L’offensive du Front Polisario du 27 juin aux abords de la ville de Smara survient alors que le Congrès américain examine la possibilité de classer le mouvement parmi les organisations terroristes. Le conflit régional du Sahara occidental s’inscrit désormais dans une logique de compétition entre grandes puissances, avec Rabat courtisé par Washington, Moscou et Pékin, tandis que l’Algérie voit son isolement s’accentuer, analyse notre expert.
Nous sommes nombreux en Occident, citoyens et dirigeants, à ressentir une angoisse grandissante devant le spectacle du monde, l’effondrement de l’ordre international que nous avons dominé pendant des décennies et devant la multiplication des conflits de haute intensité et des foyers de tension. Ce monde instable et fracturé, ce monde dans lequel les appétits ne se cachent plus et la guerre entre États a fait sa réapparition, est pourtant un retour à la normal.
Fin de l’histoire
L’anomalie fut les trois décennies de paix que nous venons de vivre – paix approximative que nous avons cru perpétuelle. Endormis par l’idée (mal comprise) de la « fin de l’histoire », le mensonge (avantageux pour certains) de la « mondialisation heureuse » et l’illusion (sédative) des « dividendes de la paix », nous peinons, particulièrement nous autres Français et Européens, à sortir de notre torpeur. Il y aurait pourtant urgence à réapprendre le langage de la force et la grammaire de la géopolitique.
Car le risque que les contentieux accumulés entre le camp anti-occidental (emmené par la Chine et la Russie) et les États-Unis et leurs alliés (menacés par un découplage stratégique lourds de menaces) dégénèrent en confrontation, voire à terme en guerre hégémonique, est désormais une hypothèse à prendre au sérieux. Les rivalités s’aiguisent, les lignes de front se multiplient, des conflits locaux ou régionaux deviennent des pièces sur l’échiquier du « grand jeu » mondial.
C’est le cas de la rivalité entre l’Algérie et le Maroc, les « frères ennemis » du Maghreb, autour du Sahara occidental. Sur le plan international, Rabat a marqué d’incontestables points ces dernières années avec la reconnaissance de sa souveraineté sur la région par les États-Unis (2020), l’Espagne (2021), l’Allemagne (2022), la France (2024) et le Royaume-Uni (2025) notamment. Ces succès contribuent à isoler l’Algérie, dont les relations sont exécrables, chaotiques ou difficiles avec beaucoup de pays européens (le cas de la France étant paroxystique) mais qui ne peut pas non plus rallier trop franchement le camp anti-occidental si elle veut continuer d’écouler vers l’Europe ses hydrocarbures (qui représentent 93 % de ses exportations de marchandises et 47 % de ses recettes budgétaires).
La situation au Sahara occidental s’est récemment tendue avec l’attaque au mortier par le Front Polisario, le 27 juin dernier, d’une zone inhabitée à proximité de la ville d’Es-Smara (ou Smara, 56 000 habitants), sans faire de victimes. L’organisation a revendiqué les tirs et les autorités marocaines affirment avoir éliminé leurs auteurs. Cet attentat est un nouveau jalon dans la rupture de la trêve en novembre 2020, après près de trente ans de cessez-le-feu.
Mais il faut inscrire cette attaque, aux conséquences limitées sur le terrain, dans une séquence internationale plus large. En effet, la veille à Washington, le représentant de la Caroline du sud Joe Wilson avait déposé un texte au Congrès visant à inscrire le Polisario sur la liste des organisations terroristes étrangères. Il faut comprendre cette proposition, qui exaspère à Tindouf (siège de l’organisation) et à Alger, à deux niveaux : au niveau local, pour mettre la pression sur la partie qui rechigne à toute négociation ; à l’échelon international, parce que le Sahara occidental constitue l’un de ces fronts, secondaires mais pas négligeables pour autant, où se jouent les rivalités entre grandes puissances.
Tebboune lâché par Moscou ?
C’est ainsi que la Russie, historiquement proche du régime algérien et tenant d’un règlement « pacifique et durable » du dossier sahraouis fondé sur les résolutions des Nations unies, souffle le chaud et le froid dans sa relation avec Rabat. Sur le Sahara occidental, alors que Vladimir Poutine ne donna aucune garantie au président algérien Abdelmadjid Tebboune lors de sa visite à Moscou en juin 2023 (au grand dam de ce dernier), son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a rassuré l’Algérie en janvier dernier en rappelant que la crise « devrait être résolue sur la base du principe d’autodétermination » et en réaffirmant la pérennité du partenariat stratégique avec Alger.
C’est que la position russe s’inscrit, nous l’avons dit, dans un contexte de rivalités d’influence croissantes sur le continent africain où les économies émergentes attirent de plus en plus l’œil des grandes puissances de ce monde. Moscou n’entend pas laisser à Washington l’exclusivité de la relation avec Rabat. D’autant moins que le Maroc, qui s’est mué en véritable puissance régionale ces deux dernières décennies, demeure parmi les premiers partenaires commerciaux de la Russie sur le continent africain.
Quant à la Chine, elle articule dans la région ses deux leviers habituels : non-ingérence et diplomatie économique. Concernant le dossier du Sahara occidental, Pékin a toujours prôné une certaine neutralité, ne reconnaissant ni la République arabe sahraouie démocratique (RASD), ni la souveraineté du Maroc sur le territoire (même si elle a voté en 2021 la résolution 2602 des Nations unies favorable au plan d’autonomie sous souveraineté marocaine).
Mais sur le plan économique, la balance penche désormais en faveur de Rabat, qui a réussi à s’imposer comme une plateforme d’investissement et commerciale sûre et performante au niveau africain et méditerranéen. Selon l’Institut de recherche industrielle chinois Huajing, les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint un peu plus 4 milliards de dollars américains entre janvier et mai 2025, marquant une hausse de 14,3 % par rapport à la même période en 2024. Et il faut prendre comme un signal fort, si elle est confirmée, l’information parue il y a un mois selon laquelle l’Algérie aurait renoncé à confier à la Chine la construction du grand port d’El Hamdania, projet lancé en 2015 pour rivaliser avec Tanger-Med.
On le comprend donc, la question du Sahara occidental est à analyser, comme de nombreux autres conflits dans le monde, comme une poupée russe : à son caractère régional, historique et critique pour Rabat et Alger, s’ajoute une dimension mondiale. Aucune grande puissance ne peut, ni ne veut être absente du jeu. Rien de nouveau sous le soleil de la géopolitique mondiale, dira-t-on. Si ce n’est que les Européens, nous l’avons dit en commençant, l’avaient oublié. Il serait temps de regarder le monde tel qu’il est. Gouverner, c’est choisir et choisir, c’est renoncer. Puissance affaiblie et sur le reculoir, un pays comme la France a besoin d’alliés. L’Algérie ne saurait en être un. La reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental en 2024 fut un pas dans la bonne direction. Rabat est courtisé par Washington, Moscou et Pékin. Qu’attend Paris pour aller plus loin ?
Lors des trois premières étapes du tour de France, les favoris Pogacar et Vingegaard ont confirmé leur place au classement général, tandis que Bryan Coquard a vécu une journée catastrophique marquée par l’abandon du maillot vert Jasper Philipsen.
Pour la première fois depuis sa création en 1952, le Prix de la combativité n’a pas été attribué lundi lors de la 3ᵉ étape du Tour. À la place, le jury aurait pu décerner celui « de la poisse » et, incontestablement, il serait revenu au sprinteur de la Cofidis de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique, capitale de la construction navale), Bryan Coquard.
Non seulement il a provoqué involontairement, à 60 km de l’arrivée à Isbergues, en disputant l’unique sprint intermédiaire de la journée, la chute du maillot vert, Jasper Philipsen (Alpecin-Deceuninck), le contraignant à l’abandon (fracture de l’omoplate droite et côte brisée), mais il s’est aussi retrouvé à terre lors d’un final chaotique, remporté d’un boyau par le Belge Tim Moutier (Soudal Quick-Step).
En outre, Coquard a écopé d’un carton jaune (un second entraînerait son exclusion), d’une amende de 500 francs suisses (534 euros) et d’un débours de 13 unités dans le classement par points. Mais la pénalité la plus sévère est assurément psychologique.
À l’arrivée, il avait l’air très affecté. Il était au bord des larmes. « Une sale journée, a-t-il déclaré. Faire abandonner le maillot vert, ça ne fait pas plaisir… Je ne suis pas un mauvais garçon. »
Il a la réputation d’être gentil et loyal, ce qui est rare chez les sprinteurs, des trompe-la-mort prêts à tout pour la gagne. Coquard doit se sentir encore plus contrit, car Philipsen (10 étapes sur le Tour) faisait figure de grand favori pour ramener à Paris, comme il l’avait fait en 2023, cette tunique, plus disputée que les autres années.
Les occasions de marquer des points ont été réduites à six étapes au lieu de huit, entraînant en conséquence une réduction substantielle de sprints intermédiaires, d’où une furia décuplée pour les conquérir.
Cette 3ᵉ et dernière étape dans le Nord avait pris la tournure d’une trêve après les deux premières à forte tension, suite à un accord tacite entre les équipes des sprinteurs, aidées en cela par un vent contraire dissuadant les plus téméraires de se lancer dans une échappée qui ne pouvait que faire long feu.
Mais sur le Tour, il se passe toujours quelque chose même quand il ne se passe rien.
Le peloton a musardé jusqu’au sprint intermédiaire qui s’est soldé par l’incroyable élimination du très probable vainqueur du maillot vert.
Le sprint final a aussi été marqué par une chute de Remco Evenepoel (Soudal Quick-Step), le plus sérieux rival des deux grands favoris, Tadej Pogačar (UAE), le flamboyant, et Jonas Vingegaard (Visma | Lease a Bike), l’humble.
Il avait pris la 3ᵉ place l’an dernier derrière eux. Bien que sans gravité, cette chute ne peut que le handicaper, alors qu’il a déjà été relégué à 39 secondes de ceux-ci dès la première étape, suite à une bordure provoquée par l’équipe de Vingegaard à 17 km de l’arrivée.
Ce triptyque nordique avait été conçu par les organisateurs comme une course dans la course réservée aux baroudeurs et aux sprinteurs.
La première passe d’armes entre les favoris était prévue lors du contre-la-montre de 33 km à Caen.
Or, à son issue, ce triptyque semble bien prémonitoire du classement final de cette 112ᵉ édition, Pogacar et Vingegaard ayant déjà investi respectivement les places de second et troisième au général après avoir terminé la seconde étape dans cet ordre derrière Mathieu Van der Poel, le petit-fils de Poulidor et lanceur de Philipsen.
Il y a de fortes probabilités qu’il conserve son maillot jaune conquis à l’issue de cette victoire d’étape jusqu’à Pau, avant l’entame de la montagne, vengeant de la sorte son grand-père qui ne l’a jamais endossé, bien qu’ayant eu huit podiums à son palmarès.
Quant au duel attendu entre Pogacar et Vingegaard, il semble sérieusement parasité par une « gueulante » de la femme du Danois.
Dans un entretien donné au quotidien de Copenhague Politiken, elle a affirmé que l’équipe de son cher époux ne lui était pas entièrement dévouée, à l’inverse de celle de Pogacar à l’endroit de celui-ci.
Elle a en particulier mis en cause Wout van Aert, qui jouerait sa carte personnelle (voir encadré). Les trois premières étapes ont pourtant montré le contraire. Donc, pourquoi cette affirmation intempestive ?
La gueulante de Mme Vingegaard Elle n’a pas mâché ses mots, Mme Trine Vingegaard Hansen, épouse du double vainqueur du Tour et favori de cette édition, et en outre son agent. Elle a clairement laissé entendre dans son entretien avec le quotidien danois Politiken que son équipe Visma-Lease a Bike n’était pas entièrement à son service. « Elle doit se concentrer sur la victoire finale. Si on commence à viser des victoires d’étape pour d’autres, c’est au détriment de Jonas. » Elle visait implicitement Wout van Aert qui a, sans doute, carte blanche pour aller en chercher une. Le principal intéressé a répondu laconiquement que « l’équipe sait ce dont elle dispose avec moi. C’est un sentiment que ne partage pas Jonas ». Quant à ce dernier, peu prolixe comme à son habitude, il s’est borné à déclarer : « Je m’en fiche, c’est sans importance. » Cette mise en cause, à première vue, semble inappropriée. Les trois premières étapes tendent à prouver que Vingegaard dispose d’une solide et soudée équipe, apparemment plus que celle de Pogacar. C’est elle qui a provoqué la bordure, une manœuvre audacieuse, lors de la première étape, qui a relégué à 39 secondes Remco Evenepoel, le troisième favori, et surtout isolé dans le final Pogacar, montrant que celui-ci doit davantage compter sur lui-même que sur ses équipiers. De plus, Wout van Aert a toujours démontré qu’il savait se mettre au service du collectif quand nécessaire, d’autant plus sachant que gagner un Tour ne sera jamais à sa portée. Les propos de l’épouse de Vingegaard semblent être inspirés par un certain désarroi propre à la vie des femmes de coureurs, faite, comme celle des marins, de solitude. À quoi bon tous ces sacrifices consentis si la victoire n’est pas au bout ? C’est peut-être le message qu’elle a voulu envoyer. Une place de second, c’est certes bien… mais ça s’oublie vite… En préambule, elle a dit au sujet de son mari : « Je pense qu’on le pousse trop loin. J’ai peur qu’ils le brûlent par les deux bouts. Je pense que parfois les athlètes sont d’abord des êtres humains. » Sur ce point, elle a sans doute raison : les coureurs cyclistes ne sont-ils pas devenus des machines à pédaler ? •
Dans le cadre des Rencontres Économiques d’Aix qui se tenaient en fin de semaine dernière, la ministre de l’Éducation a répondu aux questions de Geneviève van Lede, dans La Provence du 1er juillet. Une page entière pour ne rien dire, sinon des truismes éculés, des idées reçues et des intentions à côté de la plaque. À croire, prétend notre chroniqueur, que c’est ChatGPT qui a répondu à sa place : seule une Intelligence Artificielle peut à ce point parler pour ne rien dire…
Résumons les déclarations de la ministresse (le féminin existe, je ne vois pas pourquoi on ne l’utilise pas, plutôt que d’employer des barbarismes répugnants comme « la » ministre). Elles occupent une page entière de La Provence, qui détient le monopole de l’information dans le Sud profond et appartient désormais au groupe CGM-CMA, qui s’est offert aussi BFM l’année dernière : les industriels depuis quelques années mettent les deux pieds dans les médias.
Rassemblement !
À quelques jours des résultats du Bac, dont on savait déjà qu’ils seraient bons, c’est-à-dire catastrophiques, Elisabeth Borne ne s’interroge pas sur les programmes, qu’il faut urgemment réécrire. Elle ne s’inquiète pas de cette Ecole à deux vitesses où, quand vous êtes né dans un ghetto (y compris un ghetto de riches), vous y restez, l’ascenseur social étant désormais une fiction complète. Elle ne promet rien aux enseignants, notoirement sous-payés et sous-formés. Non, elle « veut porter un message de confiance, celui d’une République rassemblée » : les profs harcelés par les parents, les élèves menacés parce qu’ils n’appartiennent pas à telle ou telle « communauté », la baisse catastrophique du niveau soulignée par les services de l’Etat, elle n’en a que faire.
Elle se félicite du plan « Filles et Maths » et compte imposer des classes à parité égale (c’est le principe d’une parité, non ?) afin de former de futures « ingénieures ». Mais la parité en Droit ou en Médecine, où les filles sur-dominent les garçons, on n’en parle pas ? Le plan « Garçons et Lettres », elle le lance quand ?
Et si cette division « genrée » (pardon de m’exprimer comme une hyène de garde intersectionnelle) était fondée sur les goûts et compétences des unes et des autres ?
Je suis un malade mental
La ministresse se soucie aussi de la santé mentale des jeunes : pourrait-elle tenter d’imaginer qu’il y a un rapport entre la friche dans laquelle on laisse ces jeunes cervelles et l’angoisse qui les étreint, quand ils ne se mettent pas au service de la première transcendance qui passe avec un voile sur la tête ?
Elle déplore la « surexposition aux écrans »… Mais en même temps, la disparition des manuels-papier oblige les acteurs de l’Education à avoir de plus en plus recours aux machines : un jour peut-être apprendrons-nous que des intérêts puissants jouaient en sous-main pour obliger les gouvernements européens à acheter en masse du hardware et à remplacer les profs introuvables par du software en général et de l’Inintelligence Artificielle en particulier. Personne ne peut raisonnablement penser que des machines programmées pour ne contrarier personne peuvent remplacer des profs compétents et imaginatifs.
En revanche, la « généralisation de l’éducation à la vie affective et sexuelle », ça, c’est une ambition plus urgente que d’apprendre à lire et à écrire à des élèves qui, du CP à la Terminale, ne maîtrisent pas les rudiments du français — pardon : du créole, pour parler comme le Lider Maximo du groupuscule LFI.
Et si on bazardait tout ?
Et la suppression du Bac, que Parcours Sup, qui rend ses verdicts avant les épreuves de Terminale, a rendu obsolète, on n’en parle pas, Madame la ministresse ? François Bayrou, qui cherche des ressources substantielles, pourrait économiser un peu plus d’un milliard en supprimant un examen qui ne correspond plus à rien, puisqu’il est distribué à plus de 95% des candidats, avec une telle inflation de mention Très bien que franchement, on est fier de vivre dans un pays si plein de HPI.
Elisabeth Borne plaide pour une « année de césure » post-Bac : on avait essayé ça dans les années 1970, en imposant aux néo-Bacheliers de faire leur service militaire dès l’examen passé. Avec pour effet évident que les plus démunis avaient bien du mal à reprendre des études après une année passée à baguenauder sur le Larzac ou le plateau d’Albion… Quelqu’un parie avec moi que la césure imaginée par Elisabeth Borne aurait le même effet de démobilisation intellectuelle ? Une bonne manière de désengorger les facs, et d’éviter qu’elle affiche les taux sidérants d’échecs en première année de Licence — 60% de chute…
Franchement, elle s’ennuyait, Elisabeth Borne, à gérer sa retraite de Premier ministre ? Après Matignon, elle voulait essayer la rue de Grenelle ? Peut-être est-ce un jeu de chaises musicales, entre ministres, ou de comptine du furet — tu es passé par ici, tu repasseras par là.
Suggérons à François Bayrou de redonner du sang neuf et un vrai projet, à la rentrée. Quelque chose qui reconstruise l’Ecole pour les vingt ans à venir. Sinon, je vous le dis en vérité, les gilets jaunes reviendront — avec des fourches.
