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Royaume-Uni: L’Église catholique, un rempart contre le wokisme de l’Église anglicane?

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Dépités par le progressisme parfois déroutant de leur Église, des évêques anglicans ont décidé de rejoindre les rangs de l’Église catholique.


Septembre 2017 : la créatrice de mode turque très en vue, Dilara Findikoglu, présente sa nouvelle collection inspirée du satanisme, dans le cadre de la London Fashion Week [1]. Pour ce faire, elle a loué l’église Saint Andrew Holborn dans le centre de Londres. L’édifice, qui a mille ans d’histoire, a été reconstruit après le grand incendie de Londres en 1666. Sur fond d’images démoniaques spectaculaires, des mannequins portant des cornes ou arborant des crucifix à l’envers, défilent dans la nef de l’église transformée en catwalk pour l’occasion, sous les applaudissements nourris d’une foule de professionnels de la mode et de jet-setters triés sur le volet. Des voix s’élèvent alors au sein-même du clergé anglican pour dénoncer le caractère scandaleux et blasphématoire d’une telle manifestation. Le théologien anglais Adrian Hilton s’insurge devant la glorification de Lucifer dans ce lieu historique sacré, tandis que de nombreux prêtres déplorent que le nom du Christ soit ainsi déshonoré et fustigent le fait que la foi chrétienne soit une fois de plus attaquée. Les hautes autorités anglicanes finiront par s’excuser, tandis qu’au même moment, une controverse éclate à la suite de la décision par les mêmes instances, d’autoriser le tournage du film « Hellboy : La Reine de sang », à l’intérieur de la cathédrale médiévale de Wells (Somerset), vieille de 900 ans [2]. Le scénario improbable de ce blockbuster, qui rapportera 44 millions de dollars au box-office, est celui d’un démon rappelé de l’enfer par les nazis pour les aider à gagner la Seconde Guerre mondiale. Il met notamment en scène une attaque sur la cathédrale Saint-Paul de Londres par des puissances démoniaques.

Un malaise profond

Ces événements surprenants ont révélé le malaise spirituel très profond qui plane sur l’Église d’Angleterre depuis quelques années. Pour rappel, cette dernière est une création d’Henri VIII au 16ème siècle. Ayant essuyé un refus de la part du Pape Clément VII, concernant sa demande d’annulation de son mariage avec Catherine d’Aragon pour se remarier avec Anne Boleyn, le « roi aux six épouses », dont la personnalité implacable et sanguinaire inspirera à Charles Perrault le personnage de Barbe-Bleue, rompt avec Rome en 1530 et se proclame chef suprême de l’Église et du Clergé d’Angleterre. De nos jours, le souverain britannique – en l’occurrence la reine Elisabeth II – est toujours à la tête de l’Église d’Angleterre (Angleterre, Ile de Man et Iles anglo-normandes). L’archevêque de Cantorbéry est, pour sa part, le primat de toute l’Angleterre et également le primus inter pares de tous les primats anglicans au sein de la Communion anglicane, un ensemble d’églises autocéphales à mi-chemin entre catholicisme et protestantisme, qui rassemble, de par le monde, quelque 85 millions de fidèles.

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La question brûlante du mariage homosexuel a surgi il y a une vingtaine d’années au sein de la Communion anglicane aux Etats-Unis, avec l’ordination du révérend américain homosexuel Gene Robinson en 2003, au rang d’évêque du New Hampshire. En 1998, la 13e Conférence des évêques anglicans de Lambeth a adopté une résolution « rejetant la pratique homosexuelle comme incompatible avec les saintes Écritures ». Depuis cette date, l’Église d’Angleterre, ne reconnaît pas les mariages homosexuels, n’autorise pas le clergé à bénir les unions homosexuelles. Cependant, dans les faits, elle tolère déjà que des membres homosexuels du clergé vivent en couple dans le cadre d’une union civile. Depuis 2000, elle autorise même des prêtres transgenres à officier [3]. Depuis, 2013, les évêques sont autorisés à conclure des pactes d’union civile avec des partenaires de même sexe. En 2016, Nicholas Chamberlain, l’évêque de Grantham, a été le premier à annoncer qu’il vivait avec son partenaire de même sexe dans une union civile [4]. Dans ce contexte, le Synode général de l’Église d’Angleterre pourrait revenir sur sa décision de 1998 et envisager d’autoriser le mariage homosexuel dès 2022 [5], d’autant plus que depuis 2017, l’Église anglicane écossaise (dénommée Église épiscopale) a voté pour autoriser les couples de même sexe à se marier à l’église. Au Pays de Galles, l’Église anglicane galloise offre des bénédictions spéciales aux couples mariés de même sexe depuis septembre 2021 et s’achemine vers une reconnaissance prochaine du mariage homosexuel [6]. D’autres confessions chrétiennes au Royaume-Uni autorisent les mariages homosexuels, comme l’Église méthodiste depuis juin 2021, les Quakers ou l’Église réformée unie.

La fronde des conservateurs

Au fil des années, cette ouverture aux homosexuels a grandement participé à la montée des tensions qui ont finalement conduit au départ de nombreux fidèles de la Communion anglicane, avec, dans la foulée, la mise sur pied d’Églises dissidentes, et la fronde de centaines d’évêques plus conservateurs, venus le plus souvent d’Afrique, d’Océanie et d’Amérique du Sud, dénonçant des manquements graves à la tradition biblique anglicane [7]. Comme ultime étape, des hiérarques de l’Église anglicane ont rejoint l’Église catholique.

Ce mouvement est facilité par la proximité doctrinale entre les deux Eglises. De plus, depuis 2011, le Vatican, s’appuyant sur la Constitution apostolique Angliconarum Coetibus (2009) proclamée par le Pape Benoît XVI, a créé des structures spéciales dépendant directement du Saint-Siège. Il s’agit de trois Ordinariats anglophones qui permettent aux prêtres anglicans souhaitant se convertir au catholicisme de conserver leurs traditions : l’Ordinariat personnel de Notre-Dame de Walsingham (Grande-Bretagne et Pays de Galles), qui compte déjà une centaine de prêtres ; celui de la Chaire de Saint-Pierre (Etats-Unis et Canada) et celui de Notre-Dame de la Croix du Sud (Australie et Japon). A noter que ces membres du clergé sont souvent mariés et chefs de famille, comme le permet l’anglicanisme.

Tandis que les évêques de l’Église catholique se réjouissent de l’arrivée de ces convertis, les réactions sont diverses au sein de l’Église anglicane. En Angleterre, certains évêques anglicans tels que l’évêque de Lincoln, John Saxbee, condamnent cette décision, tandis que d’autres responsables souhaitent bonne chance aux partants dans leur parcours spirituel.  

Des conversions qui défraient la chronique

Fin 2019, l’évêque Gavin Ashenden, ancien aumônier de la reine Elisabeth II, a franchi ce pas décisif [8], de même que d’autres évêques anglicans avant lui. Plus récemment, le cas de Michael Nazir-Ali, 72 ans, ancien évêque de Rochester de 1994 à 2009, qui, de guerre lasse, a rejoint l’Église catholique en octobre dernier, a défrayé la chronique. D’origine pakistanaise, marié et père de deux enfants, cet ecclésiastique né à Karachi, s’est converti au christianisme à l’âge de 20 ans. Universitaire reconnu ayant enseigné à Harvard et Cambridge, il a œuvré sans relâche pendant un demi-siècle à l’essor de l’anglicanisme, pour finir par se heurter à l’intransigeance et au militantisme des tenants du courant progressiste au sein de l’Église anglicane. « Les conciles et synodes de l’Église », écrit-il, « sont désormais pleins d’activistes défendant une théorie néo-marxiste développée pour créer des conflits en divisant les gens en deux camps : les victimes et les méchants »[9]. Et d’évoquer la théorie du genre et d’autres aspects de l’idéologie woke.

Le désarroi de cet ancien évêque est sans doute exacerbé par le constat selon lequel au Royaume-Uni, sa patrie d’adoption, de plus en plus d’églises détenues par des congrégations sont vendues pour être transformées en mosquées ou en centres islamiques [10]. Le pays comptera, en effet, bientôt davantage de croyants musulmans que de chrétiens pratiquants, attendu qu’en 2050, le nombre de musulmans au Royaume-Uni devrait atteindre au moins 13 millions, soit 20% de la population actuelle du pays.


[1] https://www.dailymail.co.uk/news/article-4913650/Bishop-s-blast-satanic-London-Fashion-Week-show.html

[2] https://virtueonline.org/satanic-fashion-show-inside-church-london-fashion-week

[3] http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/1052786.stm

[4] https://www.theguardian.com/society/2016/aug/21/gay-anglican-clergy-to-defy-churchs-official-stance-on-same-sex-marriage

[5] https://www.churchtimes.co.uk/articles/2020/13-november/news/uk/synod-could-debate-same-sex-marriage-in-2022

[6] https://www.theguardian.com/world/2021/sep/06/church-in-wales-votes-to-bless-same-sex-marriages

[7] https://www.cath.ch/newsf/angleterre-le-synode-general-de-york-approuve-l-ordination-de-femmes-eveques/

[8] https://fr.aleteia.org/2019/12/19/ancien-aumonier-de-la-reine-elisabeth-il-se-convertit-au-christianisme/

[9] https://www.dailymail.co.uk/news/article-10101671/Former-Bishop-Rochester-Dr-Michael-Nazir-Ali-explains-defection-CofE-Catholic-church.html

[10] https://www.causeur.fr/royaume-uni-eglises-mosquees-islam-161906

Les souffrances du jeune Tanguy

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Tanguy David présente deux malédictions dont l’alliage ne fait pas bon ménage. Il a le malheur d’être noir et d’être un fervent soutien d’Éric Zemmour, candidat à la présidence de la République française.


Cet étudiant en droit de dix-huit ans, responsable départemental (Calvados) de « Génération Z », est actuellement la cible d’une quantité affolante de messages injurieux sur les réseaux sociaux – plus de 15 000 – saupoudrés de racisme décomplexé, voire de menaces de décapitation. Son crime ? Apparaître notoirement aux côtés d’Éric Zemmour, depuis la venue de ce dernier au Zénith de Nantes (durant laquelle les chevaliers du progrès ont bien montré leur pacifisme, voir notre image ci-dessous), tout en étant une personne noire.

Nantes, octobre 2021 Image: capture d’écran Twitter.

Depuis le rassemblement inaugural de Villepinte surtout, il doit affronter la lie de la sauvagerie racailleuse, laquelle jouit d’une large tribune au prétoire des réseaux sociaux, merveilleux et putrides vecteurs du dégueulis des malveillants. Ceux qui le clouent au pilori et le recouvrent des plus infâmes quolibets, menaces et sentences racistes sont pour certains de beaux représentants de l’inculture moderne, qui ne retiennent que le chemin du fast-food et la dernière insulte du dernier rappeur, et d’autres, politisés, sont goinfrés jusqu’à saturation de vulgates antiracistes, qui leur ont fait oublier ce qu’est le vrai racisme, a fortiori quand ils le commettent. Revenons sur les fondamentaux.

Que font les associations, ici silencieuses, et ailleurs si bavardes ? Pas grand-chose

Retour sémantique sur le concept de «racisme»

Le racisme, stricto sensu, désigne le fait de se baser sur l’existence postulée de races différentes au sein de l’espèce humaine, et de déterminer des ipséités propres à chacune d’entre elles aux fins d’y établir une hiérarchie, fondée sur la physiognomonie et des critères censément «scientifiques». Le fait de trouver chez un individu le fondement de prédispositions psychologiques, physiques et mentales, dans l’appartenance à une prétendue race est, authentiquement, du racisme. Le cas, insupportable, qui se présente à nous, en est une hideuse illustration.

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Seulement, le tortionnaire n’est pas ici un mâle, blanc, cisgenre, carniste, supra-quinquagénaire, loin de là. Le tortionnaire est en réalité une foule imperceptible, une bande d’inconnus, des hurleurs numériques, des sycophantes.

Ce sont les produits finis et les bovidés de quinze ans d’abreuvement à la fontaine des réseaux sociaux, des avatars sans visage, dont la haine est la matrice, la blessure la finalité, et l’abrutissement la cause.

La prétendue incompatibilité essentielle entre convictions patriotes, et couleur de peau

Ceci posé, nous pouvons retourner vers Tanguy David, à qui l’on balance comme une contradiction, intrinsèquement raciste, le fait d’être noir et engagé auprès d’Éric Zemmour. Qu’est-ce donc que cela ? Qu’est-ce donc que ce vomi, émanant des entrailles d’esprits corrompus par le wokistalinisme, la vision ultra-sociologisante de la réalité, et un marxisme mal digéré ? Cela signifie, pour ces gens qu’aucun autre qualificatif que « raciste » permet de décrire, que la couleur de peau de Monsieur David constitue un obstacle irrésistible, l’empêchant d’aimer la France, et de soutenir le candidat de « Reconquête ». Que font les associations, ici silencieuses, et ailleurs si bavardes ? Pas grand-chose. C’est écœurant, propre à rendre fou, et particulièrement l’auteur de cet article, lui aussi étudiant en droit, et qui sait ce que subissent les personnes de couleur, qui ont la curieuse audace d’être patriotes. S’ils viennent des quartiers, ils ne peuvent pas réclamer l’ordre, sous peine d’être traités de «collabos», s’ils sont arabo-musulmans, ils ne peuvent pas défendre la tradition et l’histoire chrétienne de la France, sous peine d’être traités de «traîtres», et les exemples sont multiples. La seule différence entre eux et leurs détracteurs, ou plutôt, leurs bourreaux, c’est la culture. C’est tout. Car il faut être ignare pour prétendre que les races existent, il faut être obscurantiste pour croire que la mélanine détermine la personne que nous sommes et les engagements que nous prendrons. Enfin, il faut être d’une indicible primitivité pour proférer autant d’imprécations envers un être, au seul motif de sa «race», et de ses convictions.

