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Le bac de français sans Français

Chaque année, à l’approche des examens, les syndicats de profs dénoncent la « surcharge » pesant sur les enseignants mobilisés pour le bac de français. Pourtant, entre exigences orthographiques et grammaticales revues à la baisse et consignes de correction assouplies, tout semble fait pour leur simplifier la tâche


« Le ministère ne veut pas comprendre la charge de travail qui s’abat sur les collègues convoqué.es comme jury de bac. En français et philosophie, la pression est même insoutenable »1. C’est le SNES-FSU qui l’affirme, dans un communiqué de presse du 12 juin 2025, avec un appel à la grève en appendice. Comme tous les ans. Enfin, avec ce motif, puisque l’appel à la grève, dans l’Éducation nationale, c’est plutôt toutes les quatre à six semaines. Alors pourquoi cette participation aux examens, charge normale d’emploi et obligation de service, pèse-t-elle si lourdement sur les épaules et le « mental » des professeurs ? Cette revendication syndicale est-elle justifiée ?

C’est faire fi des efforts de l’Institution pour leur alléger la tâche. Tout d’abord, elle veille à ce qu’il n’y ait pas trop de contenu : quatre œuvres étudiées en français pendant l’année de première et des parcours de lecture associés qui n’en sont plus (des 24 textes prévus par la réforme Blanquer pour l’oral de français, on est arrivé à 16 textes en 2024). Ensuite, les commissions d’entente académiques enjoignent aux correcteurs de « relâcher la pression » : les corrigés nationaux des dissertations sont à considérer « comme une proposition de pistes et non la représentation de ce que l’on doit s’attendre à trouver dans les copies d’élèves » ; on n’exige (surtout) pas une « organisation canonique en trois parties elles-mêmes constituées de trois sous-parties » pour le commentaire et on ne sanctionnera pas « l’absence de paragraphes » ; pas de « pénalité supplémentaire comme cela pouvait se faire lors des sessions précédentes » quand l’orthographe et la syntaxe sont défaillantes. En d’autres termes, on souffle, on se détend, on libère les chakras.

À lire aussi, Corinne Berger : Rappel à l’ordre

Enfin, copies et correction sont dématérialisées via le logiciel Santorin2, gage d’un voyage mémorable. Comme l’île égéenne, il offre, cette année, des panoramas variés. Autant que de copies : un morceau de rap, des vœux de bonne correction, une déclaration suicidaire de huit pages, une recette de tiramisu pour 24 personnes… Parfois, l’Éducation nationale y appose un pictogramme : un bonhomme aux bras levés qui signale, depuis l’année dernière, les copies de certains « candidats en situation de handicap » et, par surcroît, édition 2025, des « élèves allophones nouvellement arrivés (EANA) ». Il est alors exigé du correcteur qu’il ne prenne pas en compte « la qualité rédactionnelle dont l’orthographe » : cerise sur le tiramisu. Ainsi, pour briller au bac de français, mieux vaut ne pas le parler. Le baccalauréat de français sans français, ni Français.

Il faudrait songer à rebaptiser le programme Santorin. Cap sur Lampedusa, lège, voile au vent : de quoi se refaire une santé ! Et le SNES se plaint ?


  1. Communiqué de presse du SNES-FSU, 12 juin 2025 https://www.snes.edu/article/communiques/alerte-sur-le-bac-2025/ ↩︎
  2. Le « Systeme d’Aide Numérique à la noTatiOn et corRectIoN  » nommé SANTORIN est un service intégré à CYCLADES se donnant pour mission de gérer la correction dématérialisée d’examens/concours. ↩︎

Jean Anouilh, le jeune homme (éternellement) vert

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Un festival Jean Anouilh ! Léocadia au Lucernaire et Souvenirs d’un jeune homme au Poche-Montparnasse.


Jean Anouilh (1910-1987) revient depuis quelques années – et c’est une bonne nouvelle. Après Eurydice, La Culotte (avec Herrade von Meier, irrésistible héroïne d’Anouilh – entre autres), Pauvre Bitos, et avant, bientôt, Le Bal des voleurs(12 juillet-31 août au Funambule Montmartre), 2 pièces se jouent en ce moment à Paris (nous bougeons peu de Paris, hélas – ou non).

D’abord, Léocadia, au Lucernaire, jusqu’au 27 juillet. Et Jean Anouilh-Souvenirs d’un jeune homme (d’après ses… souvenirs, La Table Ronde, 1987), jusqu’au 9 juillet, au Théâtre de Poche – notre seconde maison. Et les deux sont délicieux.


« C’est très joli la vie, mais cela n’a pas de forme », disait Anouilh qui s’appliqua à lui en donner, en particulier pour nous dans La Répétition ou l’amour puni (un de ses chefs d’œuvre) – où sa lucidité, voire son désenchantement, n’empêchait pas l’enchantement : allez comprendre ! C’est tout Anouilh.

Souvenez-vous. La Répétition, c’était ça – par exemple : « Je m’intéresse assez peu, personnellement, aux confidences. C’est toujours à peu près la même chose et cela ne soulage que celui qui les fait. Vous êtes jeune, vous débarquez au pays de l’amour ; vous devez avoir l’impression d’être une exploratrice, de découvrir des continents… Ne protestez pas, c’est très gentil… Vous apprendrez bien assez vite que la pièce ne comporte que deux ou trois rôles, deux ou trois situations toujours les mêmes – et que, ce qui jaillit irrésistiblement du cœur dans les plus grands moments d’extase, ce n’est qu’un vieux texte éculé, rabâché depuis l’aube du monde, par des bouches aujourd’hui sans dents. On n’invente guère. Jusqu’aux vices qui sont d’une banalité, d’une précision, désespérantes ! Un vrai catalogue, avec les prix courants dans la colonne de droite. Car tout se paie bien entendu. Sodomie : solitude et ulcère indiscret ; éthylisme : ascite et cirrhose ; passion : fatigue ; tendre amour : cher petit cœur brisé. On n’y coupe pas ! »

Si cela n’est pas un morceau de bravoure inoubliable… Par ailleurs, aveu : j’aime beaucoup Anouilh, aussi parce qu’il ponctue comme je le fais, sans fin, avec des tirets, des virgules, des points virgules, etc. Il connaît les ressources de la langue, et il en use. Merci Monsieur Anouilh, ma meilleure excuse.

Mais après cet apéritif pour redire le génie d’Anouilh, revenons à Léocadia, puisque c’est la pièce que l’on a (re)vue en premier.

Toute la fantaisie d’Anouilh s’y trouve. Imaginez : un jeune homme « sombre dans la mélancolie depuis la mort de son grand amour, Léocadia » (rencontrée trois jours avant sa mort, seulement – précision importante pour… « grand » amour).

Une jeune modiste, Amanda, pure, apparemment naïve mais plutôt douée du génie de la candeur, est embauchée par la tante du jeune homme (un prince, comme dans n’importe quel conte de fée) pour jouer le rôle du « souvenir » de Léocadia – il se trouve qu’elle lui ressemble, c’est même pour cela qu’elle a été embauchée.

Elle va jouer « son » rôle (celui de Léocadia), pendant trois jours. Et inventer le sien propre : le 4ème ?

Cela se finit – donc c’est triste. Mais cela se finit « bien » – donc ce n’est pas triste. Quelle idée… géniale : incarner un souvenir, pour lutter contre le mal d’amour, en faire « passer » le souvenir – comme on le dit d’une couleur (pâlie… ou passée).

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Tout est réussi dans ce spectacle : la scénographie si inventive, l’alchimie entre les comédiens de la compagnie Les Ballons rouges (une vraie troupe de – grands, jeunes et moins jeunes – professionnels) – et puis ce texte tellement onirique…

On ne bavardera pas autour de ce spectacle parfait. Une mention spéciale peut-être pour Amanda-Léocadia : Camille Delpech – qui a la fraîcheur, le primesaut et la science de l’héroïne d’Anouilh rêvée. Et une autre pour la trop méconnue Valérie Français, dans le rôle de la tante extravagante – régal.

Celles-et-ceux qui ont aimé La Belle époque, le si romanesque et romantique film de Nicolas Bedos, aimeront ce moment – où tout est réuni : délicatesse, poésie, humour. Et, non pas « absurde » – mais rêverie.

Au Théâtre de Poche, ce sont les Souvenirs d’Anouilh (titre : La Vicomtesse d’Eristal n’a pas reçu son balai mécanique) qui sont mis en scène, joués par Gaspard Cuillé (ou Emmanuel Gaury) et Benjamin Romieux, de la Compagnie du Colimaçon – celle-là même qui monta avec succès (un an à l’affiche, 2023-2024), Eurydice.

La mise en scène ? Le contraire du « divertissement » (qui di-vertit, sens strict) : un bureau, deux chaises – et deux Anouilh qui se font face (mais pas seulement…). Ce sont surtout les deux Anouilh qui nous ont requis.

Cela commence, pour le jeune Bordelais, au service des Réclamations des Grands Magasins du Louvre. Vocation ratée, donc – d’ailleurs son chef le lui dira : « C’est dommage, Anouilh, car vous aviez l’étoffe d’un bon réclamateur. »

Puis c’est une expérience – brève aussi – dans une agence de publicité (« concepteur-rédacteur ») où il rencontre (quand même) Jacques Prévert, Paul Grimault, Georges Neveux et Jean Aurenche.

Il écrit Humulus le muet (que nous ne connaissons pas mais dont le « résumé », sur scène, fait mourir de rire), une première version du Bal des voleurs – et L’Hermine (1931, Théâtre de l’Œuvre, 1932), avec Pierre Fresnay : premier succès – avant Le Voyageur sans bagage (1936, Mathurins-Pitoëff, 1937).

Puis il y a la guerre (et Eurydice en 1942 à l’Atelier, Antigone en 1944), le cinéma, Louis Jouvet, etc. Les Mémoires du jeune homme Anouilh se terminent avec la création d’Antigone, l’évocation du rôle de Georges Pitoëff (« un génie »), d’André Barsacq, un presque frère pour Anouilh. Etc.

Avouons que l’on était un peu circonspect, à propos d’une mise en scène de ces souvenirs : les souvenirs, il vaut mieux les lire, pensions-nous. Assister à un long monologue qui égrène les étapes d’une vie… Pas gagné.

Nous avions tort : la mise en scène, les effets musicaux, les lumières, et surtout, les deux comédiens – le soir où nous étions, c’était Gaspard Cuillé et Benjamin Romieux – sont exceptionnels. Si drôles, si accordés, si complices et espiègles ! À croire, après Léocadia, qu’Anouilh procure du talent à quiconque s’y colle. C’est faux : les deux acteurs, comme la troupe de Léocadia, sont simplement mémorables. Deux occasions exceptionnelles de voir et d’écouter Anouilh, son humour, sa tendresse, son humanité.

Une « précision » à propos du rôle d’Anouilh pendant la guerre. Note ami Stéphane Barsacq ne manque jamais de dire ce que son aïeul d’origine juive, André Barsacq (1909-1973) – directeur du Théâtre de l’Atelier et metteur en scène d’Anouilh, d’Aymé, etc. -, a dû à la protection d’Anouilh, pendant la guerre.

Voilà pour les donneurs de leçons. Qui fatiguent terriblement, surtout lorsque leurs leçons sont erronées – et occultent celles-et-ceux qui ont eu, alors, une souplesse enviable. N’est-ce pas Sartre, Beauvoir, Duras, Blanchot, etc. ? L’époque était ce qu’elle était : difficile, compliquée, grise, dangereuse. Héroïque, pas toujours. A sa manière, à sa mesure, Anouilh fut « du côté » de ces gens qui ont fait ce qu’ils ont pu, et toujours le bien : Stéphane Barsacq, qui a une mémoire d’éléphant (euphémisme), ne manque jamais de le mentionner – et il a raison. Fin de la « précision ».

Une ultime (autre précision) – quand même : nous n’arbitrerons pas entre les deux pièces : « rien de commun » (comme disait José Corti, sa devise) – sinon Anouilh. Donc, rien à perdre. D’un côté le côté biographique, fantaisiste et drôle, mais aussi déclaration d’amour au théâtre ; de l’autre, l’œuvre, invitation funambulesque au voyage (amoureux). A vous de voir. Aucun risque d’un côté comme de l’autre. Qui aime Anouilh sera conquis par l’une – et l’autre.

NB. Nous étions un jeune homme (oui, déjà), nous avions lu L’Hurluberlu ou le réactionnaire amoureux – et avions beaucoup aimé : cette pièce est si drôle, elle aussi. A-t-elle vieilli ? Je ne sais pas, je ne l’ai pas relue. Une de ces deux compagnies s’en saisira-t-elle ? Nous aimerions beaucoup. La suite ? À venir. Comme son nom l’indique (sourire).


Toute l’œuvre de Jean Anouilh est disponible (en principe) à La Table Ronde, en poche (collection La Petite Vermillon) ou en édition originale.

Léocadia, de Jean Anouilh, mise en scène de David Legras, Théâtre du Lucernaire (53, rue Notre-Dame des Champs 75006 Paris – 01 45 44 57 34). Jusqu’au 27 juillet – 1H30.

Jean Anouilh, souvenirs d’un jeune homme, jusqu’au 9 juillet, au Théâtre de Poche-Montparnasse (75006). Tél. : 0145445021. Uniquement le mardi et le mercredi à 19H. Durée : 1H10.

Et toujours : Bréviaire capricieux de littérature contemporaine pour lecteurs déconcertés, désorientés, désemparés, de François Kasbi, Éditions de Paris-Max Chaleil – à propos de 600 écrivains, femmes et hommes, de France et d’ailleurs.

Liberté, que de partis on crée en ton nom !

Vers une union des droites? La première édition du Sommet des Libertés s’est tenue mardi soir au Casino de Paris, devant une salle comble. Grâce à l’implication de MM. Stérin et Bolloré, des personnalités issues du Rassemblement national, de «Reconquête» et des Républicains se sont ainsi croisées près des stands de dédicaces. Nos reporters se sont glissés parmi le public pour nous rendre compte de l’ambiance de la soirée.


Si l’on voulait croiser la droite chic et bien élevée, il fallait être au Casino de Paris ce mardi soir. Le premier « Sommet des libertés » s’y tenait, organisé à l’initiative de Pierre-Édouard Stérin et Vincent Bolloré en partenariat avec le JDNews.

On retrouve l’occasion d’un soir l’ambiance chapelet et Ralph Lauren des grands raouts de Valeurs Actuelles mais avec cette fois un peu moins d’identitaire et un peu plus de retraite par capitalisation. Pas de stand « institut Iliade » mais plutôt des think thanks libéraux, si vous préférez. C’est un peu comme si les pages saumon avaient avalé les pages débats du Figaro. « On peut venir sans être libéral et la Cocarde est présente partout », se justifie Edouard Bina, président de la Cocarde, le syndicat étudiant de droite sociale et souverainiste, surpris au rayon bière. On trouve des militants marinistes présents aux abords des stands. Une certaine confusion idéologique règne parfois. Les mots, les idées, les labels fusent…. Un ancien stagiaire de Reconquête est « libéral, identitaire et européen ». Les militants du RN présents sont surtout là pour « soutenir » leur président, Jordan Bardella. Quand il apparait sur scène, les applaudissements fusent. « National ou libéral, c’est une question de degré » élude l’un d’eux à la question de savoir si le parti de Marine Le Pen était maintenant converti au national-libéralisme. Le militant Oscar Piloquet, qui sera candidat à la maire d’Alençon, dans l’Orne, et « vient du fillonisme », tente de faire la distinction entre liberté et libéralisme : « ce n’est pas la même chose » assure-t-il. Liberté, que de partis on crée en ton nom !

