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Le maître des horloges

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Dans une biographie consacrée à François Nourissier (1927-2011), pape florentin de l’édition aux éditions Le cherche midi, l’historien François Chaubet nous invite à un voyage au cœur des lettres françaises…


C’était donc ça, le pays imaginaire des éditeurs et des prix d’automne, de l’influence de la critique à l’arithmétique des jurys, des puissantes rédactions de « News magazine » aux Académies nourricières. Du manuscrit à la dotation, il y avait un « seul » homme, architecte neurasthénique, lecteur aussi avide que désespéré, barbe blanche et grisaille permanente, moteur du Goncourt et inlassable manouvrier de Grasset, derrière cette machinerie des livres. Un peu vaine et qui, cependant, mobilisa tant de connivences, d’amertumes et de talents durant la deuxième moitié du XXème siècle. Il fallait voir ça au moins une fois dans sa vie, vivre les intenses tractations de l’été avant la distribution de novembre, les combinazione, les coulisses, les passations de contrat, les jalousies entre maisons, les fausses valeurs et les vrais écrivains au coude-à-coude, l’esprit boutiquier au service de la littérature. Balzac en mondovision. Un homme maîtrisait à la perfection cette grammaire des égos. Un homme de pouvoir, touché par la maladie, longtemps considéré comme le grand manitou des rentrées, faiseur de prix et déclencheur de vocations, aujourd’hui totalement oublié. On le voyait chez Pivot à côté de Jean d’O ou d’Hergé et au premier étage du Drouant rue Gaillon sous une nuée de photographes, à Trente Millions d’amis et dans les colonnes du Figaro Magazine, Ardisson lui réservait une table de choix le samedi soir. L’édition a changé. Plus éphémère, plus brutale aussi, soumise à la concurrence d’autres sources de « distraction » et à une certaine indifférence. Elle ne fait plus recette. Les bibliothèques ont disparu des intérieurs bourgeois. Même si le livre résiste quelque peu dans notre pays par habitude, il n’a plus l’aura, l’éclat et le ressac du passé. François Nourissier était le dépositaire de cette vieille fille qui avait le charme des veuves anglaises de guerre à ombrelles et à voilettes. Sous son règne, la vieille dame perdue dans son cottage avait encore du ressort et des secrets à nous dire.

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Aux éditions Le cherche midi, François Chaubet s’est lancé dans une sérieuse biographie qui éclaire ce personnage jadis central des lettres françaises à travers son parcours professionnel et surtout ses livres. L’historien a le désir de percer le mystère de cet écrivain compliqué, oscillant entre la détestation de lui-même et porté par de hautes ambitions créatrices. Un personnage impénétrable, honni par certains, à la fois grenouillant dans la mare aux livres et jamais dupe de son propre manège. Dans son entreprise de réhabilitation, Chaubet veut sauver le « soldat » Nourissier de l’oubli. Que l’on ne garde pas seulement en mémoire cette image de commandeur des lettres aux méthodes florentines. Nourissier a incarné les dérives d’un système où la tractation et le « lobbying » étaient érigés en art de la conquête commerciale. C’est oublier que le livre demeure un produit intellectuel et marchand, cette dualité-là implique des accommodements avec la vérité. « Mais qu’advient-il de son œuvre, dissimulée au fil des ans derrière ce profil exclusif d’un homme de pur pouvoir ? » se demande l’historien, dès le préambule. Nourissier a tout fait pour rendre cette tâche ardue tant par son caractère sombre que par ses manières « grand siècle ». Nourissier avait une très haute estime de la littérature et du dénigrement de soi. Chaubet remonte le fil de cette enfance gênée en mal d’amour, le garçon a perdu tôt son père dans un cinéma, la défaite de 40, les lectures intensives et enfin la découverte d’un idéal : écrire. Il écrira beaucoup dans les journaux entre des mariages ratés et des achats compulsifs de belles demeures. Chez Nourissier, la réussite professionnelle cache maladroitement un désarroi profond. La défaite intérieure l’emporte sur le brio extérieur. Bernard Frank a écrit: « Nourissier, c’est une nature malheureuse » lors de la parution de La Crève. Chaubet nous invite à (re)lire Un petit bourgeois ou Le Musée de l’Homme, il le défend avec conviction et loue son style : « Mais quel gouffre entre son art ciselé, tremblé mais distillé (style, rythme, accélérations et ralentissements) et celui de certains auteurs contemporains (é)perdus dans leur narcissisme victimaire sans filtre, où l’univers de surcroît, n’est plus que le reflet d’eux-mêmes ». Chaubert a du souffle pour rameuter de nouveaux lecteurs tentés par l’expérience d’une écriture abrasive. Cette biographie vaut aussi pour l’atmosphère d’époque, elle nous révèle jusqu’aux détails chiffrés des avances et des pourcentages de vente et revient sur les amitiés sincères et durables avec Christine de Rivoyre, Edmonde Charles-Roux, Michel Déon ou Jacques Chessex. Souvent rattaché, par facilité, à la galaxie des Hussards, il partageait avec Nimier la même exigence littéraire, il fut notamment coopté par Chardonne et Morand, il dirigea la rédaction de La Parisienne sous la tutelle de Jacques Laurent, Nourissier était assez éloigné politiquement d’eux sur les questions de décolonisation. Mendésiste de cœur, puis chiraquien de « raison », compagnon de route d’Aragon et fidèle de Pauwels, ancien « pauvre » devenu « riche », sa trajectoire n’a rien de linéaire. « Je voudrais mourir sans qu’on m’accuse d’être un homme de droite » déclara-t-il dans Bouillon de culture en avril 2000.


François Nourissier – Au cœur des lettres françaises de François Chaubet – le cherche midi 368 pages

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Toussaint africaine

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Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


Voulait-elle l’ensoleiller ? Cela restera toujours pour moi un mystère. Une chose est sûre : ma Sauvageonne a fait de ce samedi 1er novembre 2025, une Toussaint africaine. Elle avait reçu une invitation du peintre-chanteur-musicien François Mafoua qui, ce jour-là, procédait à l’inauguration de son exposition au Marott Street, à Amiens. « Je l’ai croisé à Amiens il y a longtemps, très longtemps », me dit-elle, en passant une main distraite dans sa crinière folle et ébouriffée. Cet artiste a de la mémoire.

La Toussaint, tout novembre, en fait, m’en procure à moi aussi. Les chrysanthèmes font fleurir en moins des souvenirs enfantins. Tergnier. Le cimetière ; la brume. Des tombes. Celle de mes grands-parents partenels, d’abord, à partir de 1968, puis celle d’oncles, de tantes, d’amis, au fil des années qui s’égrenèrent, lamentables, bien plus vite que je ne l’eusse souhaité. La Toussaint ; fêter les morts. Tu parles ! Je préfèrerai boire un verre avec eux. Avec mes copains, dans le désordre : Gilles Gaudefroy dit Fabert, Michel Laurent (que j’ai surnommé Rico dans mon roman Des petits bals sans importance ; il repose dans le cimetière de Beautor caressé par les odeurs de métal écorché des ALB – Aciéries et Laminoirs de Beautor -), Jean Brugnon, éclusier et roadie élégant comme un Ray Davies de Fargniers, Gérard Lopez, dit Dadack (ami de la prime enfance ; je lui avais appris à faire du vélo ; pour me remercier, dix ans plus tard, il me fit découvrir Procol Harum et Rory Gallagher, puis devint le bassiste-chanteur de notre groupe de rock Purin au cours des glorieuses seventies), Catherine Caille et Florence Bacro, petites-amies trop tôt parties, Frédéric Dejuck, guitariste au phrasé claptonnien, Joël Caron, saxophoniste-flûtiste de mes années saint-quentinoises, et d’autres, tant d’autres, trop d’autres.

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Vous le voyez, lectrices adulées, novembre me rend joyeux. C’est dire si j’avais besoin de lumière, de soleil. La Sauvageonne et François Mafoua m’en procurèrent. Ce dernier a vécu à Amiens du début des années 90 jusqu’en 2004. Au Marott Street où il exposait une cinquantaine de toiles colorées, réalisées à partir du monde végétal et animal (il utilise des feuilles dans ses toiles et, parfois, des coquilles d’escargots comme pinceaux), et inspirés par son pays d’origine : le Congo ; il avait convié ses amis. Agé de 75 ans, arrivé en France il y a quarante ans, après avoir vécu à Paris, il réside aujourd’hui à Caen, dans le Calvados où il a ouvert une galerie. Ses œuvres ont été appréciées par des célébrités puisque le couple Mitterrand lui acheta des toiles ; il en fut de même pour Raymond Devos. En novembre 1990, il avait été invité dans une école primaire à Allonville, près d’Amiens, en même temps que Danielle Mitterrand, épouse du briseur du Parti communiste français. Ensemble, ils avaient créé une sculpture qui ressemblait à un masque africain. Puis avaient fait connaissance…

Au Marott Street, il agrémenta l’inauguration d’un concert en compagnie de son groupe African’Rumba (Pablo, batterie ; Vincent, guitare ; Jack, basse). L’artiste chante et joue aussi du kalimba. « Notre musique est un mélange de soul, de rumba, de reggae et de musiques caribéennes. Mon kalimba, je l’ai agrandi et électrifié ; c’est mon Mafouaphone », sourit-il. Le 22 novembre, il exposera à la galerie du Delta, 26, rue de Delta, dans le XIXe arrondissement, à Paris. Début décembre, il présentera et jouera, accompagné d’une chorale, dans une église de Verdun. Il n’arrête pas, ma foi !

Yann Andréa, viagra littéraire de Duras

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Yann Andréa, qui ne s’appelait pas encore Andréa, est entré dans la vie de Marguerite Duras un été de pluie et de vent, en 1980. Il a frappé à la porte de son appartement des Roches noires, un ancien hôtel de luxe face à la mer. Elle s’ennuyait, Duras, regardait la mer jusqu’au rien, avec cette mélancolie des pétroliers au large du cap d’Antifer dans le cœur. Elle écrivait des chroniques commandées par Serge July, le patron de Libération. Elle mélangeait fiction et réel. Elle écrivait, mais la pluie d’été la tenait éloignée de l’écriture médiumnique, celle qui bouleverse et permet d’entrer dans l’univers hypnotique, le sien. Elle buvait beaucoup, allait au Central, commandait toujours la même chose, langoustines et vin blanc ; elle avait 66 ans, le visage détruit, éboulé d’un coup. Elle portait sa jupe pied-de-poule, son gilet de cuir marron, ses grosses lunettes. Yann Andréa était plus jeune, presque 40 ans de moins, il rêvait de Duras depuis la lecture des Petits Chevaux de Tarquinia. Il buvait un Campari et fantasmait sur la romancière. Il était homosexuel, fréquentait Barthes, mais c’était avec Duras qu’il voulait vivre. Il lui avait écrit, elle n’avait pas répondu.

Cet amour-là

Il l’avait rencontrée en 1975, après la projection de India Song, sur le parking du cinéma Lux, à Caen, en novembre. Yann s’appelait encore Lemée, c’était un jeune homme un peu paumé, ailleurs, maigre et élégant, il avait suivi des études de philosophie en Khâgne et fait la fête dans des boites branchées. Il a revu Duras, le destin l’exigeait. Il ne l’a plus jamais quittée. Il est devenu le fantôme auprès d’elle, venu de nulle part et reparti nulle part. Il a veillé sur l’auteure de L’Amant, prix Goncourt 84, jusqu’à ce jour funeste de mars, le 3, un dimanche, où elle a quitté la piste du bal du casino de la vie, où l’on finit toujours par miser sur la mauvaise couleur. Mais, privilège exorbitant de l’écrivain, ses personnages, leur inoubliable nom, les ambiances portuaires propices au secret, la robe rouge d’Anne-Marie Stretter, l’absence des regards au retour de La Douleur, l’amour sans cesse contrarié et sans cesse recommencé – « il n’y a pas de vacances à l’amour » –, le Gange millénaire, embarqués sur Le Navire Night, perdurent toujours. Yann Andréa a continué seul son errance dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, à la recherche du fantôme de M.D., lui le fantôme sans identité. Il a fini par mourir dans une chambre, un jour indéterminé de juillet 2014. Les voisins ont appelé la police, incommodés par l’odeur du corps en décomposition. Après la mort de M.D., il avait signé le poignant Cet amour-là.

Frustration

Ce « Bartleby au glorieux désœuvrement » méritait bien un livre. Julie Brafman, chroniqueuse judiciaire, a relevé le défi d’écrire sur un homme qui a tout fait pour qu’on ne parlât jamais de lui. Son récit, Yann dans la nuit, se lit comme un roman, et cela tient en éveil tard dans la nuit, justement. Ce couple baroque, Duras/Yann, décidément, fascine. Julie Brafman a mené une enquête existentielle qui l’a conduite à l’IMEC, d’abord, où elle n’a pu consulter que quelques cartons « Yann Andréa », la plupart étant estampillés « non consultable ». Mais elle ne s’est pas découragée. Elle a cherché, plusieurs lettres, des phrases écrites sur le dos d’un chèque, des notes ici ou là, une piste ténue pour un homme en pointillé, hanté par quelque chose qui le dépassait : vivre. Elle a ensuite découvert la « chambre rose » avec un meuble en plastique où les traces de l’existence de Yann Lemée, devenu Yann Andréa, puis Yann Andréa Steiner, débordaient des tiroirs, comme le Gange sort de son lit à la mousson. Après avoir refermé le livre, on en sait un peu plus sur l’amant maltraité par Duras. Il y a les colères, les réconciliations, la chanson Capri c’est fini en boucle, la soupe aux poireaux avec l’indispensable pomme de terre, l’alcool jusqu’à l’hospitalisation… Yann est là, il veille sur M.D. qui lui en veut de ne pas répondre à son désir. Elle devient grossière, méchante, elle écrit La Maladie de la mort, on lui reproche ce court récit violent contre l’homosexualité. Yann tape le texte dirigé contre lui. Il est au bord des larmes, mais il le fait, il le tape, il le lit même à haute voix, exigence de M.D. Julie Brafman dit : « Alors il répète que la fusion impossible des corps est une fatalité. Une malédiction. Une désolation. Il répète la tragédie de cet homme qui paye une jeune femme pour avoir des relations sexuelles. » C’est « l’aventure tragique de l’écriture. » Elle brûle tout sur son passage, consume les êtres, abolit le temps. Julie Brafman rappelle que Duras et Yann étaient deux experts en fausse confession. Ils ont dupé les biographes ; ils ont trompé les lecteurs, mais ils ont rêvé, ces lecteurs, et ils rêvent encore au ravissement de cette Lol V. Stein. Duras invente le monde entier. « L’illusion marche parfaitement, ajoute Brafman, Le Gange coule sous les viaducs de la Seine-et-Oise. Personne n’oserait prétendre le contraire. » La transfiguration, chez Duras, atteint la perfection somnambulique.

Yann Andréa est un élément clé dans la vie de Duras. Ce fantôme en cravate coccinelles sillonne entre les lignes des meilleurs récits de M.D. Il a régénéré sa puissance créatrice ensablée sur la plage de Trouville. Alors est né le « cycle atlantique ». On le devine dans les bars de palace, il arpente les collines normandes à la recherche de beaux corps virils, il est lui-même ce corps allongé et nu dans Les Yeux bleus cheveux noirs, il est partout de 1980 à 1993, et elle, elle attend l’impossible pénétration. Julie Brafman écrit : « Yann Andréa traverse les textes, de page en page, avec son sac en toile et son parapluie noir alors qu’il fait beau. Incapable d’aimer. »

La frustration, moteur durassien ? Il ne me déplait pas de le penser.

Julie Brafman, Yann dans la nuit, Flammarion. 336 pages

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Une histoire belge (pas drôle)

À l’inverse des États-Unis, du Royaume-Uni et de la Suède, la France, la Belgique et l’UE continuent de promouvoir le transgenrisme.