La droite française, en quête d’honneur et de clarté morale, se débat entre soutien politique à Israël et malaise croissant face aux excès de sa politique à Gaza. Une tribune libre d’Alexandre de Galzain, journaliste à « Radio Courtoisie ».
Nous savons parfaitement que le texte d’Alexandre de Galzain va ulcérer plus d’un lecteur. Les idées qu’on ne partage pas, c’est souvent dur à supporter, y compris pour votre servante. Mais c’est notre boulot. Le nôtre et aussi le vôtre chers lecteurs. C’est la douleur de la liberté, pour paraphraser Alain Finkielkraut. Si nous ne voulons pas que le débat public soit transformé en concours d’invectives, chacun doit jouer le jeu et s’imposer de répondre à l’argumentation par l’argumentation. Face à la contradiction, certains ne connaissent que l’injure et la menace : ce sont les Insoumis, pas les lecteurs de Causeur. Ici, il n’y a pas de sujet interdit – et certainement pas la politique de Benyamin Netanyahou. Ne tournons pas autour du pot. Il y a chez beaucoup de juifs aujourd’hui une tendance à confondre critique et haine, désaccord et désaveu. Les juifs ont inventé la polémique ou, en tout cas, lui ont donné ses lettres de noblesse. Depuis des siècles, on s’empaille dans les yeshivots et synagogues – pas seulement pour des motifs théologiques d’ailleurs. Il serait désastreux que cette tradition se perde dans le buzz contemporain. Juif ou pas, cher lecteur, si votre premier mouvement est d’insulter Alexandre de Galzain (par exemple en le traitant d’antisémite), eh bien, attendez le deuxième ! Merci à tous • Elisabeth Lévy
Par réalisme, Maurras et les siens avaient suivi Drumont, Mussolini et Pétain. La droite mit un demi-siècle à s’en remettre. Par réalisme, nous avions suivi Assad et Poutine. Nous nous en relevons aujourd’hui à grand-peine, les mains encore un peu éclaboussées du sang de leurs crimes. Parce que nous sommes faibles, nous ne croyons encore qu’en la force et parce que la morale qui nous dirige aujourd’hui est mauvaise, nous rejetons en bloc toute morale. La droite commet une faute morale sur le sujet d’Israël dont elle aura bien du mal à se remettre, et qui entachera nos mains pour encore longtemps.
Le 7-Octobre, nous nous indignions justement du massacre commis par des terroristes aveuglés par la haine : dans un élan infâme de ressentiment vicié, le Hamas frappait au cœur d’Israël et déclarait la guerre. Justement, nous n’avons alors pas manqué de mots pour condamner cette violence inouïe qui avait déjà blessé notre patrie au plus profond de son cœur. Le lendemain, la gauche s’en prenait à Israël, responsable de ses propres plaies : son impérialisme valait bien mille deux cents morts.
Mensonges de la gauche
Les mois suivants, justement encore, nous soutenions Israël dans son combat contre ce Hamas qui opprimait le peuple dont il avait pris la gouvernance. La gauche, alors à tort, dénonçait un « génocide » qui n’avait pas lieu : elle était trop heureuse de se découvrir un nouveau combat, une nouvelle oppression contre laquelle lutter, un nouveau crime à des milliers de kilomètres. Surtout, ce qui est plus grave, elle a fait d’un crime une opportunité, d’une opportunité un combat, d’un combat une obsession, d’une obsession un électorat.
La gauche a dans le même temps créé et détruit sa nouvelle mystique.
Que la gauche cesse un peu de nous mentir, cela lui changera, en affirmant que son combat n’avait aucune visée stratégique ni électorale, que le droit et la justice internationaux lui tiennent tant à cœur, qu’elle n’est motivée que par une digne indignation devant l’horreur.
La gauche veut le vote et la mobilisation des musulmans. Les musulmans votent et se mobilisent quand les leurs sont attaqués. Les Palestiniens sont attaqués. Les Palestiniens sont les leurs. Il faut donc soutenir les Palestiniens pour obtenir le vote des musulmans.
Dans cette affaire, reconnaissons un peu plus d’honneur à Rima Hassan. Rima Hassan est dangereuse. Rima Hassan est de mauvaise foi. Rima Hassan ment. Rima Hassan se moque bien de la signification d’un mandat de « députée française au Parlement européen » accordé par notre peuple. Rima Hassan fait tout cela, mais Rima Hassan ne triche pas. Rima Hassan est Palestinienne, son peuple a vécu sa Catastrophe. Elle est immigrée par la faute de ces horreurs, elle défend l’honneur de son peuple. Rima Hassan ne joue pas à la Française d’origine immigrée, Rima Hassan s’en moque. Rima Hassan ne triche pas : elle clame, tant que la loi le lui permet : « Je ne suis pas d’ici, je ne serai jamais des vôtres et je défendrai les miens que vous opprimez. Alors je vous combattrai avec toutes les armes que vous me laisserez ».
Mais Rima Hassan n’est pas des nôtres, il ne sert à rien de la traiter comme telle. Nous ne parlons pas le même langage.
Images affreuses
Mais nous, nous avons triché, en plus d’avoir menti et d’avoir été de mauvaise foi. Nous avons tenté de faire croire que la gauche n’était pas sincèrement soucieuse du sort des Palestiniens alors que nous savions, alors que nous avons vu comme eux – sans doute moins qu’eux, mais nous avons vu – ces images affreuses d’enfants palestiniens massacrés, de bombes pleuvant sur une ville détruite, d’hôpitaux en ruines, de mères abattues et de pères hagards à force de deuils. Et alors, nous avons dit, presque goguenards : « ce n’est pas notre faute ! », en ajoutant, comme si notre mensonge n’était pas assez gros : « ils ne veulent même pas défendre ces gens, ils veulent simplement être élus ! » Sans le savoir, ceux qui clamaient cela à grands cris dans les journaux et sur les plateaux ne révélaient là que la profonde misère de leur esprit calculateur.
Mais n’allons pas trop vite, car dans notre naïveté première, nous fûmes honorables.
Je l’écrivais plus haut, nous n’avons pas hurlé au génocide quand il n’y avait pas de génocide. Nous n’avons pas justifié l’injustifiable, et sans doute pour des raisons manquant parfois de justesse, nous avons fait preuve parfois d’un admirable manque de réalisme en refusant de justifier la haine par la haine, la violence par la violence, la fin par les moyens. Comme les Résistants combattaient les nazis par la violence parce que le nazisme justifiait la violence, alors le même raisonnement a été appliqué à Israël. « Israël est un Etat génocidaire, Netanyahou un nazi circoncis, Tsahal les SS de Judée ! » entendait-on déjà si souvent dans la bouche de cette gauche stupide ou antisémite. Mais qui ne comprend pas aujourd’hui que si le colonialisme est un impérialisme, que l’impérialisme est un fascisme, que le fascisme doit être combattu par tous les moyens, alors Israël delenda est? Alors même que le génocide n’était pas là, on hurlait ce mot sans frémir, et on trichait pour mieux s’indigner. A ne séparer les violences que par degré et non par nature, on les place toutes dans la même corbeille, et la violence physique est justifiée par la violence sociale, et la violence verbale est justifiée par la violence symbolique.
Alors, la gauche avait tort, réellement tort d’avoir « raison » trop tôt. Il est aujourd’hui établi que le projet actuel de M. Netanyahou est d’épurer ethniquement la bande de Gaza – j’écris « épurer ethniquement » car je crois qu’il importe assez peu à M. Netanyahou que les Palestiniens vivent ailleurs, meurent sous ses bombes ou meurent de faim.
Pourtant, est-il seulement établi que le projet de M. Netanyahou en novembre 2023, en novembre 2024, en janvier dernier même, était cette même épuration ethnique ? Rien n’est moins sûr, et à dire vrai, sans doute que si l’Europe gardienne de la morale avait déclaré plus tôt qu’il fallait mettre fin à cette offensive, sans doute que si nous avions été justes et avions tenu une parole de vérité alors que M. Netanyahou commençait à s’aventurer trop loin, alors nous aurions sans doute pu prévenir la venue de ce nouveau but.
La gauche rappelle un peu ces économistes qui se sont faits une spécialité de prédire la crise économique mondiale pour l’année prochaine depuis quinze ans et qui, au bout d’un moment, finissent bien par avoir raison.
Reste-t-il encore un seul otage d’Israël aux mains du Hamas ? Il est probable que non, et M. Netanyahou s’en moque bien, et nous le savons. Le Hamas est terroriste, il l’a prouvé cent fois, mais est-il djihadiste, commet-il des attentats chez nous ? Nous savons bien que non.
Alors que savons-nous, en fait ? Ce que nous savons, c’est que des dizaines de milliers de Palestiniens dont beaucoup n’ont eu pour crime que d’être eux aussi otages de ce même Hamas sont morts sous les bombes de Tsahal. Nous savons qu’une famine, qu’une crise humanitaire a cours présentement sur cette mince bande de terre. Et alors quoi, Israël serait « l’armée la plus morale du monde » et il faudrait tout à fait lui faire confiance ? Mais que craint M. Netanyahou en empêchant toute aide humanitaire ? Que le peuple de Palestine lui lance le pain qui lui manque à la figure et que, par un pareil procédé, Tsahal essuie un revers militaire ?
Nul n’ignore plus qu’Israël veut désormais annexer tout le territoire gazaoui ; et d’ailleurs, Israël l’affirme lui-même par la voix de son gouvernement. Nous l’avons dit, ce n’est pas d’un génocide, mais d’une épuration ethnique qu’il s’agit. Chose d’abord singulière, mais surtout terrible : ce sont aujourd’hui les juifs qui condamnent un peuple à l’éternel exil.
Et alors, on devrait demeurer silencieux là encore ? Mais encore ceux qui professent l’isolationnisme n’y croient pas assez pour en faire là leur principal argument. En fait, ce qui motive avant tout aujourd’hui la droite dans la défense du gouvernement, rappelons-le, criminel, de M. Netanyahou, c’est avant tout l’avantage politique français qu’il en retire.
Nul doute que la lutte de la droite contre l’antisémitisme est aujourd’hui sincère : chaque jour, nous côtoyons cette même droite et nous pouvons l’affirmer. Oh, il y a longtemps, nous fûmes pour certains antisémites. Était-ce une minorité agissante, une majorité ? Ces antisémites l’étaient-ils d’Etat, de haine raciale, de peur ? Je n’en sais rien et au fond, peut-être bien que cela n’a pas d’importance : sur nos mains, nous avons récolté les gouttes du sang des juifs d’Europe que nous n’avons pas défendus, que nous avons parfois combattus. Heureusement, quelques hommes parmi les autres tentèrent de sauver notre honneur, mais il était déjà trop tard.
Depuis, nous avons avec toute la sincérité du monde lavé nos mains de ce sang. Nos esprits sont purs de tout antisémitisme, nos paroles vierges de cette haine. Le 7-Octobre fut ainsi l’occasion de le prouver, de montrer à la face de la France un visage libre et clair, d’offrir à nouveau au monde une droite affranchie de ses crimes du passé. Nul n’ignore plus que ni Mme Le Pen, ni M. Zemmour, ni les autres ne sont antisémites pour un sou.
Lutte contre l’antisémitisme pervertie
Mais aujourd’hui, la mystique anti-antisémite est plus que jamais pervertie par la politique.
Si effrayés d’être appelés maurrassiens, si apeurés d’être liés à Drumont ou à quelque autre horreur collaborationniste, nous avons choisi de nous boucher les oreilles sans voir que le sionisme n’était pas le judaïsme ainsi que les débats nés au temps d’Herzl auraient dû nous l’apprendre. Et qu’est-ce que le sionisme alors ? S’il s’agit du droit d’Israël à exister, nous le soutenons. S’il s’agit de l’expansion de cet Israël, du Grand Israël rêvé par le ministre Ben Gvir, nous devons le rejeter.
Il y a eu la peur du procès à notre encontre ; il y a aussi la jouissance de mener un semblable procès à nos ennemis politiques. L’antisémitisme a toujours existé à gauche et il existe encore. Et comme ce procès nous a été fait, et comme il a longtemps fonctionné même de manière injuste contre nous, d’aucuns adoptent comme stratégie de le reproduire. Oh ! nous avons bien raison de dénoncer encore aujourd’hui l’antisémitisme de certains : il fait aujourd’hui peu de doutes que M. Portes, M. Guiraud, M. Caron, Mme Obono voire M. Mélenchon ont à tout le moins développé quelques acoquinages honteux avec cette rhétorique. Mais il y a un fossé entre ces attaques légitimes et ces méthodes de déshonneur par association, de catégorisation absolue, d’anathèmes et d’impensée totale. Nous nous plaignions autrefois de l’injuste sort réservé à notre camp parce que certains étaient antisémites : qui ne comprend pas aujourd’hui qu’en répétant, et donc avalisant, les mêmes stratégies, celles-ci finiront inévitablement par nous revenir dans la face ?
Une autre justification de la droite dans sa défense inconditionnelle d’Israël, c’est qu’elle défend les juifs de France contre les musulmans de France. Les premiers ont pris fait et cause pour Israël, les seconds pour la Palestine – en grande majorité du moins, semble-t-il – et alors que la droite combat, avec justesse, l’islamisation de notre pays, défendre Israël contre la Palestine, c’est s’opposer aux musulmans. Bien sûr, le lien entre violence politique, fondamentalisme islamique et soutien au Hamas n’est plus à prouver. Pourtant, nous ne pouvons que déplorer que toute lutte pour la défense du peuple gazaoui soit assimilée à une lutte pour le Hamas, à une lutte de gauche, à une lutte antiraciste ou décoloniale – dans le sens que la gauche leur a accordé en tout cas –, à une lutte antijuive, à une lutte de ces humanistes qui n’aiment défendre les peuples lointains que pour ne pas avoir à défendre le sien. On peut défendre le peuple gazaoui noyé sous les bombes israéliennes en rejetant le Hamas, en étant de droite, en n’adhérant pas aux combats de la gauche, en défendant les juifs et en aimant son peuple, sa terre et ses morts.
On apprend depuis quelques jours qu’Israël et l’Iran sont en conflit ouvert, qu’Israël a bombardé têtes du régime et civils avant de subir une semblable riposte. Et voilà que M. Netanyahou se plaint des frappes qu’il subit. Dans sa bouche, devant l’Occident, le voilà qui affirme qu’Israël serait le rempart de la civilisation face à la barbarie, que « l’armée la plus morale du monde » serait aussi notre bouclier, qu’Israël se battrait en fait pour nous. Mais quand donc le terrorisme iranien a-t-il frappé la France ? Quand donc Israël s’est-il battu pour autre chose que lui-même ? Nous ne le lui reprochons pas d’ailleurs, mais enfin, que la droite cesse d’affirmer bêtement qu’Israël « fait le travail que nous ne voulons pas faire » : M. Netanyahou combat l’Iran comme M. Assad combattait l’Etat islamique – c’est-à-dire qu’il fait face aux conséquences dont il est partiellement responsable et que ce combat sert bien son maintien au pouvoir.
L’Israël de M. Netanyahou, bouclier de la civilisation occidentale, de la chrétienté ? La belle affaire ! Il a été établi que M. Netanyahou finançait l’Etat islamique à Gaza contre le Hamas, qu’il finançait l’Azerbaïdjan contre l’Arménie, qu’il méprisait et insultait les chrétiens autochtones ! Ah, et quel beau gardien de la morale que celui qui massacre femmes et enfants par milliers, qui met en péril la sécurité du monde par ses nouvelles offensives ! On me répondra que l’Iran était un danger pour le monde entier : chacun sait que c’est faux, que les mollahs oppriment ignoblement leur peuple, mais qu’ils n’ont jamais représenté la moindre menace pour l’Occident.
L’aveuglement volontaire de la droite de la situation israélienne est particulièrement préjudiciable en cela qu’elle refuse de comprendre que l’intérêt de M. Netanyahou réside en sa propre personne. Ce politicien corrompu, que toute la France abhorrerait si elle devait subir son règne, n’a pour but que d’échapper à la prison qu’il mérite tant. Comme la gauche se montre bien plus conciliante envers les dictatures de son camp, la droite fait de même et s’aveugle « par réalisme ». Mais quel réalisme est celui qui entache nos mains de sang, qui oublie deux mille ans de morale et de civilisation pour un simple intérêt politique temporaire ? En vérité, le camp de la morale est bien plus ardu à défendre que celui, court-termiste, du réalisme.
Si nous ne voulons pas répéter l’erreur que nous fîmes avec Poutine, Assad ou d’autres autrefois, il ne reste à la droite qu’une voie : celle de l’honneur. La voie de l’honneur aujourd’hui est simple : condamner sans équivoque la politique de M. Netanyahou, défendre le peuple gazaoui, cela sans jamais verser dans les erreurs et excès de la gauche que nous avons décrits. Dans toutes les rédactions de droite, du Figaro à Frontières en passant par CNews ou Valeurs Actuelles ; dans tous les partis politiques de droite des Républicains au Rassemblement national en passant par Reconquête, j’ai entendu pester contre les excès d’Israël, contre les excès de ce sionisme débridé, contre les massacres en cours à Gaza. Nous sommes nombreux à être révoltés devant le spectacle de mensonges et d’omissions en cours sous nos yeux. Nous sommes nombreux, levons-nous. A l’honneur de la droite manque encore le courage. Espérons qu’elle le trouvera.
L’heure est venue du grand ressassement. ChatGPT est un ennemi mortel.
C’est la nature singulière, originale, imprévisible de l’acte d’écriture que menacent d’effacer aujourd’hui les robots conversationnels comme Chat GPT. N’écrivez plus, ne créez plus ! Nous disent-ils. Recopiez ! N’inventez plus ! Vous feriez de toute façon moins bien, moins riche, moins séduisant. Acceptez l’insigne médiocrité de votre mise en mot singulière et inclinez-vous plutôt devant la quantité impressionnante des data et la puissance stupéfiante des algorithmes qui les sélectionnent et les agencent afin que vous soit livré un résultat sans aspérités ni surprises.
