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Quand l’INSEE reproche aux Français d’habiter des logements trop grands

Des logements sous-occupés, en quoi est-ce problématique ? En 2022, un quart des ménages français (soit environ 7,6 millions de résidences principales) disposaient d’au moins trois pièces de plus que nécessaire, principalement des maisons individuelles et souvent occupées par des propriétaires de plus de 60 ans, dont les enfants ont quitté le foyer, s’alarmait récemment l’INSEE…


Nous entrons dans une époque où le totalitarisme ne dit plus son nom. Il ne défile plus en uniforme ni ne vocifère du haut des tribunes. Il avance masqué, habillé des habits du pragmatisme, du bon sens gestionnaire ou du pluralisme culturel. Et c’est précisément là son efficacité: il s’introduit dans nos institutions, nos modes de vie, nos esprits, avec la légitimité tranquille de la norme.

Justice sociale chiffrée

Prenons la dynamique technocratique à l’œuvre dans nos administrations. Elle n’est plus seulement l’expression d’une rationalité bureaucratique nécessaire, mais tend à devenir un système clos sur lui-même, indifférent aux réalités humaines qu’il prétend organiser. L’exemple récent du rapport officiel sur les logements « trop grands », désignant sans le dire une future dépossession ou taxation au nom de l’optimisation des mètres carrés, illustre cette froide déshumanisation. De même, les zones à faibles émissions (ZFE), au nom d’objectifs environnementaux certes légitimes, traduisent une incapacité chronique à penser la justice sociale autrement que sous l’angle du chiffre. Le gouvernement des algorithmes et des schémas produit une dépossession civique silencieuse, où la décision se prétend neutre et nécessaire, là où elle est en réalité profondément politique. C’est là une forme douce de totalitarisme, sans visage ni discours, mais d’autant plus redoutable qu’il ne rencontre guère de résistance conceptuelle ou populaire.

En miroir, un autre totalitarisme, cette fois exogène dans sa matrice mais désormais endogène dans sa stratégie, s’infiltre dans nos structures : celui de l’islamisme politique. Le récent rapport parlementaire sur l’entrisme des Frères musulmans dans les associations, les établissements scolaires, les municipalités, en témoigne avec une inquiétante clarté. L’islamisme ne procède plus principalement par confrontation mais par subversion méthodique, exploitant les failles juridiques et les faiblesses culturelles d’une société désarmée symboliquement. Il avance au nom de la tolérance pour mieux imposer l’intolérable ; il se cache derrière le droit pour miner la démocratie de l’intérieur.

Ces deux périls – le technocratisme déshumanisé et l’islamisme conquérant – semblent opposés, mais procèdent d’une même vacuité collective : celle d’une société qui ne sait plus ce qu’elle veut, ni ce qu’elle est. Ils se nourrissent de notre vide spirituel, de notre effacement volontaire devant l’autorité masquée, de notre peur d’assumer une conflictualité nécessaire. C’est ce contexte qu’il nous faut penser avec lucidité. Car la santé d’une démocratie se mesure à sa capacité de résistance aux folies rationnelles comme aux délires fanatiques.

C’est à partir de ce double diagnostic que nous devons interroger la crise plus vaste – psychique, sociale, politique – que nous traversons. Et c’est là que commence le véritable enjeu.

Angoisses sourdes

Il est devenu impératif de poser la question que toute une époque esquive : que signifie l’état de nos sociétés dites avancées ? L’angoisse qui sourd dans nos existences individuelles, la violence diffuse qui parcourt nos relations sociales, l’instabilité affective, politique, économique, tout cela renvoie moins à des crises conjoncturelles qu’à un dérèglement profond de nos structures anthropologiques et culturelles.

La folie, que l’on croyait confinée dans les marges médicalisées de la psychiatrie, infiltre désormais les comportements ordinaires. Narcissisme exacerbé, ressentiment chronique, perte de la maîtrise de soi : ce sont les nouvelles formes de subjectivité produites par une modernité en crise de sens. Ce n’est pas que l’homme moderne soit devenu fou au sens clinique, c’est que la société elle-même, désorientée par la perte de ses principes fondateurs, génère des comportements déraisonnables devenus la norme.

Nous avons tous été blessés – par l’effondrement des liens traditionnels, par la dérive individualiste d’un monde sans mémoire, par les échecs du travail, de l’éducation ou de la transmission. Une partie de nous a trouvé les moyens de résister, parfois au prix d’un compromis douloureux. Mais d’autres s’enfoncent dans la haine ou la résignation, transmettant à leur tour leur désarroi à des enfants fragilisés, voués à osciller entre violence, soumission ou mégalomanie.

Le drame est que cette détérioration subjective ne constitue pas un obstacle à la réussite sociale – elle en devient parfois le moteur. Les formes pathologiques de la personnalité s’avèrent redoutablement fonctionnelles dans un monde gouverné par la performance et l’image. C’est ainsi que les postes de pouvoir, dans la politique comme dans l’entreprise, sont souvent occupés par des figures cyniques, sans intériorité ni scrupule. Ils captivent les foules par leur force apparente, et leur offrent un miroir dans lequel projeter leur désir de puissance ou leur besoin d’autorité.

De là naît l’irrationalité grandissante du champ politique. On adhère non à des idées mais à des affects. La peur et la colère deviennent moteurs de décision. Le citoyen, privé d’un cadre d’intelligibilité collectif, devient vulnérable aux séductions les plus dangereuses, aux discours les plus simplificateurs. Or, une démocratie ne peut survivre sans un minimum de santé mentale partagée. Sans elle, elle cède à ce que Tocqueville appelait la tentation douce du despotisme, ou à celle, plus brutale, des aventures autoritaires.

Liberté menacée

Cette crise n’est pas uniquement interne. Elle nous expose aux formes nouvelles du totalitarisme, à la fois internes et externes. Le totalitarisme technocratique, celui de la gouvernance algorithmique, du management mondialisé, du contrôle sans visage, s’installe dans nos institutions avec le masque de l’objectivité et de l’efficacité. Il dépolitise le citoyen sous couvert de rationalité. En parallèle, le totalitarisme islamiste, porté par une vision archaïque et fanatique du monde, exploite les failles de notre cohésion, de notre mémoire, de notre volonté collective. L’un endort, l’autre terrorise. Les deux, à leur manière, sapent les fondements mêmes de notre régime de liberté.

Le véritable adversaire, toutefois, demeure cette faiblesse intérieure qui les rend possibles : la perte de conscience de notre responsabilité collective, le refus d’affronter nos ombres, notre inclination à déléguer notre souveraineté à des figures autoritaires ou des systèmes automatisés. Ce n’est pas seulement l’école, la famille, ou l’État qui sont en crise : c’est l’idée même de sujet autonome, moralement constitué, politiquement engagé.

Nous n’échapperons pas à cette spirale sans une refondation intellectuelle et morale. Il ne s’agit pas de revenir à un passé idéalisé, mais de retrouver ce que la démocratie exige : des citoyens capables de discernement, de courage, de fidélité à des principes. La restauration de notre capacité de jugement, la reconstruction des liens symboliques, la réhabilitation du langage commun : voilà le chantier. Il suppose aussi de choisir d’autres figures pour nous représenter – non celles qui nous confortent dans nos faiblesses, mais celles qui nous exigent. La résistance au totalitarisme – qu’il soit technocratique ou islamiste – commence par la reconquête de notre force intérieure. Car aucune puissance extérieure ne triomphe durablement d’un peuple habité par une claire conscience de lui-même, de son histoire, de ce qu’il veut préserver et transmettre. Ce n’est pas la fin du politique que nous vivons. C’est sa mutation radicale. À nous de la conduire, ou de la subir.

Le roman national à la force du mollet


Des rites auxquels le peuple de France pouvait être attaché, il en reste au moins un. Peut-être bien le dernier. Le Tour de France, la Grande Boucle. Les Trois Glorieuses, trois semaines d’une épopée au cours de laquelle la France a rendez-vous avec la France, ses paysages, ses villes, ses monuments, ses populations, ses fortes chaleurs, ses pluies diluviennes, ses vents contraires. Et, chemin faisant, son histoire, épicée en la circonstance de symboles à foisons. Le calvaire des sans grade à l’Alpe d’Huez ou au Mont Ventoux, les mornes plaines des étapes dites de transition, Waterloo d’ennui pour les escalateurs forcenés, les poids ultra-légers de la grimpette, mais aussi le triomphe à la romaine des sprinters sur les larges avenues des villes littéralement en pavoison pour la circonstance. Avec cela, le plus grand salon au monde – à ciel ouvert – du camping-car et du penta-court réunis. Porté sur bedaine prospère de préférence, le penta-court. L’apéro aux senteurs anisées à ras le bitume fumant, une espèce de rite dans le rite. On n’a plus Yvette Horner et son accordéon, les anquetiliens en querelle quasi byzantine avec les poulidoristes. En effet, nous n’avons plus droit à ces joyeusetés-là. Nous le déplorons. L’ambiance bistrot s’en ressent. La France, ces dernières décennies, serait plutôt aux vainqueurs absents. Cependant, il faut y croire encore. Cette fois-ci, la der des der se jouera peut-être au sommet. En bleu blanc rouge ? Faisons un rêve. Le sommet, la Butte Montmartre, bien sûr. Après Vercingétorix du côté du Puy de Dôme, le Gavroche façon Poulbot au Sacré Cœur. Oui, sacré périple au cœur de France, que cette boucle-là. Une victoire française en apothéose de la campagne de France le 27 juillet, voilà qui sonnerait pour beaucoup comme une nouvelle prise de la Bastille. Un 14-juillet de Fête nationale décalé d’une quinzaine. Marianne fermerait sûrement les yeux sur cette innocente entorse. La Bastille prise cette fois sans effusion de sang. Seulement de sueur. Et de larmes de plaisir.

A lire aussi: Podcast: Bertrand Deckers et la princesse Kate; Aurore Bergé et la haine en ligne; Macron et Starmer dansent le tango

Trois semaines de roman Nntional, voilà le fond du fond de l’affaire. Grâce à cette internationale du braquet, grâce à la force du mollet de ces héros à casaques chamarrées, surgissant parfois de ce diable vauvert, si cher au dinosaure Zitrone, et recevant au bout de l’effort le bouquet, la bise et les bravos de la victoire. Héros trop blancs que ces forçats du guidon, nous dit-on, pour plaire à tout le monde, vraiment tout le monde, y compris Monsieur Mélenchon et ses porte-bidons créolisés. Dommage. Et tant pis pour ceux-là.

Perquisitions au RN: hasard, vous avez dit hasard?

Mercredi, le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella a été perquisitionné dans le cadre d’une enquête sur des prêts accordés au mouvement par des particuliers. Dénonçant un acharnement, M. Bardella a déclaré : « Rien à voir avec la justice, tout à voir avec la politique ».


« Le siège du RN, des entreprises et les domiciles de leurs dirigeants ont été perquisitionnés dans le cadre d’une information judiciaire sur des soupçons de financement illégal des campagnes présidentielles et législatives en 2022 et européennes en 2024 » nous fait savoir ce mercredi 9 juillet le parquet de Paris.

Et de préciser : « Il s’agit de permettre de déterminer si ces campagnes ont été notamment financées grâce à des prêts illégaux de particuliers bénéficiant au parti ou à des candidats du Rassemblement national, ainsi que par des surfacturations de prestations fictives ayant été intégrées par la suite dans les demandes de remboursement forfaitaire par l’État des dépenses de campagne. » « À ce jour, aucune personne physique ou morale n’est mise en examen dans cette procédure », est-il ajouté.

Ces perquisitions, menées par deux juges d’instruction et une vingtaine de policiers, s’inscrivent donc dans le cadre de cette information judiciaire ouverte depuis juillet 2024, pour, je cite : « escroquerie commise au préjudice d’une personne publique, prêt à titre habituel d’une personne physique à un parti politique, blanchiment d’escroquerie aggravée, faux et usage de faux. »

Il serait question de prêts de vingt-trois particuliers accordés au RN pour un montant évalué à plus de 2,3 millions d’euros, sommes qui doivent impérativement être remboursées, sauf à prendre le risque de les voir requalifiées en dons déguisés. Fin 2023, le montant total de tels prêts à rembourser par le parti s’élevait à environ vingt millions d’euros. Notons que le recours au financement de partis politiques par des prêts de particuliers, selon des modalités précises et en respectant un plafond, est parfaitement licite.

Surtout, convient-il de souligner que le RN ne voit guère se dérouler devant lui le tapis rouge lors de ses démarches auprès des banques françaises. Une unanimité, un consensus de la profession dont on veut bien croire qu’ils ne sont dus eux aussi qu’au plus grand des hasards, font que ce parti se voit systématiquement opposé portes et bourses closes. Il lui faut donc chercher ailleurs. Le très sensé M. de La Palice en conviendrait sans peine. Hélas, ce cher homme ne préside pas les instances financières du pays.  

Voyez ce que c’est que les coïncidences ! On apprend justement que le mardi 8 juillet, la veille même de ces perquisitions – qui visent aussi les bureaux des principaux dirigeants du parti, dont le président lui-même – le parquet européen a ouvert une enquête sur l’ancien groupe politique auquel appartenait le RN avant 2024, Identité et Démocratie, suspecté quant à lui d’avoir « indûment dépensé » plus de 4,3 millions d’euros entre 2019 et 2024.

A ne pas manquer, notre nouveau numéro : Merci qui ?

On se plaint souvent du calme politique qui règne au cœur des étés, surtout lorsqu’ils sont caniculaires. Tout porte à croire que la présente saison fera exception. Au moins du côté du RN.

Mais cette effervescence est-elle seulement le fait du hasard ?

Voilà quelque temps déjà, le sabre si bien affûté de la justice avait plus ou moins décapité les espérances de Marine Le Pen – sauf miracle en session de rattrapage – d’être candidate lors des prochaines élections présidentielles. Et voilà bien que l’actualité judiciaire s’aventure à fournir à un esprit qui serait ombrageux, un rien machiavélique – tout le contraire du nôtre, ici à Causeur, surtout par temps de si fortes chaleurs – quelques motifs de suspicion. 

En effet, selon un tel esprit, ces perquisitions abondamment médiatisées – que Jordan Bardella, qualifie d’ « opération spectaculaire et inédite », d’« atteinte grave au pluralisme et à l’alternance démocratique » -, ne tomberaient pas à ce moment du calendrier politique totalement par hasard. 

« Opération inédite », s’insurge M. Bardella. Il n’a pas tort. Il n’est effectivement pas d’usage, du moins dans un pays qui se flatte d’être « démocratique », que les placards, les tiroirs, les dossiers des chefs d’un parti d’opposition soient ainsi livrés aux investigations policières. Qu’on se permette d’aller jusque-là en dit assez long, me semble-t-il, sur le sens que donnent aujourd’hui nos gens de pouvoir au beau mot de « démocratie ». 

Mais revenons à la question de la place du hasard dans cette affaire.

Il se trouve, c’est un fait, que l’année de moratoire durant laquelle M. le président de la République ne pouvait se délecter de nouveau de son péché mignon, la dissolution, se termine à présent. À tout moment, donc, entre deux longueurs de piscine à Brégançon, ou un soir d’ennui entre les murs du palais de l’Élysée toujours plus ou moins dépeuplé à cette période de l’année, M. Macron peut-il décider d’agrémenter les semaines qui viennent, voire la rentrée, des plaisirs toujours si fertiles en surprises d’un nouveau jeu de quilles parlementaire, avec, cela va de soi, retour aux urnes. 

Dans cette optique, tout ce qui pourrait embarrasser, disqualifier le RN et ses candidats ne pourrait être que bienvenu. On s’en doute.

Mais, comme il est dit plus haut, loin de nous semblables considérations. Nous les laissons aux esprits malfaisants et bassement complotistes. Bien sûr…

Le mot le plus con – Votre compte est bon

Bienvenue sur le plateau de « Des chiffons et des bêtes », le nouveau jeu de société nationale présenté par Jean-Luc Mélenchon et Aurélien Taché, duo de clowns tristes sponsorisés par l’Institut du Déni Républicain. Au programme de cette émission: relativisme ricanant, chapeaux de carnaval islamique, et auto-flagellation d’apparat pour un festival de francophobie !


Règle du jeu :
Il faut comparer ce qui ne l’a jamais été, confondre ce qui ne l’est pas, et applaudir très fort quand quelqu’un prononce une énormité avec l’aplomb d’un évêque progressiste sous LSD.

Premier round : Le Mot le Plus Con.
Et le gagnant est… « serretête », évidemment.
Oui, vous avez bien entendu : le voile islamique serait l’équivalent du serretête de Bernadette.
Taché jubile : « Si on n’a pas interdit les petites filles catholiques de mettre un nœud dans les cheveux, pourquoi interdire à Aïcha de se voiler à 6 ans ? »
Mélenchon opine, l’œil humide, le verbe chaloupé : « C’est la même pudeur, la même beauté du geste… créolisons, créolisons ! »

Ici, la bêtise atteint une forme d’élévation mystique. On touche au sublime de l’absurde, là où le ridicule devient dogme.
Dans leur vision du monde, les serretêtes oppriment autant que les voiles libèrent, la liberté est une soumission stylisée, et la République est une mosquée laïque avec option wokisme.

Deuxième round : Votre compte est bon.
Additionnons :
• Un voile = un accessoire parmi d’autres.
• Une conviction religieuse totalitaire = une expression personnelle de la diversité.
• Une contradiction flagrante avec les principes républicains = un enrichissement culturel.
Résultat : le multiculturalisme indigénisé gagne 1000 points.

