Eh oui, encore un biopic!
Scott Cooper est un cinéaste et acteur américain dont je n’avais vu précédemment qu’un seul film : l’excellent Crazy Heart qui conte l’histoire de « Bad Blake », ancienne star de musique country qui vit très modestement en chantant et jouant de la guitare dans les bars et les petites salles de petites villes du Sud-Ouest des États-Unis. Un soir, il (Jeff Bridges) va rencontrer Jean Craddock (Maggie Gyllenhaal), journaliste locale à laquelle il s’attache…


Son nouveau film est consacré à la genèse de l’album de Bruce Springsteen Nebraska en 1982. C’est une période de sa vie où Bruce Springsteen est sur le point d’accéder à une notoriété mondiale. Mais taraudé par les fantômes de son passé et les pressions du succès, il résiste et lutte. Il se retire dans une maison au calme et décide d’enregistrer, sur un magnétophone quatre pistes, dans sa chambre, un disque acoustique incontournable, brut et habité.
Un film simple, une déclaration d’amour au Boss
Scott Cooper narre les souffrances du chanteur qui écrit et joue ses chansons acoustiques entre la sortie de deux albums majeurs, The River (1980) et Born in the U.S.A. (1984). Contrepied folk et introspectif, Nebraska est un album intime et dépouillé, composé juste avant que le « Boss » ne s’apprête à devenir une superstar mondiale.
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Le cinéaste filme le chanteur replié, réfugié dans sa maison dans le New Jersey, assailli par les vieux démons de son enfance. Hanté par le rapport à son père, tourmenté, il lit les œuvres complètes de Flannery O’Connor (1925-1964), écrivaine du Sud des États-Unis – qui vont beaucoup l’inspirer pour cet album –, visionne sans cesse La Balade sauvage (1973) de Terrence Malick, et se laisse bercer par la belle chanson noire Frankie Teardrop du groupe new wave Suicide d’Alan Vega et Martin Rev. Servi par la mise en scène sobre et classique de Scott Cooper et l’interprétation magistrale de Jeremy Allen White, le film est le beau portrait d’un homme solitaire prenant la tangente pour ne pas sombrer.
Au bord du gouffre
Dans Deliver Me From Nowhere, Cooper retrouve ce qu’il aime filmer : les âmes fatiguées, les êtres au bord du gouffre, la musique comme refuge. Sa caméra épouse le silence et la lenteur. Elle observe un artiste en lutte contre lui-même, un homme qui s’enferme pour mieux se délivrer. La photographie, grise et granuleuse, semble capturer la lumière même de Nebraska, cet album de poussière et de rédemption.
Plus qu’un biopic, c’est un poème filmé, une confession murmurée. Cooper ne filme pas une icône, mais un homme qui cherche la vérité dans le vacarme du monde. Deliver Me From Nowhere respire au rythme d’une chanson de Springsteen : fragile, épurée, bouleversante.
Un film habité. Une prière murmurée dans la nuit américaine.
En salles depuis le 22 octobre. 2 heures

