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Après les Frères musulmans, Al-Ahbash: ce nouvel islam politique venu d’Allemagne

L’essayiste allemand Ralph Ghadban dévoile les secrets et projets des Ahbaches dans son livre choc


Après les Frères musulmans, Al-Ahbash: ce nouvel islam politique venu d’Allemagne
Un manifestant s'oppose à la politique migratoire d'Angela Merkel proposant d'accueillir des milliers de musulmans, Berlin, septembre 2016 © STEFAN BONESS/IPON/SIPA

En 2018, l’islamologue Ralph Ghadban déclenche une onde de choc avec Arabische Clans, la menace sous-estimée. Son enquête explosive sur les dynasties criminelles arabes, qui règnent sur des quartiers de Berlin et au-delà, le place sous protection policière. Au-delà du crime, le clan Mhallami, galvanisé par Al-Ahbash, organisation islamiste rivale des Frères musulmans, porte un projet politique sinistre : imposer un califat en Europe.


À Berlin, les nouveaux seigneurs du crime parlent arabe

Tarek, membre d’un Arabische Clan berlinois et vendeur de coke, lâche à Ralph Ghadban : « L’État allemand ne m’intéresse pas. On suit nos propres règles. Sinon, on ne ferait pas toute cette merde. »[1] Le ton est clair, la mentalité aussi.

Dans son livre, Ghadban tirait le signal d’alarme. Les barons arabes tissent leur toile, et la France est à présent en première ligne.

Le 25 novembre 2019, Dresde plonge dans le noir. Un incendie volontaire grille un transformateur près du musée Grünes Gewölbe, désactivant les alarmes. Des cambrioleurs s’infiltrent, emportent des bijoux du XVIIIème siècle, dont un diamant de 49 carats, et disparaissent sans laisser de trace[2].

En mars 2017, Berlin vit un autre coup retentissant : une pièce d’or de 100 kg, d’une valeur de 4 millions d’euros, est volée au musée de Bode. Trois hommes, armés d’une hache, fracassent une vitre, chargent le butin dans une brouette et s’éclipsent.[3] Ces casses mènent au clan Remmo, un poids lourd de la pègre libanaise en Allemagne. Les autorités contre-attaquent fort : plus de 1 600 agents mobilisés, des perquisitions à tout va. En janvier 2019, trois membres du clan Remmo, jugés pour le vol de Berlin, sont acquittés. En novembre 2020, Wissam Remmo est condamné pour le casse de Dresde, mais d’autres suspects restent introuvables.

L’Allemagne découvre enfin ce que beaucoup préféraient alors ignorer : des grandes familles kurdes, palestiniennes et libanaises — les Remmo, Al-Zein, Ali-Khan, Chahrour, Miri… — ont pris le contrôle du crime organisé dans plusieurs grandes villes, de Berlin à Francfort. Leur arsenal ? Vols, trafic de drogue, extorsion, proxénétisme, blanchiment d’argent. En 2018, la police berlinoise frappe un grand coup en saisissant 77 biens des Remmo, une famille libanaise appartenant au groupe ethnique des Mhallami, pour 10 millions d’euros. Mais ce coup de filet reste dérisoire face à un empire qui semble à présent inébranlable.

Les Mhallami, la fracture invisible de l’Allemagne

Les Mhallami, des Kurdes arabisés originaires du sud-est de la Turquie et du nord de la Syrie, ont trouvé refuge au Liban dès les années 1920, chassés par la misère et les persécutions. Marginalisés dans les quartiers pauvres de Beyrouth ou Tripoli, ils ont fui la guerre civile libanaise (1975-1990) pour atterrir en Allemagne, souvent via des chemins clandestins avant la réunification.

Descendant de peuples nomades, cette diaspora obéit à une loi immuable : le clan prime sur tout. Ce qui se trouve en dehors, en l’occurrence l’Allemagne, n’est perçu que comme un espace à piller et à dépouiller sans la moindre retenue. Pour eux, le pays hôte est un territoire ennemi qu’il faut dominer et conquérir afin d’assurer la survie du groupe. Refusant toute intégration civique, avec des taux de chômage oscillant entre 80 et 90%, ils rejettent systématiquement les emplois soumis à des cotisations, de peur de voir leurs allocations sociales disparaître. Ces aides de l’État allemand (aide au logement, allocations familiales, aide à l’ameublement et à l’habillement…), loin d’être perçues comme un soutien temporaire, sont assimilées à un revenu de base acquis.