Masse informe
Surtout, surtout ne rêvez plus « d’inécrit » ; n’imaginez pas que vous puissiez jamais écrire ce que jamais personne n’a écrit, penser ce que jamais personne n’a pensé, transmettre ce que jamais personne n’a transmis. Tout est déjà écrit et stocké ; l’heure est donc venue du grand ressassement. Et si, par un hasard « malencontreux », émergeait de la triste banalité une idée inédite, une proposition originale, une image audacieuse ou une innovation scientifique elle ne serait en aucun cas offerte à la discussion collective, au questionnement et à la critique, alimentant ainsi l’intelligence collective. Elle se fondrait illico dans la masse informe des data prête à être débitée pour combler nos désirs étiquetés. L’espoir de laisser par l’écriture la trace d’une pensée à nulle autre pareille est ainsi dénoncé par cette machine totalitaire.
Plus grave encore, l’espérance d’une continuité spirituelle défiant notre disparition matérielle, qui est au cœur même de la création de l’écriture, est aujourd’hui menacée. La création de l’écriture a été tardive dans l’histoire de l’humanité (il y a quelques milliers d’années seulement) ; alors même que la construction du langage était depuis longtemps engagée. La nécessité d’assurer une continuité spirituelle ne put en effet se manifester que lorsque l’intelligence humaine osa enfin regarder la mort en face. Par le génie de l’écriture, un être humain décida de confier à un autre, qu’il ne connaissait pas, une trace de son esprit, en espérant que cette trace serait reçue quand lui-même, ne serait plus. C’est donc dans des mots envoyés au plus loin de lui-même que l’Homme trouva la meilleure défense, le meilleur abri contre la « terreur de la dilution ». Lecture et écriture portent ainsi ensemble ce que j’appellerai la « résistance existentielle ». Lire et écrire sont en ce sens absolument indissociables : « lire, c’est répondre fraternellement à l’appel désespéré de l’écriture ». L’espoir d’une immortalité spirituelle gravée mot après mot, phrase après phrase risque de changer de camp.Il peut passer du côté de la machine et l’Homme démuni risque d’être voué sans recours à la dilution. De ce point de vue, Chat GPT est notre ennemi juré ; il faut le combattre et lui interdire d’écrire et de penser à la place de nos élèves.
Lui permettre, sous prétexte de modernité, d’entrer dans les classes, serait accepter que progressivement l’écrit tombe sur les épaules courbées d’élèves inconscients qu’on leur vole ainsi une part essentielle de leur humanité. Ils seront soulagés d’être dispensés de toute attente, de tout délais imposés par un tâtonnement souvent laborieux qui les exaspèrent et pourraient les mettre dans une colère souvent rentrée et paralysante. Pour la plupart, ces élèves rendus fragiles par cette machine infernale, deviendront incapables de faire l’effort de construire eux-mêmes des réponses par le récit, par le dialogue et par l’argumentation. Savoir, oui ! Apprendre à construire eux-mêmes malgré leurs doutes et leurs inquiétudes, non !Ce « temps de débat interne » ferme et serein qui est nécessaire à la mise en mots écrits d’une réflexion, provoquera chez ces élèves d’un nouveau type la dispersion et la déroute. Ils vivront cette obligation comme un vide, comme une faille, parce que le doute, l’incertitude et la distance seront devenus pour eux trop douloureux pour pouvoir stimuler l’activité de penser. Au lieu de ressentir l’anxiété légère et normale que provoque naturellement le fait de ne pas avoir encore écrit, c’est une terrible frustration qui les envahira quand il faudra associer, faire des liens, en un mot… écrire contre soi-même et contre l’Autre. Piégés dans un univers où le trivial le dispute au superficiel et le prévisible à l’imprécis, les élèves chemineront sur la voie de la passivité car ils se seront habitués à se contenter de réponses immédiates, évidentes et définitives. Voilà ce que nous promet l’usage scolaire de CHAT GPT.
« La ligne de Glucksmann se rapproche plus du macronisme de 2017 que du Nouveau Front populaire de 2024 », critique poliment dans la presse Manuel Bompard, l’un des principaux lieutenants de Jean-Luc Mélenchon. Mais en coulisses, les cadres de La France insoumise sont convaincus que le populisme démagogique et la force de frappe rhétorique de leur chef écrabouilleraient le leader de Place publique dans l’hypothèse d’une primaire à gauche.
S’il y a bien un homme que j’estime à gauche, c’est Raphaël Glucksmann, qui caresse de plus en plus l’idée de se présenter en 2027, au nom de « Place publique », et pour vaincre Jean-Luc Mélenchon. Et j’ai peur pour lui.
La politique, c’est un métier
Quand un de ses proches déclare « qu’il ne faut pas avoir peur de se faire défenestrer par La France insoumise » à Carl Meeus du Figaro Magazine, il énonce sur un mode positif ce qui risque d’être au contraire le sort de Raphaël Glucksmann dans cette joute à venir que je perçois comme très inégale. Dans le rapport de force qui pourrait s’annoncer au sein de la gauche et de l’extrême gauche, je crains que Glucksmann, aussi estimable qu’il soit, malgré sa conviction qu’il a su faire sa mue de l’intellectuel engagé au politique partisan, soit handicapé par sa finesse et son honnêteté mêmes.
Face à l’instinct de tueur de Jean-Luc Mélenchon qui ne fera pas de quartier, pas plus dans la mouvance LFI qu’à l’égard des candidats kamikazes déclarés comme François Ruffin, et encore moins contre des personnalités comme celle de Raphaël Glucksmann, qui résistera ? Raphaël Glucksmann me paraît assurément relever du registre suscitant le plus de détestation de l’autocrate Mélenchon : une forme de morale tentant de faire oublier sa possible faiblesse derrière un verbe belliqueux. Avec la crainte, pour tous ceux qui apprécient Raphaël Glucksmann et la constance de son combat et de son opposition aux idéologies extrémistes, que sa posture jure avec ce qu’il semble être véritablement. Et notamment sa noble inaptitude à proférer n’importe quoi en le qualifiant de vérité. Sa confiance en lui-même, tellement réduite par rapport à l’arrogance d’exister de Mélenchon, ne le conduira jamais à mon sens à se préférer à une lucidité même préjudiciable à sa cause.
Rouleau compresseur
Quand on évoque « entre Glucksmann et Mélenchon, le match qui vient à gauche » (Pierre Lepelletier dans Le Figaro), comment passer sous silence la formidable oralité du second et l’intelligence argumentative du premier ? Celle-ci, aussi convaincante qu’elle puisse être dans un monde urbain et civilisé, pourrait se trouver fragilisée par un rouleau compresseur de concepts, d’affirmations, de provocations, se souciant comme d’une guigne de la pertinence au bénéfice de l’efficacité.
Ce n’est pas à dire que Raphaël Glucksmann n’aurait pas certains atouts face à l’épouvantail Mélenchon mais si je confirme avoir peur pour lui, c’est que je mesure à quel point ses vertus pourraient être précisément son handicap.
Il n’empêche que dans un univers politique qui me permet l’objectivité de la distance, je salue, par avance, la victime de qualité que sera Glucksmann face au bourreau Mélenchon.
En 2018, l’islamologue Ralph Ghadban déclenche une onde de choc avec Arabische Clans, la menace sous-estimée. Son enquête explosive sur les dynasties criminelles arabes, qui règnent sur des quartiers de Berlin et au-delà, le place sous protection policière. Au-delà du crime, le clan Mhallami, galvanisé par Al-Ahbash, organisation islamiste rivale des Frères musulmans, porte un projet politique sinistre : imposer un califat en Europe.
À Berlin, les nouveaux seigneurs du crime parlent arabe
Tarek, membre d’un Arabische Clan berlinois et vendeur de coke, lâche à Ralph Ghadban : « L’État allemand ne m’intéresse pas. On suit nos propres règles. Sinon, on ne ferait pas toute cette merde. »[1] Le ton est clair, la mentalité aussi.
Dans son livre, Ghadban tirait le signal d’alarme. Les barons arabes tissent leur toile, et la France est à présent en première ligne.
Le 25 novembre 2019, Dresde plonge dans le noir. Un incendie volontaire grille un transformateur près du musée Grünes Gewölbe, désactivant les alarmes. Des cambrioleurs s’infiltrent, emportent des bijoux du XVIIIème siècle, dont un diamant de 49 carats, et disparaissent sans laisser de trace[2].
En mars 2017, Berlin vit un autre coup retentissant : une pièce d’or de 100 kg, d’une valeur de 4 millions d’euros, est volée au musée de Bode. Trois hommes, armés d’une hache, fracassent une vitre, chargent le butin dans une brouette et s’éclipsent.[3] Ces casses mènent au clan Remmo, un poids lourd de la pègre libanaise en Allemagne. Les autorités contre-attaquent fort : plus de 1 600 agents mobilisés, des perquisitions à tout va. En janvier 2019, trois membres du clan Remmo, jugés pour le vol de Berlin, sont acquittés. En novembre 2020, Wissam Remmo est condamné pour le casse de Dresde, mais d’autres suspects restent introuvables.
L’Allemagne découvre enfin ce que beaucoup préféraient alors ignorer : des grandes familles kurdes, palestiniennes et libanaises — les Remmo, Al-Zein, Ali-Khan, Chahrour, Miri… — ont pris le contrôle du crime organisé dans plusieurs grandes villes, de Berlin à Francfort. Leur arsenal ? Vols, trafic de drogue, extorsion, proxénétisme, blanchiment d’argent. En 2018, la police berlinoise frappe un grand coup en saisissant 77 biens des Remmo, une famille libanaise appartenant au groupe ethnique des Mhallami, pour 10 millions d’euros. Mais ce coup de filet reste dérisoire face à un empire qui semble à présent inébranlable.
Les Mhallami, la fracture invisible de l’Allemagne
Les Mhallami, des Kurdes arabisés originaires du sud-est de la Turquie et du nord de la Syrie, ont trouvé refuge au Liban dès les années 1920, chassés par la misère et les persécutions. Marginalisés dans les quartiers pauvres de Beyrouth ou Tripoli, ils ont fui la guerre civile libanaise (1975-1990) pour atterrir en Allemagne, souvent via des chemins clandestins avant la réunification.
Descendant de peuples nomades, cette diaspora obéit à une loi immuable : le clan prime sur tout. Ce qui se trouve en dehors, en l’occurrence l’Allemagne, n’est perçu que comme un espace à piller et à dépouiller sans la moindre retenue. Pour eux, le pays hôte est un territoire ennemi qu’il faut dominer et conquérir afin d’assurer la survie du groupe. Refusant toute intégration civique, avec des taux de chômage oscillant entre 80 et 90%, ils rejettent systématiquement les emplois soumis à des cotisations, de peur de voir leurs allocations sociales disparaître. Ces aides de l’État allemand (aide au logement, allocations familiales, aide à l’ameublement et à l’habillement…), loin d’être perçues comme un soutien temporaire, sont assimilées à un revenu de base acquis.
Le clan des Mhallami, une communauté de 100 000 individus issus de mariages claniques endogames, constitue une sorte d’État parallèle, exerçant une influence dominante dans certaines régions d’Allemagne. Dans leurs zones d’influence, les interventions policières nécessitent au minimum deux véhicules de patrouille, souvent appuyés par des hélicoptères, pour éviter d’être submergées par des groupes hostiles. La crainte des juges conduit fréquemment à la remise en liberté des accusés, à l’image d’Ibrahim, leader Mhallami d’une guérilla ayant blessé 24 agents de police, libéré en raison d’un prétendu « stress émotionnel extrême ».
Les écoles allemandes sont également sous forte pression à cause des Mhallami. Chez eux, une fatwa interdit aux filles de s’éloigner, lors des sorties scolaires, au-delà de ce qu’un dromadaire peut parcourir en une journée – soit environ 80 km. Les familles lancent des poursuites judiciaires contre les établissements qui proposent aux filles des cours de sport, de natation ou d’éducation sexuelle. On apprend aux enfants à ne pas serrer la main des instituteurs et les réunions parents-profs sont boycottées pour éviter tout contact avec les « kouffars ». Les écoles, dépassées, embauchent des médiateurs turcophones pour tenter de calmer le jeu, mais rien n’y fait. Et si un gamin Mhallami se dispute dans la cour de récré ? Ses grands frères rappliquent, frappent les autres élèves, les profs, les directeurs et finissent enfin par démolir les classes.
Al-Ahbash : l’islam politique en embuscade
Les Mhallami, ni Libanais, ni Turcs, ni Allemands, s’appuient sur un islam rigoriste pour façonner leur identité et structurer leur communauté. Leur allégeance va d’abord au clan, mais l’islam en est le pilier. La diyya, compensation financière traditionnelle destinée à régler les conflits, occupe une place clé, mais chez eux, ces fonds profitent à Al-Ahbash, mouvement islamique libanais fondé en 1983 par le cheikh éthiopien Abdullah Al-Harari. Se distinguant des salafistes et des Frères musulmans, Al-Ahbash promeut un islam « modéré » et le respect des autorités. Fortement soupçonné dans l’enquête sur l’attentat de 2005 qui a tué le premier ministre Rafic Hariri[4] et 21 autres personnes, Al-Ahbash n’a jamais été condamné, les preuves manquant.
Cette façade de tolérance a séduit les autorités allemandes, lassées des Frères musulmans. Ces derniers, implantés à Munich depuis 1958 par Saïd Ramadan, gendre de Hassan al-Banna, ont longtemps été des interlocuteurs privilégiés du dialogue interreligieux. Mais leur mainmise sur les financements publics et les chaires universitaires, ainsi que leur silence lors de controverses comme le retrait des crucifix des écoles en 1995 ou le débat sur le voile en 2003, ont révélé leur agenda doctrinaire. Trop visibles, trop revendicatifs, les Frères ont perdu la confiance des autorités. Al-Ahbash, avec son image de modération, a pris le relais.
À Berlin, la mosquée Omar, siège européen d’Al-Ahbash, reçoit des visites officielles régulières. Les Mhallami, discrets mais généreux, alimentent ses caisses via la diyya et d’autres dons. Selon Ralph Ghadban, ce système n’est pas anodin : il finance un écosystème islamique destiné à poser les bases d’un futur califat en Europe. Alors que l’Allemagne s’enlise dans le débat sur le halal dans les cantines, Al-Ahbash étend discrètement son emprise vers la France, où son bras armé, l’APBIF (Association des Projets de Bienfaisance Islamique en France[5]), est actif depuis les années 1980.
L’APBIF en France : le cheval de Troie islamiste
Dans les années 1980, l’APBIF débarque à Montpellier ; elle est accueillie par une Église catholique naïve dans un élan de dialogue interreligieux, à une époque où la ville manque cruellement de mosquées. Un geste généreux ? Peut-être, mais en 2004, quand le diocèse réclame ses locaux, l’APBIF refuse de partir, lançant un bras de fer judiciaire qui fait grand bruit.[6] À sa tête, le cheikh Khalid Elzant, prédicateur libanais venu islamiser la francophonie, mais dont le parcours est loin d’être sans heurts. Envoyé à l’Île Maurice entre 2010 et 2015 pour « réislamiser » la mosquée Al-Aqsa, la plus ancienne de l’île, Elzant se retrouve au cœur d’une enquête après des propos jugés blasphématoires par le vice-premier ministre Showkutally Soodhun. Résultat : visa révoqué et expulsé manu militari.[7] De retour en France, Elzant s’installe à la mosquée de Limoux, où il continue son œuvre via un podcast YouTube, diffusant sa version rigoriste de l’islam à une audience francophone.[8]
L’APBIF s’appuie sur des relais culturels pour toucher les jeunes. Le rappeur Kery James, aujourd’hui connu pour être le réalisateur de Banlieusards, incarne cette influence. Converti à l’orthodoxie ahbashienne, il rejette les instruments de musique « impurs » (instruments à vent et à corde) et incite ses fans à se former dans les centres APBIF. Ses débuts, marqués par des textes provocateurs comme « Hardcore » (1998) (« Hardcore, deux PD qui s’embrassent dans la rue » / « Hardcore, sera la reconquête de la Palestine » / « Hardcore, comme si j’faisais sauter une bombe à Disneyland »), ont cédé la place à une posture de guide spirituel. Dans la galaxie de l’APBIF, on retrouve également Abd Samad Moussaoui, frère de Zacarias Moussaoui – surnommé le « 20ème pilote de l’air » et condamné pour son rôle dans les attentats du 11 septembre. Le sociologue Samir Amghar souligne que les sœurs Alma et Lila Lévy — exclues en 2003 d’un lycée d’Aubervilliers pour leur voile, dans une affaire médiatique retentissante — ont elles aussi fréquenté l’APBIF[9].
La France, premier pays musulman d’Europe avec une projection de 8,6 millions de fidèles[10] en 2050, n’est pas un terrain choisi au hasard : elle est ciblée délibérément comme base stratégique pour y implanter, à terme, un califat. Munich pour les Frères musulmans, Berlin pour Al-Ahbash et leur relais français, l’APBIF : ces organisations diffusent un islam politique rigoriste, infiltrant quartiers et institutions sous le masque du dialogue interreligieux. Pendant que l’État ferme les yeux, ce cheval de Troie avance, menaçant l’intégrité même de la République. Jusqu’à quand la France restera-t-elle aveugle ?
RalphGhadban. Arabische Clans: Die unterschätzte Gefahr. (en allemand) Ullstein Taschenbuch, 2019. 303 pages.
[1] Ghadban, Ralph. Arabische Clans: Die unterschätzte Gefahr. (en allemand) Ullstein Taschenbuch, 2019. 303 pages.
« La France doit cesser d’être un figurant du show perpétuel de Donald Trump ». C’est au tour de Bruno Le Maire d’y aller de sa leçon de choses géo-politico-morale, dans une tribune du Figaro[1](4 juillet). Épouvantail et exutoire, Trompe le Maudit aurait ce mérite de nous ouvrir les yeux, de nous remettre les pieds sous terre. Le « réel » est à la mode. Terminé, les naïvetés de Bisounours et rêveries des promeneurs solidaires ? Voire… À Zuydcoote, sur les plages, les pages, dans la sueur et le babeurre, Bruno Le Maire défend La Voie française, se débat. Daladier se prend pour Churchill. Naufrageurs insubmersibles, indécrottables champions du prêchi-prêcha, nos politiques sont incapables de mea-culpa, de se confronter à un réel qui les dépasse, les écrase.