Le fond et la forme : racisme éhonté et impéritie linguistique

«La forme, c’est le fond qui remonte à la surface» écrivait Victor Hugo. La forme des messages abjects que Tanguy David reçoit est aisément résumable : c’est le langage belliqueux de personnes connaissant mal le français, qui ne connaissent ni une once de vérité historique, ni un élément de science politique ou de philosophie véritables.

D’ailleurs cela n’a rien d’inattendu ni de remarquable. Qui jette son regard dans cette déchetterie qu’est l’Internet verra et comprendra que pour qu’il y ait des détritus, il faut des déversoirs… Funèbre florilège : «ce negro fou quoi ici» ; «renoi y a un pb» ; «nègre de maison» ; «vendu» ; «wallah on va te décapiter» ; «fau negro» ; «nique ta race» et autres contumélies incomparablement racistes, souvent prodiguées par des personnes de couleur, parfois par des partisans des indigénistes et autres «combats» don quichottiens actuels. Il est tout de même croquignolesque de voir se dérouler, sous nos yeux, ce tapis fangeux montrant la Sainte Alliance nouée entre les inqualifiables cafards des réseaux sociaux, inconnus et militants, ayant pour symbole commun la maltraitance orthographique et le langage scélérat. Pourtant, à bien y regarder, l’on découvre que ce récit s’inscrit dans un continuum d’exemples, qui achèvent de montrer que l’antiracisme est, quand cela lui prend, effroyablement raciste. «Genres, races, classes», nous y revenons comme par éternel retour !

A lire ensuite: Qualifier son clip d’«ignoble», c’est verser dans l’anti-zemmourisme primaire

Accoutumés à manier avec allégresse cette phraséologie intersectionnelle et victimaire, ces progressistes et gens des réseaux ne parviennent plus à se figurer le moment où ce sont eux qui endossent le rôle de bourreaux et d’oppresseurs. Pourtant ce sont eux qui indignent, eux qui menacent de mort, incitent à la haine, injurient, discriminent et rendent la vie insupportable.

L’affrontement de deux jeunesses

C’est bien deux mondes qui s’affrontent dans cette arène navrante, deux jeunesses irréconciliables.

Il y a d’une part une jeunesse cultivée, incrédule face aux vulgates progressistes, qui s’élève tandis que tout son environnement socio-culturel la conduit vers l’abaissement. Tanguy David en fait partie. C’est un étudiant passionné et soucieux de sa réussite, en quête d’espoir, désenchanté dans un monde qui ne chante plus. Il a le malheur d’être bien élevé, de bien présenter, de s’exprimer dans un français impeccable. Il aime la France, c’en est assez pour être jugé «extrême» et pour perdre des amis. Qu’il se rassure, ceux qui l’affublent de cet adverbe spécieux ne sont pas une perte. L’autre jeunesse, il est inutile de la décrire, elle est l’argument le plus puissant pour tout décliniste souhaitant prouver la décadence…

La Nouvelle-Calédonie doit rester française

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« La France est plus belle, car la Nouvelle-Calédonie a décidé d’y rester», s’est félicité hier Emmanuel Macron… une fois les résultats du référendum sur l’indépendance connus – le troisième du genre. 


Dimanche, les Néo-Calédoniens ont décidé de leur avenir. Ils se voyaient offrir le choix entre le maintien dans la République française ou le divorce. Les habitants de Nouvelle-Calédonie ont voté contre l’indépendance de leur territoire, à 96,49%, mais les indépendantistes avaient appelé à ne pas se déplacer.

Alors que ce référendum devait être le dernier d’une longue série, le président de la République n’a pas appelé au « NON » à l’indépendance jeudi, lors de sa conférence de presse sur la prochaine Présidence française de l’Union européenne. C’est une faute.

Peut-être que 17 000 kilomètres séparent le Caillou de la métropole, mais la France a la chance de pouvoir compter sur ce territoire aux nombreux atouts dans la région indopacifique. De son côté, la Nouvelle-Calédonie a la chance d’avoir ce lien historique avec la France qui lui accorde, notamment par sa présence dans l’Union européenne, un véritable soutien économique. Si la Nouvelle-Calédonie nous est éloignée géographiquement, elle nous est proche sur tous les autres plans – géostratégique, géopolitique, et surtout civilisationnel. Aussi bien pour l’avenir des Néo-Calédoniens que pour celui des Français métropolitains, cette collectivité ultra-marine doit rester française. 

La Nouvelle-Calédonie, une ouverture française et européenne sur le Pacifique 

La récente crise des sous-marins nous l’a enseigné : si la France ne change pas de stratégie dans la région indopacifique, elle y sera tôt ou tard rayée de la carte. Nos partenaires – ou plutôt adversaires – n’ont que faire des intérêts français et ne respectent pas nécessairement – c’est le moins que l’on puisse dire – les accords qu’ils ont ratifiés. La Chine profite alors de cet affaiblissement français dans la région pour rêver de s’arroger une collectivité qui nous est affiliée depuis plus de 150 années.

A lire aussi: Les illusions perdues de la France en Indopacifique

Il nous faut donc être pragmatique, c’est-à-dire ne pas rentrer en confrontation – ce serait absurde – avec la Chine, mais démontrer que nous avons des intérêts à défendre dans cette région indopacifique. 

En effet, le Caillou c’est la quatrième production mondiale de nickel, une richesse précieuse pour les batteries électriques. C’est aussi de nombreux métaux rares – indispensables aux nouvelles technologies – comme le cobalt. C’est encore une terre de biodiversité, indispensable à la cosmétique et à la pharmacie. C’est enfin 1,36 million de kilomètres carrés de zone économique exclusive française et de multiples ressources halieutiques, minerais et coraux dont une partie ne sont pas encore développées et/ou exploitées. La Nouvelle-Calédonie, c’est l’avenir : la Chine l’a bien compris. Pour le nickel qui est essentiel à son activité économique, cette dernière réfléchirait à étendre son expansionnisme jusque dans notre chère collectivité ultra-marine. L’éxécutif a donc tort de rester muet. Il s’agit d’un mauvais signal envoyé à ceux qui convoitent ce territoire du Pacifique qui, contre vents et marées, nous est resté fidèle depuis la fin du Second Empire et a défendu avec ardeur la patrie française, aussi bien lors de la Grande Guerre que dans la Seconde qui lui a succédé. 

Par ailleurs, si la raison de ce silence présidentiel était la crainte d’une remise en cause de la sincérité du scrutin, l’exécutif se trompe. Dans ce cas, François Mitterrand, président lors de la période du Traité de Maastricht, aurait dû aussi s’abstenir de débattre face à Philippe Séguin à la Sorbonne le 3 septembre 1992, car le chef de l’État se prononçait publiquement pour une intégration européenne qui changeait substantiellement l’architecture institutionnelle de la France. 

Sans le Caillou, la France ne serait plus la même ; l’Europe non plus d’ailleurs, un président pro-européen comme Emmanuel Macron devrait le comprendre. En cas de victoire du « OUI » à l’indépendance, la stratégie indopacifique de l’Union européenne aurait été réduite à la portion congrue. Le lien civilisationnel fort qui unit le Vieux Continent et ce magnifique territoire aurait été rompu. La Nouvelle-Calédonie est le seul territoire européen dans cette région en pleine mue. 

Nouvelle-Calédonie menacée mais espérons-le… préservée 

Depuis la guerre entre les indépendantistes kanaks et les partisans du maintien dans la France (1984-1988), les divisions sont vives et s’éternisent. Les différents référendums qui se sont succédé dans la collectivité ou à l’échelle nationale – 1987, 1988, 1998, 2018, 2020 et donc hier – n’ont pas mis un terme aux différends. Au contraire, si le « NON » à l’indépendance l’a toujours emporté, l’écart entre les deux camps s’est depuis resserré. 

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Étant donné que les indépendantistes ont appelé à boycotter le vote de dimanche arguant de la situation épidémique, on peut craindre que l’instabilité reste toujours vive à l’issue du scrutin. Le résultat du référendum sera évidemment contesté par des indépendantistes. Ainsi, quoiqu’il arrive, il nous faudra raffermir les liens avec les Néo-Calédoniens pour qu’une solution viable soit trouvée mais sans céder à une pression internationale qui affaiblirait, une fois de plus, notre position dans le monde. 

Si la Nouvelle-Calédonie n’était un jour plus française, notre incapacité à maintenir notre unité nationale serait raillée sur la scène internationale, ce qui ferait l’affaire des Chinois. Cela reviendrait également à dissoudre le lien – pourtant indispensable – avec cette collectivité qui a versé son sang pour la liberté de nos aïeux. La France romprait avec un territoire, des habitants et leurs magnifiques richesses avec qui, depuis fort longtemps et malgré la distance, elle vit sous le même toit. 

Si demain la Nouvelle-Calédonie n’est plus française, elle ne sera donc plus européenne, ses citoyens perdront la citoyenneté de l’Union, le territoire ultramarin ne bénéficiera plus des programmes de soutien comme Horizon Europe ou Erasmus appuyant le développement de son agriculture locale pour le premier, l’insertion professionnelle de nombreux jeunes pour le second. Alors, pour la prospérité de la Nouvelle-Calédonie, la sûreté de ses 271.407 habitants et au nom de notre Histoire commune, oui, le Président de la République aurait dû appeler à voter « NON » à l’indépendance. La Nouvelle-Calédonie c’est la France, rien que la France !

L’assemblée gangrénée par l’immigrationnisme

La commission d’enquête sur les migrants pensait rendre un rapport parlementaire. C’était sans compter sur son président, le député Sébastien Nadot qui, dans un avant-propos très idéologique, l’a transformé en tract d’extrême gauche. Et en réquisitoire contre la France.


« Migrations, étrangers, réfugiés, sans-papiers, frontières, racisme, ostracisme, exclusion : la France a perdu sa carte d’identité nationale et son passeport est périmé. Le zinzin médiatique et le vertige électoral de quelques-uns ont fait perdre le Nord à tout le monde. À peine prononcé le mot migrant ou immigré que “Liberté – Égalité – Fraternité” se transforme, par fainéantise ou idéologie, en « peur – indifférence – humiliation et répression ».

Voilà comment débute l’avant-propos rédigé par le député centriste Libertés et Territoires Sébastien Nadot, président de la commission d’enquête parlementaire qui a rendu son rapport sur les migrations le 10 novembre 2021. Selon lui, « nous sommes à la dérive. Collectivement. » Notre pays organise de « véritables battues de service public, non pour chasser le sanglier, mais notre semblable ». Nous traitons les migrants « comme des objets ou comme des animaux ». Lorsque Marlène Schiappa assure que l’État ne persécute pas les migrants de Calais, elle « ment sans vergogne devant la Représentation nationale », ou bien elle « n’a manifestement pas la moindre idée de ce qui se passe vraiment à Calais ». Macron ment aussi, Darmanin encore davantage, etc.

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Avant-propos incendiaire

Bien entendu, c’est cet avant-propos incendiaire que la presse a repris massivement. Le problème est qu’il est très loin de refléter la tonalité des auditions, qui traçaient un tableau bien plus nuancé de l’action des services de l’État vis-à-vis des migrants. « Je suis tombée de ma chaise en le lisant, avoue la député (non inscrite) Emmanuelle Ménard, qui appartenait à la commission. Je l’ai découvert au dernier moment, car il n’était pas annexé au rapport tel que j’avais pu le consulter avant publication. Je comprends pourquoi ! » Elle a donc rédigé son propre document, avec des propositions détaillées, qui figure en annexe du rapport (pages 216 et suivantes).

Contactée, la rapporteur de la commission Sonia Krimi (LREM) ne commente pas, mais elle a pris ses distances sur Twitter dès le 18 novembre, estimant que l’avant-propos du président de la commission « n’engage que lui ».

Hélas, non. Personne dans le grand public ne va distinguer entre l’avant-propos du président et un rapport qui engage toute une commission d’enquête, investie de larges pouvoirs, habilitée à faire témoigner qui elle le souhaite, au besoin sous la contrainte ! Celle-ci n’a pas été nécessaire pour faire parler les hauts fonctionnaires. Ils l’ont fait avec précision, et parfois avec émotion. Le moins que l’on puisse dire est que le président les a trahis. Ils retrouveront leurs propos dans les 453 pages du document, mais qui les lira ?

Auditionné le 27 mai, Claude d’Harcourt, patron de la DGEF, livrait des chiffres édifiants : « Plus de 6 000 personnes, au sein de l’appareil d’État, sont mobilisées à plein temps dans la politique relative aux étrangers. » Celle-ci représente, « lorsqu’on prend en compte les moyens déployés par le système éducatif ou encore au titre de la solidarité et de la santé », un total de 10 milliards d’euros ! « La question des mineurs non accompagnés nous prend tous aux tripes », confiait le chef présumé des tortionnaires d’État, qui ajoutait : « il ne faut pourtant pas se voiler la face sur l’existence de filières extrêmement organisées, qui coordonnent l’arrivée sur notre territoire de la grande majorité de ces mineurs ». Le président Nadot l’avait chaleureusement remercié.

Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), est venu expliquer le 9 juin que le parc de logements d’accueil des migrants « avait doublé en cinq ans. […] Si nous appliquions ce doublement à l’ensemble du logement social, certains territoires de ce pays seraient moins en difficulté du point de vue de l’accès global au droit au logement. » Didier Leschi a admis sans détour que notre État prétendument « répressif » brille souvent par son laxisme : « Un certain nombre dhôteliers facturent à l’administration des places de lit [pour migrants, ndlr] à un prix très avantageux, sans que nous ayons la possibilité de vérifier que les lits sont occupés. »

A lire aussi, du même auteur: À Calais, chronique d’une tragédie annoncée

Se démarquer à tout prix

Le 21 juin, Sonia Krimi appelait à tenir un langage de vérité à destination des pays de migration : « Si on veut que les gens comprennent ce que sont les difficultés des migrants, on doit parler de leur vie, des barbelés, du fait quils sont violés et vendus en Libye, du marché qui s’est créé. » Le 1er juillet, bien avant que les images de la frontière polonaise fassent la « une », elle manifestait une remarquable clairvoyance : « Nous sommes face à une guerre hybride utilisant la chair humaine comme arme. Cette arme, utilisée par toutes les dictatures au monde, l’est également par l’une des dernières dictatures européennes : la Biélorussie. Ces dictateurs utiliseront cette arme contre nous tant quils comprendront que nous ne sommes pas coordonnés et que nous ne partageons pas une vision européenne unifiée. » Réponse de Sébastien Nadot : « Il semble que la perspective européenne soit encore lointaine. Chaque État joue son propre jeu et se débrouille comme il peut dans une situation confuse. » À aucun moment, il n’a tenu de propos incendiaires envers les hauts fonctionnaires qui ont défilé devant la commission. Pourtant, ces derniers, tenus par le devoir de réserve, ne risquent pas de protester. Contacté, Sébastien Nadot n’a pas trouvé le temps de nous expliquer pourquoi, contrairement à tous les usages, il avait rédigé seul cet avant-propos.

Éric Zemmour ayant imposé le thème de l’immigration dans la campagne présidentielle qui démarre, les candidats à la primaire de droite avançant sur ce terrain, le député a sans doute voulu se démarquer à tout prix. En résumé, il a fait exactement ce qu’il prétend dénoncer : instrumentaliser démagogiquement les migrants.

Peut-on jouer sa vie aux dés?

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Il y a un an, disparaissait l’écrivain américain George Powers Cockcroft, célèbre pour son roman L’Homme-dé publié en 1971 sous le pseudonyme de Luke Rhinehart.


On peut presque parler d’un récit autobiographique puisque George Powers Cockcroft s’est beaucoup inspiré de sa propre destinée jouée en lançant des dés. Le concept du livre – et d’une grande partie de sa vie donc – est simple : laisser le hasard faire les différents choix pour son avenir. Cela va du plus anodin : ce que l’on va déjeuner ; en passant par plus important : la personnalité qu’on va endosser pour un ou plusieurs jours ; jusqu’à bien plus radical : abandonner sa famille ou commettre un crime.

Confusion entre réalité et fiction

Dans le livre, le personnage Luke Rhinehart est un psychiatre qui commence par jouer sa propre vie aux dés, avant de théoriser l’idée et d’en tirer une nouvelle thérapie qui connaîtra un grand succès : « Pourquoi nos civilisations arrivent-elles à créer de nouvelles formes de tristesse et de mécontentement plus vite que nous n’arrivons à élaborer de théories pour les décrire et les résoudre ? La réponse à ces questions devient de plus en plus évidente. Nous avons conservé de notre passé l’image de sociétés simples, unies, stables, et par conséquent nous avons aussi conservé une notion idéale de l’homme en désaccord complet avec notre civilisation actuelle, complexe, chaotique, instable, urbaine et aux multiples valeurs. (…) Mais, paradoxalement, pour mettre fin à ce conflit sans fin qui fait rage en [l’individu], il faut l’encourager à lâcher prise, à faire semblant, à jouer des rôles, à mentir. Nous devons lui donner la possibilité de développer ces capacités. Nous devons faire de lui une personne-dé ! ».

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Le roman est très drôle, mais la véracité de l’expérience de l’auteur-narrateur George Powers Cockcroft – il aurait choisi par exemple son épouse et ses lieux de résidence aux dés – conduit à s’interroger sur notre position comme lecteur-narrataire. Ne sommes-nous pas en lisant L’Homme-dé, des sortes de cobayes ou patients du Docteur Luke Rhinehart ? Dans un phénomène miroir dit de réciprocité de la lecture, c’est le livre qui nous lit, nous analyse, nous met en position d’imaginer jouer notre propre destin aux dés. La confusion entre réalité et fiction est telle, que l’écrivain est davantage connu sous le nom de son personnage qui s’inspire… de lui-même ! Une sorte de mise en abyme totale, comprenant l’ensemble de l’existence de George Powers Cockcroft ou Luke Rhinehart.

Quand la gamification s’immisce dans nos vies

Notre époque elle-même est traversée par le phénomène de « gamification » – ou « ludification » en presque bon français – qui trouble la frontière entre la réalité et le jeu. Pendant longtemps, nous avons bien séparé le temps du travail associé au réel à celui du loisir associé au jeu sous toutes ses formes. En effet, la « gamification » consiste à proposer des règles, des récompenses, des challenges inspirés du domaine ludique dans différents pans de notre vie afin d’améliorer nos performances quotidiennes. Cette transposition que l’on retrouve depuis déjà quelques années dans le monde de l’entreprise ou dans les thérapies familiales (jeux de rôles, bonification de certaines actions avec attribution de bons et de mauvais points, compétition avec classement, etc.) a connu un essor important grâce aux nouvelles technologies et aux applications sur nos téléphones portables nous permettant par exemple de compter nos pas pour améliorer notre santé, de nous faire bénéficier de récompenses en respectant le Code de la route ou le tri des déchets… Dans ce contexte rien d’étonnant de revenir sur la théorie-thérapie de Luke Rhinehart par les dés, puisqu’il s’agit du jeu de hasard réduit à sa plus simple expression.

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Je n’ai lu que tardivement L’Homme-dé qu’on me présentait chaque fois comme un livre ayant changé la vie de mes interlocuteurs. Je me suis d’ailleurs demandé si un de mes amis qui m’avait conseillé sa lecture, ne jouait pas lui-même sa vie aux dés, ce qui expliquerait pas mal de choses… Mais passons, pour le goût du jeu et afin d’apporter une touche de fantaisie à cette fin d’année, j’ai souhaité tenter l’expérience d’Homme-dé, en débutant tout de même par des choix ne pouvant pas trop gêner ma vie familiale, ni troubler l’ordre public. Et surtout en espérant m’arrêter à temps…

À mon tour

J’ai donc débuté par des choix simples en demandant aux dés si je devais manger sain, gras ou jeûner. J’ai ainsi avalé dans la semaine deux pizzas, trois menus complets de fast-food avec milkshake au dessert, mais aussi beaucoup de simples potages ou des Poke bowl – même si j’ai du mal à classifier cette nouvelle mode culinaire hawaïenne – et rien du tout la journée de mardi.

Je n’ai pas fait mon lit et je ne me suis pas lavé vendredi, je n’ai parlé qu’en espagnol dimanche, j’ai aboyé au téléphone à plusieurs reprises, et j’ai enfin repris sérieusement l’écriture de mon second roman.

Et comme nous étions dans les petits choix sans importance, j’ai décidé de demander à un seul dé pour qui je dois voter à la prochaine élection présidentielle. J’ai ainsi proposé que si c’est un 1 je vote pour le président sortant, un 5 pour Éric Zemmour, un 3 pour Valérie Pécresse, un 2 ou un 4, je vote blanc. Si c’est un 6, je vote pour un autre candidat – même de gauche – que je choisirai en relançant le dé. Et enfin, si c’est un 7, je vote pour Jean-Luc Mélenchon.

«Les Éternels»: film Marvel pour milléniaux vertueux

Les temps changent. « Les Éternels », le nouveau film Marvel de la réalisatrice chinoise à la mode Chloé Zhao, démontre qu’Hollywood en a terminé avec des décennies de messianisme américain…


Puisque je disposais de tarifs réduits et d’un passe sanitaire, et qu’il faut bien occuper son temps, je me suis retrouvé il y a quelques jours au cinématographe, voir Les Eternels, le dernier Marvel. L’idée de me retrouver enfermé dans une salle noire, devant les prouesses de super-héros sautant de toit de voiture en toit de voiture pendant deux heures trente-sept ne m’emballait qu’à moitié ; mais au moins, c’était l’occasion de prendre le pouls des idées à la mode.

Marvel, c’est plus comme avant!

Je n’avais pas dû voir un film de Marvel depuis exactement vingt ans. J’ai souvenir de quelques illustrés parcourus rapidement dans ma jeunesse, avec des personnages en collant jaune ou rouge. Un peu oubliés dans les années 1990 me semble-t-il, les héros de Marvel sont revenus en force dans les années 2000, allant jusqu’à un rythme de six sorties de films rien que pour l’année 2018. Si j’étais un petit peu taquin, je dirais que la non-sortie de films Marvel restera parmi les petites choses qui nous feront regretter les années Covid. Entendons-nous ; qu’il y ait un cinéma pour adolescents, de cape et d’épée (laser), pourquoi pas. C’est un peu plus pénible quand tout une classe d’âge, les 20-35 ans, se réunit dans une adulescence qui n’en finit pas. Heureusement, notre surmoi libéral-démocrate nous permet d’accepter que de telles choses existent.

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Pour résumer l’histoire, une escouade d’extra-terrestres, à peu près immortels (plus encore qu’Alain Finkielkraut) a été envoyée sur Terre pour protéger l’humanité contre d’autres créatures bien décidées à nous dévorer tout cru. Les divinités qui les ont envoyés ont bien pris soin de leur donner une apparence humaine et même de représenter les différentes ethnies qui peuplent la planète : un Blanc, un Noir, une Asiatique, un Indien, et même un enfant roux androgyne ; la photo de groupe a un petit côté United Color of Benneton. Nos super-héros ont débarqué il y a 5000 ans en Mésopotamie et sont encore là parmi nous en 2020. A à peine trente ans, Baudelaire avait déjà plus de souvenirs que s’il en avait mille et constatait, amer, que « rien n’égale en longueur les boiteuses journées, / Quand sous les lourds flocons des neigeuses années / L’ennui, fruit de la morne incuriosité, / Prend les proportions de l’immortalité » ; mais âgés de plus de sept mille ans, nos compagnons ont toujours un certain amour de l’humanité, faisant des enfants avec, etc.

« Têtu » très enthousiaste

On laissera de côté la fin, un tourbillon d’images, censé rendre le film spectaculaire ;  on a surtout l’impression que la caméra est tenue par une personne atteinte de la maladie de Parkinson. En même temps, des gens ont dû venir surtout pour cette partie-là. Le premier tiers du film est moins désagréable : les éternels naviguent à travers les âges, passant de Babylone à Tenochtitlan. On se dit qu’on va peut-être assister à une sorte de « grammaire des civilisations », à un voyage « longue durée » dans l’histoire. On s’attend à ce que les héros interviennent pour changer le cours de l’histoire mais ils n’ont en fait pas le droit d’empêcher les humains de se massacrer entre eux. Ils assistent impuissants au massacre des Aztèques, et l’on repense alors à Montaigne : « Tant de villes rasées, tant de nations exterminées, tant de millions de peuples passés au fil de l’épée, et la plus riche et la plus belle partie du monde bouleversée pour la négociation des perles et du poivre ! ». Ils assistent au bombardement d’Hiroshima, et l’on repense à Camus (Albert, voyons !) : « la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques ».

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Entre les deux, un long bavardage, prétexte aussi à l’exposition des idées à la mode. Têtu est très enthousiaste quand, à l’écran, l’un des super-héros – sorte de mélange physique entre le rappeur Maître Gims et le footballeur Romelu Lukaku – offre le premier baiser gay de l’histoire de l’univers Marvel et nous présente sa famille homoparentale ; thèmes à peu près inimaginables il y a vingt ans dans ce style de film. En 2018, Pierre Conesa avait publié l’ouvrage Hollywar : Hollywood, arme de propagande massive, fruit d’un visionnage de plus de 3000 films américains (soit environ 2995 de plus que votre serviteur), à la recherche des indices de la propagande dans ledit cinéma. Construction du méchant noir, du méchant amérindien, du méchant musulman, du méchant communiste (sans compter le méchant français, Lambert Wilson dans Matrix, sorti en pleine guerre Bush-Chirac !)…

Tout cela est certainement vrai pour un cinéma un peu daté.

Conesa semble avoir manqué le dernier étage de la fusée : depuis quelques années, la propagande est désormais plutôt inclusive, favorable aux minorités, auto-culpabilisatrice, et même critique à l’égard du messianisme américain.

En salles depuis le 3 novembre.

Souvenirs d’un printemps normand: David Hockney au musée de l’Orangerie

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Le musée de l’Orangerie accueille jusqu’au 14 février prochain une exposition inédite intitulée « A Year in Normandie » dédiée à David Hockney, l’artiste vivant le plus côté au monde.


L’hiver s’en est allé dans le jardin normand de David Hockney. L’espoir, lui, se dessine au printemps dans les tableaux — oserait-on appeler ainsi ces images dessinées sur un iPad ? — du peintre anglais exilé en Normandie depuis 2019. S’il est une question à se poser sur le statut de ces œuvres d’art reproductibles à l’infini, question que Walter Benjamin annonçait déjà dans ses essais, alors David Hockney est résolument l’esbroufe la plus charmante de l’art contemporain.