Mais attention ! Si vous osez émettre une réserve, vous perdez tout.
On vous classe aussitôt parmi les « crispés », les « identitaires », les « néo-laïcards rigides » ou, pire, les racistes structuraux.
Vous pensiez défendre l’école publique ? Mauvais point.
Vous citez Condorcet ? Fasciste.
Vous avez encore une photo de Jules Ferry ? Prison.

A lire aussi: Le créole pour tous!

Bonus round : La phrase historique qui n’a jamais eu lieu.
Mélenchon annonce, sans trembler du menton, que Saladin aurait appris aux Français à construire des cathédrales.
Et pourquoi pas Charlemagne disciple d’Ibn Khaldoun pendant qu’on y est ?
La cathédrale devient ainsi un coup de génie de l’ingénierie arabo-musulmane, construite dans un éclair d’intersectionnalité mystique.
Le gothique flamboyant est désormais halal-compatible.

Et pendant ce temps-là, la langue française, cette vieille emmerdeuse républicaine, est priée de se taire.
Elle a trop dit, trop affirmé, trop imposé ses conjugaisons rigides et son lexique vertical.
Place au français-patchwork, mâtiné de darija, d’anglais managérial et de slogans militants.

Mais que personne ne s’inquiète : ce n’est pas une disparition, nous dit-on, c’est une créolisation !
La République n’est pas déconstruite : elle est décentrée, fluidifiée, intersectionnalisée.
Elle ne s’effondre pas, elle s’incline poliment.

Conclusion :
Dans « Des chiffons et des bêtes », il ne s’agit pas de faire réfléchir, mais de faire taire le réel.
D’habiller la régression en progrès, et le prosélytisme religieux en liberté culturelle.
Le voile devient un serre-tête, la bêtise une vertu, et la République un salon de thé multiculti.
Le mot le plus con ? C’est celui qu’on n’a plus le droit de dire.

Votre compte est bon.

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Cofidis: le casse des vélos résolu en 36 heures


La célérité avec laquelle ont été retrouvés les onze vélos volés à l’équipe Cofidis laisse pantois… Une enquête menée au rythme d’un sprint. Dérobés dans la nuit de samedi à dimanche, à l’issue de la première étape du Tour, à Bondues, banlieue nord de Lille, sur le parking de l’hôtel où l’équipe séjournait, les vélos ont tous été récupérés le lundi matin, 36 heures seulement après le méfait, et en parfait état. Le sentiment était pourtant qu’on ne les reverrait plus jamais…

L’an dernier, en effet, au soir de la 11e étape du Tour, l’équipe Total-Energie avait connu le même déboire. Des cambrioleurs l’avaient également dépouillée de onze montures. Et depuis, elles demeurent introuvables.

Le préjudice financier pour Cofidis était estimé à près de 150 000 euros, chaque unité valant 13 000 euros. Ces vélos (de la marque française Look, installée à Nevers) sont à la bicyclette ce qu’est un bolide de F1 à la bagnole de tout le monde. Le cadre en carbone, au profil aérodynamique facilitant en particulier le phénomène d’aspiration que provoque le coureur qui précède, est taillé sur mesure, selle et guidon fixés au millimètre, dérailleur électronique, pédalier digne d’un mouvement d’horlogerie, freins à disque, roue aussi légère que robuste, etc. : des bijoux mécaniques.

« Ces modèles de compétition, a expliqué le directeur de Look, Raphaël Jeune, au Parisien, ne sont pas destinés aux cyclistes du dimanche. Il y a un trafic avec des filières à l’Est de l’Europe. » Ils sont revendus en pièces détachées, car celles-ci sont impossibles à tracer, à la différence des vélos montés. Numérotés, portant sur le cadre le nom du coureur, et souvent en plus un signe distinctif propre à ce dernier, ils sont très difficiles à refourguer. Et on imagine mal un respectable vendeur de cycles français s’aventurer à jouer le recéleur, et encore moins à en prendre un en dépôt-vente.

S’ils n’avaient pas été retrouvés aussi promptement, le dommage pécuniaire, certes pas négligeable, serait passé au second rang. Sans eux, Cofidis risquait fort d’être contrainte d’abandonner le Tour, comme le craignait son manager Cédric Vasseur. Car il est impossible de les remplacer en quelques jours.

Or, la Grande Boucle est vitale pour les sponsors des équipes en raison de l’exposition télé qu’elle offre. Un spot publicitaire de 30 secondes sur les chaînes majeures revient, se dit-il, entre 30 000 et 100 000 euros. Pas besoin de faire un dessin pour comprendre le gain que représente d’avoir un coureur qui se glisse dans une échappée. D’ailleurs, les échappées dites matinales, qui n’ont quasi aucune chance d’aller au bout, sont nommées « publicitaires ». Leur but est d’exhiber le maillot. Quant à une victoire d’étape ou un maillot distinctif… c’est évidemment le jackpot.

En réalité, le Tour est un gigantesque support publicitaire. Ce qui explique pourquoi les Émirats arabes unis et Bahreïn, dans une stratégie de « soft power », ont investi dans le cyclisme. Cela n’a pas mal réussi aux Émirats puisqu’ils ont dans l’effectif de leur équipe (UAE, le plus gros budget du peloton, estimé à plus de 60 millions d’euros) Tadej Pogacar.

Le patron de Skoda France, une filiale de Volkswagen, qui fournit à l’organisateur du Tour (Amaury Sport Organisation – ASO) 250 voitures et sponsorise le maillot du meilleur sprinteur, Julien Bessière, a reconnu dans un entretien accordé au JDD que « c’est un partenariat très rentable parce que c’est un événement planétaire. » Le Tour est diffusé dans 190 pays. En France, ses audiences télé atteignent des records. Dimanche dernier, la seconde étape a été suivie par 3,8 millions de téléspectateurs, soit 34,92 % de part de marché, auxquels il faut ajouter la foule qui se masse le long de son parcours dans une ambiance festive et bon enfant. Les grincheux diraient « populiste ».

Ainsi, Cofidis a échappé au pire… Mais ce n’est pas le flair d’un fin limier à la Maigret, lui aussi amateur de courses de vélo et lecteur assidu du mensuel disparu Miroir du cyclisme, la bible à l’époque de la Petite Reine et satellite du Parti communiste, qui a conduit aux vélos usurpés, mais bien un tout petit boîtier de la taille d’une boîte d’allumettes qu’on appelle un transpondeur.

C’est à la fois un GPS et une sorte de mouchard informatique. Tous les vélos en sont désormais dotés dans les courses World Tour (1ʳᵉ division). C’est ainsi grâce à lui qu’on peut connaître en temps réel l’écart entre une échappée et le peloton, la vitesse des coureurs, et connaître le classement exact à l’arrivée de chacun d’eux.

De toute évidence, les voleurs n’étaient pas très au fait de la chose vélocipédique. Par chance, et peut-être par inadvertance d’un mécanicien, un des vélos était resté équipé de ce petit boîtier qu’on installe sur le hauban horizontal de la fourche arrière, à l’opposé du dérailleur. « Des Pieds Nickelés », ainsi que les a qualifiés un enquêteur. Le transpondeur, qui a continué à émettre, a permis de géolocaliser six vélos à Halluin, commune du Grand Lille, à une encablure de la frontière belge. Ils étaient planqués dans le box d’un garage d’une maison d’un quartier dit ouvrier. Les enquêteurs ont aussi trouvé le pied-de-biche qui avait servi à forcer la porte latérale du camion-atelier où étaient gardés les vélos. Ils ont relevé de l’ADN et des empreintes… Et le box a un propriétaire qui sera entendu.

Auparavant, la veille, dimanche, cinq des vélos avaient déjà été retrouvés, abandonnés dans un sous-bois, à 200 mètres seulement du lieu de l’effraction. Pas vraiment des Arsène Lupin, ces rats de parking : ils n’avaient pas prévu un véhicule assez grand pour embarquer la totalité de leur butin… onze vélos, ça fait du volume.

Il est donc probable que leur échappée prenne vite fin… à moins qu’ils n’aient déjà rejoint le pays de destination de ces vélos. On devine lequel…


Vingegaard : la gueulante de Madame, cause ou prémonition ?
L’événement de la 5ᵉ étape, un contre-la-montre de 33 km autour de Caen, n’a pas été la victoire — attendue — du double champion du monde et olympique de la spécialité, Remco Evenepoel, qui en profite pour endosser la tunique blanche de meilleur jeune (moins de 25 ans), ni même la belle performance de Tadej Pogacar, deuxième à seulement 16 secondes, qui récupère trois maillots distinctifs. Le Blanc lui échappe en raison de son âge : il a, cette année, 26 ans.
Le véritable fait marquant, c’est le gros plantage de Jonas Vingegaard. Il termine 13ᵉ à 1’21 » d’Evenepoel, et surtout à 1’05 » de Pogacar. Au général, il concède 1’13 » à ce dernier et se retrouve même derrière le surprenant Français Kévin Vauquelin, troisième à 59″ du maillot jaune grâce à une belle 4ᵉ place dans ce contre-la-montre, à seulement 49″ du vainqueur. Une performance qui pourrait bien sauver son équipe Arkéa, toujours en quête d’un sponsor pour la saison prochaine.
La question que se posent désormais tous les commentateurs est la suivante : à quoi tient cette déroute de Vingegaard, certes pas encore éliminatoire mais de très mauvais augure ? La gueulante, jugée par beaucoup comme intempestive, qu’avait poussée dimanche son épouse en est-elle la cause, lui ayant miné le moral ? Ou était-elle plutôt le signe avant-coureur d’un burn-out annoncé ?
« L’équipe le pousse trop loin », confiait-elle au quotidien danois Politiken. « J’ai peur qu’il brûle la chandelle par les deux bouts. »
Rien ne laissait présager cette contre-performance. Vingegaard avait entamé cette 112ᵉ édition de manière très incisive. Dès la 1ʳᵉ étape, il était à l’origine d’une bordure qui avait piégé Evenepoel ; lors de la 4ᵉ, après avoir été décroché par Pogacar dans un raidillon, il était revenu sur lui en trois coups de pédale impressionnants.
Il répétait à l’envi qu’il n’avait jamais été dans une telle forme. Au Critérium du Dauphiné, dans le contre-la-montre de 17 km, il avait pris 20 secondes à Pogacar. Mais il marquait déjà le pas dans les arrivées en côte, où son rival se montrait impérial.
On oublie parfois que Vingegaard a été victime l’an dernier d’une très grave chute au Tour du Pays basque (pneumothorax, côtes cassées), qui aurait logiquement dû l’écarter du Tour. Il avait pourtant terminé deuxième, après avoir opposé une farouche résistance à Pogacar. À l’époque, il avait confié s’être vu mourir. Cette année encore, alors qu’il portait le maillot jaune lors du Paris-Nice, il avait abandonné après une commotion cérébrale — passée sous silence — causée par une nouvelle chute.
Depuis cet accident, son équipe l’a-t-elle trop poussé ? L’a-t-elle véritablement « brûlé par les deux bouts » ? Ou a-t-il simplement connu ce fameux « jour sans » que tous les coureurs redoutent ? Si les Pyrénées venaient à confirmer qu’il est déjà à bout de souffle, malgré ses 28 ans et deux Tours de France victorieux, la question des conditions de travail — voire d’exploitation — des cyclistes professionnels devra être posée. Certainement les plus dures et exigeantes de tous les sports, avec la boxe • RU

Incompréhension

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Le suicide du LR Olivier Marleix a mis en sourdine quelques heures les fureurs et les oppositions bruyantes du monde politique. Et si on comprenait aussi les vivants, rêve notre chroniqueur ?


En dehors de deux ou trois exceptions complotistes, le suicide d’Olivier Marleix a été abordé par toute la classe politique avec infiniment de dignité et de délicatesse. Avec une exemplaire compréhension de la fragilité d’une vie susceptible de basculer de la lumière vers l’ombre, de l’existence la plus palpable, la plus immédiate jusqu’à son effacement en un trait de temps vertigineux. Il est vrai qu' »on sous-estime toujours la solitude des êtres » comme l’a dit Laurent Wauquiez dans un hommage émouvant et très applaudi à l’Assemblée nationale. François Bayrou a exprimé la même idée : « On ne connaît jamais la fragilité des êtres humains ».

Mystère insurmontable

Bruno Retailleau, quant à lui, s’est interrogé douloureusement : « Quels cris Olivier étouffait-il ? Quelle nuit traversait-il ? Pourquoi ? Qu’aurions-nous dû voir ? Quels combats intérieurs livrait-il pour qu’il se résolve à un tel geste ? »

J’ai croisé Olivier Marleix, je l’ai un peu connu, j’ai aimé son caractère perçu par certains comme roide, intransigeant dans ses convictions, dénué de toute démagogie. Ce qui est sûr est que pour tous, cet homme a été un inconnu qui a laissé ceux qu’il a quittés et qui l’aimaient dans un définitif et insurmontable mystère.

I have a dream

Je fais un rêve. Cette décence unanime à l’égard d’Olivier Marleix et de son geste apparemment imprévisible, serait-il donc impossible qu’elle se manifestât, certes sur un autre mode, à l’égard des vivants ? En considérant déjà cette élémentaire fraternité qui devrait réunir tous les mortels dans leur conscience d’être périssables, et qui pourrait dominer tous les antagonismes conjoncturels ?

A relire: Olivier Marleix (LR): « Aucune réforme des retraites n’a jamais été populaire »

Pourquoi la politique, ses fureurs, ses humeurs, ses oppositions, cette manière qu’elle a de défigurer le dialogue démocratique en haine et en guerre, pèsent-elles tellement, face à notre dure condition humaine humaine en partage ? Ce sentiment ne couvrirait pas d’un baume absolu les oppositions partisanes ni les affrontements idéologiques mais les atténuerait par ce relativisme pacificateur…

Bilger, l’humain d’abord ?

Ce ne serait pas tomber dans le classique « chacun a ses raisons » mais user de la précaution de se rappeler que Jean-Luc Mélenchon, par exemple, est d’abord une histoire qui souvent l’explique, parfois le justifie, quelquefois le condamne, une sensibilité et un humus qui mettent naturellement à mal toutes ses constructions révolutionnaires théoriques. Emmanuel Macron n’est-il pas, plus que tout autre, l’incarnation d’une structure intime, d’un paysage subtil qui dessinent ce qui semble être une rationalité mais relève bien davantage d’une étrangeté ? Cette vision priorisant le souffle, les corps et les battements du cœur est susceptible de s’appliquer à tous ceux qui ont une parcelle d’autorité entre les mains, des présidents aux petits chefs, des dictateurs aux démocrates.

Il ne s’agit pas en permanence de faire passer l’humain qui rassemble et qui fait qu’on se ressemble, avant les joutes intellectuelles et les débats vigoureux et antagonistes mais de savoir les arrêter, dans leur intensité et leur tonalité, quand ils oublient les hommes ou les femmes qui y participent. Il ne serait pas grotesque de ne jamais oublier, où qu’on soit, la solidarité que créent inéluctablement nos faiblesses, nos fragilités et les sources subjectives nées de nos êtres, par rapport au dissensus constant qu’engendre une politique de postures et d’éclats.

Je ne vois pas au nom de quoi les vivants globalement entendus ne mériteraient pas, d’emblée et pour échapper à toute dérive, le respect que devraient inspirer une fortune et une infortune communes : hommes et femmes, on vit puis on meurt !

Bayeux, Buckingham, tapisserie et nouvelle alliance

À Londres, entre les calèches, les tapis rouges et la tapisserie de Bayeux, la France et le Royaume-Uni ont transformé l’Entente Cordiale en Entente Amicale – avec un soupçon de géopolitique et un panier gourmand en bonus. Résumé d’une visite historique.


Info. Notre directeur adjoint Jeremy Stubbs proposera demain une analyse politique de la visite d’Etat de M. Macron en Grande Bretagne dans le prochain épisode de notre podcast.


Dans un discours solennel devant les deux chambres du Parlement britannique, mardi, le président Macron a célébré le retour de relations plus étroites entre Paris et Londres, tout en appelant à une plus grande autonomie stratégique vis-à-vis des États-Unis et de la Chine. Le président français Emmanuel Macron a lancé un appel appuyé au Royaume-Uni pour reconnaître l’État de Palestine et renforcer le soutien à l’Ukraine, à l’occasion de sa visite d’État outre-Manche — la première d’un chef d’État européen depuis le Brexit.

Invité par le roi Charles III pour une visite officielle de trois jours (du 8 au 10 juillet), le président français a été accueilli en grande pompe par la famille royale. Après avoir été reçu par le prince William et la princesse Catherine, il a rejoint le château de Windsor en calèche, dans un décor emprunté aux fastes de la monarchie.

Le 8 juillet 2025, sous un ciel londonien tantôt gris, tantôt percé d’un soleil timide, Emmanuel Macron foulait le tapis rouge déroulé au pied du château de Windsor. Accompagné de Brigitte Macron, il était accueilli en grande pompe par le roi Charles III, dans une cérémonie où faste monarchique et modernité se mêlaient avec élégance. Le cliquetis des sabots sur les pavés résonnait comme un écho venu du passé, rappelant que l’histoire continue de s’écrire — de Bayeux à Buckingham.

Un discours d’unité

Au Parlement, Macron a plaidé pour un renouveau de la coopération franco-britannique, en particulier sur les dossiers cruciaux de la défense, du climat, de l’immigration et du commerce.

« Le Royaume-Uni et la France doivent, une fois de plus, montrer au monde que notre alliance peut faire toute la différence », a-t-il déclaré en anglais. « La seule manière de surmonter les défis de notre époque est d’avancer ensemble, main dans la main, épaule contre épaule. »

Le chef de l’État a réaffirmé que l’Europe ne « tournerait jamais le dos à l’Ukraine » face à l’agression russe, tout en exigeant un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel à Gaza.

