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Xavier Bertrand, l’étoile mystérieuse

L’Élysée, c’est son destin… Hé Manu ! Tu descends ?


Xavier Bertrand, l’étoile mystérieuse
Xavier Bertrand devant le siège des Républicains à Paris, 6 octobre 2025 © Stephane Lemouton/SIPA

Isolé sur l’échiquier politique, le président de la région Hauts-de-France continue de croire en sa bonne étoile et en son destin national. Convaincu qu’il accédera un jour à la présidence de la République, il nourrit cette ambition avec une ténacité intacte. Sa préoccupation du moment ? Dénoncer les « ambiguïtés » qu’il perçoit entre certains responsables de son propre camp, Les Républicains, et le redouté Rassemblement national. Portrait.


Les saisons passent et se ressemblent. L’automne revient, l’heure d’hiver, les débats budgétaires et, inévitablement, l’annonce de la candidature présidentielle de Xavier Bertrand. À le voir se déclarer, encore, en croisade pour l’Élysée, il a fini par nous convaincre qu’il était devenu un personnage indispensable de la Ve République.

C’est l’histoire, ou le complexe, de celui qui n’a jamais vraiment brillé, et qui garde en lui la frustration du quatrième : celui qui ne monte jamais sur le podium quand les lions sont là, mais reste persuadé de toucher au but lorsqu’ils sont morts.

Ce que l’on disait des émigrés aristocrates revenus dans les « fourgons de l’étranger » lors de la Restauration des Bourbons en 1815 vaut aussi pour Xavier Bertrand : « Rien appris, rien compris. » Les années passent et Bertrand use de la même stratégie, éculée et usée. Lorsqu’il parle de cette élection qui l’obsède avec un laconique « Je m’y prépare », il ne fait guère plus que le citoyen lambda annonçant qu’il ira faire ses courses au marché du vendredi.

L’aventurier de la présidentielle perdue

Le début de ses grandes ambitions remonte à loin. À l’issue de la défaite de Sarkozy en 2012, l’UMP était en fâcheuse posture, plus encore après la lutte entre ses successeurs, Copé et Fillon, qui a forcé l’ancien président à revenir. Face à ce spectacle, Bertrand, qui s’est toujours fait une certaine idée de la France, commence à laisser entendre qu’il sera candidat en 2017. Il en a, pense-t-il, l’étoffe, et la France l’attend. Face aux vieux lions Sarkozy, Juppé et Fillon, il comprend vite qu’il doit choisir une autre voie pour ne pas finir englouti comme Hervé Mariton ou défait, plus platement encore, que Bruno Le Maire à la primaire LR.

Il se tourne alors vers la présidence de sa région, les Hauts-de-France, qu’il conquiert brillamment contre Marine Le Pen en 2015. Cette victoire est son bâton de maréchal. C’est Desaix surgissant à Marengo pour renverser la bataille et le destin du consul Bonaparte. Il fait de cette élection son épopée personnelle et de sa présidence une place forte de la droite républicaine contre les extrêmes, de gauche comme de droite. Ce qui revient à dire que tous les autres, sauf lui, sont dangereux. Une forme de macronisme qui ne dit pas son nom.

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Après l’élection « imperdable » de 2017, Bertrand annonce, dans un moment d’intense exaltation, qu’il sera candidat en 2022, à condition d’être réélu. Rien ne doit l’empêcher de se présenter : son rendez-vous est, croit-il, non pas avec les militants LR, mais avec les Français et l’Histoire. Il fonce bille en tête, mais face aux risques, plutôt que de rester dans l’attitude d’un de Gaulle ou d’un Napoléon, seuls à croire en leur destin jusqu’à le réaliser, il recule. Il reprend sa carte du parti pour participer au congrès de 2021 et termine quatrième. Un échec majeur, qui aurait dû mettre fin à ses prétentions présidentielles.

Que nenni. Retranché dans le Nord, habité par la conviction d’être l’élu du Destin, il se voit encore comme celui qui sauvera la France. Son livre, tout juste paru, doit réveiller les consciences de millions de citoyens à ce sujet. Sans succès, puisqu’il plafonne à 5,5% dans le dernier sondage présidentiel.

