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Le murmure du Boss

Eh oui, encore un biopic!


Scott Cooper est un cinéaste et acteur américain dont je n’avais vu précédemment qu’un seul film : l’excellent Crazy Heart qui conte l’histoire de « Bad Blake », ancienne star de musique country qui vit très modestement en chantant et jouant de la guitare dans les bars et les petites salles de petites villes du Sud-Ouest des États-Unis. Un soir, il (Jeff Bridges) va rencontrer Jean Craddock (Maggie Gyllenhaal), journaliste locale à laquelle il s’attache…


Son nouveau film est consacré à la genèse de l’album de Bruce Springsteen Nebraska en 1982. C’est une période de sa vie où Bruce Springsteen est sur le point d’accéder à une notoriété mondiale. Mais taraudé par les fantômes de son passé et les pressions du succès, il résiste et lutte. Il se retire dans une maison au calme et décide d’enregistrer, sur un magnétophone quatre pistes, dans sa chambre, un disque acoustique incontournable, brut et habité.

Un film simple, une déclaration d’amour au Boss

Scott Cooper narre les souffrances du chanteur qui écrit et joue ses chansons acoustiques entre la sortie de deux albums majeurs, The River (1980) et Born in the U.S.A. (1984). Contrepied folk et introspectif, Nebraska est un album intime et dépouillé, composé juste avant que le «  Boss » ne s’apprête à devenir une superstar mondiale.

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Le cinéaste filme le chanteur replié, réfugié dans sa maison dans le New Jersey, assailli par les vieux démons de son enfance. Hanté par le rapport à son père, tourmenté, il lit les œuvres complètes de Flannery O’Connor (1925-1964), écrivaine du Sud des États-Unis – qui vont beaucoup l’inspirer pour cet album –, visionne sans cesse La Balade sauvage (1973) de Terrence Malick, et se laisse bercer par la belle chanson noire Frankie Teardrop du groupe new wave Suicide d’Alan Vega et Martin Rev. Servi par la mise en scène sobre et classique de Scott Cooper et l’interprétation magistrale de Jeremy Allen White, le film est le beau portrait d’un homme solitaire prenant la tangente pour ne pas sombrer.

Au bord du gouffre

Dans Deliver Me From Nowhere, Cooper retrouve ce qu’il aime filmer : les âmes fatiguées, les êtres au bord du gouffre, la musique comme refuge. Sa caméra épouse le silence et la lenteur. Elle observe un artiste en lutte contre lui-même, un homme qui s’enferme pour mieux se délivrer. La photographie, grise et granuleuse, semble capturer la lumière même de Nebraska, cet album de poussière et de rédemption.

Plus qu’un biopic, c’est un poème filmé, une confession murmurée. Cooper ne filme pas une icône, mais un homme qui cherche la vérité dans le vacarme du monde. Deliver Me From Nowhere respire au rythme d’une chanson de Springsteen : fragile, épurée, bouleversante.

Un film habité. Une prière murmurée dans la nuit américaine.

En salles depuis le 22 octobre. 2 heures

Hugo Jacomet, l’homme qui nous invite à être élégants

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Hugo Jacomet veut croire que la bataille vestimentaire n’est pas perdue. Rompant avec les simplismes de l’époque, symbolisés en un slogan puéril – « venez comme vous êtes » – qui fait florès aussi bien dans le monde professionnel que dans la publicité, avec des conséquences dramatiques en termes d’intégration et de réussite -, il anime depuis une quinzaine d’années le blog à succès Parisian Gentleman. Il vient de sortir L’élégance est un art de vivre, nous rappelant que se comporter en gentilhomme est un tout englobant aussi bien l’habillement que les bonnes manières.  

Art sartorial

L’homme à la chevelure argentée tombant au cordeau sur les épaules a fait de l’art sartorial une vocation : costumes sur mesure et de tous les coloris – même ceux que nous n’oserions porter -, cravates « club » ou à motifs discrets, stylo Mont Blanc posé subrepticement sur une table en matière noble et souliers impeccablement cirés, il distille ses conseils au fil de vidéos inspirées. On comprend rapidement que ce défenseur de l’artisanat face au prêt-à-porter (qui est en réalité un « prêt-à-jeter ») est davantage qu’un énième influenceur obnubilé par le nombre de clics et de likes. A ses côtés, sa compagne, également tout en élégance, vient confirmer que le style, comme tout ce qui est beau, ne pourrait être l’apanage des hommes.

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Peut-être tout ceci est-il vain à l’heure où les rues se gorgent de passants battant pour la plupart le pavé en sneakers surmontées d’un jeans plus ou moins ajusté, dompté lui-même par une doudoune ou un survêtement à capuche ? Peut-être est-ce même suranné alors que les joueurs de l’équipe de France de football rivalisent de mauvais goût au moment de rallier le centre d’entraînement de Clairefontaine ? Peut-être ne reverra-t-on jamais le temps de la sprezzatura, ce raffinement tout en simplicité, décrit par Castiglione dans Le livre du Courtisan que tout homme élégant devrait posséder dans sa bibliothèque ? 

Dissidence

On observe pourtant un frémissement. Si l’on n’est pas encore revenu aux temps du couvre-chef, du costume généralisé et de la cravate dont un des charmes réside dans la verticalité, ni à l’époque dorée du cinéma de Gary Cooper, de Katherine Hepburn et de Philippe Noiret, un nombre croissant de jeunes rompt avec le laissez-aller très « début de XXIe siècle ». On comprend alors qu’Hugo Jacomet a accéléré et accompagné un mouvement de fond puisant à de multiples sources et causes : les séries télévisées (Peaky BlindersMad Men…), les photos d’aïeux éveillant une nostalgie en sépia, la volonté de rompre avec la génération des boomers…  Il reste à voir si cette forme de dissidence se traduira en changement sociétal.

Il est souvent ressassé que « l’habit ne fait pas le moine » pour justifier de ne pas se fier uniquement aux apparences. Rien n’est plus erroné que cet apophtegme : rarement, nous avons aperçu un banquier en hoodie ou, à l’inverse, un député LFI en costume trois-pièces… bien qu’autrefois Jean Jaurès estimait que soigner sa mise était de son devoir afin de respecter ses électeurs issus des classes populaires. Mais il y a plus important. Pour Hugo Jacomet, l’habillement est l’élément d’un ensemble qui comprendrait également l’art de joliment s’exprimer, la politesse, l’obligation de se comporter décemment en société, l’acquisition d’une culture générale et de connaissances diverses, la recherche de la beauté et de la bonté et le goût sans cesse renouvelé de l’effort.

Entre deux extravagances, Karl Lagerfeld affirmait que sortir en training de chez soi était déjà une défaite. Bien s’habiller est a contrario une façon de se respecter tout en témoignant d’égards envers autrui. Si chacun reste évidemment libre de porter les fringues qu’il désire, se vêtir avec goût est une manière de voir le monde, mais aussi d’augmenter ses chances de séduire et de convaincre, de gagner en confiance et finalement de réussir. Si l’habit ne fait pas le gentleman, il en est un élément essentiel, en d’autres termes l’étoffe venant embellir les belles âmes.

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La nouvelle disqualification du réel: du KGB soviétique à la gauche progressiste

Lors de l’émission « C dans l’air » sur France 5, via une référence à l’« effet von Papen1 », la journaliste Caroline Michel‑Aguirre a fait sans en avoir l’air un petit parallèle entre le président du RN Jordan Bardella et l’Allemagne nazie. Pourtant, le nationalisme contemporain n’est pas un projet d’expansion, mais un patriotisme lucide, une résistance à la déstructuration du lien social et à la disparition du politique dans le règne de la marchandise et des identités fragmentées, estime notre chroniqueur. Grande analyse.


Il est frappant de constater à quel point, dans la France et l’Europe contemporaines, les intellectuels, chercheurs comme Georges Bensoussan, Florence Bergeaud-Blackler, des médias comme Causeur, Tribune juive, le Journal du dimanche, CNews ou de simples observateurs de la vie collective qui osent décrire sans détour la crise identitaire, la montée de l’insécurité ou les effets désintégrateurs d’une immigration massive, se voient aussitôt rejetés dans le camp du mal politique. Ils ne sont plus perçus comme des analystes, mais comme des fauteurs de haine. La mécanique de disqualification idéologique, née au cœur du XXe siècle, se réactive sous de nouveaux habits.

Ce qui se joue aujourd’hui, c’est la confiscation du réel par la morale, l’impossibilité de décrire ce que tout un peuple éprouve sans être accusé d’adhérer aux idéologies qui autrefois conduisirent à la catastrophe. À partir du moment où l’on parle de frontières, de continuité culturelle, de cohésion sociale ou de sécurité publique, on franchit la ligne rouge qui, dans l’imaginaire politique dominant, sépare la respectabilité de l’infamie.

De la disqualification soviétique à la stigmatisation contemporaine

Il faut ici rappeler un précédent historique souvent oublié. Dans les années 1950, le KGB et la propagande soviétique avaient déjà perfectionné l’usage du vocabulaire politique comme arme psychologique. Le terme de fasciste servait alors à amalgamer tous ceux qui refusaient la domination idéologique du camp socialiste, qu’ils fussent libéraux, démocrates-chrétiens ou sociaux-démocrates non alignés. Ce procédé, d’une redoutable efficacité, permettait d’assigner l’adversaire à une position morale illégitime, avant même de discuter ses arguments.

Aujourd’hui, cette mécanique de disqualification par contamination symbolique a été reprise et raffinée. Les héritiers du progressisme, alliés paradoxaux de l’islamisme politique, ont repris ce lexique pour rejeter dans les ténèbres idéologiques tout ce qui s’oppose à leur vision d’un monde sans frontières, sans identités, sans ancrages.

Le discours sur « l’extrême droite » n’est plus une description politique : il est devenu une injonction morale, un instrument de police du langage et des affects. En ce sens, il ne s’agit pas d’une lutte d’idées, mais d’un dispositif de contrôle des représentations collectives.

La transmutation de la gauche : de l’émancipation au conformisme moral

Ce retournement s’inscrit dans une mutation plus profonde de la gauche elle-même. La gauche historique fut celle de l’émancipation – émancipation des peuples, des classes, des consciences. Celle d’aujourd’hui s’est muée en religion séculière du Bien, où la vertu remplace la vérité, et la posture morale tient lieu de pensée.

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Cette métamorphose n’est pas sans rappeler les ambiguïtés des années 1940. À cette époque déjà, nombre de socialistes et de communistes, au nom d’un réalisme travesti en pacifisme, passèrent du côté de la collaboration avec l’occupant. Ils croyaient sauver l’essentiel en se ralliant à l’ordre établi. De la même manière, la gauche actuelle, au nom de l’humanisme, s’accommode d’alliances idéologiques avec des forces dont l’objectif déclaré est pourtant de détruire la civilisation démocratique qu’elle prétend défendre.

L’islamisme politique, en s’adossant à la culpabilité coloniale et à la rhétorique antiraciste, a trouvé dans cette gauche moraliste un cheval de Troie. Ce n’est pas une collusion fortuite, mais la conséquence logique d’une perte de repères : lorsque l’histoire est relue à travers la seule grille du bourreau et de la victime, toute défense d’un ordre symbolique commun devient suspecte.

Le renversement du sens du nationalisme

Autre signe de ce basculement : le mot « nationalisme » a changé de contenu. Dans les années 1930, il désignait l’ambition hégémonique des puissances européennes, notamment l’Allemagne nazie. Aujourd’hui, il exprime le besoin vital des peuples de se défendre contre la dissolution généralisée — dissolution culturelle, politique et spirituelle — opérée par le double mouvement du mondialisme économique et de l’islamisme conquérant.

Le nationalisme contemporain, ou plutôt le patriotisme lucide, n’est pas un projet d’expansion : c’est une résistance. Une résistance à la déstructuration du lien social et à la disparition du politique dans le règne de la marchandise et des identités fragmentées.

Là encore, la pensée dominante inverse les signes. Ce qui est aujourd’hui un réflexe de survie collective est présenté comme un symptôme de régression. Mais c’est précisément parce que la nation, la famille, l’individu et la liberté sont encore les seules formes capables de structurer une humanité politique que leurs adversaires cherchent à les dissoudre.