Ce discours a marqué un tournant symbolique, à l’heure où le nouveau Premier ministre travailliste Keir Starmer œuvre à restaurer des liens apaisés avec les alliés européens, après des années de tensions post-Brexit.

Une « entente amicale »

Mardi soir, le roi Charles a offert un banquet d’État au château de Windsor en l’honneur du couple Macron. Quelque 160 invités — diplomates, figures politiques et personnalités comme Mick Jagger ou Elton John — étaient présents.

Dans son discours, le souverain britannique a salué le début d’une nouvelle ère dans les relations franco-britanniques. Il a proposé de faire évoluer la traditionnelle « Entente cordiale » de 1904 en une « entente amicale », scellant une coopération renouvelée et apaisée entre les deux nations.

Un geste hautement symbolique a été annoncé : la France prêtera au Royaume-Uni la célèbre tapisserie de Bayeux — chef-d’œuvre du XIe siècle — pour un retour exceptionnel sur le sol britannique, plus de 900 ans après sa création. En échange, Londres mettra à disposition de Paris une sélection de trésors anglo-saxons et vikings.

Diplomatie, défense et migration

Mercredi, les affaires politiques ont pris le dessus. Emmanuel Macron a été reçu au 10 Downing Street par Keir Starmer et son épouse Victoria, aux côtés de Brigitte Macron. Les discussions ont porté sur les grandes priorités bilatérales : migrations, défense, investissements.

Malgré les différends persistants liés aux conséquences du Brexit — notamment sur la gestion des migrants traversant la Manche à bord de petites embarcations —, Londres et Paris s’efforcent de bâtir une réponse commune, avec l’hypothèse d’une force militaire conjointe pour soutenir l’Ukraine en cas de cessez-le-feu.

Sommet franco-britannique : enjeux cruciaux

Ce jeudi, Emmanuel Macron et Keir Starmer ouvriront le 37e sommet franco-britannique à Londres. Une série de discussions est prévue, avec un objectif clair : sceller un accord pour limiter les traversées illégales de la Manche.

Il s’agirait d’élaborer un nouveau mécanisme de dissuasion, selon Downing Street, qui a confirmé en début de semaine un consensus sur la nécessité d’un changement d’approche. Le sommet devrait également aboutir à des engagements renforcés en matière de défense, en particulier vis-à-vis du conflit ukrainien.

Les deux dirigeants participeront à une réunion de la « coalition des volontaires », aux côtés du président ukrainien Volodymyr Zelensky, du chancelier allemand Friedrich Merz et de la Première ministre italienne Giorgia Meloni. Ils y discuteront de l’augmentation de l’aide militaire et de la pression diplomatique à exercer sur la Russie.

Vers un accord migratoire inédit ?

Starmer espère qu’un soutien britannique accru à l’Ukraine incitera la France à envisager un nouveau type d’accord migratoire, basé sur un principe d’échange : chaque demandeur d’asile renvoyé vers la France serait compensé par l’accueil d’un réfugié ayant un dossier légitime.

Une proposition ambitieuse, dans un contexte tendu : le Royaume-Uni a enregistré un nombre record de traversées illégales au cours du premier semestre 2025, et le Parti travailliste est concurrencé dans les sondages par la droite dure de Nigel Farage.

Mais Paris reste prudent. La France a jusque-là refusé un tel accord bilatéral, arguant que le Royaume-Uni devrait négocier avec l’ensemble des membres de l’Union européenne.

Une visite au carrefour des intérêts franco-britanniques

Au-delà du faste protocolaire et des discours enflammés, la visite d’État d’Emmanuel Macron à Londres s’inscrit dans un contexte chargé de défis partagés, mais aussi d’opportunités renouvelées.

Il s’agit d’abord d’un moment crucial pour tourner la page d’un Brexit qui a laissé des traces, en affirmant que la souveraineté britannique et française, loin d’être antagonistes, sont en réalité profondément imbriquées et interdépendantes. Le président français a rappelé que, dans un monde incertain, la France et le Royaume-Uni doivent unir leurs forces pour éviter de retomber dans les dépendances « excessives » aux grandes puissances comme la Chine ou la Russie.

Parmi les dossiers épineux, la question migratoire illustre bien la complexité des relations bilatérales. La traversée clandestine de la Manche cristallise les tensions, mais aussi l’urgence d’une coopération renforcée. Macron n’a pas éludé cette réalité, appelant à un partage de responsabilités, qui dépasse les frontières et réclame des solutions concertées.

Dans le même temps, le soutien commun à l’Ukraine offre un terrain fertile à un rapprochement stratégique. En formant une coalition de volontaires pour défendre Kiev, Paris et Londres signent une alliance militaire inédite depuis longtemps. Cette union s’appuie aussi sur une complicité plus intime, liée au statut partagé de puissances nucléaires et de membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. Deux « États jumeaux » qui, malgré les différends, savent conjuguer leurs forces face aux défis contemporains.

Enfin, la visite a mis en lumière la puissance discrète mais réelle du soft power britannique. La monarchie, véritable aimant diplomatique, offre à Macron un cadre de prestige exceptionnel, rappelant à tous la profondeur et la richesse des liens qui unissent la France à son voisin.

Diplomatie en habits de courtoisie : les présents de Macron à Charles III

À travers un opéra de Debussy, une trompette de la Garde Républicaine, un coffret d’aquarelles Sennelier et un panier gourmand mêlant miel et douceurs françaises, Macron a offert plus que des présents : une véritable conversation silencieuse avec Charles III. Ces offrandes, entre musique, art et nature, incarnent la diplomatie en habits de courtoisie. De la musique aux abeilles, ces cadeaux disent plus qu’un discours : ils parlent d’attention, de connivence et de respect mutuel…

Achtung! Les alliances entre rouges et bruns se précisent outre-Rhin

L’Alliance Sahra Wagenknecht transgresse les lignes rouges de la politique allemande en assumant des convergences ponctuelles avec l’extrême droite de l’AfD, au nom du pragmatisme démocratique mais aussi au nom d’une gauche antilibérale en rupture avec le progressisme « woke ».


En 1997, Patrick Besson signait un roman, Didier dénonce, dans lequel il moquait ceux qui voyaient des complots rouge-brun partout. Presque trente ans plus tard, c’est peut-être d’Allemagne que ce fantasme verra le jour. A la question d’une alliance possible avec l’AfD, Sahra Wagenknecht, leader du parti éponyme (Alliance Sahra Wagenknecht) issu d’une scission avec le parti d’extrême gauche Die Linke, a récemment répondu : « Si vous me demandez si je m’adresserais également à M. Tino Chrupalla [leader de l’AfD] s’il y avait une raison concrète à cela, comme ce fut le cas en Thuringe lors de la réunion des présidents des groupes parlementaires : oui, bien sûr ». Ajoutant : « Cela devrait être normal dans une démocratie ». Un appel du pied suffisant pour que les médias allemands détectent « la même pensée autoritaire » au sein des deux formations.  

Quand craque le BraudenMauer…

L’alliance avec l’AFD ? Y penser souvent, n’en parler (presque) jamais. Dans ce pays, l’extrémisme de droite, quoiqu’en recul depuis Koursk et Stalingrad, n’amuse personne. Le cordon sanitaire, ici « BrandMauer », a longtemps défié toute résurgence des vaincus de 1945. La NPD (parti « national-démocrate »), aux fortes accointances néo-nazies, ou les Republikaners de l’ancien Waffen SS Franz Schönhuber n’ont jamais trouvé d’allié et n’étaient qu’exceptionnellement invités dans les médias. Aussi, ils n’ont connu de succès électoraux que temporaires, locaux et limités. Facile à maintenir quand l’extrême droite ne dépasse pas les 5%, le BraudMauer commence à céder lorsque l’AfD commence à rafler un quart ou un tiers dans certains Landers de l’ancienne Allemagne de l’Est. Problème : dans la BundesRepublik, comme à Weimar, on ne gouverne qu’en coalitions : le scrutin est strictement proportionnel, même à l’échelon local. Les partis de droite ont donc été tentés de croquer dans la pomme des alliances interdites pour gouverner à nouveau certains exécutifs.

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Les premiers à craquer (ou croquer) furent les alliés libéraux d’Emmanuel Macron au Parlement européen. En février 2020, lors de l’élection du ministre-président (équivalent d’un président de région) de Thuringe, Thomas Kemmerich, membre du FDP, a été élu grâce aux voix de l’AfD, dirigé localement par Björn Höcke, face au candidat de gauche « Die Linke ». Levée de boucliers ! Sacrilège ! Tabou brisé ! « Acte impardonnable » s’étrangla la chancelière Angela Merkel. Devant la pression, le président libéral dût démissionner 48 h plus tard. Et les partis de bricoler un pacte de coalition pour maintenir un gouvernement du Land allant des démocrates-chrétiens… aux post-communistes. Depuis cet épisode, une partie de l’électorat FDP (parti désormais au fond du trou) a glissé vers l’AfD. La base libérale est souvent plus fiscale qu’humaniste, eurosceptique non par nostalgie de la grandeur nationale mais par refus des transferts budgétaires entre États. Le scandale de 2020 y a été vu comme une abdication morale de la droite modérée envers la gauche.

Friedrich Merz, alors chef de la CDU, sentant le vent de l’union des droites tourner, tenta un nouveau coup de sonde. Il déclare en juillet 2023 dans un média suisse que les élus de son parti pourraient, au niveau local, « travailler avec des maires ou des présidents de canton élus sous l’étiquette AfD », dès lors qu’ils sont démocratiquement désignés. Plusieurs résolutions communes avaient déjà été votées par l’apport des élus nationalistes aux démocrates chrétiens. Là encore : Horreur ! BrandenMauer fissuré ! « L’AfD est antidémocratique, d’extrême droite », avait sursauté Markus Soder, le chef de la CSU bavaroise – région qui pourrait avoir un passif historique à absoudre. Comme le président démissionnaire de Thuringe, M. Merz revint sur ses propos dès le lendemain. Les consciences de la CDU veillent. En janvier 2025, Angela, toujours elle, critiqua publiquement une motion anti-immigration votée par la CDU au Bundestag avec le soutien de l’AfD, dénonçant un alignement dangereux. Cinq ans après le scandale de Thuringe, ce sont donc les électeurs de la CDU qui entament leur migration vers l’AfD. Ce sont des retraités conservateurs, des classes moyennes rurales, des ex-électeurs CSU qui se tournent vers le parti de M. Höcke non par nostalgie hitlérienne, mais parce qu’ils ne se sentent plus représentés par une droite plus obsédée de digues morales que de digues fiscales, migratoires ou identitaires.

La gauche Rosa plutôt que la gauche Greta

Dans un pays qui a troqué Rosa Luxemburg pour Greta Thunberg, Sahra Wagenknecht est une relique hérétique. Trop brillante pour les chaines d’info (elle est docteure en philosophie et économie ; un titre qui compte en Allemagne), trop rouge pour la droite, trop nationale pour la gauche… Elle fut d’abord marxiste : née en Allemagne de l’Est, elle a même appartenu au SED, l’ancien parti communiste. Ça tombe bien, l’AfD et le BSW font leurs meilleurs scores sur le même fief électoral, celui de l’ancienne RDA. Son discours antilibéral est intégral et ne cède rien au progressisme. Elle a dénoncé l’obsession migratoire de la gauche comme un abandon des classes populaires qui commencent en Allemagne à être broyées par le libre-échange et les faillites d’usines. Elle a tenu la barre de Die Linke avant de faire scission avec ses ex-camarades intersectionnelles pour fonder le BSW – Bundins Sahra Wagenknecht : un parti refuge pour ceux qui ont voté SPD, puis Die Linke, puis plus rien… en attendant peut-être de voter AfD. Au Parlement européen, Michael von der Schulenburg, député BSW non-inscrit, vote déjà en faveur des amendements de l’AfD, notamment quand les deux formations sur retrouvent sur les mêmes thèmes eurosceptiques et le même tropisme russophile.

Le BSW serait donc une gauche conservatrice anti woke, en rupture avec le progressisme de Die Linke, qui a frôlé l’entrée au Bundestag aux dernières élections. Une Marine Le Pen de gauche ? Non : trop de Kant, trop de Marx, trop d’Adorno. Trop d’impératif catégorique, trop de lutte des classes, trop de traumatisme historique. Et pourtant…elle transgresse l’ultime tabou moral de l’après-guerre et pactiser avec le nationalisme. Sans doute un impératif politique : son parti ne voulait-il pas réconcilier la gauche avec le réel ?

Paris n’est plus une Fête!

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Les enfants violents des cités qui se déchainent dans les rues le soir de la Fête de la musique : le symptôme d’un effondrement civilisationnel.


La Fête de la musique, censée être un moment de partage culturel et de liesse populaire, s’est muée cette année encore en une démonstration brutale d’un désordre profond. Dans plusieurs villes de France, les festivités ont été le théâtre de scènes inquiétantes : pillages de commerces, voitures incendiées, agressions au couteau, et même parfois agressions sexuelles. Plus grave encore, des femmes ont dénoncé sur les réseaux sociaux avoir été droguées à leur insu à l’aide de piqûres, phénomène aussi choquant qu’inquiétant.

La police ne sait plus où donner de la tête

Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, la Fête de la musique 2025 a été marquée par plus de 730 interpellations, près de 60 policiers blessés, et une centaine d’agressions recensées sur l’ensemble du territoire, dont plusieurs à l’arme blanche. À Lille, Lyon, Bordeaux, Marseille ou encore Nanterre, les forces de l’ordre ont été débordées face à des groupes organisés, parfois très jeunes, multipliant les attaques coordonnées contre les commerces, les véhicules ou les passants. À Paris, la préfecture a confirmé l’ouverture de plusieurs enquêtes pour violences sexuelles en réunion, tandis que la multiplication des cas de piqûres suspectes, souvent en pleine foule, alimente la sidération.

Du côté du gouvernement, le ministre Gérald Darmanin a dénoncé « des actes barbares et lâches, qui n’ont rien à voir avec la fête », tout en appelant à « une réponse judiciaire ferme et rapide ». Mais dans l’opposition, les critiques fusent. Jordan Bardella (RN) y voit « l’expression d’une insécurité systémique que le pouvoir refuse d’admettre », tandis que Manuel Bompard (LFI) évoque « une stratégie de la tension exploitée politiquement, sans jamais s’attaquer aux causes sociales profondes ». Le président Emmanuel Macron, en déplacement en Bretagne, s’est dit « préoccupé par la multiplication des violences urbaines », affirmant que « la République ne reculera pas ».

Tissu social et jeunesse déchirés

Ces violences ne sont ni des faits divers isolés ni de simples dérapages liés à l’alcool ou à la foule. Elles traduisent une dégradation accélérée de notre tissu social. Elles révèlent une jeunesse hors de tout cadre, une culture de la violence banalisée, et une société qui perd ses repères. Plus qu’un problème de sécurité, nous faisons face à une crise de civilisation. Et les responsables sont multiples : familles déstructurées, État démissionnaire, école en faillite, communautarismes identitaires, et une République paralysée par sa propre lâcheté. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement l’ordre public, c’est l’avenir même de la nation.

Il est temps de cesser les circonvolutions. La violence des jeunes dans les cités n’est pas un accident. Ce n’est pas non plus un simple effet collatéral de la pauvreté. C’est le fruit amer d’un projet échoué de modernité démocratique, incapable de maintenir ses propres structures de transmission, de régulation, d’autorégénération. Cette violence est un cri, mais un cri dirigé contre le silence coupable d’une société qui ne sait plus ce qu’elle est, ni ce qu’elle veut.

Pendant trop longtemps, on a refusé de voir. On a même interdit de penser. Nommer les causes profondes de cette désintégration était suspect. Pointer la responsabilité de certains modèles familiaux ou culturels était un délit moral. Le politiquement correct a imposé sa chape de plomb : toute analyse un tant soit peu honnête était aussitôt assimilée à un discours de haine. Il est temps de briser ce mur d’autocensure.

Les jeunes violents des cités sont les enfants d’un vide. Vide de l’autorité paternelle, disparue sous les coups de boutoir de la délinquance, du consumérisme, de l’abandon social. Le père, lorsqu’il n’est pas physiquement absent, est souvent disqualifié dans son rôle : soit il est marginalisé, soit il incarne lui-même l’arbitraire ou la violence. L’adolescent sans repères se construit alors dans la rue, dans le gang, dans la loi du plus fort.

Vide d’une mère laissée seule, dépositaire d’une mission impossible, sans soutien, sans relais, parfois elle-même sous emprise culturelle ou religieuse. Elle tente de régner sur un foyer miné par l’anomie, souvent sous la domination d’un fils devenu chef de clan à la maison. Ce renversement des générations est une bombe à retardement sociale et psychologique.

Fausse tolérance

Vide d’un État devenu spectateur de sa propre impuissance, piétinant ses principes au nom d’une tolérance dévoyée. L’administration ferme les yeux, les politiques reculent, la justice tergiverse. L’ordre est devenu un mot tabou, la fermeté un acte de provocation.

Et l’École ? Elle aussi s’est effondrée. Jadis instrument d’émancipation, elle est devenue le théâtre de l’inversion des rôles : ce ne sont plus les élèves qui doivent s’adapter à l’institution, mais l’institution qui courbe l’échine devant les revendications identitaires, les communautarismes agressifs, les refus d’apprendre. L’autorité du professeur est constamment remise en question, la discipline remplacée par la peur du scandale. Les savoirs fondamentaux cèdent la place à une pédagogie de l’évitement.

N’ayons plus peur de nommer ce que tout le monde sait : une partie de cette jeunesse violente est irriguée par un islam de rupture. Pas la foi tranquille du croyant, mais l’islam de combat, politique, identitaire, conquérant. Celui qui enseigne la supériorité de la loi divine sur les lois humaines. Celui qui réduit la femme à l’ombre, l’étranger à l’ennemi, la France à une terre à réislamiser. Cet islam-là n’est pas une spiritualité : c’est une stratégie.