Ciotti laboure son sillon

Éric Ciotti au Sommet des Libertés © GDS

Éric Ciotti est en dédicace et nous propose une synthèse. Il serre des mains, il sourit, il goûte sur scène à son triomphe quand il rappelle qu’il a été le premier à briser le tabou de l’union des droites: « National et libéral ? Les deux valeurs sont consubstantielles (…) L’État doit juste se recentrer et bien faire ses missions. » Dans un pays centralisé qui aime autant l’argent public, les partis de droite ont souvent affiché des tendances sociales ou dirigistes. Le national-libéralisme a-t-il un avenir en France ? « Il progresse en tout cas… » sourit l’auteur de Je ne regrette rien, sûr d’avoir trouvé un créneau politique porteur.

« Oui mais » plutôt que 18 juin

Sommet des libertés ? pas au point de laisser la tireuse à bière couler après le début des débats : « Le stand à bière est fermé… On voit qu’on est chez les libéraux. Les libéraux veulent tout interdire » peste l’avocat Laurent Frölich. À la tribune, se succèdent des intervenants et des clips vidéos.

Alexandre Jardin, devant un parterre bourgeois, défend la victoire de « ses gueux », qui pourront continuer de rouler au diesel dans les centres-villes. Assise à côté de nous, une mauvaise langue persiffle: « à force, il va se retrouver dans les mêmes eaux politiques que feu son grand-père ». Luc Ferry fait applaudir une énième « grande réforme » de l’Éducation nationale avec en prime l’urgence des « cours d’instruction civique ». Très Chevènement 1984 ! Il est par ailleurs paniqué quant à l’avenir de la liberté d’expression, renvoyant dos à dos les wokistes cancelleurs et l’administration Trump qui coupe les vivres de chercheurs. Il épilogue sur le danger des deep fakes, la fin du vrai et du faux… Notre mauvaise langue commente: « Les gens ont appris à lire à partir de Jules Ferry, et ont désappris à partir de Luc Ferry ».

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Laetitia Strauch-Bonart, auteure d’un lénifiant La Gratitude : Récit politique d’une trajectoire inattendue, explique devant un public peu convaincu qu’être de droite, c’est prendre fait et cause pour l’Ukraine et que c’est refuser toute alliance avec le Rassemblement national. Décidée à bousculer René Rémond, elle situe le gaullisme dans la continuité des conservateurs libéraux du XIXème siècle, continuateur pour son « oui, mais ». On connait pourtant la réponse de De Gaulle au « oui, mais » de Giscard : « on ne fait pas de la politique avec des mais ». L’ancienne élève d’Henri IV finit huée par le public. La mauvaise langue continue : « Macron a supprimé l’ENA. Quand j’entends Strauch-Bonart, je pense qu’il faut aussi supprimer l’ENS ».

La liberté, pour quoi faire ?

50 nuances de libéralisme ? On trouve même d’anciens « sarkozystes de gauche », comme Monsieur le préfet Thierry Coudert, de la Diagonale, club qui réunissait les cadres issus du PS refusant de voter Royal et ralliant Sarkozy au bénéfice de l’ouverture. « Je n’étais plus de gauche depuis longtemps… il fallait que des anciens socialistes puissent rejoindre la majorité de Sarkozy sur l’alliance des libertés et de l’autorité » explique l’ancien directeur de cabinet de Brice Hortefeux. L’homme portera les couleurs du RN et de l’UDR à Dijon, où il tentera en 2026 de ravir la mairie.

C’est au tour des têtes de gondole de la soirée de se succéder : les leaders des principaux partis de droite. La discussion est animée par Christine Kelly. L’exercice, intitulé « Grand oral », a des airs d’entretien d’embauche, alors que les deux mécènes de la droite libérale-conservatrice cherchent un poulain en vue des présidentielles. On commence avec Jordan Bardella, président du Rassemblement national. Le jeune chef de parti n’a eu aucun mal à défendre une ligne pro-business… assez éloignée de celle de Marine Le Pen. « Au moins, Mitterrand a attendu d’être au pouvoir pour faire le tournant libéral » croit bon de rappeler la mauvaise langue. Bardella enchaine ensuite les mots clefs de la droite des années 2000 : « la France vit au-dessus de ses moyens ». Mais il n’est jamais aussi à l’aise que sur le registre de l’anti-intellectualisme, notamment lorsqu’il esquive toute définition conceptuelle. « La liberté on pourrait longtemps pérorer sur le concept » ; puis il fait applaudir à tout rompre C8, « chaine la plus populaire », « censurée par l’Arcom ».

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Tandis que Marion Maréchal essuie quelques noms d’oiseau lors de son passage en tribune (le coup de Jarnac qui a conclu son passage à Reconquête n’étant pas digéré de tous), à l’applaudimètre, Sarah Knafo rafle nettement la mise. Pasionaria de la droite nationale depuis son arrivée dans le champ médiatique il y a tout juste un an, elle n’a aucun mal à séduire aussi une droite plus libérale… et à accélérer la fusion de ces deux tendances. « Imaginez deux boulangers. L’un est subventionné, protégé par le maire, payé d’avance. L’autre paie tout, subit les contrôles… et pourtant, c’est chez lui que les gens font la queue ! Ce n’est pas une fable. C’est CNews contre le service public. (…). France télévisions est un abonnement obligatoire qui coûte 83 euros à chacun d’entre nous ». Il n’y a plus qu’à envoyer le formulaire de résiliation à Delphine Ernotte.

Toujours à l’affût des micro-tendances, nous étions aussi curieux d’observer le passage de Nicolas Dupont-Aignan. Incapable de mener une liste aux Européennes, défait aux législatives quelques semaines plus tard, l’ex-futur Premier ministre de Marine Le Pen et son mouvement semblent au début de leur crépuscule. Devant la droite Bolloré, « NDA » défend la sortie de l’UE, la participation salariale et l’accès à la propriété. L’ancien député de l’Essonne est venu avec ses thèmes et ne s’est pas complètement adapté à son auditoire. Presque une audace, en plein « Grand oral » national-libéral.

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La vérité étouffée, le réel masqué: sur la propagande, la Palestine et l’aveuglement des élites

Ensauvagement. Face à l’insécurité dans les rues et face à l’insécurité culturelle qui s’installe dans les esprits, toute une haute bourgeoisie intellectuelle laisse la situation pourrir, laisse brûler, et laisse le peuple subir, observe notre chroniqueur…


Qui propage le mensonge ? Qui le fait circuler, le glisse dans les esprits comme une traînée de poudre, le travestit sous les atours de la vérité morale et du savoir éclairé ? Ce ne sont pas les gens du peuple. Non, le peuple n’a ni le temps ni la prétention de comprendre ce qui se joue, à mille lieues de ses préoccupations immédiates, au cœur de Gaza ou de Ramallah. Ce peuple-là — ou ce qu’il en reste — vit les yeux dans le gris, préoccupé par sa survie, sa sécurité, la déchéance d’un quotidien rongé par l’insécurité, par la misère, par le délitement du lien social. Il ne lit pas Le Monde, il n’écoute pas France Inter, il ne consulte pas les éditos du Monde diplomatique. Il vit. Il endure.

Demi-sachants

Ce sont les élites qui propagent. Les élites intellectuelles, médiatiques, universitaires, administratives. La France Insoumise, bien sûr, porte flambeau d’une gauche qui s’est dévoyée dans l’antisionisme paré des oripeaux du progressisme. Mais elle ne fait que cristalliser ce que pensent tout bas bien d’autres segments de la société cultivée : enseignants, magistrats, chefs de service dans la police ou le social, hauts fonctionnaires, journalistes, directeurs de conscience dans les ONG et les grandes écoles. Tous ces demi-sachants, engoncés dans leur bonne conscience, persuadés de comprendre le Moyen-Orient à force de lectures biaisées, de colloques creux et d’un entre-soi moral qui ne supporte ni la nuance ni la contradiction.

À lire aussi, Dominique Labarrière : Mélenchon devenu un «salopard d’antisémite»…

Ils ne vivent pas les réalités qu’ils commentent. Ils ne subissent pas la montée de la violence dans les quartiers. Ils ne voient pas ce que le peuple voit : la transformation lente mais certaine de pans entiers du territoire en zones de non-droit, le recul du droit commun face à des logiques communautaires. Et dans leur aveuglement, ils enseignent. Ils formatent. Ils éduquent des générations de lycéens, d’étudiants, d’apprentis fonctionnaires à haïr l’Occident, à voir en Israël le diable, en Netanyahou un criminel, en chaque Palestinien une victime pure et désincarnée. La vérité devient suspecte, la complexité est chassée comme hérétique. L’histoire elle-même est triturée, inversée.

L’autorité n’est pas la haine

Et pourtant, il existe des mesures de bon sens. Il y en a. Elles ne relèvent ni du fantasme, ni de l’extrémisme, mais d’un souci élémentaire de survie collective. Des mesures à prendre sur l’immigration de masse, sur la délinquance, sur l’insécurité quotidienne, sur la restauration d’un ordre minimal dans les rues, les écoles, les tribunaux, les hôpitaux. Mais qui résiste à ces mesures ? Qui les bloque ? Ceux-là mêmes qui, au nom d’une idéologie issue du traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, voient dans tout étranger un nouveau juif pourchassé. Ce prisme moral, aussi dévoyé que paralysant, confond la fermeté avec la persécution, la lucidité avec le racisme, l’autorité avec la haine.

Ce sont eux encore, cette caste — non seulement la haute bourgeoisie intellectuelle, mais aussi toute la hiérarchie intermédiaire des institutions — qui empêche toute réforme réelle. La magistrature, les médias, les rectorats, les directions de la police, les hautes sphères du social et de la santé : tous formatés à cette idéologie victimaire, persuadés qu’agir serait céder à la bête immonde. Alors ils laissent pourrir. Ils laissent brûler. Ils laissent le peuple subir. Et ils s’enorgueillissent d’être du bon côté de l’Histoire, alors qu’ils n’ont même plus la décence de regarder le pays en face.

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C’est là que je dis — oui, je le dis sans honte — que je suis populiste. Parce que je crois, comme en 1942, que le peuple est resté digne, quand les élites se sont couchées. Ce ne sont pas les paysans du Limousin ou les ouvriers des faubourgs qui ont organisé les rafles, rempli les autobus, tenu les registres. Ce sont des magistrats, des préfets, des commissaires, des fonctionnaires zélés. Ceux-là même que l’on trouve aujourd’hui à la tête des grandes institutions, prompts à s’émouvoir de Gaza mais muets devant le sort des femmes violées à Lyon ou des enfants tués à Marseille.

Ce peuple que l’on accuse aujourd’hui de racisme, parce qu’il résiste — dans le silence et parfois dans la colère — à l’ensauvagement de son environnement, à l’islamisation qu’il voit progresser chaque jour sans pouvoir la nommer. Ce peuple humilié, moqué, invisibilisé, qui pourtant recèle encore en lui les vestiges d’un courage ancien, d’un instinct de conservation que la bourgeoisie a depuis longtemps sacrifié sur l’autel de son confort. C’est ce peuple qui demeure l’honneur de la France. Et ceux qui l’insultent aujourd’hui sont les mêmes que ceux qui trahissaient hier. L’histoire se répète, non comme farce, mais comme honte.

Villepin, ou ces «humanistes» qui bradent la France

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Dominique de Villepin a lancé hier son mouvement politique, « La France humaniste », et il publie ce jour un livre, Le Pouvoir de dire non, chez Flammarion, dans lequel il affirme pouvoir incarner la France des Lumières. Ses détracteurs le soupçonnent au contraire d’être sous les influences les plus diaboliques.


Se méfier des « humanistes » autoproclamés. J’ai constaté, chez ceux qui se gratifient ostensiblement de cette vertu, une propension à la jactance et à l’évitement, quand ce n’est pas à la traîtrise. Ces beaux esprits, enamourés d’eux-mêmes, sont pareils à la Célimène de Baudelaire (L’Imprévu). Elle « roucoule et dit: « Mon cœur est bon ». Mais le poète précise: « Son cœur ! cœur racorni, fumé comme un jambon (…) ». En ayant choisi hier, en vue de la campagne présidentielle, de baptiser son propre parti « La France humaniste », Dominique de Villepin a rejoint la cohorte des faux gentils, dont j’avais dénoncé la tartufferie en 2004 dans un de mes livres[1]. Depuis cinquante ans, ces clercs bradent la nation fragile en l’ouvrant toujours davantage, au nom de la fraternité et autres raffarinades, à un islam ombrageux et remplaciste.

Jean-Luc Mélenchon grand remplacé ?

J’ai déjà rappelé ici le 21 mai[2] les démentes envolées immigrationnistes et islamophiles de Villepin. Ses odes à la société ouverte et multiculturelle le rapprochent de Jean-Luc Mélenchon pour qui, lui aussi, « l’insoumission est un nouvel humanisme ». C’était en portant cette même générosité en sautoir qu’Alain Juppé plaidait naguère pour les « accommodements raisonnables », destinés à satisfaire un séparatisme civilisationnel se réclamant d’Allah et de l’oumma post-nationale. Quand Villepin en appelle également, dans sa course à l’Élysée, à « l’unité » de la nation, ce mot creux avait déjà été avancé par Emmanuel Macron, le 12 novembre 2023, pour ne pas se joindre à la « marche pour la République et contre l’antisémitisme », après le pogrom islamiste et anti-juif du 7-octobre.

A lire aussi, Gilles-William Goldnadel: De Cannes à France Inter, un festival anti-État juif

Prêt à toutes les reculades

Ces humanistes-là avancent masqués. Ils sont intellectuellement prêts à toutes les reculades pour diluer l’identité nationale dans une civilisation conquérante, en conflit millénaire avec l’Occident. Hormis sans doute son approche économique et son bagage culturel, rien ne différencie plus Villepin de l’extrême gauche. Ils sont unis dans la détestation de la droite souverainiste et du peuple enraciné. L’ancien Premier ministre de Jacques Chirac se profile comme un possible concurrent, plus présentable, face à un Mélenchon fossoyeur du Français[3].

Villlepin crée son parti : mieux Qatar que jamais !

Les sondages d’opinion sont flatteurs à son endroit. Sa détestation d’Israël et son palestinisme obligé, héritages de la politique arabe issue de la diplomatie gaulliste, sont appréciés y compris d’une extrême-droite antisioniste et antisémite qui, à rebours des soutiens du RN à Donald Trump et Benyamin Nétanyahou, dénonce les bombardements israéliens et américains contre les sites nucléaires des mollahs apocalyptiques.

Les assauts de Villepin contre Bruno Retailleau sont proportionnels aux déclarations de guerre du ministre de l’Intérieur contre les Frères musulmans et leurs collaborateurs, l’immigration de masse, ou le régime algérien qui détient plus que jamais Boualem Sansal en otage.

Dans la fracture identitaire qui sépare la France en deux, y compris lors de la dernière Fête de la musique, les humanistes de carnaval ont choisi l’oummanisme (cf. le bon mot de Céline Pina) et le parti de l’étranger. Bas les masques !

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[1] La république des faux gentils, Le Rocher

[2] https://www.causeur.fr/rapport-renseignements-freres-musulmans-ces-irresponsables-qui-ont-permis-lislamisation-de-la-france-rapport-freres-musulmans-310040

[3] https://www.lefigaro.fr/politique/elle-n-appartient-plus-aux-francais-melenchon-souhaiterait-rebaptiser-la-langue-francaise-en-langue-creole-20250623

Bruxelles étrangle nos agriculteurs avec des « tarifs » sur les engrais

L’UE doit au contraire apporter des solutions d’urgence pour notre secteur agricole, déjà étranglé par la hausse du prix des fertilisants.


