trouve, c’est plutôt le candidat malheureux qui doit faire son autocritique et rectifier le tir.

Les progressistes sont certes bourrés de défauts mais ils assurent l’essentiel en fixant un cap : le vivre-ensemble, une fable censée autoriser le bonheur narcissique de toutes les « individualités » sans se soucier des conséquences de leurs actes. Leur promesse est ridicule mais la droite n’a rien à offrir de mieux, jusqu’à nouvel ordre

Cet article se propose donc de recenser les causes principales du « blocage » de la droite française dans une perspective pratique et opérationnelle.

Un problème idéologique

Commençons d’abord par les obstacles d’ordre idéologique. Des archaïsmes de la pensée de droite, très difficiles à déraciner.

La démographie joue contre la droite dans le sens où l’immigration fausse le résultat électoral en faisant pencher la balance à gauche. Si les progressistes adorent les migrants, ce n’est pas par humanisme (qui peut souhaiter à son prochain de passer un hiver à Calais ou en bas du périphérique ?). Ils savent très bien que les régularisations finissent, à la longue, par leur donner un coup de pouce électoral.

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Cet enfumage est particulièrement dur à avaler lorsque l’on sait que les diasporas sont, de cœur et d’esprit, alignées sur le programme conservateur le plus traditionaliste. À la limite de la caricature même : anti-avortement, anti-PMA, allergie au féminisme, etc.

Au lieu de se saisir de ce réservoir de sentiments conservateurs, la droite française tourne par exemple le dos au vote musulman. La tête haute, elle cède ce vote à la gauche et aux listes communautaires naissantes. La conscience tranquille, elle assiste au hold-up des suffrages musulmans par ceux qui spécialisent les immigrés dans le rap, le foot et l’assistanat.

Quel gâchis !  Car avec un peu d’audace, il serait possible de capter le vote des immigrés les moins aisés et les moins assimilés. Contrairement à l’opinion commune, les immigrés ayant réussi votent Macron comme ils auraient voté DSK s’il n’y avait pas eu l’accident de New-York : ils raisonnent déjà en tant que vainqueurs de la mondialisation et du projet européen. La mine d’or gît sous les pieds des classes populaires d’origine extra-européenne, qu’il s’agisse de la petite bourgeoisie (hantée par la peur du déclassement) ou des prolétaires (perdus dans une société libertaire qui se suicide à petit feu). Ces deux catégories ressentent le choc de la post-modernité et sont encore plus « sonnées » que les Français de souche. Face à l’accélération du monde, elles veulent des cadres, des règles rigides et des limites. Ce sentiment de désarroi, cette insécurité morale de l’immigré est la matière première de la politique pour la dizaine de millions d’extra-européens qui vivent sur le sol français. Qui s’en saisira aura une longueur d’avance dans la course à l’Élysée.  Pour cela, il faut oser penser en dehors des sentiers battus.

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Ces propos peuvent surprendre, il n’empêche : la remise en cause idéologique est nécessaire après tant de déconvenues électorales et elle exige des mesures d’exception. Autrement, la droite risque de se momifier pour devenir un témoignage vivant d’une France qui n’existe plus.

Cette France d’avant était grandiose, elle forçait l’admiration du monde entier mais elle a disparu. Il ne sert à rien de se lamenter car les électeurs ne votent pas pour les professionnels du deuil et de la lamentation : deux spécialités de la droite française. Ils aiment le courage car faire de la politique requiert beaucoup de courage. Ils aiment aussi les belles histoires qui fédèrent les gens de bonne volonté, ils veulent entendre un récit où chacun a une place et surtout où chacun reste à sa place : les chefs naturels aux manettes, les élites dans le rôle du co-pilote compétent et attaché au bien commun, et enfin le peuple qui accompagne de son poids l’élan venu d’en haut.

Quel est donc ce grand récit de la droite ? J’ai beau chercher, je ne le trouve pas. Lire les programmes des différents courants de la droite française, des libéraux aux populistes, revient à faire une promenade dans un tas de ruines (la patrie, l’identité) et d’ouvrages abandonnés en cours de construction (dont le projet européen). Les progressistes sont certes bourrés de défauts mais ils assurent l’essentiel en fixant un cap : le vivre-ensemble, une fable censée autoriser le bonheur narcissique de toutes les « individualités » sans se soucier des conséquences de leurs actes. Leur promesse est ridicule mais la droite n’a rien à offrir de mieux, jusqu’à nouvel ordre.

Trop bon, trop con

Parmi les obstacles les plus redoutables au succès de la droite, se trouvent les défauts inhérents à sa manière d’être. Permettez-moi de les décrire sans ambages.

Elle est trop gentille. Personne n’a peur de la droite alors que tout le monde tremble à l’idée d’énerver les islamistes ou de se faire « blacklister » par les progressistes. C’est bien la première fois que l’outsider renonce à utiliser les armes propres à l’outsider qui sont une certaine violence, l’effet de surprise et l’esprit de meute.

À force d’être bien élevée, la droite laisse aux autres le soin de faire des opérations coup de poing qui impressionnent l’adversaire et désarticulent ses appuis. Je rêve du jour où des militants de droite occuperont (pacifiquement) les locaux de France Inter ! Qu’ils s’inspirent de ladite « base » de la CGT qui se permet d’envahir le siège de la CFDT. Opération discutable sur le plan moral mais… admirable sur le plan tactique. Il n’y a aucune raison pour que la gauche détienne le monopole des méthodes musclées.

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L’excès de gentillesse de la droite est aggravé par un manque total de solidarité interne. L’on parle à tout bout de champ d’unions des droites mais il faudrait commencer par créer un esprit de famille. Un sentiment de solidarité entre les différentes sensibilités de droite. À l’ennemi, je réserve la diatribe et l’hostilité ; aux membres de ma famille, j’offre l’esprit de dialogue le plus abouti. La gauche fait pareil depuis le début de son aventure. Résultat : elle n’a aucun mal à se dire « plurielle » quand elle est faible et à se quereller, face caméra, lorsqu’elle est en position de force.

Des problèmes de méthode

Les méthodes de la droite sont, non seulement teintées de candeur, mais largement en deçà du défi à relever. La droite doit monter une falaise, les mains enduites de graisse ! Elle a tout perdu : les universités, les lycées, les médias, les quartiers huppés (convertis au macronisme!) ainsi que les cités populaires (réservoirs de violence révolutionnaire).

