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Voulait-elle l’ensoleiller ? Cela restera toujours pour moi un mystère. Une chose est sûre : ma Sauvageonne a fait de ce samedi 1er novembre 2025, une Toussaint africaine. Elle avait reçu une invitation du peintre-chanteur-musicien François Mafoua qui, ce jour-là, procédait à l’inauguration de son exposition au Marott Street, à Amiens. « Je l’ai croisé à Amiens il y a longtemps, très longtemps », me dit-elle, en passant une main distraite dans sa crinière folle et ébouriffée. Cet artiste a de la mémoire.
La Toussaint, tout novembre, en fait, m’en procure à moi aussi. Les chrysanthèmes font fleurir en moins des souvenirs enfantins. Tergnier. Le cimetière ; la brume. Des tombes. Celle de mes grands-parents partenels, d’abord, à partir de 1968, puis celle d’oncles, de tantes, d’amis, au fil des années qui s’égrenèrent, lamentables, bien plus vite que je ne l’eusse souhaité. La Toussaint ; fêter les morts. Tu parles ! Je préfèrerai boire un verre avec eux. Avec mes copains, dans le désordre : Gilles Gaudefroy dit Fabert, Michel Laurent (que j’ai surnommé Rico dans mon roman Des petits bals sans importance ; il repose dans le cimetière de Beautor caressé par les odeurs de métal écorché des ALB – Aciéries et Laminoirs de Beautor -), Jean Brugnon, éclusier et roadie élégant comme un Ray Davies de Fargniers, Gérard Lopez, dit Dadack (ami de la prime enfance ; je lui avais appris à faire du vélo ; pour me remercier, dix ans plus tard, il me fit découvrir Procol Harum et Rory Gallagher, puis devint le bassiste-chanteur de notre groupe de rock Purin au cours des glorieuses seventies), Catherine Caille et Florence Bacro, petites-amies trop tôt parties, Frédéric Dejuck, guitariste au phrasé claptonnien, Joël Caron, saxophoniste-flûtiste de mes années saint-quentinoises, et d’autres, tant d’autres, trop d’autres.
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Vous le voyez, lectrices adulées, novembre me rend joyeux. C’est dire si j’avais besoin de lumière, de soleil. La Sauvageonne et François Mafoua m’en procurèrent. Ce dernier a vécu à Amiens du début des années 90 jusqu’en 2004. Au Marott Street où il exposait une cinquantaine de toiles colorées, réalisées à partir du monde végétal et animal (il utilise des feuilles dans ses toiles et, parfois, des coquilles d’escargots comme pinceaux), et inspirés par son pays d’origine : le Congo ; il avait convié ses amis. Agé de 75 ans, arrivé en France il y a quarante ans, après avoir vécu à Paris, il réside aujourd’hui à Caen, dans le Calvados où il a ouvert une galerie. Ses œuvres ont été appréciées par des célébrités puisque le couple Mitterrand lui acheta des toiles ; il en fut de même pour Raymond Devos. En novembre 1990, il avait été invité dans une école primaire à Allonville, près d’Amiens, en même temps que Danielle Mitterrand, épouse du briseur du Parti communiste français. Ensemble, ils avaient créé une sculpture qui ressemblait à un masque africain. Puis avaient fait connaissance…
Au Marott Street, il agrémenta l’inauguration d’un concert en compagnie de son groupe African’Rumba (Pablo, batterie ; Vincent, guitare ; Jack, basse). L’artiste chante et joue aussi du kalimba. « Notre musique est un mélange de soul, de rumba, de reggae et de musiques caribéennes. Mon kalimba, je l’ai agrandi et électrifié ; c’est mon Mafouaphone », sourit-il. Le 22 novembre, il exposera à la galerie du Delta, 26, rue de Delta, dans le XIXe arrondissement, à Paris. Début décembre, il présentera et jouera, accompagné d’une chorale, dans une église de Verdun. Il n’arrête pas, ma foi !


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