L’Union européenne prétend défendre ses agriculteurs, mais sa dernière offensive commerciale – des droits de douane imposés dès le 1er juillet 2025 sur les engrais russes et biélorusses – frappe de plein fouet ceux qu’elle jure de protéger.

Les engrais soumis à une terrible inflation

Présentée comme un rempart contre la dépendance à Moscou et un coup porté au financement de la guerre en Ukraine, cette mesure est une erreur stratégique qui aggrave la crise des engrais et menace la sécurité alimentaire de 450 millions d’Européens. Bruxelles doit revoir sa copie, et vite, avant que nos campagnes ne s’effondrent sous le poids de ces décisions.

Les chiffres sont alarmants. Depuis janvier 2025, les prix des engrais ont bondi de 11% au niveau mondial, selon la Banque mondiale, avec des hausses de 20% pour l’urée, 18% pour la potasse et 20% pour le phosphate. En Europe, c’est pire : l’urée se négocie à 397 € la tonne en juin, 15% de plus qu’en 2024, contre un prix mondial de 350 €. Pour un céréalier, cela représente un surcoût de 25 à 30 € par hectare, anéantissant des marges déjà fragiles. Ces tarifs, débutant à 40 € par tonne et prévus pour grimper à 300 € d’ici 2028, pèsent directement sur les agriculteurs, ajoutant une facture annuelle estimée à 400-500 millions d’euros.

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Copa-Cogeca, la voix des agriculteurs et des coopératives européennes, n’a pas mâché ses mots : « Bruxelles alourdit les coûts de production dans un contexte où les agriculteurs sont déjà asphyxiés par la flambée des prix de l’énergie et les réglementations environnementales. » L’organisation dénonce une mesure qui, loin de protéger les fermes européennes, les expose à des importations plus coûteuses en provenance d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient, incapables de compenser le déficit laissé par les millions de tonnes d’engrais russes importés en 2024 pour un montant de 2,12 milliards d’euros.

Promesse non tenue

La Commission européenne avait anticipé cette flambée des prix. Elle avait promis des « mécanismes de compensation » pour amortir le choc. Où sont-ils ? À ce jour, aucun soutien tangible n’a été déployé, laissant les agriculteurs seuls face à des coûts insoutenables. Pendant ce temps, les chocs géopolitiques s’accumulent : les tensions au Moyen-Orient font grimper le pétrole (+10 %) et le gaz européen (+6,6 %), essentiel à la production d’engrais azotés. Les récents bombardements ukrainiens sur des usines russes, comme Novomoskovsk Azot et Nevinnomyssk Azot, ont temporairement paralysé des sites produisant davantage que la consommation annuelle de la France et de l’Allemagne réunies. Auparavant, l’Ukraine n’avait pas ciblé d’usines d’engrais. Une riposte russe sur les usines d’engrais ukrainiennes, comme celle de Rivne, pourrait non seulement aggraver la pénurie, mais aussi provoquer une catastrophe environnementale aux portes de l’UE.

Pire encore, Bruxelles alourdit le fardeau avec une taxe carbone imminente et une transition énergétique qui, bien que nécessaire, expose les agriculteurs à une volatilité accrue des prix de l’énergie. Les alternatives aux importations russes – Égypte, Qatar, Arabie saoudite – sont insuffisantes, surtout si les exportations iraniennes s’effondrent sous l’effet des tensions militaires.

Urgences

Pour éviter le désastre, Bruxelles doit agir sans délai : verser les compensations promises avant la saison des semis pour soutenir les agriculteurs en difficulté, contribuer à l’arrêt des frappes visant les infrastructures de production d’engrais afin de limiter les hausses imprévisibles des prix, investir dans une production européenne d’engrais – notamment l’ammoniac vert et le recyclage des déchets organiques – pour réduire la dépendance aux importations instables, coordonner une stratégie énergétique assurant un gaz abordable tout en accélérant la transition vers les énergies renouvelables, et créer une réserve stratégique agricole pour amortir les pénuries et stabiliser les prix.

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Les agriculteurs européens ne peuvent plus être les otages des errements bureaucratiques et des tensions géopolitiques. Bruxelles doit cesser de les sacrifier au nom d’objectifs mal calibrés. Nos fermes, nos assiettes et notre souveraineté alimentaire sont en jeu. L’heure n’est plus aux promesses, mais aux actes.

Panoptique malais


Né en 1985, le cinéaste Yeo Siew Hua s’est fait connaître en France par son deuxième long métrage, Les Etendues imaginaires, Léopard d’Or au festival de Locarno, sorti dans nos salles il y a six ans. Le scénario vous égarait dans une enquête sur la disparition d’un ouvrier chinois sur un chantier du littoral de Singapour…  

Colombo singapourien

Stranger Eyes, prolongement de ce polar métaphysique augural, s’ouvre sur une autre disparition, celle de Bo, une enfant de deux ans, dans un square de Singapour où le jeune papa, assis sur un banc public, la perd de vue pendant les quelques secondes fatales où il répond à un appel sur son smartphone. Le couple éploré fait appel à la police, la grand-mère distribue inlassablement des affichettes aux passants, un enquêteur se lance avec méthode sur la piste du ravisseur présumé, au cœur de cette cité-Etat insulaire surpeuplée (six millions d’habitants), bardée de caméras de surveillance et connue, comme chacun sait, pour être l’une des plus sécurisées de la planète. Elle est, en quelque sorte, le vrai personnage central du film.

Le mystère s’épaissit encore quand les parents dévastés, sur le palier de l’appartement qu’ils occupent dans une vaste barre d’immeuble, réceptionnent des DVD leur renvoyant l’image de leur vie domestique et conjugale, de longue date filmée par un étrange voyeur. « La police n’a plus besoin de jouer à cache-cache, ni d’agir sous couverture comme dans les films. Il suffit d’observer attentivement, et de patienter », assure le Colombo de service. De fait, les soupçons se concentrent vite sur un type d’âge mûr, en poste au pôle de vidéosurveillance sensé sécuriser le supermarché voisin.

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Mais l’intrigue prend un tour de plus en plus labyrinthique : Junyang, le père – incarné par l’acteur photogénique taïwanais Chien Ho Wu, 32 ans, d’une belle présence quasi mutique d’un bout à l’autre du film – commençant lui-même à filmer son harceleur, lequel habite seul, dans l’immeuble d’en face, avec sa mère aveugle…  Les fêlures intimes du petit ménage se creusent également, à mesure que la thématique de la surveillance panoptique se démultiplie dans le temps et dans l’espace, à travers les méandres d’un scénario décidément très cérébral.

Epicentre Films

Bof…

Formé à la philosophie, Yeo Siew Hua croit-il la pensée abstraite soluble dans le polar ? Si Stranger Eyes rappelle irrésistiblement Caché, ce joyau de Michael Haneke, et évoque par sa pente énigmatique et sensorielle l’univers de David Lynch, il s’en faut de beaucoup pour que son formalisme esthétique – dialogues raréfiés, lenteur calculée, montage ciselé, mises en abyme de l’image dans l’image, absence de musique, exceptée la sérénade de Endless Love, à mi-parcours, répétée en générique de fin – attise la flamme d’un suspense tant soit peu brûlant. La construction ésotérique du film a toutes chances de vous laisser en plan.


Stranger Eyes. Film de Yeo Siew Hua. Singapour, Taïwan, France, couleur, 2024. Durée : 2h04

En salles le 25 juin

L’origine du « Monde »

Après la politique, l’économie ou le climat, Le Monde se penche sur un nouveau front de la lutte progressiste: la vulve. Et Maïa Mazaurette n’est même pas dans le coup. Bienvenue dans le grand combat pour la réhabilitation des petites lèvres


Par ces temps de body positivism, faut-il s’inquiéter ou se réjouir du phénomène, Le Monde ne le dit pas ! Dans un article du 10 mai intitulé « Histoire esthétique de la vulve, de l’intime au politique1 », Virginie Larousse, numéro deux des pages « Débats », nous apprend que la chirurgie de l’intime représente déjà près de 4 000 interventions par an dans l’Hexagone – un chiffre probablement sous-estimé.

Derrière la préoccupation esthétique, la vogue de la nymphoplastie, vaginoplastie ou hyménoplastie serait le résultat d’une injonction sociale. Une activité florissante aux États-Unis, où les « vulvar designers » ont pignon sur rue. Après être passées sous le bistouri, nos amies les femmes ressortent toutes avec un sexe Barbie comme les actrices porno, réduit à une pure fente.

« L’idéal devient la norme ! Les femmes ont intériorisé ces représentations liées aux stéréotypes de genre », déplore la psychologue Sara Piazza. « Un sexe glabre, sans rien qui dépasse, ferme, rose et inodore. Il est difficile d’échapper aux normes des sociétés auxquelles on appartient », observe la gynécologue Sophie Berville.

À lire aussi, Jean-Baptiste Roques : Est-ce que ce « Monde » est sérieux ?

Cette obsession de la beauté génitale et cette chasse moderne aux petites lèvres s’inscrivent, selon Le Monde, dans une longue tradition de rejet du sexe féminin. Encore récemment, d’horribles machos ont véhiculé des représentations dégradantes de la vulve : Freud, par exemple, pour qui « l’appareil génital reste le cloaque ; chez la femme, il semble n’en être qu’une dépendance » ; Sartre, qui écrivait que « l’obscénité du sexe féminin est celle de toute chose béante » ; ou encore Alain Roger, selon qui la vulve a de tout temps été « sale, velue et gluante ».

La civilisation a interdit l’excision, alors faudrait-il refuser ces actes au nom de la lutte contre les normes sexistes ? Pas de réponse. Désormais, Le Monde ne nous dit pas seulement ce qu’il faut penser de Marine Le Pen ou de la guerre à Gaza. Il se soucie désormais de notre nombril.


  1. https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/05/10/histoire-esthetique-de-la-vulve-de-l-intime-au-politique_6604610_3232.html ↩︎

On lit quoi cet été?

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Monsieur Nostalgie a choisi quelques livres récents et plus anciens pour s’extraire des foules oppressantes durant la période estivale. Dans cette sélection, il y aura du sexe, des criminels satisfaits d’eux-mêmes, un écrivain nous expliquant la mécanique du roman, des bonnes tables, un Argentin aveugle et même un mémorialiste niçois de haute volée…


Le compte-à-rebours a commencé. Après les barbaresques musicales du 21 juin, l’heure est venue de s’éloigner. D’échapper à l’emprise d’une civilisation qui, chaque jour, nous apporte la preuve de sa décadence – et pas celle chantée par Gainsbourg. Le livre ne nous sauvera pas collectivement. Il n’a jamais sauvé personne. Méfiez-vous de ceux qui l’affirment, derrière leurs bouquins se cache une schlague. Ils veulent vous mater !

Frais et pétillant

La littérature n’est pas une science exacte. Et, comme le disait Audiard, de la posologie au veuvage, il n’y a qu’un pas. Evitons donc la surmédication ! Je ne vous parlerais pas du livre homéopathique, du livre expiatoire, du livre dénonçant les grands maux du siècle ou encore du livre cathédrale censé nous éduquer. Ma sélection ne vous sera d’aucune aide pratique pour remplir une déclaration d’impôts ou conjurer la délinquance juvénile. Elle ne règlera aucun conflit international et n’abrègera pas non plus les quinquennats valétudinaires. Voyez plutôt cette sélection comme une randonnée sans le risque de vous fouler une cheville sur le GR20 entre Acu Stagnu et Tighettu, quelques ouvrages piochés dans l’actualité récente du mois ou sortis de mes caves ligériennes, des livres de garde qui étonneront par leur salinité, ils ont parfois un siècle et se boivent comme un rosé de Provence. Quelque chose de frais et de pétillant.

À lire aussi : Trolls de Pierre Cormary: de la haine et du style

Débutons par un trublion, un ironique rigolard, certainement l’une des plumes les plus brillantes du théâtre français, tout ce qu’il écrit pour la scène se transforme en salles pleines. Son nom sur les colonnes Morris est plus attractif qu’une rente Pinay. Si j’étais boursicoteur, j’achèterais du Sibleyras à la corbeille. Je prends, je prends, je prends à la manière de Karbaoui (Roger Hanin) dans Le Sucre. Le public ne s’y trompe pas et court voir ses pièces ou ses adaptations. Gérald Sibleyras, dramaturge moliérisé, joué dans le monde entier, est également un romancier d’un genre particulier, il est le seul à ma connaissance à marier la farce au pamphlet. Ce blagueur moraliste est à la fois du côté de Cioran et de Robert Lamoureux. Et il vient d’avoir une idée géniale, le meilleur pitch de ces vingt-cinq dernières années. Dans Sex .com aux éditions Élysande, il prend comme point de départ de ce roman sarcastique où les égos se dépouillent, la bataille judiciaire qui eut lieu en Californie au début des années 2000 sur la propriété du site Internet sex .com. Librement inspiré de cette affaire, il en tire une saga déjantée, hallucinante et libidineuse, qui serait une sorte d’épisode déconstruit de « Deux flics à Miami » passé au tamis par James Ellroy. Le nom de domaine le plus convoité de la planète est une machine à faire dérailler les Hommes. L’excès est une bonne matière en littérature. Il y a soixante ans, Jacques Brenner signait La Race des Seigneurs chez Albin Michel, et s’intéressait plus particulièrement aux criminels, notamment à l’affaire Petiot. Brenner styliste pointilleux sait en une phrase faussement désinvolte capter l’attention de son lecteur : « Marcel Petiot est un enfant du Capricorne comme Alexandre VI Borgia et comme Staline, mais aussi comme Molière et Saint-Simon, Bernardin de Saint-Pierre et Matisse ».

Voyage au pays des géants

Ce livre avait pour dédicataire Jean-Louis Curtis dont il est urgent de lire, sous la tonnelle, Une éducation d’écrivain paru chez Flammarion en 1984, cette promenade littéraire faite de souvenirs et de réflexions sur le métier est un voyage au pays des géants. Ses statues qui ont façonné les apprentis-écrivants de l’après-guerre. « Ces écrivains, Barrès, Mauriac, Montherlant, ont en commun deux caractères étroitement liés : une sensualité sous-jacente, suggérée plutôt qu’exprimée, et un style lui-même sensuel riche d’harmoniques, incantatoire ».

Il existe aujourd’hui un esthète « méconnu » du grand public, il s’appelle Michel Orcel, les amateurs connaissent son érudition et la portée de son onde poétique. En 2020, il a été couronné du Grand Prix de poésie de l’Académie française. Insaisissable Marseillais né en 1952, il a été multiple, à la fois maître de conférences à l’Université, écrivain, éditeur, traducteur, exégète de Leopardi et psychanalyste. Il nous propose dans une splendide édition ses Mémoires écrits sur l’eau chez Arcades Ambo. Cette littérature exigeante qui pousse loin l’introspection est l’œuvre d’un honnête homme.

À lire aussi, Elisabeth Lévy : Rendez-nous Nicolas Bedos !

Au rayon des confiseries, des tapas, des chiffonnades qui régaleront les papivores de notre espèce, les confidences de Maurice Beaudoin (La France à ma table) sur une nappe à carreaux sont délicieusement nostalgiques. On y croise Mitterrand, Duras, la Mercedes de Jean d’O, Robert Hersant, son boss, les michettes de Michou, Florence Arthaud ou Joël Robuchon. Critique gastronomique et surtout fondateur historique du Figaro Magazine, Beaudoin raconte une vie professionnelle sur le marbre des imprimeries avec le goût de la belle maquette. Si la vie des monstres sacrés vous intrigue, il faut lire en juillet ou en août la copieuse biographie qu’Odile Felgine consacre à Jorge Luis Borges aux éditions Plon surtout la période où l’obscur bibliothécaire de troisième zone, myope translucide, métaphysicien de la Pampa fomentait son propre mythe.