© Sophie Crepy

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De la côte californienne à la campagne normande

Le musée de l’Orangerie nous propose une exposition sans peinture consacrée à ce travail de l’artiste réalisé lors du premier confinement, dans sa maison du petit village de Beuvron-en-Auge, deux cents âmes à peine. Exit la Sun Belt, le vert de la campagne normande s’est substitué à l’azur des piscines de Los Angeles et de San Francisco. C’est un véritable tournant dans l’œuvre de celui qui avait atteint le titre d’artiste vivant le plus cher au monde avec son Portrait of an Artist (Pool with two figures), adjugé chez Christie’s 90,3 millions de dollars en novembre 2018.

2020 : le printemps n’aura jamais semblé si long. Il aura du moins permis au peintre de réaliser, dans la lignée de Vivaldi et Stravinski, son propre sacre du printemps dans une véritable ode au temps qui passe, sans nostalgie ni prétention. Là, les maisons à colombages, échos lointains des chaumières hollandaises de Rembrandt et de Van Gogh, les iris, les jonquilles et les pommiers en fleurs succèdent aux ramures imposantes des arbres nus et aux premiers flocons de l’hiver. « En Normandie, explique-t-il, j’aime la douceur de vivre des gens et la lumière de ses vergers ». Ce sont plus de deux cent peintures numériques que David Hockney réalise pendant les quelques mois de son exil en France, réunies ici dans une frise monumentale de près de 90 mètres de long qui décline dans un cycle narratif les quatre saisons.

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L’exubérance de Warhol, le graphisme d’Hopper

David Hockney s’est imposé sur la scène contemporaine par un style hérité des plus grands maîtres, de la mémoire impressionniste à l’exubérance d’Andy Warhol et au graphisme d’Edward Hopper. C’est cette fois à la Tapisserie de la reine Mathilde, observée à l’occasion d’une visite au musée de Bayeux qu’il doit son inspiration et les prémices de cette exposition. Le peintre s’amuse à jouer avec les effets de reproduction, de copie et de retouches que permet le numérique dans des compositions vibrantes à la touche éclatante et fantaisiste. Un poème de couleurs qui célèbre avec allégresse la beauté de nos campagnes françaises.

Musée de l’Orangerie, Jardin Tuileries, 75001 Paris. Jusqu’au 14 février 2022.

René-Guy Cadou ou l’art d’aimer

Le poème du dimanche


René Guy Cadou (1920-1951), était poète et instituteur à Louisfert dans le pays nantais.

Malgré sa courte vie, il a eu le temps de faire une guerre perdue, de voir mourir les fusillés de Chateaubriant et d’aimer Hélène à laquelle il a consacré l’essentiel de son œuvre. Membre d’un groupe informel de poètes, appelé l’école de Rochefort, Cadou, c’est la douceur qui exclut la mièvrerie, un art d’aimer, un courage discret, un lyrisme mesuré, comme ses vers.

Pas d’épanchement, juste un certain goût pour dire les paysages, l’enfance, le corps. Aucune provocation, seulement des invitations. Une poésie avec des mots de tous les jours, mais consciente d’être une parole d’essence particulière. Un équilibre français, si vous voulez. Pas forcément à la mode. Mais tous ses poèmes sont autant de matériaux préparatoires au bonheur de vivre.


Aller simple

Ce sera comme un arrêt brutal du train
Au beau milieu de la campagne un jour d’été
Des jeunes filles dans le wagon crieront
Des femmes éveilleront en hâte les enfants
La carte jouée restera tournée sur le journal
Et puis le train repartira
Et le souvenir de cet arrêt s’effacera
Dans la mémoire de chacun
Mais ce soir-là
Ce sera comme un arrêt brutal du train
Dans la petite chambre qui n’est pas encore située
Derrière la lampe qui est une colonne de fumée
Et peut-être aussi dans le parage de ces mains
Qui ne sont pas déshabituées de ma présence
Rien ne subsistera du voyageur
Dans le filet troué des ultimes voyages
Pas la moindre allusion
Pas le moindre bagage
Le vent de la déroute aura tout emporté.

René Guy Cadou

Œuvres poétiques complètes, (Seghers)

Paul Morand, mélancolique survolté

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Les lettres adressées par Morand à Pierre Benoit (notre photo), l’écrivain star de l’avant-guerre, sont un régal. Et permettent de découvrir un Morand amical et attentif.


Dans sa présentation, Stéphane Barsacq révèle comment les 175 lettres de Paul Morand (1888-1976) adressées à Pierre Benoit (1886-1962) ont été retrouvées : par hasard. Il les a découvertes en 2011 dans une remise de la prestigieuse maison Albin Michel, éditeur de L’Atlandide, l’un des nombreux succès de Pierre Benoit, dont l’œuvre est aujourd’hui tombée dans l’oubli.

Des deux, Paul Morand est le cadet en littérature. Benoit triomphe en 1918 alors que Morand doit attendre 1922 pour trouver son public avec le recueil de nouvelles Ouvert la nuit. D’emblée le style de Morand fait mouche. Il est dégraissé, à l’os, avec des trouvailles à faire pâlir les besogneux de maintenant. De mémoire : « Le teint, Remedios, c’est la conscience des femmes. » Céline a vu juste. Morand a été le premier à faire « jazzer » la langue française.

Stéphane Barsacq résume les points communs entre les deux écrivains mais également leurs divergences. Les deux hommes sont d’infatigables voyageurs. Benoit travaille pour le compte de plusieurs journaux, ce qui l’amène à visiter de nombreux pays. De 1918 à 1925, Paul Morand est troisième secrétaire à Madrid, puis chef de la section littéraire aux œuvres françaises à l’étranger au Quai d’Orsay. C’est un écrivain-diplomate. En 1925, chargé d’affaires de France à Bangkok, il fait le tour du monde, découvre le Japon, s’entretient avec Paul Claudel. Il finit par écrire un livre au titre désabusé, paru en 1926, Rien que la terre.

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Pessimiste de nature, l’homme pressé, sans cesse en mouvement, pour tenir en respect les angoisses, comprend que la recherche de l’ailleurs éreinte. L’Académie française réunit également les deux écrivains. C’est une véritable obsession pour Morand qui ne sera élu qu’en 1968, après deux tentatives infructueuses. Le général de Gaulle refuse de le recevoir, comme c’est pourtant la tradition. Le passé vichyssois de l’auteur de Lewis et Irène ne plaide guère en sa faveur, c’est le moins que l’on puisse dire. Pierre Benoit n’écrit rien durant l’Occupation. Barsacq nous apprend : « Il décline la proposition de devenir directeur de la Comédie française. Il refuse aussi qu’on adapte ses films en Allemagne, il s’abstient de toute déclaration, il évite les propos malheureux. » Benoit, élu à l’Académie française dès 1931, démissionne après que De Gaulle a fait savoir qu’il s’opposait à l’élection de Morand en 1959.

Le Général ne pardonne toujours pas à l’écrivain-diplomate d’avoir rejoint le Maréchal Pétain alors qu’il se trouvait à Londres avant sa hiératique personne ! Si Morand, rattaché au ministère du Blocus créé à Paris par Edouard Daladier, était resté sur place, il serait devenu la grande figure littéraire de la Résistance. Pour la petite histoire, la secrétaire de Morand à Londres, Elisabeth de Miribel, rejoindra, avec la permission de son patron, le général de Gaulle et, avec deux doigts, tapera le fameux « Appel du 18 juin ».

Quand l’homme pressé se montre en véritable ami

Pierre Benoit, en réalité, se moque des querelles autour de la candidature de Morand et de la rancune tenace qui continue d’agiter Charles de Gaulle. Son épouse, Marcelle, est atteinte d’un cancer. Il va s’occuper d’elle jusqu’à sa mort en mai 1960. Morand, homme froid et distant, se conduit alors en véritable ami. À Benoit, après le décès de Marcelle, il écrit : « Je pense que le travail seul vous sauvera. Je n’avais pas écrit depuis trois ans ; le temps, le monde extérieur, le chagrin, la maladie, tout s’amortit. » Dans la même lettre, il note : « L’Occident doit se défendre partout, si on veut non pas qu’il se sauve, c’est fini, mais qu’il dure autant que nous. » La part sombre de l’écrivain ressurgit.

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Dans cette correspondance, Morand est moins vachard que dans ses échanges épistolaires avec Jacques Chardonne. Il retient ses coups, se veut plus policé. Mais il ne peut s’empêcher certains propos antisémites ou homophobes. Le cosmopolite amoureux de l’Europe galante, ami de Proust et de Cocteau, se rancit avec le temps, comme les articulations se soudent avec l’âge. Sans vouloir l’excuser, on peut néanmoins dire que Morand subit l’influence de sa femme, Hélène, princesse byzantine richissime, intelligente, cultivée, au caractère intraitable. Cette chrétienne orthodoxe, née à Galatz en Roumanie, est résolument anticommuniste, car elle a vu les ravages de cette idéologie dans les pays de l’Est. Ses propos antisémites sont d’une violence inouïe. Mais Morand a trouvé en elle son point d’ancrage. Elle est son oxygène, son équilibre. Elle l’apaise, lui le tourmenté, en proie à la dépression. Elle le rassure. Son argent lui permet de vivre dans le luxe de l’hôtel particulier de l’avenue Charles-Floquet. Morand n’aurait jamais pu errer dans un vieux pavillon au milieu de chats et de chiens faméliques. Bref, l’homme a des côtés qu’on peut mépriser, mais je ne connais pas d’être humain fait d’un bloc.

Grâce à l’amical coup de pouce de Michel Déon, j’ai pu avoir accès au fonds Paul Morand, aux archives de l’Institut. Cela m’a permis, entre autres, de découvrir la correspondance entre Hélène et son « Boy chéri ». J’y ai consacré un long chapitre dans ma biographie de l’auteur du crépusculaire Venises. Morand voyage encore et encore pour son travail de diplomate, mais surtout pour tenir en respect sa mélancolie. Il écrit régulièrement à Hélène, lui fait part de son épuisement. Elle lui répond : « Ne vous plaignez pas trop de votre métier (…). Ce n’est pas lui qui vous fatigue, mon Boy : c’est de vivre dans une vaine agitation (…). C’est cette inquiétude  qui vous pousse par les épaules hors de partout. C’est de ne jamais connaître la plénitude, de ne jamais dire à aucune minute de votre vie le verbleib, du bist so schön de Goethe. » Hélène le connaît par cœur. Il le sait. Et quand elle meurt en 1975, Paul n’est plus que l’ombre de lui-même, dévasté. Il n’espère qu’une chose : la rejoindre au plus vite. Un homme couvert de femmes, ayant écrit des livres qu’on lira encore dans cent ans, et inapte au bonheur. À l’un de ses personnage, il fait dire : « Je suis une mer fameuse en naufrages : passion, folie, drames, tout y est, mais tout est caché. »

La réédition de la biographie de Paul Morand par Pascal Louvrier est prévue en 2022 NDLR.

Lettres à Pierre Benoit, présentées par Stéphane Barsacq, Albin Michel.

Le rêve mexicain d’un Québécois

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Le sympathique Jérôme Blanchet-Gravel part à la conquête du Mexique. Et y découvre une vitalité que nos sociétés occidentales obnubilées par le tout-Covid peuvent lui envier. 


Dans un style alerte et limpide, notre ami signe Un Québécois à Mexico (Éditions de l’Harmattan), un réjouissant ouvrage sur son rêve mexicain. Nous venons d’en terminer la lecture.

Du Pays des morts au pays des morts-vivants

C’est l’histoire d’un homme qui, par curiosité, débarque à Mexico. L’histoire d’un homme qui, quand il y pose les pieds, ne sait pas encore qu’il vient d’être happé. Happé par sa vigueur culturelle, happé par son identité marquée, happé par sa capacité à assimiler l’Autre sans jamais tailler une seule de ses propres racines. « La dualité fondatrice », comme l’a conceptualisé l’essayiste Octavio Paz en 1950. Ni préhispanique, ni espagnol, le Mexique est né de la rencontre volcanique entre deux mondes, et l’on ne peut rien comprendre de ce jeune pays si l’on ne prend pas en compte cet élément. 

Dans ce magma qui bouillonne depuis l’aube du 1er juillet 1520, cette « Noche Triste » où Hernan Cortés et ses hommes ont bien failli y passer, Jérôme Blanchet-Gravel déambule et se passionne. Il y a peu nous nous y sommes croisés, dans le « nombril de la Lune », comme ils disent là-bas. 

Les yeux pétillants de fascination, Gravel. Épaté par tout, Gravel (il n’est pas le seul). Tel un Hernan Cortés s’extasiant il y a six siècles des splendeurs du marché de Tlatelolco (prenez le bus numéro 1 depuis le centre de Mexico) dans ses premières lettres à Charles Quint, Jérôme Blanchet-Gravel nous conte sa relation fusionnelle avec le Pays des morts. Il est d’ailleurs cocasse qu’à l’heure où, en France, un manuel scolaire de lycée suggère d’organiser pour les élèves un débat « faut-il déboulonner les statues ?», Gravel nous glisse s’être marié « à la mairie de Coyoacàn, dont l’emplacement correspond aux anciens quartiers généraux du célèbre conquistador Hernan Cortés ». 