A lire aussi, du même auteur: Manuel Ostermann: le cri d’un flic dans une Allemagne à la dérive

Le clan des Mhallami, une communauté de 100 000 individus issus de mariages claniques endogames, constitue une sorte d’État parallèle, exerçant une influence dominante dans certaines régions d’Allemagne. Dans leurs zones d’influence, les interventions policières nécessitent au minimum deux véhicules de patrouille, souvent appuyés par des hélicoptères, pour éviter d’être submergées par des groupes hostiles. La crainte des juges conduit fréquemment à la remise en liberté des accusés, à l’image d’Ibrahim, leader Mhallami d’une guérilla ayant blessé 24 agents de police, libéré en raison d’un prétendu « stress émotionnel extrême ».

Les écoles allemandes sont également sous forte pression à cause des Mhallami. Chez eux, une fatwa interdit aux filles de s’éloigner, lors des sorties scolaires, au-delà de ce qu’un dromadaire peut parcourir en une journée – soit environ 80 km. Les familles lancent des poursuites judiciaires contre les établissements qui proposent aux filles des cours de sport, de natation ou d’éducation sexuelle. On apprend aux enfants à ne pas serrer la main des instituteurs et les réunions parents-profs sont boycottées pour éviter tout contact avec les « kouffars ». Les écoles, dépassées, embauchent des médiateurs turcophones pour tenter de calmer le jeu, mais rien n’y fait. Et si un gamin Mhallami se dispute dans la cour de récré ? Ses grands frères rappliquent, frappent les autres élèves, les profs, les directeurs et finissent enfin par démolir les classes.           

Al-Ahbash : l’islam politique en embuscade

Les Mhallami, ni Libanais, ni Turcs, ni Allemands, s’appuient sur un islam rigoriste pour façonner leur identité et structurer leur communauté. Leur allégeance va d’abord au clan, mais l’islam en est le pilier. La diyya, compensation financière traditionnelle destinée à régler les conflits, occupe une place clé, mais chez eux, ces fonds profitent à Al-Ahbash, mouvement islamique libanais fondé en 1983 par le cheikh éthiopien Abdullah Al-Harari. Se distinguant des salafistes et des Frères musulmans, Al-Ahbash promeut un islam « modéré » et le respect des autorités. Fortement soupçonné dans l’enquête sur l’attentat de 2005 qui a tué le premier ministre Rafic Hariri[4] et 21 autres personnes, Al-Ahbash n’a jamais été condamné, les preuves manquant.

Cette façade de tolérance a séduit les autorités allemandes, lassées des Frères musulmans. Ces derniers, implantés à Munich depuis 1958 par Saïd Ramadan, gendre de Hassan al-Banna, ont longtemps été des interlocuteurs privilégiés du dialogue interreligieux. Mais leur mainmise sur les financements publics et les chaires universitaires, ainsi que leur silence lors de controverses comme le retrait des crucifix des écoles en 1995 ou le débat sur le voile en 2003, ont révélé leur agenda doctrinaire. Trop visibles, trop revendicatifs, les Frères ont perdu la confiance des autorités. Al-Ahbash, avec son image de modération, a pris le relais.

À Berlin, la mosquée Omar, siège européen d’Al-Ahbash, reçoit des visites officielles régulières. Les Mhallami, discrets mais généreux, alimentent ses caisses via la diyya et d’autres dons. Selon Ralph Ghadban, ce système n’est pas anodin : il finance un écosystème islamique destiné à poser les bases d’un futur califat en Europe. Alors que l’Allemagne s’enlise dans le débat sur le halal dans les cantines, Al-Ahbash étend discrètement son emprise vers la France, où son bras armé, l’APBIF (Association des Projets de Bienfaisance Islamique en France[5]), est actif depuis les années 1980.