Dernier conseil, le livre date de deux ans à peine, il s’agit des chroniques 1925-1975 d’Emmanuel Berl, Quand Bergson me parlait de télépathie, une édition admirablement établie par le spécialiste Olivier Philipponnat. Car un peu d’intelligence, même sur la plage, ne nuit pas au bronzage !


Sex .com de Gérald Sibleyras – Élysande éditions 200 pages

La Race des Seigneurs de Jacques Brenner – Albin Michel

La race des seigneurs

Price: 15,00 €

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Une éducation d’écrivain de Jean-Louis Curtis – Flammarion

Une éducation d'écrivain

Price: 4,27 €

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Mémoires écrits sur l’eau de Michel Orcel – Arcades Ambo

La France à ma table de Maurice Beaudoin – Plon

La France à ma table

Price: 13,99 €

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Jorge Luis Borges de Odile Felgine – Plon

Emmanuel Berl – Quand Bergson me parlait de télépathie – Chroniques 1925-1975 – édition établie par Olivier Philipponnat – Bartillat   

Quand Bergson me parlait de télépathie... - Chroniques 1923-1975

Price: 28,00 €

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Zemmour au-delà des lignes

Tant du côté du monde religieux juif que du catholicisme, on avait fait les gorges chaudes autour des « pas-de-deux » que Gad Elmaleh avait esquissés entre les deux pôles. Quoiqu’il dise son attrait envers l’univers du catholicisme limité au « culturel » et non au cultuel, le parcours intellectuel d’Éric Zemmour n’est pas sans ressembler à celui de l’humoriste. Il ne faudrait toutefois pas qu’il se fasse plus royaliste que le roi…


« Un journaliste dans le texte, un journaliste dans le siècle » (et, même, en l’occurrence, bien des siècles…), c’est ainsi que pourrait se sous-titrer cette biographie intellectuelle, mixte d’essai et de pure biographie1.

L’auteur n’est pas de celles qui, pour pondre leur prose enamourée, croit suffisant de donner rendez-vous à leur interlocuteur dans un bistrot à la mode d’où, autour d’une tasse de thé vert, et sans une once d’esprit critique, jaillira un portrait riche de tous les souverains poncifs du moment. Danièle Masson aime prendre ses sujets à bras-le-corps, éprouve un faible pour ce que nous appellerons les « intellectuels mystiques », navigue donc en permanence entre la philosophie et la religion tout en tenant ferme son gouvernail. Après Gustave Thibon, le philosophe de l’Ardèche (qui disait ne pas croire en Dieu mais ne croire qu’en Dieu et qui s’était si bien entendu avec Simone Weil avec un W), que cet essayiste puisse s’intéresser à celui qui, au fond, fut dès ses débuts, un éditorialiste (la politique n’étant que l’application de ses ardentes préconisations) coule de source, la source même qui avait alimenté l’interrogation qui avait donné son titre à un précédent recueil d’entretiens : Dieu est-il mort en Occident ?2

De cette bio, voici donc ce qui s’y lit et ce qui s’en déduit. Non pas « Zemmour entre les lignes » (car il ne s’agit pas ici de sous-entendus politiciens) mais « Zemmour derrière, au-delà des lignes » (pour tenter d’appréhender le substrat doctrinal présent en arrière-plan de sa démarche).    

Un rapport tout particulier au temps

Pour comprendre pourquoi Zemmour est si attaché à la pensée du passé et donc à cette science humaine, mais pas si inexacte que cela, qui se nomme l’Histoire, il faut avoir à l’esprit sa nostalgie personnelle, celle de la banlieue des années soixante et soixante-dix, de ce qu’on appelait alors la Ceinture rouge. A Stains, à Montreuil, il régnait un ordre, qui, tout laïcard qu’il ait été, baignait dans une certaine morale pour ne pas dire une morale certaine qui eut abominé l’esprit du temps présent. Pour Zemmour, ce qui vient après n’a pas, de droit, préséance sur ce qui était avant : l’avenir ne doit jamais oublier le souvenir, et, même, ce dernier doit-il se rappeler à son bon souvenir. Au pire doivent-ils en permanence entretenir une dialectique où le prétendu passé joue le rôle de la Statue du Commandeur, toujours prêt, du haut de sa gravité, à proférer à nos cervelles écervelées nos quatre vérités.

Un rapport classique à la notion de vérité

L’idée que nous nous faisons du temps, la façon même dont viscéralement nous le ressentons (laquelle nous rend capable, à l’instar de Zemmour, de précisément prendre le pouls de son époque) entraîne et résulte à la fois d’une conception classique, c’est-à-dire fixiste et thomiste de la vérité. Celle-ci, bien évidemment s’inscrit en faux contre le présentisme, pis l’instantanéisme aujourd’hui dominant. Remarquons que nous évitons d’employer le terme de ‘‘relativisme’’, en ce sens que toute la question n’est pas de savoir si la vérité est relative, mais de détecter avec quoi, avec qui est-elle en relation ; non pas exactement : de quoi dépend-elle ?, mais : de qui émane-t-elle, quelle instance l’a-t-elle édictée ?

A relire, Sarah Knafo: «Et si on admettait tout simplement qu’on refuse l’islamisation de notre pays?»

Les idées de Zemmour sont ainsi en porte-à-faux avec celle de notre époque tout en continuant à imprégner l’inconscient collectif, un inconscient qui se révolte de plus en plus et aspire à devenir conscience reconnue.

Question pécuniaire, il est préférable de faire des ménages que d’être astreint au statut de jeune journaliste, d’ « intellectuel précaire ». Fin des années quatre-vingt, après J’informe (de Joseph Fontanet), le jeune Zemmour a accepté d’être mal (et parfois, pas) payé au Quotidien de Paris de Philippe Tesson dont le libéralisme avait au moins la vertu de laisser vaquer ceux qui ne savaient pas encore combien et comment ils allaient progressivement – si l’on n’ose dire – le tenir en piètre estime… le libéralisme disais-je. Passé au quotidien Le Figaro, des confrères, à l’exemple de Dominique Jamet, remarquaient la place encore à l’époque restreinte dévolue à ses papiers. On sentait que les thuriféraires de la monnaie nationale n’étaient pas en odeur de sainteté. Ils ne le sont certes toujours pas, mais, pourtant, entre-temps, la divine surprise advint, la greffe a opéré, entre le public (que d’aucuns diraient n’être qu’un certain public, peut-être la France moisie visée par Philippe Sollers) et lui.

Le journaliste français Philippe Tesson photographié en 2011 © BALTEL/SIPA

Les raisons de la réussite de cette greffe demeurent une énigme si l’on sait que le courant dominant des grands médias demeure libéral-libertaire et que, contrairement au cliché, « la société » n’a pas viré à droite

Sans remonter aux Mérovingiens, ni même à la Convention de 1792, mais, seulement à l’Assemblée nationale de 1969 – lorsque ce que l’on ne nommait pas alors « la droite », mais la « majorité présidentielle » gaulliste (c’est quand La chose n’y est pas qu’on y met le mot faisait dire le théâtre de Montherlant à l’un de ses fameux personnages, et inversement) s’est élargie au centre-droit avec l’entrée au gouvernement du parti Démocratie et Progrès de Jacques Duhamel,- il est manifeste que, dans ses mœurs, dans son être, – plus précisément : dans l’acceptation officielle des mœurs, dans sa manière d’être -, la société française a, dans son ensemble, dérivé vers la gauche3. Par contre, l’étude de l’histoire du droit du travail et l’observation du comportement des grands syndicats depuis cette date montrent un net glissement vers le libéralisme individualiste de droite (dominante : Friedman/Hayek). L’observation clinique de la société confirme donc le diagnostic d’un Jean-Claude Michéa, qui, outre cette indissociabilité du gauchisme des mœurs et du gauchisme économique et financier,insiste sur la non neutralité de la technique, en ce sens que les NTIC, en tant que telles, favorisent cette dérive. Michéa est peut-être le meilleur théoricien, l’expression la plus articulée du sens commun zemmourien. (Laetitia Strauch-Bonart, qui se dit disciple de Michéa, ne nous démentira pas).

Si nous parlons de sens commun zemmourien, c’est, certes, que son diagnostic et son pronostic seraient le plus couramment répandus, mais, aussi et surtout, que la société, que toute société digne de ce nom (qui répond à la définition du mot société) est structurellement de droite

Autrement dit, et aussi paradoxal que cela apparaisse de prime abord : la politique de droite (toutes matières confondues) est naturelle, est conforme avec la structure inhérente à toute société. Elle suppose (et implique réciproquement) une hiérarchie des décideurs, c’est-à-dire une structure nécessairement pyramidale des normes… droite/gauche… composition de la Convention… droit de veto (relatif ou en dernier ressort) du roi… Mais cet ordonnancement n’est pas seulement vertical ; il est aussi horizontal si l’on s’en rapporte à l’organisation tri-fonctionnelle de la société telle que révélée par Georges Dumézil et que les trois ordres de l’Ancien Régime n’ont fait que décalquer. Autrement dit, il existe des invariants qui, par définition, plus ou moins enfouis, plus ou moins tabous selon les époques, ne peuvent que demeurer. Au sens de manant (le membre de la petite noblesse qui, sous l’Ancien Régime, veut se maintenir sur ses terres et maintenir ses traditions), Éric Zemmour est donc un demeuré. Il veut étirer le temps, éterniser (tant faire se peut, et toute la question est de savoir si l’on peut prétendre que cela soit possible) l’instant d’avant. Et c’est en partie ce que l’on appelle la Tradition.

Les conceptions zemmouriennes ne sont peut-être pas sans lien avec la religion hébraïque biblique 

Boris Cyrulnik faisait observer qu’historiquement, les Juifs avaient été des « agitateurs culturels ». Et, de fait, de Jésus-Christ à Judith Butler en passant par Daniel Bensaïd et Marx, en a-t-on souvent intellectuellement cette vision. Mais, cet anti-essentialisme exacerbé, cette aversion envers toutes prédéterminations et déterminations radicales en l’homme (qu’on pourrait résume par cette formule : il est de l’essence de l’homme de n’avoir aucune essence) ne correspondent toutefois qu’à une portion du monde juif4. Le judaïsme, pris ici à l’instar de ce que Claude Tresmontant désignait du nom de ‘‘religion hébraïque biblique’’, effectue un geste opposé (cf. par exemple la pensée d’un Léo Strauss ou d’un Bergson). On agite le verre de vin, puis on laisse reposer. Et on s’intéresse, on isole, on préserve et conserve ce qui se sera déposé ; c’est le ‘‘dépôt de la foi’’. Pour l’essentiel s’assimile-t-il au Décalogue, à la Loi naturelle, lesquels, tout au long de l’histoire des hommes, agissent à la lettre comme un garde-fou, le mettant en garde contre ce qui est la tentation permanente du genre humain, et qu’on appelle la Tentation de Prométhée. Aussi n’est-il pas exagéré d’écrire qu’Éric Zemmour s’inscrit en faux contre, en l’homme, la perpétuelle recherche de l’autonomie, la volonté de soi-même se donner à soi-même sa propre loi au risque, bien sûr, par finir par ne plus ne s’en donner aucune : l’autonomie absolue mène à l’anomie universelle.

Solide, bien pensée (et, on l’a compris, dans les deux sens du terme), la biographie intellectuelle de Danièle Masson, en drainant toutes ces notions, contribuera à l’édification de l’Histoire des idées. Elle donnera aussi à nos descendants une idée assez exacte de l’état intellectuel et mental de notre époque qui, se diront-ils, en était ainsi venu à considérer comme inconvenante voire réprouvable une appréhension du monde somme toute conforme à la nature des choses, si tant est que les adjectifs ‘‘banal’’ et ‘‘naturel’’ puissent se dire synonymes.

Certains se souviendront de ce journaliste catholique des années soixante-dix, qui fut d’abord au nombre de ces chrétiens de gauche avant de virer sa cuti. Il est l’auteur de cette formule, qui est au fond une formule de bon sens, en ce sens qu’elle résume bien ce qu’il y a lieu de comprendre et d’admettre. Ce Jean-Marie Paupert disait donc : « l’expression judéo-christianisme est à la fois un contresens et une redondance. ». D’une part, le christianisme s’inscrit en faux contre l’affirmation première du judaïsme qui est de nier la divinité du Christ ; d’autre part, il ne fait que l’accomplir, le Nouveau Testament n’étant (selon l’Eglise) que la réalisation des promesses contenues dans l’Ancien. Or, dans l’expression de sa pensée (et il n’est point obséquieux de notre part de soutenir que Zemmour détient une pensée digne de ce nom), Zemmour montre qu’il est en déséquilibre entre ces deux « marques de fabrique », et qu’il aurait, consciemment ou non, tendance à ne vouloir estimer qu’une Eglise ayant pris ses distances avec ce que la vulgate judaïque conserverait de « progressiste ». Or, le judaïsme, c’est d’abord la Loi et les Prophètes, le Décalogue, tout ce que le monde post-moderne déteste (puisque ceux-là seuls, aujourd’hui, sont les derniers à vouloir l’empêcher d’agir à sa guise). Et puis, Zemmour, dites-vous bien que cette très ancienne hérésie chrétienne, qui a nom marcionisme et qui voudrait que le christianisme n’ait plus rien à voir avec son illustre devancier, a été, suite à Harnack, recyclée par toute la mouvance chrétienne libérale (tant catholique que protestante) pleine, pour reprendre le mot de Chesterton, de ces vertus folles qui régentent notre monde.

Une journaliste du service Culture du Figaro, il y a peu, relevait en privé et en substance – mais pour le déplorer – que le vœu le plus cher de Zemmour était de devenir catholique. Antoine Beauquier, un des avocats du président de Reconquête, a, comme on dit, l’oreille de ce dernier et, à l’occasion, pratique ce que d’aucuns, de nos jours, appellerait endoctrinement (étymologiquement parlant, bien sûr), « coaching doctrinal » ou « bienveillant enseignement ».Nul doute que l’élève a encore des questions à lui poser, pour pouvoir, le cas échéant, prendre position.

Eric Zemmour : itinéraire d'un insoumis

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  1. Danièle Masson, Zemmour, itinéraire d’un insoumis, éditions Pierre-Guillaume de Roux. ↩︎
  2. Danièle Masson, Dieu est-il mort en Occident ?, éditions Guy Trédaniel, 1998 ↩︎
  3. cf. Emmanuel et Mathias Roux, Michéa, l’Inactuel – Une critique de la civilisation libérale –, éd. Le Bord de l’Eau ↩︎
  4. Voir Ce soir ou jamais, France 2, 10 X 2014 : symptomatique de cette opposition, le débat Jacques Attali/Éric Zemmour. ↩︎

Le bac de français sans Français

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Elisabeth Borne, ministre de l'Éducation nationale, se rend au lycée Buffon pour le début des épreuves écrites du baccalauréat général et technologique, à Paris, le 16 juin 2025 © Stephane Lemouton/SIPA

Chaque année, à l’approche des examens, les syndicats de profs dénoncent la « surcharge » pesant sur les enseignants mobilisés pour le bac de français. Pourtant, entre exigences orthographiques et grammaticales revues à la baisse et consignes de correction assouplies, tout semble fait pour leur simplifier la tâche


« Le ministère ne veut pas comprendre la charge de travail qui s’abat sur les collègues convoqué.es comme jury de bac. En français et philosophie, la pression est même insoutenable »1. C’est le SNES-FSU qui l’affirme, dans un communiqué de presse du 12 juin 2025, avec un appel à la grève en appendice. Comme tous les ans. Enfin, avec ce motif, puisque l’appel à la grève, dans l’Éducation nationale, c’est plutôt toutes les quatre à six semaines. Alors pourquoi cette participation aux examens, charge normale d’emploi et obligation de service, pèse-t-elle si lourdement sur les épaules et le « mental » des professeurs ? Cette revendication syndicale est-elle justifiée ?