Il prospère sur le terrain que la République a abandonné : l’imaginaire, la règle, le récit collectif. Il offre un contre-modèle cohérent, totalisant, à une jeunesse en rupture. Face à une société qui n’ose plus transmettre, qui doute d’elle-même, qui s’excuse en permanence, l’islam radical offre de la fierté, de la discipline, un sens. Il parle à ceux que la République a désertés. Et il le fait mieux qu’elle, parce qu’il croit à ce qu’il dit, quand nous ne croyons plus à rien.

La France est piégée par sa propre lâcheté. Elle a laissé s’installer des enclaves où sa loi ne s’applique plus, où son école est décriée, où son autorité est contestée, où ses valeurs sont rejetées. Ces territoires sont devenus des zones grises, des foyers de désordre culturel et politique, des contre-sociétés où la logique du droit a cédé la place à celle de l’appartenance.

Et quand elle tente timidement de rappeler ses principes, elle se fait traiter de raciste, de colonialiste, de réactionnaire. Ce chantage moral, orchestré par certaines élites universitaires et médiatiques, a figé l’action publique dans un immobilisme suicidaire.

Il ne s’agit pas de stigmatiser, mais d’affirmer. Non, toutes les cultures ne se valent pas. Non, toutes les pratiques religieuses ne sont pas compatibles avec la démocratie. Oui, il faut poser des limites. Oui, il faut exiger l’adhésion aux principes républicains. Et s’il le faut, exclure ceux qui les rejettent frontalement. Il n’y a pas de liberté sans frontières, pas d’intégration sans exigence.

Restaurer ou sombrer

Ce n’est pas une simple affaire de volontarisme ou de slogans incantatoires. Il ne suffit pas de dire « il faut ». Ce qu’il faut, précisément, c’est sortir du registre moral pour revenir au politique, c’est-à-dire au conflit assumé entre des visions du monde. Il faut accepter que toute société repose sur une hiérarchie de valeurs, sur des choix de civilisation. La nôtre, si elle veut survivre, doit cesser de composer avec ce qui la nie.

Il ne s’agit pas d’en appeler à un réveil général, mais à une réforme structurelle de l’action publique. Réaffirmer l’autorité, cela suppose de réarmer les institutions, de garantir à l’école, à la police, à la justice, les moyens et la légitimité d’agir sans peur d’être désavouées. Cela suppose aussi de sortir de l’ambiguïté législative : interdire les discours de haine, certes, mais reconnaître que certains discours religieux, lorsqu’ils minent l’ordre public et la cohésion nationale, ne relèvent pas de la liberté de conscience, mais de la subversion.

Il faut également poser la question du rapport de force culturel. Ce que nous affrontons n’est pas seulement une crise sociale, mais une contestation de fond du projet démocratique par des logiques communautaires, parfois théocratiques, souvent violentes. La réponse ne peut être ni molle, ni purement morale. Elle doit être politique, stratégique, résolue.

Sans cela, la suite est connue : des quartiers toujours plus nombreux en rupture, des services publics en repli, une République réduite à la périphérie de son propre territoire. Une société qui ne se défend pas finit par se dissoudre. Ce qui se joue ici, ce n’est pas seulement la sécurité, c’est la possibilité même de faire encore peuple.

Iran: le déclin de l’empire des Mollahs

La destruction d’Israël et l’hostilité à ses alliés est l’unique projet politique du régime iranien. Cette animosité a nourri un expansionnisme régional fondé sur des milices, des proxys et la quête du nucléaire. Mais depuis des années, cet empire politico-religieux révèle ses nombreuses failles.


La scène pourrait figurer dans un film de James Bond. Elle se déroule en 2007, en bordure du désert iranien du Dasht-e Kavir, dans l’usine d’enrichissement d’uranium de Natanz. Ce jour-là, tout semble normal à l’intérieur de ce haut lieu du programme nucléaire de la République islamique. Dans les salles de contrôle aseptisées, les indicateurs sont au vert. Les centrifugeuses, ces immenses cylindres métalliques allongés qui permettent d’augmenter la proportion d’isotopes fissile dans l’uranium, paraissent parfaitement fonctionner. Température, pression, vitesse de rotation : rien à signaler.

Et pourtant. Alignées comme des soldats d’acier, plusieurs machines se mettent à vibrer, à se déformer, à se briser en cascade. Une panne majeure et brutale est en train de se produire. Mais curieusement, les écrans ne signalent aucune anomalie… Lot défectueux ? Erreur d’assemblage ? Sabotage mécanique ? Le personnel ne comprend pas ce qui se passe.

C’est seulement trois ans plus tard qu’on connaîtra enfin l’origine du problème. En 2010, une enquête du New York Times révèle que les services secrets israéliens et américains ont clandestinement inoculé un virus informatique dans le système Siemens qui supervise le fonctionnement des centrifugeuses de Natanz, introduisant des dérèglements microscopiques, des accélérations soudaines suivies de ralentissements brusques, trop brefs pour déclencher une alarme, mais suffisamment fréquents pour fragiliser l’acier. Grâce à ce piratage de haut vol, le projet nucléaire de la République islamique a subi un retard considérable. Sans un coup de feu.

12 jours de frappes humiliantes

Cette opération, appelée « Olympic Games », est le premier épisode connu de la guerre souterraine menée depuis vingt ans par les Israéliens et les Américains pour empêcher la République islamique d’Iran de se doter de l’arme nucléaire. Le dernier, c’est la « guerre des douze jours ».

Dans la nuit 12 au 13 juin, le conflit vire à la confrontation intense et ouverte. Vers trois heures du matin, des membres éminents du haut commandement et du programme nucléaire militaire iraniens sont ciblés et éliminés avec une précision et un effet de surprise remarquables. Les systèmes de défense aérienne subissent le même sort. En quelques dizaines de minutes, les forces israéliennes remportent la bataille de la suprématie aérienne. Désormais, le ciel iranien est ouvert à l’aviation et le sol, aux forces spéciales israéliennes.

S’ensuivent douze jours de frappes ciblant le programme nucléaire, les capacités balistiques (missiles, lanceurs, dépôts, personnel, sites de fabrication), l’aviation, ainsi que certaines structures symboliques du régime, comme le siège de la télévision publique et la prison d’Evin. Des infrastructures stratégiques des Gardiens de la révolution, telles que des raffineries et dépôts de carburant, sont également visées. Les États-Unis apportent un soutien offensif ponctuel, notamment à travers les frappes spectaculaires contre les sites de Fordo et Natanz, jusqu’à ce que, le douzième jour, le président impose un cessez-le-feu aux deux camps.

La partie est loin d’être terminée. L’Iran est trop vaste, trop éloigné, pour être renversé en une seule opération. Et si le changement de régime hante les esprits, il ne figurait pas dans les ordres de mission des forces israéliennes. Comme au Liban, la stratégie d’Israël est de poser un revolver chargé sur la table des négociations, pas de la renverser.

À Téhéran, on sait désormais qu’Israël a les moyens et la volonté de transformer la route du nucléaire en un chemin de croix sans fin. Ces douze jours ont significativement endommagé des éléments stratégiques des programmes nucléaire et balistique : la capacité de transformer l’uranium solide en gaz et de fabriquer des centrifugeuses pour l’un, la production de carburants pour l’autre. Mais elles ont également infligé au régime la pire blessure imaginable pour ces fiers-à-bras enturbannés à la rhétorique soviétique : une humiliation urbi et orbi.

La doctrine d’Etat iranienne

On se demande pourquoi les Israéliens et les Américains font preuve d’une telle constance. Pour le comprendre, il faut revenir à 1979. L’année de la prise du pouvoir de l’ayatollah Khomeini. Dès le début, le nouveau régime se positionne comme une puissance islamique radicale. Contrairement aux empires perses qui l’ont précédé dans l’histoire, il affiche d’emblée une ambition inédite, un plan géostratégique structuré : exporter son modèle. Conséquence immédiate, il désigne Washington et Jérusalem comme deux capitales sataniques.

Les Américains et les Israéliens, alliés majeurs du shah au cours des décennies précédentes, deviennent ainsi le symbole et le moteur de la nouvelle radicalité iranienne, érigée en doctrine d’État, et dont la formule est aussi simple qu’efficace : « Mort à Israël [entendre : mort aux juifs], mort à l’Amérique [c’est-à-dire : mort à l’Occident, à la France, à la Grande-Bretagne…], l’islam est la solution ». Soit la synthèse entre la théorie des Frères musulmans et le chiisme khomeyniste. De Caracas à Johannesburg en passant par Kuala Lumpur, du campus de Columbia aux rues d’Amman et du Caire, beaucoup se reconnaissent dans cette haine et cette frustration claironnées par Téhéran.

De ce point de vue, les mollahs prennent aux yeux du monde le statut occupé par Gamal Abdel Nasser, président de l’Égypte entre 1954 et 1970, figure centrale du Mouvement des non-alignés et héros du nationalisme arabe « de l’Atlantique au Golfe ». L’islamisme des mollahs chiites peut ainsi être interprété comme une sorte de nassérisme religieux, où les références au progrès technique, au socialisme et à la laïcité sont remplacées par une vision théocratique et conservatrice du monde.

Chez Nasser comme chez les mollahs, l’antisionisme, cet antisémitisme à peine voilé, joue le rôle de ciment politique. Il sert à la fois d’explication universelle et d’alibi commode : tout est la faute des juifs et l’Occident n’est qu’une marionnette entre leurs mains. Dans les années 1980, ce discours puissant permet aux mollahs, pourtant ultra-conservateurs sur le plan des mœurs et de l’économie, de tisser des alliances apparemment paradoxales avec des segments des gauches occidentales et latino-américaines. On se souvient de l’attraction exercée par Khomeini sur des intellectuels français, comme Michel Foucault, rendus ivres par le mot « révolution » et enthousiasmés par la perspective de voir les États-Unis humiliés.

Cependant, même les slogans les plus mobilisateurs ne suffisent pas sur le champ de bataille. Or, les adversaires de la République islamique, qui sont des puissances technologiques avancées, organisées au sein de solides alliances politiques, économiques et militaires, disposent d’un avantage matériel écrasant.

A lire aussi, notre nouveau numéro: [Causeur#136 : Merci qui?] Merci qui ?

Les dirigeants iraniens ont donc élaboré un système ingénieux qui leur permet d’obtenir de la puissance à moindre coût. Le premier et le plus emblématique outil de cet attirail du pauvre est le recours à des combattants de type kamikaze, utilisé dès les années 1980, généralement par les milices chiites libanaises liées à Téhéran. Ce sont des hommes jeunes, endoctrinés, préparés par des agents locaux et entièrement dévoués au chiisme révolutionnaire. Le jour venu, on leur ordonne de conduire un véhicule piégé jusqu’à une cible stratégique – un quartier général israélien, une caserne américaine, un immeuble de soldats français – et de se faire exploser. Ainsi, sans armes sophistiquées, ces militants fanatiques obtiennent un effet disproportionné, faisant vaciller à peu de frais les puissances occidentales.

Dans le laboratoire libanais les Iraniens affinent la doctrine : chiisme militant, haine de l’Occident et des juifs, et enracinement local profond. Des cellules s’y constituent, qui s’appuient sur des réseaux villageois, communautaires et familiaux, difficilement pénétrables. Dans ces nébuleuses, qui mêlent civil et militaire, religieux et paramilitaire, militantisme et gestion sociale, on est en même temps activiste et « fonctionnaire », tandis que des dépôts d’armes sont aussi des habitations privées. Ce tissu insaisissable est donc extrêmement résilient. Si Téhéran avait créé des institutions au sens occidental (claires, visibles, centralisées), elles auraient été bien plus vulnérables à l’action des services occidentaux.

Axe de la « Résistance »

Après la guerre Iran-Irak (1980–1988), le régime iranien élargit cette stratégie à l’échelle régionale, au-delà du Liban. Il s’allie avec la Syrie, dont le despote, jusqu’alors aligné sur Moscou, a perdu son parrain soviétique avec l’effondrement de l’URSS, et cherche un nouveau protecteur géopolitique. Téhéran soutient aussi le Hamas à partir de 1992, en utilisant le Liban comme base avancée et le Hezbollah comme mentor opérationnel. Puis viennent les milices chiites irakiennes à partir de 2004–2005, quand l’occupation américaine transforme la menace de 2003 en opportunité stratégique de saigner le « Grand Satan ».

Rassemblement anti-israélien au carrefour Felestin (place de la Palestine), à Téhéran, 8 octobre 2024. AP Photo/Vahid Salemi/SIPA

C’est ainsi qu’émerge un arc chiite, réseau d’influences et fauteur de crises, qui part de Téhéran, traverse l’Irak et la Syrie, et s’étend jusqu’au Liban et à la Méditerranée. Dans les années 2015-2020, les Iraniens se rapprochent des houthistes au Yémen, et contribuent à transformer cette milice locale en une force proto-étatique, structurée, dotée de missiles balistiques, de missiles de croisière et de drones capables de menacer le territoire saoudien et, au-delà, de perturber fortement le transport maritime à travers les détroits de Bab el-Mandeb, autrement dit de faire chanter le monde entier.

En parallèle, la République islamique lance son programme nucléaire militaire. Celui-ci a deux fonctions : à l’intérieur, il agit comme un facteur d’unité nationale, séduisant même certains patriotes laïques ; à l’extérieur, il représente un outil d’expansion et de domination régionales. L’arme atomique représente à la fois un surcroît de puissance et une assurance-survie pour le régime.

Seulement, ce programme militaire, « cœur du réacteur » politique et militaire iranien, ne peut se concrétiser que si les partenaires stratégiques, les « proxys », en assurent efficacement la protection, aux ordres du guide suprême, qui est formellement leur suzerain. Or ledit système de protection est moins efficace que prévu. Travailler avec des réseaux mafieux, en misant sur les liens personnels, mène inéluctablement à la corruption. On ne dirige pas Carrefour comme une épicerie de quartier. Des sommes d’argent circulent sans contrôle, des contrats sont passés sans procédures rigoureuses (et fastidieuses). Tout cela permet aux services adversaires de s’infiltrer, de faire chanter les corrompus, voire de devenir ni vu ni connu des sous-traitants, comme on l’a vu avec les fameux bippers…

Au niveau supérieur, c’est la même chose. Le suzerain de Téhéran ne peut pas plus compter sur ses vassaux que le roi de France, au début de la guerre de Cent Ans, sur le duc de Normandie, par ailleurs roi d’Angleterre… D’une façon générale dans l’histoire, la fidélité des vassaux (qui ne sont pas des laquais) est fluctuante et rare, et la trahison, la règle (quitte à se faire ensuite pardonner). L’Iran n’échappe pas à ce principe. Ainsi, en 2006, son fondé de pouvoir au Liban, Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah et premier de la classe crypto-iranienne, décide, sans consulter, de provoquer Israël. C’est le début de la deuxième guerre du Liban. À la maison mère, on feint de suivre, mais on grince des dents.

Yahya Sinwar : décision fatale

Bref, dès 2006, il devient évident que les alliances iraniennes ne forment pas une sorte d’OTAN islamiste, mais plutôt une confédération de tribus gauloises où, même face à la menace romaine, chaque chef n’en fait qu’à sa tête. C’est ainsi que l’un de ces vassaux-chefs de tribu, Yahya Sinwar, dirigeant du Hamas, prend en 2023 la décision fatale pour Téhéran (et pour tout l’arc chiite) : attaquer Israël sans l’autorisation du parrain iranien, ni se coordonner avec les autres vassaux libanais, yéménites ou irakiens.

Il faut en outre mentionner l’énorme travail d’infiltration des régimes et de leurs milices vassales mené par les services israéliens et occidentaux au Liban, en Syrie et en Iran, où l’écart croissant entre un discours creux et une réalité désastreuse (pauvreté, chômage, corruption) ouvre un boulevard aux services de renseignement occidentaux. Par haine, misère, frustration, appât du gain ou soif de liberté, nombre d’Iraniens semblent prêts à risquer leur vie pour saboter, voire faire tomber le régime.

En apparence, Israël avait accepté l’équilibre de la dissuasion imposé par les mollahs. En réalité, tout, depuis les communications des bippers jusqu’aux installations de Fordo, était patiemment surveillé, ciblé, préparé. Le 7 octobre, Yahya Sinwar espère entraîner l’ensemble de l’« Axe de la résistance ». Son « succès » initial renforce la confiance à Beyrouth, Sanaa et Téhéran. Les mollahs et leurs vassaux tombent droit dans le piège. Aujourd’hui, leur bouclier est brisé, leur armure percée. Mais ils sont encore debout, aux commandes d’un État et d’une économie qui continuent de fonctionner. Leurs moyens sont diminués, pas leur volonté.

Nul ne peut dire aujourd’hui quand et comment finira cette guerre qui a déjà vingt ans. Mais les mollahs ont déjà réussi à propager partout dans le monde, en particulier sur les campus occidentaux, la haine des juifs et de l’Occident, qui est à la fois leur carburant et leur moteur. Et contre ce poison-là, les bombes ne peuvent rien.

Quand l’INSEE reproche aux Français d’habiter des logements trop grands

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Des logements sous-occupés, en quoi est-ce problématique ? En 2022, un quart des ménages français (soit environ 7,6 millions de résidences principales) disposaient d’au moins trois pièces de plus que nécessaire, principalement des maisons individuelles et souvent occupées par des propriétaires de plus de 60 ans, dont les enfants ont quitté le foyer, s’alarmait récemment l’INSEE…


Nous entrons dans une époque où le totalitarisme ne dit plus son nom. Il ne défile plus en uniforme ni ne vocifère du haut des tribunes. Il avance masqué, habillé des habits du pragmatisme, du bon sens gestionnaire ou du pluralisme culturel. Et c’est précisément là son efficacité: il s’introduit dans nos institutions, nos modes de vie, nos esprits, avec la légitimité tranquille de la norme.