En France, le 16 juin, une décision-cadre du Défenseur des droits, Claire Hédon, « relative au respect de l’identité de genre des personnes transgenres » a vu le jour dans l’indifférence générale. Elle préconise pourtant « d’autoriser les mineurs non émancipés à changer de sexe à l’état civil » et de faire respecter le choix de l’identité de genre des jeunes « au niveau des établissements scolaires » et dans les milieux sportifs. De son côté, la Commission européenne a présenté le 8 octobre sa « Stratégie pour l’égalité LGBTQI+ 2026-2030 » prévoyant la possibilité d’une « auto-détermination genrée libre de restrictions d’âge ». D’aucuns pensaient que la Belgique était seulement corrompue par l’islamisation de sa société ; ils avaient tort car l’épidémie woke s’y répand également. Les délires des « déconstructeurs » touchent maintenant tous les milieux.

A lire aussi, du même auteur: Chronique d’un scandale politico-médiatique dont France Inter se serait bien passé

Ainsi dans le Brabant flamand, le directeur adjoint d’une école catholique a déclaré être « une personne non binaire » et, par conséquent, ne plus « se reconnaître dans les formules monsieur ou madame ». Cet être incertain demande qu’on l’appelle simplement « adjoint ». Magnanime, il concède que des professeurs et des élèves puissent encore « utiliser le mot “monsieur” par mégarde ». Il leur recommande toutefois d’éviter de se tromper à l’avenir. Un professeur de droit interviewé par le média belge Sudinfo rappelle en effet que le « non-respect de l’identité de genre » peut entraîner des sanctions pénales : « Un employeur risque jusqu’à six mois de salaire brut de dédommagement, et un collègue des poursuites pénales. En ce qui concerne les élèves mineurs, la responsabilité légale incombe aux parents. »

Le souvenir d’un texte juridique permettant de punir des personnes ayant appelé un homme « monsieur » amusera sûrement les juristes de la fin de ce siècle. Surtout si, comme le laissent craindre les transformations en cours en Belgique et ailleurs en Europe, de nouvelles lois religieuses finissent par supplanter les ordonnances wokes.

L’exercice chaotique du biopic

Dans L’Inconnu de la Grande Arche, de Stéphane Demoustier, Michel Fau incarne François Mitterrand de manière troublante. Son secret: ne pas imiter mais évoquer. C’est tout l’inverse de ce que font la plupart des acteurs qui jouent le rôle d’un personnage réel. Aussi dézingue-t-il joyeusement Cotillard en Piaf, Niney en Saint Laurent ou Wilson en de Gaulle.


Causeur. Je vous ai toujours entendu critiquer les biopics et dire votre désintérêt pour ce genre. Vous m’avez parlé de l’impasse artistique dans laquelle se retrouvaient beaucoup d’acteurs s’attelant à jouer des personnages réels dont tout le monde connaissait et le visage, et la voix. Pourquoi avez-vous accepté la proposition de Stéphane Demoustier d’incarner Mitterrand ?

Michel Fau. J’avais déjà accepté de jouer des personnages historiques mais dont, effectivement, nous n’avions pas de trace filmée. J’ai par exemple joué pour la télévision Louis XVI ou encore Balzac, dans le film d’Arielle Dombasle Les Secrets de la princesse de Cadignan. Mais jouer un personnage dont tout le monde connaît la voix, le physique, la gestuelle, les tics, je trouve ça très casse-gueule. Et la plupart des acteurs s’y cassent d’ailleurs la gueule. C’est un piège.

Que faut-il ne surtout pas faire lorsqu’on joue un personnage connu de tous, selon vous ?

Ce qu’il ne faut pas faire, c’est ce que font la plupart des acteurs, c’est-à-dire vouloir absolument ressembler le plus possible au personnage réel. Que ce soit dans la voix, le phrasé ou dans le physique. Je trouve que c’est inintéressant. Quand je regarde La Conquête, film dans lequel Denis Podalydès joue Sarkozy, je trouve ça pathétique. On dirait l’imitateur Michel Guidoni dans son numéro de Sarko ! On se croirait au théâtre des Deux-Ânes. Je n’ai rien contre les chansonniers et les imitateurs, mais dans un film de cinéma, c’est-à-dire dans ce qui devrait être une œuvre d’art, ce n’est pas ce que je viens chercher ! Pour moi, c’est exactement l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire. C’est une imitation de Sarkozy. Une simple imitation. Je me demande où est le geste artistique là-dedans. C’est souvent le problème lorsque les acteurs jouent des personnages réels. On sent qu’ils ont passé des heures à regarder des vidéos de la personne qu’ils doivent incarner. Ils essaient de reproduire les moindres gestes. Parfois même, les réalisateurs leur demandent de jouer des scènes qu’on a vues en vidéo. Pour moi, c’est la négation de l’acteur. D’ailleurs, je crois qu’aucun grand acteur n’a jamais accepté ce genre de choses. Les grands acteurs acceptent de jouer un personnage réel connu s’ils ont une marge de manœuvre personnelle, s’il y a une place pour la création et pour l’imaginaire.

Tout cela n’explique pas pourquoi, cette fois, vous avez accepté !

D’abord j’ai trouvé le scénario de Demoustier formidable. Il fait de cette histoire réelle un conte, une farce effrayante et grotesque. Cependant, j’ai vraiment dit oui quand j’ai compris que Demoustier était sur la même longueur d’onde que moi, c’est-à-dire qu’il ne désirait pas que je fasse une imitation de Mitterrand. Ce qu’on voulait tous les deux, c’était que j’incarne la vanité du pouvoir. Donc pas de faux crâne, pas de dentier !

Bouquet était votre professeur au conservatoire, il est resté votre maître, et vous avez monté avec lui Tartuffe, dans lequel il jouait Orgon. C’est drôle que l’on vous propose à vous d’incarner Mitterrand comme Guédiguian l’avait proposé à Bouquet il y a vingt ans. Vous y avez forcément pensé… ?

Bien sûr. D’autant que le travail de Bouquet dans ce film, Le Promeneur du Champ-de-Mars, était selon moi exemplaire de ce qu’il faut faire pour jouer un personnage réel et connu. Il n’était pas dans l’imitation, il fuyait l’anecdote. Il m’a dit un jour : « Dans ce film j’ai cherché à jouer un représentant de commerce qui se prenait pour le roi Lear. Je n’ai jamais cherché à imiter Mitterrand. » Et l’immense réussite, c’est que lorsqu’on regarde le film, on voit Bouquet avec sa voix reconnaissable entre toutes, avec sa musique très particulière, son chant à lui, sa diction. Les imbéciles diraient en se moquant qu’il fait du Bouquet. Mais il fait du Bouquet comme Depardieu fait du Depardieu ou comme Jouvet faisait du Jouvet. Il est de cette race-là. Une personnalité écrasante et omniprésente. J’en reviens donc à mon propos. Dans ce film on voit Bouquet, on voit que c’est lui ! Mais malgré tout on voit aussi Mitterrand en transparence alors qu’il ne l’imite absolument pas. Comme si deux masques se mêlaient. C’est extrêmement troublant ça. Parvenir à nous faire voir Mitterrand sans chercher à lui ressembler. Et c’est ainsi que nous saute aux yeux l’âme de Mitterrand. C’est ainsi que nous saute aux yeux l’essence invisible de ce personnage !

Pour vous préparer, vous n’avez pas travaillé sur les interviews de Mitterrand ou d’autres archives audiovisuelles ?

Non. Après, évidemment, comme tous les Français, je connaissais déjà sa voix et son personnage. Mais je n’ai pas voulu reproduire le moindre détail de son physique ou de sa voix. Sauf une fois. Dans la scène où l’architecte présente le projet de la Grande Arche à Mitterrand, Demoustier m’a demandé de me mettre à quatre pattes pour regarder la maquette. Je trouvais ça un peu trop gros, un peu exagéré. Pour me convaincre, Demoustier m’a montré une vidéo d’archive inédite ou l’on voyait Mitterrand se mettre à quatre pattes, à la demande de cet architecte dont il s’était entiché, pour mieux voir la perspective de sa maquette. J’étais sidéré. C’était absolument énorme et gênant. Et j’ai donc reproduit la position du président sur la moquette. En dehors de cela, je ne me suis vraiment pas posé la question du réalisme, de la ressemblance. J’ai cherché à jouer cela comme un personnage de Brecht. J’ai joué un homme encore puissant, mais sentant le pouvoir filer entre ses doigts. C’est cela que j’ai voulu incarner.

Savez-vous pourquoi Demoustier vous a choisi pour incarner ce rôle ?

Mitterrand avait un côté vieille France. Il était un peu décalé par rapport à son époque. Il dégageait quelque chose de périmé. De suranné et de précieux. Je crois l’avoir aussi. Et c’est pour cela que Demoustier m’a choisi, je pense. C’est la recherche de quelque chose de commun dans l’esprit plus que d’une ressemblance physique. Physiquement, ce que j’ai essayé de dégager, c’est une certaine rigidité, quelque chose de coincé. Encore une fois, nous ne sommes pas dans l’imitation mais dans l’évocation.

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Pour qu’on comprenne mieux, donnez-nous maintenant votre avis sur quelques biopics ! Cotillard en Piaf ?

Quand je regarde ce film je ne vois qu’une chose : Cotillard avec du latex sur la gueule. Le film donne une image de Piaf totalement fausse. On a l’impression qu’elle ne foutait rien de la journée, qu’elle ne travaillait jamais, qu’elle ne faisait que de boire et s’engueuler avec son mec.

Bruno Ganz en Hitler, dans La Chute ?

Sublime ! Il y a une certaine ressemblance, mais il fait du personnage quelque chose de totalement métaphysique qui dépasse la simple histoire d’Hitler. Il ne joue pas l’anecdote. Il joue Hitler comme il jouerait Richard III. On ne voit pas un acteur jouer Hitler. On voit un acteur jouer une situation énorme et tragique.

Michael Douglas dans Ma vie avec Liberace, de Soderbergh ?

Le film est magnifique. Totalement décadent ! Ce que fait Michael Douglas est assez culotté, mais il reste en dessous de la réalité. Il n’atteint pas le kitsch, la monstruosité, le mauvais goût extrême et fascinant de Liberace. Douglas reste encore trop classe. Toutes proportions gardées, c’est un peu comme Lafitte dans Bernard Tapie. Il n’atteint pas la vulgarité de Tapie. Ni sa folie ! Pour incarner Tapie, il faut un acteur doué de folie. Là, on voit juste Lafitte avec une perruque. Ce qu’il fait en tant qu’acteur ne raconte pas grand-chose du personnage. Je préfère voir un documentaire avec de vraies images de Tapie, c’est beaucoup plus fascinant et effrayant.

Bradley Cooper en Léonard Bernstein ?

C’est intéressant car il fait une composition hallucinante. De plus le film est magnifique. Mais je trouve qu’on voit trop le travail. On se dit qu’est-ce qu’il a dû bosser pour arriver à choper tous les trucs de Bernstein. En le regardant on remarque trop la performance, c’est omniprésent.

Gaspar Ulliel dans Saint Laurent ?

C’est un chef-d’œuvre. Déjà, le film de Bonello est incroyablement beau. C’est une œuvre qui touche au sublime. Gaspard n’est pas la réplique de Saint Laurent. Il est d’ailleurs vingt fois plus beau. Mais il a le même magnétisme que Saint Laurent. Il ne cherche pas à imiter, il est une évocation et une incarnation de l’esprit de Saint Laurent. C’est extrêmement troublant. Ce qui est également très beau, c’est d’avoir demandé à Helmut Berger de jouer Saint Laurent vieux. Car là aussi, il n’en est pas la copie conforme, mais il dégage exactement ce que dégageait Saint Laurent à la fin de sa vie. En revanche, Jérémie Renier, que j’aime bien, n’était pas assez monstrueux dans le rôle de Pierre Bergé. Mais c’est aussi une histoire d’emploi. Voilà, je dirais que pour jouer un personnage réel et connu, c’est l’emploi qui est important plus que la ressemblance physique. On ne peut pas tout jouer. Une actrice formidable dans un rôle de soubrette ne sera pas systématiquement formidable en tragédienne. Un acteur bouleversant dans un emploi de jeune premier romantique (Lorenzaccio) ne sera pas forcément à sa place dans un rôle de valet de farce (Scapin). Moi, je ne me vois pas jouer Emmanuel Macron, par exemple. Tout comme Lambert Wilson ne peut pas incarner de Gaulle (bien qu’il l’ait fait !). Ce n’est pas une histoire d’être bon ou pas, ou de ressembler physiquement ou non au vrai personnage, c’est une question d’emploi ! Moi, au théâtre, j’ai bien joué Bette Davis ! Je ne lui ressemble pas, mais je pense avoir une monstruosité commune avec elle. Pour en revenir à Saint Laurent, il y a aussi Niney qui l’a joué dans un autre film insupportablement sentimentaliste. Mais Niney n’a pas le charisme pour incarner Saint Laurent. Pour incarner quelqu’un de charismatique, il faut être un acteur charismatique.

Michel Fau (François Mitterrand) dans L’Inconnu de la Grande Arche de Stéphane Demoustier, 2025 (C) AGAT FILMS, LE PACTE

Balibar dans Barbara ?

C’était très intéressant, car ce n’était pas l’histoire de Barbara. C’était l’histoire d’une actrice, en l’occurrence Balibar, qui devait jouer le rôle de Barbara. Et au fur et à mesure du film, on se perdait. On finissait par ne plus savoir si c’était l’actrice ou la chanteuse.

Toni Servillo dans Berlusconi.

Là, je trouve ça vraiment génial ! Quand Demoustier m’a proposé de jouer Mitterrand, je me suis d’ailleurs dit qu’il fallait faire exactement ce que faisait Servillo dans ce film de Sorrentino. Il joue ça comme une marionnette de Berlusconi. C’est extrêmement sophistiqué. Ce n’est pas réaliste du tout. C’est ce qui est beau. C’est une réalité fantasmée. D’ailleurs, dans la bande-annonce, on voit l’inscription : « Tout est VRAI. Tout est FAUX. » C’est exactement là qu’il faut se situer ! Avec de l’artifice, de l’onirisme, de l’exagération parfois, en tordant la réalité, en la faisant grimacer : montrer le vrai. Pour le montrer, ce vrai, il faut parfois savoir s’éloigner du réel. C’est d’ailleurs pourquoi j’aime la farce et la tragédie. Les deux se rejoignent d’ailleurs.

Pour terminer, parlons de Guitry. En ce moment, vous jouez La Jalousie au théâtre de La Michodière au côté de Gwendoline Hamon, Geneviève Casile et Alexis Moncorgé. Vous avez d’ailleurs incarné le personnage de Guitry dans un téléfilm sur Arletty.

Effectivement. Mais il n’y avait qu’une seule scène dans ce téléfilm. Je ne l’avais pas imité non plus cette fois-ci. En revanche, en ce moment au théâtre, c’est assez troublant. Je ne joue pas Guitry, je joue une pièce écrite par lui. Mais je joue le rôle que lui-même jouait, le rôle qu’il s’était écrit sur mesure. Et dans l’écriture, il y a quelque chose de la musique de sa voix, de son phrasé. C’est très étrange. C’est écrit comme cela. Parfois, quand je le joue, je crois l’entendre. Je ne cherche pas du tout à l’imiter, mais le style de l’écriture, sa musicalité font parfois inévitablement résonner sa voix !

Najat Vallaud-Belkacem, la femme qui valait trois milliards

La présidente de l’ONG France Terre d’Asile dévoile son plan secret pour l’immigration: une politique migratoire plus humaine et la régularisation de 250 000 clandestins rapporteraient 3,3 milliards d’euros par an à l’État, estime-t-elle. Et encore, c’est évidemment sans compter l’enrichissement culturel.


Présidente de l’association France Terre d’Asile, désormais bien attablée à la mangeoire dorée de la Cour des comptes, cela grâce à l’insigne générosité du président de la République, Madame Vallaud-Belkacem semble ambitionner ces jours-ci tout à la fois le Nobel d’économie et une canonisation de son vivant au titre de la générosité sans frontières.