C’est faire fi des efforts de l’Institution pour leur alléger la tâche. Tout d’abord, elle veille à ce qu’il n’y ait pas trop de contenu : quatre œuvres étudiées en français pendant l’année de première et des parcours de lecture associés qui n’en sont plus (des 24 textes prévus par la réforme Blanquer pour l’oral de français, on est arrivé à 16 textes en 2024). Ensuite, les commissions d’entente académiques enjoignent aux correcteurs de « relâcher la pression » : les corrigés nationaux des dissertations sont à considérer « comme une proposition de pistes et non la représentation de ce que l’on doit s’attendre à trouver dans les copies d’élèves » ; on n’exige (surtout) pas une « organisation canonique en trois parties elles-mêmes constituées de trois sous-parties » pour le commentaire et on ne sanctionnera pas « l’absence de paragraphes » ; pas de « pénalité supplémentaire comme cela pouvait se faire lors des sessions précédentes » quand l’orthographe et la syntaxe sont défaillantes. En d’autres termes, on souffle, on se détend, on libère les chakras.

À lire aussi, Corinne Berger : Rappel à l’ordre

Enfin, copies et correction sont dématérialisées via le logiciel Santorin2, gage d’un voyage mémorable. Comme l’île égéenne, il offre, cette année, des panoramas variés. Autant que de copies : un morceau de rap, des vœux de bonne correction, une déclaration suicidaire de huit pages, une recette de tiramisu pour 24 personnes… Parfois, l’Éducation nationale y appose un pictogramme : un bonhomme aux bras levés qui signale, depuis l’année dernière, les copies de certains « candidats en situation de handicap » et, par surcroît, édition 2025, des « élèves allophones nouvellement arrivés (EANA) ». Il est alors exigé du correcteur qu’il ne prenne pas en compte « la qualité rédactionnelle dont l’orthographe » : cerise sur le tiramisu. Ainsi, pour briller au bac de français, mieux vaut ne pas le parler. Le baccalauréat de français sans français, ni Français.

Il faudrait songer à rebaptiser le programme Santorin. Cap sur Lampedusa, lège, voile au vent : de quoi se refaire une santé ! Et le SNES se plaint ?


  1. Communiqué de presse du SNES-FSU, 12 juin 2025 https://www.snes.edu/article/communiques/alerte-sur-le-bac-2025/ ↩︎
  2. Le « Systeme d’Aide Numérique à la noTatiOn et corRectIoN  » nommé SANTORIN est un service intégré à CYCLADES se donnant pour mission de gérer la correction dématérialisée d’examens/concours. ↩︎

Jean Anouilh, le jeune homme (éternellement) vert

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"Souvenirs d’un jeune homme" au Théâtre de Poche -Montparnasse © Alejandro Guerrero

Un festival Jean Anouilh ! Léocadia au Lucernaire et Souvenirs d’un jeune homme au Poche-Montparnasse.


Jean Anouilh (1910-1987) revient depuis quelques années – et c’est une bonne nouvelle. Après Eurydice, La Culotte (avec Herrade von Meier, irrésistible héroïne d’Anouilh – entre autres), Pauvre Bitos, et avant, bientôt, Le Bal des voleurs(12 juillet-31 août au Funambule Montmartre), 2 pièces se jouent en ce moment à Paris (nous bougeons peu de Paris, hélas – ou non).

D’abord, Léocadia, au Lucernaire, jusqu’au 27 juillet. Et Jean Anouilh-Souvenirs d’un jeune homme (d’après ses… souvenirs, La Table Ronde, 1987), jusqu’au 9 juillet, au Théâtre de Poche – notre seconde maison. Et les deux sont délicieux.


« C’est très joli la vie, mais cela n’a pas de forme », disait Anouilh qui s’appliqua à lui en donner, en particulier pour nous dans La Répétition ou l’amour puni (un de ses chefs d’œuvre) – où sa lucidité, voire son désenchantement, n’empêchait pas l’enchantement : allez comprendre ! C’est tout Anouilh.

Souvenez-vous. La Répétition, c’était ça – par exemple : « Je m’intéresse assez peu, personnellement, aux confidences. C’est toujours à peu près la même chose et cela ne soulage que celui qui les fait. Vous êtes jeune, vous débarquez au pays de l’amour ; vous devez avoir l’impression d’être une exploratrice, de découvrir des continents… Ne protestez pas, c’est très gentil… Vous apprendrez bien assez vite que la pièce ne comporte que deux ou trois rôles, deux ou trois situations toujours les mêmes – et que, ce qui jaillit irrésistiblement du cœur dans les plus grands moments d’extase, ce n’est qu’un vieux texte éculé, rabâché depuis l’aube du monde, par des bouches aujourd’hui sans dents. On n’invente guère. Jusqu’aux vices qui sont d’une banalité, d’une précision, désespérantes ! Un vrai catalogue, avec les prix courants dans la colonne de droite. Car tout se paie bien entendu. Sodomie : solitude et ulcère indiscret ; éthylisme : ascite et cirrhose ; passion : fatigue ; tendre amour : cher petit cœur brisé. On n’y coupe pas ! »

Si cela n’est pas un morceau de bravoure inoubliable… Par ailleurs, aveu : j’aime beaucoup Anouilh, aussi parce qu’il ponctue comme je le fais, sans fin, avec des tirets, des virgules, des points virgules, etc. Il connaît les ressources de la langue, et il en use. Merci Monsieur Anouilh, ma meilleure excuse.

Mais après cet apéritif pour redire le génie d’Anouilh, revenons à Léocadia, puisque c’est la pièce que l’on a (re)vue en premier.

Toute la fantaisie d’Anouilh s’y trouve. Imaginez : un jeune homme « sombre dans la mélancolie depuis la mort de son grand amour, Léocadia » (rencontrée trois jours avant sa mort, seulement – précision importante pour… « grand » amour).

Une jeune modiste, Amanda, pure, apparemment naïve mais plutôt douée du génie de la candeur, est embauchée par la tante du jeune homme (un prince, comme dans n’importe quel conte de fée) pour jouer le rôle du « souvenir » de Léocadia – il se trouve qu’elle lui ressemble, c’est même pour cela qu’elle a été embauchée.

Elle va jouer « son » rôle (celui de Léocadia), pendant trois jours. Et inventer le sien propre : le 4ème ?

Cela se finit – donc c’est triste. Mais cela se finit « bien » – donc ce n’est pas triste. Quelle idée… géniale : incarner un souvenir, pour lutter contre le mal d’amour, en faire « passer » le souvenir – comme on le dit d’une couleur (pâlie… ou passée).

A lire aussi: On lit quoi cet été?

Tout est réussi dans ce spectacle : la scénographie si inventive, l’alchimie entre les comédiens de la compagnie Les Ballons rouges (une vraie troupe de – grands, jeunes et moins jeunes – professionnels) – et puis ce texte tellement onirique…

On ne bavardera pas autour de ce spectacle parfait. Une mention spéciale peut-être pour Amanda-Léocadia : Camille Delpech – qui a la fraîcheur, le primesaut et la science de l’héroïne d’Anouilh rêvée. Et une autre pour la trop méconnue Valérie Français, dans le rôle de la tante extravagante – régal.

Celles-et-ceux qui ont aimé La Belle époque, le si romanesque et romantique film de Nicolas Bedos, aimeront ce moment – où tout est réuni : délicatesse, poésie, humour. Et, non pas « absurde » – mais rêverie.

Au Théâtre de Poche, ce sont les Souvenirs d’Anouilh (titre : La Vicomtesse d’Eristal n’a pas reçu son balai mécanique) qui sont mis en scène, joués par Gaspard Cuillé (ou Emmanuel Gaury) et Benjamin Romieux, de la Compagnie du Colimaçon – celle-là même qui monta avec succès (un an à l’affiche, 2023-2024), Eurydice.

La mise en scène ? Le contraire du « divertissement » (qui di-vertit, sens strict) : un bureau, deux chaises – et deux Anouilh qui se font face (mais pas seulement…). Ce sont surtout les deux Anouilh qui nous ont requis.

Cela commence, pour le jeune Bordelais, au service des Réclamations des Grands Magasins du Louvre. Vocation ratée, donc – d’ailleurs son chef le lui dira : « C’est dommage, Anouilh, car vous aviez l’étoffe d’un bon réclamateur. »

Puis c’est une expérience – brève aussi – dans une agence de publicité (« concepteur-rédacteur ») où il rencontre (quand même) Jacques Prévert, Paul Grimault, Georges Neveux et Jean Aurenche.

Il écrit Humulus le muet (que nous ne connaissons pas mais dont le « résumé », sur scène, fait mourir de rire), une première version du Bal des voleurs – et L’Hermine (1931, Théâtre de l’Œuvre, 1932), avec Pierre Fresnay : premier succès – avant Le Voyageur sans bagage (1936, Mathurins-Pitoëff, 1937).

Puis il y a la guerre (et Eurydice en 1942 à l’Atelier, Antigone en 1944), le cinéma, Louis Jouvet, etc. Les Mémoires du jeune homme Anouilh se terminent avec la création d’Antigone, l’évocation du rôle de Georges Pitoëff (« un génie »), d’André Barsacq, un presque frère pour Anouilh. Etc.

Avouons que l’on était un peu circonspect, à propos d’une mise en scène de ces souvenirs : les souvenirs, il vaut mieux les lire, pensions-nous. Assister à un long monologue qui égrène les étapes d’une vie… Pas gagné.

Nous avions tort : la mise en scène, les effets musicaux, les lumières, et surtout, les deux comédiens – le soir où nous étions, c’était Gaspard Cuillé et Benjamin Romieux – sont exceptionnels. Si drôles, si accordés, si complices et espiègles ! À croire, après Léocadia, qu’Anouilh procure du talent à quiconque s’y colle. C’est faux : les deux acteurs, comme la troupe de Léocadia, sont simplement mémorables. Deux occasions exceptionnelles de voir et d’écouter Anouilh, son humour, sa tendresse, son humanité.

Une « précision » à propos du rôle d’Anouilh pendant la guerre. Note ami Stéphane Barsacq ne manque jamais de dire ce que son aïeul d’origine juive, André Barsacq (1909-1973) – directeur du Théâtre de l’Atelier et metteur en scène d’Anouilh, d’Aymé, etc. -, a dû à la protection d’Anouilh, pendant la guerre.

Voilà pour les donneurs de leçons. Qui fatiguent terriblement, surtout lorsque leurs leçons sont erronées – et occultent celles-et-ceux qui ont eu, alors, une souplesse enviable. N’est-ce pas Sartre, Beauvoir, Duras, Blanchot, etc. ? L’époque était ce qu’elle était : difficile, compliquée, grise, dangereuse. Héroïque, pas toujours. A sa manière, à sa mesure, Anouilh fut « du côté » de ces gens qui ont fait ce qu’ils ont pu, et toujours le bien : Stéphane Barsacq, qui a une mémoire d’éléphant (euphémisme), ne manque jamais de le mentionner – et il a raison. Fin de la « précision ».

Une ultime (autre précision) – quand même : nous n’arbitrerons pas entre les deux pièces : « rien de commun » (comme disait José Corti, sa devise) – sinon Anouilh. Donc, rien à perdre. D’un côté le côté biographique, fantaisiste et drôle, mais aussi déclaration d’amour au théâtre ; de l’autre, l’œuvre, invitation funambulesque au voyage (amoureux). A vous de voir. Aucun risque d’un côté comme de l’autre. Qui aime Anouilh sera conquis par l’une – et l’autre.

NB. Nous étions un jeune homme (oui, déjà), nous avions lu L’Hurluberlu ou le réactionnaire amoureux – et avions beaucoup aimé : cette pièce est si drôle, elle aussi. A-t-elle vieilli ? Je ne sais pas, je ne l’ai pas relue. Une de ces deux compagnies s’en saisira-t-elle ? Nous aimerions beaucoup. La suite ? À venir. Comme son nom l’indique (sourire).


Toute l’œuvre de Jean Anouilh est disponible (en principe) à La Table Ronde, en poche (collection La Petite Vermillon) ou en édition originale.

Léocadia, de Jean Anouilh, mise en scène de David Legras, Théâtre du Lucernaire (53, rue Notre-Dame des Champs 75006 Paris – 01 45 44 57 34). Jusqu’au 27 juillet – 1H30.

Jean Anouilh, souvenirs d’un jeune homme, jusqu’au 9 juillet, au Théâtre de Poche-Montparnasse (75006). Tél. : 0145445021. Uniquement le mardi et le mercredi à 19H. Durée : 1H10.

Et toujours : Bréviaire capricieux de littérature contemporaine pour lecteurs déconcertés, désorientés, désemparés, de François Kasbi, Éditions de Paris-Max Chaleil – à propos de 600 écrivains, femmes et hommes, de France et d’ailleurs.

Liberté, que de partis on crée en ton nom !

Jordan Bardella interviewé par Christine Kelly lors du Sommet des Libertés à Paris, 24 juin 2025 © D.R.

Vers une union des droites? La première édition du Sommet des Libertés s’est tenue mardi soir au Casino de Paris, devant une salle comble. Grâce à l’implication de MM. Stérin et Bolloré, des personnalités issues du Rassemblement national, de «Reconquête» et des Républicains se sont ainsi croisées près des stands de dédicaces. Nos reporters se sont glissés parmi le public pour nous rendre compte de l’ambiance de la soirée.


Si l’on voulait croiser la droite chic et bien élevée, il fallait être au Casino de Paris ce mardi soir. Le premier « Sommet des libertés » s’y tenait, organisé à l’initiative de Pierre-Édouard Stérin et Vincent Bolloré en partenariat avec le JDNews.

On retrouve l’occasion d’un soir l’ambiance chapelet et Ralph Lauren des grands raouts de Valeurs Actuelles mais avec cette fois un peu moins d’identitaire et un peu plus de retraite par capitalisation. Pas de stand « institut Iliade » mais plutôt des think thanks libéraux, si vous préférez. C’est un peu comme si les pages saumon avaient avalé les pages débats du Figaro. « On peut venir sans être libéral et la Cocarde est présente partout », se justifie Edouard Bina, président de la Cocarde, le syndicat étudiant de droite sociale et souverainiste, surpris au rayon bière. On trouve des militants marinistes présents aux abords des stands. Une certaine confusion idéologique règne parfois. Les mots, les idées, les labels fusent…. Un ancien stagiaire de Reconquête est « libéral, identitaire et européen ». Les militants du RN présents sont surtout là pour « soutenir » leur président, Jordan Bardella. Quand il apparait sur scène, les applaudissements fusent. « National ou libéral, c’est une question de degré » élude l’un d’eux à la question de savoir si le parti de Marine Le Pen était maintenant converti au national-libéralisme. Le militant Oscar Piloquet, qui sera candidat à la maire d’Alençon, dans l’Orne, et « vient du fillonisme », tente de faire la distinction entre liberté et libéralisme : « ce n’est pas la même chose » assure-t-il. Liberté, que de partis on crée en ton nom !