L’Occident à bout de souffle 

Mais là où ça devient vraiment intéressant, c’est qu’il ne se contente pas d’une compilation d’impressions d’un converti à la foi mexicaine, mais qu’il place son expérience en contre-pied de la société québécoise. Avec l’arrivée des premiers enfermements, le retour (provisoire) au Québec a l’air d’un séjour en enfer. « Au printemps 2020, le Québec venait tout d’un coup de découvrir l’enfer des CHSLD, sortes de camps de vieillesse dont on ne connaissait que l’acronyme (Centre d’hébergement et de soins de longue durée) ». « Il apparut évident que le Québec pratiquait une forme d’apartheid générationnel sans l’admettre tout en continuant de s’imaginer prolonger une grande et belle histoire de famille », et j’en passe. Il apparaît évident aussi qu’avec des propos si lapidaires, Gravel ne va pas s’y faire que des amis, au Québec. Et surtout, il apparaît évident à la lecture de ce livre que le Pays des morts n’est peut-être pas celui que l’on croit. De la ferveur du Mexique à l’aseptisation du monde occidental, il y a un gouffre qui pourrait bien profiter au premier. 

Entre un Occident à bout de souffle et un rêve mexicain ininterrompu, le choix est vite fait. Pour autant, que l’on ne s’imagine pas qu’il s’agit des aventures de Candide au Mexique. La face obscure du pays du bruit y est longuement relatée et analysée. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il s’agit de l’analyse d’un Occidental qui, le recul aidant, doit bien constater qu’à partir du moment où la crainte de vivre l’emporte sur la vie, on peut considérer qu’une société est finie. « Le Canada maintient ses habitants dans un confort si abrutissant qu’il finit par tuer en eux les forces les plus vives, les plus naturelles. Il faut du recul pour voir que la sécurité n’y est plus un moyen, un outil pour s’émanciper, mais un véritable idéal. Vivre sa vie en prenant le moins de risques possible : telle est une philosophie bien canadienne ». Et peut-être même occidentale ? Quoi qu’il en soit, exercice brillant.

Un québécois à Mexico: Récit d'un double choc culturel

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Royaume-Uni: L’Église catholique, un rempart contre le wokisme de l’Église anglicane?

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Dépités par le progressisme parfois déroutant de leur Église, des évêques anglicans ont décidé de rejoindre les rangs de l’Église catholique.


Septembre 2017 : la créatrice de mode turque très en vue, Dilara Findikoglu, présente sa nouvelle collection inspirée du satanisme, dans le cadre de la London Fashion Week [1]. Pour ce faire, elle a loué l’église Saint Andrew Holborn dans le centre de Londres. L’édifice, qui a mille ans d’histoire, a été reconstruit après le grand incendie de Londres en 1666. Sur fond d’images démoniaques spectaculaires, des mannequins portant des cornes ou arborant des crucifix à l’envers, défilent dans la nef de l’église transformée en catwalk pour l’occasion, sous les applaudissements nourris d’une foule de professionnels de la mode et de jet-setters triés sur le volet. Des voix s’élèvent alors au sein-même du clergé anglican pour dénoncer le caractère scandaleux et blasphématoire d’une telle manifestation. Le théologien anglais Adrian Hilton s’insurge devant la glorification de Lucifer dans ce lieu historique sacré, tandis que de nombreux prêtres déplorent que le nom du Christ soit ainsi déshonoré et fustigent le fait que la foi chrétienne soit une fois de plus attaquée. Les hautes autorités anglicanes finiront par s’excuser, tandis qu’au même moment, une controverse éclate à la suite de la décision par les mêmes instances, d’autoriser le tournage du film « Hellboy : La Reine de sang », à l’intérieur de la cathédrale médiévale de Wells (Somerset), vieille de 900 ans [2]. Le scénario improbable de ce blockbuster, qui rapportera 44 millions de dollars au box-office, est celui d’un démon rappelé de l’enfer par les nazis pour les aider à gagner la Seconde Guerre mondiale. Il met notamment en scène une attaque sur la cathédrale Saint-Paul de Londres par des puissances démoniaques.

Un malaise profond

Ces événements surprenants ont révélé le malaise spirituel très profond qui plane sur l’Église d’Angleterre depuis quelques années. Pour rappel, cette dernière est une création d’Henri VIII au 16ème siècle. Ayant essuyé un refus de la part du Pape Clément VII, concernant sa demande d’annulation de son mariage avec Catherine d’Aragon pour se remarier avec Anne Boleyn, le « roi aux six épouses », dont la personnalité implacable et sanguinaire inspirera à Charles Perrault le personnage de Barbe-Bleue, rompt avec Rome en 1530 et se proclame chef suprême de l’Église et du Clergé d’Angleterre. De nos jours, le souverain britannique – en l’occurrence la reine Elisabeth II – est toujours à la tête de l’Église d’Angleterre (Angleterre, Ile de Man et Iles anglo-normandes). L’archevêque de Cantorbéry est, pour sa part, le primat de toute l’Angleterre et également le primus inter pares de tous les primats anglicans au sein de la Communion anglicane, un ensemble d’églises autocéphales à mi-chemin entre catholicisme et protestantisme, qui rassemble, de par le monde, quelque 85 millions de fidèles.

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La question brûlante du mariage homosexuel a surgi il y a une vingtaine d’années au sein de la Communion anglicane aux Etats-Unis, avec l’ordination du révérend américain homosexuel Gene Robinson en 2003, au rang d’évêque du New Hampshire. En 1998, la 13e Conférence des évêques anglicans de Lambeth a adopté une résolution « rejetant la pratique homosexuelle comme incompatible avec les saintes Écritures ». Depuis cette date, l’Église d’Angleterre, ne reconnaît pas les mariages homosexuels, n’autorise pas le clergé à bénir les unions homosexuelles. Cependant, dans les faits, elle tolère déjà que des membres homosexuels du clergé vivent en couple dans le cadre d’une union civile. Depuis 2000, elle autorise même des prêtres transgenres à officier [3]. Depuis, 2013, les évêques sont autorisés à conclure des pactes d’union civile avec des partenaires de même sexe. En 2016, Nicholas Chamberlain, l’évêque de Grantham, a été le premier à annoncer qu’il vivait avec son partenaire de même sexe dans une union civile [4]. Dans ce contexte, le Synode général de l’Église d’Angleterre pourrait revenir sur sa décision de 1998 et envisager d’autoriser le mariage homosexuel dès 2022 [5], d’autant plus que depuis 2017, l’Église anglicane écossaise (dénommée Église épiscopale) a voté pour autoriser les couples de même sexe à se marier à l’église. Au Pays de Galles, l’Église anglicane galloise offre des bénédictions spéciales aux couples mariés de même sexe depuis septembre 2021 et s’achemine vers une reconnaissance prochaine du mariage homosexuel [6]. D’autres confessions chrétiennes au Royaume-Uni autorisent les mariages homosexuels, comme l’Église méthodiste depuis juin 2021, les Quakers ou l’Église réformée unie.

La fronde des conservateurs

Au fil des années, cette ouverture aux homosexuels a grandement participé à la montée des tensions qui ont finalement conduit au départ de nombreux fidèles de la Communion anglicane, avec, dans la foulée, la mise sur pied d’Églises dissidentes, et la fronde de centaines d’évêques plus conservateurs, venus le plus souvent d’Afrique, d’Océanie et d’Amérique du Sud, dénonçant des manquements graves à la tradition biblique anglicane [7]. Comme ultime étape, des hiérarques de l’Église anglicane ont rejoint l’Église catholique.

Ce mouvement est facilité par la proximité doctrinale entre les deux Eglises. De plus, depuis 2011, le Vatican, s’appuyant sur la Constitution apostolique Angliconarum Coetibus (2009) proclamée par le Pape Benoît XVI, a créé des structures spéciales dépendant directement du Saint-Siège. Il s’agit de trois Ordinariats anglophones qui permettent aux prêtres anglicans souhaitant se convertir au catholicisme de conserver leurs traditions : l’Ordinariat personnel de Notre-Dame de Walsingham (Grande-Bretagne et Pays de Galles), qui compte déjà une centaine de prêtres ; celui de la Chaire de Saint-Pierre (Etats-Unis et Canada) et celui de Notre-Dame de la Croix du Sud (Australie et Japon). A noter que ces membres du clergé sont souvent mariés et chefs de famille, comme le permet l’anglicanisme.

Tandis que les évêques de l’Église catholique se réjouissent de l’arrivée de ces convertis, les réactions sont diverses au sein de l’Église anglicane. En Angleterre, certains évêques anglicans tels que l’évêque de Lincoln, John Saxbee, condamnent cette décision, tandis que d’autres responsables souhaitent bonne chance aux partants dans leur parcours spirituel.  

Des conversions qui défraient la chronique

Fin 2019, l’évêque Gavin Ashenden, ancien aumônier de la reine Elisabeth II, a franchi ce pas décisif [8], de même que d’autres évêques anglicans avant lui. Plus récemment, le cas de Michael Nazir-Ali, 72 ans, ancien évêque de Rochester de 1994 à 2009, qui, de guerre lasse, a rejoint l’Église catholique en octobre dernier, a défrayé la chronique. D’origine pakistanaise, marié et père de deux enfants, cet ecclésiastique né à Karachi, s’est converti au christianisme à l’âge de 20 ans. Universitaire reconnu ayant enseigné à Harvard et Cambridge, il a œuvré sans relâche pendant un demi-siècle à l’essor de l’anglicanisme, pour finir par se heurter à l’intransigeance et au militantisme des tenants du courant progressiste au sein de l’Église anglicane. « Les conciles et synodes de l’Église », écrit-il, « sont désormais pleins d’activistes défendant une théorie néo-marxiste développée pour créer des conflits en divisant les gens en deux camps : les victimes et les méchants »[9]. Et d’évoquer la théorie du genre et d’autres aspects de l’idéologie woke.

Le désarroi de cet ancien évêque est sans doute exacerbé par le constat selon lequel au Royaume-Uni, sa patrie d’adoption, de plus en plus d’églises détenues par des congrégations sont vendues pour être transformées en mosquées ou en centres islamiques [10]. Le pays comptera, en effet, bientôt davantage de croyants musulmans que de chrétiens pratiquants, attendu qu’en 2050, le nombre de musulmans au Royaume-Uni devrait atteindre au moins 13 millions, soit 20% de la population actuelle du pays.


[1] https://www.dailymail.co.uk/news/article-4913650/Bishop-s-blast-satanic-London-Fashion-Week-show.html

[2] https://virtueonline.org/satanic-fashion-show-inside-church-london-fashion-week

[3] http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/1052786.stm

[4] https://www.theguardian.com/society/2016/aug/21/gay-anglican-clergy-to-defy-churchs-official-stance-on-same-sex-marriage

[5] https://www.churchtimes.co.uk/articles/2020/13-november/news/uk/synod-could-debate-same-sex-marriage-in-2022

[6] https://www.theguardian.com/world/2021/sep/06/church-in-wales-votes-to-bless-same-sex-marriages

[7] https://www.cath.ch/newsf/angleterre-le-synode-general-de-york-approuve-l-ordination-de-femmes-eveques/

[8] https://fr.aleteia.org/2019/12/19/ancien-aumonier-de-la-reine-elisabeth-il-se-convertit-au-christianisme/

[9] https://www.dailymail.co.uk/news/article-10101671/Former-Bishop-Rochester-Dr-Michael-Nazir-Ali-explains-defection-CofE-Catholic-church.html

[10] https://www.causeur.fr/royaume-uni-eglises-mosquees-islam-161906

Les souffrances du jeune Tanguy

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Le Caennais Tanguy David fait l'objet de menaces. Images: capture d'écran C8

Tanguy David présente deux malédictions dont l’alliage ne fait pas bon ménage. Il a le malheur d’être noir et d’être un fervent soutien d’Éric Zemmour, candidat à la présidence de la République française.


Cet étudiant en droit de dix-huit ans, responsable départemental (Calvados) de « Génération Z », est actuellement la cible d’une quantité affolante de messages injurieux sur les réseaux sociaux – plus de 15 000 – saupoudrés de racisme décomplexé, voire de menaces de décapitation. Son crime ? Apparaître notoirement aux côtés d’Éric Zemmour, depuis la venue de ce dernier au Zénith de Nantes (durant laquelle les chevaliers du progrès ont bien montré leur pacifisme, voir notre image ci-dessous), tout en étant une personne noire.

Nantes, octobre 2021 Image: capture d’écran Twitter.

Depuis le rassemblement inaugural de Villepinte surtout, il doit affronter la lie de la sauvagerie racailleuse, laquelle jouit d’une large tribune au prétoire des réseaux sociaux, merveilleux et putrides vecteurs du dégueulis des malveillants. Ceux qui le clouent au pilori et le recouvrent des plus infâmes quolibets, menaces et sentences racistes sont pour certains de beaux représentants de l’inculture moderne, qui ne retiennent que le chemin du fast-food et la dernière insulte du dernier rappeur, et d’autres, politisés, sont goinfrés jusqu’à saturation de vulgates antiracistes, qui leur ont fait oublier ce qu’est le vrai racisme, a fortiori quand ils le commettent. Revenons sur les fondamentaux.

Que font les associations, ici silencieuses, et ailleurs si bavardes ? Pas grand-chose

Retour sémantique sur le concept de «racisme»

Le racisme, stricto sensu, désigne le fait de se baser sur l’existence postulée de races différentes au sein de l’espèce humaine, et de déterminer des ipséités propres à chacune d’entre elles aux fins d’y établir une hiérarchie, fondée sur la physiognomonie et des critères censément «scientifiques». Le fait de trouver chez un individu le fondement de prédispositions psychologiques, physiques et mentales, dans l’appartenance à une prétendue race est, authentiquement, du racisme. Le cas, insupportable, qui se présente à nous, en est une hideuse illustration.

