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Petit recueil des maladies de la droite

Pour une droite d'insurgés


Petit recueil des maladies de la droite
François Fillon au Trocadéro pendant la dernière élection présidentielle française © Laurence Geai/SIPA

 


La politique a quelque chose à voir avec la drague. Il n’est pas nécessaire d’être beau pour triompher. Il suffit parfois d’être malin et audacieux et surtout de saisir l’opportunité qui ne se présente qu’une seule fois.


La droite française (tous courants confondus) est un dragueur malchanceux, un prétendant éternellement reconduit qui s’est habitué à l’échec. Il regarde ses concurrents faire la fête et rumine, seul dans son coin : « j’avais cru que cette fois était la bonne, mais qu’est-ce qu’elle peut bien leur trouver à ces tocards ? ».

Or, nous le savons tous : ce n’est pas du côté de la personne désirée que le problème se trouve, c’est plutôt le candidat malheureux qui doit faire son autocritique et rectifier le tir.

Les progressistes sont certes bourrés de défauts mais ils assurent l’essentiel en fixant un cap : le vivre-ensemble, une fable censée autoriser le bonheur narcissique de toutes les « individualités » sans se soucier des conséquences de leurs actes. Leur promesse est ridicule mais la droite n’a rien à offrir de mieux, jusqu’à nouvel ordre

Cet article se propose donc de recenser les causes principales du « blocage » de la droite française dans une perspective pratique et opérationnelle.

Un problème idéologique

Commençons d’abord par les obstacles d’ordre idéologique. Des archaïsmes de la pensée de droite, très difficiles à déraciner.

La démographie joue contre la droite dans le sens où l’immigration fausse le résultat électoral en faisant pencher la balance à gauche. Si les progressistes adorent les migrants, ce n’est pas par humanisme (qui peut souhaiter à son prochain de passer un hiver à Calais ou en bas du périphérique ?). Ils savent très bien que les régularisations finissent, à la longue, par leur donner un coup de pouce électoral.

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Cet enfumage est particulièrement dur à avaler lorsque l’on sait que les diasporas sont, de cœur et d’esprit, alignées sur le programme conservateur le plus traditionaliste. À la limite de la caricature même : anti-avortement, anti-PMA, allergie au féminisme, etc.

Au lieu de se saisir de ce réservoir de sentiments conservateurs, la droite française tourne par exemple le dos au vote musulman. La tête haute, elle cède ce vote à la gauche et aux listes communautaires naissantes. La conscience tranquille, elle assiste au hold-up des suffrages musulmans par ceux qui spécialisent les immigrés dans le rap, le foot et l’assistanat.

Quel gâchis !  Car avec un peu d’audace, il serait possible de capter le vote des immigrés les moins aisés et les moins assimilés. Contrairement à l’opinion commune, les immigrés ayant réussi votent Macron comme ils auraient voté DSK s’il n’y avait pas eu l’accident de New-York : ils raisonnent déjà en tant que vainqueurs de la mondialisation et du projet européen. La mine d’or gît sous les pieds des classes populaires d’origine extra-européenne, qu’il s’agisse de la petite bourgeoisie (hantée par la peur du déclassement) ou des prolétaires (perdus dans une société libertaire qui se suicide à petit feu). Ces deux catégories ressentent le choc de la post-modernité et sont encore plus « sonnées » que les Français de souche. Face à l’accélération du monde, elles veulent des cadres, des règles rigides et des limites. Ce sentiment de désarroi, cette insécurité morale de l’immigré est la matière première de la politique pour la dizaine de millions d’extra-européens qui vivent sur le sol français. Qui s’en saisira aura une longueur d’avance dans la course à l’Élysée.  Pour cela, il faut oser penser en dehors des sentiers battus.

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Ces propos peuvent surprendre, il n’empêche : la remise en cause idéologique est nécessaire après tant de déconvenues électorales et elle exige des mesures d’exception. Autrement, la droite risque de se momifier pour devenir un témoignage vivant d’une France qui n’existe plus.

Cette France d’avant était grandiose, elle forçait l’admiration du monde entier mais elle a disparu. Il ne sert à rien de se lamenter car les électeurs ne votent pas pour les professionnels du deuil et de la lamentation : deux spécialités de la droite française. Ils aiment le courage car faire de la politique requiert beaucoup de courage. Ils aiment aussi les belles histoires qui fédèrent les gens de bonne volonté, ils veulent entendre un récit où chacun a une place et surtout où chacun reste à sa place : les chefs naturels aux manettes, les élites dans le rôle du co-pilote compétent et attaché au bien commun, et enfin le peuple qui accompagne de son poids l’élan venu d’en haut.