Ciotti laboure son sillon

Éric Ciotti au Sommet des Libertés © GDS

Éric Ciotti est en dédicace et nous propose une synthèse. Il serre des mains, il sourit, il goûte sur scène à son triomphe quand il rappelle qu’il a été le premier à briser le tabou de l’union des droites: « National et libéral ? Les deux valeurs sont consubstantielles (…) L’État doit juste se recentrer et bien faire ses missions. » Dans un pays centralisé qui aime autant l’argent public, les partis de droite ont souvent affiché des tendances sociales ou dirigistes. Le national-libéralisme a-t-il un avenir en France ? « Il progresse en tout cas… » sourit l’auteur de Je ne regrette rien, sûr d’avoir trouvé un créneau politique porteur.

« Oui mais » plutôt que 18 juin

Sommet des libertés ? pas au point de laisser la tireuse à bière couler après le début des débats : « Le stand à bière est fermé… On voit qu’on est chez les libéraux. Les libéraux veulent tout interdire » peste l’avocat Laurent Frölich. À la tribune, se succèdent des intervenants et des clips vidéos.

Alexandre Jardin, devant un parterre bourgeois, défend la victoire de « ses gueux », qui pourront continuer de rouler au diesel dans les centres-villes. Assise à côté de nous, une mauvaise langue persiffle: « à force, il va se retrouver dans les mêmes eaux politiques que feu son grand-père ». Luc Ferry fait applaudir une énième « grande réforme » de l’Éducation nationale avec en prime l’urgence des « cours d’instruction civique ». Très Chevènement 1984 ! Il est par ailleurs paniqué quant à l’avenir de la liberté d’expression, renvoyant dos à dos les wokistes cancelleurs et l’administration Trump qui coupe les vivres de chercheurs. Il épilogue sur le danger des deep fakes, la fin du vrai et du faux… Notre mauvaise langue commente: « Les gens ont appris à lire à partir de Jules Ferry, et ont désappris à partir de Luc Ferry ».

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Laetitia Strauch-Bonart, auteure d’un lénifiant La Gratitude : Récit politique d’une trajectoire inattendue, explique devant un public peu convaincu qu’être de droite, c’est prendre fait et cause pour l’Ukraine et que c’est refuser toute alliance avec le Rassemblement national. Décidée à bousculer René Rémond, elle situe le gaullisme dans la continuité des conservateurs libéraux du XIXème siècle, continuateur pour son « oui, mais ». On connait pourtant la réponse de De Gaulle au « oui, mais » de Giscard : « on ne fait pas de la politique avec des mais ». L’ancienne élève d’Henri IV finit huée par le public. La mauvaise langue continue : « Macron a supprimé l’ENA. Quand j’entends Strauch-Bonart, je pense qu’il faut aussi supprimer l’ENS ».

La liberté, pour quoi faire ?

50 nuances de libéralisme ? On trouve même d’anciens « sarkozystes de gauche », comme Monsieur le préfet Thierry Coudert, de la Diagonale, club qui réunissait les cadres issus du PS refusant de voter Royal et ralliant Sarkozy au bénéfice de l’ouverture. « Je n’étais plus de gauche depuis longtemps… il fallait que des anciens socialistes puissent rejoindre la majorité de Sarkozy sur l’alliance des libertés et de l’autorité » explique l’ancien directeur de cabinet de Brice Hortefeux. L’homme portera les couleurs du RN et de l’UDR à Dijon, où il tentera en 2026 de ravir la mairie.

C’est au tour des têtes de gondole de la soirée de se succéder : les leaders des principaux partis de droite. La discussion est animée par Christine Kelly. L’exercice, intitulé « Grand oral », a des airs d’entretien d’embauche, alors que les deux mécènes de la droite libérale-conservatrice cherchent un poulain en vue des présidentielles. On commence avec Jordan Bardella, président du Rassemblement national. Le jeune chef de parti n’a eu aucun mal à défendre une ligne pro-business… assez éloignée de celle de Marine Le Pen. « Au moins, Mitterrand a attendu d’être au pouvoir pour faire le tournant libéral » croit bon de rappeler la mauvaise langue. Bardella enchaine ensuite les mots clefs de la droite des années 2000 : « la France vit au-dessus de ses moyens ». Mais il n’est jamais aussi à l’aise que sur le registre de l’anti-intellectualisme, notamment lorsqu’il esquive toute définition conceptuelle. « La liberté on pourrait longtemps pérorer sur le concept » ; puis il fait applaudir à tout rompre C8, « chaine la plus populaire », « censurée par l’Arcom ».

À lire aussi : Fête de la victoire du RN: démonstration de force tranquille

Tandis que Marion Maréchal essuie quelques noms d’oiseau lors de son passage en tribune (le coup de Jarnac qui a conclu son passage à Reconquête n’étant pas digéré de tous), à l’applaudimètre, Sarah Knafo rafle nettement la mise. Pasionaria de la droite nationale depuis son arrivée dans le champ médiatique il y a tout juste un an, elle n’a aucun mal à séduire aussi une droite plus libérale… et à accélérer la fusion de ces deux tendances. « Imaginez deux boulangers. L’un est subventionné, protégé par le maire, payé d’avance. L’autre paie tout, subit les contrôles… et pourtant, c’est chez lui que les gens font la queue ! Ce n’est pas une fable. C’est CNews contre le service public. (…). France télévisions est un abonnement obligatoire qui coûte 83 euros à chacun d’entre nous ». Il n’y a plus qu’à envoyer le formulaire de résiliation à Delphine Ernotte.

Toujours à l’affût des micro-tendances, nous étions aussi curieux d’observer le passage de Nicolas Dupont-Aignan. Incapable de mener une liste aux Européennes, défait aux législatives quelques semaines plus tard, l’ex-futur Premier ministre de Marine Le Pen et son mouvement semblent au début de leur crépuscule. Devant la droite Bolloré, « NDA » défend la sortie de l’UE, la participation salariale et l’accès à la propriété. L’ancien député de l’Essonne est venu avec ses thèmes et ne s’est pas complètement adapté à son auditoire. Presque une audace, en plein « Grand oral » national-libéral.

Je ne regrette rien: L'heure est venue de dire pourquoi

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La vérité étouffée, le réel masqué: sur la propagande, la Palestine et l’aveuglement des élites

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À Paris, à l’occasion de la fête de la musique, une femme a été violemment frappée d’un coup de pied à la tête sur les quais, au pied de Notre-Dame, le samedi 21 juin © image issue des réseaux sociaux

Ensauvagement. Face à l’insécurité dans les rues et face à l’insécurité culturelle qui s’installe dans les esprits, toute une haute bourgeoisie intellectuelle laisse la situation pourrir, laisse brûler, et laisse le peuple subir, observe notre chroniqueur…


Qui propage le mensonge ? Qui le fait circuler, le glisse dans les esprits comme une traînée de poudre, le travestit sous les atours de la vérité morale et du savoir éclairé ? Ce ne sont pas les gens du peuple. Non, le peuple n’a ni le temps ni la prétention de comprendre ce qui se joue, à mille lieues de ses préoccupations immédiates, au cœur de Gaza ou de Ramallah. Ce peuple-là — ou ce qu’il en reste — vit les yeux dans le gris, préoccupé par sa survie, sa sécurité, la déchéance d’un quotidien rongé par l’insécurité, par la misère, par le délitement du lien social. Il ne lit pas Le Monde, il n’écoute pas France Inter, il ne consulte pas les éditos du Monde diplomatique. Il vit. Il endure.

Demi-sachants

Ce sont les élites qui propagent. Les élites intellectuelles, médiatiques, universitaires, administratives. La France Insoumise, bien sûr, porte flambeau d’une gauche qui s’est dévoyée dans l’antisionisme paré des oripeaux du progressisme. Mais elle ne fait que cristalliser ce que pensent tout bas bien d’autres segments de la société cultivée : enseignants, magistrats, chefs de service dans la police ou le social, hauts fonctionnaires, journalistes, directeurs de conscience dans les ONG et les grandes écoles. Tous ces demi-sachants, engoncés dans leur bonne conscience, persuadés de comprendre le Moyen-Orient à force de lectures biaisées, de colloques creux et d’un entre-soi moral qui ne supporte ni la nuance ni la contradiction.

À lire aussi, Dominique Labarrière : Mélenchon devenu un «salopard d’antisémite»…

Ils ne vivent pas les réalités qu’ils commentent. Ils ne subissent pas la montée de la violence dans les quartiers. Ils ne voient pas ce que le peuple voit : la transformation lente mais certaine de pans entiers du territoire en zones de non-droit, le recul du droit commun face à des logiques communautaires. Et dans leur aveuglement, ils enseignent. Ils formatent. Ils éduquent des générations de lycéens, d’étudiants, d’apprentis fonctionnaires à haïr l’Occident, à voir en Israël le diable, en Netanyahou un criminel, en chaque Palestinien une victime pure et désincarnée. La vérité devient suspecte, la complexité est chassée comme hérétique. L’histoire elle-même est triturée, inversée.

L’autorité n’est pas la haine

Et pourtant, il existe des mesures de bon sens. Il y en a. Elles ne relèvent ni du fantasme, ni de l’extrémisme, mais d’un souci élémentaire de survie collective. Des mesures à prendre sur l’immigration de masse, sur la délinquance, sur l’insécurité quotidienne, sur la restauration d’un ordre minimal dans les rues, les écoles, les tribunaux, les hôpitaux. Mais qui résiste à ces mesures ? Qui les bloque ? Ceux-là mêmes qui, au nom d’une idéologie issue du traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, voient dans tout étranger un nouveau juif pourchassé. Ce prisme moral, aussi dévoyé que paralysant, confond la fermeté avec la persécution, la lucidité avec le racisme, l’autorité avec la haine.

Ce sont eux encore, cette caste — non seulement la haute bourgeoisie intellectuelle, mais aussi toute la hiérarchie intermédiaire des institutions — qui empêche toute réforme réelle. La magistrature, les médias, les rectorats, les directions de la police, les hautes sphères du social et de la santé : tous formatés à cette idéologie victimaire, persuadés qu’agir serait céder à la bête immonde. Alors ils laissent pourrir. Ils laissent brûler. Ils laissent le peuple subir. Et ils s’enorgueillissent d’être du bon côté de l’Histoire, alors qu’ils n’ont même plus la décence de regarder le pays en face.

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C’est là que je dis — oui, je le dis sans honte — que je suis populiste. Parce que je crois, comme en 1942, que le peuple est resté digne, quand les élites se sont couchées. Ce ne sont pas les paysans du Limousin ou les ouvriers des faubourgs qui ont organisé les rafles, rempli les autobus, tenu les registres. Ce sont des magistrats, des préfets, des commissaires, des fonctionnaires zélés. Ceux-là même que l’on trouve aujourd’hui à la tête des grandes institutions, prompts à s’émouvoir de Gaza mais muets devant le sort des femmes violées à Lyon ou des enfants tués à Marseille.

Ce peuple que l’on accuse aujourd’hui de racisme, parce qu’il résiste — dans le silence et parfois dans la colère — à l’ensauvagement de son environnement, à l’islamisation qu’il voit progresser chaque jour sans pouvoir la nommer. Ce peuple humilié, moqué, invisibilisé, qui pourtant recèle encore en lui les vestiges d’un courage ancien, d’un instinct de conservation que la bourgeoisie a depuis longtemps sacrifié sur l’autel de son confort. C’est ce peuple qui demeure l’honneur de la France. Et ceux qui l’insultent aujourd’hui sont les mêmes que ceux qui trahissaient hier. L’histoire se répète, non comme farce, mais comme honte.

Villepin, ou ces «humanistes» qui bradent la France

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Dominique de Villepin à Marseille, le 18 juin 2025 © Alain ROBERT/SIPA

Dominique de Villepin a lancé hier son mouvement politique, « La France humaniste », et il publie ce jour un livre, Le Pouvoir de dire non, chez Flammarion, dans lequel il affirme pouvoir incarner la France des Lumières. Ses détracteurs le soupçonnent au contraire d’être sous les influences les plus diaboliques.


Se méfier des « humanistes » autoproclamés. J’ai constaté, chez ceux qui se gratifient ostensiblement de cette vertu, une propension à la jactance et à l’évitement, quand ce n’est pas à la traîtrise. Ces beaux esprits, enamourés d’eux-mêmes, sont pareils à la Célimène de Baudelaire (L’Imprévu). Elle « roucoule et dit: « Mon cœur est bon ». Mais le poète précise: « Son cœur ! cœur racorni, fumé comme un jambon (…) ». En ayant choisi hier, en vue de la campagne présidentielle, de baptiser son propre parti « La France humaniste », Dominique de Villepin a rejoint la cohorte des faux gentils, dont j’avais dénoncé la tartufferie en 2004 dans un de mes livres[1]. Depuis cinquante ans, ces clercs bradent la nation fragile en l’ouvrant toujours davantage, au nom de la fraternité et autres raffarinades, à un islam ombrageux et remplaciste.

Jean-Luc Mélenchon grand remplacé ?

J’ai déjà rappelé ici le 21 mai[2] les démentes envolées immigrationnistes et islamophiles de Villepin. Ses odes à la société ouverte et multiculturelle le rapprochent de Jean-Luc Mélenchon pour qui, lui aussi, « l’insoumission est un nouvel humanisme ». C’était en portant cette même générosité en sautoir qu’Alain Juppé plaidait naguère pour les « accommodements raisonnables », destinés à satisfaire un séparatisme civilisationnel se réclamant d’Allah et de l’oumma post-nationale. Quand Villepin en appelle également, dans sa course à l’Élysée, à « l’unité » de la nation, ce mot creux avait déjà été avancé par Emmanuel Macron, le 12 novembre 2023, pour ne pas se joindre à la « marche pour la République et contre l’antisémitisme », après le pogrom islamiste et anti-juif du 7-octobre.

A lire aussi, Gilles-William Goldnadel: De Cannes à France Inter, un festival anti-État juif

Prêt à toutes les reculades

Ces humanistes-là avancent masqués. Ils sont intellectuellement prêts à toutes les reculades pour diluer l’identité nationale dans une civilisation conquérante, en conflit millénaire avec l’Occident. Hormis sans doute son approche économique et son bagage culturel, rien ne différencie plus Villepin de l’extrême gauche. Ils sont unis dans la détestation de la droite souverainiste et du peuple enraciné. L’ancien Premier ministre de Jacques Chirac se profile comme un possible concurrent, plus présentable, face à un Mélenchon fossoyeur du Français[3].

Villlepin crée son parti : mieux Qatar que jamais !

Les sondages d’opinion sont flatteurs à son endroit. Sa détestation d’Israël et son palestinisme obligé, héritages de la politique arabe issue de la diplomatie gaulliste, sont appréciés y compris d’une extrême-droite antisioniste et antisémite qui, à rebours des soutiens du RN à Donald Trump et Benyamin Nétanyahou, dénonce les bombardements israéliens et américains contre les sites nucléaires des mollahs apocalyptiques.

Les assauts de Villepin contre Bruno Retailleau sont proportionnels aux déclarations de guerre du ministre de l’Intérieur contre les Frères musulmans et leurs collaborateurs, l’immigration de masse, ou le régime algérien qui détient plus que jamais Boualem Sansal en otage.

Dans la fracture identitaire qui sépare la France en deux, y compris lors de la dernière Fête de la musique, les humanistes de carnaval ont choisi l’oummanisme (cf. le bon mot de Céline Pina) et le parti de l’étranger. Bas les masques !

La République des Faux Gentils

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Le Pouvoir de dire non

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[1] La république des faux gentils, Le Rocher

[2] https://www.causeur.fr/rapport-renseignements-freres-musulmans-ces-irresponsables-qui-ont-permis-lislamisation-de-la-france-rapport-freres-musulmans-310040

[3] https://www.lefigaro.fr/politique/elle-n-appartient-plus-aux-francais-melenchon-souhaiterait-rebaptiser-la-langue-francaise-en-langue-creole-20250623

Bruxelles étrangle nos agriculteurs avec des « tarifs » sur les engrais

Les agriculteurs français ont participé à un rassemblement organisé par la FDSA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) et JA (Jeunes agriculteurs), pour manifester leur opposition à l'accord de libre-échange avec le Mercosur, Strasbourg, 22 janvier 2025 © ANTONIN UTZ/SIPA

L’UE doit au contraire apporter des solutions d’urgence pour notre secteur agricole, déjà étranglé par la hausse du prix des fertilisants.