L’opposant au macronisme est probablement macroniste

Xavier Bertrand se dit de droite, milite dans un parti de droite, mais l’est-il vraiment ?

Dernier exemple en date lorsqu’il demande à LR de clarifier sa ligne face au RN. Oui, Retailleau doit clarifier sa position quant à une éventuelle alliance avec ce parti. Mais Bertrand, lui, reproche à la droite d’être trop à droite. Il estime que la ligne droitière, sécuritaire et identitaire de Retailleau serait une trahison du gaullisme. Or, à relire le Général dans C’était de Gaulle, on mesure combien l’identité française et sa continuité sont au cœur même de la nation.

Pourquoi, alors, être revenu dans un parti qu’il avait quitté avec fracas ? Après 2017, il avait eu le courage de partir, estimant ne plus s’y reconnaître. Mais il s’est renié en revenant, lorsqu’il a compris qu’il ne pourrait pas faire campagne sans argent ni appareil. C’est ce jour-là qu’il a perdu toute sa crédibilité.

Trop éloigné des socialistes pour être de gauche, trop distant de Ciotti, Fillon ou Retailleau pour être de droite, il incarne un macronisme qui s’ignore, au point d’avoir failli devenir Premier ministre du président. Mais, pour citer Mitterrand, “l’opposant doit s’opposer sans cesse” : une leçon que Bertrand n’a jamais comprise.    

Il brandit sa présidence régionale comme modèle, mais cela ne suffit pas. Quand il promet de ne plus refaire les mêmes erreurs, il se trompe car il les répète déjà. En politique, mieux vaut être un Mélenchon théoricien, cohérent et craint, qu’un Bertrand sans cap ni boussole.

Idéologiquement hors-jeu

L’autre problème de Bertrand est qu’il reste englué dans un logiciel chiraquien daté, décomposé face au FN/RN, une sorte d’UDF bis dont il est l’avatar. Lorsqu’il déclare : « Je débusquerai toutes celles et ceux qui sont ambigus », puis ajoute : « La vocation d’une famille politique issue du gaullisme n’est pas de monter sur le porte-bagage de l’extrême droite sous prétexte qu’il faudrait aller avec les vainqueurs », il démontre qu’il n’a pas saisi que la droite RPR, fondée sur le gaullisme et l’héritage de la Résistance, n’existe plus.   

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De souveraine et gaulliste, elle est devenue européiste et centriste. Les électeurs de droite déçus par Chirac et Sarkozy se sont désormais recentrés sur les questions d’identité, de nation, de fiscalité et de sécurité. Bertrand mène en 2025 le combat avec les armes idéologiques de la campagne de Chirac en 2002.

Un symbole du déclassement de la droite

Xavier Bertrand fait partie de ces figures qui, sous Chirac et Sarkozy, furent un temps présentées comme les grands espoirs de la droite. Citons Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse, François Baroin, François Fillon, Alain Juppé, Jean-François Copé, Bruno Le Maire ou Nathalie Kosciusko-Morizet. Tous ont incarné, à un moment, la promesse d’un renouveau qui n’est jamais venu.

En quête de reconnaissance et d’un destin présidentiel, Bertrand appartient à cette génération de quinquagénaires issus de l’UMP qui ont manqué tous les rendez-vous. Lorsqu’il s’est lancé, les barons tenaient encore les manettes ; lorsqu’il les a crus déchus, il a pensé pouvoir s’emparer des postes, des partis, des victoires. Manque de chance, c’était précisément le moment du grand déclin de la droite et de la raréfaction des opportunités. Sur le plan idéologique, la droite a muté sans qu’il n’ait su suivre cette évolution. Et, sur le plan tactique, il n’a pas été aussi opportuniste que ses rivaux Édouard Philippe ou Sébastien Lecornu.

Accordons-lui au moins le mérite de continuer à croire en sa destinée présidentielle, même s’il semble clair que le destin de ce dauphin de la droite UMP/LR est de s’échouer sur le rivage de 2027. Sa dernière croisade… avant 2032.

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Ancien collaborateur parlementaire et ancien conseiller ministériel. Consultant au sein de l’agence Fargo-Sachinka.

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