Moratoire sur les OQTF

Un article de l’Humanité[1] nous dévoile en effet ses cogitations en matière de politique migratoire. Plutôt du brutal, comme il est dit dans les Tontons Flingueurs. Voyez donc.  Le but affiché : « faire rimer nos principes de fraternité avec l’efficacité économique. » Au jackpot final, nous annonce-t-elle, pas moins de 3,3 milliards de profit pour l’État.

Comment s’y prendre ? Rien de plus simple. Simple, mais, comme je l’ai dit, plutôt brutal. Cesser purement et simplement de prononcer des OQTF à l’encontre des étrangers en situation irrégulière, vu que ça coûte des sous, environ 40 millions nous dit la nouvelle grande prêtresse de l’économie, 40 millions auxquels viendraient s’ajouter 219 millions autres (et non 220 millions car, vous l’aurez compris, en n’arrondissant pas les sommes, ça fait plus sérieux, plus rigoureux, moins calcul à la louche…) grâce à la diminution  du nombre de places dans les centres de rétention administrative. Rétention qui ne devrait plus s’opérer que de manière « ciblée et restreinte ». Une quinzaine de millions nous tomberaient encore dans les poches si nous construisions des structures destinées aux demandeurs d’asile en attente plutôt que de s’en remettre à des dispositifs d’hébergement d’urgence. Bien évidemment, la future prix Nobel se garde bien de chiffrer les coûts tant en investissement qu’en fonctionnement de ces structures. On n’est pas là pour s’embourber dans de tels détails, cela aussi vous l’aurez compris.

Mais il y a mieux encore. Le vrai gros pactole promis par Mme Vallaud-Belkacem est à chercher ailleurs : dans la régularisation de 250 000 travailleurs sans papiers. Cela, prédit-elle, ferait gagner quelque 3,3 millions par an, grâce à l’impôt sur le revenu et aux cotisations sociales supplémentaires versés aux administrations sociale et fiscale.

Plan secret

Sans vouloir être désagréable, nous nous permettrons d’inviter l’auteur (autrice) de ce merveilleux plan à prendre en compte un peu plus sérieusement la réalité concrète des choses. Vous me direz qu’elle n’est pas payée pour cela, ce qui est vrai. Mais tout de même, un petit effort de cohérence, de réalisme par-ci par-là, serait-ce trop demandé ?

Tout d’abord, pour que la régularisation de ces clandestins produise de l’impôt sur le revenu à hauteur des sommes évoquées, encore faudrait-il que tous trouvent à bosser, et ce faisant gagnent des salaires d’un montant suffisant pour être effectivement imposables, ce qui au vu de ce qui est la réalité du terrain, la vraie de vraie, est loin d’être le cas. Même chose pour les cotisations sociales, qui sont à corriger, quant à leur montant supposé, en tenant compte du taux de chômage touchant ces contingents particuliers de travailleurs, dont on sait qu’il est au minimum de 7 points supérieur à la moyenne.

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Enfin, il faudrait tout de même que la nouvelle madone de l’argent magique nous précise à combien de places d’écoles, de lits d’hôpital et autres services publics correspond la régularisation de 250 000 personnes et, accessoirement de leurs familles parce que, on s’en doute, il ne serait absolument pas conforme à « nos principes de fraternité » de revenir si peu que ce soit sur le généreux dispositif du regroupement familial. De même, il serait souhaitable que Mme Vallaud-Belkacem pousse l’analyse jusqu’à produire une estimation de l’afflux de migrants nouveaux que de telles facilités d’accueil ne manqueraient pas de provoquer.

Mais, là encore, tel n’est pas apparemment son problème, car je suppose que face à cet argument, elle a une réponse toute prête : si un tel afflux se produit réjouissons-nous, au contraire ! Si régulariser 250 000 sans papiers nous rapporte 3,3 milliards, hâtons-nous d’avoir à en régulariser 250 000, 500 000, 1 000 000 de plus, puisqu’à chaque tranche de 250 000 ce sont autant de jolis petits milliards que nous empochons ! Impayable sophisme !

Une ambition intime

Néanmoins, Madame Vallaud Belkacem, vous pardonnerez mon insolence, mais, en vérité, en réfléchissant bien, je vous trouve fort peu ambitieuse sur le double plan de « nos principes de fraternité » et de la prospérité nationale de vous en tenir à vos pauvres riquiqui 250 000 mille ! Voyez en grand, que diable ! Et allez donc d’emblée vers le million ! Le million ! Le million ! Comme on braille dans un certain jeu télévisé.

Sauf que, Mme la présidente de France terre d’accueil, nous ne sommes pas ici dans un jeu. Il s’agit à terme de la France, de sa population, de la nation française, de son identité, de sa culture, de sa civilisation. Quand bien même votre petite embrouille faussement généreuse, hypocritement « fraternelle » devait réellement rapporter des milliards, ce qui est pure illusion, nous aurions infiniment plus à perdre. Et que cette dimension du problème, que cette très évidente réalité ne vous ait manifestement pas effleurée, vous bombardée membre d’une des plus éminentes institution française, me paraît tout simplement consternant, affligeant, désespérant pour tout dire. Allons, Madame, en l’occurrence, pensez nation avant de penser pognon, s’il vous plaît…

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[1] https://www.humanite.fr/societe/budget/une-politique-migratoire-plus-humaine-genererait-33-milliards-deuros-de-gains-pour-les-finances-publiques-affirme-france-terre-dasile

Un an après: comprendre le retour improbable de Trump

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Il y a 365 jours, Trump déjouait les pronostics et reprenait la Maison-Blanche. Une victoire politique, mais aussi culturelle, explique notre chroniqueur


Il y a un an, le 5 novembre 2024, Donald Trump remportait une victoire que peu avaient anticipée, et que beaucoup refusent encore de comprendre. L’élection de Zohran Mamdani à la mairie de New York a quelque peu éclipsé cet anniversaire, mais la portée historique du retour de Trump à la Maison-Blanche ne doit pas être minimisée. Cette victoire ne souffrait aucune contestation : le candidat républicain a conquis tous les « swing states », remporté le collège électoral, et — fait rare pour un Républicain depuis George W. Bush en 2004 — gagné le vote populaire.

Jamais, sans doute, un candidat à l’élection présidentielle n’avait affronté une telle adversité : de ses adversaires, mais aussi des institutions, des médias et du monde de la culture.

Qu’on en juge !

Un système hostile

Les instituts de sondage, qui influencent nombre d’électeurs, prédisaient un scrutin serré ou favorable à Kamala Harris. Ils se sont trompés, comme en 2016.  La plupart des médias ont couvert la campagne de Trump avec une hostilité constante, avec plus de 80 % de mentions négatives.

Côté financement, Kamala Harris avait le soutien de Wall Street et a dépensé 50 % de plus que son adversaire, inondant les derniers jours de la campagne, écrans et plateformes de publicités négatives.

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À ces obstacles s’ajoutait la machine bureaucratique de Washington — hauts fonctionnaires, universités, ONG, think tanks —, cette armature du fameux État profond (« Deep State ») décidée à empêcher tout retour du trumpisme. Hollywood, de Robert Redford à Georges Clooney, d’Oprah Winfrey à Beyoncé, s’est engagé corps et âme contre lui. Même certains Républicains, les fameux RINO (« Republicans In Name Only »), œuvraient activement à sa perte, notamment à travers le Lincoln Project.

Le système judiciaire a été instrumentalisé pour l’envoyer en prison et le ruiner. Des procédures à répétition, civiles et criminelles, instruites dans des juridictions à majorité démocrate : Washington, New York, Atlanta. 91 (!) chefs d’accusation au total, plus que le mafieux Al Capone, des accusations la plupart sans fondement voire grotesques, mais qui ont bien failli l’éliminer de la course.

Et, last but not least, Donald Trump a subi deux tentatives d’élimination physique, dont celle de Butler, qui a mis en lumière les défaillances du Secret Service, dirigé par une femme visiblement incompétente.

Jamais un ancien président n’avait été autant insulté, moqué, caricaturé. Traité de fasciste, de semi-fasciste ou comparé à Hitler par Joe Biden, Kamala Harris, Barack Obama, Nancy Pelosi… Et pourtant, il a gagné, haut la main. La victoire de Trump, ce n’est pas seulement une victoire contre une (mauvaise) candidate, mais contre un système tout entier.

Une victoire aussi basée sur le rejet

Avec le brio qu’on lui connaît, Mathieu Bock-Côté écrit dans son dernier livre Les Deux Occidents que « la victoire de Trump est le rejet du consensus post-1989 : mondialisme, humanitarisme, néolibéralisme, multiculturalisme, néo-féminisme et politiquement correct ».

En effet, une majorité d’Américains ont rejeté tout ce que Biden, Harris et les Démocrates avaient fini par incarner : l’immigration de masse, le wokisme, les politiques de discrimination positive et de DEI (diversité, équité, inclusion), la « critical race theory », l’engouement pour les Black Lives Matter, la sacralisation du peu recommandable George Floyd, qui avait braqué un pistolet sur le ventre d’une femme enceinte…

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C’est aussi le rejet de la théorie du genre et de l’idéologie LGBTQIA+ (nom officiel patenté), des hommes transgenres dans le sport féminin, des hommes biologiques dans des prisons pour femmes, des procès pour avoir « mégenré » quelqu’un, des thérapies hormonales et des opérations chirurgicales sur des enfants ou des adolescents, comme l’ablation des seins chez des jeunes filles.

Top Gun plutôt que The Marvels

C’est encore une Amérique qui préfère Top Gun avec Tom Cruise à The Marvels et son casting militant 100 % féminin, une Amérique qui veut encore voir les sept nains dans Blanche-Neige et un baiser amoureux — sans consentement préalable — par le prince charmant pour réveiller la Belle au bois dormant.

L’Amérique MAGA de Trump croit dans sa Constitution et dans la liberté d’expression, bien menacée par le camp démocrate. Une Amérique profonde, populaire, du bon sens et profondément patriote : dans les meetings de Trump, on scandait « USA, USA » ; dans ceux de Harris, « Kamala, Kamala » !

Hillary Clinton qualifiait les électeurs de Trump de « déplorables ». En novembre 2024, les déplorables, les « ploucs » ont gagné. Donald Trump a ainsi remporté une bataille dans la guerre culturelle qui déchire l’Occident, mais la guerre sera encore longue et l’issue reste incertaine.

Quand Jean-Noël Barrot loue l’immigration africaine

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Le ministre des Affaires étrangères, l’euro-mondialiste Jean-Noël Barrot, loue la diversité et le métissage. Mais dans des lieux choisis, loin de la réalité à laquelle les Français sont confrontés, persifle notre chroniqueur…


Le président algérien Abdelmadjid Tebboune refuse de reprendre ses ressortissants délinquants, radicalisés ou sous OQTF, retient injustement prisonniers deux de nos compatriotes, le journaliste Christophe Gleizes et l’écrivain Boualem Sansal, et accuse régulièrement la France de tous les maux. Résultat ? Après n’avoir jamais remis en question les accords de 1968[1] octroyant aux immigrés algériens un statut dérogatoire et coûtant à la France deux milliards d’euros par an (d’après un récent rapport parlementaire du député Charles Rodwell et du ministre à la Transition écologique Mathieu Lefebvre), puis avoir accepté un élargissement du nombre de visas pour des étudiants algériens dont beaucoup ne repartiront pas dans leur pays natal, Emmanuel Macron a demandé à l’ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet, de prendre part à la commémoration du 17 octobre 1961 organisée à Paris. « La France n’oublie pas ce jour sombre de son histoire », a déclaré celui qui, jour après jour, se plaît à détruire notre pays. Pour accomplir son œuvre dévastatrice, il s’est entouré depuis le début de son règne des pires ministres qu’ait jamais connus la Ve république. Parmi eux, Jean-Noël Barrot, actuel ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, se distingue particulièrement.

Vers une Europe supranationale

Comme Emmanuel Macron, Jean-Noël Barrot est passé par le programme « Young Leaders » de la French-American Foundation. Atlantiste frénétique, européiste fanatique, il est également un va-t-en-guerre acharné qui a reçu cette année la médaille de 3ème classe de l’Ordre du Prince Iaroslav le Sage, une breloque destinée à récompenser les citoyens étrangers ayant rendu des services spéciaux à l’Ukraine. Par « services spéciaux » il faut entendre ici, en plus des milliards déjà versés directement par la France, les pharaoniques moyens financiers que M. Barrot se dit prêt à mettre à la disposition de Volodomyr Zelensky via une nouvelle contribution européenne, un « prêt » dont ni l’UE ni la France ne reverront jamais le moindre sou et qui va surtout permettre aux Américains de continuer de réaliser quelques affaires sonnantes et trébuchantes grâce, d’une part à la vente de leurs armes, d’autre part à celle de leur très onéreux gaz naturel liquéfié pour remplacer le gaz russe, et à quelques oligarques ukrainiens corrompus de se remplir les poches. Ce n’est pas un hypothétique conflit avec les Russes qui va précipiter notre perte, mais bien les décisions catastrophiques prises par des présidents et des chefs de gouvernements européens agitant le spectre de la guerre pour détourner l’attention, camoufler leurs désastreux bilans économiques, sociaux et géopolitiques, et, surtout, accélérer la création de la Fédération européenne qu’ils appellent de leurs vœux. L’UE, sous l’impulsion de Mme von der Leyen, s’est très récemment dotée d’un Commissaire européen à la Défense. Sa mission est d’inciter les États membres à déléguer certaines de leurs compétences en matière de défense au niveau européen. M. Barrot s’est empressé de saluer le programme concocté par la Commission européenne, programme dont l’objectif est en réalité de protéger les intérêts allemands et américains, de nuire à l’industrie de défense de la France, et surtout de préparer les esprits à une nouvelle organisation politique européenne supranationale, l’Europe fédérale.

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M. Barrot est pour une immigration soutenue, celle qui vient du continent africain ayant sa préférence. Le 3 octobre, il participait à l’inauguration de la Maison des Mondes africains (MansA) créée sous l’impulsion de l’historien camerounais Achille Mbembe. En 2019, ce dernier reprochait à Emmanuel Macron de ne pas l’avoir sollicité dans le cadre d’une réunion organisée par l’Élysée avec la diaspora africaine. Le président français aurait ainsi cherché, selon lui, à éviter « de se mesurer à de véritables intellectuels africains » qui risqueraient « de lui poser des questions gênantes » et « de remettre publiquement en cause les trois piliers de la politique française en Afrique : le militarisme, le mercantilisme et le paternalisme mâtiné, comme toujours, de racisme » (Jeune Afrique, 8 août 2021). Emmanuel Macron aime s’entourer de fortes personnalités qui, comme lui, sont enchantées de voir et d’encourager les changements démographiques qui transforment notre pays du tout au tout, le plus souvent pour le pire. Il a par conséquent fait appel quelques mois plus tard à… M. Mbembe pour préparer le sommet Afrique-France devant se tenir à Montpellier en juillet 2021, puis pour rédiger un rapport dans lequel l’historien préconisera la création de cette fameuse MansA. Rappelons que, quelques années auparavant, M. Mbembe décrivait sur France Culture un processus qui, selon certains, n’existe pas, celui du remplacement des populations européennes : « On assiste à un processus de longue durée, un processus de repeuplement du monde qui va s’intensifier dans les années qui viennent. […] Les pays du Nord vont continuer d’accuser une tendance au vieillissement. Dans 50 ans à peu près, une grande partie des habitants de la planète viendra de l’Afrique et de l’Asie. Tout cela va provoquer des recompositions majeures avec lesquelles il faudra vivre. » Malgré la proximité de cette analyse avec celle développée par Renaud Camus, il ne vint à personne l’idée de traiter M. Mbembe de conspirationniste ou de fasciste. Étrange !