L’Union européenne prétend défendre ses agriculteurs, mais sa dernière offensive commerciale – des droits de douane imposés dès le 1er juillet 2025 sur les engrais russes et biélorusses – frappe de plein fouet ceux qu’elle jure de protéger.

Les engrais soumis à une terrible inflation

Présentée comme un rempart contre la dépendance à Moscou et un coup porté au financement de la guerre en Ukraine, cette mesure est une erreur stratégique qui aggrave la crise des engrais et menace la sécurité alimentaire de 450 millions d’Européens. Bruxelles doit revoir sa copie, et vite, avant que nos campagnes ne s’effondrent sous le poids de ces décisions.

Les chiffres sont alarmants. Depuis janvier 2025, les prix des engrais ont bondi de 11% au niveau mondial, selon la Banque mondiale, avec des hausses de 20% pour l’urée, 18% pour la potasse et 20% pour le phosphate. En Europe, c’est pire : l’urée se négocie à 397 € la tonne en juin, 15% de plus qu’en 2024, contre un prix mondial de 350 €. Pour un céréalier, cela représente un surcoût de 25 à 30 € par hectare, anéantissant des marges déjà fragiles. Ces tarifs, débutant à 40 € par tonne et prévus pour grimper à 300 € d’ici 2028, pèsent directement sur les agriculteurs, ajoutant une facture annuelle estimée à 400-500 millions d’euros.

À lire aussi : Loi Générations Futures: la douteuse croisade anti-PFAS

Copa-Cogeca, la voix des agriculteurs et des coopératives européennes, n’a pas mâché ses mots : « Bruxelles alourdit les coûts de production dans un contexte où les agriculteurs sont déjà asphyxiés par la flambée des prix de l’énergie et les réglementations environnementales. » L’organisation dénonce une mesure qui, loin de protéger les fermes européennes, les expose à des importations plus coûteuses en provenance d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient, incapables de compenser le déficit laissé par les millions de tonnes d’engrais russes importés en 2024 pour un montant de 2,12 milliards d’euros.

Promesse non tenue

La Commission européenne avait anticipé cette flambée des prix. Elle avait promis des « mécanismes de compensation » pour amortir le choc. Où sont-ils ? À ce jour, aucun soutien tangible n’a été déployé, laissant les agriculteurs seuls face à des coûts insoutenables. Pendant ce temps, les chocs géopolitiques s’accumulent : les tensions au Moyen-Orient font grimper le pétrole (+10 %) et le gaz européen (+6,6 %), essentiel à la production d’engrais azotés. Les récents bombardements ukrainiens sur des usines russes, comme Novomoskovsk Azot et Nevinnomyssk Azot, ont temporairement paralysé des sites produisant davantage que la consommation annuelle de la France et de l’Allemagne réunies. Auparavant, l’Ukraine n’avait pas ciblé d’usines d’engrais. Une riposte russe sur les usines d’engrais ukrainiennes, comme celle de Rivne, pourrait non seulement aggraver la pénurie, mais aussi provoquer une catastrophe environnementale aux portes de l’UE.

Pire encore, Bruxelles alourdit le fardeau avec une taxe carbone imminente et une transition énergétique qui, bien que nécessaire, expose les agriculteurs à une volatilité accrue des prix de l’énergie. Les alternatives aux importations russes – Égypte, Qatar, Arabie saoudite – sont insuffisantes, surtout si les exportations iraniennes s’effondrent sous l’effet des tensions militaires.

Urgences

Pour éviter le désastre, Bruxelles doit agir sans délai : verser les compensations promises avant la saison des semis pour soutenir les agriculteurs en difficulté, contribuer à l’arrêt des frappes visant les infrastructures de production d’engrais afin de limiter les hausses imprévisibles des prix, investir dans une production européenne d’engrais – notamment l’ammoniac vert et le recyclage des déchets organiques – pour réduire la dépendance aux importations instables, coordonner une stratégie énergétique assurant un gaz abordable tout en accélérant la transition vers les énergies renouvelables, et créer une réserve stratégique agricole pour amortir les pénuries et stabiliser les prix.

À lire aussi : Partenariat stratégique UE-Asie centrale: quand la Commission européenne ignore la leçon du Mercosur…

Les agriculteurs européens ne peuvent plus être les otages des errements bureaucratiques et des tensions géopolitiques. Bruxelles doit cesser de les sacrifier au nom d’objectifs mal calibrés. Nos fermes, nos assiettes et notre souveraineté alimentaire sont en jeu. L’heure n’est plus aux promesses, mais aux actes.

Panoptique malais

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"Stranger Eyes" de Siew Hua Yeo (2025) © Grace Baey / Epicentre Films

Né en 1985, le cinéaste Yeo Siew Hua s’est fait connaître en France par son deuxième long métrage, Les Etendues imaginaires, Léopard d’Or au festival de Locarno, sorti dans nos salles il y a six ans. Le scénario vous égarait dans une enquête sur la disparition d’un ouvrier chinois sur un chantier du littoral de Singapour…  

Colombo singapourien

Stranger Eyes, prolongement de ce polar métaphysique augural, s’ouvre sur une autre disparition, celle de Bo, une enfant de deux ans, dans un square de Singapour où le jeune papa, assis sur un banc public, la perd de vue pendant les quelques secondes fatales où il répond à un appel sur son smartphone. Le couple éploré fait appel à la police, la grand-mère distribue inlassablement des affichettes aux passants, un enquêteur se lance avec méthode sur la piste du ravisseur présumé, au cœur de cette cité-Etat insulaire surpeuplée (six millions d’habitants), bardée de caméras de surveillance et connue, comme chacun sait, pour être l’une des plus sécurisées de la planète. Elle est, en quelque sorte, le vrai personnage central du film.

Le mystère s’épaissit encore quand les parents dévastés, sur le palier de l’appartement qu’ils occupent dans une vaste barre d’immeuble, réceptionnent des DVD leur renvoyant l’image de leur vie domestique et conjugale, de longue date filmée par un étrange voyeur. « La police n’a plus besoin de jouer à cache-cache, ni d’agir sous couverture comme dans les films. Il suffit d’observer attentivement, et de patienter », assure le Colombo de service. De fait, les soupçons se concentrent vite sur un type d’âge mûr, en poste au pôle de vidéosurveillance sensé sécuriser le supermarché voisin.

A lire aussi, du même auteur: Bond revival

Mais l’intrigue prend un tour de plus en plus labyrinthique : Junyang, le père – incarné par l’acteur photogénique taïwanais Chien Ho Wu, 32 ans, d’une belle présence quasi mutique d’un bout à l’autre du film – commençant lui-même à filmer son harceleur, lequel habite seul, dans l’immeuble d’en face, avec sa mère aveugle…  Les fêlures intimes du petit ménage se creusent également, à mesure que la thématique de la surveillance panoptique se démultiplie dans le temps et dans l’espace, à travers les méandres d’un scénario décidément très cérébral.

Epicentre Films

Bof…

Formé à la philosophie, Yeo Siew Hua croit-il la pensée abstraite soluble dans le polar ? Si Stranger Eyes rappelle irrésistiblement Caché, ce joyau de Michael Haneke, et évoque par sa pente énigmatique et sensorielle l’univers de David Lynch, il s’en faut de beaucoup pour que son formalisme esthétique – dialogues raréfiés, lenteur calculée, montage ciselé, mises en abyme de l’image dans l’image, absence de musique, exceptée la sérénade de Endless Love, à mi-parcours, répétée en générique de fin – attise la flamme d’un suspense tant soit peu brûlant. La construction ésotérique du film a toutes chances de vous laisser en plan.


Stranger Eyes. Film de Yeo Siew Hua. Singapour, Taïwan, France, couleur, 2024. Durée : 2h04

En salles le 25 juin

L’origine du « Monde »

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DR

Après la politique, l’économie ou le climat, Le Monde se penche sur un nouveau front de la lutte progressiste: la vulve. Et Maïa Mazaurette n’est même pas dans le coup. Bienvenue dans le grand combat pour la réhabilitation des petites lèvres


Par ces temps de body positivism, faut-il s’inquiéter ou se réjouir du phénomène, Le Monde ne le dit pas ! Dans un article du 10 mai intitulé « Histoire esthétique de la vulve, de l’intime au politique1 », Virginie Larousse, numéro deux des pages « Débats », nous apprend que la chirurgie de l’intime représente déjà près de 4 000 interventions par an dans l’Hexagone – un chiffre probablement sous-estimé.

Derrière la préoccupation esthétique, la vogue de la nymphoplastie, vaginoplastie ou hyménoplastie serait le résultat d’une injonction sociale. Une activité florissante aux États-Unis, où les « vulvar designers » ont pignon sur rue. Après être passées sous le bistouri, nos amies les femmes ressortent toutes avec un sexe Barbie comme les actrices porno, réduit à une pure fente.

« L’idéal devient la norme ! Les femmes ont intériorisé ces représentations liées aux stéréotypes de genre », déplore la psychologue Sara Piazza. « Un sexe glabre, sans rien qui dépasse, ferme, rose et inodore. Il est difficile d’échapper aux normes des sociétés auxquelles on appartient », observe la gynécologue Sophie Berville.

À lire aussi, Jean-Baptiste Roques : Est-ce que ce « Monde » est sérieux ?

Cette obsession de la beauté génitale et cette chasse moderne aux petites lèvres s’inscrivent, selon Le Monde, dans une longue tradition de rejet du sexe féminin. Encore récemment, d’horribles machos ont véhiculé des représentations dégradantes de la vulve : Freud, par exemple, pour qui « l’appareil génital reste le cloaque ; chez la femme, il semble n’en être qu’une dépendance » ; Sartre, qui écrivait que « l’obscénité du sexe féminin est celle de toute chose béante » ; ou encore Alain Roger, selon qui la vulve a de tout temps été « sale, velue et gluante ».

La civilisation a interdit l’excision, alors faudrait-il refuser ces actes au nom de la lutte contre les normes sexistes ? Pas de réponse. Désormais, Le Monde ne nous dit pas seulement ce qu’il faut penser de Marine Le Pen ou de la guerre à Gaza. Il se soucie désormais de notre nombril.


  1. https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/05/10/histoire-esthetique-de-la-vulve-de-l-intime-au-politique_6604610_3232.html ↩︎

On lit quoi cet été?

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Gérald Sibleyras publie "Sex.com" aux éditions Élysande. DR.

Monsieur Nostalgie a choisi quelques livres récents et plus anciens pour s’extraire des foules oppressantes durant la période estivale. Dans cette sélection, il y aura du sexe, des criminels satisfaits d’eux-mêmes, un écrivain nous expliquant la mécanique du roman, des bonnes tables, un Argentin aveugle et même un mémorialiste niçois de haute volée…


Le compte-à-rebours a commencé. Après les barbaresques musicales du 21 juin, l’heure est venue de s’éloigner. D’échapper à l’emprise d’une civilisation qui, chaque jour, nous apporte la preuve de sa décadence – et pas celle chantée par Gainsbourg. Le livre ne nous sauvera pas collectivement. Il n’a jamais sauvé personne. Méfiez-vous de ceux qui l’affirment, derrière leurs bouquins se cache une schlague. Ils veulent vous mater !

Frais et pétillant

La littérature n’est pas une science exacte. Et, comme le disait Audiard, de la posologie au veuvage, il n’y a qu’un pas. Evitons donc la surmédication ! Je ne vous parlerais pas du livre homéopathique, du livre expiatoire, du livre dénonçant les grands maux du siècle ou encore du livre cathédrale censé nous éduquer. Ma sélection ne vous sera d’aucune aide pratique pour remplir une déclaration d’impôts ou conjurer la délinquance juvénile. Elle ne règlera aucun conflit international et n’abrègera pas non plus les quinquennats valétudinaires. Voyez plutôt cette sélection comme une randonnée sans le risque de vous fouler une cheville sur le GR20 entre Acu Stagnu et Tighettu, quelques ouvrages piochés dans l’actualité récente du mois ou sortis de mes caves ligériennes, des livres de garde qui étonneront par leur salinité, ils ont parfois un siècle et se boivent comme un rosé de Provence. Quelque chose de frais et de pétillant.

À lire aussi : Trolls de Pierre Cormary: de la haine et du style

Débutons par un trublion, un ironique rigolard, certainement l’une des plumes les plus brillantes du théâtre français, tout ce qu’il écrit pour la scène se transforme en salles pleines. Son nom sur les colonnes Morris est plus attractif qu’une rente Pinay. Si j’étais boursicoteur, j’achèterais du Sibleyras à la corbeille. Je prends, je prends, je prends à la manière de Karbaoui (Roger Hanin) dans Le Sucre. Le public ne s’y trompe pas et court voir ses pièces ou ses adaptations. Gérald Sibleyras, dramaturge moliérisé, joué dans le monde entier, est également un romancier d’un genre particulier, il est le seul à ma connaissance à marier la farce au pamphlet. Ce blagueur moraliste est à la fois du côté de Cioran et de Robert Lamoureux. Et il vient d’avoir une idée géniale, le meilleur pitch de ces vingt-cinq dernières années. Dans Sex .com aux éditions Élysande, il prend comme point de départ de ce roman sarcastique où les égos se dépouillent, la bataille judiciaire qui eut lieu en Californie au début des années 2000 sur la propriété du site Internet sex .com. Librement inspiré de cette affaire, il en tire une saga déjantée, hallucinante et libidineuse, qui serait une sorte d’épisode déconstruit de « Deux flics à Miami » passé au tamis par James Ellroy. Le nom de domaine le plus convoité de la planète est une machine à faire dérailler les Hommes. L’excès est une bonne matière en littérature. Il y a soixante ans, Jacques Brenner signait La Race des Seigneurs chez Albin Michel, et s’intéressait plus particulièrement aux criminels, notamment à l’affaire Petiot. Brenner styliste pointilleux sait en une phrase faussement désinvolte capter l’attention de son lecteur : « Marcel Petiot est un enfant du Capricorne comme Alexandre VI Borgia et comme Staline, mais aussi comme Molière et Saint-Simon, Bernardin de Saint-Pierre et Matisse ».

Voyage au pays des géants

Ce livre avait pour dédicataire Jean-Louis Curtis dont il est urgent de lire, sous la tonnelle, Une éducation d’écrivain paru chez Flammarion en 1984, cette promenade littéraire faite de souvenirs et de réflexions sur le métier est un voyage au pays des géants. Ses statues qui ont façonné les apprentis-écrivants de l’après-guerre. « Ces écrivains, Barrès, Mauriac, Montherlant, ont en commun deux caractères étroitement liés : une sensualité sous-jacente, suggérée plutôt qu’exprimée, et un style lui-même sensuel riche d’harmoniques, incantatoire ».

Il existe aujourd’hui un esthète « méconnu » du grand public, il s’appelle Michel Orcel, les amateurs connaissent son érudition et la portée de son onde poétique. En 2020, il a été couronné du Grand Prix de poésie de l’Académie française. Insaisissable Marseillais né en 1952, il a été multiple, à la fois maître de conférences à l’Université, écrivain, éditeur, traducteur, exégète de Leopardi et psychanalyste. Il nous propose dans une splendide édition ses Mémoires écrits sur l’eau chez Arcades Ambo. Cette littérature exigeante qui pousse loin l’introspection est l’œuvre d’un honnête homme.