Chasser l’irréel, il revient au galop
« Le réel, ce sont des menaces nouvelles à nos frontièresqui appellent des dépenses militaires à la hauteur des enjeux stratégiques… des capacités nucléaires iraniennes simplement endommagées…les souffrances infligées à Gaza…la progression des troupes russes en Ukraine… des surcapacités chinoises qui font courir un danger de mort à nos industries…
La vocation de la France est de rassembler les forces européennes au service d’un travail politique et diplomatique qui seul donnera des résultats durables. Ce combat, elle doit le mener en convainquant ses partenaires européens de sortir de leur fascination infantile pour des États-Unis qui nous ont clairement signifié, de Barack Obama en passant par Joe Biden, notre congé du monde.Tant que les Européens verront dans le président américain un « Papa », ils resteront des enfants…
Les choses bougent… Mais tout va encore trop lentement. Tout est trop faible. Donc : arrêtons de regarder le show, défendons nos intérêts vitaux… Il est temps que les Européens se comportent en adultes, élargissent leurs alliances à de nouveaux partenaires, rassemblent leurs forces économiques, financières, scientifiques, qui sont immenses… ».
La vocation de la France est de lutter contre la distraction du monde. Le show perpétuel de Donald Trump est opportuniste et erratique. Il fait un mauvais usage de l’impressionnante domination militaire et technologique des États-Unis – car il crée du désordre plus qu’un nouvel ordre. Aucune nation européenne ne peut le suivre sur ce terrain. Le réel reprend toujours ses droits. Il nous appartient de le prendre en main. Vite, et fort ». Quand les borgnes sont franchis…
Yakafocon. Un vide sidéral, l’anaphore hollandaise, les antiennes de circonstance, des incantations macroniennes, flottent dans un court-bouillon de truismes. Aucune proposition concrète, originale, réaliste pour sortir de l’ornière. La vérité, Bruno, tu nous fais de la peine ! Comment un politique galonné, énarque, major de l’agrégation de Lettres modernes, peut-il aligner autant de platitudes, être aussi naïf et superficiel ? La cerise sur le gâteau de yaourt ce sont les 7 ans, 4 mois et 4 jours que Bruno Le Maire a passé à la tête du ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Les délices de l’hétérotélie : Coué qu’il en coule, La Vérité si je mens.…
La réalité dépasse l’affliction
« La vocation de la France, fille aînée des Lumières, est de regarder ce réel en face ». Le ministre se suce la langue et oublie Héraclite. Ni le soleil, ni la mort, [ni la vérité, en France] ne peuvent se regarder en face. La vérité, c’est que nos politiques prennent les mots pour des faits, que Marianne a passé l’âge des vocations, des Lumières, des miroirs, du réel et du rimmel. Chaos debout, dé(cons)truite, aux outrages, elle s’en va, à crédit, à vau-l’eau. Les Regrets, mensonges et naïvetés ne changent rien à l’affaire. Marianne se meurt, Marianne est morte.
Le réel, c’est un pays en pleine crise de nerfs, gangréné par les rezzous sociaux, le communautarisme, l’islamo-hystéro-trotskysme attisés par Dominique de Mélenchon de Villepinte, le bateau ivre d’une dette colossale, les clapotements furieux des monnaies, une industrie en cessation des paiements, toujours plus d’impôts, le recrutement d’un million de nouveaux fonctionnaires depuis 25 ans, alors que l’on prétend assainir les finances publiques.
Le réel, c’est l’écroulement de notre système éducatif, l’école des fans de Bourdieuseries, les consignes aux correcteurs du Brevet et du Bac pour maquiller le naufrage. C’est la Culture minée, non par les coupes budgétaires, mais par la nullité de ses ministres, les batailles d’Hernani.que, les Franciscains de Cour d’Honneur, avides de présidences, prébendes et subventions. Ce sont les apparatchiks de l’audiovisuel public, planqués dans leur roue de fromage avenue du Président Kennedy, qui reniflent et pourchassent le réac dans l’attente du Grand Soir. C’est le Chant des Partisans du Festival de Cannes, les rentiers des avances sur recettes, Fédayins Bella Ciao sous contrat Lancôme. Une pierre à la main ils guettent le sommet, de l’autre ils font l’aumône. Leurs aides de géant les empêchent de voler.
Le réel, hors-les-murs, dans le concert des nations, c’est la France et l’Europe qui dégringolent de la Champions League en National 3, en une décennie. Notre congé du monde, personne ne nous l’a signifié. Il était acté, logique, attendu. Il ne faut ni accuser, ni rien attendre des Yankees, des Chinois, des Russes, d’alliances imaginaires, alliés lilliputiens. Les défaites ne sont jamais étranges. Les Européens, les Français, leurs élites, Bruno Le Maire, sont seuls responsables de nos malheurs. Depuis cinquante ans, ils vivent hors-sols, dans les illusions, bons sentiments, la Com, la politique du chat crevé au fil de l’eau. Au royaume des belles idées, les faits n’ont pas d’importance. « Le plus grand dérèglement de l’esprit c’est de croire les choses parce qu’on veut qu’elles soient et non parce qu’on a vu qu’elles sont en effet » (Bossuet).
Bruno Le Maire en appelle au réel. La vérité, c’est qu’il le craint et l’esquive. La vérité c’est que le réel Bip Bip a dépassé et cornérisé Bruno Coyote. À bout de souffle, en suspension au-dessus du précipice, le Canis latrans gesticule, mouline des jambes pour essayer de retarder le moment fatal, le crash tout au fond du ravin. That’s all folks ! Bercy patron.
Cette 112e édition du Tour de France qui s’est élancée samedi à Lille – et qui a donné lieu à une aussi surprenante que tendue première étape, usante mentalement pour bien des coureurs (voir encadré : Une première étape qui promet) – ne fera aucune incursion à l’étranger, contrairement à une tradition séculaire bien ancrée.
Le dernier confinement du Tour à l’intérieur de ses frontières naturelles remontait à seulement 2020 – c’était pour cause de Covid et il s’était disputé en septembre et non juillet – jusqu’alors, ses fugues hors de celles-ci étaient systématiques.
Bien que 100% hexagonal cette fois-ci, est-ce que le Tour mérite encore d’être dit « DE » et non « EN » France et, dans ce cas, le mot tour prenant le sens de virée ? Il ne s’agit pas d’un simple et futile pinaillage sémantique.
À peine née, la Grande Boucle a manifesté une appétence certaine pour l’étranger au point de devenir atavique. Cette internationalisation l’a conduit à ne plus visiter des pans entiers du territoire national au point que son parcours se réduit désormais à ne fréquenter en règle générale qu’une moitié de la France en alternance, une année l’est, l’autre l’ouest, ou un grand sud, négligeant le plus souvent le nord. Les Alpes et les Pyrénées restent cependant incontournables car sans elles il ne serait plus ce qu’il est : une épopée populaire que rien n’érode, notamment les scandales liés au dopage.
Quand l’Alsace-Lorraine était allemande
En tout, dans son histoire, le Tour cumule 188 escapades hors frontière, certaines pouvant aller jusqu’à trois étapes, comme ces trois dernières années, en 2022 au Danemark, en 2023 en Euskadi (Pays basque espagnol) et en 2024 en Italie. La prochaine édition s’élancera de Barcelone et la suivante d’Édimbourg. Ainsi ce retour à la mère-patrie n’aura été qu’un intermède…
Sa première incursion à l’étranger date de 1906 alors qu’il n’avait que quatre ans d’existence. Son créateur, Henri Desgranges, était ce qu’on dirait aujourd’hui un souverainiste de droite. Depuis 1871, l’Alsace et la Lorraine étaient allemandes. Ce qu’il n’acceptait pas. Pour marquer symboliquement qu’elle était française, il fera parcourir au peloton 70 km en territoire annexé. Les quatre années suivantes, Metz, sous tutelle germanique, sera même ville étape. Il est surprenant que Berlin ait autorisé cette manifestation d’irrédentisme affichée. Le Tour ne reviendra en Allemagne qu’en 1964 pour célébrer le traité de réconciliation entre les deux pays signé l’année précédente.
Le Tour a toujours entretenu un discret concubinage avec la politique. Ainsi, en 1992, pour célébrer la signature du traité de Maastricht, bien que parti de Saint-Sébastien, au prix d’un long transfert, il traversera les six pays fondateurs de l’Europe (France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Luxembourg et Italie). L’Espagne avait adhéré sept ans plus tôt à l’Union européenne.
En 1994, les quatrième et cinquième étapes seront courues en Angleterre à l’occasion de l’inauguration du canal de la Manche. Vingt ans plus tôt, le Tour y avait fait une incursion d’une journée, le temps de disputer une boucle autour de Plymouth. La Grande-Bretagne avait adhéré à l’Union européenne l’année précédente. Enfin, en 1998, il se rendra en Irlande, le dernier membre de l’Europe où il ne s’était encore rendu, scellant de la sorte sa prétention à être autant européen que français.
Un détour au pays de Franco
Mais le pays qui a eu sa prédilection, c’est la Belgique. Il l’a visitée 50 fois (soit presque la moitié des éditions), vient ensuite la Suisse 37, puis l’Espagne 23. C’est en 1949 qu’il a pour la première fois franchi les Pyrénées malgré un franquisme à son apogée. Avec 18 visites, l’Allemagne ne vient qu’en quatrième position, et ce en dépit de l’amitié entre les deux pays.
En même temps, la Grande Boucle n’a pas boudé les micro-états. Le Luxembourg l’a accueillie à neuf reprises, Monaco à sept, Andorre à six, et San Marin une fois, l’an dernier. Ne manque que le Liechtenstein.
La vocation européenne du Tour est devenue patente dès 1947, après une interruption de sept années due à la Seconde guerre. Pour cette reprise, la deuxième étape s’est terminée à Bruxelles et la troisième à Luxembourg. Il reviendra en Belgique chaque année jusqu’en 1972, ce qui a frisé l’annexion.
Cette vocation sera confortée en 1954, avec le premier départ de l’étranger, à Amsterdam. Depuis il a renouvelé l’expérience 26 fois, soit un départ sur quatre et cette tendance s’accélère tant la demande des pays voisins (voire lointains comme ce fut le cas avec le Danemark) à accueillir cet événement est forte. La raison en est simple : le Tour est retransmis dans 190 pays, autrement dit dans toute la planète, l’ONU comptant 193 membres. Il y a une bonne décennie, il fut même question qu’il parte de New York.
Ce n’est pas notre faute si la France a une situation géographique exceptionnelle…
Cette européanisation, à la différence des deux autres grands tours, le Giro et la Vuelta, a été favorisée par la situation géographique de la France qui est entourée de huit pays si on compte l’Irlande et la Grande Bretagne, à la différence des deux autres qui ne partagent respectivement que trois et deux frontières.
La conséquence s’est immanquablement répercutée sur le parcours. Le Tour n’épouse plus les contours de l’Hexagone depuis le milieu des années soixante. Et l’édition de cette année est la quintessence de cette logique évolution. Son itinéraire se résume à une diagonale nord-sud avec un crochet à l’est pour ne pas faire d’infidélité aux Alpes. Les villes à la fois arrivée et départ ont disparu. Dès lors la journée d’un coureur commence par un transfert en bus vers la ville départ… Nous y reviendrons.
Cette internationalisation géographique s’est aussi accompagnée d’une forte internationalisation humaine. Nous y reviendrons aussi un peu plus tard, notamment lorsque nous évoquerons les raisons qui font qu’aucun Français ne l’a remporté depuis la victoire de Bernard Hinault il y a 40 ans. Au départ de Lille, vingt-sept nationalités y étaient représentées. Avec 38 coureurs, 20% de l’effectif, la France disposait du plus fort contingent mais aucun vainqueur potentiel.
Une première étape qui promet Cette première étape du Tour, une boucle de 184,9 km autour de Lille, n’a pas été une formalité. Certes la victoire est revenue comme prévu à un sprinteur, le Belge Jasper Philipsen, 28 ans, de l’équipe Alpecin-Decenninck, emmené de main de maître par le petit-fils de Raymond Poulidor, Mathieu Van der Poel, et premier maillot jaune. L’équipe de Jonas Vingegaard, Visma-Lease a bike, a annoncé la couleur d’emblée : elle est venue pour gagner et mener la vie dure à ses rivaux, notamment Tadej Pogacar. Second l’an dernier, Vingegaard a été « plein d’audace », comme l’a écrit L’Equipe. D’entrée de jeu, il a été offensif, provoquant un premier écrémage et il a rendu la course particulièrement stressante et tendue nerveusement. A 17 km, profitant d’un vent soutenu de côté, avec ses équipiers faisant preuve d’une solide cohésion, il a provoqué une bordure qui a relégué à 39 secondes, le troisième favori, le champion olympique Remco Evenepoel, ainsi que quelques outsiders comme Primoz Roglic, João Almeida, Carlos Buitrago. « Oui, on s’est fait piéger, a dit Evenepoel. Ce n’est pas rédhibitoire. Le Tour est long ». Certes 39 secondes, ce n’est pas beaucoup. Mais mieux vaut les avoir à son actif qu’à son débit. Peut-être pourra-t-il les récupérer lors du premier contre la montre de Caen. A cause de sa nervosité, cette première étape a été d’emblée marquée par deux abandons sur commotion après chute, ceux de l’Italien Ganna (Ineos-Grenadiers), un dur à cuire, et du Suisse Stefan Bissegger (Décathlon-Ag2R). Et aussi par la chute cocasse de deux Français, Benjamin Thomas et Mattéo Vercher, se disputant lors de la seconde difficulté le prix du meilleur grimpeur au sprint qui est revenu au premier des deux. Quant au jeune prodige français dont on attend beaucoup, Lenny Martinez, pour une raison inexplicable, il a terminé dernier à plus de 9’11’’. Ce qui aura très certainement comme conséquence de le priver d’un top 10 auquel il pouvait aspirer pour sa première participation • RU
Le racisme anti‑Blancs demeure un sujet controversé pour certains: reconnu par une partie de l’opinion, il serait limité à des actes individuels et non assimilés à une forme de racisme structurel selon la gauche. L’acteur Jean-Pascal Zadi reconnaît certes que « certains Blancs peuvent être victimes d’insultes ou d’agressions liées à leur couleur de peau », mais cela n’est pas du racisme au sens systémique selon lui: « c’est de l’hostilité ».
Le racisme antiblanc existe si peu que même les saltimbanques s’empressent d’en nier l’existence. Cette fois-ci, c’est Jean-Pascal Zadi qui s’y est collé. Pour vendre son nanar sur une expédition spatiale africaine, Le Grand Déplacement – une sorte de Black Panther made in France, sans super-pouvoirs, mais avec toutes les obsessions racialistes –, il a fait la tournée des médias et des popotes. Le 27 juin, France Info a cru bon de l’interroger sur le racisme antiblanc. Jean-Pascal Zadi a alors pris la pause d’un Frantz Fanon de banlieue et nous a expliqué doctement que « le racisme antiblanc n’existe pas », que c’est une « hérésie » et qu’insulter ou molester un Blanc, c’est – au mieux ou au pire – de l’« hostilité ».
À ce stade, on n’est plus dans la dénégation, mais dans l’inversion. Un néo-suprémacisme décomplexé. Passons sur le fait qu’il n’y a pas loin de l’hérésie au bûcher et de l’hostilité (hostis, l’ennemi en latin) à la guerre. Jean-Pascal Zadi ne pense pas, il régurgite. C’est la voix off de l’idéologie officielle financé par l’argent public. En bon perroquet du prêt-à-penser décolonial, il rabâche les mantras qui font le quotidien des universités, des salles de rédaction et du « wokisme de salon ».
Jean-Pascal Zadi ferait mieux de lire l’enquête de François Bousquet sur le racisme antiblanc : quarante témoignages bruts, crus, à fendre l’âme, dont celui d’un métis, insulté pour sa moitié blanche.
Ce racisme a tellement peu droit de cité qu’il a fallu attendre 2025 pour qu’un journaliste ose enfin donner la parole aux victimes, qui, jusque-là, n’avaient que le droit de se taire et d’encaisser. Ce livre, c’est l’anti-Zadi : il ne moralise pas, il constate – et ce qu’il constate est effrayant.
On suit les témoins de Bousquet à Bobigny, aux Ulis, à Évry, aux Mureaux, dans les quartiers chauds de Lyon ou de Marseille, jusque dans les replis de l’Isère. On se pince pour y croire, tant ce racisme quotidien s’exprime à l’école, dans les stades, dans les bus scolaires, avec une régularité mécanique qui aurait dû interroger les universitaires, les journalistes et les politiques. Pas un jour sans une insulte. Pas une semaine sans une agression. Et toujours le même silence.
Qu’est-il arrivé à la France pour que, sur son propre sol, la haine antifrançaise soit devenue un sport collectif et le cri de ralliement d’une immigration extra-européenne en rupture de filiation ? « Sale Blanc », « Putain de gwer », « Sale Français » : les insultes pleuvent et les coups suivent. Rackets, humiliations, crachats – avec en prime la morale inversée : la victime doit presque s’excuser d’exister.
Le plus tragique dans cette affaire ? Les agresseurs sont français, mais seulement de papier. Leur carte d’identité dit « République française », mais leur loyauté est ailleurs : tournée contre elle. Ce n’est pas un conflit d’appartenance, c’est une déclaration de guerre intérieure. La France n’est pas tant colonisée que congédiée de l’intérieur. Elle vit un divorce unilatéral. On lui parle dans sa langue, mais pour mieux l’injurier.
Alors, oui, Jean-Pascal Zadi, c’est du racisme antiblanc. Lourd, massif, répété. Une lame de fond qui ne dit pas son nom, parce qu’on l’interdit de parole. Et c’est justement parce qu’on nie ce racisme qu’il acquiert un caractère systémique. Parce qu’il est systématiquement nié, il est tacitement toléré. Et parce qu’il est toléré, il est en réalité autorisé.
François Bousquet le martèle : nier ces violences, c’est déjà y consentir. Ce n’est pas de la neutralité, c’est de la complicité molle. Ceux qui ferment les yeux acquiescent à ce qu’ils refusent de nommer. Ils pourraient dire comme Georgina Dufoix au temps du sang contaminé : « Responsables, mais pas coupables » ! C’est exactement cela. Ils n’insultent pas, mais ils relativisent. Cela fait d’eux les garants respectables d’une violence inavouable, qu’ils rendent possible à force d’en nier l’existence.
Voilà où conduit, cher Jean-Pascal Zadi, la négation du racisme antiblanc : dans le confort capitonné du mensonge idéologique. Lisez, toute affaire cessante, l’enquête de François Bousquet. C’est la France réelle, pas celle des plateaux où, désormais, vous vous complaisez.
Et osez un débat avec lui. On verra alors qui pense, qui fuit, qui récite. On parie que vous déclinerez. Vous n’avez pas l’habitude d’être contredit, surtout pas par les faits. Mais qui sait ? Vous pourriez en sortir grandi. Ce serait votre premier vrai rôle. Il n’est jamais trop tard.