Avenir commun et atelier des possibles

M. Barrot, lors de son discours à la MansA, dira à sa manière grosso modo la même chose : « En 2030, l’Afrique comptera 1,7 milliard d’habitants, contre 450 millions en Europe. C’est avec les acteurs du continent, dans toute leur diversité, que se jouera une partie de notre avenir commun, ici en Europe. […] L’identité n’est jamais fixe. Elle est une traversée, un mouvement. […] Sans sa part d’africanité, la France ne serait pas tout à fait la France. » Les propos de MM. Mbembe et Barrot résonnent étrangement à nos oreilles et nous rappellent ceux de la romancière franco-camerounaise Léonora Miano : « L’Europe va muter. Ils [les Subsahariens] vont venir, et ils vont venir avec leur bagage identitaire. C’est ça qui va se passer, et c’est déjà en train de se passer. » M. Barrot ne redoute pas ce changement. Il le souhaite. L’Afrique surpeuplée déborde sur le continent européen, créant une crise migratoire sans précédent, source de dangereux bouleversements ? Peu importe à M. Barrot. Dans la MansA, il plane au-dessus d’une assistance acquise à son discours diversitaire et immigrationniste. Pour se maintenir en lévitation il lâche du lest, une boursouflure qui pèse son poids : « La MansA n’est pas un musée des certitudes mais un atelier des possibles. » L’Afrique devient dans sa bouche l’alpha et l’oméga de l’humanité, son unique passé, son seul avenir : « Le continent africain est la maison familiale de tous les humains. La MansA est notre maison à tous. Bienvenue à la MansA ! Bienvenue à la maison ! » Barrot, toujours plus haut…

Parenthèse. Paris compte un institut du Monde Arabe, un musée de l’Immigration, un musée du Quai Branly–Jacques Chirac consacré aux Arts et Civilisations d’Afrique, d’Océanie et des Amériques, mais toujours pas de musée destiné à mettre en valeur l’histoire de notre pays. La Maison de l’Histoire de France voulue par le président Sarkozy a été sabordée par le président Hollande et sa ministre de la Culture Aurélie Filippetti en 2012. Une tribune parue dans Le Monde et signée entre autres par l’historien Gérard Noiriel mettait en garde contre ce « projet dangereux », « surprenant » à l’heure de « la mondialisation des économies et des sociétés », représentatif d’une « France étriquée » passant à côté d’une « histoire des connexions et des métissages ». Les concepts et le vocabulaire de cette tribune ne sont pas sans rappeler ceux de L’Histoire mondiale de la France dirigée par un Patrick Boucheron prêt à en découdre avec « l’étrécissement identitaire » et « les crispations réactionnaires » d’une histoire de France qu’il jugeait trop nationale et qu’il voulait remplacer par une autre, plus ouverte, plus diverse, plus à même de « dépayser l’émotion de l’appartenance et d’accueillir l’étrange familiarité du lointain ». On ne dira jamais assez le mal que la gauche socialiste et ces universitaires-là ont fait à la France.

Le 17 octobre, M. Barrot s’est rendu à Lagos où il a tenu, lors du Forum Création Africa, un autre discours stratosphérique. Ce fut d’abord un hommage appuyé à un dénommé Davido, un chanteur américano-nigérian dont le grand mérite a été, selon M. Barrot, de « faire danser la French-American Foundation dans une atmosphère survoltée » lors de l’Africa Day à Paris. Ce n’était qu’un début ; il se faisait la voix. Devant un public trié sur le volet, une fois assuré de tenir ce qu’il croyait être le ton juste, notre ministre est parti en vrille : « D’Édith Piaf à Aya Nakamura, les talents les plus brillants ont toujours trouvé en France une scène à leur mesure. C’est en France que Gims, né à Kinshasa, est devenu l’un des plus grands chanteurs de sa génération. C’est Ladj Ly, né au Mali, qui a conquis le monde du cinéma avec Les Misérables. C’est Omar Sy, né de parents mauritaniens et sénégalais, qui tourne des films en France et fait chavirer Hollywood. »

Références douteuses

Mettre dans le même sac Édith Piaf et Aya Nakamura, il fallait oser ! Gims ? N’est-ce pas ce rappeur braillard qui a affirmé que les Égyptiens disposaient d’un système électrique dès l’Antiquité grâce aux pyramides qui étaient en réalité, selon lui, des centrales électriques ? Ladj Ly ? N’est-ce pas ce réalisateur subventionné qui, déjà condamné pour outrages envers des policiers puis de violences à l’encontre du maire de Montfermeil Xavier Lemoine, a été condamné à trois ans de prison dont un avec sursis pour avoir, avec deux comparses, enlevé, frappé et menacé de mort un homme qu’ils accusaient d’avoir couché avec la sœur de l’un d’eux, puis a été poursuivi pour avoir détourné, avec son frère, environ 300 000 euros de l’école de cinéma “Kourtrajmé” financée en grande partie avec de l’argent public, poursuites qui ont été abandonnées après que Ladj Ly a reconnu sa culpabilité et payé 50 000 euros d’amende pour éviter un procès ? Omar Sy ? N’est-ce pas cet acteur très surévalué qui, depuis sa somptueuse villa californienne, demandait « justice pour Adama Traoré », dénonçait « les violences policières en France » et affirmait être plus en butte au racisme en France qu’aux États-Unis ? Il n’y a eu personne, au Quai d’Orsay, pour avertir le ministre et lui dire que les individus qu’il avait choisis pour illustrer l’excellence de certains artistes français d’origine africaine étaient pour le moins douteux ? Il faut croire que non. Après ça, M. Barrot a lancé un nouvel appel à l’immigration en reprenant au passage une idée chère à l’extrême gauche : « La France croit au métissage qui fait dialoguer les imaginaires, qui amplifie les voix, qui élargit lhorizon. […] Alors venez ! Venez à Paris, à Marseille, à Clermont-Ferrand ou à Annecy pour déployer votre talent, pour remporter une part de la French touch dans vos valises et dans vos cœurs. […] Oui, nous avons besoin d’une nouvelle génération de citoyens prêts à agir, à prendre leurs responsabilités, à se lever pour la liberté, pour la démocratie, pour la planète, la justice et la prospérité partagée. » 

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La France, chassée d’Afrique par de plus malins qu’elle (la Chine, la Russie, le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Inde) et par les Africains eux-mêmes, continue malgré tout de battre sa coulpe, de se repentir, de demander pardon. Humiliée, salie, elle tente de valoriser les patrimoines culturels de pays qui lui ont tourné le dos et dénoncent, à grand renfort de discours mélodramatiques, sa participation à la traite transatlantique, son histoire coloniale, son « racisme systémique » et son « islamophobie ». Le président Tebboune en profite pour pousser ses pions. Une majorité des jeunes Algériens qui quittent leur pays natal pour rejoindre la France et profiter de son généreux système social participent au maintien de son régime et à l’islamisation de la société française programmée par les Frères musulmans. L’Afrique subsaharienne, meurtrie par des régimes autoritaires, des conflits inter-ethniques, des raids djihadistes et une pauvreté endémique, déferle elle aussi sur l’Europe, la France en particulier.

Les immigrés africains ignorent l’existence de la MansA, ils n’y mettront jamais les pieds. Ils savent en revanche que s’ils parviennent à poser le pied sur le territoire français, il y a de fortes chances qu’ils n’en repartiront jamais. Ils seront logés, nourris, soignés. Eux ou leurs descendants occuperont près de 40% des logements sociaux. Près d’un sur deux ne travaillera jamais. Beaucoup finiront dans la délinquance. Nombreux seront ceux qui repousseront de plus en plus vivement les lois de la République pour leur préférer les lois coraniques et réclamer des « aménagements » dans tous les domaines de la société. La « nouvelle génération de citoyens » souhaitée par M. Barrot s’ajoutera à celles qui l’ont précédée et ne se sont jamais intégrées. « Le métissage qui fait dialoguer les imaginaires et amplifie les voix » est une formule ampoulée et abstraite qui a pour objectif d’enfumer le pékin moyen et d’enjoliver la triste réalité : l’immigration massive, extra-européenne et musulmane que subit la France – et en vérité toute l’Europe – n’amplifie pas les voix mais les problèmes. Problèmes économiques, sociaux, civilisationnels, sécuritaires. Tandis que M. Barrot encourage cette immigration et chante les louanges de la diversité et du métissage dans la MansA, les Français expérimentent dans la douleur une société multiculturelle qu’ils n’ont pas souhaitée et qui s’avère être un désastre.

Les Gobeurs ne se reposent jamais

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[1] La résolution proposée par le RN et adoptée à l’Assemblée nationale a une valeur symbolique indéniable mais n’est pas contraignante. Dénoncer un accord international comme le traité de 1968 signé avec l’Algérie n’est pas de la compétence de l’Assemblée nationale, c’est une prérogative du chef de l’État, rappelle Nathalie Clarence, Maître de conférence en droit public à l’Université Paris Cité, dans un article paru sur le site du Club des juristes le 30 octobre 2025.

Le murmure du Boss

Eh oui, encore un biopic!


Scott Cooper est un cinéaste et acteur américain dont je n’avais vu précédemment qu’un seul film : l’excellent Crazy Heart qui conte l’histoire de « Bad Blake », ancienne star de musique country qui vit très modestement en chantant et jouant de la guitare dans les bars et les petites salles de petites villes du Sud-Ouest des États-Unis. Un soir, il (Jeff Bridges) va rencontrer Jean Craddock (Maggie Gyllenhaal), journaliste locale à laquelle il s’attache…


Son nouveau film est consacré à la genèse de l’album de Bruce Springsteen Nebraska en 1982. C’est une période de sa vie où Bruce Springsteen est sur le point d’accéder à une notoriété mondiale. Mais taraudé par les fantômes de son passé et les pressions du succès, il résiste et lutte. Il se retire dans une maison au calme et décide d’enregistrer, sur un magnétophone quatre pistes, dans sa chambre, un disque acoustique incontournable, brut et habité.

Un film simple, une déclaration d’amour au Boss

Scott Cooper narre les souffrances du chanteur qui écrit et joue ses chansons acoustiques entre la sortie de deux albums majeurs, The River (1980) et Born in the U.S.A. (1984). Contrepied folk et introspectif, Nebraska est un album intime et dépouillé, composé juste avant que le «  Boss » ne s’apprête à devenir une superstar mondiale.

A lire aussi: « L’Étranger » de François Ozon est-il politiquement correct?

Le cinéaste filme le chanteur replié, réfugié dans sa maison dans le New Jersey, assailli par les vieux démons de son enfance. Hanté par le rapport à son père, tourmenté, il lit les œuvres complètes de Flannery O’Connor (1925-1964), écrivaine du Sud des États-Unis – qui vont beaucoup l’inspirer pour cet album –, visionne sans cesse La Balade sauvage (1973) de Terrence Malick, et se laisse bercer par la belle chanson noire Frankie Teardrop du groupe new wave Suicide d’Alan Vega et Martin Rev. Servi par la mise en scène sobre et classique de Scott Cooper et l’interprétation magistrale de Jeremy Allen White, le film est le beau portrait d’un homme solitaire prenant la tangente pour ne pas sombrer.

Au bord du gouffre

Dans Deliver Me From Nowhere, Cooper retrouve ce qu’il aime filmer : les âmes fatiguées, les êtres au bord du gouffre, la musique comme refuge. Sa caméra épouse le silence et la lenteur. Elle observe un artiste en lutte contre lui-même, un homme qui s’enferme pour mieux se délivrer. La photographie, grise et granuleuse, semble capturer la lumière même de Nebraska, cet album de poussière et de rédemption.

Plus qu’un biopic, c’est un poème filmé, une confession murmurée. Cooper ne filme pas une icône, mais un homme qui cherche la vérité dans le vacarme du monde. Deliver Me From Nowhere respire au rythme d’une chanson de Springsteen : fragile, épurée, bouleversante.

Un film habité. Une prière murmurée dans la nuit américaine.

En salles depuis le 22 octobre. 2 heures

Hugo Jacomet, l’homme qui nous invite à être élégants

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Hugo Jacomet veut croire que la bataille vestimentaire n’est pas perdue. Rompant avec les simplismes de l’époque, symbolisés en un slogan puéril – « venez comme vous êtes » – qui fait florès aussi bien dans le monde professionnel que dans la publicité, avec des conséquences dramatiques en termes d’intégration et de réussite -, il anime depuis une quinzaine d’années le blog à succès Parisian Gentleman. Il vient de sortir L’élégance est un art de vivre, nous rappelant que se comporter en gentilhomme est un tout englobant aussi bien l’habillement que les bonnes manières.  

Art sartorial

L’homme à la chevelure argentée tombant au cordeau sur les épaules a fait de l’art sartorial une vocation : costumes sur mesure et de tous les coloris – même ceux que nous n’oserions porter -, cravates « club » ou à motifs discrets, stylo Mont Blanc posé subrepticement sur une table en matière noble et souliers impeccablement cirés, il distille ses conseils au fil de vidéos inspirées. On comprend rapidement que ce défenseur de l’artisanat face au prêt-à-porter (qui est en réalité un « prêt-à-jeter ») est davantage qu’un énième influenceur obnubilé par le nombre de clics et de likes. A ses côtés, sa compagne, également tout en élégance, vient confirmer que le style, comme tout ce qui est beau, ne pourrait être l’apanage des hommes.

A lire aussi: « Histoires ordinaires et extraordinaires », le dernier film de Laurent Firode…

Peut-être tout ceci est-il vain à l’heure où les rues se gorgent de passants battant pour la plupart le pavé en sneakers surmontées d’un jeans plus ou moins ajusté, dompté lui-même par une doudoune ou un survêtement à capuche ? Peut-être est-ce même suranné alors que les joueurs de l’équipe de France de football rivalisent de mauvais goût au moment de rallier le centre d’entraînement de Clairefontaine ? Peut-être ne reverra-t-on jamais le temps de la sprezzatura, ce raffinement tout en simplicité, décrit par Castiglione dans Le livre du Courtisan que tout homme élégant devrait posséder dans sa bibliothèque ? 

Dissidence

On observe pourtant un frémissement. Si l’on n’est pas encore revenu aux temps du couvre-chef, du costume généralisé et de la cravate dont un des charmes réside dans la verticalité, ni à l’époque dorée du cinéma de Gary Cooper, de Katherine Hepburn et de Philippe Noiret, un nombre croissant de jeunes rompt avec le laissez-aller très « début de XXIe siècle ». On comprend alors qu’Hugo Jacomet a accéléré et accompagné un mouvement de fond puisant à de multiples sources et causes : les séries télévisées (Peaky BlindersMad Men…), les photos d’aïeux éveillant une nostalgie en sépia, la volonté de rompre avec la génération des boomers…  Il reste à voir si cette forme de dissidence se traduira en changement sociétal.

Il est souvent ressassé que « l’habit ne fait pas le moine » pour justifier de ne pas se fier uniquement aux apparences. Rien n’est plus erroné que cet apophtegme : rarement, nous avons aperçu un banquier en hoodie ou, à l’inverse, un député LFI en costume trois-pièces… bien qu’autrefois Jean Jaurès estimait que soigner sa mise était de son devoir afin de respecter ses électeurs issus des classes populaires. Mais il y a plus important. Pour Hugo Jacomet, l’habillement est l’élément d’un ensemble qui comprendrait également l’art de joliment s’exprimer, la politesse, l’obligation de se comporter décemment en société, l’acquisition d’une culture générale et de connaissances diverses, la recherche de la beauté et de la bonté et le goût sans cesse renouvelé de l’effort.

Entre deux extravagances, Karl Lagerfeld affirmait que sortir en training de chez soi était déjà une défaite. Bien s’habiller est a contrario une façon de se respecter tout en témoignant d’égards envers autrui. Si chacun reste évidemment libre de porter les fringues qu’il désire, se vêtir avec goût est une manière de voir le monde, mais aussi d’augmenter ses chances de séduire et de convaincre, de gagner en confiance et finalement de réussir. Si l’habit ne fait pas le gentleman, il en est un élément essentiel, en d’autres termes l’étoffe venant embellir les belles âmes.