L’union des trois propagandes

Le paradoxe de notre temps tient dans la coalition objective de trois forces idéologiquement hétérogènes :

  • le mondialisme, qui nie les appartenances et réduit les hommes à des flux économiques ;
  • le gauchisme postmoderne, qui transforme la culpabilité en système de pouvoir moral ;
  • et l’islamisme, qui exploite cette faiblesse pour imposer sa logique communautaire et religieuse.

Ces trois courants, pour des raisons différentes, convergent vers un même but: l’effacement des nations, c’est-à-dire la disparition du cadre où la liberté politique, la responsabilité collective et la mémoire historique peuvent s’incarner.

Retrouver la nation, la famille, l’individu, la liberté

Face à cette conjonction d’utopies et de fanatismes, il ne s’agit pas de revenir à un passé idéalisé, mais de retrouver les conditions du réel : celles qui permettent à une société de se penser, de se protéger et de se transmettre.

Retrouver la nation, ce n’est pas rejeter l’autre : c’est redonner sens à la communauté de destin. Retrouver la famille, ce n’est pas nier la diversité des existences : c’est reconnaître le lieu où se forme la continuité humaine. Retrouver l’individu, ce n’est pas exalter l’égoïsme : c’est rappeler que la liberté commence par la responsabilité. Et retrouver la liberté, enfin, c’est accepter le conflit du réel, non le fuir dans les dogmes de la vertu.

Conclusion

Ce que vit aujourd’hui le débat public français n’est donc pas une querelle d’opinions, mais une crise de la vérité. Ce n’est pas l’extrême droite qui menace la démocratie : c’est la peur de nommer les choses. Dans ce climat d’intimidation morale, les intellectuels qui persistent à décrire la réalité sont traités en parias. Mais ce sont eux, paradoxalement, qui incarnent la fidélité à l’esprit critique, celui qui a toujours fait la grandeur du monde occidental.

Car il n’y a pas de liberté sans le courage de penser contre le mensonge.

La société malade

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  1. https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/pourquoi-cette-sequence-tele-evoquant-jordan-bardella-ulcere-a-ce-point-le-rassemblement-national_256758.html ↩︎

🎙️ Podcast: Incursion islamiste à l’Assemblée nationale; radicalisation de la gauche américaine

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Avec Céline Pina, Eliott Mamane et Jeremy Stubbs.


Capture France info TV

Mercredi 5 novembre, lors de la séance des questions au gouvernement, des filles assises dans les tribunes publiques et faisant partie d’un groupe scolaire étaient voilées. Ce fait a été signalé par nos confrères de Frontières. Selon l’article 8 de l’Instruction générale du bureau de l’Assemblée nationale, « Pour être admis dans les tribunes, le public doit porter une tenue correcte. Il se tient assis, découvert et en silence ». Porter un voile et être « découvert » semblent bien incompatibles.

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Céline Pina analyse pour nous ce qui ne peut être qu’une nouvelle tentative islamiste pour tester et même repousser les limites de la notion républicaine de laïcité. La faiblesse de la réaction gouvernementale et le soutien apporté par les islamo-gauchistes de LFI à ceux qui défient ainsi les valeurs occidentales montrent combien la lutte contre l’islamisme est mal engagée.

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A la suite de la victoire de Zohran Mamdani à New York, ainsi que d’autres victoires démocrates dans le New Jersey, en Virginie et en Californie, Eliott Mamane explique les derniers développements au sein du Parti démocrate. Si Mamdani a fait preuve d’une grande habileté politique en se faisant élire maire de New York, sa ligne radicale n’a pas nécessairement vocation à devenir celle de son parti. Les deux femmes qui sont les nouveaux gouverneurs de la Virginie et du New Jersey sont nettement plus modérées que la nouvelle coqueluche de la gauche socialiste. Et ces victoires démocrates sont redevables en partie à la situation économique de beaucoup d’électeurs qui comptaient sur le président Trump pour résoudre leurs problèmes et qui se trouvent, pour l’instant, déçus.

Philharmonie de Paris: l’entêtante petite musique de la haine

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Lors du concert de l’Orchestre philharmonique d’Israël hier soir à la Philharmonie de Paris, des spectateurs ont tenté à trois reprises d’interrompre la représentation avec des fumigènes avant d’être évacués. La Philharmonie a porté plainte et quatre personnes ont été placées en garde à vue. Rachida Dati a condamné fermement ces perturbations, affirmant sur X que « la violence n’a pas sa place dans une salle de concert »


J’ai d’abord cru à un remake de la fameuse bataille d’Hernani avant d’apprendre que les troubles qui ont eu lieu jeudi soir au concert donné à la Philharmonie de Paris par l’Orchestre philharmonique d’Israël n’étaient en rien la manifestation spontanée d’un désaccord artistique.
Des personnes munies d’un billet d’entrée tentèrent à trois reprises d’interrompre la représentation.

Spectateurs excédés

La Philharmonie a condamné ces « graves incidents » et a décidé de porter plainte tout en tenant à rappeler qu’elle a à cœur d’accueillir des artistes de toutes origines, qu’ils soient israéliens ou palestiniens. Elle tient d’ailleurs à préciser qu’une invitation n’est pas une prise de position politique. À bon entendeur…

A lire aussi : Journal de bord du Dr Thomas Guénolé, pseudo-résistant

Il est 20h15 (soit quinze minutes après le début du concert) quand deux militantes situées au balcon central, avec la prestance et l’agilité d’un diable sorti de sa boîte, déploient une banderole « Free Palestine » et commencent à entonner le sempiternel refrain « Stop au génocide ». De leur perchoir, elles se mettent à jeter des tracts qui tourbillonnent et atterrissent dans la fosse d’orchestre. Probablement surpris par une telle pluie, le pianiste (Schiff) s’arrête de jouer. Plusieurs spectateurs, visiblement excédés, se saisissent des deux mutines. Des coups de poing sont échangés, des cheveux sont tirés. Les services de sécurité grimpent dans les gradins et, à 20h20, les deux femmes – dûment menottées- sont sorties de la salle. La musique reprend ses droits quand un homme, sis dans le parterre cette fois, active un fumigène rouge. Les couleurs de l’enfer se déploient dans la grande salle, une épaisse fumée envahit la scène et l’alarme incendie se déclenche. Dramaturgie en trois actes ! La salle est plongée dans un brouillard pourpre. Les ombres rougeoyantes plongent la Philharmonie dans un climat de purgatoire. Le public tousse, certains suffoquent, le tout sur fond de huées avant qu’on ne parvienne à éteindre le fumigène et qu’on aère la salle. Un semblant d’ordre revient enfin et Shani remonte sur scène, prend le micro et dit jouer « pour la paix, pas pour la haine ». Une ovation éclate. L’Art – un instant – semble triompher et la symphonie numéro 4 de Brahms reprend.

Toutes les couleurs du palestinisme !

Mais probablement troublée par ce temps de sérénité, une femme située au deuxième balcon, allume un second fumigène. Vert cette fois-ci. Notons le souci de variation dans les couleurs. Nouvelle évacuation, la sécurité boucle les issues. Il s’agirait que la plaisanterie ne se reproduise pas une quatrième fois. D’ailleurs, il n’y a même plus de dicton pour cela : « Jamais deux sans trois », la comptine ne saurait aller plus loin.

La musique reprend et cette fois-ci, c’est la bonne ! Rien ne viendra plus interrompre le concert. Quant à savoir dans quel état d’esprit étaient le public ou les musiciens… probablement aussi tendus que la corde de l’archet.

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Un torrent d’applaudissemenst est venu clore cette soirée, la foule éprouvée a tenu à remercier les musiciens d’être restés. Malgré tout. Envers et contre la haine qui – par trois reprises – s’est levée.

Mais là où le symbole devient extraordinairement fort, c’est que les œuvres choisies entraient quasiment en résonance avec les débordements qui avaient cours dans la salle. Le concerto pour piano n°4 de Beethoven évoque la douceur triomphant de la force quand la symphonie n°4 de Brahms s’attarde sur la musique qui se donne pour insensée mission de transcender la douleur…

Manon Aubry, Jean-Luc Mélenchon ou Thomas Portes ont refusé de condamner les « incidents ». Il y a décidément des sujets qui, chez LFI, provoquent un mutisme des plus complets.


Stabiliser la dette publique: les étranges partis-pris du Conseil d’analyse économique

Dans son dernier rapport, le CAE expose au gouvernement un large éventail d’économies possibles. Mais certaines questions demeurent taboues, déplore cette tribune.


Placé auprès du Premier ministre et composé d’économistes universitaires, le Conseil d’analyse économique (CAE) a pour mission, si l’on en croit le site internet de l’institution, « d’éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix du gouvernement en matière économique ». Il est censé réaliser « en toute indépendance », des analyses économiques pour le gouvernement, et les rend publiques.

Tax force

Dans sa dernière livraison (Comment stabiliser la dette publique ? CAE, Focus n°124, 16 octobre 2025), le CAE s’efforce de recenser les pistes envisageables pour réduire la dette publique. Il évalue tout d’abord à 112 Md€ (soit un peu plus que trois points de PIB) l’effort pérenne d’ajustement budgétaire à réaliser – par le biais d’une hausse des recettes ou une baisse des dépenses – pour stabiliser la dette publique. Cette première partie de la publication n’appelle guère de commentaires : tant en termes de méthode que d’ordre de grandeur des résultats, le CAE se place dans le prolongement de nombreux travaux déjà disponibles par ailleurs, notamment ceux du Haut conseil pour les finances publiques (HCFP) ou ceux du site Fipeco animé par François écalle.

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S’agissant des pistes de hausses des recettes et de réduction des dépenses, le CAE prétend réaliser « un travail de synthèse » s’appuyant sur « un large corpus de rapports institutionnels, d’études académiques et d’analyses de différents groupes de recherche ». Du côté des recettes, le CAE identifie presque une centaine de mesures qui pourraient générer au total jusqu’à 111 milliards de recettes supplémentaires chaque année ! Pour n’en citer que quelques-unes : l’augmentation d’un point du taux de CSG et des taux de TVA, la réintroduction de la taxe d’habitation et de l’ISF, l’augmentation d’un point de tous les taux d’impôt sur le revenu, l’augmentation de 8,5 points de l’impôt sur les sociétés, la taxation accrue de l’héritage, la fin de la défiscalisation du gazole non routier… Le CAE prend garde à ne pas omettre la « taxe Zucman », même s’il évite prudemment de la mettre en avant.

Oublis

Quand il s’agit d’augmenter les impôts, certains, à l’université ou dans des organismes officiels, ne semblent donc décidément pas manquer d’imagination. Mais on peut se demander s’il est bien raisonnable de proposer de nouvelles hausses d’impôts en France, au moment même où notre pays présente à la fois la part des dépenses publiques dans le PIB la plus élevée de tous les pays de l’OCDE (57,3 % du PIB en 2024) et le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé (43 % en 2024), ce que la publication du CAE se garde de rappeler. Il peut être tentant, pour le gouvernant qui souhaite s’épargner un effort réel de réduction des dépenses, de céder à la facilité qui consiste à raboter les niches fiscales ou à alourdir la fiscalité sur les plus aisés, en s’appuyant sur l’argument selon lequel certains individus seraient moins lourdement taxés que d’autres. Nous pensons au contraire que dans la situation qui est celle de notre pays à présent, la réduction massive des dépenses constitue la seule voie pertinente pour maîtriser la dette dans la durée, et que l’engagement à ne pas augmenter quelque impôt que ce soit, voire les baisser, est nécessaire pour crédibiliser une démarche sérieuse de redressement des finances publiques.