Ce défi extraordinaire exige des méthodes de rupture notamment en ce qui concerne la communication et l’influence. Or, il n’y a pas de télévision de droite. Les Américains ont Fox News, les Italiens ont Rai 2 et la droite française n’a rien. Jusqu’à quand ? TV Libertés est certainement une belle initiative mais elle n’est assumée par aucun parti de droite. Assumer veut dire y envoyer ses cadres chaque jour, en parler au parlement, y inviter ses concurrents pour débattre…

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L’émotion d’abord, la réflexion ensuite

Enfin, le plus grand manquement de la droite consiste en son incapacité à jouer sur les émotions. Or, ce sont les sentiments qui déterminent le vote. Ceux qui remportent la mise ont réussi, au préalable, à communiquer avec l’électeur sur le plan émotionnel. La révolution est toujours une rencontre violente entre deux sentiments enflammés et antagonistes : la soif de revanche des laissés-pour-compte et l’angoisse de ceux qui ont tout à perdre. Or, pour la première fois depuis longtemps, la droite évolue dans l’univers émotionnel des laissés-pour-compte : comme eux, elle est en colère contre les élites ; comme eux, elle a peur de l’avenir. Quel formidable gisement d’énergie révolutionnaire !

Il n’y a rien de bien sorcier là-dedans. Il suffit que la droite admette qu’elle est un outsider qui ne peut plus se comporter comme un bon élève, toujours prompt à suivre les règles du jeu fixées par la maîtresse. C’est peut-être ça le plus difficile : amener des gens issus du système à envisager que leur seul moyen de conquérir le pouvoir est de se comporter comme des insurgés.

Le jeu en vaut la chandelle car le progressisme ne tombera pas à la régulière, il a beau être faible, il ne laissera aucune chance aux naïfs et aux mous.

Campagnes: l’invasion des bidonvilles

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Renaud Camus © Hannah Assouline

 


Sous pression démographique, nos campagnes se font coloniser par la ville. Jusqu’à perdre leur âme et leur beauté pétrie de vide en devenant des banlieues. Voire des bidonvilles.


Les mots en age sont les plus beaux, avec leurs longs a semblables à des soirs d’été, dans la Marche ou le Gévaudan. Il faut y mettre toute la bouche, la langue et surtout la mâchoire : visaaage, langaaage, paysaaage. On aimerait être au paysage, ce qu’est au visage Lévinas. D’ailleurs le paysage n’est-il pas le visage d’un pays, d’une province, des saisons de la vie ? C’est lui qu’on se rappelle dans la nostalgie d’une époque, d’une civilisation, d’un voyage ; lui qui nous échappe comme un sens.

Deux amours sont fatalement malheureuses aujourd’hui : du paysage et du langage. Toutes deux ne sont que trahisons, mauvais coups, dérobades, cuirs, mots pour un autre, platitudes, vexations, stabulations, chagrins. Et plus on aime plus on souffre, naturellement. C’est à cela qu’on reconnaît les faux amoureux, qui sont l’immense majorité : eux ne souffrent pas. S’ils n’étaient pas majoritaires, les paysages ne seraient pas à ce point massacrés.

La culture du paysage

La France n’a pas de culture du paysage, autant dire qu’elle n’en a pas d’amour. Elle n’en a que des théoriciens, qui sont à peu près le contraire. Il en va d’eux comme des théoriciens du langage, ou comme des experts en identité nationale : ils expliquent que tout va très bien, que même ça n’a jamais été si bien ; que tout ça est dans votre tête ; et que si désastre il y a, il n’est que d’apprendre à l’aimer pour le renverser en apothéose.

Le cœur des grandes capitales est certes gravement affecté par les changements de peuple et de civilisation, le tourisme de masse, la sursignalisation, la commercialisation, la prolétarisation générale et la croissante saleté, mais il n’est pas compromis dans son être même comme le paysage…

Je ne connais pour ma part que deux cultures du paysage : l’Angleterre et le Japon (où je ne suis jamais allé). L’absence de ces cultures ailleurs n’est pas une preuve d’incivilisation. L’Italie n’a aucune culture du paysage (sauf dans les tableaux). Elle est encore plus massacrée que la France. Au demeurant, il paraît que le Japon l’est aussi.

Libertés individuelles et paysage ont le même ennemi. Ce que j’ai vu leur être le plus fatal, au cours de ma vie (de sorte qu’on ne pourra pas venir me dire, comme d’habitude, que j’idéalise un passé fantasmé…), c’est la croissance démographique (et sans doute la croissance tout court). La France et l’Europe subissent quatre colonisations superposées : par l’Afrique, migratoire ; par l’Amérique, culturelle ; par la petite bourgeoisie, déculturelle ; par le ciment, territoriale. En sa conquête, l’artificialisation va encore plus vite que l’islam – un département tous les sept ans, si j’en crois la formule consacrée.

Des campagnes oubliées mais pas désertes

Rien n’est plus faux que cette autre formule : la désertification des campagnes. Plût au Ciel que les campagnes se désertifiassent ! C’est tout le contraire : certes elles sont abandonnées du pouvoir remplaciste, qui a sur elles d’autres vues que de se ruiner à leur profit en écoles, gendarmeries, bureaux de poste, maternités, maisons de la presse et autres hôpitaux de proximité. Elles n’en deviennent pas moins de moins en moins désertes, c’est-à-dire de moins en moins campagnes. Comme le paysage, avec lequel elles ont tendance à se confondre, et comme la patrie, dont elles ont été l’âme, elles sont détruites à petit feu par le mitage : l’installation à marches forcées, en leur sein, d’enclaves et d’éléments qui leur sont étrangers, voies rapides, ronds-points, hangars, petites usines, centres commerciaux, centres de loisirs, garages, cimetières de voitures, zones artisanales, pylônes et bien sûr éoliennes. J’ai longtemps soutenu que l’agriculture était le dernier champ à s’industrialiser. Je me trompais : c’est l’homme.

La cité du Wiesberg à Forbach (Moselle), 2005 © Biosphoto/ H. Rigel/ AFP
La cité du Wiesberg à Forbach (Moselle), 2005
© Biosphoto/ H. Rigel/ AFP

J’aimais parler aussi de banlocalisation, pour la campagne et son devenir-banlieue. Le mot n’est pas joli, et surtout, m’a-t-on fait remarquer, il procède d’une grossière erreur d’étymologie : lieu dans banlieue n’est pas le lieu, locus, mais la lieue, leuga ; et mieux vaut dire dès lors banleugalisation. Hélas, entre-temps, ce n’était plus banlieue que devenait le monde, mais bidonville. Le bidonville est l’horizon indépassable du remplacisme global. Dans l’univers bidon du faussel, le réel faux, le réel de substitution, il dresse ses usines aux mille veaux et ses fabriques à homme parmi les champs d’épandage et les terrains vagues de la violence hébétée, pour la fabrication de l’être liquéfié de la société liquide, cf. Baumann, destiné aux bidons de l’interchangeabilité générale (pour ne pas dire à la liquidation). It’s closing time in the gardens of the West – on a tort de ne pas pousser jusqu’au bout, en général, cette citation rituelle de Cyril Connolly : « […] et à partir de maintenant un artiste ne sera plus jugé que par la résonnance de sa solitude ou la qualité de son désespoir. »