192 pages

L'élégance est un art de vivre: Les chroniques de Parisian Gentleman (2009-2025)

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Le maître des horloges

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L'écrivain français François Nourissier photographié en 2003 © IBO/SIPA

Dans une biographie consacrée à François Nourissier (1927-2011), pape florentin de l’édition aux éditions Le cherche midi, l’historien François Chaubet nous invite à un voyage au cœur des lettres françaises…


C’était donc ça, le pays imaginaire des éditeurs et des prix d’automne, de l’influence de la critique à l’arithmétique des jurys, des puissantes rédactions de « News magazine » aux Académies nourricières. Du manuscrit à la dotation, il y avait un « seul » homme, architecte neurasthénique, lecteur aussi avide que désespéré, barbe blanche et grisaille permanente, moteur du Goncourt et inlassable manouvrier de Grasset, derrière cette machinerie des livres. Un peu vaine et qui, cependant, mobilisa tant de connivences, d’amertumes et de talents durant la deuxième moitié du XXème siècle. Il fallait voir ça au moins une fois dans sa vie, vivre les intenses tractations de l’été avant la distribution de novembre, les combinazione, les coulisses, les passations de contrat, les jalousies entre maisons, les fausses valeurs et les vrais écrivains au coude-à-coude, l’esprit boutiquier au service de la littérature. Balzac en mondovision. Un homme maîtrisait à la perfection cette grammaire des égos. Un homme de pouvoir, touché par la maladie, longtemps considéré comme le grand manitou des rentrées, faiseur de prix et déclencheur de vocations, aujourd’hui totalement oublié. On le voyait chez Pivot à côté de Jean d’O ou d’Hergé et au premier étage du Drouant rue Gaillon sous une nuée de photographes, à Trente Millions d’amis et dans les colonnes du Figaro Magazine, Ardisson lui réservait une table de choix le samedi soir. L’édition a changé. Plus éphémère, plus brutale aussi, soumise à la concurrence d’autres sources de « distraction » et à une certaine indifférence. Elle ne fait plus recette. Les bibliothèques ont disparu des intérieurs bourgeois. Même si le livre résiste quelque peu dans notre pays par habitude, il n’a plus l’aura, l’éclat et le ressac du passé. François Nourissier était le dépositaire de cette vieille fille qui avait le charme des veuves anglaises de guerre à ombrelles et à voilettes. Sous son règne, la vieille dame perdue dans son cottage avait encore du ressort et des secrets à nous dire.

A lire aussi: « L’Étranger » de François Ozon est-il politiquement correct?

Aux éditions Le cherche midi, François Chaubet s’est lancé dans une sérieuse biographie qui éclaire ce personnage jadis central des lettres françaises à travers son parcours professionnel et surtout ses livres. L’historien a le désir de percer le mystère de cet écrivain compliqué, oscillant entre la détestation de lui-même et porté par de hautes ambitions créatrices. Un personnage impénétrable, honni par certains, à la fois grenouillant dans la mare aux livres et jamais dupe de son propre manège. Dans son entreprise de réhabilitation, Chaubet veut sauver le « soldat » Nourissier de l’oubli. Que l’on ne garde pas seulement en mémoire cette image de commandeur des lettres aux méthodes florentines. Nourissier a incarné les dérives d’un système où la tractation et le « lobbying » étaient érigés en art de la conquête commerciale. C’est oublier que le livre demeure un produit intellectuel et marchand, cette dualité-là implique des accommodements avec la vérité. « Mais qu’advient-il de son œuvre, dissimulée au fil des ans derrière ce profil exclusif d’un homme de pur pouvoir ? » se demande l’historien, dès le préambule. Nourissier a tout fait pour rendre cette tâche ardue tant par son caractère sombre que par ses manières « grand siècle ». Nourissier avait une très haute estime de la littérature et du dénigrement de soi. Chaubet remonte le fil de cette enfance gênée en mal d’amour, le garçon a perdu tôt son père dans un cinéma, la défaite de 40, les lectures intensives et enfin la découverte d’un idéal : écrire. Il écrira beaucoup dans les journaux entre des mariages ratés et des achats compulsifs de belles demeures. Chez Nourissier, la réussite professionnelle cache maladroitement un désarroi profond. La défaite intérieure l’emporte sur le brio extérieur. Bernard Frank a écrit: « Nourissier, c’est une nature malheureuse » lors de la parution de La Crève. Chaubet nous invite à (re)lire Un petit bourgeois ou Le Musée de l’Homme, il le défend avec conviction et loue son style : « Mais quel gouffre entre son art ciselé, tremblé mais distillé (style, rythme, accélérations et ralentissements) et celui de certains auteurs contemporains (é)perdus dans leur narcissisme victimaire sans filtre, où l’univers de surcroît, n’est plus que le reflet d’eux-mêmes ». Chaubert a du souffle pour rameuter de nouveaux lecteurs tentés par l’expérience d’une écriture abrasive. Cette biographie vaut aussi pour l’atmosphère d’époque, elle nous révèle jusqu’aux détails chiffrés des avances et des pourcentages de vente et revient sur les amitiés sincères et durables avec Christine de Rivoyre, Edmonde Charles-Roux, Michel Déon ou Jacques Chessex. Souvent rattaché, par facilité, à la galaxie des Hussards, il partageait avec Nimier la même exigence littéraire, il fut notamment coopté par Chardonne et Morand, il dirigea la rédaction de La Parisienne sous la tutelle de Jacques Laurent, Nourissier était assez éloigné politiquement d’eux sur les questions de décolonisation. Mendésiste de cœur, puis chiraquien de « raison », compagnon de route d’Aragon et fidèle de Pauwels, ancien « pauvre » devenu « riche », sa trajectoire n’a rien de linéaire. « Je voudrais mourir sans qu’on m’accuse d’être un homme de droite » déclara-t-il dans Bouillon de culture en avril 2000.


François Nourissier – Au cœur des lettres françaises de François Chaubet – le cherche midi 368 pages

François Nourissier, au cœur des lettres françaises

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Toussaint africaine

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L'artiste François Mafoua © Philippe Lacoche-Novembre 2025

Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


Voulait-elle l’ensoleiller ? Cela restera toujours pour moi un mystère. Une chose est sûre : ma Sauvageonne a fait de ce samedi 1er novembre 2025, une Toussaint africaine. Elle avait reçu une invitation du peintre-chanteur-musicien François Mafoua qui, ce jour-là, procédait à l’inauguration de son exposition au Marott Street, à Amiens. « Je l’ai croisé à Amiens il y a longtemps, très longtemps », me dit-elle, en passant une main distraite dans sa crinière folle et ébouriffée. Cet artiste a de la mémoire.

La Toussaint, tout novembre, en fait, m’en procure à moi aussi. Les chrysanthèmes font fleurir en moins des souvenirs enfantins. Tergnier. Le cimetière ; la brume. Des tombes. Celle de mes grands-parents partenels, d’abord, à partir de 1968, puis celle d’oncles, de tantes, d’amis, au fil des années qui s’égrenèrent, lamentables, bien plus vite que je ne l’eusse souhaité. La Toussaint ; fêter les morts. Tu parles ! Je préfèrerai boire un verre avec eux. Avec mes copains, dans le désordre : Gilles Gaudefroy dit Fabert, Michel Laurent (que j’ai surnommé Rico dans mon roman Des petits bals sans importance ; il repose dans le cimetière de Beautor caressé par les odeurs de métal écorché des ALB – Aciéries et Laminoirs de Beautor -), Jean Brugnon, éclusier et roadie élégant comme un Ray Davies de Fargniers, Gérard Lopez, dit Dadack (ami de la prime enfance ; je lui avais appris à faire du vélo ; pour me remercier, dix ans plus tard, il me fit découvrir Procol Harum et Rory Gallagher, puis devint le bassiste-chanteur de notre groupe de rock Purin au cours des glorieuses seventies), Catherine Caille et Florence Bacro, petites-amies trop tôt parties, Frédéric Dejuck, guitariste au phrasé claptonnien, Joël Caron, saxophoniste-flûtiste de mes années saint-quentinoises, et d’autres, tant d’autres, trop d’autres.

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Vous le voyez, lectrices adulées, novembre me rend joyeux. C’est dire si j’avais besoin de lumière, de soleil. La Sauvageonne et François Mafoua m’en procurèrent. Ce dernier a vécu à Amiens du début des années 90 jusqu’en 2004. Au Marott Street où il exposait une cinquantaine de toiles colorées, réalisées à partir du monde végétal et animal (il utilise des feuilles dans ses toiles et, parfois, des coquilles d’escargots comme pinceaux), et inspirés par son pays d’origine : le Congo ; il avait convié ses amis. Agé de 75 ans, arrivé en France il y a quarante ans, après avoir vécu à Paris, il réside aujourd’hui à Caen, dans le Calvados où il a ouvert une galerie. Ses œuvres ont été appréciées par des célébrités puisque le couple Mitterrand lui acheta des toiles ; il en fut de même pour Raymond Devos. En novembre 1990, il avait été invité dans une école primaire à Allonville, près d’Amiens, en même temps que Danielle Mitterrand, épouse du briseur du Parti communiste français. Ensemble, ils avaient créé une sculpture qui ressemblait à un masque africain. Puis avaient fait connaissance…

Au Marott Street, il agrémenta l’inauguration d’un concert en compagnie de son groupe African’Rumba (Pablo, batterie ; Vincent, guitare ; Jack, basse). L’artiste chante et joue aussi du kalimba. « Notre musique est un mélange de soul, de rumba, de reggae et de musiques caribéennes. Mon kalimba, je l’ai agrandi et électrifié ; c’est mon Mafouaphone », sourit-il. Le 22 novembre, il exposera à la galerie du Delta, 26, rue de Delta, dans le XIXe arrondissement, à Paris. Début décembre, il présentera et jouera, accompagné d’une chorale, dans une église de Verdun. Il n’arrête pas, ma foi !

Yann Andréa, viagra littéraire de Duras

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La journaliste Julie Brafman © JP Baltel / Flammarion

Yann Andréa, qui ne s’appelait pas encore Andréa, est entré dans la vie de Marguerite Duras un été de pluie et de vent, en 1980. Il a frappé à la porte de son appartement des Roches noires, un ancien hôtel de luxe face à la mer. Elle s’ennuyait, Duras, regardait la mer jusqu’au rien, avec cette mélancolie des pétroliers au large du cap d’Antifer dans le cœur. Elle écrivait des chroniques commandées par Serge July, le patron de Libération. Elle mélangeait fiction et réel. Elle écrivait, mais la pluie d’été la tenait éloignée de l’écriture médiumnique, celle qui bouleverse et permet d’entrer dans l’univers hypnotique, le sien. Elle buvait beaucoup, allait au Central, commandait toujours la même chose, langoustines et vin blanc ; elle avait 66 ans, le visage détruit, éboulé d’un coup. Elle portait sa jupe pied-de-poule, son gilet de cuir marron, ses grosses lunettes. Yann Andréa était plus jeune, presque 40 ans de moins, il rêvait de Duras depuis la lecture des Petits Chevaux de Tarquinia. Il buvait un Campari et fantasmait sur la romancière. Il était homosexuel, fréquentait Barthes, mais c’était avec Duras qu’il voulait vivre. Il lui avait écrit, elle n’avait pas répondu.

Cet amour-là

Il l’avait rencontrée en 1975, après la projection de India Song, sur le parking du cinéma Lux, à Caen, en novembre. Yann s’appelait encore Lemée, c’était un jeune homme un peu paumé, ailleurs, maigre et élégant, il avait suivi des études de philosophie en Khâgne et fait la fête dans des boites branchées. Il a revu Duras, le destin l’exigeait. Il ne l’a plus jamais quittée. Il est devenu le fantôme auprès d’elle, venu de nulle part et reparti nulle part. Il a veillé sur l’auteure de L’Amant, prix Goncourt 84, jusqu’à ce jour funeste de mars, le 3, un dimanche, où elle a quitté la piste du bal du casino de la vie, où l’on finit toujours par miser sur la mauvaise couleur. Mais, privilège exorbitant de l’écrivain, ses personnages, leur inoubliable nom, les ambiances portuaires propices au secret, la robe rouge d’Anne-Marie Stretter, l’absence des regards au retour de La Douleur, l’amour sans cesse contrarié et sans cesse recommencé – « il n’y a pas de vacances à l’amour » –, le Gange millénaire, embarqués sur Le Navire Night, perdurent toujours. Yann Andréa a continué seul son errance dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, à la recherche du fantôme de M.D., lui le fantôme sans identité. Il a fini par mourir dans une chambre, un jour indéterminé de juillet 2014. Les voisins ont appelé la police, incommodés par l’odeur du corps en décomposition. Après la mort de M.D., il avait signé le poignant Cet amour-là.

Frustration

Ce « Bartleby au glorieux désœuvrement » méritait bien un livre. Julie Brafman, chroniqueuse judiciaire, a relevé le défi d’écrire sur un homme qui a tout fait pour qu’on ne parlât jamais de lui. Son récit, Yann dans la nuit, se lit comme un roman, et cela tient en éveil tard dans la nuit, justement. Ce couple baroque, Duras/Yann, décidément, fascine. Julie Brafman a mené une enquête existentielle qui l’a conduite à l’IMEC, d’abord, où elle n’a pu consulter que quelques cartons « Yann Andréa », la plupart étant estampillés « non consultable ». Mais elle ne s’est pas découragée. Elle a cherché, plusieurs lettres, des phrases écrites sur le dos d’un chèque, des notes ici ou là, une piste ténue pour un homme en pointillé, hanté par quelque chose qui le dépassait : vivre. Elle a ensuite découvert la « chambre rose » avec un meuble en plastique où les traces de l’existence de Yann Lemée, devenu Yann Andréa, puis Yann Andréa Steiner, débordaient des tiroirs, comme le Gange sort de son lit à la mousson. Après avoir refermé le livre, on en sait un peu plus sur l’amant maltraité par Duras. Il y a les colères, les réconciliations, la chanson Capri c’est fini en boucle, la soupe aux poireaux avec l’indispensable pomme de terre, l’alcool jusqu’à l’hospitalisation… Yann est là, il veille sur M.D. qui lui en veut de ne pas répondre à son désir. Elle devient grossière, méchante, elle écrit La Maladie de la mort, on lui reproche ce court récit violent contre l’homosexualité. Yann tape le texte dirigé contre lui. Il est au bord des larmes, mais il le fait, il le tape, il le lit même à haute voix, exigence de M.D. Julie Brafman dit : « Alors il répète que la fusion impossible des corps est une fatalité. Une malédiction. Une désolation. Il répète la tragédie de cet homme qui paye une jeune femme pour avoir des relations sexuelles. » C’est « l’aventure tragique de l’écriture. » Elle brûle tout sur son passage, consume les êtres, abolit le temps. Julie Brafman rappelle que Duras et Yann étaient deux experts en fausse confession. Ils ont dupé les biographes ; ils ont trompé les lecteurs, mais ils ont rêvé, ces lecteurs, et ils rêvent encore au ravissement de cette Lol V. Stein. Duras invente le monde entier. « L’illusion marche parfaitement, ajoute Brafman, Le Gange coule sous les viaducs de la Seine-et-Oise. Personne n’oserait prétendre le contraire. » La transfiguration, chez Duras, atteint la perfection somnambulique.

Yann Andréa est un élément clé dans la vie de Duras. Ce fantôme en cravate coccinelles sillonne entre les lignes des meilleurs récits de M.D. Il a régénéré sa puissance créatrice ensablée sur la plage de Trouville. Alors est né le « cycle atlantique ». On le devine dans les bars de palace, il arpente les collines normandes à la recherche de beaux corps virils, il est lui-même ce corps allongé et nu dans Les Yeux bleus cheveux noirs, il est partout de 1980 à 1993, et elle, elle attend l’impossible pénétration. Julie Brafman écrit : « Yann Andréa traverse les textes, de page en page, avec son sac en toile et son parapluie noir alors qu’il fait beau. Incapable d’aimer. »

La frustration, moteur durassien ? Il ne me déplait pas de le penser.

Julie Brafman, Yann dans la nuit, Flammarion. 336 pages

Yann dans la nuit

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Une histoire belge (pas drôle)

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DR.

À l’inverse des États-Unis, du Royaume-Uni et de la Suède, la France, la Belgique et l’UE continuent de promouvoir le transgenrisme.


