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Mila: qui n’a dit mot consent

59% des jeunes soutiennent les harceleurs et se prononcent pour l’interdiction du blasphème


Mila: qui n’a dit mot consent
L'essayiste Céline Pina. Photo: Hannah Assouline

59% des jeunes soutiennent les harceleurs et se prononcent pour l’interdiction du blasphème. Céline Pina s’inquiète: l’Affaire Mila nous parle de la fin de notre république, selon elle.


En ce début février, le sondage révélé par Charlie Hebdo suite à l’affaire Mila et portant sur le droit au blasphème a de quoi faire frémir. Une jeune fille risque sa vie alors qu’elle n’a rien fait de mal et 50% des Français, au lieu de la soutenir, défendent la sacralisation d’une religion en utilisant les mots des islamistes, dont un qui fut naguère beau mais justifie aujourd’hui toutes les soumissions : le respect.

Nous nous demandons quel monde nous allons laisser à nos enfants, mais si la vraie question était: à quels enfants nous allons laisser le monde?

Pire encore, dans ce sondage, ceux qui font le plus profession d’inhumanité sont les plus jeunes. Entre un être humain menacé et les justifications de ceux qui le menacent, 59% des 18/25 ans soutiennent les harceleurs et se prononcent pour l’interdiction du blasphème. Et pourtant dans le contexte actuel, on ne parle pas en théorie. La question n’est pas hypothétique. Le réel montre ce qu’induit la notion de blasphème : la validation de la haine d’autrui qui peut aller jusqu’à la justification de l’assassinat et du terrorisme. L’histoire des caricatures de Mahomet nous l’a déjà raconté. Cela s’est fini par le massacre de Charlie Hebdo. Aujourd’hui, il suffit de lire les insultes adressées à Mila, et de constater que sa sécurité ne peut plus être assurée, pour en avoir un nouvel exemple.

Nous nous demandons quel monde nous allons laisser à nos enfants, mais si la vraie question était à quels enfants, nous allons laisser le monde ? À des jeunes droits, debout et courageux comme Mila, ou à des nervis et des lâches comme ceux qui la menacent de mort et de viol parce qu’elle ose critiquer l’islam, eux-mêmes flanqués de la longue cohorte des imbéciles qui lui apporte son soutien.

Respect, frérot !

Au vu de tous ceux qui, de fait, cautionnent les menaces, en croyant en appeler au « respect », il faut être clair : ils ne sont pas dans le camp du Bien et de la tolérance. Ils ont choisi le camp des salauds, ils se sont fait les valets de la violence et les complices d’actes et de paroles plus qu’odieuses. Aujourd’hui, si la vie de Mila est en danger, c’est aussi et surtout à cause de leur complaisance. Si le tollé contre cette injustice était unanime, notre indignation serait son bouclier, la révolte de la jeunesse, son armure et la réaction des élites, son épée. Face à cela, ses harceleurs baisseraient les yeux, il n’y aurait pas d’affaire et nous ne tremblerions pas en redoutant que nos enfants, pour un mot sur l’islam, pourraient voir leur vie gâchée.

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Si aujourd’hui, l’adolescente doit se cacher pour ne pas être tuée c’est aussi à cause de la lâcheté d’une certaine jeunesse, pas seulement à cause des islamistes. C’est à cause de toutes ces personnes qui cautionnent le fait que l’on puisse être menacée d’assassinat pour une parole forte, en présentant ce renoncement à cet interdit fondateur de civilisation comme l’expression de leur élévation morale. Sauf que c’est faux : il s’agit bien ici du constat d’un ensauvagement. Un ensauvagement encouragé par l’élite, car au plus haut niveau, c’est le silence, et dans ce cas tout le monde sait que « qui ne dit mot, consent ». Municipales obligent. Seuls Marlène Schiappa, Marine Le Pen, quelques LR, dont Jacqueline Eustache Brinio, sénatrice du Val d’Oise et François-Xavier Bellamy ont eu des mots justes.

Cette gauche « Allah akbar » se caractérise par sa veulerie

A gauche, ceux qui ont parlé n’ont en général pas eu un mot de compassion pour la jeune fille et ont préféré entonner le grand air du « respect de la religion ». Ainsi, dans leur esprit, pour séduire le vote musulman et respecter l’islam, il faut donc accepter et banaliser la menace d’être violée, défigurée au vitriol, égorgée ? Il faut prendre le parti des tourmenteurs d’une gamine ? C’est en tout cas sur ce fond de décor-là que la question est posée. Ce qui se joue ici a un nom : la veulerie. Le mot « respect » est dévoyé pour présenter l’acceptation de la pire des violences voire la justification du meurtre, comme une preuve de civilisation, de prise en compte de la sensibilité d’autrui.