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… À moins que solitude, solitude, ce ne soit précisément ce dont l’homme est spolié – et de son désespoir par la même occasion, quelle qu’en puisse être la qualité. Toutes les générations avant les nôtres avaient derrière elles la nature, quand elles devaient affronter le malheur, la tragédie, la misère, la trahison, l’ennui, le déshonneur, le ridicule ou le dégoût. On pouvait toujours s’enfoncer dans le paysage, s’y fondre. Il y avait la campagne, les champs, les chemins, les forêts, les sources, les nymphes, les faunes et les sommets, où plus présents sont les dieux, nous assure Hölderlin. Pour nous rien de pareil. Nous nous battons dos au mur et sommes faits comme des rats. À l’homme du bidonville global ce qui fait le plus gravement défaut c’est le défaut, le vide, sa propre absence. Non seulement a sonné l’heure de la fermeture, dans les jardins de l’Ouest, mais ces jardins sont lotis, leurs murs abattus, goudronnées les allées qu’il en reste et dotées d’affreux lampadaires, qui empêchent de voir les étoiles. Comme l’Europe, comme l’université, comme le mariage ou les musées, ils sont cette chose atroce et qui prélude toujours à la mort, pour tout ce qui est précieux : ouverts à tous – y compris et surtout à ceux qui n’éprouvent pour eux nul désir et aucun besoin, sinon de les gâcher pour ceux qui les aimaient.

Vers une fusion des villes et des campagnes

L’art, curieusement, résiste un peu moins mal que la nature, la ville que la campagne, l’architecture que la Création. Le centre des villes, surtout celles qui sont traditionnellement bien repérées pour leur beauté, est moins abîmé que les campagnes, les montagnes, les rivages. Le cœur des grandes capitales est certes gravement affecté par les changements de peuple et de civilisation, le tourisme de masse, la sursignalisation, la commercialisation, la prolétarisation générale et la croissante saleté, mais il n’est pas compromis dans son être même comme le paysage, qui n’est jamais autant lui-même que malaxé d’absence, habité d’inintervention, pétri de vide – tous biens gravement menacés par le sinistre aménagement.

Certes, je ne confonds pas le paysage et la campagne, ni la campagne avec la nature. Je sais qu’on peut parler de paysages urbains, et même de paysages intérieurs, qui toutefois ne sont pas exactement notre sujet. Il reste qu’on va vers un broyage, comme pour tout le reste : une indifférenciation, une fusion entre ville et campagne, dont répond assez bien la croissante abstraction des noms, déshistoricisés : déjà il était fort abusif que Le Puy ou Moulins fussent en « Auvergne », mais à présent c’est Grenoble qui l’est aussi, dans beaucoup d’esprits, ce qui confine à l’absurde, pour ne pas dire au criminel. Aubusson est dans la même région que Saint-Jean-de-Luz. Autant dire que région n’a plus le moindre sens, dont déjà il avait beaucoup moins que province. On conçoit que les gestionnaires davocratiques du parc humain aient recours désormais au ridicule territoires, les territoires, qui a au moins le mérite de désigner clairement un mode d’administration des espaces nationaux comme gestion des stocks, management financier des avoirs fonciers.

Tronçon de l'autoroute A10, dans l'Eure-et-Loir © AFP
Tronçon de l’autoroute A10, dans l’Eure-et-Loir
© AFP

Ce qui sans doute a le plus défiguré, et très littéralement, la France, ou du moins son patrimoine bâti, durant le dernier demi-siècle, c’est l’arrachement des enduits, la Grande Pelade, qui non seulement a donné des airs de maisons neuves, autant dire de vieilles peaux, à des édifices dont tout le mérite était d’être anciens, et de porter la trace du passage du temps ; mais qui rendait totalement inintelligible la grammaire et la langue même de l’architecture vernaculaire traditionnelle, en abolissant la distinction essentielle entre crépi et pierre de taille, fond et forme, prose et poésie, façades et ornements, murs pleins et portes et fenêtres. Rien ne se construisant plus en pierre, la pierre devenait un élément de richesse à exposer, même là où elle avait toujours été cachée. L’intéressant, conceptuellement, et même ontologiquement, est que la destruction d’une authenticité (les enduits, l’histoire, la volonté des bâtisseurs, les couleurs du temps) s’opérait au nom d’un autre (celle du matériau, qu’on décidait de mettre à nu, brechtiennement). Or c’est là la structure de la plupart des destructions contemporaines, tout étant aboli par excès de soi-même : le droit par la loi, la nation par ses « valeurs », la démocratie par l’égalité, l’école par la pédagogie, la culture par le culturel, la famille par la familiarité, la féminité par le féminisme, etc.

Uniformisation par l’éolienne

Aujourd’hui, selon une structure assez semblable (le bien comme fourrier du mal, plus que le mal), c’est plutôt l’écologie, hélas, qui s’attaque aux façades et donc aux visages, ceux des maisons et ceux du pays, les paysages. Par une conception tout utilitaire d’elle-même, et donc autocontradictoire, elle impose partout d’affreuses huisseries censées être seules isolantes, de hideux fenestrages à un seul pan de verre, qui traitent les ouvertures comme si elles ne faisaient pas partie des édifices, comme si elles y étaient une parenthèse sans importance stylistique, alors qu’elles occupent une part considérable de leur surface dressée.

Mais ce sont évidemment les éoliennes qui sont dans le paysage la plus grave des contradictions de l’écologie, qui pour son malheur et le nôtre n’en manque pas, Dieu sait. Déjà il est absurde, évidemment, d’élaborer pour sauver la Terre toute sorte de politiques savantes et très légitimes sans se soucier de la croissance démographique, qui les rend lettre morte avant leur première once de réalisation. Il n’est pas moins vain de prétendre se soucier de biodiversité en en excluant l’espèce humaine, ses cultures, ses civilisations, et en faisant tout, au contraire, pour qu’elles soient bien broyées au profit de la seule MHI (Matière Humaine Indifférenciée), ses industries de l’homme, son Nutella humain, son surimi posthumanitaire.

De ces contradictions létales les éoliennes sont le symbole absolu, mais un symbole qui pèse de tout son poids. À quoi bon sauver la Terre, en effet, si c’est pour la rendre odieuse, horrible, désespérante, inhabitable ? Si c’est pour placer la vie en tous lieux sous le signe formidable des maîtres, l’utilité (prétendue), le profit, la bêtise, la laideur, la méchanceté, la haine de l’espèce ? À l’homme on a déjà volé la campagne, le silence, la nuit : faut-il qu’on lui dérobe encore le Ciel, pour mieux lui signifier sa finitude, passe encore, son aliénation, sa captivité, mais surtout son définitif retranchement des dieux ?

Ce n’est pas le grivois Griveaux qui me désespère!