Du côté des dépenses, le CAE montre nettement moins d’empressement et d’insistance que pour les recettes à recenser l’ensemble des pistes d’économie qui ont pu être évoquées sur la place publique. Vous ne trouverez pas trace, dans ce document du CAE, de possibles économies sur l’aide au développement, ou encore des recettes que pourrait générer une privatisation de l’audiovisuel public. Il n’y a pas non plus la moindre suggestion de tenter de négocier auprès de Bruxelles un rabais sur notre contribution au budget de l’UE, ce que font pourtant de longue date – avec succès – l’Allemagne et les Pays-Bas. Pas de remise en cause non plus des dizaines de milliards de subventions aux véhicules électriques, aux panneaux photovoltaïques et aux éoliennes, subventions versées sans effet autre que très symbolique sur le niveau de CO2 dans l’atmosphère. On n’y trouve pas davantage la proposition pourtant émise par plusieurs partis politiques de conditionner à une durée minimale de séjour régulier en France la possibilité pour les étrangers de percevoir des aides sociales, une disposition qu’appliquent pourtant plusieurs autres pays de l’UE. Le CAE ne se donne même pas la peine d’évoquer un possible coup de rabot – sans aller jusqu’à parler d’une suppression pure et simple – de l’Aide médicale d’État (AME), qui a pourtant fait l’objet de rapports officiels.

Pincettes

Le CAE évoque les effets bénéfiques que présenterait un relèvement du taux d’activité des seniors – nous acquiesçons – mais ne s’interroge pas sur le gâchis que représente, pour la collectivité et pour les intéressés eux-mêmes, l’absence de sélection à l’entrée à l’université, où plus de la moitié des étudiants échouent et abandonnent avant d’avoir obtenu le moindre diplôme. La question de la fraude aux prestations sociales est certes abordée, mais avec des pincettes, et sans que le CAE ne juge utile de s’interroger sur les incohérences du discours officiel (soulevées entre autres par Charles Prats) face aux millions de cartes Vitale surnuméraires.

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Si le nombre de mesures d’économies est conséquent, leur ampleur est souvent limitée, par exemple quelques dizaines de millions pour les associations, quelques dizaines de milliers de postes administratifs à comparer aux centaines de milliers créés au cours des dernières décennies. Certains domaines sont contournés : soutien à l’Ukraine, multiplicité d’agences souvent controversées, par exemple dans l’audiovisuel, l’écologie ou encore l’immigration.

Il faut donc croire que pour le CAE, certaines questions sont taboues, celles précisément dont le traitement – ou plus exactement le non-traitement – par le pouvoir et par les élites heurte le bon sens de nos concitoyens. On n’ira pas ici jusqu’à proposer la suppression du CAE lui-même, qui coûte sans doute sensiblement moins cher à la collectivité que France Télévisions, mais la façon dont le CAE évacue les questions qui fâchent ne nous semble hélas pas de nature à réconcilier le peuple et ses élites.

Enfin, il est fait référence à des réformes structurelles débouchant sur une baisse notable du chômage ou encore sur un redressement des gains de productivité, le tout rehaussant la croissance et au-delà les recettes publiques. Comment les hausses d’impôts envisagées pourraient-elles stimuler l’investissement, l’innovation et in fine l’activité économique ? Cela reste assez mystérieux.

Droites: l’union façon puzzle

Le magazine Causeur du mois consacre un dossier de 18 pages à cette fameuse union des droites qui n’advient jamais


Pour les copains de Valeurs actuelles, ça ne fait pas un pli. Voici venue « l’heure de la coalition », proclament-ils en une le 15 octobre. Avec, en illustration, une belle brochette d’éminences de droite encadrant Marine Le Pen façon équipe de campagne. Ils sont venus, ils sont tous là – Villiers, Bardella, Retailleau, Lisnard, Maréchal, Ciotti, Knafo, Bellamy, Zemmour. Dans la vraie vie, certains ne s’adressent plus la parole. Sur le photomontage, tous sourient, tournés vers le même avenir radieux.

Droite plurielle

La presse de gauche s’en désole quotidiennement – tout en réclamant le pouvoir pour son camp : la France se droitise. Dans la dernière livraison de « Fractures françaises », l’enquête annuelle Cevipof/Ipsos/Le Monde, 41 % des Français se positionnent à droite et 28 % à gauche (18 % choisissent le centre et 13 % ne se prononcent pas). Sur le papier, c’est donc imparable. Il suffirait que toutes les droites (en l’occurrence, LR, RN et Reconquête !) s’allient pour gouverner ensemble. Une hypothèse d’autant plus logique que l’intimidation morale a sans doute jeté ses derniers feux en 2022. Même Retailleau, l’un des plus hostiles à une entente avec le RN, n’ose pas parler de divergences de valeurs.

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Si Emmanuel Macron avait chargé une IA de fabriquer une majorité à partir du Parlement issu des législatives de juin 2022, elle aurait donc certainement imaginé un genre de droite plurielle – à moins évidemment d’avoir été dressée pour faire barrage à qui on sait. Beaucoup de sympathisants de droite, convaincus que leurs idées sont majoritaires dans le pays, se demandent donc par quelle entourloupe ils se retrouvent cocus, puisque c’est aujourd’hui le Parti socialiste qui semble tenir entre ses mains le sort du gouvernement et du pays. Dans les bistrots, on se dit que tous ces chefs devraient se mettre d’accord dans l’intérêt de la France et que, s’ils ne le font pas, c’est par préférence pour leurs intérêts et leurs carrières. C’est un peu court. Les appétits et les rivalités existent aussi à gauche, mais n’empêchent nullement de faire front commun quand il faut gagner.

Osons une hypothèse. Ce qui empêche de faire la même chose à droite, c’est peut-être que la droite n’existe pas. Déjà ce n’était pas simple du temps de René Rémond et de ses trois droites (qui ne se sont jamais coalisées), mais depuis que le populisme a déboulé dans le jeu, captant une partie notable de l’électorat bonapartiste (mais pas que), c’est la pagaille. Il faut dire que si le mot « gauche », en dépit de toutes les turpitudes qu’il couvre, conserve un pouvoir magique (même si ce pouvoir a tendance à s’user), le vocable « droite », lui, ne convoque rien et n’évoque pas grand-chose, sinon ce qui n’est pas la gauche.

Le cauchemar de l’IFOP

Les électeurs du RN, de LR et de Reconquête ! se déclarant massivement favorables à l’union des droites, on croit naturellement qu’ils sont tous de droite. En réalité, beaucoup accepteraient n’importe quel attelage capable de les délivrer du cauchemar « socialo-macroniste » qui a conduit le pays au multidésastre. Brice Teinturier observe avec effroi la convergence des deux électorats qui trouvent « qu’on n’est plus chez soi en France » (85 % à LR, 94 % au RN), qu’il y a trop d’étrangers (86 % à LR et 95 % au RN), et qu’il faudrait « un vrai chef pour remettre de l’ordre » (95 % et 99 %). Ils sont même d’accord pour lutter contre l’assistanat (88 % et 70 %).

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Pourtant, à la différence de Jordan Bardella qui a confessé un ancien tropisme sarkozyste, Marine Le Pen refuse de se dire de droite. Tout juste concède-t-elle du bout des lèvres qu’en cas de besoin, elle accepterait l’appoint venu de ce côté-là de l’hémicycle. Forte de ses records de popularité, la patronne du RN a forcé la porte du club des dirigeants responsables et respectables. Mais on dirait qu’elle ne se sent pas appartenir au même monde qu’eux. « Beaucoup de gens à droite voudraient des gens comme nous mais qui soient plutôt comme eux, nous confie-t-elle (lire notre grand entretien). Peut-être ne sommes-nous pas assez bourgeois. » Et certainement moins conservateurs. Entre les électeurs lepénistes et ceux de la droite classique, les différences sont donc moins idéologiques que culturelles. Et il ne s’agit pas seulement de classe sociale, mais d’ethos et de vision du monde. Teinturier note que 58 % des sympathisants du RN et seulement 23 % des sympathisants LR déclarent appartenir à « une France contestataire et en colère ». Derrière des incarnations nationales très diverses, la spécificité des populismes est précisément d’avoir accommodé politiquement la colère contre les élites, devenue leur principal carburant électoral, au risque d’être érigée en légitimité incontestable.

Reste que, face au danger, on ne chipote pas sur le pedigree de ses camarades de tranchées. Or la majorité des dirigeants et des électeurs de cette famille politique qui n’en est pas une, ou alors très dysfonctionnelle, partagent au moins les mêmes inquiétudes. Beaucoup sont certains que, faute de changement radical de direction, le déclin du pays sera bientôt irréversible. Reste à savoir combien, une fois dans l’isoloir, se diront, à l’instar du président Mao, que peu importe la couleur du chat pourvu qu’il attrape la souris.

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Ce monde l’a rendu fou

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À l’aide d’une centaine de chroniques diffusées sur France Inter, Christophe Bourseiller explique pourquoi notre société ne cesse de l’étonner et de le rendre complètement cinglé.


Ce monde me rend fou, c’est le nom de la chronique que donne Christophe Bourseiller chaque samedi et dimanche, à la fin de la matinale, sur les ondes de France Inter. Il a recueilli celles-ci dans un livre dans lequel « il pose un regard espiègle sur notre époque », selon son éditeur. Bourseiller rendu fou par l’époque ? On est en droit de le comprendre. L’auteur analyse la société, ses écarts, ses lubies, ses emballements, ses tics, ses modes, ses bouleversements inattendus. Ses horreurs aussi.

Tatouages, influenceurs, musées improbables…

Tout y passe : les tatouages (« (…) l’individualisme triomphant »), les musées surprenants (dont celui du Phallus en bocal à Reykjavik, ou celui de la Nourriture dégoûtante en Suède), l’enfer numérique (« On réalise avec effroi que le conte de fées d’hier a tourné au cauchemar vinaigré. »), les influenceurs (« (…) une minorité d’influenceurs (environ 6%) gagnent très bien leur vie, en se vendant aux marques. Mais 94 % galèrent et mentent sur leur quotidien. »), les insultes en politique (« (…) Dominique Strauss-Kahn dit d’Arlette Laguillier en 2004 : « C’est l’union d’un postier et d’une timbrée. »… », et le fait que le lapin soit l’avenir de l’homme (n’en déplaise à Jean-Jacques Goldman : « Un lapin, ça ne sert à rien… » chante-t-il, enfin presque.)

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On rit souvent en lisant cet opus ; on s’insurge parfois. On se régale assez souvent car Christophe Bourseiller sait écrire. « Ce monde me rend fou… Tout est dans le titre et tout est dit », affirme-t-il en préambule. « Depuis cinq ans, j’épingle les travers d’une société de plus en plus éruptive, désarticulée, polarisée, binaire, agressive, hypnotisée par ses lubies, dérivant à la façon d’un rafiot fantôme égaré sur une mer de sacs en plastique. Tel est l’enjeu de ce qui n’est pas une chronique d’humour, mais une chronique d’humeur. Je ne suis en fin de compte qu’un passant témoin de faits divers, ou encore un enfant en proie à la désillusion. Moquer l’époque présente fait-elle de moi un réac ? Je ne crois pas ? Il m’arrive de sombrer dans un certain passéisme, mais ces instants d’égarement sont rares, car, non, rien de rien, je ne regrette rien. »

Pas un réac ? Certainement. Il n’empêche que, comme beaucoup, quand il regarde du côté du passé, il pense souvent que ce n’était pas si mal. C’est un euphémisme que de le dire.

281 pages

Vous reprendrez bien quelques chiffres sur le «gel» de la réforme des retraites?

Suspendre la réforme des retraites ne représenterait « que » trois milliards d’euros de coût, selon le Premier ministre Sébastien Lecornu, qui juge qu’un nouveau changement de gouvernement, une dissolution ou un rejet du budget seraient encore plus préjudiciables à l’économie nationale.


Afin d’éviter la censure et de se maintenir au pouvoir, avec la bénédiction du président Macron et de Mme Borne, Sébastien Lecornu a décidé de geler la réforme des retraites.

Pourtant, en matière de retraites, il va bien falloir que nos braves concitoyens se mettent dans la tête que TOUS les principaux pays européens ont reporté l’âge légal de départ à la retraite. Ce dernier dans l’UE varie d’un État membre à l’autre. Il va de 60 ans pour les femmes en Pologne à 67 ans dans plusieurs pays comme l’Allemagne, le Danemark, l’Italie ou les Pays-Bas. Détaillons un peu[1], pour être parfaitement clair : Allemagne (66 ans et 2 mois), Belgique (65 ans), Danemark (67 ans), Espagne (65 voire 66 ans), Italie (67 ans), Portugal (66 ans et 7 mois).

