Un roman historique, mais pas tendance Alain Decaux…

Ça commence comme dans un film de Brian De Palma. Un massacre d’oiseaux dans une volière chez des nobles. Les cacatoès, les toucans, et autres volatiles bigarrés, sont tous morts, grillés, en cendre même. Les autruches semblent cependant debout. Ça rassure la jeune Liselotte de Beaupré. Mais devant l’enclos, elle constate l’horreur : elles ont été décapitées. « Leurs têtes et leurs cous sanglants jetés à l’autre bout de l’enclos, entassés comme de simples déchets de boucherie, leurs grands yeux frangés de longs cils restés ouverts. »
Isabelle Duquesnoy est au meilleur de sa forme. Elle récidive, et de quelle manière ! Elle reprend le cocktail détonnant de ses précédents ouvrages : de la truculence et de la perversion, avec une pincée de malice. Après L’Oiseleuse de la Reine, voici La Baronne de minuit, second volet de la saga du Château des soupirs.
Nous sommes en 1789. Les révolutionnaires ne sont pas tendres avec les nobles et leurs bêtes à plumes. La baronne Liselotte de Beaupré doit s’exiler à Londres si elle veut garder la tête sur les épaules. Elle quitte également son amant originaire du Siam, Narong. Son installation à Londres permet à Isabelle Duquesnoy, diplômée d’histoire et de restauration du patrimoine, de brosser un portrait plus vrai que nature de la ville et ses habitants huppés. Extrait : « Se nourrissant assez peu, les Anglais se gavaient de fines bouchées sucrées et farinées qui leur permettaient d’économiser la dépense d’une denrée plus coûteuse. » Pingres, ils sont. N’est-il pas exact ?
Le choix qui s’offre à Liselotte : la mendicité ou la prostitution. Cette oie blanche pourrait s’effondrer mais son instinct de survie lui permet de surmonter les épreuves. Les figures féminines sont toujours très fortes dans les romans de Duquesnoy, qui n’hésite pas à rappeler à la fin de son ouvrage que « seules les veuves possédant un fief et les mères abbesses pouvaient élire leurs représentants aux états généraux. » Après avoir été servante dans un tripot et coursière pour un atelier de mode, Liselotte est engagée par un Lord, naturaliste pour le compte du roi George III d’Angleterre, comme préceptrice de sa nièce, une charmante petite fille condamnée à ne vivre que la nuit car albinos. Ainsi la voit-on rôder, fantôme shakespearien malgré elle, dans la lugubre propriété du Lord, peuplée d’inquiétants animaux empaillés. Le récit, parfois, dérape. Duquesnoy, trop sage, finit par nous entraîner dans une soirée coquine à la molly house. C’est croustillant et ça finit mal, bien sûr. Roman historique mais pas tendance Alain Decaux.
Liselotte finit par trouver le temps long. Elle rêve de la France et de son amant. La vie, c’est beau, à condition d’être libre.
Ce nouveau roman d’Isabelle Duquesnoy tient toutes ses promesses, car elle refuse l’esprit de sérieux. Dans une interview, j’ai lu qu’elle rappelait qu’à l’époque de Liselotte, une femme montrait plus facilement sa poitrine que ses mollets. Le puritanisme n’avait pas encore stérilisé les esprits.
Encore un mot, avant de vous laisser découvrir le roman. Le vocabulaire utilisé par Duquesnoy a quelque chose de jubilatoire. Extrait : « Le suif pue. Il crougnoute. Il cogne. L’on peut dire qu’il fouette, qu’il remugle ou qu’il gazouille. Per… personnellement, je préfère dire qu’il poque ou qu’il trouillotte. »
Bon souper de Noël aux chandelles.
Isabelle Duquesnoy, La Baronne de minuit, Le Château des soupirs, second volet, Verso. 496 pages.
La Baronne de minuit: Le Château des soupirs, livre 2
Price: 21,90 €
6 used & new available from 17,40 €