Justice sociale chiffrée

Prenons la dynamique technocratique à l’œuvre dans nos administrations. Elle n’est plus seulement l’expression d’une rationalité bureaucratique nécessaire, mais tend à devenir un système clos sur lui-même, indifférent aux réalités humaines qu’il prétend organiser. L’exemple récent du rapport officiel sur les logements « trop grands », désignant sans le dire une future dépossession ou taxation au nom de l’optimisation des mètres carrés, illustre cette froide déshumanisation. De même, les zones à faibles émissions (ZFE), au nom d’objectifs environnementaux certes légitimes, traduisent une incapacité chronique à penser la justice sociale autrement que sous l’angle du chiffre. Le gouvernement des algorithmes et des schémas produit une dépossession civique silencieuse, où la décision se prétend neutre et nécessaire, là où elle est en réalité profondément politique. C’est là une forme douce de totalitarisme, sans visage ni discours, mais d’autant plus redoutable qu’il ne rencontre guère de résistance conceptuelle ou populaire.

En miroir, un autre totalitarisme, cette fois exogène dans sa matrice mais désormais endogène dans sa stratégie, s’infiltre dans nos structures : celui de l’islamisme politique. Le récent rapport parlementaire sur l’entrisme des Frères musulmans dans les associations, les établissements scolaires, les municipalités, en témoigne avec une inquiétante clarté. L’islamisme ne procède plus principalement par confrontation mais par subversion méthodique, exploitant les failles juridiques et les faiblesses culturelles d’une société désarmée symboliquement. Il avance au nom de la tolérance pour mieux imposer l’intolérable ; il se cache derrière le droit pour miner la démocratie de l’intérieur.

Ces deux périls – le technocratisme déshumanisé et l’islamisme conquérant – semblent opposés, mais procèdent d’une même vacuité collective : celle d’une société qui ne sait plus ce qu’elle veut, ni ce qu’elle est. Ils se nourrissent de notre vide spirituel, de notre effacement volontaire devant l’autorité masquée, de notre peur d’assumer une conflictualité nécessaire. C’est ce contexte qu’il nous faut penser avec lucidité. Car la santé d’une démocratie se mesure à sa capacité de résistance aux folies rationnelles comme aux délires fanatiques.

C’est à partir de ce double diagnostic que nous devons interroger la crise plus vaste – psychique, sociale, politique – que nous traversons. Et c’est là que commence le véritable enjeu.

Angoisses sourdes

Il est devenu impératif de poser la question que toute une époque esquive : que signifie l’état de nos sociétés dites avancées ? L’angoisse qui sourd dans nos existences individuelles, la violence diffuse qui parcourt nos relations sociales, l’instabilité affective, politique, économique, tout cela renvoie moins à des crises conjoncturelles qu’à un dérèglement profond de nos structures anthropologiques et culturelles.

La folie, que l’on croyait confinée dans les marges médicalisées de la psychiatrie, infiltre désormais les comportements ordinaires. Narcissisme exacerbé, ressentiment chronique, perte de la maîtrise de soi : ce sont les nouvelles formes de subjectivité produites par une modernité en crise de sens. Ce n’est pas que l’homme moderne soit devenu fou au sens clinique, c’est que la société elle-même, désorientée par la perte de ses principes fondateurs, génère des comportements déraisonnables devenus la norme.

Nous avons tous été blessés – par l’effondrement des liens traditionnels, par la dérive individualiste d’un monde sans mémoire, par les échecs du travail, de l’éducation ou de la transmission. Une partie de nous a trouvé les moyens de résister, parfois au prix d’un compromis douloureux. Mais d’autres s’enfoncent dans la haine ou la résignation, transmettant à leur tour leur désarroi à des enfants fragilisés, voués à osciller entre violence, soumission ou mégalomanie.

Le drame est que cette détérioration subjective ne constitue pas un obstacle à la réussite sociale – elle en devient parfois le moteur. Les formes pathologiques de la personnalité s’avèrent redoutablement fonctionnelles dans un monde gouverné par la performance et l’image. C’est ainsi que les postes de pouvoir, dans la politique comme dans l’entreprise, sont souvent occupés par des figures cyniques, sans intériorité ni scrupule. Ils captivent les foules par leur force apparente, et leur offrent un miroir dans lequel projeter leur désir de puissance ou leur besoin d’autorité.

De là naît l’irrationalité grandissante du champ politique. On adhère non à des idées mais à des affects. La peur et la colère deviennent moteurs de décision. Le citoyen, privé d’un cadre d’intelligibilité collectif, devient vulnérable aux séductions les plus dangereuses, aux discours les plus simplificateurs. Or, une démocratie ne peut survivre sans un minimum de santé mentale partagée. Sans elle, elle cède à ce que Tocqueville appelait la tentation douce du despotisme, ou à celle, plus brutale, des aventures autoritaires.

Liberté menacée

Cette crise n’est pas uniquement interne. Elle nous expose aux formes nouvelles du totalitarisme, à la fois internes et externes. Le totalitarisme technocratique, celui de la gouvernance algorithmique, du management mondialisé, du contrôle sans visage, s’installe dans nos institutions avec le masque de l’objectivité et de l’efficacité. Il dépolitise le citoyen sous couvert de rationalité. En parallèle, le totalitarisme islamiste, porté par une vision archaïque et fanatique du monde, exploite les failles de notre cohésion, de notre mémoire, de notre volonté collective. L’un endort, l’autre terrorise. Les deux, à leur manière, sapent les fondements mêmes de notre régime de liberté.

Le véritable adversaire, toutefois, demeure cette faiblesse intérieure qui les rend possibles : la perte de conscience de notre responsabilité collective, le refus d’affronter nos ombres, notre inclination à déléguer notre souveraineté à des figures autoritaires ou des systèmes automatisés. Ce n’est pas seulement l’école, la famille, ou l’État qui sont en crise : c’est l’idée même de sujet autonome, moralement constitué, politiquement engagé.

Nous n’échapperons pas à cette spirale sans une refondation intellectuelle et morale. Il ne s’agit pas de revenir à un passé idéalisé, mais de retrouver ce que la démocratie exige : des citoyens capables de discernement, de courage, de fidélité à des principes. La restauration de notre capacité de jugement, la reconstruction des liens symboliques, la réhabilitation du langage commun : voilà le chantier. Il suppose aussi de choisir d’autres figures pour nous représenter – non celles qui nous confortent dans nos faiblesses, mais celles qui nous exigent. La résistance au totalitarisme – qu’il soit technocratique ou islamiste – commence par la reconquête de notre force intérieure. Car aucune puissance extérieure ne triomphe durablement d’un peuple habité par une claire conscience de lui-même, de son histoire, de ce qu’il veut préserver et transmettre. Ce n’est pas la fin du politique que nous vivons. C’est sa mutation radicale. À nous de la conduire, ou de la subir.

Le roman national à la force du mollet

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Le Français Kevin Vauquelin de l'équipe Arkéa-B&B Hotels et le Slovène Tadej Pogačar de l'équipe UAE Team Emirates photographiés lors de la sixième étape du Tour de France 2025, entre Bayeux et Vire Normandie, le jeudi 10 juillet 2025 © Shutterstock/SIPA

Des rites auxquels le peuple de France pouvait être attaché, il en reste au moins un. Peut-être bien le dernier. Le Tour de France, la Grande Boucle. Les Trois Glorieuses, trois semaines d’une épopée au cours de laquelle la France a rendez-vous avec la France, ses paysages, ses villes, ses monuments, ses populations, ses fortes chaleurs, ses pluies diluviennes, ses vents contraires. Et, chemin faisant, son histoire, épicée en la circonstance de symboles à foisons. Le calvaire des sans grade à l’Alpe d’Huez ou au Mont Ventoux, les mornes plaines des étapes dites de transition, Waterloo d’ennui pour les escalateurs forcenés, les poids ultra-légers de la grimpette, mais aussi le triomphe à la romaine des sprinters sur les larges avenues des villes littéralement en pavoison pour la circonstance. Avec cela, le plus grand salon au monde – à ciel ouvert – du camping-car et du penta-court réunis. Porté sur bedaine prospère de préférence, le penta-court. L’apéro aux senteurs anisées à ras le bitume fumant, une espèce de rite dans le rite. On n’a plus Yvette Horner et son accordéon, les anquetiliens en querelle quasi byzantine avec les poulidoristes. En effet, nous n’avons plus droit à ces joyeusetés-là. Nous le déplorons. L’ambiance bistrot s’en ressent. La France, ces dernières décennies, serait plutôt aux vainqueurs absents. Cependant, il faut y croire encore. Cette fois-ci, la der des der se jouera peut-être au sommet. En bleu blanc rouge ? Faisons un rêve. Le sommet, la Butte Montmartre, bien sûr. Après Vercingétorix du côté du Puy de Dôme, le Gavroche façon Poulbot au Sacré Cœur. Oui, sacré périple au cœur de France, que cette boucle-là. Une victoire française en apothéose de la campagne de France le 27 juillet, voilà qui sonnerait pour beaucoup comme une nouvelle prise de la Bastille. Un 14-juillet de Fête nationale décalé d’une quinzaine. Marianne fermerait sûrement les yeux sur cette innocente entorse. La Bastille prise cette fois sans effusion de sang. Seulement de sueur. Et de larmes de plaisir.

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Trois semaines de roman Nntional, voilà le fond du fond de l’affaire. Grâce à cette internationale du braquet, grâce à la force du mollet de ces héros à casaques chamarrées, surgissant parfois de ce diable vauvert, si cher au dinosaure Zitrone, et recevant au bout de l’effort le bouquet, la bise et les bravos de la victoire. Héros trop blancs que ces forçats du guidon, nous dit-on, pour plaire à tout le monde, vraiment tout le monde, y compris Monsieur Mélenchon et ses porte-bidons créolisés. Dommage. Et tant pis pour ceux-là.

Perquisitions au RN: hasard, vous avez dit hasard?

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Jordan Bardella à Nice, le 6 octobre 2024 © SYSPEO/SIPA

Mercredi, le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella a été perquisitionné dans le cadre d’une enquête sur des prêts accordés au mouvement par des particuliers. Dénonçant un acharnement, M. Bardella a déclaré : « Rien à voir avec la justice, tout à voir avec la politique ».


« Le siège du RN, des entreprises et les domiciles de leurs dirigeants ont été perquisitionnés dans le cadre d’une information judiciaire sur des soupçons de financement illégal des campagnes présidentielles et législatives en 2022 et européennes en 2024 » nous fait savoir ce mercredi 9 juillet le parquet de Paris.

Et de préciser : « Il s’agit de permettre de déterminer si ces campagnes ont été notamment financées grâce à des prêts illégaux de particuliers bénéficiant au parti ou à des candidats du Rassemblement national, ainsi que par des surfacturations de prestations fictives ayant été intégrées par la suite dans les demandes de remboursement forfaitaire par l’État des dépenses de campagne. » « À ce jour, aucune personne physique ou morale n’est mise en examen dans cette procédure », est-il ajouté.

Ces perquisitions, menées par deux juges d’instruction et une vingtaine de policiers, s’inscrivent donc dans le cadre de cette information judiciaire ouverte depuis juillet 2024, pour, je cite : « escroquerie commise au préjudice d’une personne publique, prêt à titre habituel d’une personne physique à un parti politique, blanchiment d’escroquerie aggravée, faux et usage de faux. »

Il serait question de prêts de vingt-trois particuliers accordés au RN pour un montant évalué à plus de 2,3 millions d’euros, sommes qui doivent impérativement être remboursées, sauf à prendre le risque de les voir requalifiées en dons déguisés. Fin 2023, le montant total de tels prêts à rembourser par le parti s’élevait à environ vingt millions d’euros. Notons que le recours au financement de partis politiques par des prêts de particuliers, selon des modalités précises et en respectant un plafond, est parfaitement licite.

Surtout, convient-il de souligner que le RN ne voit guère se dérouler devant lui le tapis rouge lors de ses démarches auprès des banques françaises. Une unanimité, un consensus de la profession dont on veut bien croire qu’ils ne sont dus eux aussi qu’au plus grand des hasards, font que ce parti se voit systématiquement opposé portes et bourses closes. Il lui faut donc chercher ailleurs. Le très sensé M. de La Palice en conviendrait sans peine. Hélas, ce cher homme ne préside pas les instances financières du pays.  

Voyez ce que c’est que les coïncidences ! On apprend justement que le mardi 8 juillet, la veille même de ces perquisitions – qui visent aussi les bureaux des principaux dirigeants du parti, dont le président lui-même – le parquet européen a ouvert une enquête sur l’ancien groupe politique auquel appartenait le RN avant 2024, Identité et Démocratie, suspecté quant à lui d’avoir « indûment dépensé » plus de 4,3 millions d’euros entre 2019 et 2024.

A ne pas manquer, notre nouveau numéro : Merci qui ?

On se plaint souvent du calme politique qui règne au cœur des étés, surtout lorsqu’ils sont caniculaires. Tout porte à croire que la présente saison fera exception. Au moins du côté du RN.

Mais cette effervescence est-elle seulement le fait du hasard ?

Voilà quelque temps déjà, le sabre si bien affûté de la justice avait plus ou moins décapité les espérances de Marine Le Pen – sauf miracle en session de rattrapage – d’être candidate lors des prochaines élections présidentielles. Et voilà bien que l’actualité judiciaire s’aventure à fournir à un esprit qui serait ombrageux, un rien machiavélique – tout le contraire du nôtre, ici à Causeur, surtout par temps de si fortes chaleurs – quelques motifs de suspicion. 

En effet, selon un tel esprit, ces perquisitions abondamment médiatisées – que Jordan Bardella, qualifie d’ « opération spectaculaire et inédite », d’« atteinte grave au pluralisme et à l’alternance démocratique » -, ne tomberaient pas à ce moment du calendrier politique totalement par hasard. 

« Opération inédite », s’insurge M. Bardella. Il n’a pas tort. Il n’est effectivement pas d’usage, du moins dans un pays qui se flatte d’être « démocratique », que les placards, les tiroirs, les dossiers des chefs d’un parti d’opposition soient ainsi livrés aux investigations policières. Qu’on se permette d’aller jusque-là en dit assez long, me semble-t-il, sur le sens que donnent aujourd’hui nos gens de pouvoir au beau mot de « démocratie ». 

Mais revenons à la question de la place du hasard dans cette affaire.

Il se trouve, c’est un fait, que l’année de moratoire durant laquelle M. le président de la République ne pouvait se délecter de nouveau de son péché mignon, la dissolution, se termine à présent. À tout moment, donc, entre deux longueurs de piscine à Brégançon, ou un soir d’ennui entre les murs du palais de l’Élysée toujours plus ou moins dépeuplé à cette période de l’année, M. Macron peut-il décider d’agrémenter les semaines qui viennent, voire la rentrée, des plaisirs toujours si fertiles en surprises d’un nouveau jeu de quilles parlementaire, avec, cela va de soi, retour aux urnes. 

Dans cette optique, tout ce qui pourrait embarrasser, disqualifier le RN et ses candidats ne pourrait être que bienvenu. On s’en doute.

Mais, comme il est dit plus haut, loin de nous semblables considérations. Nous les laissons aux esprits malfaisants et bassement complotistes. Bien sûr…

Le mot le plus con – Votre compte est bon

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Bienvenue sur le plateau de « Des chiffons et des bêtes », le nouveau jeu de société nationale présenté par Jean-Luc Mélenchon et Aurélien Taché, duo de clowns tristes sponsorisés par l’Institut du Déni Républicain. Au programme de cette émission: relativisme ricanant, chapeaux de carnaval islamique, et auto-flagellation d’apparat pour un festival de francophobie !


Règle du jeu :
Il faut comparer ce qui ne l’a jamais été, confondre ce qui ne l’est pas, et applaudir très fort quand quelqu’un prononce une énormité avec l’aplomb d’un évêque progressiste sous LSD.

Premier round : Le Mot le Plus Con.
Et le gagnant est… « serretête », évidemment.
Oui, vous avez bien entendu : le voile islamique serait l’équivalent du serretête de Bernadette.
Taché jubile : « Si on n’a pas interdit les petites filles catholiques de mettre un nœud dans les cheveux, pourquoi interdire à Aïcha de se voiler à 6 ans ? »
Mélenchon opine, l’œil humide, le verbe chaloupé : « C’est la même pudeur, la même beauté du geste… créolisons, créolisons ! »

Ici, la bêtise atteint une forme d’élévation mystique. On touche au sublime de l’absurde, là où le ridicule devient dogme.
Dans leur vision du monde, les serretêtes oppriment autant que les voiles libèrent, la liberté est une soumission stylisée, et la République est une mosquée laïque avec option wokisme.

Deuxième round : Votre compte est bon.
Additionnons :
• Un voile = un accessoire parmi d’autres.
• Une conviction religieuse totalitaire = une expression personnelle de la diversité.
• Une contradiction flagrante avec les principes républicains = un enrichissement culturel.
Résultat : le multiculturalisme indigénisé gagne 1000 points.

Mais attention ! Si vous osez émettre une réserve, vous perdez tout.
On vous classe aussitôt parmi les « crispés », les « identitaires », les « néo-laïcards rigides » ou, pire, les racistes structuraux.
Vous pensiez défendre l’école publique ? Mauvais point.
Vous citez Condorcet ? Fasciste.
Vous avez encore une photo de Jules Ferry ? Prison.