L’offensive du Front Polisario du 27 juin aux abords de la ville de Smara survient alors que le Congrès américain examine la possibilité de classer le mouvement parmi les organisations terroristes. Le conflit régional du Sahara occidental s’inscrit désormais dans une logique de compétition entre grandes puissances, avec Rabat courtisé par Washington, Moscou et Pékin, tandis que l’Algérie voit son isolement s’accentuer, analyse notre expert.
Nous sommes nombreux en Occident, citoyens et dirigeants, à ressentir une angoisse grandissante devant le spectacle du monde, l’effondrement de l’ordre international que nous avons dominé pendant des décennies et devant la multiplication des conflits de haute intensité et des foyers de tension. Ce monde instable et fracturé, ce monde dans lequel les appétits ne se cachent plus et la guerre entre États a fait sa réapparition, est pourtant un retour à la normal.
Fin de l’histoire
L’anomalie fut les trois décennies de paix que nous venons de vivre – paix approximative que nous avons cru perpétuelle. Endormis par l’idée (mal comprise) de la « fin de l’histoire », le mensonge (avantageux pour certains) de la « mondialisation heureuse » et l’illusion (sédative) des « dividendes de la paix », nous peinons, particulièrement nous autres Français et Européens, à sortir de notre torpeur. Il y aurait pourtant urgence à réapprendre le langage de la force et la grammaire de la géopolitique.
Car le risque que les contentieux accumulés entre le camp anti-occidental (emmené par la Chine et la Russie) et les États-Unis et leurs alliés (menacés par un découplage stratégique lourds de menaces) dégénèrent en confrontation, voire à terme en guerre hégémonique, est désormais une hypothèse à prendre au sérieux. Les rivalités s’aiguisent, les lignes de front se multiplient, des conflits locaux ou régionaux deviennent des pièces sur l’échiquier du « grand jeu » mondial.
C’est le cas de la rivalité entre l’Algérie et le Maroc, les « frères ennemis » du Maghreb, autour du Sahara occidental. Sur le plan international, Rabat a marqué d’incontestables points ces dernières années avec la reconnaissance de sa souveraineté sur la région par les États-Unis (2020), l’Espagne (2021), l’Allemagne (2022), la France (2024) et le Royaume-Uni (2025) notamment. Ces succès contribuent à isoler l’Algérie, dont les relations sont exécrables, chaotiques ou difficiles avec beaucoup de pays européens (le cas de la France étant paroxystique) mais qui ne peut pas non plus rallier trop franchement le camp anti-occidental si elle veut continuer d’écouler vers l’Europe ses hydrocarbures (qui représentent 93 % de ses exportations de marchandises et 47 % de ses recettes budgétaires).
La situation au Sahara occidental s’est récemment tendue avec l’attaque au mortier par le Front Polisario, le 27 juin dernier, d’une zone inhabitée à proximité de la ville d’Es-Smara (ou Smara, 56 000 habitants), sans faire de victimes. L’organisation a revendiqué les tirs et les autorités marocaines affirment avoir éliminé leurs auteurs. Cet attentat est un nouveau jalon dans la rupture de la trêve en novembre 2020, après près de trente ans de cessez-le-feu.
Mais il faut inscrire cette attaque, aux conséquences limitées sur le terrain, dans une séquence internationale plus large. En effet, la veille à Washington, le représentant de la Caroline du sud Joe Wilson avait déposé un texte au Congrès visant à inscrire le Polisario sur la liste des organisations terroristes étrangères. Il faut comprendre cette proposition, qui exaspère à Tindouf (siège de l’organisation) et à Alger, à deux niveaux : au niveau local, pour mettre la pression sur la partie qui rechigne à toute négociation ; à l’échelon international, parce que le Sahara occidental constitue l’un de ces fronts, secondaires mais pas négligeables pour autant, où se jouent les rivalités entre grandes puissances.
Tebboune lâché par Moscou ?
C’est ainsi que la Russie, historiquement proche du régime algérien et tenant d’un règlement « pacifique et durable » du dossier sahraouis fondé sur les résolutions des Nations unies, souffle le chaud et le froid dans sa relation avec Rabat. Sur le Sahara occidental, alors que Vladimir Poutine ne donna aucune garantie au président algérien Abdelmadjid Tebboune lors de sa visite à Moscou en juin 2023 (au grand dam de ce dernier), son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a rassuré l’Algérie en janvier dernier en rappelant que la crise « devrait être résolue sur la base du principe d’autodétermination » et en réaffirmant la pérennité du partenariat stratégique avec Alger.
C’est que la position russe s’inscrit, nous l’avons dit, dans un contexte de rivalités d’influence croissantes sur le continent africain où les économies émergentes attirent de plus en plus l’œil des grandes puissances de ce monde. Moscou n’entend pas laisser à Washington l’exclusivité de la relation avec Rabat. D’autant moins que le Maroc, qui s’est mué en véritable puissance régionale ces deux dernières décennies, demeure parmi les premiers partenaires commerciaux de la Russie sur le continent africain.
Quant à la Chine, elle articule dans la région ses deux leviers habituels : non-ingérence et diplomatie économique. Concernant le dossier du Sahara occidental, Pékin a toujours prôné une certaine neutralité, ne reconnaissant ni la République arabe sahraouie démocratique (RASD), ni la souveraineté du Maroc sur le territoire (même si elle a voté en 2021 la résolution 2602 des Nations unies favorable au plan d’autonomie sous souveraineté marocaine).
Mais sur le plan économique, la balance penche désormais en faveur de Rabat, qui a réussi à s’imposer comme une plateforme d’investissement et commerciale sûre et performante au niveau africain et méditerranéen. Selon l’Institut de recherche industrielle chinois Huajing, les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint un peu plus 4 milliards de dollars américains entre janvier et mai 2025, marquant une hausse de 14,3 % par rapport à la même période en 2024. Et il faut prendre comme un signal fort, si elle est confirmée, l’information parue il y a un mois selon laquelle l’Algérie aurait renoncé à confier à la Chine la construction du grand port d’El Hamdania, projet lancé en 2015 pour rivaliser avec Tanger-Med.
On le comprend donc, la question du Sahara occidental est à analyser, comme de nombreux autres conflits dans le monde, comme une poupée russe : à son caractère régional, historique et critique pour Rabat et Alger, s’ajoute une dimension mondiale. Aucune grande puissance ne peut, ni ne veut être absente du jeu. Rien de nouveau sous le soleil de la géopolitique mondiale, dira-t-on. Si ce n’est que les Européens, nous l’avons dit en commençant, l’avaient oublié. Il serait temps de regarder le monde tel qu’il est. Gouverner, c’est choisir et choisir, c’est renoncer. Puissance affaiblie et sur le reculoir, un pays comme la France a besoin d’alliés. L’Algérie ne saurait en être un. La reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental en 2024 fut un pas dans la bonne direction. Rabat est courtisé par Washington, Moscou et Pékin. Qu’attend Paris pour aller plus loin ?
Lors des trois premières étapes du tour de France, les favoris Pogacar et Vingegaard ont confirmé leur place au classement général, tandis que Bryan Coquard a vécu une journée catastrophique marquée par l’abandon du maillot vert Jasper Philipsen.
Pour la première fois depuis sa création en 1952, le Prix de la combativité n’a pas été attribué lundi lors de la 3ᵉ étape du Tour. À la place, le jury aurait pu décerner celui « de la poisse » et, incontestablement, il serait revenu au sprinteur de la Cofidis de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique, capitale de la construction navale), Bryan Coquard.
Non seulement il a provoqué involontairement, à 60 km de l’arrivée à Isbergues, en disputant l’unique sprint intermédiaire de la journée, la chute du maillot vert, Jasper Philipsen (Alpecin-Deceuninck), le contraignant à l’abandon (fracture de l’omoplate droite et côte brisée), mais il s’est aussi retrouvé à terre lors d’un final chaotique, remporté d’un boyau par le Belge Tim Moutier (Soudal Quick-Step).
En outre, Coquard a écopé d’un carton jaune (un second entraînerait son exclusion), d’une amende de 500 francs suisses (534 euros) et d’un débours de 13 unités dans le classement par points. Mais la pénalité la plus sévère est assurément psychologique.
À l’arrivée, il avait l’air très affecté. Il était au bord des larmes. « Une sale journée, a-t-il déclaré. Faire abandonner le maillot vert, ça ne fait pas plaisir… Je ne suis pas un mauvais garçon. »
Il a la réputation d’être gentil et loyal, ce qui est rare chez les sprinteurs, des trompe-la-mort prêts à tout pour la gagne. Coquard doit se sentir encore plus contrit, car Philipsen (10 étapes sur le Tour) faisait figure de grand favori pour ramener à Paris, comme il l’avait fait en 2023, cette tunique, plus disputée que les autres années.
Les occasions de marquer des points ont été réduites à six étapes au lieu de huit, entraînant en conséquence une réduction substantielle de sprints intermédiaires, d’où une furia décuplée pour les conquérir.
Cette 3ᵉ et dernière étape dans le Nord avait pris la tournure d’une trêve après les deux premières à forte tension, suite à un accord tacite entre les équipes des sprinteurs, aidées en cela par un vent contraire dissuadant les plus téméraires de se lancer dans une échappée qui ne pouvait que faire long feu.
Mais sur le Tour, il se passe toujours quelque chose même quand il ne se passe rien.
Le peloton a musardé jusqu’au sprint intermédiaire qui s’est soldé par l’incroyable élimination du très probable vainqueur du maillot vert.
Le sprint final a aussi été marqué par une chute de Remco Evenepoel (Soudal Quick-Step), le plus sérieux rival des deux grands favoris, Tadej Pogačar (UAE), le flamboyant, et Jonas Vingegaard (Visma | Lease a Bike), l’humble.
Il avait pris la 3ᵉ place l’an dernier derrière eux. Bien que sans gravité, cette chute ne peut que le handicaper, alors qu’il a déjà été relégué à 39 secondes de ceux-ci dès la première étape, suite à une bordure provoquée par l’équipe de Vingegaard à 17 km de l’arrivée.
Ce triptyque nordique avait été conçu par les organisateurs comme une course dans la course réservée aux baroudeurs et aux sprinteurs.
La première passe d’armes entre les favoris était prévue lors du contre-la-montre de 33 km à Caen.
Or, à son issue, ce triptyque semble bien prémonitoire du classement final de cette 112ᵉ édition, Pogacar et Vingegaard ayant déjà investi respectivement les places de second et troisième au général après avoir terminé la seconde étape dans cet ordre derrière Mathieu Van der Poel, le petit-fils de Poulidor et lanceur de Philipsen.
Il y a de fortes probabilités qu’il conserve son maillot jaune conquis à l’issue de cette victoire d’étape jusqu’à Pau, avant l’entame de la montagne, vengeant de la sorte son grand-père qui ne l’a jamais endossé, bien qu’ayant eu huit podiums à son palmarès.
Quant au duel attendu entre Pogacar et Vingegaard, il semble sérieusement parasité par une « gueulante » de la femme du Danois.
Dans un entretien donné au quotidien de Copenhague Politiken, elle a affirmé que l’équipe de son cher époux ne lui était pas entièrement dévouée, à l’inverse de celle de Pogacar à l’endroit de celui-ci.
Elle a en particulier mis en cause Wout van Aert, qui jouerait sa carte personnelle (voir encadré). Les trois premières étapes ont pourtant montré le contraire. Donc, pourquoi cette affirmation intempestive ?
La gueulante de Mme Vingegaard Elle n’a pas mâché ses mots, Mme Trine Vingegaard Hansen, épouse du double vainqueur du Tour et favori de cette édition, et en outre son agent. Elle a clairement laissé entendre dans son entretien avec le quotidien danois Politiken que son équipe Visma-Lease a Bike n’était pas entièrement à son service. « Elle doit se concentrer sur la victoire finale. Si on commence à viser des victoires d’étape pour d’autres, c’est au détriment de Jonas. » Elle visait implicitement Wout van Aert qui a, sans doute, carte blanche pour aller en chercher une. Le principal intéressé a répondu laconiquement que « l’équipe sait ce dont elle dispose avec moi. C’est un sentiment que ne partage pas Jonas ». Quant à ce dernier, peu prolixe comme à son habitude, il s’est borné à déclarer : « Je m’en fiche, c’est sans importance. » Cette mise en cause, à première vue, semble inappropriée. Les trois premières étapes tendent à prouver que Vingegaard dispose d’une solide et soudée équipe, apparemment plus que celle de Pogacar. C’est elle qui a provoqué la bordure, une manœuvre audacieuse, lors de la première étape, qui a relégué à 39 secondes Remco Evenepoel, le troisième favori, et surtout isolé dans le final Pogacar, montrant que celui-ci doit davantage compter sur lui-même que sur ses équipiers. De plus, Wout van Aert a toujours démontré qu’il savait se mettre au service du collectif quand nécessaire, d’autant plus sachant que gagner un Tour ne sera jamais à sa portée. Les propos de l’épouse de Vingegaard semblent être inspirés par un certain désarroi propre à la vie des femmes de coureurs, faite, comme celle des marins, de solitude. À quoi bon tous ces sacrifices consentis si la victoire n’est pas au bout ? C’est peut-être le message qu’elle a voulu envoyer. Une place de second, c’est certes bien… mais ça s’oublie vite… En préambule, elle a dit au sujet de son mari : « Je pense qu’on le pousse trop loin. J’ai peur qu’ils le brûlent par les deux bouts. Je pense que parfois les athlètes sont d’abord des êtres humains. » Sur ce point, elle a sans doute raison : les coureurs cyclistes ne sont-ils pas devenus des machines à pédaler ? •
Dans le cadre des Rencontres Économiques d’Aix qui se tenaient en fin de semaine dernière, la ministre de l’Éducation a répondu aux questions de Geneviève van Lede, dans La Provence du 1er juillet. Une page entière pour ne rien dire, sinon des truismes éculés, des idées reçues et des intentions à côté de la plaque. À croire, prétend notre chroniqueur, que c’est ChatGPT qui a répondu à sa place : seule une Intelligence Artificielle peut à ce point parler pour ne rien dire…
Résumons les déclarations de la ministresse (le féminin existe, je ne vois pas pourquoi on ne l’utilise pas, plutôt que d’employer des barbarismes répugnants comme « la » ministre). Elles occupent une page entière de La Provence, qui détient le monopole de l’information dans le Sud profond et appartient désormais au groupe CGM-CMA, qui s’est offert aussi BFM l’année dernière : les industriels depuis quelques années mettent les deux pieds dans les médias.
Rassemblement !
À quelques jours des résultats du Bac, dont on savait déjà qu’ils seraient bons, c’est-à-dire catastrophiques, Elisabeth Borne ne s’interroge pas sur les programmes, qu’il faut urgemment réécrire. Elle ne s’inquiète pas de cette Ecole à deux vitesses où, quand vous êtes né dans un ghetto (y compris un ghetto de riches), vous y restez, l’ascenseur social étant désormais une fiction complète. Elle ne promet rien aux enseignants, notoirement sous-payés et sous-formés. Non, elle « veut porter un message de confiance, celui d’une République rassemblée » : les profs harcelés par les parents, les élèves menacés parce qu’ils n’appartiennent pas à telle ou telle « communauté », la baisse catastrophique du niveau soulignée par les services de l’Etat, elle n’en a que faire.
Elle se félicite du plan « Filles et Maths » et compte imposer des classes à parité égale (c’est le principe d’une parité, non ?) afin de former de futures « ingénieures ». Mais la parité en Droit ou en Médecine, où les filles sur-dominent les garçons, on n’en parle pas ? Le plan « Garçons et Lettres », elle le lance quand ?
Et si cette division « genrée » (pardon de m’exprimer comme une hyène de garde intersectionnelle) était fondée sur les goûts et compétences des unes et des autres ?
Je suis un malade mental
La ministresse se soucie aussi de la santé mentale des jeunes : pourrait-elle tenter d’imaginer qu’il y a un rapport entre la friche dans laquelle on laisse ces jeunes cervelles et l’angoisse qui les étreint, quand ils ne se mettent pas au service de la première transcendance qui passe avec un voile sur la tête ?
Elle déplore la « surexposition aux écrans »… Mais en même temps, la disparition des manuels-papier oblige les acteurs de l’Education à avoir de plus en plus recours aux machines : un jour peut-être apprendrons-nous que des intérêts puissants jouaient en sous-main pour obliger les gouvernements européens à acheter en masse du hardware et à remplacer les profs introuvables par du software en général et de l’Inintelligence Artificielle en particulier. Personne ne peut raisonnablement penser que des machines programmées pour ne contrarier personne peuvent remplacer des profs compétents et imaginatifs.
En revanche, la « généralisation de l’éducation à la vie affective et sexuelle », ça, c’est une ambition plus urgente que d’apprendre à lire et à écrire à des élèves qui, du CP à la Terminale, ne maîtrisent pas les rudiments du français — pardon : du créole, pour parler comme le Lider Maximo du groupuscule LFI.
Et si on bazardait tout ?
Et la suppression du Bac, que Parcours Sup, qui rend ses verdicts avant les épreuves de Terminale, a rendu obsolète, on n’en parle pas, Madame la ministresse ? François Bayrou, qui cherche des ressources substantielles, pourrait économiser un peu plus d’un milliard en supprimant un examen qui ne correspond plus à rien, puisqu’il est distribué à plus de 95% des candidats, avec une telle inflation de mention Très bien que franchement, on est fier de vivre dans un pays si plein de HPI.
Elisabeth Borne plaide pour une « année de césure » post-Bac : on avait essayé ça dans les années 1970, en imposant aux néo-Bacheliers de faire leur service militaire dès l’examen passé. Avec pour effet évident que les plus démunis avaient bien du mal à reprendre des études après une année passée à baguenauder sur le Larzac ou le plateau d’Albion… Quelqu’un parie avec moi que la césure imaginée par Elisabeth Borne aurait le même effet de démobilisation intellectuelle ? Une bonne manière de désengorger les facs, et d’éviter qu’elle affiche les taux sidérants d’échecs en première année de Licence — 60% de chute…
Franchement, elle s’ennuyait, Elisabeth Borne, à gérer sa retraite de Premier ministre ? Après Matignon, elle voulait essayer la rue de Grenelle ? Peut-être est-ce un jeu de chaises musicales, entre ministres, ou de comptine du furet — tu es passé par ici, tu repasseras par là.
Suggérons à François Bayrou de redonner du sang neuf et un vrai projet, à la rentrée. Quelque chose qui reconstruise l’Ecole pour les vingt ans à venir. Sinon, je vous le dis en vérité, les gilets jaunes reviendront — avec des fourches.
