« La ligne de Glucksmann se rapproche plus du macronisme de 2017 que du Nouveau Front populaire de 2024 », critique poliment dans la presse Manuel Bompard, l’un des principaux lieutenants de Jean-Luc Mélenchon. Mais en coulisses, les cadres de La France insoumise sont convaincus que le populisme démagogique et la force de frappe rhétorique de leur chef écrabouilleraient le leader de Place publique dans l’hypothèse d’une primaire à gauche.
S’il y a bien un homme que j’estime à gauche, c’est Raphaël Glucksmann, qui caresse de plus en plus l’idée de se présenter en 2027, au nom de « Place publique », et pour vaincre Jean-Luc Mélenchon. Et j’ai peur pour lui.
La politique, c’est un métier
Quand un de ses proches déclare « qu’il ne faut pas avoir peur de se faire défenestrer par La France insoumise » à Carl Meeus du Figaro Magazine, il énonce sur un mode positif ce qui risque d’être au contraire le sort de Raphaël Glucksmann dans cette joute à venir que je perçois comme très inégale. Dans le rapport de force qui pourrait s’annoncer au sein de la gauche et de l’extrême gauche, je crains que Glucksmann, aussi estimable qu’il soit, malgré sa conviction qu’il a su faire sa mue de l’intellectuel engagé au politique partisan, soit handicapé par sa finesse et son honnêteté mêmes.
Face à l’instinct de tueur de Jean-Luc Mélenchon qui ne fera pas de quartier, pas plus dans la mouvance LFI qu’à l’égard des candidats kamikazes déclarés comme François Ruffin, et encore moins contre des personnalités comme celle de Raphaël Glucksmann, qui résistera ? Raphaël Glucksmann me paraît assurément relever du registre suscitant le plus de détestation de l’autocrate Mélenchon : une forme de morale tentant de faire oublier sa possible faiblesse derrière un verbe belliqueux. Avec la crainte, pour tous ceux qui apprécient Raphaël Glucksmann et la constance de son combat et de son opposition aux idéologies extrémistes, que sa posture jure avec ce qu’il semble être véritablement. Et notamment sa noble inaptitude à proférer n’importe quoi en le qualifiant de vérité. Sa confiance en lui-même, tellement réduite par rapport à l’arrogance d’exister de Mélenchon, ne le conduira jamais à mon sens à se préférer à une lucidité même préjudiciable à sa cause.
Rouleau compresseur
Quand on évoque « entre Glucksmann et Mélenchon, le match qui vient à gauche » (Pierre Lepelletier dans Le Figaro), comment passer sous silence la formidable oralité du second et l’intelligence argumentative du premier ? Celle-ci, aussi convaincante qu’elle puisse être dans un monde urbain et civilisé, pourrait se trouver fragilisée par un rouleau compresseur de concepts, d’affirmations, de provocations, se souciant comme d’une guigne de la pertinence au bénéfice de l’efficacité.
Ce n’est pas à dire que Raphaël Glucksmann n’aurait pas certains atouts face à l’épouvantail Mélenchon mais si je confirme avoir peur pour lui, c’est que je mesure à quel point ses vertus pourraient être précisément son handicap.
Il n’empêche que dans un univers politique qui me permet l’objectivité de la distance, je salue, par avance, la victime de qualité que sera Glucksmann face au bourreau Mélenchon.