A lire aussi: Le créole pour tous!

Bonus round : La phrase historique qui n’a jamais eu lieu.
Mélenchon annonce, sans trembler du menton, que Saladin aurait appris aux Français à construire des cathédrales.
Et pourquoi pas Charlemagne disciple d’Ibn Khaldoun pendant qu’on y est ?
La cathédrale devient ainsi un coup de génie de l’ingénierie arabo-musulmane, construite dans un éclair d’intersectionnalité mystique.
Le gothique flamboyant est désormais halal-compatible.

Et pendant ce temps-là, la langue française, cette vieille emmerdeuse républicaine, est priée de se taire.
Elle a trop dit, trop affirmé, trop imposé ses conjugaisons rigides et son lexique vertical.
Place au français-patchwork, mâtiné de darija, d’anglais managérial et de slogans militants.

Mais que personne ne s’inquiète : ce n’est pas une disparition, nous dit-on, c’est une créolisation !
La République n’est pas déconstruite : elle est décentrée, fluidifiée, intersectionnalisée.
Elle ne s’effondre pas, elle s’incline poliment.

Conclusion :
Dans « Des chiffons et des bêtes », il ne s’agit pas de faire réfléchir, mais de faire taire le réel.
D’habiller la régression en progrès, et le prosélytisme religieux en liberté culturelle.
Le voile devient un serre-tête, la bêtise une vertu, et la République un salon de thé multiculti.
Le mot le plus con ? C’est celui qu’on n’a plus le droit de dire.

Votre compte est bon.

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Cofidis: le casse des vélos résolu en 36 heures

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Le cycliste belge Dylan Teuns sur le Tour de France, Caen, 9 juillet 2025 © Shutterstock/SIPA

La célérité avec laquelle ont été retrouvés les onze vélos volés à l’équipe Cofidis laisse pantois… Une enquête menée au rythme d’un sprint. Dérobés dans la nuit de samedi à dimanche, à l’issue de la première étape du Tour, à Bondues, banlieue nord de Lille, sur le parking de l’hôtel où l’équipe séjournait, les vélos ont tous été récupérés le lundi matin, 36 heures seulement après le méfait, et en parfait état. Le sentiment était pourtant qu’on ne les reverrait plus jamais…

L’an dernier, en effet, au soir de la 11e étape du Tour, l’équipe Total-Energie avait connu le même déboire. Des cambrioleurs l’avaient également dépouillée de onze montures. Et depuis, elles demeurent introuvables.

Le préjudice financier pour Cofidis était estimé à près de 150 000 euros, chaque unité valant 13 000 euros. Ces vélos (de la marque française Look, installée à Nevers) sont à la bicyclette ce qu’est un bolide de F1 à la bagnole de tout le monde. Le cadre en carbone, au profil aérodynamique facilitant en particulier le phénomène d’aspiration que provoque le coureur qui précède, est taillé sur mesure, selle et guidon fixés au millimètre, dérailleur électronique, pédalier digne d’un mouvement d’horlogerie, freins à disque, roue aussi légère que robuste, etc. : des bijoux mécaniques.

« Ces modèles de compétition, a expliqué le directeur de Look, Raphaël Jeune, au Parisien, ne sont pas destinés aux cyclistes du dimanche. Il y a un trafic avec des filières à l’Est de l’Europe. » Ils sont revendus en pièces détachées, car celles-ci sont impossibles à tracer, à la différence des vélos montés. Numérotés, portant sur le cadre le nom du coureur, et souvent en plus un signe distinctif propre à ce dernier, ils sont très difficiles à refourguer. Et on imagine mal un respectable vendeur de cycles français s’aventurer à jouer le recéleur, et encore moins à en prendre un en dépôt-vente.

S’ils n’avaient pas été retrouvés aussi promptement, le dommage pécuniaire, certes pas négligeable, serait passé au second rang. Sans eux, Cofidis risquait fort d’être contrainte d’abandonner le Tour, comme le craignait son manager Cédric Vasseur. Car il est impossible de les remplacer en quelques jours.

Or, la Grande Boucle est vitale pour les sponsors des équipes en raison de l’exposition télé qu’elle offre. Un spot publicitaire de 30 secondes sur les chaînes majeures revient, se dit-il, entre 30 000 et 100 000 euros. Pas besoin de faire un dessin pour comprendre le gain que représente d’avoir un coureur qui se glisse dans une échappée. D’ailleurs, les échappées dites matinales, qui n’ont quasi aucune chance d’aller au bout, sont nommées « publicitaires ». Leur but est d’exhiber le maillot. Quant à une victoire d’étape ou un maillot distinctif… c’est évidemment le jackpot.

En réalité, le Tour est un gigantesque support publicitaire. Ce qui explique pourquoi les Émirats arabes unis et Bahreïn, dans une stratégie de « soft power », ont investi dans le cyclisme. Cela n’a pas mal réussi aux Émirats puisqu’ils ont dans l’effectif de leur équipe (UAE, le plus gros budget du peloton, estimé à plus de 60 millions d’euros) Tadej Pogacar.

Le patron de Skoda France, une filiale de Volkswagen, qui fournit à l’organisateur du Tour (Amaury Sport Organisation – ASO) 250 voitures et sponsorise le maillot du meilleur sprinteur, Julien Bessière, a reconnu dans un entretien accordé au JDD que « c’est un partenariat très rentable parce que c’est un événement planétaire. » Le Tour est diffusé dans 190 pays. En France, ses audiences télé atteignent des records. Dimanche dernier, la seconde étape a été suivie par 3,8 millions de téléspectateurs, soit 34,92 % de part de marché, auxquels il faut ajouter la foule qui se masse le long de son parcours dans une ambiance festive et bon enfant. Les grincheux diraient « populiste ».

Ainsi, Cofidis a échappé au pire… Mais ce n’est pas le flair d’un fin limier à la Maigret, lui aussi amateur de courses de vélo et lecteur assidu du mensuel disparu Miroir du cyclisme, la bible à l’époque de la Petite Reine et satellite du Parti communiste, qui a conduit aux vélos usurpés, mais bien un tout petit boîtier de la taille d’une boîte d’allumettes qu’on appelle un transpondeur.

C’est à la fois un GPS et une sorte de mouchard informatique. Tous les vélos en sont désormais dotés dans les courses World Tour (1ʳᵉ division). C’est ainsi grâce à lui qu’on peut connaître en temps réel l’écart entre une échappée et le peloton, la vitesse des coureurs, et connaître le classement exact à l’arrivée de chacun d’eux.

De toute évidence, les voleurs n’étaient pas très au fait de la chose vélocipédique. Par chance, et peut-être par inadvertance d’un mécanicien, un des vélos était resté équipé de ce petit boîtier qu’on installe sur le hauban horizontal de la fourche arrière, à l’opposé du dérailleur. « Des Pieds Nickelés », ainsi que les a qualifiés un enquêteur. Le transpondeur, qui a continué à émettre, a permis de géolocaliser six vélos à Halluin, commune du Grand Lille, à une encablure de la frontière belge. Ils étaient planqués dans le box d’un garage d’une maison d’un quartier dit ouvrier. Les enquêteurs ont aussi trouvé le pied-de-biche qui avait servi à forcer la porte latérale du camion-atelier où étaient gardés les vélos. Ils ont relevé de l’ADN et des empreintes… Et le box a un propriétaire qui sera entendu.

Auparavant, la veille, dimanche, cinq des vélos avaient déjà été retrouvés, abandonnés dans un sous-bois, à 200 mètres seulement du lieu de l’effraction. Pas vraiment des Arsène Lupin, ces rats de parking : ils n’avaient pas prévu un véhicule assez grand pour embarquer la totalité de leur butin… onze vélos, ça fait du volume.

Il est donc probable que leur échappée prenne vite fin… à moins qu’ils n’aient déjà rejoint le pays de destination de ces vélos. On devine lequel…


Vingegaard : la gueulante de Madame, cause ou prémonition ?
L’événement de la 5ᵉ étape, un contre-la-montre de 33 km autour de Caen, n’a pas été la victoire — attendue — du double champion du monde et olympique de la spécialité, Remco Evenepoel, qui en profite pour endosser la tunique blanche de meilleur jeune (moins de 25 ans), ni même la belle performance de Tadej Pogacar, deuxième à seulement 16 secondes, qui récupère trois maillots distinctifs. Le Blanc lui échappe en raison de son âge : il a, cette année, 26 ans.
Le véritable fait marquant, c’est le gros plantage de Jonas Vingegaard. Il termine 13ᵉ à 1’21 » d’Evenepoel, et surtout à 1’05 » de Pogacar. Au général, il concède 1’13 » à ce dernier et se retrouve même derrière le surprenant Français Kévin Vauquelin, troisième à 59″ du maillot jaune grâce à une belle 4ᵉ place dans ce contre-la-montre, à seulement 49″ du vainqueur. Une performance qui pourrait bien sauver son équipe Arkéa, toujours en quête d’un sponsor pour la saison prochaine.
La question que se posent désormais tous les commentateurs est la suivante : à quoi tient cette déroute de Vingegaard, certes pas encore éliminatoire mais de très mauvais augure ? La gueulante, jugée par beaucoup comme intempestive, qu’avait poussée dimanche son épouse en est-elle la cause, lui ayant miné le moral ? Ou était-elle plutôt le signe avant-coureur d’un burn-out annoncé ?
« L’équipe le pousse trop loin », confiait-elle au quotidien danois Politiken. « J’ai peur qu’il brûle la chandelle par les deux bouts. »
Rien ne laissait présager cette contre-performance. Vingegaard avait entamé cette 112ᵉ édition de manière très incisive. Dès la 1ʳᵉ étape, il était à l’origine d’une bordure qui avait piégé Evenepoel ; lors de la 4ᵉ, après avoir été décroché par Pogacar dans un raidillon, il était revenu sur lui en trois coups de pédale impressionnants.
Il répétait à l’envi qu’il n’avait jamais été dans une telle forme. Au Critérium du Dauphiné, dans le contre-la-montre de 17 km, il avait pris 20 secondes à Pogacar. Mais il marquait déjà le pas dans les arrivées en côte, où son rival se montrait impérial.
On oublie parfois que Vingegaard a été victime l’an dernier d’une très grave chute au Tour du Pays basque (pneumothorax, côtes cassées), qui aurait logiquement dû l’écarter du Tour. Il avait pourtant terminé deuxième, après avoir opposé une farouche résistance à Pogacar. À l’époque, il avait confié s’être vu mourir. Cette année encore, alors qu’il portait le maillot jaune lors du Paris-Nice, il avait abandonné après une commotion cérébrale — passée sous silence — causée par une nouvelle chute.
Depuis cet accident, son équipe l’a-t-elle trop poussé ? L’a-t-elle véritablement « brûlé par les deux bouts » ? Ou a-t-il simplement connu ce fameux « jour sans » que tous les coureurs redoutent ? Si les Pyrénées venaient à confirmer qu’il est déjà à bout de souffle, malgré ses 28 ans et deux Tours de France victorieux, la question des conditions de travail — voire d’exploitation — des cyclistes professionnels devra être posée. Certainement les plus dures et exigeantes de tous les sports, avec la boxe • RU

Incompréhension

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Olivier Marleix photographié en 2023 © Chang Martin/SIPA

Le suicide du LR Olivier Marleix a mis en sourdine quelques heures les fureurs et les oppositions bruyantes du monde politique. Et si on comprenait aussi les vivants, rêve notre chroniqueur ?


En dehors de deux ou trois exceptions complotistes, le suicide d’Olivier Marleix a été abordé par toute la classe politique avec infiniment de dignité et de délicatesse. Avec une exemplaire compréhension de la fragilité d’une vie susceptible de basculer de la lumière vers l’ombre, de l’existence la plus palpable, la plus immédiate jusqu’à son effacement en un trait de temps vertigineux. Il est vrai qu' »on sous-estime toujours la solitude des êtres » comme l’a dit Laurent Wauquiez dans un hommage émouvant et très applaudi à l’Assemblée nationale. François Bayrou a exprimé la même idée : « On ne connaît jamais la fragilité des êtres humains ».

Mystère insurmontable

Bruno Retailleau, quant à lui, s’est interrogé douloureusement : « Quels cris Olivier étouffait-il ? Quelle nuit traversait-il ? Pourquoi ? Qu’aurions-nous dû voir ? Quels combats intérieurs livrait-il pour qu’il se résolve à un tel geste ? »

J’ai croisé Olivier Marleix, je l’ai un peu connu, j’ai aimé son caractère perçu par certains comme roide, intransigeant dans ses convictions, dénué de toute démagogie. Ce qui est sûr est que pour tous, cet homme a été un inconnu qui a laissé ceux qu’il a quittés et qui l’aimaient dans un définitif et insurmontable mystère.

I have a dream

Je fais un rêve. Cette décence unanime à l’égard d’Olivier Marleix et de son geste apparemment imprévisible, serait-il donc impossible qu’elle se manifestât, certes sur un autre mode, à l’égard des vivants ? En considérant déjà cette élémentaire fraternité qui devrait réunir tous les mortels dans leur conscience d’être périssables, et qui pourrait dominer tous les antagonismes conjoncturels ?

A relire: Olivier Marleix (LR): « Aucune réforme des retraites n’a jamais été populaire »

Pourquoi la politique, ses fureurs, ses humeurs, ses oppositions, cette manière qu’elle a de défigurer le dialogue démocratique en haine et en guerre, pèsent-elles tellement, face à notre dure condition humaine humaine en partage ? Ce sentiment ne couvrirait pas d’un baume absolu les oppositions partisanes ni les affrontements idéologiques mais les atténuerait par ce relativisme pacificateur…

Bilger, l’humain d’abord ?

Ce ne serait pas tomber dans le classique « chacun a ses raisons » mais user de la précaution de se rappeler que Jean-Luc Mélenchon, par exemple, est d’abord une histoire qui souvent l’explique, parfois le justifie, quelquefois le condamne, une sensibilité et un humus qui mettent naturellement à mal toutes ses constructions révolutionnaires théoriques. Emmanuel Macron n’est-il pas, plus que tout autre, l’incarnation d’une structure intime, d’un paysage subtil qui dessinent ce qui semble être une rationalité mais relève bien davantage d’une étrangeté ? Cette vision priorisant le souffle, les corps et les battements du cœur est susceptible de s’appliquer à tous ceux qui ont une parcelle d’autorité entre les mains, des présidents aux petits chefs, des dictateurs aux démocrates.

Il ne s’agit pas en permanence de faire passer l’humain qui rassemble et qui fait qu’on se ressemble, avant les joutes intellectuelles et les débats vigoureux et antagonistes mais de savoir les arrêter, dans leur intensité et leur tonalité, quand ils oublient les hommes ou les femmes qui y participent. Il ne serait pas grotesque de ne jamais oublier, où qu’on soit, la solidarité que créent inéluctablement nos faiblesses, nos fragilités et les sources subjectives nées de nos êtres, par rapport au dissensus constant qu’engendre une politique de postures et d’éclats.

Je ne vois pas au nom de quoi les vivants globalement entendus ne mériteraient pas, d’emblée et pour échapper à toute dérive, le respect que devraient inspirer une fortune et une infortune communes : hommes et femmes, on vit puis on meurt !

Bayeux, Buckingham, tapisserie et nouvelle alliance

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10, Downing Street, Londres, aujourd'hui © GONZALO FUENTES-POOL/SIPA

À Londres, entre les calèches, les tapis rouges et la tapisserie de Bayeux, la France et le Royaume-Uni ont transformé l’Entente Cordiale en Entente Amicale – avec un soupçon de géopolitique et un panier gourmand en bonus. Résumé d’une visite historique.


Info. Notre directeur adjoint Jeremy Stubbs proposera demain une analyse politique de la visite d’Etat de M. Macron en Grande Bretagne dans le prochain épisode de notre podcast.


Dans un discours solennel devant les deux chambres du Parlement britannique, mardi, le président Macron a célébré le retour de relations plus étroites entre Paris et Londres, tout en appelant à une plus grande autonomie stratégique vis-à-vis des États-Unis et de la Chine. Le président français Emmanuel Macron a lancé un appel appuyé au Royaume-Uni pour reconnaître l’État de Palestine et renforcer le soutien à l’Ukraine, à l’occasion de sa visite d’État outre-Manche — la première d’un chef d’État européen depuis le Brexit.

Invité par le roi Charles III pour une visite officielle de trois jours (du 8 au 10 juillet), le président français a été accueilli en grande pompe par la famille royale. Après avoir été reçu par le prince William et la princesse Catherine, il a rejoint le château de Windsor en calèche, dans un décor emprunté aux fastes de la monarchie.

Le 8 juillet 2025, sous un ciel londonien tantôt gris, tantôt percé d’un soleil timide, Emmanuel Macron foulait le tapis rouge déroulé au pied du château de Windsor. Accompagné de Brigitte Macron, il était accueilli en grande pompe par le roi Charles III, dans une cérémonie où faste monarchique et modernité se mêlaient avec élégance. Le cliquetis des sabots sur les pavés résonnait comme un écho venu du passé, rappelant que l’histoire continue de s’écrire — de Bayeux à Buckingham.

Un discours d’unité

Au Parlement, Macron a plaidé pour un renouveau de la coopération franco-britannique, en particulier sur les dossiers cruciaux de la défense, du climat, de l’immigration et du commerce.

« Le Royaume-Uni et la France doivent, une fois de plus, montrer au monde que notre alliance peut faire toute la différence », a-t-il déclaré en anglais. « La seule manière de surmonter les défis de notre époque est d’avancer ensemble, main dans la main, épaule contre épaule. »

Le chef de l’État a réaffirmé que l’Europe ne « tournerait jamais le dos à l’Ukraine » face à l’agression russe, tout en exigeant un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel à Gaza.