À lire aussi, Elisabeth Lévy : Rendez-nous Nicolas Bedos !

Au rayon des confiseries, des tapas, des chiffonnades qui régaleront les papivores de notre espèce, les confidences de Maurice Beaudoin (La France à ma table) sur une nappe à carreaux sont délicieusement nostalgiques. On y croise Mitterrand, Duras, la Mercedes de Jean d’O, Robert Hersant, son boss, les michettes de Michou, Florence Arthaud ou Joël Robuchon. Critique gastronomique et surtout fondateur historique du Figaro Magazine, Beaudoin raconte une vie professionnelle sur le marbre des imprimeries avec le goût de la belle maquette. Si la vie des monstres sacrés vous intrigue, il faut lire en juillet ou en août la copieuse biographie qu’Odile Felgine consacre à Jorge Luis Borges aux éditions Plon surtout la période où l’obscur bibliothécaire de troisième zone, myope translucide, métaphysicien de la Pampa fomentait son propre mythe.

Dernier conseil, le livre date de deux ans à peine, il s’agit des chroniques 1925-1975 d’Emmanuel Berl, Quand Bergson me parlait de télépathie, une édition admirablement établie par le spécialiste Olivier Philipponnat. Car un peu d’intelligence, même sur la plage, ne nuit pas au bronzage !


Sex .com de Gérald Sibleyras – Élysande éditions 200 pages

La Race des Seigneurs de Jacques Brenner – Albin Michel

La race des seigneurs

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Une éducation d’écrivain de Jean-Louis Curtis – Flammarion

Une éducation d'écrivain

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Mémoires écrits sur l’eau de Michel Orcel – Arcades Ambo

La France à ma table de Maurice Beaudoin – Plon

La France à ma table

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Jorge Luis Borges de Odile Felgine – Plon

Emmanuel Berl – Quand Bergson me parlait de télépathie – Chroniques 1925-1975 – édition établie par Olivier Philipponnat – Bartillat   

Quand Bergson me parlait de télépathie... - Chroniques 1923-1975

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Zemmour au-delà des lignes

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Eric Zemmour à Lille, le 27 avril 2024 © FRANCOIS GREUEZ/SIPA

Tant du côté du monde religieux juif que du catholicisme, on avait fait les gorges chaudes autour des « pas-de-deux » que Gad Elmaleh avait esquissés entre les deux pôles. Quoiqu’il dise son attrait envers l’univers du catholicisme limité au « culturel » et non au cultuel, le parcours intellectuel d’Éric Zemmour n’est pas sans ressembler à celui de l’humoriste. Il ne faudrait toutefois pas qu’il se fasse plus royaliste que le roi…


« Un journaliste dans le texte, un journaliste dans le siècle » (et, même, en l’occurrence, bien des siècles…), c’est ainsi que pourrait se sous-titrer cette biographie intellectuelle, mixte d’essai et de pure biographie1.

L’auteur n’est pas de celles qui, pour pondre leur prose enamourée, croit suffisant de donner rendez-vous à leur interlocuteur dans un bistrot à la mode d’où, autour d’une tasse de thé vert, et sans une once d’esprit critique, jaillira un portrait riche de tous les souverains poncifs du moment. Danièle Masson aime prendre ses sujets à bras-le-corps, éprouve un faible pour ce que nous appellerons les « intellectuels mystiques », navigue donc en permanence entre la philosophie et la religion tout en tenant ferme son gouvernail. Après Gustave Thibon, le philosophe de l’Ardèche (qui disait ne pas croire en Dieu mais ne croire qu’en Dieu et qui s’était si bien entendu avec Simone Weil avec un W), que cet essayiste puisse s’intéresser à celui qui, au fond, fut dès ses débuts, un éditorialiste (la politique n’étant que l’application de ses ardentes préconisations) coule de source, la source même qui avait alimenté l’interrogation qui avait donné son titre à un précédent recueil d’entretiens : Dieu est-il mort en Occident ?2

De cette bio, voici donc ce qui s’y lit et ce qui s’en déduit. Non pas « Zemmour entre les lignes » (car il ne s’agit pas ici de sous-entendus politiciens) mais « Zemmour derrière, au-delà des lignes » (pour tenter d’appréhender le substrat doctrinal présent en arrière-plan de sa démarche).    

Un rapport tout particulier au temps

Pour comprendre pourquoi Zemmour est si attaché à la pensée du passé et donc à cette science humaine, mais pas si inexacte que cela, qui se nomme l’Histoire, il faut avoir à l’esprit sa nostalgie personnelle, celle de la banlieue des années soixante et soixante-dix, de ce qu’on appelait alors la Ceinture rouge. A Stains, à Montreuil, il régnait un ordre, qui, tout laïcard qu’il ait été, baignait dans une certaine morale pour ne pas dire une morale certaine qui eut abominé l’esprit du temps présent. Pour Zemmour, ce qui vient après n’a pas, de droit, préséance sur ce qui était avant : l’avenir ne doit jamais oublier le souvenir, et, même, ce dernier doit-il se rappeler à son bon souvenir. Au pire doivent-ils en permanence entretenir une dialectique où le prétendu passé joue le rôle de la Statue du Commandeur, toujours prêt, du haut de sa gravité, à proférer à nos cervelles écervelées nos quatre vérités.

Un rapport classique à la notion de vérité

L’idée que nous nous faisons du temps, la façon même dont viscéralement nous le ressentons (laquelle nous rend capable, à l’instar de Zemmour, de précisément prendre le pouls de son époque) entraîne et résulte à la fois d’une conception classique, c’est-à-dire fixiste et thomiste de la vérité. Celle-ci, bien évidemment s’inscrit en faux contre le présentisme, pis l’instantanéisme aujourd’hui dominant. Remarquons que nous évitons d’employer le terme de ‘‘relativisme’’, en ce sens que toute la question n’est pas de savoir si la vérité est relative, mais de détecter avec quoi, avec qui est-elle en relation ; non pas exactement : de quoi dépend-elle ?, mais : de qui émane-t-elle, quelle instance l’a-t-elle édictée ?

A relire, Sarah Knafo: «Et si on admettait tout simplement qu’on refuse l’islamisation de notre pays?»

Les idées de Zemmour sont ainsi en porte-à-faux avec celle de notre époque tout en continuant à imprégner l’inconscient collectif, un inconscient qui se révolte de plus en plus et aspire à devenir conscience reconnue.

Question pécuniaire, il est préférable de faire des ménages que d’être astreint au statut de jeune journaliste, d’ « intellectuel précaire ». Fin des années quatre-vingt, après J’informe (de Joseph Fontanet), le jeune Zemmour a accepté d’être mal (et parfois, pas) payé au Quotidien de Paris de Philippe Tesson dont le libéralisme avait au moins la vertu de laisser vaquer ceux qui ne savaient pas encore combien et comment ils allaient progressivement – si l’on n’ose dire – le tenir en piètre estime… le libéralisme disais-je. Passé au quotidien Le Figaro, des confrères, à l’exemple de Dominique Jamet, remarquaient la place encore à l’époque restreinte dévolue à ses papiers. On sentait que les thuriféraires de la monnaie nationale n’étaient pas en odeur de sainteté. Ils ne le sont certes toujours pas, mais, pourtant, entre-temps, la divine surprise advint, la greffe a opéré, entre le public (que d’aucuns diraient n’être qu’un certain public, peut-être la France moisie visée par Philippe Sollers) et lui.

Le journaliste français Philippe Tesson photographié en 2011 © BALTEL/SIPA

Les raisons de la réussite de cette greffe demeurent une énigme si l’on sait que le courant dominant des grands médias demeure libéral-libertaire et que, contrairement au cliché, « la société » n’a pas viré à droite

Sans remonter aux Mérovingiens, ni même à la Convention de 1792, mais, seulement à l’Assemblée nationale de 1969 – lorsque ce que l’on ne nommait pas alors « la droite », mais la « majorité présidentielle » gaulliste (c’est quand La chose n’y est pas qu’on y met le mot faisait dire le théâtre de Montherlant à l’un de ses fameux personnages, et inversement) s’est élargie au centre-droit avec l’entrée au gouvernement du parti Démocratie et Progrès de Jacques Duhamel,- il est manifeste que, dans ses mœurs, dans son être, – plus précisément : dans l’acceptation officielle des mœurs, dans sa manière d’être -, la société française a, dans son ensemble, dérivé vers la gauche3. Par contre, l’étude de l’histoire du droit du travail et l’observation du comportement des grands syndicats depuis cette date montrent un net glissement vers le libéralisme individualiste de droite (dominante : Friedman/Hayek). L’observation clinique de la société confirme donc le diagnostic d’un Jean-Claude Michéa, qui, outre cette indissociabilité du gauchisme des mœurs et du gauchisme économique et financier,insiste sur la non neutralité de la technique, en ce sens que les NTIC, en tant que telles, favorisent cette dérive. Michéa est peut-être le meilleur théoricien, l’expression la plus articulée du sens commun zemmourien. (Laetitia Strauch-Bonart, qui se dit disciple de Michéa, ne nous démentira pas).

Si nous parlons de sens commun zemmourien, c’est, certes, que son diagnostic et son pronostic seraient le plus couramment répandus, mais, aussi et surtout, que la société, que toute société digne de ce nom (qui répond à la définition du mot société) est structurellement de droite

Autrement dit, et aussi paradoxal que cela apparaisse de prime abord : la politique de droite (toutes matières confondues) est naturelle, est conforme avec la structure inhérente à toute société. Elle suppose (et implique réciproquement) une hiérarchie des décideurs, c’est-à-dire une structure nécessairement pyramidale des normes… droite/gauche… composition de la Convention… droit de veto (relatif ou en dernier ressort) du roi… Mais cet ordonnancement n’est pas seulement vertical ; il est aussi horizontal si l’on s’en rapporte à l’organisation tri-fonctionnelle de la société telle que révélée par Georges Dumézil et que les trois ordres de l’Ancien Régime n’ont fait que décalquer. Autrement dit, il existe des invariants qui, par définition, plus ou moins enfouis, plus ou moins tabous selon les époques, ne peuvent que demeurer. Au sens de manant (le membre de la petite noblesse qui, sous l’Ancien Régime, veut se maintenir sur ses terres et maintenir ses traditions), Éric Zemmour est donc un demeuré. Il veut étirer le temps, éterniser (tant faire se peut, et toute la question est de savoir si l’on peut prétendre que cela soit possible) l’instant d’avant. Et c’est en partie ce que l’on appelle la Tradition.

Les conceptions zemmouriennes ne sont peut-être pas sans lien avec la religion hébraïque biblique 

Boris Cyrulnik faisait observer qu’historiquement, les Juifs avaient été des « agitateurs culturels ». Et, de fait, de Jésus-Christ à Judith Butler en passant par Daniel Bensaïd et Marx, en a-t-on souvent intellectuellement cette vision. Mais, cet anti-essentialisme exacerbé, cette aversion envers toutes prédéterminations et déterminations radicales en l’homme (qu’on pourrait résume par cette formule : il est de l’essence de l’homme de n’avoir aucune essence) ne correspondent toutefois qu’à une portion du monde juif4. Le judaïsme, pris ici à l’instar de ce que Claude Tresmontant désignait du nom de ‘‘religion hébraïque biblique’’, effectue un geste opposé (cf. par exemple la pensée d’un Léo Strauss ou d’un Bergson). On agite le verre de vin, puis on laisse reposer. Et on s’intéresse, on isole, on préserve et conserve ce qui se sera déposé ; c’est le ‘‘dépôt de la foi’’. Pour l’essentiel s’assimile-t-il au Décalogue, à la Loi naturelle, lesquels, tout au long de l’histoire des hommes, agissent à la lettre comme un garde-fou, le mettant en garde contre ce qui est la tentation permanente du genre humain, et qu’on appelle la Tentation de Prométhée. Aussi n’est-il pas exagéré d’écrire qu’Éric Zemmour s’inscrit en faux contre, en l’homme, la perpétuelle recherche de l’autonomie, la volonté de soi-même se donner à soi-même sa propre loi au risque, bien sûr, par finir par ne plus ne s’en donner aucune : l’autonomie absolue mène à l’anomie universelle.

Solide, bien pensée (et, on l’a compris, dans les deux sens du terme), la biographie intellectuelle de Danièle Masson, en drainant toutes ces notions, contribuera à l’édification de l’Histoire des idées. Elle donnera aussi à nos descendants une idée assez exacte de l’état intellectuel et mental de notre époque qui, se diront-ils, en était ainsi venu à considérer comme inconvenante voire réprouvable une appréhension du monde somme toute conforme à la nature des choses, si tant est que les adjectifs ‘‘banal’’ et ‘‘naturel’’ puissent se dire synonymes.

Certains se souviendront de ce journaliste catholique des années soixante-dix, qui fut d’abord au nombre de ces chrétiens de gauche avant de virer sa cuti. Il est l’auteur de cette formule, qui est au fond une formule de bon sens, en ce sens qu’elle résume bien ce qu’il y a lieu de comprendre et d’admettre. Ce Jean-Marie Paupert disait donc : « l’expression judéo-christianisme est à la fois un contresens et une redondance. ». D’une part, le christianisme s’inscrit en faux contre l’affirmation première du judaïsme qui est de nier la divinité du Christ ; d’autre part, il ne fait que l’accomplir, le Nouveau Testament n’étant (selon l’Eglise) que la réalisation des promesses contenues dans l’Ancien. Or, dans l’expression de sa pensée (et il n’est point obséquieux de notre part de soutenir que Zemmour détient une pensée digne de ce nom), Zemmour montre qu’il est en déséquilibre entre ces deux « marques de fabrique », et qu’il aurait, consciemment ou non, tendance à ne vouloir estimer qu’une Eglise ayant pris ses distances avec ce que la vulgate judaïque conserverait de « progressiste ». Or, le judaïsme, c’est d’abord la Loi et les Prophètes, le Décalogue, tout ce que le monde post-moderne déteste (puisque ceux-là seuls, aujourd’hui, sont les derniers à vouloir l’empêcher d’agir à sa guise). Et puis, Zemmour, dites-vous bien que cette très ancienne hérésie chrétienne, qui a nom marcionisme et qui voudrait que le christianisme n’ait plus rien à voir avec son illustre devancier, a été, suite à Harnack, recyclée par toute la mouvance chrétienne libérale (tant catholique que protestante) pleine, pour reprendre le mot de Chesterton, de ces vertus folles qui régentent notre monde.

Une journaliste du service Culture du Figaro, il y a peu, relevait en privé et en substance – mais pour le déplorer – que le vœu le plus cher de Zemmour était de devenir catholique. Antoine Beauquier, un des avocats du président de Reconquête, a, comme on dit, l’oreille de ce dernier et, à l’occasion, pratique ce que d’aucuns, de nos jours, appellerait endoctrinement (étymologiquement parlant, bien sûr), « coaching doctrinal » ou « bienveillant enseignement ».Nul doute que l’élève a encore des questions à lui poser, pour pouvoir, le cas échéant, prendre position.

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  1. Danièle Masson, Zemmour, itinéraire d’un insoumis, éditions Pierre-Guillaume de Roux. ↩︎
  2. Danièle Masson, Dieu est-il mort en Occident ?, éditions Guy Trédaniel, 1998 ↩︎
  3. cf. Emmanuel et Mathias Roux, Michéa, l’Inactuel – Une critique de la civilisation libérale –, éd. Le Bord de l’Eau ↩︎
  4. Voir Ce soir ou jamais, France 2, 10 X 2014 : symptomatique de cette opposition, le débat Jacques Attali/Éric Zemmour. ↩︎