Victime d’un viol commis par un multirécidiviste africain sous OQTF, le 11 novembre 2023, et après un procès largement médiatisé, Claire Géronimi a fait naître de cette tragédie l’association Éclats de Femmes, pour donner voix aux victimes, dénoncer les défaillances du système judiciaire et alerter sur l’insécurité grandissante en France. Elle est également la vice-présidente du parti UDR fondé par Éric Ciotti. À travers ces deux engagements, elle entend porter un féminisme concret et exigeant. Son livre, dans lequel elle racontera son parcours et son combat, sortira en janvier 2026. Rencontre.
Causeur. Un chiffre vient de tomber : en Île-de-France, 62 %[1] des agressions sexuelles dans les transports en commun seraient commises par des étrangers. Quand on vous accuse de faire un lien entre immigration et violences faites aux femmes, de stigmatiser ou d’instrumentaliser ces faits, que répondez-vous ?
Claire Géronimi. Tout part de là, j’ai été victime d’un viol sauvage, comme trop de femmes en France. Ce que j’ai vécu est indissociable de l’insécurité qui gangrène le quotidien. Dans les transports en commun, dans la rue, la nuit, partout… les femmes ont peur. Aujourd’hui, on partage notre localisation en temps réel à nos proches, on se couvre davantage, on évite certains trajets. Et ce n’est plus seulement dans les grandes villes, c’est partout.
Mon violeur avait 11 condamnations inscrites sur son casier judiciaire, c’était un multirécidiviste. Et comme lui, trop d’agresseurs restent sur le territoire alors qu’ils n’auraient jamais dû y être. Oui, il y a un problème d’immigration totalement hors de contrôle, et plus particulièrement avec les OQTF qui ne sont pas exécutées. Mon combat n’est pas parcellaire, il englobe à la fois la lutte contre les violences faites aux femmes, le rétablissement de la sécurité partout sur le territoire et la fin de cette impunité organisée. On ne peut pas défendre les femmes sans parler de tout cela.
À quel moment avez-vous choisi de transformer votre expérience personnelle en engagement concret pour les victimes ?
Je ne pouvais plus rester les bras croisés. Passer mes journées devant mon ordinateur à réfléchir à des stratégies business qui, au fond, m’importaient peu… ça ne me ressemblait plus. J’ai d’abord eu l’idée de créer le podcast Éclats de Femmes pour libérer la parole de femmes qu’on n’entend presque jamais, redonner ses lettres de noblesse au féminisme et porter mon féminisme, celui qui compte vraiment pour moi. J’ai invité des personnalités fortes comme Alizée Le Corre, Marie-Estelle Dupont, des psychologues, des avocats… L’objectif est de donner des clés concrètes aux victimes et d’offrir un micro à celles dont la voix est étouffée. Très vite, je me suis rendue compte qu’il manquait cruellement un accompagnement global pour ces femmes. J’ai donc créé l’association. Le podcast est sorti en septembre 2024, l’association a suivi en novembre. Et aujourd’hui, nous sommes déjà trois salariées.
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Vous auriez pu vous arrêter à l’engagement associatif. Pourquoi ajouter un engagement politique aux côtés d’Éric Ciotti ?
L’engagement social est essentiel, mais ses effets restent limités. L’association Éclats de Femmes est et restera apolitique, nous accompagnons toutes les victimes, du dépôt de plainte jusqu’au procès, avec une équipe juridique et psychologique. On ne porte pas de message politique, mais on ne va pas non plus cacher la réalité si une femme a été agressée par une personne sous OQTF, on le dit et on l’accompagne, point.
Éric Ciotti a été l’un des rares responsables politiques à me tendre la main dès le début, quand je cherchais des réponses concrètes du gouvernement quant à la présence de mon agresseur sur le territoire. Après la création de son parti, il m’a proposé de le rejoindre pour porter la voix des femmes à droite. J’ai longtemps réfléchi. Et puis je me suis dit que c’était une opportunité, défendre mon féminisme, oui, mais aussi m’engager sur les questions de sécurité et d’économie, des sujets qui me touchent en tant qu’ancienne entrepreneure. Pour faire vraiment bouger les lignes, il faut parfois être au cœur du réacteur. C’est le seul moyen de porter ses idées jusqu’au bout.
Vous avez affirmé à plusieurs reprises vous sentir seule et abandonnée.