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Benjamin Griveaux le 22 janvier 2020 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA Numéro de reportage: 00941367_000014

Benjamin Griveaux aurait dû assumer les photos volées diffusées sur les réseaux sociaux la nuit dernière. Et les internautes sur Twitter feraient mieux de s’indigner d’autres trahisons…


Le compteur de nombre de vues n’en finit pas de tourner depuis hier sur la page qui a illégalement publié les sextos de Benjamin Griveaux.

Dans mon monde, on aura plus commenté la taille de son engin, la décoration de sa cuisine et l’absence d’abdominaux que ses capacités à diriger la mairie de Paris.

Benjamin Griveaux n’est pas un bon candidat dans mon monde, nous sommes assez unanimes dessus et ce n’est pas le sujet aujourd’hui.

Le sujet c’est le coup de théâtre ce matin : Griveaux n’est plus candidat à la mairie de Paris. Il est treize heures et les notifications de mon téléphone continuent de s’emballer.

Si je ne suis pas fan de Griveaux, je suis abasourdie de cette décision, des commentaires de félicitations et de soulagement qui font suite à son retrait et du message que ce retrait dit de la politique française et de ce que l’on conçoit comme intérêt général.

Je naime pas Griveaux mais sil avait assumé, je laurais applaudi et je n’aurais pas été seule à le faire

Nostalgie d’abord, effroi mais aussi désespoir. Voilà ce que le désormais célèbre #GriveauxGate m’inspire.

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Nostalgie car ce retour du puritanisme semble en conforter plus d’un, dans ce pays où un président a eu une double vie, des enfants cachés, on s’émeut qu’un homme, aussi marié soit-il, envoie des vidéos de son pénis à une adulte consentante, on s’indigne qu’il en désire une autre pendant que son épouse « coucherait les enfants ». J’avoue que pour avoir été bercée par des histoires à n’en plus finir des coucheries d’après-guerre dans les villages de France, les vidéos de Griveaux m’ont plus arraché des sourires voire des rires.

Paris, ville autrefois de fête

Effroi car il semblerait que l’intrusion dans la vie privée, la vie sexuelle d’un homme peut maintenant être considérée comme de l’art et de l’activisme politique, et que cela aboutisse en plus à une victoire. Celle de le voir abdiquer.

Le retrait de Benjamin Griveaux est un énième indicateur du fait qu’il n’était pas le bon candidat pour LREM mais surtout le mauvais candidat pour Paris, cette ville autrefois de fête, cette ville autrefois insolente et élégante à la fois.

C’est un candidat pudibond qui faisait campagne pour Paris, exhibant une famille tout droit sortie d’une banlieue riche de la côte ouest des États-Unis à des électeurs surmenés, toujours pressés, débordés, en recherche éternelle de nounous et de professeurs particuliers mais qui s’accrochent tant bien que mal et malgré l’état sécuritaire calamiteux de leur ville, à la faire vivre.

Et voilà que l’on découvre à travers ce crime odieux, ignoble que la famille Griveaux n’est pas aussi parfaite qu’elle le laisse entendre. Griveaux séduit, Griveaux sextote, Griveaux ne fait peut-être pas tout avec l’accord de son épouse que visiblement il trompe, Griveaux est léger, Griveaux est faible quand il s’agit de plaisirs charnels, Griveaux est infidèle, Griveaux est grivois.

J’ignore qui gère sa campagne mais je n’ai aucun doute sur le fait que lui aussi a été aussi mal choisi que celui dont il sert les intérêts.

L’ex candidat a été victime d’un crime, et sa vie et son pénis ainsi exposés à la vue de tous sont certainement la dernière chose qui refroidiraient les Parisiens, ils en ont vu d’autres, certains mêmes se sont reconnus en lui ou en son interlocutrice, moi la première.

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Il n’aurait pas dû se retirer pour cela, il aurait pu même continuer sa campagne de mari et de père parfait car échanger des SMS coquins et des dickpics avec une femme sur Instagram ou Telegram n’est pas incompatible avec notre capacité à être un bon parent et un bon époux. Cela rend même l’image de son couple bien plus humain qu’on ne le pensait et bien plus en phase avec les couples parisiens que nous sommes si nombreux à être et à fréquenter !

Les acharnés de l’exemplarité nous gonflent

J’espère que c’est bien cela que l’entourage de l’ex-future première dame de Paris lui répète en tout cas. À madame Griveaux, j’espère que l’on n’adresse pas des SMS et des mails de condoléances, des regards de pitié et de compassion. Je n’ose imaginer ce dont on la couvre et la recouvre depuis hier, le sentiment d’humiliation que l’on doit projeter sur elle. Alors qu’il suffirait qu’elle passe une soirée en compagnie de tant de Parisiennes que je côtoie pour qu’elle en rie elle-même. On lui raconterait comment nos hommes ne sont pas plus exemplaires que le sien et comment nous ne le sommes pas non plus, que non seulement ce n’est pas la fin du monde, mais que ça ne l’entache en rien, du tout.

Je n’aime pas Griveaux mais s’il avait assumé, je l’aurais applaudi et je n’aurais pas été seule à le faire.

En fait, ce qui est encore plus alarmant avec cette histoire, ses conséquences et la couverture que l’on en fait c’est qu’hier, Jean-Christophe Lagarde, lui, n’a pas démissionné à la suite des révélations graves dans le livre d’Ève Szeftel Le Maire et les Barbares. Pourtant, elle y détaille comment « un pouvoir municipal s’est allié à des islamistes et des criminels du grand banditisme pour gérer une ville démunie ». Comment le mal qui ronge plus de 150 quartiers en France s’installe et comment on y efface les valeurs de la République pour des voix.

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Cela n’a pas fait trembler Twitter, le poids des accusations et des preuves n’a pas couvert de honte le député de la 5e circonscription de la Seine-Saint-Denis, pas assez pour démissionner ne serait-ce que le temps que l’on y voit plus clair. Ce n’est pas sur l’article qui dénonce la genèse d’une trahison de la République que le compteur des vues a explosé, ce n’est pas le #LagardeGate qui est en « Tendance Twitter » nationale.

C’est de Griveaux dont on parle, c’est Griveaux qui démissionne parce qu’il a envoyé sa queue en MMS. Désormais en France, trahir la République c’est moins grave que de tromper sa femme, encore une raison de se croire vivre sous l’Inquisition. Ou sous le joug du KGB, vu l’auteur de ce crime, qui a d’ailleurs fui un pays qu’il dit liberticide tout en y important les pratiques fascistes. C’est ça la politique française, c’est ça le nouvel intérêt général, c’est ça qui doit provoquer notre désespoir.