La droite française, en quête d’honneur et de clarté morale, se débat entre soutien politique à Israël et malaise croissant face aux excès de sa politique à Gaza. Une tribune libre d’Alexandre de Galzain, journaliste à « Radio Courtoisie ».
Nous savons parfaitement que le texte d’Alexandre de Galzain va ulcérer plus d’un lecteur. Les idées qu’on ne partage pas, c’est souvent dur à supporter, y compris pour votre servante. Mais c’est notre boulot. Le nôtre et aussi le vôtre chers lecteurs. C’est la douleur de la liberté, pour paraphraser Alain Finkielkraut. Si nous ne voulons pas que le débat public soit transformé en concours d’invectives, chacun doit jouer le jeu et s’imposer de répondre à l’argumentation par l’argumentation. Face à la contradiction, certains ne connaissent que l’injure et la menace : ce sont les Insoumis, pas les lecteurs de Causeur. Ici, il n’y a pas de sujet interdit – et certainement pas la politique de Benyamin Netanyahou. Ne tournons pas autour du pot. Il y a chez beaucoup de juifs aujourd’hui une tendance à confondre critique et haine, désaccord et désaveu. Les juifs ont inventé la polémique ou, en tout cas, lui ont donné ses lettres de noblesse. Depuis des siècles, on s’empaille dans les yeshivots et synagogues – pas seulement pour des motifs théologiques d’ailleurs. Il serait désastreux que cette tradition se perde dans le buzz contemporain. Juif ou pas, cher lecteur, si votre premier mouvement est d’insulter Alexandre de Galzain (par exemple en le traitant d’antisémite), eh bien, attendez le deuxième ! Merci à tous • Elisabeth Lévy
Par réalisme, Maurras et les siens avaient suivi Drumont, Mussolini et Pétain. La droite mit un demi-siècle à s’en remettre. Par réalisme, nous avions suivi Assad et Poutine. Nous nous en relevons aujourd’hui à grand-peine, les mains encore un peu éclaboussées du sang de leurs crimes. Parce que nous sommes faibles, nous ne croyons encore qu’en la force et parce que la morale qui nous dirige aujourd’hui est mauvaise, nous rejetons en bloc toute morale. La droite commet une faute morale sur le sujet d’Israël dont elle aura bien du mal à se remettre, et qui entachera nos mains pour encore longtemps.
Le 7-Octobre, nous nous indignions justement du massacre commis par des terroristes aveuglés par la haine : dans un élan infâme de ressentiment vicié, le Hamas frappait au cœur d’Israël et déclarait la guerre. Justement, nous n’avons alors pas manqué de mots pour condamner cette violence inouïe qui avait déjà blessé notre patrie au plus profond de son cœur. Le lendemain, la gauche s’en prenait à Israël, responsable de ses propres plaies : son impérialisme valait bien mille deux cents morts.
Mensonges de la gauche
Les mois suivants, justement encore, nous soutenions Israël dans son combat contre ce Hamas qui opprimait le peuple dont il avait pris la gouvernance. La gauche, alors à tort, dénonçait un « génocide » qui n’avait pas lieu : elle était trop heureuse de se découvrir un nouveau combat, une nouvelle oppression contre laquelle lutter, un nouveau crime à des milliers de kilomètres. Surtout, ce qui est plus grave, elle a fait d’un crime une opportunité, d’une opportunité un combat, d’un combat une obsession, d’une obsession un électorat.
La gauche a dans le même temps créé et détruit sa nouvelle mystique.
Que la gauche cesse un peu de nous mentir, cela lui changera, en affirmant que son combat n’avait aucune visée stratégique ni électorale, que le droit et la justice internationaux lui tiennent tant à cœur, qu’elle n’est motivée que par une digne indignation devant l’horreur.
La gauche veut le vote et la mobilisation des musulmans. Les musulmans votent et se mobilisent quand les leurs sont attaqués. Les Palestiniens sont attaqués. Les Palestiniens sont les leurs. Il faut donc soutenir les Palestiniens pour obtenir le vote des musulmans.
Dans cette affaire, reconnaissons un peu plus d’honneur à Rima Hassan. Rima Hassan est dangereuse. Rima Hassan est de mauvaise foi. Rima Hassan ment. Rima Hassan se moque bien de la signification d’un mandat de « députée française au Parlement européen » accordé par notre peuple. Rima Hassan fait tout cela, mais Rima Hassan ne triche pas. Rima Hassan est Palestinienne, son peuple a vécu sa Catastrophe. Elle est immigrée par la faute de ces horreurs, elle défend l’honneur de son peuple. Rima Hassan ne joue pas à la Française d’origine immigrée, Rima Hassan s’en moque. Rima Hassan ne triche pas : elle clame, tant que la loi le lui permet : « Je ne suis pas d’ici, je ne serai jamais des vôtres et je défendrai les miens que vous opprimez. Alors je vous combattrai avec toutes les armes que vous me laisserez ».
Mais Rima Hassan n’est pas des nôtres, il ne sert à rien de la traiter comme telle. Nous ne parlons pas le même langage.
Images affreuses
Mais nous, nous avons triché, en plus d’avoir menti et d’avoir été de mauvaise foi. Nous avons tenté de faire croire que la gauche n’était pas sincèrement soucieuse du sort des Palestiniens alors que nous savions, alors que nous avons vu comme eux – sans doute moins qu’eux, mais nous avons vu – ces images affreuses d’enfants palestiniens massacrés, de bombes pleuvant sur une ville détruite, d’hôpitaux en ruines, de mères abattues et de pères hagards à force de deuils. Et alors, nous avons dit, presque goguenards : « ce n’est pas notre faute ! », en ajoutant, comme si notre mensonge n’était pas assez gros : « ils ne veulent même pas défendre ces gens, ils veulent simplement être élus ! » Sans le savoir, ceux qui clamaient cela à grands cris dans les journaux et sur les plateaux ne révélaient là que la profonde misère de leur esprit calculateur.
Mais n’allons pas trop vite, car dans notre naïveté première, nous fûmes honorables.
Je l’écrivais plus haut, nous n’avons pas hurlé au génocide quand il n’y avait pas de génocide. Nous n’avons pas justifié l’injustifiable, et sans doute pour des raisons manquant parfois de justesse, nous avons fait preuve parfois d’un admirable manque de réalisme en refusant de justifier la haine par la haine, la violence par la violence, la fin par les moyens. Comme les Résistants combattaient les nazis par la violence parce que le nazisme justifiait la violence, alors le même raisonnement a été appliqué à Israël. « Israël est un Etat génocidaire, Netanyahou un nazi circoncis, Tsahal les SS de Judée ! » entendait-on déjà si souvent dans la bouche de cette gauche stupide ou antisémite. Mais qui ne comprend pas aujourd’hui que si le colonialisme est un impérialisme, que l’impérialisme est un fascisme, que le fascisme doit être combattu par tous les moyens, alors Israël delenda est? Alors même que le génocide n’était pas là, on hurlait ce mot sans frémir, et on trichait pour mieux s’indigner. A ne séparer les violences que par degré et non par nature, on les place toutes dans la même corbeille, et la violence physique est justifiée par la violence sociale, et la violence verbale est justifiée par la violence symbolique.
Alors, la gauche avait tort, réellement tort d’avoir « raison » trop tôt. Il est aujourd’hui établi que le projet actuel de M. Netanyahou est d’épurer ethniquement la bande de Gaza – j’écris « épurer ethniquement » car je crois qu’il importe assez peu à M. Netanyahou que les Palestiniens vivent ailleurs, meurent sous ses bombes ou meurent de faim.
Pourtant, est-il seulement établi que le projet de M. Netanyahou en novembre 2023, en novembre 2024, en janvier dernier même, était cette même épuration ethnique ? Rien n’est moins sûr, et à dire vrai, sans doute que si l’Europe gardienne de la morale avait déclaré plus tôt qu’il fallait mettre fin à cette offensive, sans doute que si nous avions été justes et avions tenu une parole de vérité alors que M. Netanyahou commençait à s’aventurer trop loin, alors nous aurions sans doute pu prévenir la venue de ce nouveau but.
La gauche rappelle un peu ces économistes qui se sont faits une spécialité de prédire la crise économique mondiale pour l’année prochaine depuis quinze ans et qui, au bout d’un moment, finissent bien par avoir raison.
Reste-t-il encore un seul otage d’Israël aux mains du Hamas ? Il est probable que non, et M. Netanyahou s’en moque bien, et nous le savons. Le Hamas est terroriste, il l’a prouvé cent fois, mais est-il djihadiste, commet-il des attentats chez nous ? Nous savons bien que non.
Alors que savons-nous, en fait ? Ce que nous savons, c’est que des dizaines de milliers de Palestiniens dont beaucoup n’ont eu pour crime que d’être eux aussi otages de ce même Hamas sont morts sous les bombes de Tsahal. Nous savons qu’une famine, qu’une crise humanitaire a cours présentement sur cette mince bande de terre. Et alors quoi, Israël serait « l’armée la plus morale du monde » et il faudrait tout à fait lui faire confiance ? Mais que craint M. Netanyahou en empêchant toute aide humanitaire ? Que le peuple de Palestine lui lance le pain qui lui manque à la figure et que, par un pareil procédé, Tsahal essuie un revers militaire ?
Nul n’ignore plus qu’Israël veut désormais annexer tout le territoire gazaoui ; et d’ailleurs, Israël l’affirme lui-même par la voix de son gouvernement. Nous l’avons dit, ce n’est pas d’un génocide, mais d’une épuration ethnique qu’il s’agit. Chose d’abord singulière, mais surtout terrible : ce sont aujourd’hui les juifs qui condamnent un peuple à l’éternel exil.
Et alors, on devrait demeurer silencieux là encore ? Mais encore ceux qui professent l’isolationnisme n’y croient pas assez pour en faire là leur principal argument. En fait, ce qui motive avant tout aujourd’hui la droite dans la défense du gouvernement, rappelons-le, criminel, de M. Netanyahou, c’est avant tout l’avantage politique français qu’il en retire.
Nul doute que la lutte de la droite contre l’antisémitisme est aujourd’hui sincère : chaque jour, nous côtoyons cette même droite et nous pouvons l’affirmer. Oh, il y a longtemps, nous fûmes pour certains antisémites. Était-ce une minorité agissante, une majorité ? Ces antisémites l’étaient-ils d’Etat, de haine raciale, de peur ? Je n’en sais rien et au fond, peut-être bien que cela n’a pas d’importance : sur nos mains, nous avons récolté les gouttes du sang des juifs d’Europe que nous n’avons pas défendus, que nous avons parfois combattus. Heureusement, quelques hommes parmi les autres tentèrent de sauver notre honneur, mais il était déjà trop tard.
Depuis, nous avons avec toute la sincérité du monde lavé nos mains de ce sang. Nos esprits sont purs de tout antisémitisme, nos paroles vierges de cette haine. Le 7-Octobre fut ainsi l’occasion de le prouver, de montrer à la face de la France un visage libre et clair, d’offrir à nouveau au monde une droite affranchie de ses crimes du passé. Nul n’ignore plus que ni Mme Le Pen, ni M. Zemmour, ni les autres ne sont antisémites pour un sou.
Lutte contre l’antisémitisme pervertie
Mais aujourd’hui, la mystique anti-antisémite est plus que jamais pervertie par la politique.
Si effrayés d’être appelés maurrassiens, si apeurés d’être liés à Drumont ou à quelque autre horreur collaborationniste, nous avons choisi de nous boucher les oreilles sans voir que le sionisme n’était pas le judaïsme ainsi que les débats nés au temps d’Herzl auraient dû nous l’apprendre. Et qu’est-ce que le sionisme alors ? S’il s’agit du droit d’Israël à exister, nous le soutenons. S’il s’agit de l’expansion de cet Israël, du Grand Israël rêvé par le ministre Ben Gvir, nous devons le rejeter.
Il y a eu la peur du procès à notre encontre ; il y a aussi la jouissance de mener un semblable procès à nos ennemis politiques. L’antisémitisme a toujours existé à gauche et il existe encore. Et comme ce procès nous a été fait, et comme il a longtemps fonctionné même de manière injuste contre nous, d’aucuns adoptent comme stratégie de le reproduire. Oh ! nous avons bien raison de dénoncer encore aujourd’hui l’antisémitisme de certains : il fait aujourd’hui peu de doutes que M. Portes, M. Guiraud, M. Caron, Mme Obono voire M. Mélenchon ont à tout le moins développé quelques acoquinages honteux avec cette rhétorique. Mais il y a un fossé entre ces attaques légitimes et ces méthodes de déshonneur par association, de catégorisation absolue, d’anathèmes et d’impensée totale. Nous nous plaignions autrefois de l’injuste sort réservé à notre camp parce que certains étaient antisémites : qui ne comprend pas aujourd’hui qu’en répétant, et donc avalisant, les mêmes stratégies, celles-ci finiront inévitablement par nous revenir dans la face ?
Une autre justification de la droite dans sa défense inconditionnelle d’Israël, c’est qu’elle défend les juifs de France contre les musulmans de France. Les premiers ont pris fait et cause pour Israël, les seconds pour la Palestine – en grande majorité du moins, semble-t-il – et alors que la droite combat, avec justesse, l’islamisation de notre pays, défendre Israël contre la Palestine, c’est s’opposer aux musulmans. Bien sûr, le lien entre violence politique, fondamentalisme islamique et soutien au Hamas n’est plus à prouver. Pourtant, nous ne pouvons que déplorer que toute lutte pour la défense du peuple gazaoui soit assimilée à une lutte pour le Hamas, à une lutte de gauche, à une lutte antiraciste ou décoloniale – dans le sens que la gauche leur a accordé en tout cas –, à une lutte antijuive, à une lutte de ces humanistes qui n’aiment défendre les peuples lointains que pour ne pas avoir à défendre le sien. On peut défendre le peuple gazaoui noyé sous les bombes israéliennes en rejetant le Hamas, en étant de droite, en n’adhérant pas aux combats de la gauche, en défendant les juifs et en aimant son peuple, sa terre et ses morts.
On apprend depuis quelques jours qu’Israël et l’Iran sont en conflit ouvert, qu’Israël a bombardé têtes du régime et civils avant de subir une semblable riposte. Et voilà que M. Netanyahou se plaint des frappes qu’il subit. Dans sa bouche, devant l’Occident, le voilà qui affirme qu’Israël serait le rempart de la civilisation face à la barbarie, que « l’armée la plus morale du monde » serait aussi notre bouclier, qu’Israël se battrait en fait pour nous. Mais quand donc le terrorisme iranien a-t-il frappé la France ? Quand donc Israël s’est-il battu pour autre chose que lui-même ? Nous ne le lui reprochons pas d’ailleurs, mais enfin, que la droite cesse d’affirmer bêtement qu’Israël « fait le travail que nous ne voulons pas faire » : M. Netanyahou combat l’Iran comme M. Assad combattait l’Etat islamique – c’est-à-dire qu’il fait face aux conséquences dont il est partiellement responsable et que ce combat sert bien son maintien au pouvoir.
L’Israël de M. Netanyahou, bouclier de la civilisation occidentale, de la chrétienté ? La belle affaire ! Il a été établi que M. Netanyahou finançait l’Etat islamique à Gaza contre le Hamas, qu’il finançait l’Azerbaïdjan contre l’Arménie, qu’il méprisait et insultait les chrétiens autochtones ! Ah, et quel beau gardien de la morale que celui qui massacre femmes et enfants par milliers, qui met en péril la sécurité du monde par ses nouvelles offensives ! On me répondra que l’Iran était un danger pour le monde entier : chacun sait que c’est faux, que les mollahs oppriment ignoblement leur peuple, mais qu’ils n’ont jamais représenté la moindre menace pour l’Occident.
L’aveuglement volontaire de la droite de la situation israélienne est particulièrement préjudiciable en cela qu’elle refuse de comprendre que l’intérêt de M. Netanyahou réside en sa propre personne. Ce politicien corrompu, que toute la France abhorrerait si elle devait subir son règne, n’a pour but que d’échapper à la prison qu’il mérite tant. Comme la gauche se montre bien plus conciliante envers les dictatures de son camp, la droite fait de même et s’aveugle « par réalisme ». Mais quel réalisme est celui qui entache nos mains de sang, qui oublie deux mille ans de morale et de civilisation pour un simple intérêt politique temporaire ? En vérité, le camp de la morale est bien plus ardu à défendre que celui, court-termiste, du réalisme.
Si nous ne voulons pas répéter l’erreur que nous fîmes avec Poutine, Assad ou d’autres autrefois, il ne reste à la droite qu’une voie : celle de l’honneur. La voie de l’honneur aujourd’hui est simple : condamner sans équivoque la politique de M. Netanyahou, défendre le peuple gazaoui, cela sans jamais verser dans les erreurs et excès de la gauche que nous avons décrits. Dans toutes les rédactions de droite, du Figaro à Frontières en passant par CNews ou Valeurs Actuelles ; dans tous les partis politiques de droite des Républicains au Rassemblement national en passant par Reconquête, j’ai entendu pester contre les excès d’Israël, contre les excès de ce sionisme débridé, contre les massacres en cours à Gaza. Nous sommes nombreux à être révoltés devant le spectacle de mensonges et d’omissions en cours sous nos yeux. Nous sommes nombreux, levons-nous. A l’honneur de la droite manque encore le courage. Espérons qu’elle le trouvera.
L’heure est venue du grand ressassement. ChatGPT est un ennemi mortel.
C’est la nature singulière, originale, imprévisible de l’acte d’écriture que menacent d’effacer aujourd’hui les robots conversationnels comme Chat GPT. N’écrivez plus, ne créez plus ! Nous disent-ils. Recopiez ! N’inventez plus ! Vous feriez de toute façon moins bien, moins riche, moins séduisant. Acceptez l’insigne médiocrité de votre mise en mot singulière et inclinez-vous plutôt devant la quantité impressionnante des data et la puissance stupéfiante des algorithmes qui les sélectionnent et les agencent afin que vous soit livré un résultat sans aspérités ni surprises.