En France, le 16 juin, une décision-cadre du Défenseur des droits, Claire Hédon, « relative au respect de l’identité de genre des personnes transgenres » a vu le jour dans l’indifférence générale. Elle préconise pourtant « d’autoriser les mineurs non émancipés à changer de sexe à l’état civil » et de faire respecter le choix de l’identité de genre des jeunes « au niveau des établissements scolaires » et dans les milieux sportifs. De son côté, la Commission européenne a présenté le 8 octobre sa « Stratégie pour l’égalité LGBTQI+ 2026-2030 » prévoyant la possibilité d’une « auto-détermination genrée libre de restrictions d’âge ». D’aucuns pensaient que la Belgique était seulement corrompue par l’islamisation de sa société ; ils avaient tort car l’épidémie woke s’y répand également. Les délires des « déconstructeurs » touchent maintenant tous les milieux.

A lire aussi, du même auteur: Chronique d’un scandale politico-médiatique dont France Inter se serait bien passé

Ainsi dans le Brabant flamand, le directeur adjoint d’une école catholique a déclaré être « une personne non binaire » et, par conséquent, ne plus « se reconnaître dans les formules monsieur ou madame ». Cet être incertain demande qu’on l’appelle simplement « adjoint ». Magnanime, il concède que des professeurs et des élèves puissent encore « utiliser le mot “monsieur” par mégarde ». Il leur recommande toutefois d’éviter de se tromper à l’avenir. Un professeur de droit interviewé par le média belge Sudinfo rappelle en effet que le « non-respect de l’identité de genre » peut entraîner des sanctions pénales : « Un employeur risque jusqu’à six mois de salaire brut de dédommagement, et un collègue des poursuites pénales. En ce qui concerne les élèves mineurs, la responsabilité légale incombe aux parents. »

Le souvenir d’un texte juridique permettant de punir des personnes ayant appelé un homme « monsieur » amusera sûrement les juristes de la fin de ce siècle. Surtout si, comme le laissent craindre les transformations en cours en Belgique et ailleurs en Europe, de nouvelles lois religieuses finissent par supplanter les ordonnances wokes.

L’exercice chaotique du biopic

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Michel Fau © Hannah Assouline

Dans L’Inconnu de la Grande Arche, de Stéphane Demoustier, Michel Fau incarne François Mitterrand de manière troublante. Son secret: ne pas imiter mais évoquer. C’est tout l’inverse de ce que font la plupart des acteurs qui jouent le rôle d’un personnage réel. Aussi dézingue-t-il joyeusement Cotillard en Piaf, Niney en Saint Laurent ou Wilson en de Gaulle.


Causeur. Je vous ai toujours entendu critiquer les biopics et dire votre désintérêt pour ce genre. Vous m’avez parlé de l’impasse artistique dans laquelle se retrouvaient beaucoup d’acteurs s’attelant à jouer des personnages réels dont tout le monde connaissait et le visage, et la voix. Pourquoi avez-vous accepté la proposition de Stéphane Demoustier d’incarner Mitterrand ?

Michel Fau. J’avais déjà accepté de jouer des personnages historiques mais dont, effectivement, nous n’avions pas de trace filmée. J’ai par exemple joué pour la télévision Louis XVI ou encore Balzac, dans le film d’Arielle Dombasle Les Secrets de la princesse de Cadignan. Mais jouer un personnage dont tout le monde connaît la voix, le physique, la gestuelle, les tics, je trouve ça très casse-gueule. Et la plupart des acteurs s’y cassent d’ailleurs la gueule. C’est un piège.

Que faut-il ne surtout pas faire lorsqu’on joue un personnage connu de tous, selon vous ?

Ce qu’il ne faut pas faire, c’est ce que font la plupart des acteurs, c’est-à-dire vouloir absolument ressembler le plus possible au personnage réel. Que ce soit dans la voix, le phrasé ou dans le physique. Je trouve que c’est inintéressant. Quand je regarde La Conquête, film dans lequel Denis Podalydès joue Sarkozy, je trouve ça pathétique. On dirait l’imitateur Michel Guidoni dans son numéro de Sarko ! On se croirait au théâtre des Deux-Ânes. Je n’ai rien contre les chansonniers et les imitateurs, mais dans un film de cinéma, c’est-à-dire dans ce qui devrait être une œuvre d’art, ce n’est pas ce que je viens chercher ! Pour moi, c’est exactement l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire. C’est une imitation de Sarkozy. Une simple imitation. Je me demande où est le geste artistique là-dedans. C’est souvent le problème lorsque les acteurs jouent des personnages réels. On sent qu’ils ont passé des heures à regarder des vidéos de la personne qu’ils doivent incarner. Ils essaient de reproduire les moindres gestes. Parfois même, les réalisateurs leur demandent de jouer des scènes qu’on a vues en vidéo. Pour moi, c’est la négation de l’acteur. D’ailleurs, je crois qu’aucun grand acteur n’a jamais accepté ce genre de choses. Les grands acteurs acceptent de jouer un personnage réel connu s’ils ont une marge de manœuvre personnelle, s’il y a une place pour la création et pour l’imaginaire.

Tout cela n’explique pas pourquoi, cette fois, vous avez accepté !

D’abord j’ai trouvé le scénario de Demoustier formidable. Il fait de cette histoire réelle un conte, une farce effrayante et grotesque. Cependant, j’ai vraiment dit oui quand j’ai compris que Demoustier était sur la même longueur d’onde que moi, c’est-à-dire qu’il ne désirait pas que je fasse une imitation de Mitterrand. Ce qu’on voulait tous les deux, c’était que j’incarne la vanité du pouvoir. Donc pas de faux crâne, pas de dentier !

Bouquet était votre professeur au conservatoire, il est resté votre maître, et vous avez monté avec lui Tartuffe, dans lequel il jouait Orgon. C’est drôle que l’on vous propose à vous d’incarner Mitterrand comme Guédiguian l’avait proposé à Bouquet il y a vingt ans. Vous y avez forcément pensé… ?

Bien sûr. D’autant que le travail de Bouquet dans ce film, Le Promeneur du Champ-de-Mars, était selon moi exemplaire de ce qu’il faut faire pour jouer un personnage réel et connu. Il n’était pas dans l’imitation, il fuyait l’anecdote. Il m’a dit un jour : « Dans ce film j’ai cherché à jouer un représentant de commerce qui se prenait pour le roi Lear. Je n’ai jamais cherché à imiter Mitterrand. » Et l’immense réussite, c’est que lorsqu’on regarde le film, on voit Bouquet avec sa voix reconnaissable entre toutes, avec sa musique très particulière, son chant à lui, sa diction. Les imbéciles diraient en se moquant qu’il fait du Bouquet. Mais il fait du Bouquet comme Depardieu fait du Depardieu ou comme Jouvet faisait du Jouvet. Il est de cette race-là. Une personnalité écrasante et omniprésente. J’en reviens donc à mon propos. Dans ce film on voit Bouquet, on voit que c’est lui ! Mais malgré tout on voit aussi Mitterrand en transparence alors qu’il ne l’imite absolument pas. Comme si deux masques se mêlaient. C’est extrêmement troublant ça. Parvenir à nous faire voir Mitterrand sans chercher à lui ressembler. Et c’est ainsi que nous saute aux yeux l’âme de Mitterrand. C’est ainsi que nous saute aux yeux l’essence invisible de ce personnage !

Pour vous préparer, vous n’avez pas travaillé sur les interviews de Mitterrand ou d’autres archives audiovisuelles ?

Non. Après, évidemment, comme tous les Français, je connaissais déjà sa voix et son personnage. Mais je n’ai pas voulu reproduire le moindre détail de son physique ou de sa voix. Sauf une fois. Dans la scène où l’architecte présente le projet de la Grande Arche à Mitterrand, Demoustier m’a demandé de me mettre à quatre pattes pour regarder la maquette. Je trouvais ça un peu trop gros, un peu exagéré. Pour me convaincre, Demoustier m’a montré une vidéo d’archive inédite ou l’on voyait Mitterrand se mettre à quatre pattes, à la demande de cet architecte dont il s’était entiché, pour mieux voir la perspective de sa maquette. J’étais sidéré. C’était absolument énorme et gênant. Et j’ai donc reproduit la position du président sur la moquette. En dehors de cela, je ne me suis vraiment pas posé la question du réalisme, de la ressemblance. J’ai cherché à jouer cela comme un personnage de Brecht. J’ai joué un homme encore puissant, mais sentant le pouvoir filer entre ses doigts. C’est cela que j’ai voulu incarner.

Savez-vous pourquoi Demoustier vous a choisi pour incarner ce rôle ?

Mitterrand avait un côté vieille France. Il était un peu décalé par rapport à son époque. Il dégageait quelque chose de périmé. De suranné et de précieux. Je crois l’avoir aussi. Et c’est pour cela que Demoustier m’a choisi, je pense. C’est la recherche de quelque chose de commun dans l’esprit plus que d’une ressemblance physique. Physiquement, ce que j’ai essayé de dégager, c’est une certaine rigidité, quelque chose de coincé. Encore une fois, nous ne sommes pas dans l’imitation mais dans l’évocation.

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Pour qu’on comprenne mieux, donnez-nous maintenant votre avis sur quelques biopics ! Cotillard en Piaf ?

Quand je regarde ce film je ne vois qu’une chose : Cotillard avec du latex sur la gueule. Le film donne une image de Piaf totalement fausse. On a l’impression qu’elle ne foutait rien de la journée, qu’elle ne travaillait jamais, qu’elle ne faisait que de boire et s’engueuler avec son mec.

Bruno Ganz en Hitler, dans La Chute ?

Sublime ! Il y a une certaine ressemblance, mais il fait du personnage quelque chose de totalement métaphysique qui dépasse la simple histoire d’Hitler. Il ne joue pas l’anecdote. Il joue Hitler comme il jouerait Richard III. On ne voit pas un acteur jouer Hitler. On voit un acteur jouer une situation énorme et tragique.

Michael Douglas dans Ma vie avec Liberace, de Soderbergh ?

Le film est magnifique. Totalement décadent ! Ce que fait Michael Douglas est assez culotté, mais il reste en dessous de la réalité. Il n’atteint pas le kitsch, la monstruosité, le mauvais goût extrême et fascinant de Liberace. Douglas reste encore trop classe. Toutes proportions gardées, c’est un peu comme Lafitte dans Bernard Tapie. Il n’atteint pas la vulgarité de Tapie. Ni sa folie ! Pour incarner Tapie, il faut un acteur doué de folie. Là, on voit juste Lafitte avec une perruque. Ce qu’il fait en tant qu’acteur ne raconte pas grand-chose du personnage. Je préfère voir un documentaire avec de vraies images de Tapie, c’est beaucoup plus fascinant et effrayant.

Bradley Cooper en Léonard Bernstein ?

C’est intéressant car il fait une composition hallucinante. De plus le film est magnifique. Mais je trouve qu’on voit trop le travail. On se dit qu’est-ce qu’il a dû bosser pour arriver à choper tous les trucs de Bernstein. En le regardant on remarque trop la performance, c’est omniprésent.

Gaspar Ulliel dans Saint Laurent ?

C’est un chef-d’œuvre. Déjà, le film de Bonello est incroyablement beau. C’est une œuvre qui touche au sublime. Gaspard n’est pas la réplique de Saint Laurent. Il est d’ailleurs vingt fois plus beau. Mais il a le même magnétisme que Saint Laurent. Il ne cherche pas à imiter, il est une évocation et une incarnation de l’esprit de Saint Laurent. C’est extrêmement troublant. Ce qui est également très beau, c’est d’avoir demandé à Helmut Berger de jouer Saint Laurent vieux. Car là aussi, il n’en est pas la copie conforme, mais il dégage exactement ce que dégageait Saint Laurent à la fin de sa vie. En revanche, Jérémie Renier, que j’aime bien, n’était pas assez monstrueux dans le rôle de Pierre Bergé. Mais c’est aussi une histoire d’emploi. Voilà, je dirais que pour jouer un personnage réel et connu, c’est l’emploi qui est important plus que la ressemblance physique. On ne peut pas tout jouer. Une actrice formidable dans un rôle de soubrette ne sera pas systématiquement formidable en tragédienne. Un acteur bouleversant dans un emploi de jeune premier romantique (Lorenzaccio) ne sera pas forcément à sa place dans un rôle de valet de farce (Scapin). Moi, je ne me vois pas jouer Emmanuel Macron, par exemple. Tout comme Lambert Wilson ne peut pas incarner de Gaulle (bien qu’il l’ait fait !). Ce n’est pas une histoire d’être bon ou pas, ou de ressembler physiquement ou non au vrai personnage, c’est une question d’emploi ! Moi, au théâtre, j’ai bien joué Bette Davis ! Je ne lui ressemble pas, mais je pense avoir une monstruosité commune avec elle. Pour en revenir à Saint Laurent, il y a aussi Niney qui l’a joué dans un autre film insupportablement sentimentaliste. Mais Niney n’a pas le charisme pour incarner Saint Laurent. Pour incarner quelqu’un de charismatique, il faut être un acteur charismatique.

Michel Fau (François Mitterrand) dans L’Inconnu de la Grande Arche de Stéphane Demoustier, 2025 (C) AGAT FILMS, LE PACTE

Balibar dans Barbara ?

C’était très intéressant, car ce n’était pas l’histoire de Barbara. C’était l’histoire d’une actrice, en l’occurrence Balibar, qui devait jouer le rôle de Barbara. Et au fur et à mesure du film, on se perdait. On finissait par ne plus savoir si c’était l’actrice ou la chanteuse.

Toni Servillo dans Berlusconi.

Là, je trouve ça vraiment génial ! Quand Demoustier m’a proposé de jouer Mitterrand, je me suis d’ailleurs dit qu’il fallait faire exactement ce que faisait Servillo dans ce film de Sorrentino. Il joue ça comme une marionnette de Berlusconi. C’est extrêmement sophistiqué. Ce n’est pas réaliste du tout. C’est ce qui est beau. C’est une réalité fantasmée. D’ailleurs, dans la bande-annonce, on voit l’inscription : « Tout est VRAI. Tout est FAUX. » C’est exactement là qu’il faut se situer ! Avec de l’artifice, de l’onirisme, de l’exagération parfois, en tordant la réalité, en la faisant grimacer : montrer le vrai. Pour le montrer, ce vrai, il faut parfois savoir s’éloigner du réel. C’est d’ailleurs pourquoi j’aime la farce et la tragédie. Les deux se rejoignent d’ailleurs.

Pour terminer, parlons de Guitry. En ce moment, vous jouez La Jalousie au théâtre de La Michodière au côté de Gwendoline Hamon, Geneviève Casile et Alexis Moncorgé. Vous avez d’ailleurs incarné le personnage de Guitry dans un téléfilm sur Arletty.

Effectivement. Mais il n’y avait qu’une seule scène dans ce téléfilm. Je ne l’avais pas imité non plus cette fois-ci. En revanche, en ce moment au théâtre, c’est assez troublant. Je ne joue pas Guitry, je joue une pièce écrite par lui. Mais je joue le rôle que lui-même jouait, le rôle qu’il s’était écrit sur mesure. Et dans l’écriture, il y a quelque chose de la musique de sa voix, de son phrasé. C’est très étrange. C’est écrit comme cela. Parfois, quand je le joue, je crois l’entendre. Je ne cherche pas du tout à l’imiter, mais le style de l’écriture, sa musicalité font parfois inévitablement résonner sa voix !

Najat Vallaud-Belkacem, la femme qui valait trois milliards

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© Laurent VU/SIPA

La présidente de l’ONG France Terre d’Asile dévoile son plan secret pour l’immigration: une politique migratoire plus humaine et la régularisation de 250 000 clandestins rapporteraient 3,3 milliards d’euros par an à l’État, estime-t-elle. Et encore, c’est évidemment sans compter l’enrichissement culturel.


Présidente de l’association France Terre d’Asile, désormais bien attablée à la mangeoire dorée de la Cour des comptes, cela grâce à l’insigne générosité du président de la République, Madame Vallaud-Belkacem semble ambitionner ces jours-ci tout à la fois le Nobel d’économie et une canonisation de son vivant au titre de la générosité sans frontières.