A lire aussi, Cyril Bennasar: Non! Le zemmourisme n’est pas un racisme

Seulement, le tortionnaire n’est pas ici un mâle, blanc, cisgenre, carniste, supra-quinquagénaire, loin de là. Le tortionnaire est en réalité une foule imperceptible, une bande d’inconnus, des hurleurs numériques, des sycophantes.

Ce sont les produits finis et les bovidés de quinze ans d’abreuvement à la fontaine des réseaux sociaux, des avatars sans visage, dont la haine est la matrice, la blessure la finalité, et l’abrutissement la cause.

La prétendue incompatibilité essentielle entre convictions patriotes, et couleur de peau

Ceci posé, nous pouvons retourner vers Tanguy David, à qui l’on balance comme une contradiction, intrinsèquement raciste, le fait d’être noir et engagé auprès d’Éric Zemmour. Qu’est-ce donc que cela ? Qu’est-ce donc que ce vomi, émanant des entrailles d’esprits corrompus par le wokistalinisme, la vision ultra-sociologisante de la réalité, et un marxisme mal digéré ? Cela signifie, pour ces gens qu’aucun autre qualificatif que « raciste » permet de décrire, que la couleur de peau de Monsieur David constitue un obstacle irrésistible, l’empêchant d’aimer la France, et de soutenir le candidat de « Reconquête ». Que font les associations, ici silencieuses, et ailleurs si bavardes ? Pas grand-chose. C’est écœurant, propre à rendre fou, et particulièrement l’auteur de cet article, lui aussi étudiant en droit, et qui sait ce que subissent les personnes de couleur, qui ont la curieuse audace d’être patriotes. S’ils viennent des quartiers, ils ne peuvent pas réclamer l’ordre, sous peine d’être traités de «collabos», s’ils sont arabo-musulmans, ils ne peuvent pas défendre la tradition et l’histoire chrétienne de la France, sous peine d’être traités de «traîtres», et les exemples sont multiples. La seule différence entre eux et leurs détracteurs, ou plutôt, leurs bourreaux, c’est la culture. C’est tout. Car il faut être ignare pour prétendre que les races existent, il faut être obscurantiste pour croire que la mélanine détermine la personne que nous sommes et les engagements que nous prendrons. Enfin, il faut être d’une indicible primitivité pour proférer autant d’imprécations envers un être, au seul motif de sa «race», et de ses convictions.

Le fond et la forme : racisme éhonté et impéritie linguistique

«La forme, c’est le fond qui remonte à la surface» écrivait Victor Hugo. La forme des messages abjects que Tanguy David reçoit est aisément résumable : c’est le langage belliqueux de personnes connaissant mal le français, qui ne connaissent ni une once de vérité historique, ni un élément de science politique ou de philosophie véritables.

D’ailleurs cela n’a rien d’inattendu ni de remarquable. Qui jette son regard dans cette déchetterie qu’est l’Internet verra et comprendra que pour qu’il y ait des détritus, il faut des déversoirs… Funèbre florilège : «ce negro fou quoi ici» ; «renoi y a un pb» ; «nègre de maison» ; «vendu» ; «wallah on va te décapiter» ; «fau negro» ; «nique ta race» et autres contumélies incomparablement racistes, souvent prodiguées par des personnes de couleur, parfois par des partisans des indigénistes et autres «combats» don quichottiens actuels. Il est tout de même croquignolesque de voir se dérouler, sous nos yeux, ce tapis fangeux montrant la Sainte Alliance nouée entre les inqualifiables cafards des réseaux sociaux, inconnus et militants, ayant pour symbole commun la maltraitance orthographique et le langage scélérat. Pourtant, à bien y regarder, l’on découvre que ce récit s’inscrit dans un continuum d’exemples, qui achèvent de montrer que l’antiracisme est, quand cela lui prend, effroyablement raciste. «Genres, races, classes», nous y revenons comme par éternel retour !

A lire ensuite: Qualifier son clip d’«ignoble», c’est verser dans l’anti-zemmourisme primaire

Accoutumés à manier avec allégresse cette phraséologie intersectionnelle et victimaire, ces progressistes et gens des réseaux ne parviennent plus à se figurer le moment où ce sont eux qui endossent le rôle de bourreaux et d’oppresseurs. Pourtant ce sont eux qui indignent, eux qui menacent de mort, incitent à la haine, injurient, discriminent et rendent la vie insupportable.

L’affrontement de deux jeunesses

C’est bien deux mondes qui s’affrontent dans cette arène navrante, deux jeunesses irréconciliables.

Il y a d’une part une jeunesse cultivée, incrédule face aux vulgates progressistes, qui s’élève tandis que tout son environnement socio-culturel la conduit vers l’abaissement. Tanguy David en fait partie. C’est un étudiant passionné et soucieux de sa réussite, en quête d’espoir, désenchanté dans un monde qui ne chante plus. Il a le malheur d’être bien élevé, de bien présenter, de s’exprimer dans un français impeccable. Il aime la France, c’en est assez pour être jugé «extrême» et pour perdre des amis. Qu’il se rassure, ceux qui l’affublent de cet adverbe spécieux ne sont pas une perte. L’autre jeunesse, il est inutile de la décrire, elle est l’argument le plus puissant pour tout décliniste souhaitant prouver la décadence…

La Nouvelle-Calédonie doit rester française

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« La France est plus belle, car la Nouvelle-Calédonie a décidé d’y rester», s’est félicité hier Emmanuel Macron… une fois les résultats du référendum sur l’indépendance connus – le troisième du genre. 


Dimanche, les Néo-Calédoniens ont décidé de leur avenir. Ils se voyaient offrir le choix entre le maintien dans la République française ou le divorce. Les habitants de Nouvelle-Calédonie ont voté contre l’indépendance de leur territoire, à 96,49%, mais les indépendantistes avaient appelé à ne pas se déplacer.

Alors que ce référendum devait être le dernier d’une longue série, le président de la République n’a pas appelé au « NON » à l’indépendance jeudi, lors de sa conférence de presse sur la prochaine Présidence française de l’Union européenne. C’est une faute.

Peut-être que 17 000 kilomètres séparent le Caillou de la métropole, mais la France a la chance de pouvoir compter sur ce territoire aux nombreux atouts dans la région indopacifique. De son côté, la Nouvelle-Calédonie a la chance d’avoir ce lien historique avec la France qui lui accorde, notamment par sa présence dans l’Union européenne, un véritable soutien économique. Si la Nouvelle-Calédonie nous est éloignée géographiquement, elle nous est proche sur tous les autres plans – géostratégique, géopolitique, et surtout civilisationnel. Aussi bien pour l’avenir des Néo-Calédoniens que pour celui des Français métropolitains, cette collectivité ultra-marine doit rester française. 

La Nouvelle-Calédonie, une ouverture française et européenne sur le Pacifique 

La récente crise des sous-marins nous l’a enseigné : si la France ne change pas de stratégie dans la région indopacifique, elle y sera tôt ou tard rayée de la carte. Nos partenaires – ou plutôt adversaires – n’ont que faire des intérêts français et ne respectent pas nécessairement – c’est le moins que l’on puisse dire – les accords qu’ils ont ratifiés. La Chine profite alors de cet affaiblissement français dans la région pour rêver de s’arroger une collectivité qui nous est affiliée depuis plus de 150 années.

A lire aussi: Les illusions perdues de la France en Indopacifique

Il nous faut donc être pragmatique, c’est-à-dire ne pas rentrer en confrontation – ce serait absurde – avec la Chine, mais démontrer que nous avons des intérêts à défendre dans cette région indopacifique. 

En effet, le Caillou c’est la quatrième production mondiale de nickel, une richesse précieuse pour les batteries électriques. C’est aussi de nombreux métaux rares – indispensables aux nouvelles technologies – comme le cobalt. C’est encore une terre de biodiversité, indispensable à la cosmétique et à la pharmacie. C’est enfin 1,36 million de kilomètres carrés de zone économique exclusive française et de multiples ressources halieutiques, minerais et coraux dont une partie ne sont pas encore développées et/ou exploitées. La Nouvelle-Calédonie, c’est l’avenir : la Chine l’a bien compris. Pour le nickel qui est essentiel à son activité économique, cette dernière réfléchirait à étendre son expansionnisme jusque dans notre chère collectivité ultra-marine. L’éxécutif a donc tort de rester muet. Il s’agit d’un mauvais signal envoyé à ceux qui convoitent ce territoire du Pacifique qui, contre vents et marées, nous est resté fidèle depuis la fin du Second Empire et a défendu avec ardeur la patrie française, aussi bien lors de la Grande Guerre que dans la Seconde qui lui a succédé. 

Par ailleurs, si la raison de ce silence présidentiel était la crainte d’une remise en cause de la sincérité du scrutin, l’exécutif se trompe. Dans ce cas, François Mitterrand, président lors de la période du Traité de Maastricht, aurait dû aussi s’abstenir de débattre face à Philippe Séguin à la Sorbonne le 3 septembre 1992, car le chef de l’État se prononçait publiquement pour une intégration européenne qui changeait substantiellement l’architecture institutionnelle de la France. 

Sans le Caillou, la France ne serait plus la même ; l’Europe non plus d’ailleurs, un président pro-européen comme Emmanuel Macron devrait le comprendre. En cas de victoire du « OUI » à l’indépendance, la stratégie indopacifique de l’Union européenne aurait été réduite à la portion congrue. Le lien civilisationnel fort qui unit le Vieux Continent et ce magnifique territoire aurait été rompu. La Nouvelle-Calédonie est le seul territoire européen dans cette région en pleine mue. 

Nouvelle-Calédonie menacée mais espérons-le… préservée 

Depuis la guerre entre les indépendantistes kanaks et les partisans du maintien dans la France (1984-1988), les divisions sont vives et s’éternisent. Les différents référendums qui se sont succédé dans la collectivité ou à l’échelle nationale – 1987, 1988, 1998, 2018, 2020 et donc hier – n’ont pas mis un terme aux différends. Au contraire, si le « NON » à l’indépendance l’a toujours emporté, l’écart entre les deux camps s’est depuis resserré. 

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Étant donné que les indépendantistes ont appelé à boycotter le vote de dimanche arguant de la situation épidémique, on peut craindre que l’instabilité reste toujours vive à l’issue du scrutin. Le résultat du référendum sera évidemment contesté par des indépendantistes. Ainsi, quoiqu’il arrive, il nous faudra raffermir les liens avec les Néo-Calédoniens pour qu’une solution viable soit trouvée mais sans céder à une pression internationale qui affaiblirait, une fois de plus, notre position dans le monde. 

Si la Nouvelle-Calédonie n’était un jour plus française, notre incapacité à maintenir notre unité nationale serait raillée sur la scène internationale, ce qui ferait l’affaire des Chinois. Cela reviendrait également à dissoudre le lien – pourtant indispensable – avec cette collectivité qui a versé son sang pour la liberté de nos aïeux. La France romprait avec un territoire, des habitants et leurs magnifiques richesses avec qui, depuis fort longtemps et malgré la distance, elle vit sous le même toit. 

Si demain la Nouvelle-Calédonie n’est plus française, elle ne sera donc plus européenne, ses citoyens perdront la citoyenneté de l’Union, le territoire ultramarin ne bénéficiera plus des programmes de soutien comme Horizon Europe ou Erasmus appuyant le développement de son agriculture locale pour le premier, l’insertion professionnelle de nombreux jeunes pour le second. Alors, pour la prospérité de la Nouvelle-Calédonie, la sûreté de ses 271.407 habitants et au nom de notre Histoire commune, oui, le Président de la République aurait dû appeler à voter « NON » à l’indépendance. La Nouvelle-Calédonie c’est la France, rien que la France !

L’assemblée gangrénée par l’immigrationnisme

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Le député Sébastien Nadot lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, Paris, 6 décembre 2017. © Jacques Witt/SIPA

La commission d’enquête sur les migrants pensait rendre un rapport parlementaire. C’était sans compter sur son président, le député Sébastien Nadot qui, dans un avant-propos très idéologique, l’a transformé en tract d’extrême gauche. Et en réquisitoire contre la France.


« Migrations, étrangers, réfugiés, sans-papiers, frontières, racisme, ostracisme, exclusion : la France a perdu sa carte d’identité nationale et son passeport est périmé. Le zinzin médiatique et le vertige électoral de quelques-uns ont fait perdre le Nord à tout le monde. À peine prononcé le mot migrant ou immigré que “Liberté – Égalité – Fraternité” se transforme, par fainéantise ou idéologie, en « peur – indifférence – humiliation et répression ».

Voilà comment débute l’avant-propos rédigé par le député centriste Libertés et Territoires Sébastien Nadot, président de la commission d’enquête parlementaire qui a rendu son rapport sur les migrations le 10 novembre 2021. Selon lui, « nous sommes à la dérive. Collectivement. » Notre pays organise de « véritables battues de service public, non pour chasser le sanglier, mais notre semblable ». Nous traitons les migrants « comme des objets ou comme des animaux ». Lorsque Marlène Schiappa assure que l’État ne persécute pas les migrants de Calais, elle « ment sans vergogne devant la Représentation nationale », ou bien elle « n’a manifestement pas la moindre idée de ce qui se passe vraiment à Calais ». Macron ment aussi, Darmanin encore davantage, etc.