Comparaison n’est pas raison, mais

Bien entendu, derrière ces chiffres, il y a des réalités disparates et les comparaisons doivent être relativisées. En effet « les âges légaux de chaque pays ne sont pas complètement comparables, ou du moins ne suffisent pas à comparer des systèmes de retraite. En effet, de fortes variations existent d’un pays à l’autre, en termes de conditions d’éligibilité, de durées de cotisation et d’affiliation, de salaires pris en compte pour le calcul, ou de dispositifs permettant un départ avant l’âge légal (retraite anticipée), etc. », indique pertinemment le Cleiss (Centre des Liaisons Européennes et Internationales de Sécurité Sociale).

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Il n’empêche qu’en France, vu l’état de nos finances (générales et sociales) qui décline de plus en plus, il va falloir faire un effort colossal. Et cela passe aussi par l’allongement de l’âge légal de la retraite. C’est incontournable. C’est vital. La réforme Borne allait dans le bon sens même si elle ne résolvait pas tout, loin de là. Rappelons que le dernier rapport du Conseil d’Orientation des Retraites a chiffré que, même avec cette réforme adoptée en 2023, notre système de retraite file vers 15 Mds € (en € 2024) de déficit en 2035 et 30 Mds € en 2045. Cela représente près de 75 Mds € de déficit cumulé d’ici 2030 – même avec la réforme, donc[2]. Quant aux pistes pour financer les renoncements attendus, elles sont irréalistes, sauf à pénaliser durablement le pouvoir d’achat et la compétitivité. C’est donc un gel prolongé des retraites qui est aussi envisagé dans le projet de budget pour la Sécurité sociale.

L’annonce de M. Lecornu est uniquement motivée par sa volonté de s’attacher l’onction des socialistes et celle de certains LR effrayés par leur électorat en cas de dissolution. Ceci afin de s’assurer un budget qui sera d’ailleurs rempli de chausse-trapes pour compenser le gel de la réforme. Budget pour la confection duquel il n’a pas fait le plus dur….

Un coût énorme

En tout état de cause, même si le prix Nobel d’économie, M. Philippe Aghion (ancien conseiller d’Emmanuel Macron et principal inspirateur de la réforme Borne), affirme le contraire, ce renoncement — cet enterrement même — aura un coût énorme. Mettre sur pause la réforme des retraites ne coûterait « que » trois milliards d’euros selon M. Lecornu. Ce qui a été avancé exactement par le Premier ministre, c’est que cette mesure devrait bénéficier « à terme à 3,5 millions de Français » mais représente un coût important avec « 400 millions d’euros en 2026 et de 1,8 milliard d’euros en 2027 ».

Ce chiffre relève de l’insincérité pure et simple (c’est une faute en matière budgétaire) car il s’agirait du coût pour 2027, pour l’ensemble des régimes.

La proposition retenue est de mettre sur pause l’âge d’ouverture des droits, qui serait stoppé à 62 ans et 9 mois, et la durée de cotisation à 170 trimestres.


Ce tableau présente les deux principaux paramètres de l’âge avec la réforme de 2023

NaissanceÂge légalTrimestres exigés
1955, 1956, 195762 ans166
1958, 1959, 196062 ans167
1/1 au 31/8 196162 ans168
1/9/1961 au 31/12/6162 ans et 3 mois169
196262 et 6 mois169
196362 et 9 mois170
196462 et 9 mois170
196563 ans171
196663 et 3 mois172
196763 et 6 mois172
196863 et 9 mois172
1969 et après64 ans172

Les changements dus à la suspension sont mis en rouge et gras. Le 23 octobre, le gouvernement adopte la lettre rectificative au PLFSS 2026. Il crée un article modifiant le code de la Sécurité sociale, et suspend ainsi la réforme des retraites de 2023 jusqu’à l’élection présidentielle :

  • l’âge légal de la retraite est reporté d’un trimestre de la génération 1964 jusque celle de 1968 ;
  • la durée d’assurance requise pour bénéficier du taux plein est réduite d’un trimestre, soit :
    – 170 trimestres au lieu de 171 si né en 1964
    – 171 trimestres au lieu de 172 si né en 1965.
    La loi devra être changée avant fin 2027 si l’on souhaite bien maintenir l’âge à 62 ans et 9 mois en 2028.
    Source: CFDT.

Dans un rapport de 2025, la Cour des Comptes a estimé qu’un arrêt de la progression de l’âge d’ouverture à 63 ans aurait un coût complet de 13 milliards pour 2035 (Situation financière et perspectives du système de retraites, Communication au Premier ministre, Février 2025 ; Cour des comptes).

Cette évaluation souligne le poids des paramètres de l’âge sur l’évolution de la population active et donc sur le potentiel de croissance du pays. Ainsi, le coût pour l’ensemble des finances publiques est presque le double du coût pour le seul système de retraites. L’autre volet, c’est la durée de cotisation. Ainsi, contrairement aux principaux pays de l’UE, stopper l’allongement de la durée de cotisation reviendra à geler à 170 trimestres la durée de cotisation requise. On peut estimer que cela représente environ la moitié des effets calculés par la Cour qui prend une hypothèse plus forte (retour aux 168 trimestres), soit 2 Mds € pour le système de retraites et 3,5 milliards pour l’ensemble des finances publiques d’ici 2035. Au total, c’est donc 5,8 Mds € d’économies pour le système de retraites, et à 16,5 Mds € pour l’ensemble des finances publiques 2035 auxquels on s’apprête à renoncer (IFRAP ibid[3]). On est loin des « que 3 milliards » de M. Lecornu.

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Et puis ce renoncement (plus que gel !) va nécessiter de compenser le rendement de la réforme des retraites. Il faudra alors majorer au minimum de 2 points les cotisations vieillesse déplafonnées, soit, pour un salaire brut moyen français, un surcoût de 400€ par an (probablement plus, en € courants). Cet effort pèsera soit sur le pouvoir d’achat (cotisations salariales), soit sur la compétitivité des entreprises (cotisations employeurs). Deux secteurs que le déficit abyssal nécessite au contraire de dynamiser. Un tel retour en arrière (suggéré quand même par Mme Borne !) est incompatible avec des mesures de relance par la consommation et de soutien à la réindustrialisation (rappelons que les salaires dans l’industrie étant plus élevés que dans l’économie en général, les emplois industriels sont moins bénéficiaires des exonérations de charges).

Il existe à vrai dire une alternative que les défenseurs du retour en arrière envisagent sans toutefois oser le dire. C’est le gel sur les retraites. Rien que pour financer le retour en arrière réclamé par une partie de la représentation nationale, c’est environ 4 ans de désindexation totale (jusqu’en 2029) de l’ensemble des retraites qu’il faudrait adopter.

Et n’oublions pas que, pendant ce temps, on ne parle pas non plus des comptes de la branche maladie : déficit anticipé par la Commission des comptes de la Sécurité sociale à 16 Mds € pour 2025 (perspectives plus sombres attendues dans le rapport d’octobre vu la mise à l’arrêt de l’économie).

Et puis rappelons aussi que l’ex-rapporteur du budget, Charles de Courson, a chiffré à 15 milliards le « déficit » des pensions publiques d’Etat.

Dès lors, comme beaucoup d’économistes (raisonnables) le redoutaient, ce gel de la réforme Borne va faire exploser la charge de la dette et augmenter le déficit. A des fins uniquement politiques, Sébastien Lecornu a, ni plus ni moins, passé un deal politique avec la gauche et passé par pertes et profits la seule réforme structurelle du mandat Macron. Sous prétexte qu’il valait mieux un budget pour retrouver de la stabilité et adopter un mauvais budget pour gagner du temps…  C’est un choix purement et simplement catastrophique qu’au surplus les agences de notation vont prendre en compte (elles qui saluaient la réforme). Résultat ? Nos notes vont être abaissées. Et plus ça va, et plus le FMI est en approche…

Dernier mot. Renvoyer à l’élection de 2027 pour réformer les retraites est d’une lâcheté gravissime. Au moment où l’on écrit ces lignes, le compteur de la dette publique française est à 3433 milliards d’euros. Et il va encore défiler, d’ici 2027…

« Qui pense au pire devine juste. » (Proverbe grec).


[1] https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/l-age-legal-de-depart-a-la-retraite-dans-l-union-europeenne

[2] https://www.ifrap.org/retraite/retraites-la-suspension-va-couter-des-milliards

[3] https://www.ifrap.org/retraite/retraites-la-suspension-va-couter-des-milliards

MeTooMedia: le palmarès de l’entre-soi

À l’occasion de la première édition des prestigieux prix MeTooMedia, l’animatrice Enora Malagré affirme: «Il faut absolument pousser les femmes à prendre des postes à haute responsabilité dans les médias.»


Tout le monde sait que les journaux ne parlent pas assez des violences faites aux femmes. Le 9 octobre, la prestigieuse première édition des prix MeTooMedia s’est tenue à Paris.

Nos militantes néoféministes espéraient redonner du souffle au maccarthysme castrateur qui s’est abattu sur l’Occident depuis l’affaire Weinstein. « Les prix MeTooMedia récompensent les enquêtes approfondies, les récits poignants et les œuvres qui brisent le silence », apprend-on sur le site de l’organisation. La cérémonie entendait ainsi « saluer l’engagement de celles et ceux qui informent, sensibilisent et œuvrent pour une culture plus responsable », selon la présidente Emmanuelle Dancourt, ex-journaliste télé, plaignante dans l’affaire PPDA et autrice d’une lettre ouverte contre Depardieu, adressée à Macron et signée par 7 000 personnes. Depuis, cette consœur s’est reconvertie dans les formations en VSS, et milite notamment pour que les entreprises investissent davantage dans ce domaine – le minimum syndical étant apparemment d’avoir un référent par boîte.

A lire aussi: Attention, tu risques de te faire violer très fort!

Giulia Foïs, injustement écartée de France Inter, présidait le jury, entourée d’Enora Malagré, de Lou Trotignon, premier humoriste transgenre, et de Mathilde, chanteuse des tubes Révolution et L’Hymne des femmes. Le prix du meilleur reportage est revenu à Ariane Griessel (France Inter) pour « Violences conjugales : les entendez-vous dans nos campagnes ? » Anouk Grinberg a reçu celui du meilleur livre pour Respect, et Mediapart le prix du jury pour l’ensemble de ses réalisations. Lénaïg Bredoux, responsable éditoriale du pôle « genre et violences sexistes » du journal de Plenel, rappelle que « la presse a longtemps caché les faits concernant les droits des femmes et des minorités ». Mais, se félicite-t-elle, les choses bougent enfin. Enora Malagré tempère : « La place des femmes dans les médias n’a pas vraiment évolué depuis MeToo. On ne compte quasiment aucune femme issue de la diversité à la tête des grandes émissions, à part Karine Le Marchand. » Bonne nouvelle : si les violences faites aux femmes et la culture du viol sont systémiques, nos rebelles pouvaient quand même compter sur le soutien du système : ministères de la Culture, de l’Égalité entre les femmes et les hommes, SNJ, Thalie Santé… etc.

Mais pas question de baisser la garde : la chanteuse Mathilde a arboré toute la soirée un T-shirt proclamant fièrement « Bagarre ».

Le murmure du Boss

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Jeremy Allen White et Jeremy Strong dans SPRINGSTEEN: DELIVER ME FROM NOWHERE (2025) de Scott Cooper © 20th Century Studios. All Rights Reserved.

Eh oui, encore un biopic!