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« La grande majorité des Français n’accepte pas qu’il y ait des personnes à la rue »

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Christophe Robert © NICOLAS MESSYASZ/ SIPA

Ils sont les vrais Misérables. En hiver évidemment, mais pas seulement : d’après le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, plus d’une personne décède chaque jour des conséquences de la vie à la rue. Près de sept décennies après l’appel de l’Abbé Pierre, la situation ne s’est pas améliorée, bien au contraire. Pourquoi ?


Afin de mieux comprendre, Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, a accepté de m’accorder un peu de son emploi du temps chargé.

Causeur. Vous qui travaillez auprès des SDF depuis des années, pouvez-vous dresser un profil type du SDF?

Christophe Robert. Un profil type non, mais il y a des tendances fortes. En proportion, il y a beaucoup de personnes seules. Mais on trouve de plus en plus de familles avec enfants, ce qui n’était pas le cas il y a une dizaine d’années. Vous avez aussi une forte représentation des jeunes. Dans nos lieux d’accueil pour les personnes sans domiciles, nous voyons une surreprésentation des jeunes, pour l’essentiel en rupture familiale et qui n’ont aucune ressource car comme vous le savez, quand on a moins de 25 ans on ne peut pas toucher le RSA. Et il y a également des personnes en situation de migration.

Nous nous pencherons sur ces dernières un peu plus tard. Depuis dix ans, le nombre de places d’hébergement d’urgence augmente chaque année. Pourquoi dans le même temps le nombre de SDF augmente également? 

C’est la grande question. Il y a souvent un raccourci qui est fait, qui est : il y a des personnes à la rue, si on met en place un nombre de places d’hébergement d’urgence ou d’insertion, on devrait pouvoir y répondre. Le bon sens voudrait cela mais en fait ce n’est pas si simple. En effet, on retrouve à la rue des personnes qui se retrouvent sans solutions pour plein de raisons. Je vais vous prendre quelques exemples: des personnes qui sortent de l’aide sociale à l’enfance, des personnes qui sortent de prison, des personnes qui sortent de l’hôpital psychiatrique, des personnes qui sont en rupture familiale ou qui sont expulsées de leur logement. Je pourrais multiplier ce type d’exemple. On voit bien là que ce n’est pas qu’un problème d’hébergement. On parle là de politiques qui ne sont pas satisfaisantes dans leur domaine. Vous avez des défaillances de politiques qui font qu’un certain nombre de personnes, quand elles n’ont pas la solidarité familiale, par exemple, vont se retrouver sans solution. Ça c’est le premier facteur. Le deuxième facteur, c’est qu’on reste dans l’hébergement mais qu’on ne va pas forcément vers une solution durable de logement. Et que donc les gens restent dans ce secteur de l’hébergement et n’en sortent pas suffisamment. Avec ce double phénomène, on a beau augmenter le nombre de place d’hébergement d’urgence, ça ne suffit pas pour autant.

Venons-en aux demandeurs d’asile. Est-ce qu’une partie des étrangers demandeurs d’asile prive une partie des SDF de nationalité française de places dans les centres d’hébergement d’urgence? 

Non, pas du tout. Pour cette population, comme pour les autres que j’ai évoquées avant -les jeunes en rupture familiale, ceux qui sont sur le point d’être expulsés, ceux qui sortent de prison- la politique qui leur est normalement dédiée, le dispositif national d’accueil de l’asile (DNA), est défaillante : comme il y a une personne sur deux qui ne trouve pas de place en Centre d’accueil pour demandeur d’asile (Cada), ils vont se retrouver à solliciter des hébergements d’urgence comme les autres. Comme pour les autres qui se retrouvent dans des situations d’urgence, ils sont victimes de l’insuffisance de la politique mise en place dans leur domaine. Le secteur de l’hébergement d’urgence voit alors converger les personnes victimes des défaillances que j’ai évoquées précédemment, dont celle du DNA. Des demandeurs d’asile se retrouvent d’ailleurs dans des campements sauvages ou dans des bidonvilles, faute de places suffisantes dans le DNA.

Justement en janvier 2019, Edouard Gaudela, chercheur au CNRS déclarait sur France-Culture que « 40 % des personnes dites SDF sont en fait des migrants ». Si ce chiffre est fiable doit-on en déduire que si demain on freine l’immigration, le nombre de SDF va baisser en France? 

Votre question est curieusement tournée. S’il y avait moins de personnes sur Terre, il y aurait moins de besoins en logement. Je pense qu’il faut qu’on aide les enfants qui sortent de l’aide sociale à l’enfance pour qu’ils ne se retrouvent pas à la rue. Je pense aussi qu’il faut qu’on ait des places, comme le droit nous y oblige, pour les demandeurs d’asile, pour qu’ils ne soient pas à la rue. Si une partie de ces derniers est à la rue, c’est parce qu’ils manquent de places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile.

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À la Fondation Abbé Pierre, nous pensons que personne ne doit rester à la rue. Si on regarde les personnes qui sont à la rue, on doit pouvoir décrypter pour chacune les raisons qui l’ont conduite à la rue. Si on prend la question migratoire, c’est bien l’insuffisance de places en centre d’accueil pour demandeurs d’asile qui fait que ces personnes sont à la rue. Le traitement de cette question renvoie donc à la politique effective des centres d’accueil pour demandeurs d’asile.

Laissons maintenant les demandeurs d’asile et revenons au sans-abrisme à proprement parler. D’après une enquête du Samu social de novembre dernier, 20 % des SDF du métro parisien auraient un emploi. Ce chiffre est surprenant. Comment peut-on être en état de travailler quand on vit à la rue? 

À la Fondation Abbé Pierre, nous rencontrons beaucoup de gens dans ce cas de figure, de gens qui viennent dans nos lieux d’accueil de jour pour personnes à la rue et qui travaillent. Déjà une enquête de l’INSEE montrait des taux à peu près similaires en 2012. Parmi les gens qui sont à la rue, il y a beaucoup de gens qui ont des problèmes psychiques ou psychiatriques. Ces gens ne sont pas en état de travailler, en tous cas pas pour le moment. Mais il y a une partie des personnes sans domicile qui ne sont pas à la rue pour des raisons de fragilité psychologique ou comportementale, mais qui sont à la rue, souvent pendant un temps plus limité que les autres, parce qu’elles n’ont pas de logement adapté à leurs ressources, en particulier dans les grandes villes. Ce sont souvent des personnes qui vont avoir du mal à rester propres, vont arriver très fatiguées au travail, qui vont tout faire pour cacher leur absence de logement et qui nous disent que c’est extrêmement difficile. Ceux-là ont plus de chance à terme de trouver une solution de logement, même précaire, que ceux qui ont des problèmes psychologiques, mais il y en a effectivement beaucoup. Ce sont souvent des gens qui ont des temps partiels contraints, et qui gagnent des ressources de l’ordre de 600, 700 euros par mois, ce qui ne permet pas de se loger dans les grandes villes.