A lire aussi, Erwan Seznec : Immigration illégale: des ONG contre l’État

Avant-propos incendiaire

Bien entendu, c’est cet avant-propos incendiaire que la presse a repris massivement. Le problème est qu’il est très loin de refléter la tonalité des auditions, qui traçaient un tableau bien plus nuancé de l’action des services de l’État vis-à-vis des migrants. « Je suis tombée de ma chaise en le lisant, avoue la député (non inscrite) Emmanuelle Ménard, qui appartenait à la commission. Je l’ai découvert au dernier moment, car il n’était pas annexé au rapport tel que j’avais pu le consulter avant publication. Je comprends pourquoi ! » Elle a donc rédigé son propre document, avec des propositions détaillées, qui figure en annexe du rapport (pages 216 et suivantes).

Contactée, la rapporteur de la commission Sonia Krimi (LREM) ne commente pas, mais elle a pris ses distances sur Twitter dès le 18 novembre, estimant que l’avant-propos du président de la commission « n’engage que lui ».

Hélas, non. Personne dans le grand public ne va distinguer entre l’avant-propos du président et un rapport qui engage toute une commission d’enquête, investie de larges pouvoirs, habilitée à faire témoigner qui elle le souhaite, au besoin sous la contrainte ! Celle-ci n’a pas été nécessaire pour faire parler les hauts fonctionnaires. Ils l’ont fait avec précision, et parfois avec émotion. Le moins que l’on puisse dire est que le président les a trahis. Ils retrouveront leurs propos dans les 453 pages du document, mais qui les lira ?

Auditionné le 27 mai, Claude d’Harcourt, patron de la DGEF, livrait des chiffres édifiants : « Plus de 6 000 personnes, au sein de l’appareil d’État, sont mobilisées à plein temps dans la politique relative aux étrangers. » Celle-ci représente, « lorsqu’on prend en compte les moyens déployés par le système éducatif ou encore au titre de la solidarité et de la santé », un total de 10 milliards d’euros ! « La question des mineurs non accompagnés nous prend tous aux tripes », confiait le chef présumé des tortionnaires d’État, qui ajoutait : « il ne faut pourtant pas se voiler la face sur l’existence de filières extrêmement organisées, qui coordonnent l’arrivée sur notre territoire de la grande majorité de ces mineurs ». Le président Nadot l’avait chaleureusement remercié.

Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), est venu expliquer le 9 juin que le parc de logements d’accueil des migrants « avait doublé en cinq ans. […] Si nous appliquions ce doublement à l’ensemble du logement social, certains territoires de ce pays seraient moins en difficulté du point de vue de l’accès global au droit au logement. » Didier Leschi a admis sans détour que notre État prétendument « répressif » brille souvent par son laxisme : « Un certain nombre dhôteliers facturent à l’administration des places de lit [pour migrants, ndlr] à un prix très avantageux, sans que nous ayons la possibilité de vérifier que les lits sont occupés. »

A lire aussi, du même auteur: À Calais, chronique d’une tragédie annoncée

Se démarquer à tout prix

Le 21 juin, Sonia Krimi appelait à tenir un langage de vérité à destination des pays de migration : « Si on veut que les gens comprennent ce que sont les difficultés des migrants, on doit parler de leur vie, des barbelés, du fait quils sont violés et vendus en Libye, du marché qui s’est créé. » Le 1er juillet, bien avant que les images de la frontière polonaise fassent la « une », elle manifestait une remarquable clairvoyance : « Nous sommes face à une guerre hybride utilisant la chair humaine comme arme. Cette arme, utilisée par toutes les dictatures au monde, l’est également par l’une des dernières dictatures européennes : la Biélorussie. Ces dictateurs utiliseront cette arme contre nous tant quils comprendront que nous ne sommes pas coordonnés et que nous ne partageons pas une vision européenne unifiée. » Réponse de Sébastien Nadot : « Il semble que la perspective européenne soit encore lointaine. Chaque État joue son propre jeu et se débrouille comme il peut dans une situation confuse. » À aucun moment, il n’a tenu de propos incendiaires envers les hauts fonctionnaires qui ont défilé devant la commission. Pourtant, ces derniers, tenus par le devoir de réserve, ne risquent pas de protester. Contacté, Sébastien Nadot n’a pas trouvé le temps de nous expliquer pourquoi, contrairement à tous les usages, il avait rédigé seul cet avant-propos.

Éric Zemmour ayant imposé le thème de l’immigration dans la campagne présidentielle qui démarre, les candidats à la primaire de droite avançant sur ce terrain, le député a sans doute voulu se démarquer à tout prix. En résumé, il a fait exactement ce qu’il prétend dénoncer : instrumentaliser démagogiquement les migrants.

Peut-on jouer sa vie aux dés?

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Image d'illustration Unsplash

Il y a un an, disparaissait l’écrivain américain George Powers Cockcroft, célèbre pour son roman L’Homme-dé publié en 1971 sous le pseudonyme de Luke Rhinehart.


On peut presque parler d’un récit autobiographique puisque George Powers Cockcroft s’est beaucoup inspiré de sa propre destinée jouée en lançant des dés. Le concept du livre – et d’une grande partie de sa vie donc – est simple : laisser le hasard faire les différents choix pour son avenir. Cela va du plus anodin : ce que l’on va déjeuner ; en passant par plus important : la personnalité qu’on va endosser pour un ou plusieurs jours ; jusqu’à bien plus radical : abandonner sa famille ou commettre un crime.

Confusion entre réalité et fiction

Dans le livre, le personnage Luke Rhinehart est un psychiatre qui commence par jouer sa propre vie aux dés, avant de théoriser l’idée et d’en tirer une nouvelle thérapie qui connaîtra un grand succès : « Pourquoi nos civilisations arrivent-elles à créer de nouvelles formes de tristesse et de mécontentement plus vite que nous n’arrivons à élaborer de théories pour les décrire et les résoudre ? La réponse à ces questions devient de plus en plus évidente. Nous avons conservé de notre passé l’image de sociétés simples, unies, stables, et par conséquent nous avons aussi conservé une notion idéale de l’homme en désaccord complet avec notre civilisation actuelle, complexe, chaotique, instable, urbaine et aux multiples valeurs. (…) Mais, paradoxalement, pour mettre fin à ce conflit sans fin qui fait rage en [l’individu], il faut l’encourager à lâcher prise, à faire semblant, à jouer des rôles, à mentir. Nous devons lui donner la possibilité de développer ces capacités. Nous devons faire de lui une personne-dé ! ».

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Le roman est très drôle, mais la véracité de l’expérience de l’auteur-narrateur George Powers Cockcroft – il aurait choisi par exemple son épouse et ses lieux de résidence aux dés – conduit à s’interroger sur notre position comme lecteur-narrataire. Ne sommes-nous pas en lisant L’Homme-dé, des sortes de cobayes ou patients du Docteur Luke Rhinehart ? Dans un phénomène miroir dit de réciprocité de la lecture, c’est le livre qui nous lit, nous analyse, nous met en position d’imaginer jouer notre propre destin aux dés. La confusion entre réalité et fiction est telle, que l’écrivain est davantage connu sous le nom de son personnage qui s’inspire… de lui-même ! Une sorte de mise en abyme totale, comprenant l’ensemble de l’existence de George Powers Cockcroft ou Luke Rhinehart.

Quand la gamification s’immisce dans nos vies

Notre époque elle-même est traversée par le phénomène de « gamification » – ou « ludification » en presque bon français – qui trouble la frontière entre la réalité et le jeu. Pendant longtemps, nous avons bien séparé le temps du travail associé au réel à celui du loisir associé au jeu sous toutes ses formes. En effet, la « gamification » consiste à proposer des règles, des récompenses, des challenges inspirés du domaine ludique dans différents pans de notre vie afin d’améliorer nos performances quotidiennes. Cette transposition que l’on retrouve depuis déjà quelques années dans le monde de l’entreprise ou dans les thérapies familiales (jeux de rôles, bonification de certaines actions avec attribution de bons et de mauvais points, compétition avec classement, etc.) a connu un essor important grâce aux nouvelles technologies et aux applications sur nos téléphones portables nous permettant par exemple de compter nos pas pour améliorer notre santé, de nous faire bénéficier de récompenses en respectant le Code de la route ou le tri des déchets… Dans ce contexte rien d’étonnant de revenir sur la théorie-thérapie de Luke Rhinehart par les dés, puisqu’il s’agit du jeu de hasard réduit à sa plus simple expression.

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Je n’ai lu que tardivement L’Homme-dé qu’on me présentait chaque fois comme un livre ayant changé la vie de mes interlocuteurs. Je me suis d’ailleurs demandé si un de mes amis qui m’avait conseillé sa lecture, ne jouait pas lui-même sa vie aux dés, ce qui expliquerait pas mal de choses… Mais passons, pour le goût du jeu et afin d’apporter une touche de fantaisie à cette fin d’année, j’ai souhaité tenter l’expérience d’Homme-dé, en débutant tout de même par des choix ne pouvant pas trop gêner ma vie familiale, ni troubler l’ordre public. Et surtout en espérant m’arrêter à temps…

À mon tour

J’ai donc débuté par des choix simples en demandant aux dés si je devais manger sain, gras ou jeûner. J’ai ainsi avalé dans la semaine deux pizzas, trois menus complets de fast-food avec milkshake au dessert, mais aussi beaucoup de simples potages ou des Poke bowl – même si j’ai du mal à classifier cette nouvelle mode culinaire hawaïenne – et rien du tout la journée de mardi.

Je n’ai pas fait mon lit et je ne me suis pas lavé vendredi, je n’ai parlé qu’en espagnol dimanche, j’ai aboyé au téléphone à plusieurs reprises, et j’ai enfin repris sérieusement l’écriture de mon second roman.

Et comme nous étions dans les petits choix sans importance, j’ai décidé de demander à un seul dé pour qui je dois voter à la prochaine élection présidentielle. J’ai ainsi proposé que si c’est un 1 je vote pour le président sortant, un 5 pour Éric Zemmour, un 3 pour Valérie Pécresse, un 2 ou un 4, je vote blanc. Si c’est un 6, je vote pour un autre candidat – même de gauche – que je choisirai en relançant le dé. Et enfin, si c’est un 7, je vote pour Jean-Luc Mélenchon.

Les petites souris

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«Les Éternels»: film Marvel pour milléniaux vertueux

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Brian Tyree Henry à la première du film à Los Angeles, 19 octobre 2021 © Jordan Strauss/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22616624_000077

Les temps changent. « Les Éternels », le nouveau film Marvel de la réalisatrice chinoise à la mode Chloé Zhao, démontre qu’Hollywood en a terminé avec des décennies de messianisme américain…


Puisque je disposais de tarifs réduits et d’un passe sanitaire, et qu’il faut bien occuper son temps, je me suis retrouvé il y a quelques jours au cinématographe, voir Les Eternels, le dernier Marvel. L’idée de me retrouver enfermé dans une salle noire, devant les prouesses de super-héros sautant de toit de voiture en toit de voiture pendant deux heures trente-sept ne m’emballait qu’à moitié ; mais au moins, c’était l’occasion de prendre le pouls des idées à la mode.

Marvel, c’est plus comme avant!

Je n’avais pas dû voir un film de Marvel depuis exactement vingt ans. J’ai souvenir de quelques illustrés parcourus rapidement dans ma jeunesse, avec des personnages en collant jaune ou rouge. Un peu oubliés dans les années 1990 me semble-t-il, les héros de Marvel sont revenus en force dans les années 2000, allant jusqu’à un rythme de six sorties de films rien que pour l’année 2018. Si j’étais un petit peu taquin, je dirais que la non-sortie de films Marvel restera parmi les petites choses qui nous feront regretter les années Covid. Entendons-nous ; qu’il y ait un cinéma pour adolescents, de cape et d’épée (laser), pourquoi pas. C’est un peu plus pénible quand tout une classe d’âge, les 20-35 ans, se réunit dans une adulescence qui n’en finit pas. Heureusement, notre surmoi libéral-démocrate nous permet d’accepter que de telles choses existent.

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Pour résumer l’histoire, une escouade d’extra-terrestres, à peu près immortels (plus encore qu’Alain Finkielkraut) a été envoyée sur Terre pour protéger l’humanité contre d’autres créatures bien décidées à nous dévorer tout cru. Les divinités qui les ont envoyés ont bien pris soin de leur donner une apparence humaine et même de représenter les différentes ethnies qui peuplent la planète : un Blanc, un Noir, une Asiatique, un Indien, et même un enfant roux androgyne ; la photo de groupe a un petit côté United Color of Benneton. Nos super-héros ont débarqué il y a 5000 ans en Mésopotamie et sont encore là parmi nous en 2020. A à peine trente ans, Baudelaire avait déjà plus de souvenirs que s’il en avait mille et constatait, amer, que « rien n’égale en longueur les boiteuses journées, / Quand sous les lourds flocons des neigeuses années / L’ennui, fruit de la morne incuriosité, / Prend les proportions de l’immortalité » ; mais âgés de plus de sept mille ans, nos compagnons ont toujours un certain amour de l’humanité, faisant des enfants avec, etc.

« Têtu » très enthousiaste

On laissera de côté la fin, un tourbillon d’images, censé rendre le film spectaculaire ;  on a surtout l’impression que la caméra est tenue par une personne atteinte de la maladie de Parkinson. En même temps, des gens ont dû venir surtout pour cette partie-là. Le premier tiers du film est moins désagréable : les éternels naviguent à travers les âges, passant de Babylone à Tenochtitlan. On se dit qu’on va peut-être assister à une sorte de « grammaire des civilisations », à un voyage « longue durée » dans l’histoire. On s’attend à ce que les héros interviennent pour changer le cours de l’histoire mais ils n’ont en fait pas le droit d’empêcher les humains de se massacrer entre eux. Ils assistent impuissants au massacre des Aztèques, et l’on repense alors à Montaigne : « Tant de villes rasées, tant de nations exterminées, tant de millions de peuples passés au fil de l’épée, et la plus riche et la plus belle partie du monde bouleversée pour la négociation des perles et du poivre ! ». Ils assistent au bombardement d’Hiroshima, et l’on repense à Camus (Albert, voyons !) : « la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques ».