Scott Cooper est un cinéaste et acteur américain dont je n’avais vu précédemment qu’un seul film : l’excellent Crazy Heart qui conte l’histoire de « Bad Blake », ancienne star de musique country qui vit très modestement en chantant et jouant de la guitare dans les bars et les petites salles de petites villes du Sud-Ouest des États-Unis. Un soir, il (Jeff Bridges) va rencontrer Jean Craddock (Maggie Gyllenhaal), journaliste locale à laquelle il s’attache…


Son nouveau film est consacré à la genèse de l’album de Bruce Springsteen Nebraska en 1982. C’est une période de sa vie où Bruce Springsteen est sur le point d’accéder à une notoriété mondiale. Mais taraudé par les fantômes de son passé et les pressions du succès, il résiste et lutte. Il se retire dans une maison au calme et décide d’enregistrer, sur un magnétophone quatre pistes, dans sa chambre, un disque acoustique incontournable, brut et habité.

Un film simple, une déclaration d’amour au Boss

Scott Cooper narre les souffrances du chanteur qui écrit et joue ses chansons acoustiques entre la sortie de deux albums majeurs, The River (1980) et Born in the U.S.A. (1984). Contrepied folk et introspectif, Nebraska est un album intime et dépouillé, composé juste avant que le «  Boss » ne s’apprête à devenir une superstar mondiale.

A lire aussi: « L’Étranger » de François Ozon est-il politiquement correct?

Le cinéaste filme le chanteur replié, réfugié dans sa maison dans le New Jersey, assailli par les vieux démons de son enfance. Hanté par le rapport à son père, tourmenté, il lit les œuvres complètes de Flannery O’Connor (1925-1964), écrivaine du Sud des États-Unis – qui vont beaucoup l’inspirer pour cet album –, visionne sans cesse La Balade sauvage (1973) de Terrence Malick, et se laisse bercer par la belle chanson noire Frankie Teardrop du groupe new wave Suicide d’Alan Vega et Martin Rev. Servi par la mise en scène sobre et classique de Scott Cooper et l’interprétation magistrale de Jeremy Allen White, le film est le beau portrait d’un homme solitaire prenant la tangente pour ne pas sombrer.

Au bord du gouffre

Dans Deliver Me From Nowhere, Cooper retrouve ce qu’il aime filmer : les âmes fatiguées, les êtres au bord du gouffre, la musique comme refuge. Sa caméra épouse le silence et la lenteur. Elle observe un artiste en lutte contre lui-même, un homme qui s’enferme pour mieux se délivrer. La photographie, grise et granuleuse, semble capturer la lumière même de Nebraska, cet album de poussière et de rédemption.

Plus qu’un biopic, c’est un poème filmé, une confession murmurée. Cooper ne filme pas une icône, mais un homme qui cherche la vérité dans le vacarme du monde. Deliver Me From Nowhere respire au rythme d’une chanson de Springsteen : fragile, épurée, bouleversante.

Un film habité. Une prière murmurée dans la nuit américaine.

En salles depuis le 22 octobre. 2 heures

Hugo Jacomet, l’homme qui nous invite à être élégants

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L'essayiste et passionné de mode Hugo Jacomet. DR.

Hugo Jacomet veut croire que la bataille vestimentaire n’est pas perdue. Rompant avec les simplismes de l’époque, symbolisés en un slogan puéril – « venez comme vous êtes » – qui fait florès aussi bien dans le monde professionnel que dans la publicité, avec des conséquences dramatiques en termes d’intégration et de réussite -, il anime depuis une quinzaine d’années le blog à succès Parisian Gentleman. Il vient de sortir L’élégance est un art de vivre, nous rappelant que se comporter en gentilhomme est un tout englobant aussi bien l’habillement que les bonnes manières.  

Art sartorial

L’homme à la chevelure argentée tombant au cordeau sur les épaules a fait de l’art sartorial une vocation : costumes sur mesure et de tous les coloris – même ceux que nous n’oserions porter -, cravates « club » ou à motifs discrets, stylo Mont Blanc posé subrepticement sur une table en matière noble et souliers impeccablement cirés, il distille ses conseils au fil de vidéos inspirées. On comprend rapidement que ce défenseur de l’artisanat face au prêt-à-porter (qui est en réalité un « prêt-à-jeter ») est davantage qu’un énième influenceur obnubilé par le nombre de clics et de likes. A ses côtés, sa compagne, également tout en élégance, vient confirmer que le style, comme tout ce qui est beau, ne pourrait être l’apanage des hommes.

A lire aussi: « Histoires ordinaires et extraordinaires », le dernier film de Laurent Firode…

Peut-être tout ceci est-il vain à l’heure où les rues se gorgent de passants battant pour la plupart le pavé en sneakers surmontées d’un jeans plus ou moins ajusté, dompté lui-même par une doudoune ou un survêtement à capuche ? Peut-être est-ce même suranné alors que les joueurs de l’équipe de France de football rivalisent de mauvais goût au moment de rallier le centre d’entraînement de Clairefontaine ? Peut-être ne reverra-t-on jamais le temps de la sprezzatura, ce raffinement tout en simplicité, décrit par Castiglione dans Le livre du Courtisan que tout homme élégant devrait posséder dans sa bibliothèque ? 

Dissidence

On observe pourtant un frémissement. Si l’on n’est pas encore revenu aux temps du couvre-chef, du costume généralisé et de la cravate dont un des charmes réside dans la verticalité, ni à l’époque dorée du cinéma de Gary Cooper, de Katherine Hepburn et de Philippe Noiret, un nombre croissant de jeunes rompt avec le laissez-aller très « début de XXIe siècle ». On comprend alors qu’Hugo Jacomet a accéléré et accompagné un mouvement de fond puisant à de multiples sources et causes : les séries télévisées (Peaky BlindersMad Men…), les photos d’aïeux éveillant une nostalgie en sépia, la volonté de rompre avec la génération des boomers…  Il reste à voir si cette forme de dissidence se traduira en changement sociétal.

Il est souvent ressassé que « l’habit ne fait pas le moine » pour justifier de ne pas se fier uniquement aux apparences. Rien n’est plus erroné que cet apophtegme : rarement, nous avons aperçu un banquier en hoodie ou, à l’inverse, un député LFI en costume trois-pièces… bien qu’autrefois Jean Jaurès estimait que soigner sa mise était de son devoir afin de respecter ses électeurs issus des classes populaires. Mais il y a plus important. Pour Hugo Jacomet, l’habillement est l’élément d’un ensemble qui comprendrait également l’art de joliment s’exprimer, la politesse, l’obligation de se comporter décemment en société, l’acquisition d’une culture générale et de connaissances diverses, la recherche de la beauté et de la bonté et le goût sans cesse renouvelé de l’effort.

Entre deux extravagances, Karl Lagerfeld affirmait que sortir en training de chez soi était déjà une défaite. Bien s’habiller est a contrario une façon de se respecter tout en témoignant d’égards envers autrui. Si chacun reste évidemment libre de porter les fringues qu’il désire, se vêtir avec goût est une manière de voir le monde, mais aussi d’augmenter ses chances de séduire et de convaincre, de gagner en confiance et finalement de réussir. Si l’habit ne fait pas le gentleman, il en est un élément essentiel, en d’autres termes l’étoffe venant embellir les belles âmes.

192 pages

La nouvelle disqualification du réel: du KGB soviétique à la gauche progressiste

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Jérôme Jaffré et Caroline Michel-Aguirre sur France 5. Capture.

Lors de l’émission « C dans l’air » sur France 5, via une référence à l’« effet von Papen1 », la journaliste Caroline Michel‑Aguirre a fait sans en avoir l’air un petit parallèle entre le président du RN Jordan Bardella et l’Allemagne nazie. Pourtant, le nationalisme contemporain n’est pas un projet d’expansion, mais un patriotisme lucide, une résistance à la déstructuration du lien social et à la disparition du politique dans le règne de la marchandise et des identités fragmentées, estime notre chroniqueur. Grande analyse.


Il est frappant de constater à quel point, dans la France et l’Europe contemporaines, les intellectuels, chercheurs comme Georges Bensoussan, Florence Bergeaud-Blackler, des médias comme Causeur, Tribune juive, le Journal du dimanche, CNews ou de simples observateurs de la vie collective qui osent décrire sans détour la crise identitaire, la montée de l’insécurité ou les effets désintégrateurs d’une immigration massive, se voient aussitôt rejetés dans le camp du mal politique. Ils ne sont plus perçus comme des analystes, mais comme des fauteurs de haine. La mécanique de disqualification idéologique, née au cœur du XXe siècle, se réactive sous de nouveaux habits.

Ce qui se joue aujourd’hui, c’est la confiscation du réel par la morale, l’impossibilité de décrire ce que tout un peuple éprouve sans être accusé d’adhérer aux idéologies qui autrefois conduisirent à la catastrophe. À partir du moment où l’on parle de frontières, de continuité culturelle, de cohésion sociale ou de sécurité publique, on franchit la ligne rouge qui, dans l’imaginaire politique dominant, sépare la respectabilité de l’infamie.

De la disqualification soviétique à la stigmatisation contemporaine

Il faut ici rappeler un précédent historique souvent oublié. Dans les années 1950, le KGB et la propagande soviétique avaient déjà perfectionné l’usage du vocabulaire politique comme arme psychologique. Le terme de fasciste servait alors à amalgamer tous ceux qui refusaient la domination idéologique du camp socialiste, qu’ils fussent libéraux, démocrates-chrétiens ou sociaux-démocrates non alignés. Ce procédé, d’une redoutable efficacité, permettait d’assigner l’adversaire à une position morale illégitime, avant même de discuter ses arguments.

Aujourd’hui, cette mécanique de disqualification par contamination symbolique a été reprise et raffinée. Les héritiers du progressisme, alliés paradoxaux de l’islamisme politique, ont repris ce lexique pour rejeter dans les ténèbres idéologiques tout ce qui s’oppose à leur vision d’un monde sans frontières, sans identités, sans ancrages.

Le discours sur « l’extrême droite » n’est plus une description politique : il est devenu une injonction morale, un instrument de police du langage et des affects. En ce sens, il ne s’agit pas d’une lutte d’idées, mais d’un dispositif de contrôle des représentations collectives.

La transmutation de la gauche : de l’émancipation au conformisme moral

Ce retournement s’inscrit dans une mutation plus profonde de la gauche elle-même. La gauche historique fut celle de l’émancipation – émancipation des peuples, des classes, des consciences. Celle d’aujourd’hui s’est muée en religion séculière du Bien, où la vertu remplace la vérité, et la posture morale tient lieu de pensée.

A lire aussi, du même auteur: 2005: colère sociale ou colère ethnique?

Cette métamorphose n’est pas sans rappeler les ambiguïtés des années 1940. À cette époque déjà, nombre de socialistes et de communistes, au nom d’un réalisme travesti en pacifisme, passèrent du côté de la collaboration avec l’occupant. Ils croyaient sauver l’essentiel en se ralliant à l’ordre établi. De la même manière, la gauche actuelle, au nom de l’humanisme, s’accommode d’alliances idéologiques avec des forces dont l’objectif déclaré est pourtant de détruire la civilisation démocratique qu’elle prétend défendre.

L’islamisme politique, en s’adossant à la culpabilité coloniale et à la rhétorique antiraciste, a trouvé dans cette gauche moraliste un cheval de Troie. Ce n’est pas une collusion fortuite, mais la conséquence logique d’une perte de repères : lorsque l’histoire est relue à travers la seule grille du bourreau et de la victime, toute défense d’un ordre symbolique commun devient suspecte.

Le renversement du sens du nationalisme

Autre signe de ce basculement : le mot « nationalisme » a changé de contenu. Dans les années 1930, il désignait l’ambition hégémonique des puissances européennes, notamment l’Allemagne nazie. Aujourd’hui, il exprime le besoin vital des peuples de se défendre contre la dissolution généralisée — dissolution culturelle, politique et spirituelle — opérée par le double mouvement du mondialisme économique et de l’islamisme conquérant.

Le nationalisme contemporain, ou plutôt le patriotisme lucide, n’est pas un projet d’expansion : c’est une résistance. Une résistance à la déstructuration du lien social et à la disparition du politique dans le règne de la marchandise et des identités fragmentées.