Masse informe
Surtout, surtout ne rêvez plus « d’inécrit » ; n’imaginez pas que vous puissiez jamais écrire ce que jamais personne n’a écrit, penser ce que jamais personne n’a pensé, transmettre ce que jamais personne n’a transmis. Tout est déjà écrit et stocké ; l’heure est donc venue du grand ressassement. Et si, par un hasard « malencontreux », émergeait de la triste banalité une idée inédite, une proposition originale, une image audacieuse ou une innovation scientifique elle ne serait en aucun cas offerte à la discussion collective, au questionnement et à la critique, alimentant ainsi l’intelligence collective. Elle se fondrait illico dans la masse informe des data prête à être débitée pour combler nos désirs étiquetés. L’espoir de laisser par l’écriture la trace d’une pensée à nulle autre pareille est ainsi dénoncé par cette machine totalitaire.
Plus grave encore, l’espérance d’une continuité spirituelle défiant notre disparition matérielle, qui est au cœur même de la création de l’écriture, est aujourd’hui menacée. La création de l’écriture a été tardive dans l’histoire de l’humanité (il y a quelques milliers d’années seulement) ; alors même que la construction du langage était depuis longtemps engagée. La nécessité d’assurer une continuité spirituelle ne put en effet se manifester que lorsque l’intelligence humaine osa enfin regarder la mort en face. Par le génie de l’écriture, un être humain décida de confier à un autre, qu’il ne connaissait pas, une trace de son esprit, en espérant que cette trace serait reçue quand lui-même, ne serait plus. C’est donc dans des mots envoyés au plus loin de lui-même que l’Homme trouva la meilleure défense, le meilleur abri contre la « terreur de la dilution ». Lecture et écriture portent ainsi ensemble ce que j’appellerai la « résistance existentielle ». Lire et écrire sont en ce sens absolument indissociables : « lire, c’est répondre fraternellement à l’appel désespéré de l’écriture ». L’espoir d’une immortalité spirituelle gravée mot après mot, phrase après phrase risque de changer de camp.Il peut passer du côté de la machine et l’Homme démuni risque d’être voué sans recours à la dilution. De ce point de vue, Chat GPT est notre ennemi juré ; il faut le combattre et lui interdire d’écrire et de penser à la place de nos élèves.
Lui permettre, sous prétexte de modernité, d’entrer dans les classes, serait accepter que progressivement l’écrit tombe sur les épaules courbées d’élèves inconscients qu’on leur vole ainsi une part essentielle de leur humanité. Ils seront soulagés d’être dispensés de toute attente, de tout délais imposés par un tâtonnement souvent laborieux qui les exaspèrent et pourraient les mettre dans une colère souvent rentrée et paralysante. Pour la plupart, ces élèves rendus fragiles par cette machine infernale, deviendront incapables de faire l’effort de construire eux-mêmes des réponses par le récit, par le dialogue et par l’argumentation. Savoir, oui ! Apprendre à construire eux-mêmes malgré leurs doutes et leurs inquiétudes, non !Ce « temps de débat interne » ferme et serein qui est nécessaire à la mise en mots écrits d’une réflexion, provoquera chez ces élèves d’un nouveau type la dispersion et la déroute. Ils vivront cette obligation comme un vide, comme une faille, parce que le doute, l’incertitude et la distance seront devenus pour eux trop douloureux pour pouvoir stimuler l’activité de penser. Au lieu de ressentir l’anxiété légère et normale que provoque naturellement le fait de ne pas avoir encore écrit, c’est une terrible frustration qui les envahira quand il faudra associer, faire des liens, en un mot… écrire contre soi-même et contre l’Autre. Piégés dans un univers où le trivial le dispute au superficiel et le prévisible à l’imprécis, les élèves chemineront sur la voie de la passivité car ils se seront habitués à se contenter de réponses immédiates, évidentes et définitives. Voilà ce que nous promet l’usage scolaire de CHAT GPT.
« La ligne de Glucksmann se rapproche plus du macronisme de 2017 que du Nouveau Front populaire de 2024 », critique poliment dans la presse Manuel Bompard, l’un des principaux lieutenants de Jean-Luc Mélenchon. Mais en coulisses, les cadres de La France insoumise sont convaincus que le populisme démagogique et la force de frappe rhétorique de leur chef écrabouilleraient le leader de Place publique dans l’hypothèse d’une primaire à gauche.
S’il y a bien un homme que j’estime à gauche, c’est Raphaël Glucksmann, qui caresse de plus en plus l’idée de se présenter en 2027, au nom de « Place publique », et pour vaincre Jean-Luc Mélenchon. Et j’ai peur pour lui.
La politique, c’est un métier
Quand un de ses proches déclare « qu’il ne faut pas avoir peur de se faire défenestrer par La France insoumise » à Carl Meeus du Figaro Magazine, il énonce sur un mode positif ce qui risque d’être au contraire le sort de Raphaël Glucksmann dans cette joute à venir que je perçois comme très inégale. Dans le rapport de force qui pourrait s’annoncer au sein de la gauche et de l’extrême gauche, je crains que Glucksmann, aussi estimable qu’il soit, malgré sa conviction qu’il a su faire sa mue de l’intellectuel engagé au politique partisan, soit handicapé par sa finesse et son honnêteté mêmes.
Face à l’instinct de tueur de Jean-Luc Mélenchon qui ne fera pas de quartier, pas plus dans la mouvance LFI qu’à l’égard des candidats kamikazes déclarés comme François Ruffin, et encore moins contre des personnalités comme celle de Raphaël Glucksmann, qui résistera ? Raphaël Glucksmann me paraît assurément relever du registre suscitant le plus de détestation de l’autocrate Mélenchon : une forme de morale tentant de faire oublier sa possible faiblesse derrière un verbe belliqueux. Avec la crainte, pour tous ceux qui apprécient Raphaël Glucksmann et la constance de son combat et de son opposition aux idéologies extrémistes, que sa posture jure avec ce qu’il semble être véritablement. Et notamment sa noble inaptitude à proférer n’importe quoi en le qualifiant de vérité. Sa confiance en lui-même, tellement réduite par rapport à l’arrogance d’exister de Mélenchon, ne le conduira jamais à mon sens à se préférer à une lucidité même préjudiciable à sa cause.
Rouleau compresseur
Quand on évoque « entre Glucksmann et Mélenchon, le match qui vient à gauche » (Pierre Lepelletier dans Le Figaro), comment passer sous silence la formidable oralité du second et l’intelligence argumentative du premier ? Celle-ci, aussi convaincante qu’elle puisse être dans un monde urbain et civilisé, pourrait se trouver fragilisée par un rouleau compresseur de concepts, d’affirmations, de provocations, se souciant comme d’une guigne de la pertinence au bénéfice de l’efficacité.
Ce n’est pas à dire que Raphaël Glucksmann n’aurait pas certains atouts face à l’épouvantail Mélenchon mais si je confirme avoir peur pour lui, c’est que je mesure à quel point ses vertus pourraient être précisément son handicap.
Il n’empêche que dans un univers politique qui me permet l’objectivité de la distance, je salue, par avance, la victime de qualité que sera Glucksmann face au bourreau Mélenchon.
En 2018, l’islamologue Ralph Ghadban déclenche une onde de choc avec Arabische Clans, la menace sous-estimée. Son enquête explosive sur les dynasties criminelles arabes, qui règnent sur des quartiers de Berlin et au-delà, le place sous protection policière. Au-delà du crime, le clan Mhallami, galvanisé par Al-Ahbash, organisation islamiste rivale des Frères musulmans, porte un projet politique sinistre : imposer un califat en Europe.
À Berlin, les nouveaux seigneurs du crime parlent arabe
Tarek, membre d’un Arabische Clan berlinois et vendeur de coke, lâche à Ralph Ghadban : « L’État allemand ne m’intéresse pas. On suit nos propres règles. Sinon, on ne ferait pas toute cette merde. »[1] Le ton est clair, la mentalité aussi.
Dans son livre, Ghadban tirait le signal d’alarme. Les barons arabes tissent leur toile, et la France est à présent en première ligne.
Le 25 novembre 2019, Dresde plonge dans le noir. Un incendie volontaire grille un transformateur près du musée Grünes Gewölbe, désactivant les alarmes. Des cambrioleurs s’infiltrent, emportent des bijoux du XVIIIème siècle, dont un diamant de 49 carats, et disparaissent sans laisser de trace[2].
En mars 2017, Berlin vit un autre coup retentissant : une pièce d’or de 100 kg, d’une valeur de 4 millions d’euros, est volée au musée de Bode. Trois hommes, armés d’une hache, fracassent une vitre, chargent le butin dans une brouette et s’éclipsent.[3] Ces casses mènent au clan Remmo, un poids lourd de la pègre libanaise en Allemagne. Les autorités contre-attaquent fort : plus de 1 600 agents mobilisés, des perquisitions à tout va. En janvier 2019, trois membres du clan Remmo, jugés pour le vol de Berlin, sont acquittés. En novembre 2020, Wissam Remmo est condamné pour le casse de Dresde, mais d’autres suspects restent introuvables.
L’Allemagne découvre enfin ce que beaucoup préféraient alors ignorer : des grandes familles kurdes, palestiniennes et libanaises — les Remmo, Al-Zein, Ali-Khan, Chahrour, Miri… — ont pris le contrôle du crime organisé dans plusieurs grandes villes, de Berlin à Francfort. Leur arsenal ? Vols, trafic de drogue, extorsion, proxénétisme, blanchiment d’argent. En 2018, la police berlinoise frappe un grand coup en saisissant 77 biens des Remmo, une famille libanaise appartenant au groupe ethnique des Mhallami, pour 10 millions d’euros. Mais ce coup de filet reste dérisoire face à un empire qui semble à présent inébranlable.
Les Mhallami, la fracture invisible de l’Allemagne
Les Mhallami, des Kurdes arabisés originaires du sud-est de la Turquie et du nord de la Syrie, ont trouvé refuge au Liban dès les années 1920, chassés par la misère et les persécutions. Marginalisés dans les quartiers pauvres de Beyrouth ou Tripoli, ils ont fui la guerre civile libanaise (1975-1990) pour atterrir en Allemagne, souvent via des chemins clandestins avant la réunification.
Descendant de peuples nomades, cette diaspora obéit à une loi immuable : le clan prime sur tout. Ce qui se trouve en dehors, en l’occurrence l’Allemagne, n’est perçu que comme un espace à piller et à dépouiller sans la moindre retenue. Pour eux, le pays hôte est un territoire ennemi qu’il faut dominer et conquérir afin d’assurer la survie du groupe. Refusant toute intégration civique, avec des taux de chômage oscillant entre 80 et 90%, ils rejettent systématiquement les emplois soumis à des cotisations, de peur de voir leurs allocations sociales disparaître. Ces aides de l’État allemand (aide au logement, allocations familiales, aide à l’ameublement et à l’habillement…), loin d’être perçues comme un soutien temporaire, sont assimilées à un revenu de base acquis.
Le clan des Mhallami, une communauté de 100 000 individus issus de mariages claniques endogames, constitue une sorte d’État parallèle, exerçant une influence dominante dans certaines régions d’Allemagne. Dans leurs zones d’influence, les interventions policières nécessitent au minimum deux véhicules de patrouille, souvent appuyés par des hélicoptères, pour éviter d’être submergées par des groupes hostiles. La crainte des juges conduit fréquemment à la remise en liberté des accusés, à l’image d’Ibrahim, leader Mhallami d’une guérilla ayant blessé 24 agents de police, libéré en raison d’un prétendu « stress émotionnel extrême ».
Les écoles allemandes sont également sous forte pression à cause des Mhallami. Chez eux, une fatwa interdit aux filles de s’éloigner, lors des sorties scolaires, au-delà de ce qu’un dromadaire peut parcourir en une journée – soit environ 80 km. Les familles lancent des poursuites judiciaires contre les établissements qui proposent aux filles des cours de sport, de natation ou d’éducation sexuelle. On apprend aux enfants à ne pas serrer la main des instituteurs et les réunions parents-profs sont boycottées pour éviter tout contact avec les « kouffars ». Les écoles, dépassées, embauchent des médiateurs turcophones pour tenter de calmer le jeu, mais rien n’y fait. Et si un gamin Mhallami se dispute dans la cour de récré ? Ses grands frères rappliquent, frappent les autres élèves, les profs, les directeurs et finissent enfin par démolir les classes.
Al-Ahbash : l’islam politique en embuscade
Les Mhallami, ni Libanais, ni Turcs, ni Allemands, s’appuient sur un islam rigoriste pour façonner leur identité et structurer leur communauté. Leur allégeance va d’abord au clan, mais l’islam en est le pilier. La diyya, compensation financière traditionnelle destinée à régler les conflits, occupe une place clé, mais chez eux, ces fonds profitent à Al-Ahbash, mouvement islamique libanais fondé en 1983 par le cheikh éthiopien Abdullah Al-Harari. Se distinguant des salafistes et des Frères musulmans, Al-Ahbash promeut un islam « modéré » et le respect des autorités. Fortement soupçonné dans l’enquête sur l’attentat de 2005 qui a tué le premier ministre Rafic Hariri[4] et 21 autres personnes, Al-Ahbash n’a jamais été condamné, les preuves manquant.
Cette façade de tolérance a séduit les autorités allemandes, lassées des Frères musulmans. Ces derniers, implantés à Munich depuis 1958 par Saïd Ramadan, gendre de Hassan al-Banna, ont longtemps été des interlocuteurs privilégiés du dialogue interreligieux. Mais leur mainmise sur les financements publics et les chaires universitaires, ainsi que leur silence lors de controverses comme le retrait des crucifix des écoles en 1995 ou le débat sur le voile en 2003, ont révélé leur agenda doctrinaire. Trop visibles, trop revendicatifs, les Frères ont perdu la confiance des autorités. Al-Ahbash, avec son image de modération, a pris le relais.
À Berlin, la mosquée Omar, siège européen d’Al-Ahbash, reçoit des visites officielles régulières. Les Mhallami, discrets mais généreux, alimentent ses caisses via la diyya et d’autres dons. Selon Ralph Ghadban, ce système n’est pas anodin : il finance un écosystème islamique destiné à poser les bases d’un futur califat en Europe. Alors que l’Allemagne s’enlise dans le débat sur le halal dans les cantines, Al-Ahbash étend discrètement son emprise vers la France, où son bras armé, l’APBIF (Association des Projets de Bienfaisance Islamique en France[5]), est actif depuis les années 1980.
L’APBIF en France : le cheval de Troie islamiste
Dans les années 1980, l’APBIF débarque à Montpellier ; elle est accueillie par une Église catholique naïve dans un élan de dialogue interreligieux, à une époque où la ville manque cruellement de mosquées. Un geste généreux ? Peut-être, mais en 2004, quand le diocèse réclame ses locaux, l’APBIF refuse de partir, lançant un bras de fer judiciaire qui fait grand bruit.[6] À sa tête, le cheikh Khalid Elzant, prédicateur libanais venu islamiser la francophonie, mais dont le parcours est loin d’être sans heurts. Envoyé à l’Île Maurice entre 2010 et 2015 pour « réislamiser » la mosquée Al-Aqsa, la plus ancienne de l’île, Elzant se retrouve au cœur d’une enquête après des propos jugés blasphématoires par le vice-premier ministre Showkutally Soodhun. Résultat : visa révoqué et expulsé manu militari.[7] De retour en France, Elzant s’installe à la mosquée de Limoux, où il continue son œuvre via un podcast YouTube, diffusant sa version rigoriste de l’islam à une audience francophone.[8]
L’APBIF s’appuie sur des relais culturels pour toucher les jeunes. Le rappeur Kery James, aujourd’hui connu pour être le réalisateur de Banlieusards, incarne cette influence. Converti à l’orthodoxie ahbashienne, il rejette les instruments de musique « impurs » (instruments à vent et à corde) et incite ses fans à se former dans les centres APBIF. Ses débuts, marqués par des textes provocateurs comme « Hardcore » (1998) (« Hardcore, deux PD qui s’embrassent dans la rue » / « Hardcore, sera la reconquête de la Palestine » / « Hardcore, comme si j’faisais sauter une bombe à Disneyland »), ont cédé la place à une posture de guide spirituel. Dans la galaxie de l’APBIF, on retrouve également Abd Samad Moussaoui, frère de Zacarias Moussaoui – surnommé le « 20ème pilote de l’air » et condamné pour son rôle dans les attentats du 11 septembre. Le sociologue Samir Amghar souligne que les sœurs Alma et Lila Lévy — exclues en 2003 d’un lycée d’Aubervilliers pour leur voile, dans une affaire médiatique retentissante — ont elles aussi fréquenté l’APBIF[9].
La France, premier pays musulman d’Europe avec une projection de 8,6 millions de fidèles[10] en 2050, n’est pas un terrain choisi au hasard : elle est ciblée délibérément comme base stratégique pour y implanter, à terme, un califat. Munich pour les Frères musulmans, Berlin pour Al-Ahbash et leur relais français, l’APBIF : ces organisations diffusent un islam politique rigoriste, infiltrant quartiers et institutions sous le masque du dialogue interreligieux. Pendant que l’État ferme les yeux, ce cheval de Troie avance, menaçant l’intégrité même de la République. Jusqu’à quand la France restera-t-elle aveugle ?
RalphGhadban. Arabische Clans: Die unterschätzte Gefahr. (en allemand) Ullstein Taschenbuch, 2019. 303 pages.
[1] Ghadban, Ralph. Arabische Clans: Die unterschätzte Gefahr. (en allemand) Ullstein Taschenbuch, 2019. 303 pages.
« La France doit cesser d’être un figurant du show perpétuel de Donald Trump ». C’est au tour de Bruno Le Maire d’y aller de sa leçon de choses géo-politico-morale, dans une tribune du Figaro[1](4 juillet). Épouvantail et exutoire, Trompe le Maudit aurait ce mérite de nous ouvrir les yeux, de nous remettre les pieds sous terre. Le « réel » est à la mode. Terminé, les naïvetés de Bisounours et rêveries des promeneurs solidaires ? Voire… À Zuydcoote, sur les plages, les pages, dans la sueur et le babeurre, Bruno Le Maire défend La Voie française, se débat. Daladier se prend pour Churchill. Naufrageurs insubmersibles, indécrottables champions du prêchi-prêcha, nos politiques sont incapables de mea-culpa, de se confronter à un réel qui les dépasse, les écrase.
