Notre contributrice répond aux accusations d’entremetteuse avec le RN qui lui sont adressées ces derniers jours dans la presse.
Les médias ont tout dit sur le Rassemblement national, et depuis des années : antirépublicain, populiste, infréquentable, démago, inculte, raciste, extrémiste, haineux, facho… Comme, semble-t-il désormais, 42% des Français[1] !
Il va donc falloir absolument trouver autre chose pour culpabiliser ceux qui pourraient ne pas manifester une détestation irréversible et notoire vis-à-vis de la droite nationale ; sachant, pour mémoire, que le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella ne s’appelle pas « extrême droite » mais « Rassemblement national ».
C’est ma fête
C’est maintenant la fête des patrons, qui n’en peuvent plus, car les médias se sont reportés sur eux, embusqués, les soupçonnant d’être des « collabos » du RN qui avancent masqués. Ainsi, comme le martèle Laurent Mauduit dans son dernier ouvrage[2], remontant pour cela à la guerre, nous, les patrons, aurions toujours fricoté avec les politiques les plus infréquentables. Dont acte.
Depuis quelques mois, et je peux en témoigner, nous sommes toutes les semaines interrogés sur nos rapports avec l’extrême droite au sens large. D’Éric Zemmour à Jordan Bardella en passant par Marion Maréchal, Éric Ciotti, et d’autres noms que nous ne connaissons même pas, nous sommes accusés de flirter avec de dangereux individus…
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Je suis désormais qualifiée d’« entremetteuse » au service du RN, alors que je n’ai jamais voté pour ce parti, dont je ne partage pas les valeurs, et que je me déclare — bien que mon combat pour les entreprises soit apolitique — soutien du libéral David Lisnard. Tout cela parce que j’ai été la première présidente d’un mouvement patronal à inviter Marine Le Pen, lors de l’élection de 2012, à débattre devant des patrons curieux ; et que, depuis, à chaque échéance politique, j’ai agi de la même manière avec l’ensemble des représentants des partis politiques. Gloire à LFI et à la gauche qui jamais ne nous ont répondu ni même parlé, leur honneur est sauf : les patrons à la lanterne !
Les patrons sont pragmatiques
Je vais aller plus loin : si par le plus grand des hasards, et comme annoncé actuellement par tous les sondeurs, arrivait au pouvoir suprême un membre du RN, je serais la première à rencontrer ses équipes pour défendre la seule cause qui nous importe, celle des entreprises, et tenter d’éviter les erreurs économiques programmées et fatales (comme le recul de l’âge de la retraite, etc.).
Les patrons vont ainsi, chapeau enfoncé jusqu’aux yeux, rasant les murs, cherchant les endroits discrets pour discuter économiquement avec les infréquentables, sur l’avenir que leur réserverait la fameuse « extrême droite ». Rappelons que tous sont d’accord sur ce constat: le RN n’est ni extrême ni de droite, il ne peut être qualifié d’« extrême » que dans sa détestation de l’immigration non-contrôlée.
Oui, il est de notre devoir de patrons de préparer l’avenir économique de la France et d’empêcher pour l’avenir le désastre que nous voyons déjà se profiler aujourd’hui. Oui, le RN reçoit les patrons, hélas plus que les autres partis et il nous écoute vraiment. Ne parlons pas de l’Élysée ou Matignon, aux abonnés absents, à moins qu’il ne s’agisse des présidents des trois organismes dits représentatifs. Oui, nous patrons, allons même jusqu’à leur transmettre nos rapports que personne d’autre ne lit et luttons pour informer et faire cette pédagogie qui manque cruellement. Expliquer nos constats, nos méthodes pour simplifier ou réformer… et même nos propositions, par exemple : accorder un permis de séjour de la durée du contrat de travail à un sans-papier. Car lesdits sans-papiers sous interdiction de travailler, s’ils présentent 12 feuilles de salaires d’affilée seront récompensés de leur désobéissance à l’État par un permis de travail en bonne et due forme ! Une honte.
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Mais la chasse aux patrons qui fréquentent épisodiquement le RN est donc lancée, et ils seront tous crucifiés au pilori médiatique ! Le phénomène s’amplifie, les journalistes veulent savoir… Qui connaissez-vous comme patrons qui voient le RN ? Et vous-mêmes, les avez-vous reçus ? Combien de fois ? À quelle date ? Vous étiez présente ? Qui vous accompagnait ? On ne dira rien, mais on peut les appeler de votre part ? Vous avez des noms précis ? Leurs coordonnées ? Les avez-vous revus après les avoir vus ? Communiquez-vous régulièrement avec eux par SMS ? etc. Quelles que soient ses réponses, la réputation du courageux sera incontestablement entachée par l’article à paraitre… Et si ce n’est pas le cas, c’est qu’il s’agit bien sûr d’un article d’une presse infréquentable (c’est-à-dire au mieux, « de droite » !)
Cette presse d’investigation réalise-t-elle qu’en cherchant à marginaliser le RN, elle contribue à sa progression ? Les patrons, inquiets pour l’avenir, veulent désormais se faire entendre en tentant d’influencer un parti qu’ils jugent proche du pouvoir, notamment pour infléchir son programme économique. Comment ne pas avoir envie d’encourager la glissade de Jordan Berdella vers des rivages libéraux ? Beaucoup espèrent ainsi orienter Jordan Bardella vers une ligne plus libérale, convaincus qu’un parti « jamais essayé » pourrait accéder au pouvoir.
Dans un paysage politique jugé verrouillé, les chefs d’entreprise, qui votent avant tout pour la survie de leur activité, cherchent à anticiper et peser sur l’avenir, y compris auprès de partis qu’ils ne soutiennent pas naturellement.
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[1] 42% des Français ont déjà voté pour le RN ou un candidat RN selon un sondage réalisé par IFOP-Fiducial pour le JDD et Sud Radio, ce qui démontre que le processus de respectabilisation du parti de Jordan Bardella progresse.
[2] Collaborations, Enquête sur l’extrême droite et les milieux d’affaires, La Découverte, 2025
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