L’APBIF en France : le cheval de Troie islamiste

Dans les années 1980, l’APBIF débarque à Montpellier ; elle est accueillie par une Église catholique naïve dans un élan de dialogue interreligieux, à une époque où la ville manque cruellement de mosquées. Un geste généreux ? Peut-être, mais en 2004, quand le diocèse réclame ses locaux, l’APBIF refuse de partir, lançant un bras de fer judiciaire qui fait grand bruit.[6] À sa tête, le cheikh Khalid Elzant, prédicateur libanais venu islamiser la francophonie, mais dont le parcours est loin d’être sans heurts. Envoyé à l’Île Maurice entre 2010 et 2015 pour « réislamiser » la mosquée Al-Aqsa, la plus ancienne de l’île, Elzant se retrouve au cœur d’une enquête après des propos jugés blasphématoires par le vice-premier ministre Showkutally Soodhun. Résultat : visa révoqué et expulsé manu militari.[7] De retour en France, Elzant s’installe à la mosquée de Limoux, où il continue son œuvre via un podcast YouTube, diffusant sa version rigoriste de l’islam à une audience francophone.[8]

L’APBIF s’appuie sur des relais culturels pour toucher les jeunes. Le rappeur Kery James, aujourd’hui connu pour être le réalisateur de Banlieusards, incarne cette influence. Converti à l’orthodoxie ahbashienne, il rejette les instruments de musique « impurs » (instruments à vent et à corde) et incite ses fans à se former dans les centres APBIF. Ses débuts, marqués par des textes provocateurs comme « Hardcore » (1998) (« Hardcore, deux PD qui s’embrassent dans la rue » / « Hardcore, sera la reconquête de la Palestine » / « Hardcore, comme si j’faisais sauter une bombe à Disneyland »), ont cédé la place à une posture de guide spirituel. Dans la galaxie de l’APBIF, on retrouve également Abd Samad Moussaoui, frère de Zacarias Moussaoui – surnommé le « 20ème pilote de l’air » et condamné pour son rôle dans les attentats du 11 septembre. Le sociologue Samir Amghar souligne que les sœurs Alma et Lila Lévy — exclues en 2003 d’un lycée d’Aubervilliers pour leur voile, dans une affaire médiatique retentissante — ont elles aussi fréquenté l’APBIF[9].

La France, premier pays musulman d’Europe avec une projection de 8,6 millions de fidèles[10] en 2050, n’est pas un terrain choisi au hasard : elle est ciblée délibérément comme base stratégique pour y implanter, à terme, un califat. Munich pour les Frères musulmans, Berlin pour Al-Ahbash et leur relais français, l’APBIF : ces organisations diffusent un islam politique rigoriste, infiltrant quartiers et institutions sous le masque du dialogue interreligieux. Pendant que l’État ferme les yeux, ce cheval de Troie avance, menaçant l’intégrité même de la République. Jusqu’à quand la France restera-t-elle aveugle ?

Ralph Ghadban. Arabische Clans: Die unterschätzte Gefahr. (en allemand) Ullstein Taschenbuch, 2019. 303 pages.

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[1]     Ghadban, Ralph. Arabische Clans: Die unterschätzte Gefahr. (en allemand) Ullstein Taschenbuch, 2019. 303 pages.

[2]     https://www.radiofrance.fr/franceinter/en-allemagne-des-joyaux-voles-dans-un-celebre-musee-retrouve-trois-ans-apres-6261831

[3]     https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2022/08/11/une-hache-et-une-planche-a-roulettes-pour-un-casse-en-or-massif-au-bode-museum-de-berlin_6137783_3451060.html

[4]     https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2005/10/26/assassinat-d-hariri-la-justice-libanaise-a-inculpe-deux-freres_703715_3218.html

[5]     https://apbif.fr/

[6]     https://www.lemonde.fr/une-abonnes/article/2004/08/05/a-montpellier-l-eglise-perd-patience-face-aux-ahbaches_374568_3207.html?utm_source=chatgpt.com

[7]     https://www.zinfos974.com/expulse-de-maurice-pour-blaspheme-un-cheikh-accueilli-a-la-reunion-avec-sa-famille/

[8]     https://www.youtube.com/watch?v=MUr0IPPXtLU&list=PLP6QRti9thBC9L2oTO-Fw_q34EwcyfjON&index=3&ab_channel=LaW-A

[9]     https://shs.cairn.info/revue-politique-etrangere-2007-3-page-605?lang=fr#re3no3

[10]   https://observatoire-immigration.fr/peut-on-evaluer-le-nombre-de-musulmans-vivant-en-france/




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