Là encore, la pensée dominante inverse les signes. Ce qui est aujourd’hui un réflexe de survie collective est présenté comme un symptôme de régression. Mais c’est précisément parce que la nation, la famille, l’individu et la liberté sont encore les seules formes capables de structurer une humanité politique que leurs adversaires cherchent à les dissoudre.

L’union des trois propagandes

Le paradoxe de notre temps tient dans la coalition objective de trois forces idéologiquement hétérogènes :

  • le mondialisme, qui nie les appartenances et réduit les hommes à des flux économiques ;
  • le gauchisme postmoderne, qui transforme la culpabilité en système de pouvoir moral ;
  • et l’islamisme, qui exploite cette faiblesse pour imposer sa logique communautaire et religieuse.

Ces trois courants, pour des raisons différentes, convergent vers un même but: l’effacement des nations, c’est-à-dire la disparition du cadre où la liberté politique, la responsabilité collective et la mémoire historique peuvent s’incarner.

Retrouver la nation, la famille, l’individu, la liberté

Face à cette conjonction d’utopies et de fanatismes, il ne s’agit pas de revenir à un passé idéalisé, mais de retrouver les conditions du réel : celles qui permettent à une société de se penser, de se protéger et de se transmettre.

Retrouver la nation, ce n’est pas rejeter l’autre : c’est redonner sens à la communauté de destin. Retrouver la famille, ce n’est pas nier la diversité des existences : c’est reconnaître le lieu où se forme la continuité humaine. Retrouver l’individu, ce n’est pas exalter l’égoïsme : c’est rappeler que la liberté commence par la responsabilité. Et retrouver la liberté, enfin, c’est accepter le conflit du réel, non le fuir dans les dogmes de la vertu.

Conclusion

Ce que vit aujourd’hui le débat public français n’est donc pas une querelle d’opinions, mais une crise de la vérité. Ce n’est pas l’extrême droite qui menace la démocratie : c’est la peur de nommer les choses. Dans ce climat d’intimidation morale, les intellectuels qui persistent à décrire la réalité sont traités en parias. Mais ce sont eux, paradoxalement, qui incarnent la fidélité à l’esprit critique, celui qui a toujours fait la grandeur du monde occidental.

Car il n’y a pas de liberté sans le courage de penser contre le mensonge.

La société malade

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  1. https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/pourquoi-cette-sequence-tele-evoquant-jordan-bardella-ulcere-a-ce-point-le-rassemblement-national_256758.html ↩︎

🎙️ Podcast: Incursion islamiste à l’Assemblée nationale; radicalisation de la gauche américaine

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Yaël Braun-Pivet à l'Assemblée nationale, Paris, le 28 octobre 2025. Jacques Witt/SIPA

Avec Céline Pina, Eliott Mamane et Jeremy Stubbs.


Capture France info TV

Mercredi 5 novembre, lors de la séance des questions au gouvernement, des filles assises dans les tribunes publiques et faisant partie d’un groupe scolaire étaient voilées. Ce fait a été signalé par nos confrères de Frontières. Selon l’article 8 de l’Instruction générale du bureau de l’Assemblée nationale, « Pour être admis dans les tribunes, le public doit porter une tenue correcte. Il se tient assis, découvert et en silence ». Porter un voile et être « découvert » semblent bien incompatibles.

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Céline Pina analyse pour nous ce qui ne peut être qu’une nouvelle tentative islamiste pour tester et même repousser les limites de la notion républicaine de laïcité. La faiblesse de la réaction gouvernementale et le soutien apporté par les islamo-gauchistes de LFI à ceux qui défient ainsi les valeurs occidentales montrent combien la lutte contre l’islamisme est mal engagée.

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A la suite de la victoire de Zohran Mamdani à New York, ainsi que d’autres victoires démocrates dans le New Jersey, en Virginie et en Californie, Eliott Mamane explique les derniers développements au sein du Parti démocrate. Si Mamdani a fait preuve d’une grande habileté politique en se faisant élire maire de New York, sa ligne radicale n’a pas nécessairement vocation à devenir celle de son parti. Les deux femmes qui sont les nouveaux gouverneurs de la Virginie et du New Jersey sont nettement plus modérées que la nouvelle coqueluche de la gauche socialiste. Et ces victoires démocrates sont redevables en partie à la situation économique de beaucoup d’électeurs qui comptaient sur le président Trump pour résoudre leurs problèmes et qui se trouvent, pour l’instant, déçus.

Philharmonie de Paris: l’entêtante petite musique de la haine

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Philharmonie de Paris, 19e arrondissement, image d'archive © Denis Allard-Pool/SIPA

Lors du concert de l’Orchestre philharmonique d’Israël hier soir à la Philharmonie de Paris, des spectateurs ont tenté à trois reprises d’interrompre la représentation avec des fumigènes avant d’être évacués. La Philharmonie a porté plainte et quatre personnes ont été placées en garde à vue. Rachida Dati a condamné fermement ces perturbations, affirmant sur X que « la violence n’a pas sa place dans une salle de concert »


J’ai d’abord cru à un remake de la fameuse bataille d’Hernani avant d’apprendre que les troubles qui ont eu lieu jeudi soir au concert donné à la Philharmonie de Paris par l’Orchestre philharmonique d’Israël n’étaient en rien la manifestation spontanée d’un désaccord artistique.
Des personnes munies d’un billet d’entrée tentèrent à trois reprises d’interrompre la représentation.

Spectateurs excédés

La Philharmonie a condamné ces « graves incidents » et a décidé de porter plainte tout en tenant à rappeler qu’elle a à cœur d’accueillir des artistes de toutes origines, qu’ils soient israéliens ou palestiniens. Elle tient d’ailleurs à préciser qu’une invitation n’est pas une prise de position politique. À bon entendeur…

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Il est 20h15 (soit quinze minutes après le début du concert) quand deux militantes situées au balcon central, avec la prestance et l’agilité d’un diable sorti de sa boîte, déploient une banderole « Free Palestine » et commencent à entonner le sempiternel refrain « Stop au génocide ». De leur perchoir, elles se mettent à jeter des tracts qui tourbillonnent et atterrissent dans la fosse d’orchestre. Probablement surpris par une telle pluie, le pianiste (Schiff) s’arrête de jouer. Plusieurs spectateurs, visiblement excédés, se saisissent des deux mutines. Des coups de poing sont échangés, des cheveux sont tirés. Les services de sécurité grimpent dans les gradins et, à 20h20, les deux femmes – dûment menottées- sont sorties de la salle. La musique reprend ses droits quand un homme, sis dans le parterre cette fois, active un fumigène rouge. Les couleurs de l’enfer se déploient dans la grande salle, une épaisse fumée envahit la scène et l’alarme incendie se déclenche. Dramaturgie en trois actes ! La salle est plongée dans un brouillard pourpre. Les ombres rougeoyantes plongent la Philharmonie dans un climat de purgatoire. Le public tousse, certains suffoquent, le tout sur fond de huées avant qu’on ne parvienne à éteindre le fumigène et qu’on aère la salle. Un semblant d’ordre revient enfin et Shani remonte sur scène, prend le micro et dit jouer « pour la paix, pas pour la haine ». Une ovation éclate. L’Art – un instant – semble triompher et la symphonie numéro 4 de Brahms reprend.

Toutes les couleurs du palestinisme !

Mais probablement troublée par ce temps de sérénité, une femme située au deuxième balcon, allume un second fumigène. Vert cette fois-ci. Notons le souci de variation dans les couleurs. Nouvelle évacuation, la sécurité boucle les issues. Il s’agirait que la plaisanterie ne se reproduise pas une quatrième fois. D’ailleurs, il n’y a même plus de dicton pour cela : « Jamais deux sans trois », la comptine ne saurait aller plus loin.

La musique reprend et cette fois-ci, c’est la bonne ! Rien ne viendra plus interrompre le concert. Quant à savoir dans quel état d’esprit étaient le public ou les musiciens… probablement aussi tendus que la corde de l’archet.

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Un torrent d’applaudissemenst est venu clore cette soirée, la foule éprouvée a tenu à remercier les musiciens d’être restés. Malgré tout. Envers et contre la haine qui – par trois reprises – s’est levée.

Mais là où le symbole devient extraordinairement fort, c’est que les œuvres choisies entraient quasiment en résonance avec les débordements qui avaient cours dans la salle. Le concerto pour piano n°4 de Beethoven évoque la douceur triomphant de la force quand la symphonie n°4 de Brahms s’attarde sur la musique qui se donne pour insensée mission de transcender la douleur…

Manon Aubry, Jean-Luc Mélenchon ou Thomas Portes ont refusé de condamner les « incidents ». Il y a décidément des sujets qui, chez LFI, provoquent un mutisme des plus complets.


Stabiliser la dette publique: les étranges partis-pris du Conseil d’analyse économique

Le Premier ministre Sebastien Lecornu et la ministre chargée des Comptes publics Amélie de Montchalin, à l'Assmblée nationale, Paris, 31 octobre 2025 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

Dans son dernier rapport, le CAE expose au gouvernement un large éventail d’économies possibles. Mais certaines questions demeurent taboues, déplore cette tribune.


Placé auprès du Premier ministre et composé d’économistes universitaires, le Conseil d’analyse économique (CAE) a pour mission, si l’on en croit le site internet de l’institution, « d’éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix du gouvernement en matière économique ». Il est censé réaliser « en toute indépendance », des analyses économiques pour le gouvernement, et les rend publiques.

Tax force

Dans sa dernière livraison (Comment stabiliser la dette publique ? CAE, Focus n°124, 16 octobre 2025), le CAE s’efforce de recenser les pistes envisageables pour réduire la dette publique. Il évalue tout d’abord à 112 Md€ (soit un peu plus que trois points de PIB) l’effort pérenne d’ajustement budgétaire à réaliser – par le biais d’une hausse des recettes ou une baisse des dépenses – pour stabiliser la dette publique. Cette première partie de la publication n’appelle guère de commentaires : tant en termes de méthode que d’ordre de grandeur des résultats, le CAE se place dans le prolongement de nombreux travaux déjà disponibles par ailleurs, notamment ceux du Haut conseil pour les finances publiques (HCFP) ou ceux du site Fipeco animé par François écalle.

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S’agissant des pistes de hausses des recettes et de réduction des dépenses, le CAE prétend réaliser « un travail de synthèse » s’appuyant sur « un large corpus de rapports institutionnels, d’études académiques et d’analyses de différents groupes de recherche ». Du côté des recettes, le CAE identifie presque une centaine de mesures qui pourraient générer au total jusqu’à 111 milliards de recettes supplémentaires chaque année ! Pour n’en citer que quelques-unes : l’augmentation d’un point du taux de CSG et des taux de TVA, la réintroduction de la taxe d’habitation et de l’ISF, l’augmentation d’un point de tous les taux d’impôt sur le revenu, l’augmentation de 8,5 points de l’impôt sur les sociétés, la taxation accrue de l’héritage, la fin de la défiscalisation du gazole non routier… Le CAE prend garde à ne pas omettre la « taxe Zucman », même s’il évite prudemment de la mettre en avant.

Oublis

Quand il s’agit d’augmenter les impôts, certains, à l’université ou dans des organismes officiels, ne semblent donc décidément pas manquer d’imagination. Mais on peut se demander s’il est bien raisonnable de proposer de nouvelles hausses d’impôts en France, au moment même où notre pays présente à la fois la part des dépenses publiques dans le PIB la plus élevée de tous les pays de l’OCDE (57,3 % du PIB en 2024) et le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé (43 % en 2024), ce que la publication du CAE se garde de rappeler. Il peut être tentant, pour le gouvernant qui souhaite s’épargner un effort réel de réduction des dépenses, de céder à la facilité qui consiste à raboter les niches fiscales ou à alourdir la fiscalité sur les plus aisés, en s’appuyant sur l’argument selon lequel certains individus seraient moins lourdement taxés que d’autres. Nous pensons au contraire que dans la situation qui est celle de notre pays à présent, la réduction massive des dépenses constitue la seule voie pertinente pour maîtriser la dette dans la durée, et que l’engagement à ne pas augmenter quelque impôt que ce soit, voire les baisser, est nécessaire pour crédibiliser une démarche sérieuse de redressement des finances publiques.