Et particulièrement à Paris. « La vision de la pauvreté semble régulièrement distinguer les bons des mauvais pauvres », est-il écrit dans le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre. Qu’entendez-vous par là? 

Nous ne disons pas que rien n’est fait en matière de politique publique, justement. Le nombre de places dans les centres d’hébergement d’urgence augmente d’année en année, mais de fait, ce n’est pas la solution. Du coup, quand cent personnes sollicitent le 115 pour dire qu’ils ne savent pas où dormir ce soir, que va-t-il se passer? Alors que du point de vue juridique, on a la responsabilité de trouver une solution pour chacun, on établit des critères, on hiérarchise. Par exemple, on va dire que monsieur un tel qui est seul n’est pas prioritaire par rapport à madame avec sa fille de trois ans. Par exemple, on va prioritairement prendre les familles avec des enfants de moins de trois ans, en mettant les autres sur le carreau pendant un temps. Dans la réalité, c’est ça qui se passe. De façon pragmatique, et c’est horrible de dire ça sur ce sujet, on finit par établir des critères, des grilles, alors que le droit à l’hébergement d’urgence est normalement un droit inconditionnel.

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En décembre 2014, Manuel Valls, alors premier ministre, en avait appelé à la « vigilance, la solidarité et la générosité » envers les sans-abris, suite à la mort de six SDF à cause du froid. La France étant la 6ème puissance économique mondiale, n’est-ce pas curieux de s’en remettre à la générosité supposée des Français pour résoudre ce problème? 

Je partage votre étonnement sur cette déclaration. Je crois vraiment que notre pays a la capacité, s’il s’en donne les moyens de répondre à ses besoins sociaux, et au moins de ne pas laisser des personnes à la rue. Après, dire que les associations comme nous -et je précise que la Fondation Abbé Pierre n’a que 2 % de subventions publiques, ce qui nous laisse notre liberté- ont leur rôle à jouer, c’est évidemment vrai, et nous le faisons. Il n’empêche que nous sommes convaincus que c’est d’abord à la protection sociale de régler ce problème. Nous essayons donc de faire évoluer la protection sociale et la puissance publique dans ce sens.

Je constate une réelle générosité chez les Français, dans notre culture, il y a une sensibilité à ce sujet et je pense que l’idée que ce n’est pas acceptable qu’il y ait autant de gens à la rue dans notre pays est fortement ancrée chez les Français. Je pense que la France ne s’est pas habituée à voir autant de personnes sans domicile. Je pense qu’on est maintenant à un moment déterminant : la grande majorité des Français n’accepte pas qu’il y ait des personnes à la rue. Mais le risque, c’est qu’on finisse par s’y habituer comme dans certains pays.

Lesquels par exemple?

Je pense à certains états des Etats-Unis ou à des pays en voie de développement. Il y aussi des pays où c’est l’inverse : en Finlande par exemple, les autorités ont réussi à réduire de deux-tiers le nombre de SDF en proposant des solutions dignes.

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On sent en effet qu’il y a une certaine solidarité en France. Si on ne doit évidemment pas s’en plaindre, est-ce que ça n’alimenterait pas une certaine inaction des pouvoirs publics?

Pour que ça soit le cas, il faudrait que la substitution apportée par la population réponde à l’ensemble des besoins. Si tous les gens qui ne supportaient plus qu’il y ait des personnes sans domicile les accueillaient chez eux, je pense qu’il y aurait certains responsables qui s’en contenteraient bien. Mais je ne crois pas que donner quelque chose à manger, donner un ticket resto ou une petite pièce à quelqu’un qui fait la manche suffise à répondre à l’insuffisance des politiques publiques et à terme, conduise à considérer que que c’est la réponse nécessaire.

Vous avez dit récemment à la radio RCF que la responsabilité des maires est importante dans la gestion du mal logement et du sans-abrisme. D’après vous, qu’est-ce qui marche de façon pérenne pour faire baisser le sans-abrisme? 

Ce qui marche, c’est la simultanéité de plusieurs leviers, comme l’a fait la Finlande, ou comme on commence à le faire un peu aujourd’hui avec la politique du logement d’abord. Cette politique, c’est de dire que plutôt que le logement devienne une récompense après un parcours dans la rue, en hébergement d’urgence ou en hôtel social devienne le levier de la réinsertion. Certaines initiatives de ce type ont vu le jour localement. Cette idée d’arriver à proposer un logement, éventuellement avec un accompagnement social, plutôt qu’un hébergement temporaire, commence à faire son chemin au niveau local. Après, cela passe par de nombreux leviers à activer. Par exemple, celui qui est sans domicile n’a pas d’adresse, par définition. Il faut bien qu’il puisse exercer ses droits civiques, recevoir ses papiers et cetera. C’est la question de la domiciliation dans les Centres communaux d’action sociale (CCAS) qui doit se mettre en place à la hauteur des besoins dans tous les territoires. Il s’agit aussi de fermer le robinet qui vient faire que des gens se retrouvent à la rue. Cela passe par des politiques de prévention en amont pour éviter les expulsions locatives par exemple. Il y a des compétences qui relèvent de l’Etat ou du département, mais tous ces enjeux se jouent à l’échelle locale. La lutte contre l’habitat indigne, par exemple, qui n’a pas été suffisamment traité à l’échelle locale, c’était le cas à Marseille pendant ces vingt dernières années ce qui a conduit à la catastrophe de la rue d’Aubagne. Toutes les politiques qui ont porté leurs fruits sont des politiques qui certes ont été coordonnées avec l’Etat ou les Départements, mais ont été concrètement portées par les villes ou des intercommunalités. Ça passe notamment par la construction de logements sociaux, l’encadrement des prix des loyers, la création de lieux pour la domiciliation des personnes sans domicile, la mise en place de politiques foncières, la résorption du problème des bidonvilles… Il y a de quoi faire dans cette voie et les élections municipales doivent être l’occasion de soulever ces enjeux.

Le site de la fondation, si vous souhaitez agir contre le mal logement en France: https://www.fondation-abbe-pierre.fr/

Bienvenue dans la société 0% hypocrisie 100% transparence!

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Le journaliste David Desgouilles Photo: Hannah Assouline

Notre chroniqueur politique David Desgouilles est abasourdi par l’affaire Benjamin Griveaux, ce candidat à la mairie de Paris malheureux contraint d’abandonner la course, suite à la publication de messages et vidéos privés.


Je ne me suis pas fait remarquer par la plus grande tendresse pour l’homme politique Benjamin Griveaux. Lui-même m’avait invité à prendre un café avec lui pour nous en expliquer après que je l’avais consciencieusement démoli dans d’autres colonnes sur la question « des clopes et du diesel ». N’étant pas parisien moi-même, la rencontre n’a pas pu se faire. Peut-être ai-je manqué l’occasion de me rendre compte que l’homme n’était pas antipathique. Peut-être même que nous nous serions très bien entendus. Peut-être pas. En tout cas, cela ne m’aurait pas empêché de lui adresser des critiques virulentes à nouveau. Ou d’adresser pourquoi pas un satisfecit, le cas échéant.