Ce discours a marqué un tournant symbolique, à l’heure où le nouveau Premier ministre travailliste Keir Starmer œuvre à restaurer des liens apaisés avec les alliés européens, après des années de tensions post-Brexit.

Une « entente amicale »

Mardi soir, le roi Charles a offert un banquet d’État au château de Windsor en l’honneur du couple Macron. Quelque 160 invités — diplomates, figures politiques et personnalités comme Mick Jagger ou Elton John — étaient présents.

Dans son discours, le souverain britannique a salué le début d’une nouvelle ère dans les relations franco-britanniques. Il a proposé de faire évoluer la traditionnelle « Entente cordiale » de 1904 en une « entente amicale », scellant une coopération renouvelée et apaisée entre les deux nations.

Un geste hautement symbolique a été annoncé : la France prêtera au Royaume-Uni la célèbre tapisserie de Bayeux — chef-d’œuvre du XIe siècle — pour un retour exceptionnel sur le sol britannique, plus de 900 ans après sa création. En échange, Londres mettra à disposition de Paris une sélection de trésors anglo-saxons et vikings.

Diplomatie, défense et migration

Mercredi, les affaires politiques ont pris le dessus. Emmanuel Macron a été reçu au 10 Downing Street par Keir Starmer et son épouse Victoria, aux côtés de Brigitte Macron. Les discussions ont porté sur les grandes priorités bilatérales : migrations, défense, investissements.

Malgré les différends persistants liés aux conséquences du Brexit — notamment sur la gestion des migrants traversant la Manche à bord de petites embarcations —, Londres et Paris s’efforcent de bâtir une réponse commune, avec l’hypothèse d’une force militaire conjointe pour soutenir l’Ukraine en cas de cessez-le-feu.

Sommet franco-britannique : enjeux cruciaux

Ce jeudi, Emmanuel Macron et Keir Starmer ouvriront le 37e sommet franco-britannique à Londres. Une série de discussions est prévue, avec un objectif clair : sceller un accord pour limiter les traversées illégales de la Manche.

Il s’agirait d’élaborer un nouveau mécanisme de dissuasion, selon Downing Street, qui a confirmé en début de semaine un consensus sur la nécessité d’un changement d’approche. Le sommet devrait également aboutir à des engagements renforcés en matière de défense, en particulier vis-à-vis du conflit ukrainien.

Les deux dirigeants participeront à une réunion de la « coalition des volontaires », aux côtés du président ukrainien Volodymyr Zelensky, du chancelier allemand Friedrich Merz et de la Première ministre italienne Giorgia Meloni. Ils y discuteront de l’augmentation de l’aide militaire et de la pression diplomatique à exercer sur la Russie.

Vers un accord migratoire inédit ?

Starmer espère qu’un soutien britannique accru à l’Ukraine incitera la France à envisager un nouveau type d’accord migratoire, basé sur un principe d’échange : chaque demandeur d’asile renvoyé vers la France serait compensé par l’accueil d’un réfugié ayant un dossier légitime.

Une proposition ambitieuse, dans un contexte tendu : le Royaume-Uni a enregistré un nombre record de traversées illégales au cours du premier semestre 2025, et le Parti travailliste est concurrencé dans les sondages par la droite dure de Nigel Farage.

Mais Paris reste prudent. La France a jusque-là refusé un tel accord bilatéral, arguant que le Royaume-Uni devrait négocier avec l’ensemble des membres de l’Union européenne.

Une visite au carrefour des intérêts franco-britanniques

Au-delà du faste protocolaire et des discours enflammés, la visite d’État d’Emmanuel Macron à Londres s’inscrit dans un contexte chargé de défis partagés, mais aussi d’opportunités renouvelées.

Il s’agit d’abord d’un moment crucial pour tourner la page d’un Brexit qui a laissé des traces, en affirmant que la souveraineté britannique et française, loin d’être antagonistes, sont en réalité profondément imbriquées et interdépendantes. Le président français a rappelé que, dans un monde incertain, la France et le Royaume-Uni doivent unir leurs forces pour éviter de retomber dans les dépendances « excessives » aux grandes puissances comme la Chine ou la Russie.

Parmi les dossiers épineux, la question migratoire illustre bien la complexité des relations bilatérales. La traversée clandestine de la Manche cristallise les tensions, mais aussi l’urgence d’une coopération renforcée. Macron n’a pas éludé cette réalité, appelant à un partage de responsabilités, qui dépasse les frontières et réclame des solutions concertées.

Dans le même temps, le soutien commun à l’Ukraine offre un terrain fertile à un rapprochement stratégique. En formant une coalition de volontaires pour défendre Kiev, Paris et Londres signent une alliance militaire inédite depuis longtemps. Cette union s’appuie aussi sur une complicité plus intime, liée au statut partagé de puissances nucléaires et de membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. Deux « États jumeaux » qui, malgré les différends, savent conjuguer leurs forces face aux défis contemporains.

Enfin, la visite a mis en lumière la puissance discrète mais réelle du soft power britannique. La monarchie, véritable aimant diplomatique, offre à Macron un cadre de prestige exceptionnel, rappelant à tous la profondeur et la richesse des liens qui unissent la France à son voisin.

Diplomatie en habits de courtoisie : les présents de Macron à Charles III

À travers un opéra de Debussy, une trompette de la Garde Républicaine, un coffret d’aquarelles Sennelier et un panier gourmand mêlant miel et douceurs françaises, Macron a offert plus que des présents : une véritable conversation silencieuse avec Charles III. Ces offrandes, entre musique, art et nature, incarnent la diplomatie en habits de courtoisie. De la musique aux abeilles, ces cadeaux disent plus qu’un discours : ils parlent d’attention, de connivence et de respect mutuel…

Achtung! Les alliances entre rouges et bruns se précisent outre-Rhin

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Mme Sahra Wagenknecht au parlement allemand, 18 mars 2025 © Berlin, Hannes P Albert/DPA/SIPA

L’Alliance Sahra Wagenknecht transgresse les lignes rouges de la politique allemande en assumant des convergences ponctuelles avec l’extrême droite de l’AfD, au nom du pragmatisme démocratique mais aussi au nom d’une gauche antilibérale en rupture avec le progressisme « woke ».


En 1997, Patrick Besson signait un roman, Didier dénonce, dans lequel il moquait ceux qui voyaient des complots rouge-brun partout. Presque trente ans plus tard, c’est peut-être d’Allemagne que ce fantasme verra le jour. A la question d’une alliance possible avec l’AfD, Sahra Wagenknecht, leader du parti éponyme (Alliance Sahra Wagenknecht) issu d’une scission avec le parti d’extrême gauche Die Linke, a récemment répondu : « Si vous me demandez si je m’adresserais également à M. Tino Chrupalla [leader de l’AfD] s’il y avait une raison concrète à cela, comme ce fut le cas en Thuringe lors de la réunion des présidents des groupes parlementaires : oui, bien sûr ». Ajoutant : « Cela devrait être normal dans une démocratie ». Un appel du pied suffisant pour que les médias allemands détectent « la même pensée autoritaire » au sein des deux formations.  

Quand craque le BraudenMauer…

L’alliance avec l’AFD ? Y penser souvent, n’en parler (presque) jamais. Dans ce pays, l’extrémisme de droite, quoiqu’en recul depuis Koursk et Stalingrad, n’amuse personne. Le cordon sanitaire, ici « BrandMauer », a longtemps défié toute résurgence des vaincus de 1945. La NPD (parti « national-démocrate »), aux fortes accointances néo-nazies, ou les Republikaners de l’ancien Waffen SS Franz Schönhuber n’ont jamais trouvé d’allié et n’étaient qu’exceptionnellement invités dans les médias. Aussi, ils n’ont connu de succès électoraux que temporaires, locaux et limités. Facile à maintenir quand l’extrême droite ne dépasse pas les 5%, le BraudMauer commence à céder lorsque l’AfD commence à rafler un quart ou un tiers dans certains Landers de l’ancienne Allemagne de l’Est. Problème : dans la BundesRepublik, comme à Weimar, on ne gouverne qu’en coalitions : le scrutin est strictement proportionnel, même à l’échelon local. Les partis de droite ont donc été tentés de croquer dans la pomme des alliances interdites pour gouverner à nouveau certains exécutifs.

A lire aussi: Berlin: 1500 islamistes rêvent d’un califat en plein cœur de l’Europe!

Les premiers à craquer (ou croquer) furent les alliés libéraux d’Emmanuel Macron au Parlement européen. En février 2020, lors de l’élection du ministre-président (équivalent d’un président de région) de Thuringe, Thomas Kemmerich, membre du FDP, a été élu grâce aux voix de l’AfD, dirigé localement par Björn Höcke, face au candidat de gauche « Die Linke ». Levée de boucliers ! Sacrilège ! Tabou brisé ! « Acte impardonnable » s’étrangla la chancelière Angela Merkel. Devant la pression, le président libéral dût démissionner 48 h plus tard. Et les partis de bricoler un pacte de coalition pour maintenir un gouvernement du Land allant des démocrates-chrétiens… aux post-communistes. Depuis cet épisode, une partie de l’électorat FDP (parti désormais au fond du trou) a glissé vers l’AfD. La base libérale est souvent plus fiscale qu’humaniste, eurosceptique non par nostalgie de la grandeur nationale mais par refus des transferts budgétaires entre États. Le scandale de 2020 y a été vu comme une abdication morale de la droite modérée envers la gauche.

Friedrich Merz, alors chef de la CDU, sentant le vent de l’union des droites tourner, tenta un nouveau coup de sonde. Il déclare en juillet 2023 dans un média suisse que les élus de son parti pourraient, au niveau local, « travailler avec des maires ou des présidents de canton élus sous l’étiquette AfD », dès lors qu’ils sont démocratiquement désignés. Plusieurs résolutions communes avaient déjà été votées par l’apport des élus nationalistes aux démocrates chrétiens. Là encore : Horreur ! BrandenMauer fissuré ! « L’AfD est antidémocratique, d’extrême droite », avait sursauté Markus Soder, le chef de la CSU bavaroise – région qui pourrait avoir un passif historique à absoudre. Comme le président démissionnaire de Thuringe, M. Merz revint sur ses propos dès le lendemain. Les consciences de la CDU veillent. En janvier 2025, Angela, toujours elle, critiqua publiquement une motion anti-immigration votée par la CDU au Bundestag avec le soutien de l’AfD, dénonçant un alignement dangereux. Cinq ans après le scandale de Thuringe, ce sont donc les électeurs de la CDU qui entament leur migration vers l’AfD. Ce sont des retraités conservateurs, des classes moyennes rurales, des ex-électeurs CSU qui se tournent vers le parti de M. Höcke non par nostalgie hitlérienne, mais parce qu’ils ne se sentent plus représentés par une droite plus obsédée de digues morales que de digues fiscales, migratoires ou identitaires.

La gauche Rosa plutôt que la gauche Greta

Dans un pays qui a troqué Rosa Luxemburg pour Greta Thunberg, Sahra Wagenknecht est une relique hérétique. Trop brillante pour les chaines d’info (elle est docteure en philosophie et économie ; un titre qui compte en Allemagne), trop rouge pour la droite, trop nationale pour la gauche… Elle fut d’abord marxiste : née en Allemagne de l’Est, elle a même appartenu au SED, l’ancien parti communiste. Ça tombe bien, l’AfD et le BSW font leurs meilleurs scores sur le même fief électoral, celui de l’ancienne RDA. Son discours antilibéral est intégral et ne cède rien au progressisme. Elle a dénoncé l’obsession migratoire de la gauche comme un abandon des classes populaires qui commencent en Allemagne à être broyées par le libre-échange et les faillites d’usines. Elle a tenu la barre de Die Linke avant de faire scission avec ses ex-camarades intersectionnelles pour fonder le BSW – Bundins Sahra Wagenknecht : un parti refuge pour ceux qui ont voté SPD, puis Die Linke, puis plus rien… en attendant peut-être de voter AfD. Au Parlement européen, Michael von der Schulenburg, député BSW non-inscrit, vote déjà en faveur des amendements de l’AfD, notamment quand les deux formations sur retrouvent sur les mêmes thèmes eurosceptiques et le même tropisme russophile.

Le BSW serait donc une gauche conservatrice anti woke, en rupture avec le progressisme de Die Linke, qui a frôlé l’entrée au Bundestag aux dernières élections. Une Marine Le Pen de gauche ? Non : trop de Kant, trop de Marx, trop d’Adorno. Trop d’impératif catégorique, trop de lutte des classes, trop de traumatisme historique. Et pourtant…elle transgresse l’ultime tabou moral de l’après-guerre et pactiser avec le nationalisme. Sans doute un impératif politique : son parti ne voulait-il pas réconcilier la gauche avec le réel ?

Paris n’est plus une Fête!

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Ici, pour l'instant, tout va bien... Paris, 21 juin 2025 © KENDRICK/SIPA

Les enfants violents des cités qui se déchainent dans les rues le soir de la Fête de la musique : le symptôme d’un effondrement civilisationnel.


La Fête de la musique, censée être un moment de partage culturel et de liesse populaire, s’est muée cette année encore en une démonstration brutale d’un désordre profond. Dans plusieurs villes de France, les festivités ont été le théâtre de scènes inquiétantes : pillages de commerces, voitures incendiées, agressions au couteau, et même parfois agressions sexuelles. Plus grave encore, des femmes ont dénoncé sur les réseaux sociaux avoir été droguées à leur insu à l’aide de piqûres, phénomène aussi choquant qu’inquiétant.

La police ne sait plus où donner de la tête

Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, la Fête de la musique 2025 a été marquée par plus de 730 interpellations, près de 60 policiers blessés, et une centaine d’agressions recensées sur l’ensemble du territoire, dont plusieurs à l’arme blanche. À Lille, Lyon, Bordeaux, Marseille ou encore Nanterre, les forces de l’ordre ont été débordées face à des groupes organisés, parfois très jeunes, multipliant les attaques coordonnées contre les commerces, les véhicules ou les passants. À Paris, la préfecture a confirmé l’ouverture de plusieurs enquêtes pour violences sexuelles en réunion, tandis que la multiplication des cas de piqûres suspectes, souvent en pleine foule, alimente la sidération.

Du côté du gouvernement, le ministre Gérald Darmanin a dénoncé « des actes barbares et lâches, qui n’ont rien à voir avec la fête », tout en appelant à « une réponse judiciaire ferme et rapide ». Mais dans l’opposition, les critiques fusent. Jordan Bardella (RN) y voit « l’expression d’une insécurité systémique que le pouvoir refuse d’admettre », tandis que Manuel Bompard (LFI) évoque « une stratégie de la tension exploitée politiquement, sans jamais s’attaquer aux causes sociales profondes ». Le président Emmanuel Macron, en déplacement en Bretagne, s’est dit « préoccupé par la multiplication des violences urbaines », affirmant que « la République ne reculera pas ».

Tissu social et jeunesse déchirés

Ces violences ne sont ni des faits divers isolés ni de simples dérapages liés à l’alcool ou à la foule. Elles traduisent une dégradation accélérée de notre tissu social. Elles révèlent une jeunesse hors de tout cadre, une culture de la violence banalisée, et une société qui perd ses repères. Plus qu’un problème de sécurité, nous faisons face à une crise de civilisation. Et les responsables sont multiples : familles déstructurées, État démissionnaire, école en faillite, communautarismes identitaires, et une République paralysée par sa propre lâcheté. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement l’ordre public, c’est l’avenir même de la nation.

Il est temps de cesser les circonvolutions. La violence des jeunes dans les cités n’est pas un accident. Ce n’est pas non plus un simple effet collatéral de la pauvreté. C’est le fruit amer d’un projet échoué de modernité démocratique, incapable de maintenir ses propres structures de transmission, de régulation, d’autorégénération. Cette violence est un cri, mais un cri dirigé contre le silence coupable d’une société qui ne sait plus ce qu’elle est, ni ce qu’elle veut.

Pendant trop longtemps, on a refusé de voir. On a même interdit de penser. Nommer les causes profondes de cette désintégration était suspect. Pointer la responsabilité de certains modèles familiaux ou culturels était un délit moral. Le politiquement correct a imposé sa chape de plomb : toute analyse un tant soit peu honnête était aussitôt assimilée à un discours de haine. Il est temps de briser ce mur d’autocensure.

Les jeunes violents des cités sont les enfants d’un vide. Vide de l’autorité paternelle, disparue sous les coups de boutoir de la délinquance, du consumérisme, de l’abandon social. Le père, lorsqu’il n’est pas physiquement absent, est souvent disqualifié dans son rôle : soit il est marginalisé, soit il incarne lui-même l’arbitraire ou la violence. L’adolescent sans repères se construit alors dans la rue, dans le gang, dans la loi du plus fort.

Vide d’une mère laissée seule, dépositaire d’une mission impossible, sans soutien, sans relais, parfois elle-même sous emprise culturelle ou religieuse. Elle tente de régner sur un foyer miné par l’anomie, souvent sous la domination d’un fils devenu chef de clan à la maison. Ce renversement des générations est une bombe à retardement sociale et psychologique.

Fausse tolérance

Vide d’un État devenu spectateur de sa propre impuissance, piétinant ses principes au nom d’une tolérance dévoyée. L’administration ferme les yeux, les politiques reculent, la justice tergiverse. L’ordre est devenu un mot tabou, la fermeté un acte de provocation.

Et l’École ? Elle aussi s’est effondrée. Jadis instrument d’émancipation, elle est devenue le théâtre de l’inversion des rôles : ce ne sont plus les élèves qui doivent s’adapter à l’institution, mais l’institution qui courbe l’échine devant les revendications identitaires, les communautarismes agressifs, les refus d’apprendre. L’autorité du professeur est constamment remise en question, la discipline remplacée par la peur du scandale. Les savoirs fondamentaux cèdent la place à une pédagogie de l’évitement.