Moratoire sur les OQTF

Un article de l’Humanité[1] nous dévoile en effet ses cogitations en matière de politique migratoire. Plutôt du brutal, comme il est dit dans les Tontons Flingueurs. Voyez donc.  Le but affiché : « faire rimer nos principes de fraternité avec l’efficacité économique. » Au jackpot final, nous annonce-t-elle, pas moins de 3,3 milliards de profit pour l’État.

Comment s’y prendre ? Rien de plus simple. Simple, mais, comme je l’ai dit, plutôt brutal. Cesser purement et simplement de prononcer des OQTF à l’encontre des étrangers en situation irrégulière, vu que ça coûte des sous, environ 40 millions nous dit la nouvelle grande prêtresse de l’économie, 40 millions auxquels viendraient s’ajouter 219 millions autres (et non 220 millions car, vous l’aurez compris, en n’arrondissant pas les sommes, ça fait plus sérieux, plus rigoureux, moins calcul à la louche…) grâce à la diminution  du nombre de places dans les centres de rétention administrative. Rétention qui ne devrait plus s’opérer que de manière « ciblée et restreinte ». Une quinzaine de millions nous tomberaient encore dans les poches si nous construisions des structures destinées aux demandeurs d’asile en attente plutôt que de s’en remettre à des dispositifs d’hébergement d’urgence. Bien évidemment, la future prix Nobel se garde bien de chiffrer les coûts tant en investissement qu’en fonctionnement de ces structures. On n’est pas là pour s’embourber dans de tels détails, cela aussi vous l’aurez compris.

Mais il y a mieux encore. Le vrai gros pactole promis par Mme Vallaud-Belkacem est à chercher ailleurs : dans la régularisation de 250 000 travailleurs sans papiers. Cela, prédit-elle, ferait gagner quelque 3,3 millions par an, grâce à l’impôt sur le revenu et aux cotisations sociales supplémentaires versés aux administrations sociale et fiscale.

Plan secret

Sans vouloir être désagréable, nous nous permettrons d’inviter l’auteur (autrice) de ce merveilleux plan à prendre en compte un peu plus sérieusement la réalité concrète des choses. Vous me direz qu’elle n’est pas payée pour cela, ce qui est vrai. Mais tout de même, un petit effort de cohérence, de réalisme par-ci par-là, serait-ce trop demandé ?

Tout d’abord, pour que la régularisation de ces clandestins produise de l’impôt sur le revenu à hauteur des sommes évoquées, encore faudrait-il que tous trouvent à bosser, et ce faisant gagnent des salaires d’un montant suffisant pour être effectivement imposables, ce qui au vu de ce qui est la réalité du terrain, la vraie de vraie, est loin d’être le cas. Même chose pour les cotisations sociales, qui sont à corriger, quant à leur montant supposé, en tenant compte du taux de chômage touchant ces contingents particuliers de travailleurs, dont on sait qu’il est au minimum de 7 points supérieur à la moyenne.

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Enfin, il faudrait tout de même que la nouvelle madone de l’argent magique nous précise à combien de places d’écoles, de lits d’hôpital et autres services publics correspond la régularisation de 250 000 personnes et, accessoirement de leurs familles parce que, on s’en doute, il ne serait absolument pas conforme à « nos principes de fraternité » de revenir si peu que ce soit sur le généreux dispositif du regroupement familial. De même, il serait souhaitable que Mme Vallaud-Belkacem pousse l’analyse jusqu’à produire une estimation de l’afflux de migrants nouveaux que de telles facilités d’accueil ne manqueraient pas de provoquer.

Mais, là encore, tel n’est pas apparemment son problème, car je suppose que face à cet argument, elle a une réponse toute prête : si un tel afflux se produit réjouissons-nous, au contraire ! Si régulariser 250 000 sans papiers nous rapporte 3,3 milliards, hâtons-nous d’avoir à en régulariser 250 000, 500 000, 1 000 000 de plus, puisqu’à chaque tranche de 250 000 ce sont autant de jolis petits milliards que nous empochons ! Impayable sophisme !

Une ambition intime

Néanmoins, Madame Vallaud Belkacem, vous pardonnerez mon insolence, mais, en vérité, en réfléchissant bien, je vous trouve fort peu ambitieuse sur le double plan de « nos principes de fraternité » et de la prospérité nationale de vous en tenir à vos pauvres riquiqui 250 000 mille ! Voyez en grand, que diable ! Et allez donc d’emblée vers le million ! Le million ! Le million ! Comme on braille dans un certain jeu télévisé.

Sauf que, Mme la présidente de France terre d’accueil, nous ne sommes pas ici dans un jeu. Il s’agit à terme de la France, de sa population, de la nation française, de son identité, de sa culture, de sa civilisation. Quand bien même votre petite embrouille faussement généreuse, hypocritement « fraternelle » devait réellement rapporter des milliards, ce qui est pure illusion, nous aurions infiniment plus à perdre. Et que cette dimension du problème, que cette très évidente réalité ne vous ait manifestement pas effleurée, vous bombardée membre d’une des plus éminentes institution française, me paraît tout simplement consternant, affligeant, désespérant pour tout dire. Allons, Madame, en l’occurrence, pensez nation avant de penser pognon, s’il vous plaît…

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[1] https://www.humanite.fr/societe/budget/une-politique-migratoire-plus-humaine-genererait-33-milliards-deuros-de-gains-pour-les-finances-publiques-affirme-france-terre-dasile

Un an après: comprendre le retour improbable de Trump

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Prescott Valley, Arizona, 13 octobre 2024 © Rodrigo Abd/AP/SIPA

Il y a 365 jours, Trump déjouait les pronostics et reprenait la Maison-Blanche. Une victoire politique, mais aussi culturelle, explique notre chroniqueur


Il y a un an, le 5 novembre 2024, Donald Trump remportait une victoire que peu avaient anticipée, et que beaucoup refusent encore de comprendre. L’élection de Zohran Mamdani à la mairie de New York a quelque peu éclipsé cet anniversaire, mais la portée historique du retour de Trump à la Maison-Blanche ne doit pas être minimisée. Cette victoire ne souffrait aucune contestation : le candidat républicain a conquis tous les « swing states », remporté le collège électoral, et — fait rare pour un Républicain depuis George W. Bush en 2004 — gagné le vote populaire.

Jamais, sans doute, un candidat à l’élection présidentielle n’avait affronté une telle adversité : de ses adversaires, mais aussi des institutions, des médias et du monde de la culture.

Qu’on en juge !

Un système hostile

Les instituts de sondage, qui influencent nombre d’électeurs, prédisaient un scrutin serré ou favorable à Kamala Harris. Ils se sont trompés, comme en 2016.  La plupart des médias ont couvert la campagne de Trump avec une hostilité constante, avec plus de 80 % de mentions négatives.

Côté financement, Kamala Harris avait le soutien de Wall Street et a dépensé 50 % de plus que son adversaire, inondant les derniers jours de la campagne, écrans et plateformes de publicités négatives.

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À ces obstacles s’ajoutait la machine bureaucratique de Washington — hauts fonctionnaires, universités, ONG, think tanks —, cette armature du fameux État profond (« Deep State ») décidée à empêcher tout retour du trumpisme. Hollywood, de Robert Redford à Georges Clooney, d’Oprah Winfrey à Beyoncé, s’est engagé corps et âme contre lui. Même certains Républicains, les fameux RINO (« Republicans In Name Only »), œuvraient activement à sa perte, notamment à travers le Lincoln Project.

Le système judiciaire a été instrumentalisé pour l’envoyer en prison et le ruiner. Des procédures à répétition, civiles et criminelles, instruites dans des juridictions à majorité démocrate : Washington, New York, Atlanta. 91 (!) chefs d’accusation au total, plus que le mafieux Al Capone, des accusations la plupart sans fondement voire grotesques, mais qui ont bien failli l’éliminer de la course.

Et, last but not least, Donald Trump a subi deux tentatives d’élimination physique, dont celle de Butler, qui a mis en lumière les défaillances du Secret Service, dirigé par une femme visiblement incompétente.

Jamais un ancien président n’avait été autant insulté, moqué, caricaturé. Traité de fasciste, de semi-fasciste ou comparé à Hitler par Joe Biden, Kamala Harris, Barack Obama, Nancy Pelosi… Et pourtant, il a gagné, haut la main. La victoire de Trump, ce n’est pas seulement une victoire contre une (mauvaise) candidate, mais contre un système tout entier.

Une victoire aussi basée sur le rejet

Avec le brio qu’on lui connaît, Mathieu Bock-Côté écrit dans son dernier livre Les Deux Occidents que « la victoire de Trump est le rejet du consensus post-1989 : mondialisme, humanitarisme, néolibéralisme, multiculturalisme, néo-féminisme et politiquement correct ».

En effet, une majorité d’Américains ont rejeté tout ce que Biden, Harris et les Démocrates avaient fini par incarner : l’immigration de masse, le wokisme, les politiques de discrimination positive et de DEI (diversité, équité, inclusion), la « critical race theory », l’engouement pour les Black Lives Matter, la sacralisation du peu recommandable George Floyd, qui avait braqué un pistolet sur le ventre d’une femme enceinte…

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C’est aussi le rejet de la théorie du genre et de l’idéologie LGBTQIA+ (nom officiel patenté), des hommes transgenres dans le sport féminin, des hommes biologiques dans des prisons pour femmes, des procès pour avoir « mégenré » quelqu’un, des thérapies hormonales et des opérations chirurgicales sur des enfants ou des adolescents, comme l’ablation des seins chez des jeunes filles.

Top Gun plutôt que The Marvels

C’est encore une Amérique qui préfère Top Gun avec Tom Cruise à The Marvels et son casting militant 100 % féminin, une Amérique qui veut encore voir les sept nains dans Blanche-Neige et un baiser amoureux — sans consentement préalable — par le prince charmant pour réveiller la Belle au bois dormant.

L’Amérique MAGA de Trump croit dans sa Constitution et dans la liberté d’expression, bien menacée par le camp démocrate. Une Amérique profonde, populaire, du bon sens et profondément patriote : dans les meetings de Trump, on scandait « USA, USA » ; dans ceux de Harris, « Kamala, Kamala » !

Hillary Clinton qualifiait les électeurs de Trump de « déplorables ». En novembre 2024, les déplorables, les « ploucs » ont gagné. Donald Trump a ainsi remporté une bataille dans la guerre culturelle qui déchire l’Occident, mais la guerre sera encore longue et l’issue reste incertaine.

Quand Jean-Noël Barrot loue l’immigration africaine

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Jean-Noël Barrot et Elisabeth Gomis à l'inauguration du Musée des Mondes africains (MansA), Paris. RS.

Le ministre des Affaires étrangères, l’euro-mondialiste Jean-Noël Barrot, loue la diversité et le métissage. Mais dans des lieux choisis, loin de la réalité à laquelle les Français sont confrontés, persifle notre chroniqueur…


Le président algérien Abdelmadjid Tebboune refuse de reprendre ses ressortissants délinquants, radicalisés ou sous OQTF, retient injustement prisonniers deux de nos compatriotes, le journaliste Christophe Gleizes et l’écrivain Boualem Sansal, et accuse régulièrement la France de tous les maux. Résultat ? Après n’avoir jamais remis en question les accords de 1968[1] octroyant aux immigrés algériens un statut dérogatoire et coûtant à la France deux milliards d’euros par an (d’après un récent rapport parlementaire du député Charles Rodwell et du ministre à la Transition écologique Mathieu Lefebvre), puis avoir accepté un élargissement du nombre de visas pour des étudiants algériens dont beaucoup ne repartiront pas dans leur pays natal, Emmanuel Macron a demandé à l’ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet, de prendre part à la commémoration du 17 octobre 1961 organisée à Paris. « La France n’oublie pas ce jour sombre de son histoire », a déclaré celui qui, jour après jour, se plaît à détruire notre pays. Pour accomplir son œuvre dévastatrice, il s’est entouré depuis le début de son règne des pires ministres qu’ait jamais connus la Ve république. Parmi eux, Jean-Noël Barrot, actuel ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, se distingue particulièrement.

Vers une Europe supranationale

Comme Emmanuel Macron, Jean-Noël Barrot est passé par le programme « Young Leaders » de la French-American Foundation. Atlantiste frénétique, européiste fanatique, il est également un va-t-en-guerre acharné qui a reçu cette année la médaille de 3ème classe de l’Ordre du Prince Iaroslav le Sage, une breloque destinée à récompenser les citoyens étrangers ayant rendu des services spéciaux à l’Ukraine. Par « services spéciaux » il faut entendre ici, en plus des milliards déjà versés directement par la France, les pharaoniques moyens financiers que M. Barrot se dit prêt à mettre à la disposition de Volodomyr Zelensky via une nouvelle contribution européenne, un « prêt » dont ni l’UE ni la France ne reverront jamais le moindre sou et qui va surtout permettre aux Américains de continuer de réaliser quelques affaires sonnantes et trébuchantes grâce, d’une part à la vente de leurs armes, d’autre part à celle de leur très onéreux gaz naturel liquéfié pour remplacer le gaz russe, et à quelques oligarques ukrainiens corrompus de se remplir les poches. Ce n’est pas un hypothétique conflit avec les Russes qui va précipiter notre perte, mais bien les décisions catastrophiques prises par des présidents et des chefs de gouvernements européens agitant le spectre de la guerre pour détourner l’attention, camoufler leurs désastreux bilans économiques, sociaux et géopolitiques, et, surtout, accélérer la création de la Fédération européenne qu’ils appellent de leurs vœux. L’UE, sous l’impulsion de Mme von der Leyen, s’est très récemment dotée d’un Commissaire européen à la Défense. Sa mission est d’inciter les États membres à déléguer certaines de leurs compétences en matière de défense au niveau européen. M. Barrot s’est empressé de saluer le programme concocté par la Commission européenne, programme dont l’objectif est en réalité de protéger les intérêts allemands et américains, de nuire à l’industrie de défense de la France, et surtout de préparer les esprits à une nouvelle organisation politique européenne supranationale, l’Europe fédérale.

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M. Barrot est pour une immigration soutenue, celle qui vient du continent africain ayant sa préférence. Le 3 octobre, il participait à l’inauguration de la Maison des Mondes africains (MansA) créée sous l’impulsion de l’historien camerounais Achille Mbembe. En 2019, ce dernier reprochait à Emmanuel Macron de ne pas l’avoir sollicité dans le cadre d’une réunion organisée par l’Élysée avec la diaspora africaine. Le président français aurait ainsi cherché, selon lui, à éviter « de se mesurer à de véritables intellectuels africains » qui risqueraient « de lui poser des questions gênantes » et « de remettre publiquement en cause les trois piliers de la politique française en Afrique : le militarisme, le mercantilisme et le paternalisme mâtiné, comme toujours, de racisme » (Jeune Afrique, 8 août 2021). Emmanuel Macron aime s’entourer de fortes personnalités qui, comme lui, sont enchantées de voir et d’encourager les changements démographiques qui transforment notre pays du tout au tout, le plus souvent pour le pire. Il a par conséquent fait appel quelques mois plus tard à… M. Mbembe pour préparer le sommet Afrique-France devant se tenir à Montpellier en juillet 2021, puis pour rédiger un rapport dans lequel l’historien préconisera la création de cette fameuse MansA. Rappelons que, quelques années auparavant, M. Mbembe décrivait sur France Culture un processus qui, selon certains, n’existe pas, celui du remplacement des populations européennes : « On assiste à un processus de longue durée, un processus de repeuplement du monde qui va s’intensifier dans les années qui viennent. […] Les pays du Nord vont continuer d’accuser une tendance au vieillissement. Dans 50 ans à peu près, une grande partie des habitants de la planète viendra de l’Afrique et de l’Asie. Tout cela va provoquer des recompositions majeures avec lesquelles il faudra vivre. » Malgré la proximité de cette analyse avec celle développée par Renaud Camus, il ne vint à personne l’idée de traiter M. Mbembe de conspirationniste ou de fasciste. Étrange !