Quel est donc ce grand récit de la droite ? J’ai beau chercher, je ne le trouve pas. Lire les programmes des différents courants de la droite française, des libéraux aux populistes, revient à faire une promenade dans un tas de ruines (la patrie, l’identité) et d’ouvrages abandonnés en cours de construction (dont le projet européen). Les progressistes sont certes bourrés de défauts mais ils assurent l’essentiel en fixant un cap : le vivre-ensemble, une fable censée autoriser le bonheur narcissique de toutes les « individualités » sans se soucier des conséquences de leurs actes. Leur promesse est ridicule mais la droite n’a rien à offrir de mieux, jusqu’à nouvel ordre.

Trop bon, trop con

Parmi les obstacles les plus redoutables au succès de la droite, se trouvent les défauts inhérents à sa manière d’être. Permettez-moi de les décrire sans ambages.

Elle est trop gentille. Personne n’a peur de la droite alors que tout le monde tremble à l’idée d’énerver les islamistes ou de se faire « blacklister » par les progressistes. C’est bien la première fois que l’outsider renonce à utiliser les armes propres à l’outsider qui sont une certaine violence, l’effet de surprise et l’esprit de meute.

À force d’être bien élevée, la droite laisse aux autres le soin de faire des opérations coup de poing qui impressionnent l’adversaire et désarticulent ses appuis. Je rêve du jour où des militants de droite occuperont (pacifiquement) les locaux de France Inter ! Qu’ils s’inspirent de ladite « base » de la CGT qui se permet d’envahir le siège de la CFDT. Opération discutable sur le plan moral mais… admirable sur le plan tactique. Il n’y a aucune raison pour que la gauche détienne le monopole des méthodes musclées.

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L’excès de gentillesse de la droite est aggravé par un manque total de solidarité interne. L’on parle à tout bout de champ d’unions des droites mais il faudrait commencer par créer un esprit de famille. Un sentiment de solidarité entre les différentes sensibilités de droite. À l’ennemi, je réserve la diatribe et l’hostilité ; aux membres de ma famille, j’offre l’esprit de dialogue le plus abouti. La gauche fait pareil depuis le début de son aventure. Résultat : elle n’a aucun mal à se dire « plurielle » quand elle est faible et à se quereller, face caméra, lorsqu’elle est en position de force.

Des problèmes de méthode

Les méthodes de la droite sont, non seulement teintées de candeur, mais largement en deçà du défi à relever. La droite doit monter une falaise, les mains enduites de graisse ! Elle a tout perdu : les universités, les lycées, les médias, les quartiers huppés (convertis au macronisme!) ainsi que les cités populaires (réservoirs de violence révolutionnaire).

Ce défi extraordinaire exige des méthodes de rupture notamment en ce qui concerne la communication et l’influence. Or, il n’y a pas de télévision de droite. Les Américains ont Fox News, les Italiens ont Rai 2 et la droite française n’a rien. Jusqu’à quand ? TV Libertés est certainement une belle initiative mais elle n’est assumée par aucun parti de droite. Assumer veut dire y envoyer ses cadres chaque jour, en parler au parlement, y inviter ses concurrents pour débattre…

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L’émotion d’abord, la réflexion ensuite

Enfin, le plus grand manquement de la droite consiste en son incapacité à jouer sur les émotions. Or, ce sont les sentiments qui déterminent le vote. Ceux qui remportent la mise ont réussi, au préalable, à communiquer avec l’électeur sur le plan émotionnel. La révolution est toujours une rencontre violente entre deux sentiments enflammés et antagonistes : la soif de revanche des laissés-pour-compte et l’angoisse de ceux qui ont tout à perdre. Or, pour la première fois depuis longtemps, la droite évolue dans l’univers émotionnel des laissés-pour-compte : comme eux, elle est en colère contre les élites ; comme eux, elle a peur de l’avenir. Quel formidable gisement d’énergie révolutionnaire !

Il n’y a rien de bien sorcier là-dedans. Il suffit que la droite admette qu’elle est un outsider qui ne peut plus se comporter comme un bon élève, toujours prompt à suivre les règles du jeu fixées par la maîtresse. C’est peut-être ça le plus difficile : amener des gens issus du système à envisager que leur seul moyen de conquérir le pouvoir est de se comporter comme des insurgés.

Le jeu en vaut la chandelle car le progressisme ne tombera pas à la régulière, il a beau être faible, il ne laissera aucune chance aux naïfs et aux mous.



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Ecrivain et diplômé en sciences politiques, il vient de publier "De la diversité au séparatisme", un ebook consacré à la société française et disponible sur son site web: www.drissghali.com/ebook. Ses titres précédents sont: "Mon père, le Maroc et moi" et "David Galula et la théorie de la contre-insurrection".

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