Parce que la politique, la vie publique, c’est une chose.

Et les rapports humains, la vie privée, c’en est une autre.

Bientôt ce sera votre tour

On le sait : les réseaux sociaux ont pour une bonne part brouillé ces repères, que l’on croyait pourtant attachés à notre culture nationale. On se souvenait de Malraux, et des hommes qu’il décrivait en « misérables tas de petits secrets ». On se souvenait que pour le Canard enchaîné – qui a dénoncé bien des « scandales » de nos puissants – l’investigation s’arrêtait à la porte de la chambre à coucher.  Là aussi, la révolution #MeToo a brouillé d’autres repères.

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Depuis ce matin, on me fait valoir qu’un « candidat à la mairie de Paris ne devrait pas faire ça ». On me demande d’imaginer si le Général de Gaulle etc. On m’explique même que Benjamin Griveaux mettait en avant sa famille dans sa campagne et que la divulgation de cette vidéo met fin à une hypocrisie. Hypocrisie, le mot est lâché. D’ailleurs il l’a aussi été par l’auteur de la mise en ligne des vidéos, un activiste russe qui bénéficie de l’asile politique dans notre beau pays de libertés.

Cette société 0% hypocrisie 100% transparence, elle vous fait tant envie ? L’an dernier, sortait au cinéma un film Le jeu. Dans un repas d’amis, chacun posait son téléphone et si une notification de l’un des appareils retentissait, le propriétaire devait en faire lecture à tous les autres convives. Un cauchemar ! Êtes-vous certains d’être si irréprochable ?

Aujourd’hui, c’est une « sextape » d’un homme politique en vue. C’est en effet spectaculaire, une première en France. Mais demain ? Demain ce sera vous !
Parce que vous guignez un poste dans votre boîte qui en intéresse d’autres. Parce que vous n’avez pas dit bonjour dans l’ascenseur. Parce que vous avez souri à quelqu’un et qu’il ne fallait pas. Ne vous croyez pas à l’abri. L’an dernier, un couple de propriétaires d’un supermarché a vu sa vie brisée parce qu’un activiste les avait retrouvés sur une photo d’une chasse (tout à fait légale) en Afrique. Plus personne n’est à l’abri. Demain, un pirate à qui vous avez grillé la priorité peut hacker votre téléphone et envoyer des textos compromettants à votre femme, à votre mari. Demain, il pourra mettre sur la place publique les propos que vous avez tenus sur votre patron.

Je regrette le retrait de Griveaux

Admettons que cela ne toucherait pas ceux qui, pour vivre heureux, vivent cachés. Gagnons-nous véritablement à voir dans nos vies publiques que des personnes à la vie privée irréprochable, sachant que cette définition diffère énormément selon les points de vue ? La perspective de subir la divulgation des éléments de la vie privée ne découragera-t-elle pas les meilleurs d’entre nous de briguer des postes exposés ?

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Voilà pourquoi il était urgent de soutenir Benjamin Griveaux et – si on le comprend néanmoins – regretter qu’il ait dû renoncer à sa candidature. Le jour où quelqu’un répondra : « Oui, et alors ? Je vous emmerde », les justiciers du net auront l’air des idiots qu’ils sont réellement. Mais, plus facile à dire qu’à faire. Il me semble que la réussite et la popularité de Donald Trump résident dans cette faculté de répondre : « Oui, et alors ? Je vous emmerde ». On craint à raison la multiplication des caméras à reconnaissance faciale, qui permettent de gérer le crédit social de centaines de millions d’individus en Chine. Aujourd’hui en France, il n’y a pas besoin de reconnaissance faciale, ni d’État. Un type qui ne vous aime pas suffira.

Cela vous fait envie, cette société ? Vivement que le réchauffement climatique nous en débarrasse. Tiens, je vais aller rouler en diesel, pour accélérer ça.

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Aurélien Pradié (LR): « La métapolitique, je m’en contrefous! »

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Aurélien Pradié en juin 2019 © Jacques Witt/SIPA Numéro de reportage: 00911558_000048

Entretien avec Aurélien Pradié, député du Lot et Secrétaire général des Républicains


Causeur. Il y a quelques mois, vous avez exclu des Républicains un militant partisan de l’union de droites. Que répondez-vous aux électeurs de droite qui vous reprochent de recentrer LR sur une ligne macron-compatible ?

 

Aurélien Pradié. Ça fait dix ans que je suis élu dans le Lot. Alors que je viens d’une famille ni de droite ni de gauche, j’ai toujours fait le choix d’être de droite sur la terre de gauche qu’est le Lot. Et je n’ai jamais baissé la voilure sur mon étiquette. Aux dernières élections législatives, j’ai été élu député avec l’étiquette Les Républicains. Alors que beaucoup de ceux qui me donnent aujourd’hui des leçons de « pureté politique » avaient planqué leur étiquette !

 

Il faudrait nécessairement être ou progressiste ou conservateur, ou macroniste  ou lepéniste ?! La vie politique et la pensée politique valent mieux que cette stérilité, cette dualité consternante

 

Lorsqu’un élu local LR s’allie avec LREM comme le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc, vous le laissez faire. Pourquoi ce deux poids deux mesures ?

 

Jean-Luc Moudenc est maire sortant de Toulouse. Il a une légitimité électorale forte. C’est à lui de constituer son équipe, pas à nous  Il a toujours soutenu LR. Il continuera de le faire. C’est certain. 

Beaucoup des théoriciens des alliances locales, qui hurlent au loup, n’ont jamais gagné d’élections. Ils parlent fort mais ne se frottent pas au suffrage universel. Je veux bien qu’on théorise la politique en dehors de la réalité électorale, mais il y a tout de même un moment de vérité : les élections. Les élections municipales restent ensuite des élections locales et pas nationales. Quand j’étais maire d’une commune, mon équipe municipale rassemblait des gens de droite et des gens de gauche. J’étais le maire de tous les habitants. Pas un chef de clan. Pour autant, personne n’a jamais douté de mon appartenance politique sincère et profonde. 

 

Justement, d’aucuns vous soupçonnent d’être ni de droite ni de droite. Autrement dit, de vouloir renouer avec une certaine droite chiraquienne s’excusant perpétuellement de ne pas être de gauche. Assumez-vous la part de conservatisme inhérente à l’ADN de la droite ?