Avenir commun et atelier des possibles

M. Barrot, lors de son discours à la MansA, dira à sa manière grosso modo la même chose : « En 2030, l’Afrique comptera 1,7 milliard d’habitants, contre 450 millions en Europe. C’est avec les acteurs du continent, dans toute leur diversité, que se jouera une partie de notre avenir commun, ici en Europe. […] L’identité n’est jamais fixe. Elle est une traversée, un mouvement. […] Sans sa part d’africanité, la France ne serait pas tout à fait la France. » Les propos de MM. Mbembe et Barrot résonnent étrangement à nos oreilles et nous rappellent ceux de la romancière franco-camerounaise Léonora Miano : « L’Europe va muter. Ils [les Subsahariens] vont venir, et ils vont venir avec leur bagage identitaire. C’est ça qui va se passer, et c’est déjà en train de se passer. » M. Barrot ne redoute pas ce changement. Il le souhaite. L’Afrique surpeuplée déborde sur le continent européen, créant une crise migratoire sans précédent, source de dangereux bouleversements ? Peu importe à M. Barrot. Dans la MansA, il plane au-dessus d’une assistance acquise à son discours diversitaire et immigrationniste. Pour se maintenir en lévitation il lâche du lest, une boursouflure qui pèse son poids : « La MansA n’est pas un musée des certitudes mais un atelier des possibles. » L’Afrique devient dans sa bouche l’alpha et l’oméga de l’humanité, son unique passé, son seul avenir : « Le continent africain est la maison familiale de tous les humains. La MansA est notre maison à tous. Bienvenue à la MansA ! Bienvenue à la maison ! » Barrot, toujours plus haut…

Parenthèse. Paris compte un institut du Monde Arabe, un musée de l’Immigration, un musée du Quai Branly–Jacques Chirac consacré aux Arts et Civilisations d’Afrique, d’Océanie et des Amériques, mais toujours pas de musée destiné à mettre en valeur l’histoire de notre pays. La Maison de l’Histoire de France voulue par le président Sarkozy a été sabordée par le président Hollande et sa ministre de la Culture Aurélie Filippetti en 2012. Une tribune parue dans Le Monde et signée entre autres par l’historien Gérard Noiriel mettait en garde contre ce « projet dangereux », « surprenant » à l’heure de « la mondialisation des économies et des sociétés », représentatif d’une « France étriquée » passant à côté d’une « histoire des connexions et des métissages ». Les concepts et le vocabulaire de cette tribune ne sont pas sans rappeler ceux de L’Histoire mondiale de la France dirigée par un Patrick Boucheron prêt à en découdre avec « l’étrécissement identitaire » et « les crispations réactionnaires » d’une histoire de France qu’il jugeait trop nationale et qu’il voulait remplacer par une autre, plus ouverte, plus diverse, plus à même de « dépayser l’émotion de l’appartenance et d’accueillir l’étrange familiarité du lointain ». On ne dira jamais assez le mal que la gauche socialiste et ces universitaires-là ont fait à la France.

Le 17 octobre, M. Barrot s’est rendu à Lagos où il a tenu, lors du Forum Création Africa, un autre discours stratosphérique. Ce fut d’abord un hommage appuyé à un dénommé Davido, un chanteur américano-nigérian dont le grand mérite a été, selon M. Barrot, de « faire danser la French-American Foundation dans une atmosphère survoltée » lors de l’Africa Day à Paris. Ce n’était qu’un début ; il se faisait la voix. Devant un public trié sur le volet, une fois assuré de tenir ce qu’il croyait être le ton juste, notre ministre est parti en vrille : « D’Édith Piaf à Aya Nakamura, les talents les plus brillants ont toujours trouvé en France une scène à leur mesure. C’est en France que Gims, né à Kinshasa, est devenu l’un des plus grands chanteurs de sa génération. C’est Ladj Ly, né au Mali, qui a conquis le monde du cinéma avec Les Misérables. C’est Omar Sy, né de parents mauritaniens et sénégalais, qui tourne des films en France et fait chavirer Hollywood. »

Références douteuses

Mettre dans le même sac Édith Piaf et Aya Nakamura, il fallait oser ! Gims ? N’est-ce pas ce rappeur braillard qui a affirmé que les Égyptiens disposaient d’un système électrique dès l’Antiquité grâce aux pyramides qui étaient en réalité, selon lui, des centrales électriques ? Ladj Ly ? N’est-ce pas ce réalisateur subventionné qui, déjà condamné pour outrages envers des policiers puis de violences à l’encontre du maire de Montfermeil Xavier Lemoine, a été condamné à trois ans de prison dont un avec sursis pour avoir, avec deux comparses, enlevé, frappé et menacé de mort un homme qu’ils accusaient d’avoir couché avec la sœur de l’un d’eux, puis a été poursuivi pour avoir détourné, avec son frère, environ 300 000 euros de l’école de cinéma “Kourtrajmé” financée en grande partie avec de l’argent public, poursuites qui ont été abandonnées après que Ladj Ly a reconnu sa culpabilité et payé 50 000 euros d’amende pour éviter un procès ? Omar Sy ? N’est-ce pas cet acteur très surévalué qui, depuis sa somptueuse villa californienne, demandait « justice pour Adama Traoré », dénonçait « les violences policières en France » et affirmait être plus en butte au racisme en France qu’aux États-Unis ? Il n’y a eu personne, au Quai d’Orsay, pour avertir le ministre et lui dire que les individus qu’il avait choisis pour illustrer l’excellence de certains artistes français d’origine africaine étaient pour le moins douteux ? Il faut croire que non. Après ça, M. Barrot a lancé un nouvel appel à l’immigration en reprenant au passage une idée chère à l’extrême gauche : « La France croit au métissage qui fait dialoguer les imaginaires, qui amplifie les voix, qui élargit lhorizon. […] Alors venez ! Venez à Paris, à Marseille, à Clermont-Ferrand ou à Annecy pour déployer votre talent, pour remporter une part de la French touch dans vos valises et dans vos cœurs. […] Oui, nous avons besoin d’une nouvelle génération de citoyens prêts à agir, à prendre leurs responsabilités, à se lever pour la liberté, pour la démocratie, pour la planète, la justice et la prospérité partagée. » 

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La France, chassée d’Afrique par de plus malins qu’elle (la Chine, la Russie, le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Inde) et par les Africains eux-mêmes, continue malgré tout de battre sa coulpe, de se repentir, de demander pardon. Humiliée, salie, elle tente de valoriser les patrimoines culturels de pays qui lui ont tourné le dos et dénoncent, à grand renfort de discours mélodramatiques, sa participation à la traite transatlantique, son histoire coloniale, son « racisme systémique » et son « islamophobie ». Le président Tebboune en profite pour pousser ses pions. Une majorité des jeunes Algériens qui quittent leur pays natal pour rejoindre la France et profiter de son généreux système social participent au maintien de son régime et à l’islamisation de la société française programmée par les Frères musulmans. L’Afrique subsaharienne, meurtrie par des régimes autoritaires, des conflits inter-ethniques, des raids djihadistes et une pauvreté endémique, déferle elle aussi sur l’Europe, la France en particulier.

Les immigrés africains ignorent l’existence de la MansA, ils n’y mettront jamais les pieds. Ils savent en revanche que s’ils parviennent à poser le pied sur le territoire français, il y a de fortes chances qu’ils n’en repartiront jamais. Ils seront logés, nourris, soignés. Eux ou leurs descendants occuperont près de 40% des logements sociaux. Près d’un sur deux ne travaillera jamais. Beaucoup finiront dans la délinquance. Nombreux seront ceux qui repousseront de plus en plus vivement les lois de la République pour leur préférer les lois coraniques et réclamer des « aménagements » dans tous les domaines de la société. La « nouvelle génération de citoyens » souhaitée par M. Barrot s’ajoutera à celles qui l’ont précédée et ne se sont jamais intégrées. « Le métissage qui fait dialoguer les imaginaires et amplifie les voix » est une formule ampoulée et abstraite qui a pour objectif d’enfumer le pékin moyen et d’enjoliver la triste réalité : l’immigration massive, extra-européenne et musulmane que subit la France – et en vérité toute l’Europe – n’amplifie pas les voix mais les problèmes. Problèmes économiques, sociaux, civilisationnels, sécuritaires. Tandis que M. Barrot encourage cette immigration et chante les louanges de la diversité et du métissage dans la MansA, les Français expérimentent dans la douleur une société multiculturelle qu’ils n’ont pas souhaitée et qui s’avère être un désastre.

Les Gobeurs ne se reposent jamais

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[1] La résolution proposée par le RN et adoptée à l’Assemblée nationale a une valeur symbolique indéniable mais n’est pas contraignante. Dénoncer un accord international comme le traité de 1968 signé avec l’Algérie n’est pas de la compétence de l’Assemblée nationale, c’est une prérogative du chef de l’État, rappelle Nathalie Clarence, Maître de conférence en droit public à l’Université Paris Cité, dans un article paru sur le site du Club des juristes le 30 octobre 2025.

Le murmure du Boss

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Jeremy Allen White et Jeremy Strong dans SPRINGSTEEN: DELIVER ME FROM NOWHERE (2025) de Scott Cooper © 20th Century Studios. All Rights Reserved.

Eh oui, encore un biopic!


Scott Cooper est un cinéaste et acteur américain dont je n’avais vu précédemment qu’un seul film : l’excellent Crazy Heart qui conte l’histoire de « Bad Blake », ancienne star de musique country qui vit très modestement en chantant et jouant de la guitare dans les bars et les petites salles de petites villes du Sud-Ouest des États-Unis. Un soir, il (Jeff Bridges) va rencontrer Jean Craddock (Maggie Gyllenhaal), journaliste locale à laquelle il s’attache…


Son nouveau film est consacré à la genèse de l’album de Bruce Springsteen Nebraska en 1982. C’est une période de sa vie où Bruce Springsteen est sur le point d’accéder à une notoriété mondiale. Mais taraudé par les fantômes de son passé et les pressions du succès, il résiste et lutte. Il se retire dans une maison au calme et décide d’enregistrer, sur un magnétophone quatre pistes, dans sa chambre, un disque acoustique incontournable, brut et habité.

Un film simple, une déclaration d’amour au Boss

Scott Cooper narre les souffrances du chanteur qui écrit et joue ses chansons acoustiques entre la sortie de deux albums majeurs, The River (1980) et Born in the U.S.A. (1984). Contrepied folk et introspectif, Nebraska est un album intime et dépouillé, composé juste avant que le «  Boss » ne s’apprête à devenir une superstar mondiale.

A lire aussi: « L’Étranger » de François Ozon est-il politiquement correct?

Le cinéaste filme le chanteur replié, réfugié dans sa maison dans le New Jersey, assailli par les vieux démons de son enfance. Hanté par le rapport à son père, tourmenté, il lit les œuvres complètes de Flannery O’Connor (1925-1964), écrivaine du Sud des États-Unis – qui vont beaucoup l’inspirer pour cet album –, visionne sans cesse La Balade sauvage (1973) de Terrence Malick, et se laisse bercer par la belle chanson noire Frankie Teardrop du groupe new wave Suicide d’Alan Vega et Martin Rev. Servi par la mise en scène sobre et classique de Scott Cooper et l’interprétation magistrale de Jeremy Allen White, le film est le beau portrait d’un homme solitaire prenant la tangente pour ne pas sombrer.

Au bord du gouffre

Dans Deliver Me From Nowhere, Cooper retrouve ce qu’il aime filmer : les âmes fatiguées, les êtres au bord du gouffre, la musique comme refuge. Sa caméra épouse le silence et la lenteur. Elle observe un artiste en lutte contre lui-même, un homme qui s’enferme pour mieux se délivrer. La photographie, grise et granuleuse, semble capturer la lumière même de Nebraska, cet album de poussière et de rédemption.

Plus qu’un biopic, c’est un poème filmé, une confession murmurée. Cooper ne filme pas une icône, mais un homme qui cherche la vérité dans le vacarme du monde. Deliver Me From Nowhere respire au rythme d’une chanson de Springsteen : fragile, épurée, bouleversante.

Un film habité. Une prière murmurée dans la nuit américaine.

En salles depuis le 22 octobre. 2 heures

Hugo Jacomet, l’homme qui nous invite à être élégants

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L'essayiste et passionné de mode Hugo Jacomet. DR.

Hugo Jacomet veut croire que la bataille vestimentaire n’est pas perdue. Rompant avec les simplismes de l’époque, symbolisés en un slogan puéril – « venez comme vous êtes » – qui fait florès aussi bien dans le monde professionnel que dans la publicité, avec des conséquences dramatiques en termes d’intégration et de réussite -, il anime depuis une quinzaine d’années le blog à succès Parisian Gentleman. Il vient de sortir L’élégance est un art de vivre, nous rappelant que se comporter en gentilhomme est un tout englobant aussi bien l’habillement que les bonnes manières.  

Art sartorial

L’homme à la chevelure argentée tombant au cordeau sur les épaules a fait de l’art sartorial une vocation : costumes sur mesure et de tous les coloris – même ceux que nous n’oserions porter -, cravates « club » ou à motifs discrets, stylo Mont Blanc posé subrepticement sur une table en matière noble et souliers impeccablement cirés, il distille ses conseils au fil de vidéos inspirées. On comprend rapidement que ce défenseur de l’artisanat face au prêt-à-porter (qui est en réalité un « prêt-à-jeter ») est davantage qu’un énième influenceur obnubilé par le nombre de clics et de likes. A ses côtés, sa compagne, également tout en élégance, vient confirmer que le style, comme tout ce qui est beau, ne pourrait être l’apanage des hommes.

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Peut-être tout ceci est-il vain à l’heure où les rues se gorgent de passants battant pour la plupart le pavé en sneakers surmontées d’un jeans plus ou moins ajusté, dompté lui-même par une doudoune ou un survêtement à capuche ? Peut-être est-ce même suranné alors que les joueurs de l’équipe de France de football rivalisent de mauvais goût au moment de rallier le centre d’entraînement de Clairefontaine ? Peut-être ne reverra-t-on jamais le temps de la sprezzatura, ce raffinement tout en simplicité, décrit par Castiglione dans Le livre du Courtisan que tout homme élégant devrait posséder dans sa bibliothèque ? 

Dissidence

On observe pourtant un frémissement. Si l’on n’est pas encore revenu aux temps du couvre-chef, du costume généralisé et de la cravate dont un des charmes réside dans la verticalité, ni à l’époque dorée du cinéma de Gary Cooper, de Katherine Hepburn et de Philippe Noiret, un nombre croissant de jeunes rompt avec le laissez-aller très « début de XXIe siècle ». On comprend alors qu’Hugo Jacomet a accéléré et accompagné un mouvement de fond puisant à de multiples sources et causes : les séries télévisées (Peaky BlindersMad Men…), les photos d’aïeux éveillant une nostalgie en sépia, la volonté de rompre avec la génération des boomers…  Il reste à voir si cette forme de dissidence se traduira en changement sociétal.

Il est souvent ressassé que « l’habit ne fait pas le moine » pour justifier de ne pas se fier uniquement aux apparences. Rien n’est plus erroné que cet apophtegme : rarement, nous avons aperçu un banquier en hoodie ou, à l’inverse, un député LFI en costume trois-pièces… bien qu’autrefois Jean Jaurès estimait que soigner sa mise était de son devoir afin de respecter ses électeurs issus des classes populaires. Mais il y a plus important. Pour Hugo Jacomet, l’habillement est l’élément d’un ensemble qui comprendrait également l’art de joliment s’exprimer, la politesse, l’obligation de se comporter décemment en société, l’acquisition d’une culture générale et de connaissances diverses, la recherche de la beauté et de la bonté et le goût sans cesse renouvelé de l’effort.

Entre deux extravagances, Karl Lagerfeld affirmait que sortir en training de chez soi était déjà une défaite. Bien s’habiller est a contrario une façon de se respecter tout en témoignant d’égards envers autrui. Si chacun reste évidemment libre de porter les fringues qu’il désire, se vêtir avec goût est une manière de voir le monde, mais aussi d’augmenter ses chances de séduire et de convaincre, de gagner en confiance et finalement de réussir. Si l’habit ne fait pas le gentleman, il en est un élément essentiel, en d’autres termes l’étoffe venant embellir les belles âmes.

192 pages

L'élégance est un art de vivre: Les chroniques de Parisian Gentleman (2009-2025)

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