Du côté des dépenses, le CAE montre nettement moins d’empressement et d’insistance que pour les recettes à recenser l’ensemble des pistes d’économie qui ont pu être évoquées sur la place publique. Vous ne trouverez pas trace, dans ce document du CAE, de possibles économies sur l’aide au développement, ou encore des recettes que pourrait générer une privatisation de l’audiovisuel public. Il n’y a pas non plus la moindre suggestion de tenter de négocier auprès de Bruxelles un rabais sur notre contribution au budget de l’UE, ce que font pourtant de longue date – avec succès – l’Allemagne et les Pays-Bas. Pas de remise en cause non plus des dizaines de milliards de subventions aux véhicules électriques, aux panneaux photovoltaïques et aux éoliennes, subventions versées sans effet autre que très symbolique sur le niveau de CO2 dans l’atmosphère. On n’y trouve pas davantage la proposition pourtant émise par plusieurs partis politiques de conditionner à une durée minimale de séjour régulier en France la possibilité pour les étrangers de percevoir des aides sociales, une disposition qu’appliquent pourtant plusieurs autres pays de l’UE. Le CAE ne se donne même pas la peine d’évoquer un possible coup de rabot – sans aller jusqu’à parler d’une suppression pure et simple – de l’Aide médicale d’État (AME), qui a pourtant fait l’objet de rapports officiels.

Pincettes

Le CAE évoque les effets bénéfiques que présenterait un relèvement du taux d’activité des seniors – nous acquiesçons – mais ne s’interroge pas sur le gâchis que représente, pour la collectivité et pour les intéressés eux-mêmes, l’absence de sélection à l’entrée à l’université, où plus de la moitié des étudiants échouent et abandonnent avant d’avoir obtenu le moindre diplôme. La question de la fraude aux prestations sociales est certes abordée, mais avec des pincettes, et sans que le CAE ne juge utile de s’interroger sur les incohérences du discours officiel (soulevées entre autres par Charles Prats) face aux millions de cartes Vitale surnuméraires.

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Si le nombre de mesures d’économies est conséquent, leur ampleur est souvent limitée, par exemple quelques dizaines de millions pour les associations, quelques dizaines de milliers de postes administratifs à comparer aux centaines de milliers créés au cours des dernières décennies. Certains domaines sont contournés : soutien à l’Ukraine, multiplicité d’agences souvent controversées, par exemple dans l’audiovisuel, l’écologie ou encore l’immigration.

Il faut donc croire que pour le CAE, certaines questions sont taboues, celles précisément dont le traitement – ou plus exactement le non-traitement – par le pouvoir et par les élites heurte le bon sens de nos concitoyens. On n’ira pas ici jusqu’à proposer la suppression du CAE lui-même, qui coûte sans doute sensiblement moins cher à la collectivité que France Télévisions, mais la façon dont le CAE évacue les questions qui fâchent ne nous semble hélas pas de nature à réconcilier le peuple et ses élites.

Enfin, il est fait référence à des réformes structurelles débouchant sur une baisse notable du chômage ou encore sur un redressement des gains de productivité, le tout rehaussant la croissance et au-delà les recettes publiques. Comment les hausses d’impôts envisagées pourraient-elles stimuler l’investissement, l’innovation et in fine l’activité économique ? Cela reste assez mystérieux.

Droites: l’union façon puzzle

© Causeur

Le magazine Causeur du mois consacre un dossier de 18 pages à cette fameuse union des droites qui n’advient jamais


Pour les copains de Valeurs actuelles, ça ne fait pas un pli. Voici venue « l’heure de la coalition », proclament-ils en une le 15 octobre. Avec, en illustration, une belle brochette d’éminences de droite encadrant Marine Le Pen façon équipe de campagne. Ils sont venus, ils sont tous là – Villiers, Bardella, Retailleau, Lisnard, Maréchal, Ciotti, Knafo, Bellamy, Zemmour. Dans la vraie vie, certains ne s’adressent plus la parole. Sur le photomontage, tous sourient, tournés vers le même avenir radieux.

Droite plurielle

La presse de gauche s’en désole quotidiennement – tout en réclamant le pouvoir pour son camp : la France se droitise. Dans la dernière livraison de « Fractures françaises », l’enquête annuelle Cevipof/Ipsos/Le Monde, 41 % des Français se positionnent à droite et 28 % à gauche (18 % choisissent le centre et 13 % ne se prononcent pas). Sur le papier, c’est donc imparable. Il suffirait que toutes les droites (en l’occurrence, LR, RN et Reconquête !) s’allient pour gouverner ensemble. Une hypothèse d’autant plus logique que l’intimidation morale a sans doute jeté ses derniers feux en 2022. Même Retailleau, l’un des plus hostiles à une entente avec le RN, n’ose pas parler de divergences de valeurs.

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Si Emmanuel Macron avait chargé une IA de fabriquer une majorité à partir du Parlement issu des législatives de juin 2022, elle aurait donc certainement imaginé un genre de droite plurielle – à moins évidemment d’avoir été dressée pour faire barrage à qui on sait. Beaucoup de sympathisants de droite, convaincus que leurs idées sont majoritaires dans le pays, se demandent donc par quelle entourloupe ils se retrouvent cocus, puisque c’est aujourd’hui le Parti socialiste qui semble tenir entre ses mains le sort du gouvernement et du pays. Dans les bistrots, on se dit que tous ces chefs devraient se mettre d’accord dans l’intérêt de la France et que, s’ils ne le font pas, c’est par préférence pour leurs intérêts et leurs carrières. C’est un peu court. Les appétits et les rivalités existent aussi à gauche, mais n’empêchent nullement de faire front commun quand il faut gagner.

Osons une hypothèse. Ce qui empêche de faire la même chose à droite, c’est peut-être que la droite n’existe pas. Déjà ce n’était pas simple du temps de René Rémond et de ses trois droites (qui ne se sont jamais coalisées), mais depuis que le populisme a déboulé dans le jeu, captant une partie notable de l’électorat bonapartiste (mais pas que), c’est la pagaille. Il faut dire que si le mot « gauche », en dépit de toutes les turpitudes qu’il couvre, conserve un pouvoir magique (même si ce pouvoir a tendance à s’user), le vocable « droite », lui, ne convoque rien et n’évoque pas grand-chose, sinon ce qui n’est pas la gauche.

Le cauchemar de l’IFOP

Les électeurs du RN, de LR et de Reconquête ! se déclarant massivement favorables à l’union des droites, on croit naturellement qu’ils sont tous de droite. En réalité, beaucoup accepteraient n’importe quel attelage capable de les délivrer du cauchemar « socialo-macroniste » qui a conduit le pays au multidésastre. Brice Teinturier observe avec effroi la convergence des deux électorats qui trouvent « qu’on n’est plus chez soi en France » (85 % à LR, 94 % au RN), qu’il y a trop d’étrangers (86 % à LR et 95 % au RN), et qu’il faudrait « un vrai chef pour remettre de l’ordre » (95 % et 99 %). Ils sont même d’accord pour lutter contre l’assistanat (88 % et 70 %).

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Pourtant, à la différence de Jordan Bardella qui a confessé un ancien tropisme sarkozyste, Marine Le Pen refuse de se dire de droite. Tout juste concède-t-elle du bout des lèvres qu’en cas de besoin, elle accepterait l’appoint venu de ce côté-là de l’hémicycle. Forte de ses records de popularité, la patronne du RN a forcé la porte du club des dirigeants responsables et respectables. Mais on dirait qu’elle ne se sent pas appartenir au même monde qu’eux. « Beaucoup de gens à droite voudraient des gens comme nous mais qui soient plutôt comme eux, nous confie-t-elle (lire notre grand entretien). Peut-être ne sommes-nous pas assez bourgeois. » Et certainement moins conservateurs. Entre les électeurs lepénistes et ceux de la droite classique, les différences sont donc moins idéologiques que culturelles. Et il ne s’agit pas seulement de classe sociale, mais d’ethos et de vision du monde. Teinturier note que 58 % des sympathisants du RN et seulement 23 % des sympathisants LR déclarent appartenir à « une France contestataire et en colère ». Derrière des incarnations nationales très diverses, la spécificité des populismes est précisément d’avoir accommodé politiquement la colère contre les élites, devenue leur principal carburant électoral, au risque d’être érigée en légitimité incontestable.

Reste que, face au danger, on ne chipote pas sur le pedigree de ses camarades de tranchées. Or la majorité des dirigeants et des électeurs de cette famille politique qui n’en est pas une, ou alors très dysfonctionnelle, partagent au moins les mêmes inquiétudes. Beaucoup sont certains que, faute de changement radical de direction, le déclin du pays sera bientôt irréversible. Reste à savoir combien, une fois dans l’isoloir, se diront, à l’instar du président Mao, que peu importe la couleur du chat pourvu qu’il attrape la souris.

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Ce monde l’a rendu fou

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Christophe Bourseiller © Hannah Assouline

À l’aide d’une centaine de chroniques diffusées sur France Inter, Christophe Bourseiller explique pourquoi notre société ne cesse de l’étonner et de le rendre complètement cinglé.


Ce monde me rend fou, c’est le nom de la chronique que donne Christophe Bourseiller chaque samedi et dimanche, à la fin de la matinale, sur les ondes de France Inter. Il a recueilli celles-ci dans un livre dans lequel « il pose un regard espiègle sur notre époque », selon son éditeur. Bourseiller rendu fou par l’époque ? On est en droit de le comprendre. L’auteur analyse la société, ses écarts, ses lubies, ses emballements, ses tics, ses modes, ses bouleversements inattendus. Ses horreurs aussi.

Tatouages, influenceurs, musées improbables…

Tout y passe : les tatouages (« (…) l’individualisme triomphant »), les musées surprenants (dont celui du Phallus en bocal à Reykjavik, ou celui de la Nourriture dégoûtante en Suède), l’enfer numérique (« On réalise avec effroi que le conte de fées d’hier a tourné au cauchemar vinaigré. »), les influenceurs (« (…) une minorité d’influenceurs (environ 6%) gagnent très bien leur vie, en se vendant aux marques. Mais 94 % galèrent et mentent sur leur quotidien. »), les insultes en politique (« (…) Dominique Strauss-Kahn dit d’Arlette Laguillier en 2004 : « C’est l’union d’un postier et d’une timbrée. »… », et le fait que le lapin soit l’avenir de l’homme (n’en déplaise à Jean-Jacques Goldman : « Un lapin, ça ne sert à rien… » chante-t-il, enfin presque.)

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On rit souvent en lisant cet opus ; on s’insurge parfois. On se régale assez souvent car Christophe Bourseiller sait écrire. « Ce monde me rend fou… Tout est dans le titre et tout est dit », affirme-t-il en préambule. « Depuis cinq ans, j’épingle les travers d’une société de plus en plus éruptive, désarticulée, polarisée, binaire, agressive, hypnotisée par ses lubies, dérivant à la façon d’un rafiot fantôme égaré sur une mer de sacs en plastique. Tel est l’enjeu de ce qui n’est pas une chronique d’humour, mais une chronique d’humeur. Je ne suis en fin de compte qu’un passant témoin de faits divers, ou encore un enfant en proie à la désillusion. Moquer l’époque présente fait-elle de moi un réac ? Je ne crois pas ? Il m’arrive de sombrer dans un certain passéisme, mais ces instants d’égarement sont rares, car, non, rien de rien, je ne regrette rien. »

Pas un réac ? Certainement. Il n’empêche que, comme beaucoup, quand il regarde du côté du passé, il pense souvent que ce n’était pas si mal. C’est un euphémisme que de le dire.

281 pages

Vous reprendrez bien quelques chiffres sur le «gel» de la réforme des retraites?

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Le Premier ministre Sébastien Lecornu lors du débat et de l’examen du budget de l’État pour 2026 à l’Assemblée nationale, à Paris, le 24 octobre 2025 © Jacques Witt/SIPA

Suspendre la réforme des retraites ne représenterait « que » trois milliards d’euros de coût, selon le Premier ministre Sébastien Lecornu, qui juge qu’un nouveau changement de gouvernement, une dissolution ou un rejet du budget seraient encore plus préjudiciables à l’économie nationale.