Lors de mon agression, je me suis sentie abandonnée par les citoyens. Une voisine a entendu du bruit, a regardé dans la cour, mais n’est pas intervenue. Quand on entend une femme crier et du bruit de verre brisé, on ne sort pas de chez soi ? Cela pose une véritable question de responsabilité collective dans notre société. Une deuxième voisine m’a retrouvée en sang dans le hall de l’immeuble ; elle a fait fuir l’agresseur, mais ne m’a pas porté assistance car elle devait prendre un avion.
Après l’agression, malheureusement, comme je l’ai déjà dit dans de nombreuses interviews, j’en veux au système qui est mal conçu pour les victimes : on manque de soutien, une fois la plainte déposée.
Je me sens aussi abandonnée par le gouvernement. Depuis le début, j’ai pris la parole publiquement ; la moindre des choses aurait été un mea culpa, d’autant que j’ai créé une association. Ils n’ont pas envie d’affronter la réalité d’une victime agressée par une personne sous OQTF, car cela mettrait en lumière leurs propres défaillances. À l’époque, ni Bérangère Couillard ni Gérald Darmanin n’ont répondu à mes contacts. Aurore Bergé non plus n’a pas eu le courage de m’envoyer un message de soutien ou de me rencontrer avant le procès, malgré les demandes qui lui avaient été transmises.
Vous avez même évoqué, dans une interview, le fait que le système cherche à culpabiliser les victimes dans leurs démarches ?
Exactement. Lors des expertises psychiatriques pendant la phase d’instruction, mandatées par la CIVI (ndlr : Commission d’indemnisation des victimes), on se retrouve face à de vieux professionnels qui nous poussent dans nos retranchements. Les victimes devraient savoir qu’elles ont le droit d’être accompagnées par un avocat et un médecin conseil, ce qui n’est jamais précisé. On se retrouve seule dans une salle avec un expert de la CIVI et un psychiatre ; on m’a même reproché de ne pas avoir pris d’anxiolytiques, sous-entendant que cela réduirait mon indemnisation. Pendant l’instruction, les victimes ne sont pas réellement prises en considération. Les blessures physiques sont prises beaucoup plus au sérieux que les séquelles psychologiques, car elles sont plus faciles à mesurer. Pourtant, dans les cas de violences sexuelles, il y a très peu de blessures physiques visibles, hormis des bleus et des coups qui disparaissent au bout de six mois.
Mathilde, l’autre victime, et moi, avons commencé à avoir les gencives qui saignaient à l’approche du procès, un signe de stress intense qui persiste, mais cela n’a pas encore été comptabilisé comme dommage corporel. Je milite pour une réforme profonde de ce système.
Les féministes de gauche vous présentent comme une figure du « fémonationalisme ». Quel regard portez-vous sur ces féministes pour qui toutes les victimes ne se valent pas ?
Elles font du tri entre les victimes, discriminent et choisissent leurs combats, alors que ces causes devraient être transpartisanes. J’avais envoyé un message à Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes, sur LinkedIn ; le message a été vu, mais pas de réponse. D’autres associations m’ont répondu : « On ne peut pas vous aider. » À l’époque, j’étais en telle détresse que je n’ai pas insisté. Aujourd’hui, Anne-Cécile Mailfert m’insulte sur les réseaux sociaux… Des insultes indirectes sur l’instrumentalisation supposée de mon histoire par certains médias de droite, du fait que mon agresseur était sous OQTF. Je discuterais pourtant avec elles avec grand plaisir, mais la communication est aujourd’hui rendue impossible. Marlène Schiappa est l’une des seules à m’avoir soutenue, et je la remercie énormément. Elle a eu le courage de le faire. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, nous n’avons pas les mêmes idées politiques, mais nous sommes d’accord sur le fait que ce combat doit être transpartisan.
Pensez-vous que ces féministes de gauche seront amenées à perdre de leur influence ?
On le voit déjà dans les tendances politiques actuelles, donc oui, elles perdent déjà de l’influence. Lors de ma première manifestation féministe avec Éclats de femmes, j’ai essayé de négocier avec la police pour intégrer le cortège principal ; on m’a répondu que, pour ma sécurité, je devais rester en arrière avec Némésis et Nous Vivrons. Pourquoi le cortège appartient-il exclusivement aux associations féministes de gauche ? Pourquoi doivent-elles seules mener l’opinion des femmes ? En plus, ces féministes sont souvent violentes et discriminent les autres féministes. Leurs messages politiques sont terribles, avec des pancartes comme ACAB (ndlr : All Cops Are Bastards, « Tous les flics sont des salauds »).