Chasser l’irréel, il revient au galop
« Le réel, ce sont des menaces nouvelles à nos frontièresqui appellent des dépenses militaires à la hauteur des enjeux stratégiques… des capacités nucléaires iraniennes simplement endommagées…les souffrances infligées à Gaza…la progression des troupes russes en Ukraine… des surcapacités chinoises qui font courir un danger de mort à nos industries…
La vocation de la France est de rassembler les forces européennes au service d’un travail politique et diplomatique qui seul donnera des résultats durables. Ce combat, elle doit le mener en convainquant ses partenaires européens de sortir de leur fascination infantile pour des États-Unis qui nous ont clairement signifié, de Barack Obama en passant par Joe Biden, notre congé du monde.Tant que les Européens verront dans le président américain un « Papa », ils resteront des enfants…
Les choses bougent… Mais tout va encore trop lentement. Tout est trop faible. Donc : arrêtons de regarder le show, défendons nos intérêts vitaux… Il est temps que les Européens se comportent en adultes, élargissent leurs alliances à de nouveaux partenaires, rassemblent leurs forces économiques, financières, scientifiques, qui sont immenses… ».
La vocation de la France est de lutter contre la distraction du monde. Le show perpétuel de Donald Trump est opportuniste et erratique. Il fait un mauvais usage de l’impressionnante domination militaire et technologique des États-Unis – car il crée du désordre plus qu’un nouvel ordre. Aucune nation européenne ne peut le suivre sur ce terrain. Le réel reprend toujours ses droits. Il nous appartient de le prendre en main. Vite, et fort ». Quand les borgnes sont franchis…
Yakafocon. Un vide sidéral, l’anaphore hollandaise, les antiennes de circonstance, des incantations macroniennes, flottent dans un court-bouillon de truismes. Aucune proposition concrète, originale, réaliste pour sortir de l’ornière. La vérité, Bruno, tu nous fais de la peine ! Comment un politique galonné, énarque, major de l’agrégation de Lettres modernes, peut-il aligner autant de platitudes, être aussi naïf et superficiel ? La cerise sur le gâteau de yaourt ce sont les 7 ans, 4 mois et 4 jours que Bruno Le Maire a passé à la tête du ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Les délices de l’hétérotélie : Coué qu’il en coule, La Vérité si je mens.…
La réalité dépasse l’affliction
« La vocation de la France, fille aînée des Lumières, est de regarder ce réel en face ». Le ministre se suce la langue et oublie Héraclite. Ni le soleil, ni la mort, [ni la vérité, en France] ne peuvent se regarder en face. La vérité, c’est que nos politiques prennent les mots pour des faits, que Marianne a passé l’âge des vocations, des Lumières, des miroirs, du réel et du rimmel. Chaos debout, dé(cons)truite, aux outrages, elle s’en va, à crédit, à vau-l’eau. Les Regrets, mensonges et naïvetés ne changent rien à l’affaire. Marianne se meurt, Marianne est morte.
Le réel, c’est un pays en pleine crise de nerfs, gangréné par les rezzous sociaux, le communautarisme, l’islamo-hystéro-trotskysme attisés par Dominique de Mélenchon de Villepinte, le bateau ivre d’une dette colossale, les clapotements furieux des monnaies, une industrie en cessation des paiements, toujours plus d’impôts, le recrutement d’un million de nouveaux fonctionnaires depuis 25 ans, alors que l’on prétend assainir les finances publiques.
Le réel, c’est l’écroulement de notre système éducatif, l’école des fans de Bourdieuseries, les consignes aux correcteurs du Brevet et du Bac pour maquiller le naufrage. C’est la Culture minée, non par les coupes budgétaires, mais par la nullité de ses ministres, les batailles d’Hernani.que, les Franciscains de Cour d’Honneur, avides de présidences, prébendes et subventions. Ce sont les apparatchiks de l’audiovisuel public, planqués dans leur roue de fromage avenue du Président Kennedy, qui reniflent et pourchassent le réac dans l’attente du Grand Soir. C’est le Chant des Partisans du Festival de Cannes, les rentiers des avances sur recettes, Fédayins Bella Ciao sous contrat Lancôme. Une pierre à la main ils guettent le sommet, de l’autre ils font l’aumône. Leurs aides de géant les empêchent de voler.
Le réel, hors-les-murs, dans le concert des nations, c’est la France et l’Europe qui dégringolent de la Champions League en National 3, en une décennie. Notre congé du monde, personne ne nous l’a signifié. Il était acté, logique, attendu. Il ne faut ni accuser, ni rien attendre des Yankees, des Chinois, des Russes, d’alliances imaginaires, alliés lilliputiens. Les défaites ne sont jamais étranges. Les Européens, les Français, leurs élites, Bruno Le Maire, sont seuls responsables de nos malheurs. Depuis cinquante ans, ils vivent hors-sols, dans les illusions, bons sentiments, la Com, la politique du chat crevé au fil de l’eau. Au royaume des belles idées, les faits n’ont pas d’importance. « Le plus grand dérèglement de l’esprit c’est de croire les choses parce qu’on veut qu’elles soient et non parce qu’on a vu qu’elles sont en effet » (Bossuet).
Bruno Le Maire en appelle au réel. La vérité, c’est qu’il le craint et l’esquive. La vérité c’est que le réel Bip Bip a dépassé et cornérisé Bruno Coyote. À bout de souffle, en suspension au-dessus du précipice, le Canis latrans gesticule, mouline des jambes pour essayer de retarder le moment fatal, le crash tout au fond du ravin. That’s all folks ! Bercy patron.
Cette 112e édition du Tour de France qui s’est élancée samedi à Lille – et qui a donné lieu à une aussi surprenante que tendue première étape, usante mentalement pour bien des coureurs (voir encadré : Une première étape qui promet) – ne fera aucune incursion à l’étranger, contrairement à une tradition séculaire bien ancrée.
Le dernier confinement du Tour à l’intérieur de ses frontières naturelles remontait à seulement 2020 – c’était pour cause de Covid et il s’était disputé en septembre et non juillet – jusqu’alors, ses fugues hors de celles-ci étaient systématiques.
Bien que 100% hexagonal cette fois-ci, est-ce que le Tour mérite encore d’être dit « DE » et non « EN » France et, dans ce cas, le mot tour prenant le sens de virée ? Il ne s’agit pas d’un simple et futile pinaillage sémantique.
À peine née, la Grande Boucle a manifesté une appétence certaine pour l’étranger au point de devenir atavique. Cette internationalisation l’a conduit à ne plus visiter des pans entiers du territoire national au point que son parcours se réduit désormais à ne fréquenter en règle générale qu’une moitié de la France en alternance, une année l’est, l’autre l’ouest, ou un grand sud, négligeant le plus souvent le nord. Les Alpes et les Pyrénées restent cependant incontournables car sans elles il ne serait plus ce qu’il est : une épopée populaire que rien n’érode, notamment les scandales liés au dopage.
Quand l’Alsace-Lorraine était allemande
En tout, dans son histoire, le Tour cumule 188 escapades hors frontière, certaines pouvant aller jusqu’à trois étapes, comme ces trois dernières années, en 2022 au Danemark, en 2023 en Euskadi (Pays basque espagnol) et en 2024 en Italie. La prochaine édition s’élancera de Barcelone et la suivante d’Édimbourg. Ainsi ce retour à la mère-patrie n’aura été qu’un intermède…
Sa première incursion à l’étranger date de 1906 alors qu’il n’avait que quatre ans d’existence. Son créateur, Henri Desgranges, était ce qu’on dirait aujourd’hui un souverainiste de droite. Depuis 1871, l’Alsace et la Lorraine étaient allemandes. Ce qu’il n’acceptait pas. Pour marquer symboliquement qu’elle était française, il fera parcourir au peloton 70 km en territoire annexé. Les quatre années suivantes, Metz, sous tutelle germanique, sera même ville étape. Il est surprenant que Berlin ait autorisé cette manifestation d’irrédentisme affichée. Le Tour ne reviendra en Allemagne qu’en 1964 pour célébrer le traité de réconciliation entre les deux pays signé l’année précédente.
Le Tour a toujours entretenu un discret concubinage avec la politique. Ainsi, en 1992, pour célébrer la signature du traité de Maastricht, bien que parti de Saint-Sébastien, au prix d’un long transfert, il traversera les six pays fondateurs de l’Europe (France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Luxembourg et Italie). L’Espagne avait adhéré sept ans plus tôt à l’Union européenne.
En 1994, les quatrième et cinquième étapes seront courues en Angleterre à l’occasion de l’inauguration du canal de la Manche. Vingt ans plus tôt, le Tour y avait fait une incursion d’une journée, le temps de disputer une boucle autour de Plymouth. La Grande-Bretagne avait adhéré à l’Union européenne l’année précédente. Enfin, en 1998, il se rendra en Irlande, le dernier membre de l’Europe où il ne s’était encore rendu, scellant de la sorte sa prétention à être autant européen que français.
Un détour au pays de Franco
Mais le pays qui a eu sa prédilection, c’est la Belgique. Il l’a visitée 50 fois (soit presque la moitié des éditions), vient ensuite la Suisse 37, puis l’Espagne 23. C’est en 1949 qu’il a pour la première fois franchi les Pyrénées malgré un franquisme à son apogée. Avec 18 visites, l’Allemagne ne vient qu’en quatrième position, et ce en dépit de l’amitié entre les deux pays.
En même temps, la Grande Boucle n’a pas boudé les micro-états. Le Luxembourg l’a accueillie à neuf reprises, Monaco à sept, Andorre à six, et San Marin une fois, l’an dernier. Ne manque que le Liechtenstein.
La vocation européenne du Tour est devenue patente dès 1947, après une interruption de sept années due à la Seconde guerre. Pour cette reprise, la deuxième étape s’est terminée à Bruxelles et la troisième à Luxembourg. Il reviendra en Belgique chaque année jusqu’en 1972, ce qui a frisé l’annexion.
Cette vocation sera confortée en 1954, avec le premier départ de l’étranger, à Amsterdam. Depuis il a renouvelé l’expérience 26 fois, soit un départ sur quatre et cette tendance s’accélère tant la demande des pays voisins (voire lointains comme ce fut le cas avec le Danemark) à accueillir cet événement est forte. La raison en est simple : le Tour est retransmis dans 190 pays, autrement dit dans toute la planète, l’ONU comptant 193 membres. Il y a une bonne décennie, il fut même question qu’il parte de New York.
Ce n’est pas notre faute si la France a une situation géographique exceptionnelle…
Cette européanisation, à la différence des deux autres grands tours, le Giro et la Vuelta, a été favorisée par la situation géographique de la France qui est entourée de huit pays si on compte l’Irlande et la Grande Bretagne, à la différence des deux autres qui ne partagent respectivement que trois et deux frontières.
La conséquence s’est immanquablement répercutée sur le parcours. Le Tour n’épouse plus les contours de l’Hexagone depuis le milieu des années soixante. Et l’édition de cette année est la quintessence de cette logique évolution. Son itinéraire se résume à une diagonale nord-sud avec un crochet à l’est pour ne pas faire d’infidélité aux Alpes. Les villes à la fois arrivée et départ ont disparu. Dès lors la journée d’un coureur commence par un transfert en bus vers la ville départ… Nous y reviendrons.
Cette internationalisation géographique s’est aussi accompagnée d’une forte internationalisation humaine. Nous y reviendrons aussi un peu plus tard, notamment lorsque nous évoquerons les raisons qui font qu’aucun Français ne l’a remporté depuis la victoire de Bernard Hinault il y a 40 ans. Au départ de Lille, vingt-sept nationalités y étaient représentées. Avec 38 coureurs, 20% de l’effectif, la France disposait du plus fort contingent mais aucun vainqueur potentiel.
Une première étape qui promet Cette première étape du Tour, une boucle de 184,9 km autour de Lille, n’a pas été une formalité. Certes la victoire est revenue comme prévu à un sprinteur, le Belge Jasper Philipsen, 28 ans, de l’équipe Alpecin-Decenninck, emmené de main de maître par le petit-fils de Raymond Poulidor, Mathieu Van der Poel, et premier maillot jaune. L’équipe de Jonas Vingegaard, Visma-Lease a bike, a annoncé la couleur d’emblée : elle est venue pour gagner et mener la vie dure à ses rivaux, notamment Tadej Pogacar. Second l’an dernier, Vingegaard a été « plein d’audace », comme l’a écrit L’Equipe. D’entrée de jeu, il a été offensif, provoquant un premier écrémage et il a rendu la course particulièrement stressante et tendue nerveusement. A 17 km, profitant d’un vent soutenu de côté, avec ses équipiers faisant preuve d’une solide cohésion, il a provoqué une bordure qui a relégué à 39 secondes, le troisième favori, le champion olympique Remco Evenepoel, ainsi que quelques outsiders comme Primoz Roglic, João Almeida, Carlos Buitrago. « Oui, on s’est fait piéger, a dit Evenepoel. Ce n’est pas rédhibitoire. Le Tour est long ». Certes 39 secondes, ce n’est pas beaucoup. Mais mieux vaut les avoir à son actif qu’à son débit. Peut-être pourra-t-il les récupérer lors du premier contre la montre de Caen. A cause de sa nervosité, cette première étape a été d’emblée marquée par deux abandons sur commotion après chute, ceux de l’Italien Ganna (Ineos-Grenadiers), un dur à cuire, et du Suisse Stefan Bissegger (Décathlon-Ag2R). Et aussi par la chute cocasse de deux Français, Benjamin Thomas et Mattéo Vercher, se disputant lors de la seconde difficulté le prix du meilleur grimpeur au sprint qui est revenu au premier des deux. Quant au jeune prodige français dont on attend beaucoup, Lenny Martinez, pour une raison inexplicable, il a terminé dernier à plus de 9’11’’. Ce qui aura très certainement comme conséquence de le priver d’un top 10 auquel il pouvait aspirer pour sa première participation • RU
Le racisme anti‑Blancs demeure un sujet controversé pour certains: reconnu par une partie de l’opinion, il serait limité à des actes individuels et non assimilés à une forme de racisme structurel selon la gauche. L’acteur Jean-Pascal Zadi reconnaît certes que « certains Blancs peuvent être victimes d’insultes ou d’agressions liées à leur couleur de peau », mais cela n’est pas du racisme au sens systémique selon lui: « c’est de l’hostilité ».
Le racisme antiblanc existe si peu que même les saltimbanques s’empressent d’en nier l’existence. Cette fois-ci, c’est Jean-Pascal Zadi qui s’y est collé. Pour vendre son nanar sur une expédition spatiale africaine, Le Grand Déplacement – une sorte de Black Panther made in France, sans super-pouvoirs, mais avec toutes les obsessions racialistes –, il a fait la tournée des médias et des popotes. Le 27 juin, France Info a cru bon de l’interroger sur le racisme antiblanc. Jean-Pascal Zadi a alors pris la pause d’un Frantz Fanon de banlieue et nous a expliqué doctement que « le racisme antiblanc n’existe pas », que c’est une « hérésie » et qu’insulter ou molester un Blanc, c’est – au mieux ou au pire – de l’« hostilité ».
À ce stade, on n’est plus dans la dénégation, mais dans l’inversion. Un néo-suprémacisme décomplexé. Passons sur le fait qu’il n’y a pas loin de l’hérésie au bûcher et de l’hostilité (hostis, l’ennemi en latin) à la guerre. Jean-Pascal Zadi ne pense pas, il régurgite. C’est la voix off de l’idéologie officielle financé par l’argent public. En bon perroquet du prêt-à-penser décolonial, il rabâche les mantras qui font le quotidien des universités, des salles de rédaction et du « wokisme de salon ».
Jean-Pascal Zadi ferait mieux de lire l’enquête de François Bousquet sur le racisme antiblanc : quarante témoignages bruts, crus, à fendre l’âme, dont celui d’un métis, insulté pour sa moitié blanche.
Ce racisme a tellement peu droit de cité qu’il a fallu attendre 2025 pour qu’un journaliste ose enfin donner la parole aux victimes, qui, jusque-là, n’avaient que le droit de se taire et d’encaisser. Ce livre, c’est l’anti-Zadi : il ne moralise pas, il constate – et ce qu’il constate est effrayant.
On suit les témoins de Bousquet à Bobigny, aux Ulis, à Évry, aux Mureaux, dans les quartiers chauds de Lyon ou de Marseille, jusque dans les replis de l’Isère. On se pince pour y croire, tant ce racisme quotidien s’exprime à l’école, dans les stades, dans les bus scolaires, avec une régularité mécanique qui aurait dû interroger les universitaires, les journalistes et les politiques. Pas un jour sans une insulte. Pas une semaine sans une agression. Et toujours le même silence.
Qu’est-il arrivé à la France pour que, sur son propre sol, la haine antifrançaise soit devenue un sport collectif et le cri de ralliement d’une immigration extra-européenne en rupture de filiation ? « Sale Blanc », « Putain de gwer », « Sale Français » : les insultes pleuvent et les coups suivent. Rackets, humiliations, crachats – avec en prime la morale inversée : la victime doit presque s’excuser d’exister.
Le plus tragique dans cette affaire ? Les agresseurs sont français, mais seulement de papier. Leur carte d’identité dit « République française », mais leur loyauté est ailleurs : tournée contre elle. Ce n’est pas un conflit d’appartenance, c’est une déclaration de guerre intérieure. La France n’est pas tant colonisée que congédiée de l’intérieur. Elle vit un divorce unilatéral. On lui parle dans sa langue, mais pour mieux l’injurier.
Alors, oui, Jean-Pascal Zadi, c’est du racisme antiblanc. Lourd, massif, répété. Une lame de fond qui ne dit pas son nom, parce qu’on l’interdit de parole. Et c’est justement parce qu’on nie ce racisme qu’il acquiert un caractère systémique. Parce qu’il est systématiquement nié, il est tacitement toléré. Et parce qu’il est toléré, il est en réalité autorisé.
François Bousquet le martèle : nier ces violences, c’est déjà y consentir. Ce n’est pas de la neutralité, c’est de la complicité molle. Ceux qui ferment les yeux acquiescent à ce qu’ils refusent de nommer. Ils pourraient dire comme Georgina Dufoix au temps du sang contaminé : « Responsables, mais pas coupables » ! C’est exactement cela. Ils n’insultent pas, mais ils relativisent. Cela fait d’eux les garants respectables d’une violence inavouable, qu’ils rendent possible à force d’en nier l’existence.
Voilà où conduit, cher Jean-Pascal Zadi, la négation du racisme antiblanc : dans le confort capitonné du mensonge idéologique. Lisez, toute affaire cessante, l’enquête de François Bousquet. C’est la France réelle, pas celle des plateaux où, désormais, vous vous complaisez.
Et osez un débat avec lui. On verra alors qui pense, qui fuit, qui récite. On parie que vous déclinerez. Vous n’avez pas l’habitude d’être contredit, surtout pas par les faits. Mais qui sait ? Vous pourriez en sortir grandi. Ce serait votre premier vrai rôle. Il n’est jamais trop tard.