C’est aussi la liberté des hommes que ces personnes mettent au clou. Elles rétablissent le surplomb d’un texte divin sur les lois que se donnent les hommes. C’est à terme la fin de la République et de l’émancipation humaine et le retour à l’ère du bétail humain dans le vivre ensemble du troupeau. Un vivre-ensemble dont les promoteurs zélés se tiennent néanmoins à bonne à distance… Et cela marche : suivant l’exemple et les justifications alambiquées de nombre de politiques, 50% des personnes interrogés abandonnent ainsi une de leur concitoyenne pour se prosterner devant une idéologie et des mentalités archaïques qui ont entrainé le meurtre de plus de 260 personnes sur notre sol, justement parce que nous sommes une société de blasphémateurs.

La faillite de notre école

Ces 50% là parlent donc d’un échec collectif et de la profondeur de la trahison des élites. Aucun principe ni aucun idéal n’a été transmis à trop de nos enfants. Nous, nous avons hérité d’un monde qui avait du sens, où les hommes se donnaient des lois et se liaient entre eux par l’usage de leur raison et la force de leur histoire. Ils ne vivaient pas ensemble sur un territoire, ils ont choisi de former une société politique et l’ont construite sur des valeurs et un imaginaire commun, ils lui ont ainsi donné une identité. Ils ont fait d’un territoire, une Nation et ont donné à cette nation la capacité d’intégrer ceux qui nourrissent les mêmes rêves et aspirent à la même société. La France, c’est le choix de la dignité et de la grandeur de l’homme contre les dogmes imposés des religieux. La France, c’est la laïcité, le choix de croire en la capacité de l’homme de définir l’intérêt général et d’agir en son nom. La France, c’est une promesse d’émancipation, de liberté, d’égalité, forcément imparfaite mais toujours inspirante. Notre histoire intellectuelle est riche, fut féconde, mais aujourd’hui, la plupart de ceux dont c’est le rôle de la transmettre, au mieux l’ignorent, au pire la méprisent. Je pense à nombre d’enseignants ou de fonctionnaires qui parlent de neutralité de l’Etat, alors qu’aucun Etat n’est neutre, ils sont tous bâtis sur une vision de l’homme, de la société et de son avenir plus ou moins explicite, mais jamais absente.

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Mais aujourd’hui qui parle à la jeunesse ? qui lui transmet une histoire ? des principes ? une exigence ? un projet ? Pas l’école de la République en tout cas. Ni nos politiques. Ils s’effacent et laissent les islamistes travailler les mentalités de trop de nos enfants, essentiellement par le biais des décoloniaux et autres islamogauchistes. Ceux-ci inventent un monde scindé en deux entités où il y a les méchants dominants – les Blancs et les Juifs – et les gentils dominés – tous les autres. Un monde où le sens de l’histoire constitue pour les uns à faire la peau aux autres, à renverser la domination et à venger « son sang ». Qui d’autres encore ? Des alliés des frères musulmans comme Coexister qui, sous des discours où le gnangnan le dispute au cucul la pralinisme, diffuse une vision caricaturale du monde qui n’a rien à envier à celle que répandent les frères musulmans. Un monde d’où les athées, agnostiques et apostats sont bannis et où « la seule alternative à la coexistence est la co-destruction » selon leur récent manifeste. Bref un monde simple où il n’y a qu’une seule bonne voie, le reste menant à la mort et à l’apocalypse. Un monde pour des êtres infantilisés, pour qui la foi n’est plus un acte spirituel, mais un moyen de contrôler la bête humaine, de lui imposer pensées et comportements et de la soulager de ses responsabilités et de son libre arbitre, pour mieux la contrôler.

On recherche le bon grain

Au terme de ce processus, 50% d’entre nous vivent déjà à genoux et s’y sont mis d’eux-mêmes, avant même d’être confrontés au despotisme, simplement en entendant le bruit des balles qui ont tués les nôtres. Car déjà ce n’était plus vraiment les leurs. Quant au 59% de jeunes qui soutiennent l’interdiction du blasphème, ce blé en herbe sera un jour aux commandes du pays. Lui donne-t-on réellement les moyens de mûrir ?

L’histoire de Mila met sous nos yeux une faillite morale et politique collective. Ce président qui abandonne une enfant au profit d’une stratégie électorale qui s’appuie sur les ennemis de son propre peuple, est disqualifié pour nous demander de faire barrage au RN. Il est en train de nous prouver qu’il ne vaut pas mieux et qu’entre un de nos enfants et les menaces au nom de l’islam, il a choisi son camp. Si ce n’est pas le cas, qu’il parle.

Car le message que son silence envoie a le goût de la trahison.

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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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