N’ayons plus peur de nommer ce que tout le monde sait : une partie de cette jeunesse violente est irriguée par un islam de rupture. Pas la foi tranquille du croyant, mais l’islam de combat, politique, identitaire, conquérant. Celui qui enseigne la supériorité de la loi divine sur les lois humaines. Celui qui réduit la femme à l’ombre, l’étranger à l’ennemi, la France à une terre à réislamiser. Cet islam-là n’est pas une spiritualité : c’est une stratégie.

Il prospère sur le terrain que la République a abandonné : l’imaginaire, la règle, le récit collectif. Il offre un contre-modèle cohérent, totalisant, à une jeunesse en rupture. Face à une société qui n’ose plus transmettre, qui doute d’elle-même, qui s’excuse en permanence, l’islam radical offre de la fierté, de la discipline, un sens. Il parle à ceux que la République a désertés. Et il le fait mieux qu’elle, parce qu’il croit à ce qu’il dit, quand nous ne croyons plus à rien.

La France est piégée par sa propre lâcheté. Elle a laissé s’installer des enclaves où sa loi ne s’applique plus, où son école est décriée, où son autorité est contestée, où ses valeurs sont rejetées. Ces territoires sont devenus des zones grises, des foyers de désordre culturel et politique, des contre-sociétés où la logique du droit a cédé la place à celle de l’appartenance.

Et quand elle tente timidement de rappeler ses principes, elle se fait traiter de raciste, de colonialiste, de réactionnaire. Ce chantage moral, orchestré par certaines élites universitaires et médiatiques, a figé l’action publique dans un immobilisme suicidaire.

Il ne s’agit pas de stigmatiser, mais d’affirmer. Non, toutes les cultures ne se valent pas. Non, toutes les pratiques religieuses ne sont pas compatibles avec la démocratie. Oui, il faut poser des limites. Oui, il faut exiger l’adhésion aux principes républicains. Et s’il le faut, exclure ceux qui les rejettent frontalement. Il n’y a pas de liberté sans frontières, pas d’intégration sans exigence.

Restaurer ou sombrer

Ce n’est pas une simple affaire de volontarisme ou de slogans incantatoires. Il ne suffit pas de dire « il faut ». Ce qu’il faut, précisément, c’est sortir du registre moral pour revenir au politique, c’est-à-dire au conflit assumé entre des visions du monde. Il faut accepter que toute société repose sur une hiérarchie de valeurs, sur des choix de civilisation. La nôtre, si elle veut survivre, doit cesser de composer avec ce qui la nie.

Il ne s’agit pas d’en appeler à un réveil général, mais à une réforme structurelle de l’action publique. Réaffirmer l’autorité, cela suppose de réarmer les institutions, de garantir à l’école, à la police, à la justice, les moyens et la légitimité d’agir sans peur d’être désavouées. Cela suppose aussi de sortir de l’ambiguïté législative : interdire les discours de haine, certes, mais reconnaître que certains discours religieux, lorsqu’ils minent l’ordre public et la cohésion nationale, ne relèvent pas de la liberté de conscience, mais de la subversion.

Il faut également poser la question du rapport de force culturel. Ce que nous affrontons n’est pas seulement une crise sociale, mais une contestation de fond du projet démocratique par des logiques communautaires, parfois théocratiques, souvent violentes. La réponse ne peut être ni molle, ni purement morale. Elle doit être politique, stratégique, résolue.

Sans cela, la suite est connue : des quartiers toujours plus nombreux en rupture, des services publics en repli, une République réduite à la périphérie de son propre territoire. Une société qui ne se défend pas finit par se dissoudre. Ce qui se joue ici, ce n’est pas seulement la sécurité, c’est la possibilité même de faire encore peuple.

Iran: le déclin de l’empire des Mollahs

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Ali Khamenei lors de la cérémonie de remise de diplômes des universités militaires affiliées aux forces armées, Iran, 4 octobre 2023 © APA/SIPA

La destruction d’Israël et l’hostilité à ses alliés est l’unique projet politique du régime iranien. Cette animosité a nourri un expansionnisme régional fondé sur des milices, des proxys et la quête du nucléaire. Mais depuis des années, cet empire politico-religieux révèle ses nombreuses failles.


La scène pourrait figurer dans un film de James Bond. Elle se déroule en 2007, en bordure du désert iranien du Dasht-e Kavir, dans l’usine d’enrichissement d’uranium de Natanz. Ce jour-là, tout semble normal à l’intérieur de ce haut lieu du programme nucléaire de la République islamique. Dans les salles de contrôle aseptisées, les indicateurs sont au vert. Les centrifugeuses, ces immenses cylindres métalliques allongés qui permettent d’augmenter la proportion d’isotopes fissile dans l’uranium, paraissent parfaitement fonctionner. Température, pression, vitesse de rotation : rien à signaler.

Et pourtant. Alignées comme des soldats d’acier, plusieurs machines se mettent à vibrer, à se déformer, à se briser en cascade. Une panne majeure et brutale est en train de se produire. Mais curieusement, les écrans ne signalent aucune anomalie… Lot défectueux ? Erreur d’assemblage ? Sabotage mécanique ? Le personnel ne comprend pas ce qui se passe.

C’est seulement trois ans plus tard qu’on connaîtra enfin l’origine du problème. En 2010, une enquête du New York Times révèle que les services secrets israéliens et américains ont clandestinement inoculé un virus informatique dans le système Siemens qui supervise le fonctionnement des centrifugeuses de Natanz, introduisant des dérèglements microscopiques, des accélérations soudaines suivies de ralentissements brusques, trop brefs pour déclencher une alarme, mais suffisamment fréquents pour fragiliser l’acier. Grâce à ce piratage de haut vol, le projet nucléaire de la République islamique a subi un retard considérable. Sans un coup de feu.

12 jours de frappes humiliantes

Cette opération, appelée « Olympic Games », est le premier épisode connu de la guerre souterraine menée depuis vingt ans par les Israéliens et les Américains pour empêcher la République islamique d’Iran de se doter de l’arme nucléaire. Le dernier, c’est la « guerre des douze jours ».

Dans la nuit 12 au 13 juin, le conflit vire à la confrontation intense et ouverte. Vers trois heures du matin, des membres éminents du haut commandement et du programme nucléaire militaire iraniens sont ciblés et éliminés avec une précision et un effet de surprise remarquables. Les systèmes de défense aérienne subissent le même sort. En quelques dizaines de minutes, les forces israéliennes remportent la bataille de la suprématie aérienne. Désormais, le ciel iranien est ouvert à l’aviation et le sol, aux forces spéciales israéliennes.

S’ensuivent douze jours de frappes ciblant le programme nucléaire, les capacités balistiques (missiles, lanceurs, dépôts, personnel, sites de fabrication), l’aviation, ainsi que certaines structures symboliques du régime, comme le siège de la télévision publique et la prison d’Evin. Des infrastructures stratégiques des Gardiens de la révolution, telles que des raffineries et dépôts de carburant, sont également visées. Les États-Unis apportent un soutien offensif ponctuel, notamment à travers les frappes spectaculaires contre les sites de Fordo et Natanz, jusqu’à ce que, le douzième jour, le président impose un cessez-le-feu aux deux camps.

La partie est loin d’être terminée. L’Iran est trop vaste, trop éloigné, pour être renversé en une seule opération. Et si le changement de régime hante les esprits, il ne figurait pas dans les ordres de mission des forces israéliennes. Comme au Liban, la stratégie d’Israël est de poser un revolver chargé sur la table des négociations, pas de la renverser.

À Téhéran, on sait désormais qu’Israël a les moyens et la volonté de transformer la route du nucléaire en un chemin de croix sans fin. Ces douze jours ont significativement endommagé des éléments stratégiques des programmes nucléaire et balistique : la capacité de transformer l’uranium solide en gaz et de fabriquer des centrifugeuses pour l’un, la production de carburants pour l’autre. Mais elles ont également infligé au régime la pire blessure imaginable pour ces fiers-à-bras enturbannés à la rhétorique soviétique : une humiliation urbi et orbi.

La doctrine d’Etat iranienne

On se demande pourquoi les Israéliens et les Américains font preuve d’une telle constance. Pour le comprendre, il faut revenir à 1979. L’année de la prise du pouvoir de l’ayatollah Khomeini. Dès le début, le nouveau régime se positionne comme une puissance islamique radicale. Contrairement aux empires perses qui l’ont précédé dans l’histoire, il affiche d’emblée une ambition inédite, un plan géostratégique structuré : exporter son modèle. Conséquence immédiate, il désigne Washington et Jérusalem comme deux capitales sataniques.

Les Américains et les Israéliens, alliés majeurs du shah au cours des décennies précédentes, deviennent ainsi le symbole et le moteur de la nouvelle radicalité iranienne, érigée en doctrine d’État, et dont la formule est aussi simple qu’efficace : « Mort à Israël [entendre : mort aux juifs], mort à l’Amérique [c’est-à-dire : mort à l’Occident, à la France, à la Grande-Bretagne…], l’islam est la solution ». Soit la synthèse entre la théorie des Frères musulmans et le chiisme khomeyniste. De Caracas à Johannesburg en passant par Kuala Lumpur, du campus de Columbia aux rues d’Amman et du Caire, beaucoup se reconnaissent dans cette haine et cette frustration claironnées par Téhéran.

De ce point de vue, les mollahs prennent aux yeux du monde le statut occupé par Gamal Abdel Nasser, président de l’Égypte entre 1954 et 1970, figure centrale du Mouvement des non-alignés et héros du nationalisme arabe « de l’Atlantique au Golfe ». L’islamisme des mollahs chiites peut ainsi être interprété comme une sorte de nassérisme religieux, où les références au progrès technique, au socialisme et à la laïcité sont remplacées par une vision théocratique et conservatrice du monde.

Chez Nasser comme chez les mollahs, l’antisionisme, cet antisémitisme à peine voilé, joue le rôle de ciment politique. Il sert à la fois d’explication universelle et d’alibi commode : tout est la faute des juifs et l’Occident n’est qu’une marionnette entre leurs mains. Dans les années 1980, ce discours puissant permet aux mollahs, pourtant ultra-conservateurs sur le plan des mœurs et de l’économie, de tisser des alliances apparemment paradoxales avec des segments des gauches occidentales et latino-américaines. On se souvient de l’attraction exercée par Khomeini sur des intellectuels français, comme Michel Foucault, rendus ivres par le mot « révolution » et enthousiasmés par la perspective de voir les États-Unis humiliés.

Cependant, même les slogans les plus mobilisateurs ne suffisent pas sur le champ de bataille. Or, les adversaires de la République islamique, qui sont des puissances technologiques avancées, organisées au sein de solides alliances politiques, économiques et militaires, disposent d’un avantage matériel écrasant.

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Les dirigeants iraniens ont donc élaboré un système ingénieux qui leur permet d’obtenir de la puissance à moindre coût. Le premier et le plus emblématique outil de cet attirail du pauvre est le recours à des combattants de type kamikaze, utilisé dès les années 1980, généralement par les milices chiites libanaises liées à Téhéran. Ce sont des hommes jeunes, endoctrinés, préparés par des agents locaux et entièrement dévoués au chiisme révolutionnaire. Le jour venu, on leur ordonne de conduire un véhicule piégé jusqu’à une cible stratégique – un quartier général israélien, une caserne américaine, un immeuble de soldats français – et de se faire exploser. Ainsi, sans armes sophistiquées, ces militants fanatiques obtiennent un effet disproportionné, faisant vaciller à peu de frais les puissances occidentales.

Dans le laboratoire libanais les Iraniens affinent la doctrine : chiisme militant, haine de l’Occident et des juifs, et enracinement local profond. Des cellules s’y constituent, qui s’appuient sur des réseaux villageois, communautaires et familiaux, difficilement pénétrables. Dans ces nébuleuses, qui mêlent civil et militaire, religieux et paramilitaire, militantisme et gestion sociale, on est en même temps activiste et « fonctionnaire », tandis que des dépôts d’armes sont aussi des habitations privées. Ce tissu insaisissable est donc extrêmement résilient. Si Téhéran avait créé des institutions au sens occidental (claires, visibles, centralisées), elles auraient été bien plus vulnérables à l’action des services occidentaux.

Axe de la « Résistance »

Après la guerre Iran-Irak (1980–1988), le régime iranien élargit cette stratégie à l’échelle régionale, au-delà du Liban. Il s’allie avec la Syrie, dont le despote, jusqu’alors aligné sur Moscou, a perdu son parrain soviétique avec l’effondrement de l’URSS, et cherche un nouveau protecteur géopolitique. Téhéran soutient aussi le Hamas à partir de 1992, en utilisant le Liban comme base avancée et le Hezbollah comme mentor opérationnel. Puis viennent les milices chiites irakiennes à partir de 2004–2005, quand l’occupation américaine transforme la menace de 2003 en opportunité stratégique de saigner le « Grand Satan ».

Rassemblement anti-israélien au carrefour Felestin (place de la Palestine), à Téhéran, 8 octobre 2024. AP Photo/Vahid Salemi/SIPA

C’est ainsi qu’émerge un arc chiite, réseau d’influences et fauteur de crises, qui part de Téhéran, traverse l’Irak et la Syrie, et s’étend jusqu’au Liban et à la Méditerranée. Dans les années 2015-2020, les Iraniens se rapprochent des houthistes au Yémen, et contribuent à transformer cette milice locale en une force proto-étatique, structurée, dotée de missiles balistiques, de missiles de croisière et de drones capables de menacer le territoire saoudien et, au-delà, de perturber fortement le transport maritime à travers les détroits de Bab el-Mandeb, autrement dit de faire chanter le monde entier.

En parallèle, la République islamique lance son programme nucléaire militaire. Celui-ci a deux fonctions : à l’intérieur, il agit comme un facteur d’unité nationale, séduisant même certains patriotes laïques ; à l’extérieur, il représente un outil d’expansion et de domination régionales. L’arme atomique représente à la fois un surcroît de puissance et une assurance-survie pour le régime.

Seulement, ce programme militaire, « cœur du réacteur » politique et militaire iranien, ne peut se concrétiser que si les partenaires stratégiques, les « proxys », en assurent efficacement la protection, aux ordres du guide suprême, qui est formellement leur suzerain. Or ledit système de protection est moins efficace que prévu. Travailler avec des réseaux mafieux, en misant sur les liens personnels, mène inéluctablement à la corruption. On ne dirige pas Carrefour comme une épicerie de quartier. Des sommes d’argent circulent sans contrôle, des contrats sont passés sans procédures rigoureuses (et fastidieuses). Tout cela permet aux services adversaires de s’infiltrer, de faire chanter les corrompus, voire de devenir ni vu ni connu des sous-traitants, comme on l’a vu avec les fameux bippers…

Au niveau supérieur, c’est la même chose. Le suzerain de Téhéran ne peut pas plus compter sur ses vassaux que le roi de France, au début de la guerre de Cent Ans, sur le duc de Normandie, par ailleurs roi d’Angleterre… D’une façon générale dans l’histoire, la fidélité des vassaux (qui ne sont pas des laquais) est fluctuante et rare, et la trahison, la règle (quitte à se faire ensuite pardonner). L’Iran n’échappe pas à ce principe. Ainsi, en 2006, son fondé de pouvoir au Liban, Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah et premier de la classe crypto-iranienne, décide, sans consulter, de provoquer Israël. C’est le début de la deuxième guerre du Liban. À la maison mère, on feint de suivre, mais on grince des dents.

Yahya Sinwar : décision fatale

Bref, dès 2006, il devient évident que les alliances iraniennes ne forment pas une sorte d’OTAN islamiste, mais plutôt une confédération de tribus gauloises où, même face à la menace romaine, chaque chef n’en fait qu’à sa tête. C’est ainsi que l’un de ces vassaux-chefs de tribu, Yahya Sinwar, dirigeant du Hamas, prend en 2023 la décision fatale pour Téhéran (et pour tout l’arc chiite) : attaquer Israël sans l’autorisation du parrain iranien, ni se coordonner avec les autres vassaux libanais, yéménites ou irakiens.

Il faut en outre mentionner l’énorme travail d’infiltration des régimes et de leurs milices vassales mené par les services israéliens et occidentaux au Liban, en Syrie et en Iran, où l’écart croissant entre un discours creux et une réalité désastreuse (pauvreté, chômage, corruption) ouvre un boulevard aux services de renseignement occidentaux. Par haine, misère, frustration, appât du gain ou soif de liberté, nombre d’Iraniens semblent prêts à risquer leur vie pour saboter, voire faire tomber le régime.

En apparence, Israël avait accepté l’équilibre de la dissuasion imposé par les mollahs. En réalité, tout, depuis les communications des bippers jusqu’aux installations de Fordo, était patiemment surveillé, ciblé, préparé. Le 7 octobre, Yahya Sinwar espère entraîner l’ensemble de l’« Axe de la résistance ». Son « succès » initial renforce la confiance à Beyrouth, Sanaa et Téhéran. Les mollahs et leurs vassaux tombent droit dans le piège. Aujourd’hui, leur bouclier est brisé, leur armure percée. Mais ils sont encore debout, aux commandes d’un État et d’une économie qui continuent de fonctionner. Leurs moyens sont diminués, pas leur volonté.

Nul ne peut dire aujourd’hui quand et comment finira cette guerre qui a déjà vingt ans. Mais les mollahs ont déjà réussi à propager partout dans le monde, en particulier sur les campus occidentaux, la haine des juifs et de l’Occident, qui est à la fois leur carburant et leur moteur. Et contre ce poison-là, les bombes ne peuvent rien.