 

Mesurez-vous le niveau de bêtise intellectuelle et politique auquel nous en sommes venus ? Il faudrait nécessairement être ou progressiste ou conservateur, ou macroniste  ou lepéniste ?! La vie politique et la pensée politique valent mieux que cette stérilité, cette dualité consternante. Ce piège des « progressistes » et des « conservateurs » a d’ailleurs d’abord été tendu par Emmanuel Macron lui-même ! Une telle bipolarisation de la pensée politique signera la mort de la pensée politique. A 33 ans, je ne sais pas si je suis chiraquien, mais je suis fier de ce que Jacques Chirac a laissé à notre pays. Chirac s’est battu contre les vieux hiboux du musée du Louvre qui méprisaient les arts premiers. Est-ce qu’aujourd’hui l’un d’entre nous en serait arrivé au point de dire que le musée du quai Branly est une aberration et que les arts premiers n’ont pas de sens ? Bien sûr que non, c’est notre bel héritage et nous l’assumons.

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Ces dernières années, la droite s’est appuyée sur une jeune garde d’intellectuels conservateurs souvent issus de la Manif pour tous. Rejetez-vous ce legs ?

 

Je ne crois pas en la métapolitique. Celle des théories et non des actes. Le legs de la Manif pour tous ? Pardon de vous dire que je ne vois pas très bien en quoi cet épisode a marqué notre histoire politique et intellectuelle… Cela passionne peut-être beaucoup de monde dans les salons parisiens mais pardon de vous dire que je m’en contrefous … La pensée politique est un peu plus large que cela il me semble. Cela n’intéresse que quelques petits penseurs parisiens qui se distraient avec ces sujets. Avec tout le respect que je leur dois, j’aimerais qu’ils viennent passer une semaine dans le Lot. Ils verront à quel point tout le monde se fout de l’idéologie  post-Manif pour tous … Tout simplement parce que personne ne sait ce que cela veut dire. D’ailleurs les manifestants de cette époque, que je respecte vivement pour leurs convictions, ne peuvent pas résumer leur pensée politique à cette seule prise de position. D’une manière générale, je trouve devenu d’un conformisme banal que d’être anticonformiste sur tout. Je ne me sens ni attiré par le conformisme mou ni par l’anticonformisme permanent. C’est devenu une facilité d’être conservateur, comme c’est devenu une facilité d’être progressiste. Une flemme intellectuelle. C’est la réponse d’une mode à une autre mode. Sur bien des sujets je me sens conservateur. Sur d’autres non. Bref, une pensée politique ce n’est pas blanc ou noir. Cela me semble pouvoir être un peu plus complexe… du moins je le souhaite. 

 

Au fond, qu’est-ce qui vous distingue d’Emmanuel Macron ?

 

Tout. Depuis le début.  Sa vision de la société  Son mépris du peuple. Sa fatalité dans la vision des relations sociales. Je combats d’ailleurs son projet de société depuis la première heure. Sans faiblir. Il suffit de regarder mes positions et votes à l’Assemblée nationale. Je crois en une stratégie qui entre dans les sujets de fond par des sujets concrets. Une des grandes difficultés que nous avons collectivement est sûrement de tenter de démasquer ce qu’est l’idéologie de la macronie. On peut tenter de la démasquer, en théorisant son rapport au monde, son rapport à l’argent contre lequel je lutte quotidiennement à l’Assemblée nationale depuis que j’y suis. Je souris quand je vois aujourd’hui des pseudo-héros du conservatisme nous expliquer qu’ils luttent pas à pas contre la macronie, alors qu’ils ont voté une majorité des textes du gouvernement … 


A qui pensez-vous ? 

 

Regardez les votes de chacun. Vous verrez que certains très vindicatifs aujourd’hui ont plus souvent voté des textes d’Emmanuel Macron que moi. Lorsqu’on travaille sur la question du handicap, on arrive à démasquer la vision typiquement fataliste qu’Emmanuel Macron a de la société. Il considère que oui, le politique doit faire quelques bricoles sur le handicap, mais qu’il ne pourra pas corriger toutes les injustices du handicap en profondeur et notamment les injustices de la vie. Moi je ne défends ni une vision misérabiliste ni une vision d’exclusion sur le handicap. J’estime que la différence, le handicap en l’occurrence, permet de faire grandir la société. C’est une chance. Et l’action politique doit porter cette chance.


Nous devons avoir la belle ambition de transformer la société autour de ses différences. Aussi, je considère qu’un enfant atteint de dyslexie ou d’une autre forme de handicap est aussi capable de faire grandir la société dans son ensemble. C’est une vision de tolérance au sens le plus noble du terme. Si je prends l’exemple plus parlant des violences conjugales, qu’est-ce que nous avons réussi à démasquer en faisant voter notre loi d’actions à l’unanimité sur ce sujet ? Le vide abyssal de Marlène Schiappa.

Depuis trois ans, elle baratine sur le sujet. Mais lorsqu’on porte une proposition de loi à l’Assemblée, que l’on met le gouvernement au pied du mur, on arrive à démontrer en l’espace de quelques heures que nous faisons les choses et qu’eux se contentent de parler. Les masques tombent par le concret.

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Vous avez cité deux grands chantiers sociétaux. Ne craignez-vous pas d’être en porte à faux avec ce qui reste de l’électorat Les Républicains de droite, qui partage de plus en plus les thèses du RN sur la sécurité et d’immigration ?

 

Traiter de la question du handicap c’est être bon teint ? Traiter de la question des violences conjugales c’est être bon teint ? Franchement. Que pensez-vous qu’attendent nos concitoyens, y compris ceux qui ne votent plus depuis des lustres ? Des grands débats théoriques ou des solutions concrètes. Souvent les solutions concrètes en disent plus long sur notre vision de la société que les débats des salons de thé parisiens… 

 

N’oubliez pas que 65% des Français estiment qu’il y a une immigration trop massive… 

 

Récemment, j’étais dans la fédération LR du Doubs, je m’exprimais pendant deux heures et je n’ai pas prononcé une seule fois le mot « immigration ». Est-ce que pour autant tout le monde est parti frustré ? Pas du tout. On doit parler de tous les sujets. Y compris l’immigration.  Fortement et courageusement. Mais pas seulement. Tous les sujets sont importants pour dire ce que nous espérons faire de notre nation.

Je vous rappelle que LR a testé la stratégie qui consiste à tenter de copier les autres. Et je l’ai soutenue. Elle a échoué aux européennes. C’est une illusion de penser que l’on va copier les autres, Emmanuel Macron sur les sujets économiques ou Marine Le Pen sur les sujets régaliens, pour leur faire concurrence. Plus bien-pensant que Macron ou plus démago que la famille Le Pen ? Ça ne fonctionne pas et c’est nous réduire à devenir le dernier wagon des uns ou des autres. Notre ambition c’est d’être la locomotive. Pas le denier wagon.
Nous, notre chemin, et je sais qu’il est difficile, c’est d’ouvrir une voie. Sans nous vendre à la Macronie ou aux Le Pen & co. Il faut rebâtir la droite républicaine.