Lors des trois premières étapes du tour de France, les favoris Pogacar et Vingegaard ont confirmé leur place au classement général, tandis que Bryan Coquard a vécu une journée catastrophique marquée par l’abandon du maillot vert Jasper Philipsen.
Pour la première fois depuis sa création en 1952, le Prix de la combativité n’a pas été attribué lundi lors de la 3ᵉ étape du Tour. À la place, le jury aurait pu décerner celui « de la poisse » et, incontestablement, il serait revenu au sprinteur de la Cofidis de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique, capitale de la construction navale), Bryan Coquard.
Non seulement il a provoqué involontairement, à 60 km de l’arrivée à Isbergues, en disputant l’unique sprint intermédiaire de la journée, la chute du maillot vert, Jasper Philipsen (Alpecin-Deceuninck), le contraignant à l’abandon (fracture de l’omoplate droite et côte brisée), mais il s’est aussi retrouvé à terre lors d’un final chaotique, remporté d’un boyau par le Belge Tim Moutier (Soudal Quick-Step).
En outre, Coquard a écopé d’un carton jaune (un second entraînerait son exclusion), d’une amende de 500 francs suisses (534 euros) et d’un débours de 13 unités dans le classement par points. Mais la pénalité la plus sévère est assurément psychologique.
À l’arrivée, il avait l’air très affecté. Il était au bord des larmes. « Une sale journée, a-t-il déclaré. Faire abandonner le maillot vert, ça ne fait pas plaisir… Je ne suis pas un mauvais garçon. »
Il a la réputation d’être gentil et loyal, ce qui est rare chez les sprinteurs, des trompe-la-mort prêts à tout pour la gagne. Coquard doit se sentir encore plus contrit, car Philipsen (10 étapes sur le Tour) faisait figure de grand favori pour ramener à Paris, comme il l’avait fait en 2023, cette tunique, plus disputée que les autres années.
Les occasions de marquer des points ont été réduites à six étapes au lieu de huit, entraînant en conséquence une réduction substantielle de sprints intermédiaires, d’où une furia décuplée pour les conquérir.
Cette 3ᵉ et dernière étape dans le Nord avait pris la tournure d’une trêve après les deux premières à forte tension, suite à un accord tacite entre les équipes des sprinteurs, aidées en cela par un vent contraire dissuadant les plus téméraires de se lancer dans une échappée qui ne pouvait que faire long feu.
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Mais sur le Tour, il se passe toujours quelque chose même quand il ne se passe rien.
Le peloton a musardé jusqu’au sprint intermédiaire qui s’est soldé par l’incroyable élimination du très probable vainqueur du maillot vert.
Le sprint final a aussi été marqué par une chute de Remco Evenepoel (Soudal Quick-Step), le plus sérieux rival des deux grands favoris, Tadej Pogačar (UAE), le flamboyant, et Jonas Vingegaard (Visma | Lease a Bike), l’humble.
Il avait pris la 3ᵉ place l’an dernier derrière eux. Bien que sans gravité, cette chute ne peut que le handicaper, alors qu’il a déjà été relégué à 39 secondes de ceux-ci dès la première étape, suite à une bordure provoquée par l’équipe de Vingegaard à 17 km de l’arrivée.
Ce triptyque nordique avait été conçu par les organisateurs comme une course dans la course réservée aux baroudeurs et aux sprinteurs.
La première passe d’armes entre les favoris était prévue lors du contre-la-montre de 33 km à Caen.
Or, à son issue, ce triptyque semble bien prémonitoire du classement final de cette 112ᵉ édition, Pogacar et Vingegaard ayant déjà investi respectivement les places de second et troisième au général après avoir terminé la seconde étape dans cet ordre derrière Mathieu Van der Poel, le petit-fils de Poulidor et lanceur de Philipsen.
Il y a de fortes probabilités qu’il conserve son maillot jaune conquis à l’issue de cette victoire d’étape jusqu’à Pau, avant l’entame de la montagne, vengeant de la sorte son grand-père qui ne l’a jamais endossé, bien qu’ayant eu huit podiums à son palmarès.
Quant au duel attendu entre Pogacar et Vingegaard, il semble sérieusement parasité par une « gueulante » de la femme du Danois.
Dans un entretien donné au quotidien de Copenhague Politiken, elle a affirmé que l’équipe de son cher époux ne lui était pas entièrement dévouée, à l’inverse de celle de Pogacar à l’endroit de celui-ci.
Elle a en particulier mis en cause Wout van Aert, qui jouerait sa carte personnelle (voir encadré). Les trois premières étapes ont pourtant montré le contraire. Donc, pourquoi cette affirmation intempestive ?
| La gueulante de Mme Vingegaard Elle n’a pas mâché ses mots, Mme Trine Vingegaard Hansen, épouse du double vainqueur du Tour et favori de cette édition, et en outre son agent. Elle a clairement laissé entendre dans son entretien avec le quotidien danois Politiken que son équipe Visma-Lease a Bike n’était pas entièrement à son service. « Elle doit se concentrer sur la victoire finale. Si on commence à viser des victoires d’étape pour d’autres, c’est au détriment de Jonas. » Elle visait implicitement Wout van Aert qui a, sans doute, carte blanche pour aller en chercher une. Le principal intéressé a répondu laconiquement que « l’équipe sait ce dont elle dispose avec moi. C’est un sentiment que ne partage pas Jonas ». Quant à ce dernier, peu prolixe comme à son habitude, il s’est borné à déclarer : « Je m’en fiche, c’est sans importance. » Cette mise en cause, à première vue, semble inappropriée. Les trois premières étapes tendent à prouver que Vingegaard dispose d’une solide et soudée équipe, apparemment plus que celle de Pogacar. C’est elle qui a provoqué la bordure, une manœuvre audacieuse, lors de la première étape, qui a relégué à 39 secondes Remco Evenepoel, le troisième favori, et surtout isolé dans le final Pogacar, montrant que celui-ci doit davantage compter sur lui-même que sur ses équipiers. De plus, Wout van Aert a toujours démontré qu’il savait se mettre au service du collectif quand nécessaire, d’autant plus sachant que gagner un Tour ne sera jamais à sa portée. Les propos de l’épouse de Vingegaard semblent être inspirés par un certain désarroi propre à la vie des femmes de coureurs, faite, comme celle des marins, de solitude. À quoi bon tous ces sacrifices consentis si la victoire n’est pas au bout ? C’est peut-être le message qu’elle a voulu envoyer. Une place de second, c’est certes bien… mais ça s’oublie vite… En préambule, elle a dit au sujet de son mari : « Je pense qu’on le pousse trop loin. J’ai peur qu’ils le brûlent par les deux bouts. Je pense que parfois les athlètes sont d’abord des êtres humains. » Sur ce point, elle a sans doute raison : les coureurs cyclistes ne sont-ils pas devenus des machines à pédaler ? • |
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