Afin d’éviter la censure et de se maintenir au pouvoir, avec la bénédiction du président Macron et de Mme Borne, Sébastien Lecornu a décidé de geler la réforme des retraites.

Pourtant, en matière de retraites, il va bien falloir que nos braves concitoyens se mettent dans la tête que TOUS les principaux pays européens ont reporté l’âge légal de départ à la retraite. Ce dernier dans l’UE varie d’un État membre à l’autre. Il va de 60 ans pour les femmes en Pologne à 67 ans dans plusieurs pays comme l’Allemagne, le Danemark, l’Italie ou les Pays-Bas. Détaillons un peu[1], pour être parfaitement clair : Allemagne (66 ans et 2 mois), Belgique (65 ans), Danemark (67 ans), Espagne (65 voire 66 ans), Italie (67 ans), Portugal (66 ans et 7 mois).

Comparaison n’est pas raison, mais

Bien entendu, derrière ces chiffres, il y a des réalités disparates et les comparaisons doivent être relativisées. En effet « les âges légaux de chaque pays ne sont pas complètement comparables, ou du moins ne suffisent pas à comparer des systèmes de retraite. En effet, de fortes variations existent d’un pays à l’autre, en termes de conditions d’éligibilité, de durées de cotisation et d’affiliation, de salaires pris en compte pour le calcul, ou de dispositifs permettant un départ avant l’âge légal (retraite anticipée), etc. », indique pertinemment le Cleiss (Centre des Liaisons Européennes et Internationales de Sécurité Sociale).

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Il n’empêche qu’en France, vu l’état de nos finances (générales et sociales) qui décline de plus en plus, il va falloir faire un effort colossal. Et cela passe aussi par l’allongement de l’âge légal de la retraite. C’est incontournable. C’est vital. La réforme Borne allait dans le bon sens même si elle ne résolvait pas tout, loin de là. Rappelons que le dernier rapport du Conseil d’Orientation des Retraites a chiffré que, même avec cette réforme adoptée en 2023, notre système de retraite file vers 15 Mds € (en € 2024) de déficit en 2035 et 30 Mds € en 2045. Cela représente près de 75 Mds € de déficit cumulé d’ici 2030 – même avec la réforme, donc[2]. Quant aux pistes pour financer les renoncements attendus, elles sont irréalistes, sauf à pénaliser durablement le pouvoir d’achat et la compétitivité. C’est donc un gel prolongé des retraites qui est aussi envisagé dans le projet de budget pour la Sécurité sociale.

L’annonce de M. Lecornu est uniquement motivée par sa volonté de s’attacher l’onction des socialistes et celle de certains LR effrayés par leur électorat en cas de dissolution. Ceci afin de s’assurer un budget qui sera d’ailleurs rempli de chausse-trapes pour compenser le gel de la réforme. Budget pour la confection duquel il n’a pas fait le plus dur….

Un coût énorme

En tout état de cause, même si le prix Nobel d’économie, M. Philippe Aghion (ancien conseiller d’Emmanuel Macron et principal inspirateur de la réforme Borne), affirme le contraire, ce renoncement — cet enterrement même — aura un coût énorme. Mettre sur pause la réforme des retraites ne coûterait « que » trois milliards d’euros selon M. Lecornu. Ce qui a été avancé exactement par le Premier ministre, c’est que cette mesure devrait bénéficier « à terme à 3,5 millions de Français » mais représente un coût important avec « 400 millions d’euros en 2026 et de 1,8 milliard d’euros en 2027 ».

Ce chiffre relève de l’insincérité pure et simple (c’est une faute en matière budgétaire) car il s’agirait du coût pour 2027, pour l’ensemble des régimes.

La proposition retenue est de mettre sur pause l’âge d’ouverture des droits, qui serait stoppé à 62 ans et 9 mois, et la durée de cotisation à 170 trimestres.


Ce tableau présente les deux principaux paramètres de l’âge avec la réforme de 2023

NaissanceÂge légalTrimestres exigés
1955, 1956, 195762 ans166
1958, 1959, 196062 ans167
1/1 au 31/8 196162 ans168
1/9/1961 au 31/12/6162 ans et 3 mois169
196262 et 6 mois169
196362 et 9 mois170
196462 et 9 mois170
196563 ans171
196663 et 3 mois172
196763 et 6 mois172
196863 et 9 mois172
1969 et après64 ans172

Les changements dus à la suspension sont mis en rouge et gras. Le 23 octobre, le gouvernement adopte la lettre rectificative au PLFSS 2026. Il crée un article modifiant le code de la Sécurité sociale, et suspend ainsi la réforme des retraites de 2023 jusqu’à l’élection présidentielle :

  • l’âge légal de la retraite est reporté d’un trimestre de la génération 1964 jusque celle de 1968 ;
  • la durée d’assurance requise pour bénéficier du taux plein est réduite d’un trimestre, soit :
    – 170 trimestres au lieu de 171 si né en 1964
    – 171 trimestres au lieu de 172 si né en 1965.
    La loi devra être changée avant fin 2027 si l’on souhaite bien maintenir l’âge à 62 ans et 9 mois en 2028.
    Source: CFDT.

Dans un rapport de 2025, la Cour des Comptes a estimé qu’un arrêt de la progression de l’âge d’ouverture à 63 ans aurait un coût complet de 13 milliards pour 2035 (Situation financière et perspectives du système de retraites, Communication au Premier ministre, Février 2025 ; Cour des comptes).

Cette évaluation souligne le poids des paramètres de l’âge sur l’évolution de la population active et donc sur le potentiel de croissance du pays. Ainsi, le coût pour l’ensemble des finances publiques est presque le double du coût pour le seul système de retraites. L’autre volet, c’est la durée de cotisation. Ainsi, contrairement aux principaux pays de l’UE, stopper l’allongement de la durée de cotisation reviendra à geler à 170 trimestres la durée de cotisation requise. On peut estimer que cela représente environ la moitié des effets calculés par la Cour qui prend une hypothèse plus forte (retour aux 168 trimestres), soit 2 Mds € pour le système de retraites et 3,5 milliards pour l’ensemble des finances publiques d’ici 2035. Au total, c’est donc 5,8 Mds € d’économies pour le système de retraites, et à 16,5 Mds € pour l’ensemble des finances publiques 2035 auxquels on s’apprête à renoncer (IFRAP ibid[3]). On est loin des « que 3 milliards » de M. Lecornu.

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Et puis ce renoncement (plus que gel !) va nécessiter de compenser le rendement de la réforme des retraites. Il faudra alors majorer au minimum de 2 points les cotisations vieillesse déplafonnées, soit, pour un salaire brut moyen français, un surcoût de 400€ par an (probablement plus, en € courants). Cet effort pèsera soit sur le pouvoir d’achat (cotisations salariales), soit sur la compétitivité des entreprises (cotisations employeurs). Deux secteurs que le déficit abyssal nécessite au contraire de dynamiser. Un tel retour en arrière (suggéré quand même par Mme Borne !) est incompatible avec des mesures de relance par la consommation et de soutien à la réindustrialisation (rappelons que les salaires dans l’industrie étant plus élevés que dans l’économie en général, les emplois industriels sont moins bénéficiaires des exonérations de charges).

Il existe à vrai dire une alternative que les défenseurs du retour en arrière envisagent sans toutefois oser le dire. C’est le gel sur les retraites. Rien que pour financer le retour en arrière réclamé par une partie de la représentation nationale, c’est environ 4 ans de désindexation totale (jusqu’en 2029) de l’ensemble des retraites qu’il faudrait adopter.

Et n’oublions pas que, pendant ce temps, on ne parle pas non plus des comptes de la branche maladie : déficit anticipé par la Commission des comptes de la Sécurité sociale à 16 Mds € pour 2025 (perspectives plus sombres attendues dans le rapport d’octobre vu la mise à l’arrêt de l’économie).

Et puis rappelons aussi que l’ex-rapporteur du budget, Charles de Courson, a chiffré à 15 milliards le « déficit » des pensions publiques d’Etat.

Dès lors, comme beaucoup d’économistes (raisonnables) le redoutaient, ce gel de la réforme Borne va faire exploser la charge de la dette et augmenter le déficit. A des fins uniquement politiques, Sébastien Lecornu a, ni plus ni moins, passé un deal politique avec la gauche et passé par pertes et profits la seule réforme structurelle du mandat Macron. Sous prétexte qu’il valait mieux un budget pour retrouver de la stabilité et adopter un mauvais budget pour gagner du temps…  C’est un choix purement et simplement catastrophique qu’au surplus les agences de notation vont prendre en compte (elles qui saluaient la réforme). Résultat ? Nos notes vont être abaissées. Et plus ça va, et plus le FMI est en approche…

Dernier mot. Renvoyer à l’élection de 2027 pour réformer les retraites est d’une lâcheté gravissime. Au moment où l’on écrit ces lignes, le compteur de la dette publique française est à 3433 milliards d’euros. Et il va encore défiler, d’ici 2027…

« Qui pense au pire devine juste. » (Proverbe grec).


[1] https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/l-age-legal-de-depart-a-la-retraite-dans-l-union-europeenne

[2] https://www.ifrap.org/retraite/retraites-la-suspension-va-couter-des-milliards

[3] https://www.ifrap.org/retraite/retraites-la-suspension-va-couter-des-milliards

MeTooMedia: le palmarès de l’entre-soi

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DR.

À l’occasion de la première édition des prestigieux prix MeTooMedia, l’animatrice Enora Malagré affirme: «Il faut absolument pousser les femmes à prendre des postes à haute responsabilité dans les médias.»


Tout le monde sait que les journaux ne parlent pas assez des violences faites aux femmes. Le 9 octobre, la prestigieuse première édition des prix MeTooMedia s’est tenue à Paris.

Nos militantes néoféministes espéraient redonner du souffle au maccarthysme castrateur qui s’est abattu sur l’Occident depuis l’affaire Weinstein. « Les prix MeTooMedia récompensent les enquêtes approfondies, les récits poignants et les œuvres qui brisent le silence », apprend-on sur le site de l’organisation. La cérémonie entendait ainsi « saluer l’engagement de celles et ceux qui informent, sensibilisent et œuvrent pour une culture plus responsable », selon la présidente Emmanuelle Dancourt, ex-journaliste télé, plaignante dans l’affaire PPDA et autrice d’une lettre ouverte contre Depardieu, adressée à Macron et signée par 7 000 personnes. Depuis, cette consœur s’est reconvertie dans les formations en VSS, et milite notamment pour que les entreprises investissent davantage dans ce domaine – le minimum syndical étant apparemment d’avoir un référent par boîte.

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Giulia Foïs, injustement écartée de France Inter, présidait le jury, entourée d’Enora Malagré, de Lou Trotignon, premier humoriste transgenre, et de Mathilde, chanteuse des tubes Révolution et L’Hymne des femmes. Le prix du meilleur reportage est revenu à Ariane Griessel (France Inter) pour « Violences conjugales : les entendez-vous dans nos campagnes ? » Anouk Grinberg a reçu celui du meilleur livre pour Respect, et Mediapart le prix du jury pour l’ensemble de ses réalisations. Lénaïg Bredoux, responsable éditoriale du pôle « genre et violences sexistes » du journal de Plenel, rappelle que « la presse a longtemps caché les faits concernant les droits des femmes et des minorités ». Mais, se félicite-t-elle, les choses bougent enfin. Enora Malagré tempère : « La place des femmes dans les médias n’a pas vraiment évolué depuis MeToo. On ne compte quasiment aucune femme issue de la diversité à la tête des grandes émissions, à part Karine Le Marchand. » Bonne nouvelle : si les violences faites aux femmes et la culture du viol sont systémiques, nos rebelles pouvaient quand même compter sur le soutien du système : ministères de la Culture, de l’Égalité entre les femmes et les hommes, SNJ, Thalie Santé… etc.

Mais pas question de baisser la garde : la chanteuse Mathilde a arboré toute la soirée un T-shirt proclamant fièrement « Bagarre ».