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Retailleau: le pied sur l’accélérateur?

Le billet politique de Philippe Bilger


Retailleau: le pied sur l’accélérateur?
Nicolas Sarkozy et Bruno Retailleau, Villiers sur Marne, 20 mai 2025 © J.E.E/SIPA

Alors que dans son livre écrit en prison, l’ancien président Nicolas Sarkozy semble céder aux sirènes de l’union des droites et plutôt le négliger, Bruno Retailleau doit vite annoncer aux Français ses intentions pour la présidentielle –  et tourner la page de la guéguerre avec Laurent Wauquiez.


Il y a parfois de bonnes nouvelles dans l’actualité et dans les analyses politiques. Par exemple, quand je lis dans La Tribune Dimanche cet article de Ludovic Vigogne nous expliquant « pourquoi Bruno Retailleau va accélérer ».

Il me paraît évident que le président des Républicains n’a pas un arbitrage à opérer, mais un cumul à assumer, qui concerne à la fois le présent et l’avenir. Il a une mission fondamentale à remplir : redonner à la droite une image inventive, courageuse, libre, intègre et intelligente. Nul doute que cette entreprise pourrait déjà suffire à une personnalité ordinaire, mais j’ai la faiblesse de penser que Bruno Retailleau, malgré sa volonté de ne jamais apparaître comme supérieur ou condescendant à l’égard de ses concitoyens, échappe à cette banalisation et qu’il est capable de se préoccuper aussi bien d’aujourd’hui que de demain.

Demain, ce sera l’élection présidentielle de 2027. Quel que soit le mode de désignation qui sera choisi par les adhérents de LR et la qualité de ceux qui participeront probablement à ce débat capital – je songe tout particulièrement à David Lisnard -, comme les plus proches conseillers de Bruno Retailleau, je suis persuadé qu’il est urgent, pour lui, d’annoncer sa candidature aux Français.

J’imagine la richesse intellectuelle et politique qui naîtra d’un parti prêt à toutes les ruptures bienfaisantes qu’appellera un programme de véritable droite, et de sa reprise talentueuse et convaincante lors d’une campagne présidentielle où la sincérité, la constance et l’expérience feront la différence. Essayons d’imaginer en Bruno Retailleau un François Fillon tel qu’il fut lors de sa primaire conquérante, mais qui ne serait pas disqualifié par les sautes de son caractère ni par une imprévisibilité trop solitaire pour la victoire à atteindre.

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Il ne faut surtout pas que Retailleau se sente obligé de choisir entre ses responsabilités créatrices de président de parti et son devoir de faire gagner la droite en 2027. Les premières irrigueront le second, et son ambition présidentielle, déclarée au sein du parti, apportera puissance, densité et crédibilité à la révolution qu’il entend mener en son sein.

Ce dessein mené sur un double front sera aussi un moyen d’éradiquer la lutte sournoise ou ostensible que Laurent Wauquiez mène contre lui, déplorable posture de mauvais perdant qui a permis à Sébastien Lecornu de déployer ses manœuvres et ses connivences occultes au détriment de l’intérêt du pays. Laurent Wauquiez, qui dirige le groupe parlementaire, n’a pas le moindre scrupule à faire obstacle, de manière obsessionnelle, au président du parti ; mais j’espère qu’il adoptera une autre attitude face à un Retailleau candidat crédible et respecté à l’élection présidentielle. Rien n’est assuré, mais, sauf à considérer Wauquiez comme totalement irresponsable et cynique jusqu’à l’extrême, on peut encore croire à une embellie au bénéfice de 2027.

Cette annonce faite à la France, attendue par beaucoup, sera d’autant plus nécessaire qu’elle fera justice du reproche d’erreur tactique et de légèreté adressé à Bruno Retailleau, alors même que le défaut de loyauté qu’il a imputé à Sébastien Lecornu révèle bien davantage son authenticité humaine que sa maladresse politique. Lui faire grief de n’avoir pas démissionné à cause de l’Algérie, c’est oublier qu’il n’a cessé de se battre pour durcir la pratique molle d’une diplomatie dite offensive, offensive surtout à proportion de l’absence de risque, mais frileuse lorsque l’adversaire est de taille et fait peur.

Jusqu’à aujourd’hui, Bruno Retailleau a eu l’élégance de ne pas tirer toutes les conséquences de son éclatant triomphe face à Laurent Wauquiez pour la présidence du parti. On frémit à l’idée de ce qu’il aurait pu devenir sous cette autre égide ! Désormais, il doit sortir les griffes et ne plus accepter que l’on abuse de sa tolérance. Il ne s’agit pas seulement de lui, mais de la droite, de son avenir et du besoin qu’a le pays de sortir du macronisme, avec un homme véritablement de confiance.


Bardella : dur d’être favori pour la présidentielle !
En recevant le président du RN, jeudi dernier, le « Forum BFMTV » a établi son record d’audience et dépassé le million de téléspectateurs.
Le 11 décembre, lors de l’émission de trois heures qui lui était consacrée sur BFM TV, questionné longuement par une pluralité de citoyens, Jordan Bardella s’est efforcé de leur répondre tant bien que mal. La pertinence de ses répliques et de ses analyses pouvait évidemment être discutée ; mais ce qui m’a frappé – pour moi, c’était la première fois -, c’était l’extrême inconfort et le malaise de sa posture, ainsi que le caractère contraignant du comportement qu’on attendait de lui. Je l’ai trouvé d’une patience infinie ; pourtant, il n’était pas toujours facile de conserver un air souriant et aimable face à la teneur de certaines interrogations, qui relevaient davantage de l’affirmation ou de la pétition de principe que de l’expression d’incertitudes et de doutes susceptibles de justifier les éclaircissements du président du Rassemblement national.
Au-delà du ton péremptoire, parfois sommaire et presque condescendant de plusieurs interventions citoyennes, j’ai surtout admiré la résilience médiatique et politique de Jordan Bardella, fréquemment traité comme s’il en savait moins que quiconque par des interlocuteurs persuadés que leur présence sur le plateau légitimait un extrémisme de la forme, nourrissant l’illusion de leur supériorité face à un invité condamné à la retenue, toute réaction brutale pouvant aussitôt être interprétée comme un défaut d’écoute ou de tolérance disqualifiant…
J’ai songé – alors qu’en général j’avais plutôt tendance à envier le rôle de l’invité politique qui avait la chance de transmettre ses messages – combien il était presque douloureux d’être un politique aujourd’hui, même si nul ne les contraint à cette épreuve. Dans ces forums, le citoyen a tous les droits et il convient de le traiter avec délicatesse, même quand il est ignare. La démagogie est obligatoire : il faut dire à Dupont ou à Mohamed qu’il a en partie raison, même quand il a tout faux ! Je me suis dit, en considérant Jordan Bardella – pour ses successeurs ce sera la même chose, même si Jean-Luc Mélenchon, j’en suis persuadé, n’aurait pas cette résignation tranquille -, que la politique était vraiment devenue un sale métier, et qu’il fallait rendre grâce aux courageux qui continuaient à l’exercer. Autre chose m’a intéressé dans le questionnement politique adressé à Jordan Bardella ce soir-là : la difficulté manifeste à s’habituer à sa loyauté — pourtant probable — à l’égard de Marine Le Pen. Médias comme citoyens aspirent à de la jalousie et de la concurrence. Il y aurait comme un saisissement indigné si ce duo ne rejouait pas la rivalité Balladur–Chirac, s’il rompait avec cette obligation tacite de trahison selon laquelle une double ambition ne saurait s’exprimer sans rupture ni déchirement • PB



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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