La Fondation des femmes, institution reconnue d’utilité publique, n’est jamais connotée négativement, alors que mon association dérange immédiatement, bien qu’elle soit apolitique, uniquement à cause de mes positions politiques sur les OQTF. Nous sommes bannies et mal vues dès qu’on est perçues à droite. J’ai d’ailleurs perdu un contrat, nous fabriquions des bijoux au profit des victimes ; cette marque nous a demandé de supprimer la collaboration sous prétexte de pressions liées à nos partenariats. Cela me révolte, car la Fondation des femmes n’aurait jamais eu ce problème.
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Jordy Goukara, 26 ans, sous OQTF, multirécidiviste, délinquant depuis son adolescence… La peine qui a été prononcée[2] est-elle proportionnelle à la gravité des faits ?
Mon avocat m’a indiqué que la moyenne pour ce type de faits est de 12-13 ans et que la peine maximale est de 20 ans ; 18 ans est donc une peine lourde et satisfaisante. L’accusé ne fera sûrement pas appel. La justice a eu peur, car le procès était très médiatisé. Son comportement fait qu’en prison, il n’aura probablement pas d’aménagement de peine. À mi-peine, soit dans neuf ans, il pourra demander à purger le reste de sa condamnation en République centrafricaine. J’espère que ce sera le cas, qu’il partira pour que je n’entende plus jamais parler de lui.
Vous avez soutenu l’idée d’un projet de loi selon lequel l’État serait responsable lorsqu’une personne sous OQTF commet une agression. Qu’attendez- vous de ce texte ?
Il s’agit d’une proposition de loi développée par l’Institut pour la Justice. Nous étions allés voir Olivier Marleix (avant la scission LR/Ciotti) ; Christelle Morançais devait initialement la porter. Elle a été déposée en mars, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, mais elle est actuellement en stand-by. L’idée est de démontrer que l’État est fautif lorsqu’il n’exécute pas une OQTF et qu’une agression en découle, et de créer un fonds spécifique pour indemniser les victimes. Nous avions estimé qu’une victime doit débourser environ 35 000 € en frais d’avocat et de justice. Nous voulions montrer qu’il coûte finalement plus cher à l’État de ne pas appliquer les OQTF que d’indemniser correctement les victimes.
Quel regard portez-vous sur la vie politique française et ses acteurs ?
Je pense que les Français sont fatigués de l’instabilité politique actuelle. Cela contribue, par ricochet, à une société plus individualiste. J’échange régulièrement avec de nombreux entrepreneurs qui envisagent de quitter la France, qu’ils jugent trop fortement taxée. L’audiovisuel public s’en prend à Bernard Arnault, pourtant premier créateur de richesse du pays. Résultat : trop de très bons profils s’en vont, alimentant une véritable fuite des cerveaux, attirés par des perspectives jugées meilleures ailleurs. Pendant mon master HEC-Polytechnique, nous rêvions tous de créer une licorne ; malheureusement, les trois quarts de la promotion sont partis dans la Silicon Valley.
Quels sont vos vœux de fin d’année, pour vous et pour la France ?
Deux priorités. D’abord, que l’association continue de se développer. Nous avons déjà aidé 250 femmes, mais ce n’est pas suffisant. Nous avons besoin de recruter davantage de bénévoles, de soutiens matériels et financiers, et de renforcer l’équipe interne, j’aimerais pouvoir recruter deux personnes supplémentaires en 2026. Nous souhaitons également intervenir davantage dans les écoles et les entreprises sur les questions de violences sexistes et sexuelles, en proposant des formations qui ne soient pas wokistes. Pour la France, mon vœu le plus cher serait que plus aucune femme ne soit violée ou assassinée d’ici la fin de l’année.
Le hall d’entrée, Éditions Fayard. Sortie prévue le 28 janvier 2026.
[1] https://www.lejdd.fr/Societe/agressions-sexuelles-dans-les-transports-parisiens-la-part-des-auteurs-etrangers-en-hausse-164902
[2] Nldr : 18 ans de réclusion assortis d’une interdiction définitive du territoire.