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Entre les deux, un long bavardage, prétexte aussi à l’exposition des idées à la mode. Têtu est très enthousiaste quand, à l’écran, l’un des super-héros – sorte de mélange physique entre le rappeur Maître Gims et le footballeur Romelu Lukaku – offre le premier baiser gay de l’histoire de l’univers Marvel et nous présente sa famille homoparentale ; thèmes à peu près inimaginables il y a vingt ans dans ce style de film. En 2018, Pierre Conesa avait publié l’ouvrage Hollywar : Hollywood, arme de propagande massive, fruit d’un visionnage de plus de 3000 films américains (soit environ 2995 de plus que votre serviteur), à la recherche des indices de la propagande dans ledit cinéma. Construction du méchant noir, du méchant amérindien, du méchant musulman, du méchant communiste (sans compter le méchant français, Lambert Wilson dans Matrix, sorti en pleine guerre Bush-Chirac !)…

Tout cela est certainement vrai pour un cinéma un peu daté.

Conesa semble avoir manqué le dernier étage de la fusée : depuis quelques années, la propagande est désormais plutôt inclusive, favorable aux minorités, auto-culpabilisatrice, et même critique à l’égard du messianisme américain.

En salles depuis le 3 novembre.

Souvenirs d’un printemps normand: David Hockney au musée de l’Orangerie

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Musée de l'Orangerie, Paris © Sophie Crepy

Le musée de l’Orangerie accueille jusqu’au 14 février prochain une exposition inédite intitulée « A Year in Normandie » dédiée à David Hockney, l’artiste vivant le plus côté au monde.


L’hiver s’en est allé dans le jardin normand de David Hockney. L’espoir, lui, se dessine au printemps dans les tableaux — oserait-on appeler ainsi ces images dessinées sur un iPad ? — du peintre anglais exilé en Normandie depuis 2019. S’il est une question à se poser sur le statut de ces œuvres d’art reproductibles à l’infini, question que Walter Benjamin annonçait déjà dans ses essais, alors David Hockney est résolument l’esbroufe la plus charmante de l’art contemporain.

© Sophie Crepy

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De la côte californienne à la campagne normande

Le musée de l’Orangerie nous propose une exposition sans peinture consacrée à ce travail de l’artiste réalisé lors du premier confinement, dans sa maison du petit village de Beuvron-en-Auge, deux cents âmes à peine. Exit la Sun Belt, le vert de la campagne normande s’est substitué à l’azur des piscines de Los Angeles et de San Francisco. C’est un véritable tournant dans l’œuvre de celui qui avait atteint le titre d’artiste vivant le plus cher au monde avec son Portrait of an Artist (Pool with two figures), adjugé chez Christie’s 90,3 millions de dollars en novembre 2018.

2020 : le printemps n’aura jamais semblé si long. Il aura du moins permis au peintre de réaliser, dans la lignée de Vivaldi et Stravinski, son propre sacre du printemps dans une véritable ode au temps qui passe, sans nostalgie ni prétention. Là, les maisons à colombages, échos lointains des chaumières hollandaises de Rembrandt et de Van Gogh, les iris, les jonquilles et les pommiers en fleurs succèdent aux ramures imposantes des arbres nus et aux premiers flocons de l’hiver. « En Normandie, explique-t-il, j’aime la douceur de vivre des gens et la lumière de ses vergers ». Ce sont plus de deux cent peintures numériques que David Hockney réalise pendant les quelques mois de son exil en France, réunies ici dans une frise monumentale de près de 90 mètres de long qui décline dans un cycle narratif les quatre saisons.

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L’exubérance de Warhol, le graphisme d’Hopper

David Hockney s’est imposé sur la scène contemporaine par un style hérité des plus grands maîtres, de la mémoire impressionniste à l’exubérance d’Andy Warhol et au graphisme d’Edward Hopper. C’est cette fois à la Tapisserie de la reine Mathilde, observée à l’occasion d’une visite au musée de Bayeux qu’il doit son inspiration et les prémices de cette exposition. Le peintre s’amuse à jouer avec les effets de reproduction, de copie et de retouches que permet le numérique dans des compositions vibrantes à la touche éclatante et fantaisiste. Un poème de couleurs qui célèbre avec allégresse la beauté de nos campagnes françaises.

Musée de l’Orangerie, Jardin Tuileries, 75001 Paris. Jusqu’au 14 février 2022.

René-Guy Cadou ou l’art d’aimer

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Le poète René-Guy Cadou. Capture d'écran Youtube.

Le poème du dimanche


René Guy Cadou (1920-1951), était poète et instituteur à Louisfert dans le pays nantais.

Malgré sa courte vie, il a eu le temps de faire une guerre perdue, de voir mourir les fusillés de Chateaubriant et d’aimer Hélène à laquelle il a consacré l’essentiel de son œuvre. Membre d’un groupe informel de poètes, appelé l’école de Rochefort, Cadou, c’est la douceur qui exclut la mièvrerie, un art d’aimer, un courage discret, un lyrisme mesuré, comme ses vers.

Pas d’épanchement, juste un certain goût pour dire les paysages, l’enfance, le corps. Aucune provocation, seulement des invitations. Une poésie avec des mots de tous les jours, mais consciente d’être une parole d’essence particulière. Un équilibre français, si vous voulez. Pas forcément à la mode. Mais tous ses poèmes sont autant de matériaux préparatoires au bonheur de vivre.


Aller simple

Ce sera comme un arrêt brutal du train
Au beau milieu de la campagne un jour d’été
Des jeunes filles dans le wagon crieront
Des femmes éveilleront en hâte les enfants
La carte jouée restera tournée sur le journal
Et puis le train repartira
Et le souvenir de cet arrêt s’effacera
Dans la mémoire de chacun
Mais ce soir-là
Ce sera comme un arrêt brutal du train
Dans la petite chambre qui n’est pas encore située
Derrière la lampe qui est une colonne de fumée
Et peut-être aussi dans le parage de ces mains
Qui ne sont pas déshabituées de ma présence
Rien ne subsistera du voyageur
Dans le filet troué des ultimes voyages
Pas la moindre allusion
Pas le moindre bagage
Le vent de la déroute aura tout emporté.

René Guy Cadou

Œuvres poétiques complètes, (Seghers)

Paul Morand, mélancolique survolté

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L'écrivain et membre de l'Académie française Pierre Benoit (1886-1962), correspondant de Paul Morand. Photo de Henri Manuel. Wikimedia commons

Les lettres adressées par Morand à Pierre Benoit (notre photo), l’écrivain star de l’avant-guerre, sont un régal. Et permettent de découvrir un Morand amical et attentif.


Dans sa présentation, Stéphane Barsacq révèle comment les 175 lettres de Paul Morand (1888-1976) adressées à Pierre Benoit (1886-1962) ont été retrouvées : par hasard. Il les a découvertes en 2011 dans une remise de la prestigieuse maison Albin Michel, éditeur de L’Atlandide, l’un des nombreux succès de Pierre Benoit, dont l’œuvre est aujourd’hui tombée dans l’oubli.

Des deux, Paul Morand est le cadet en littérature. Benoit triomphe en 1918 alors que Morand doit attendre 1922 pour trouver son public avec le recueil de nouvelles Ouvert la nuit. D’emblée le style de Morand fait mouche. Il est dégraissé, à l’os, avec des trouvailles à faire pâlir les besogneux de maintenant. De mémoire : « Le teint, Remedios, c’est la conscience des femmes. » Céline a vu juste. Morand a été le premier à faire « jazzer » la langue française.

Stéphane Barsacq résume les points communs entre les deux écrivains mais également leurs divergences. Les deux hommes sont d’infatigables voyageurs. Benoit travaille pour le compte de plusieurs journaux, ce qui l’amène à visiter de nombreux pays. De 1918 à 1925, Paul Morand est troisième secrétaire à Madrid, puis chef de la section littéraire aux œuvres françaises à l’étranger au Quai d’Orsay. C’est un écrivain-diplomate. En 1925, chargé d’affaires de France à Bangkok, il fait le tour du monde, découvre le Japon, s’entretient avec Paul Claudel. Il finit par écrire un livre au titre désabusé, paru en 1926, Rien que la terre.

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Pessimiste de nature, l’homme pressé, sans cesse en mouvement, pour tenir en respect les angoisses, comprend que la recherche de l’ailleurs éreinte. L’Académie française réunit également les deux écrivains. C’est une véritable obsession pour Morand qui ne sera élu qu’en 1968, après deux tentatives infructueuses. Le général de Gaulle refuse de le recevoir, comme c’est pourtant la tradition. Le passé vichyssois de l’auteur de Lewis et Irène ne plaide guère en sa faveur, c’est le moins que l’on puisse dire. Pierre Benoit n’écrit rien durant l’Occupation. Barsacq nous apprend : « Il décline la proposition de devenir directeur de la Comédie française. Il refuse aussi qu’on adapte ses films en Allemagne, il s’abstient de toute déclaration, il évite les propos malheureux. » Benoit, élu à l’Académie française dès 1931, démissionne après que De Gaulle a fait savoir qu’il s’opposait à l’élection de Morand en 1959.

Le Général ne pardonne toujours pas à l’écrivain-diplomate d’avoir rejoint le Maréchal Pétain alors qu’il se trouvait à Londres avant sa hiératique personne ! Si Morand, rattaché au ministère du Blocus créé à Paris par Edouard Daladier, était resté sur place, il serait devenu la grande figure littéraire de la Résistance. Pour la petite histoire, la secrétaire de Morand à Londres, Elisabeth de Miribel, rejoindra, avec la permission de son patron, le général de Gaulle et, avec deux doigts, tapera le fameux « Appel du 18 juin ».

Quand l’homme pressé se montre en véritable ami

Pierre Benoit, en réalité, se moque des querelles autour de la candidature de Morand et de la rancune tenace qui continue d’agiter Charles de Gaulle. Son épouse, Marcelle, est atteinte d’un cancer. Il va s’occuper d’elle jusqu’à sa mort en mai 1960. Morand, homme froid et distant, se conduit alors en véritable ami. À Benoit, après le décès de Marcelle, il écrit : « Je pense que le travail seul vous sauvera. Je n’avais pas écrit depuis trois ans ; le temps, le monde extérieur, le chagrin, la maladie, tout s’amortit. » Dans la même lettre, il note : « L’Occident doit se défendre partout, si on veut non pas qu’il se sauve, c’est fini, mais qu’il dure autant que nous. » La part sombre de l’écrivain ressurgit.

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Dans cette correspondance, Morand est moins vachard que dans ses échanges épistolaires avec Jacques Chardonne. Il retient ses coups, se veut plus policé. Mais il ne peut s’empêcher certains propos antisémites ou homophobes. Le cosmopolite amoureux de l’Europe galante, ami de Proust et de Cocteau, se rancit avec le temps, comme les articulations se soudent avec l’âge. Sans vouloir l’excuser, on peut néanmoins dire que Morand subit l’influence de sa femme, Hélène, princesse byzantine richissime, intelligente, cultivée, au caractère intraitable. Cette chrétienne orthodoxe, née à Galatz en Roumanie, est résolument anticommuniste, car elle a vu les ravages de cette idéologie dans les pays de l’Est. Ses propos antisémites sont d’une violence inouïe. Mais Morand a trouvé en elle son point d’ancrage. Elle est son oxygène, son équilibre. Elle l’apaise, lui le tourmenté, en proie à la dépression. Elle le rassure. Son argent lui permet de vivre dans le luxe de l’hôtel particulier de l’avenue Charles-Floquet. Morand n’aurait jamais pu errer dans un vieux pavillon au milieu de chats et de chiens faméliques. Bref, l’homme a des côtés qu’on peut mépriser, mais je ne connais pas d’être humain fait d’un bloc.

Grâce à l’amical coup de pouce de Michel Déon, j’ai pu avoir accès au fonds Paul Morand, aux archives de l’Institut. Cela m’a permis, entre autres, de découvrir la correspondance entre Hélène et son « Boy chéri ». J’y ai consacré un long chapitre dans ma biographie de l’auteur du crépusculaire Venises. Morand voyage encore et encore pour son travail de diplomate, mais surtout pour tenir en respect sa mélancolie. Il écrit régulièrement à Hélène, lui fait part de son épuisement. Elle lui répond : « Ne vous plaignez pas trop de votre métier (…). Ce n’est pas lui qui vous fatigue, mon Boy : c’est de vivre dans une vaine agitation (…). C’est cette inquiétude  qui vous pousse par les épaules hors de partout. C’est de ne jamais connaître la plénitude, de ne jamais dire à aucune minute de votre vie le verbleib, du bist so schön de Goethe. » Hélène le connaît par cœur. Il le sait. Et quand elle meurt en 1975, Paul n’est plus que l’ombre de lui-même, dévasté. Il n’espère qu’une chose : la rejoindre au plus vite. Un homme couvert de femmes, ayant écrit des livres qu’on lira encore dans cent ans, et inapte au bonheur. À l’un de ses personnage, il fait dire : « Je suis une mer fameuse en naufrages : passion, folie, drames, tout y est, mais tout est caché. »

La réédition de la biographie de Paul Morand par Pascal Louvrier est prévue en 2022 NDLR.

Lettres à Pierre Benoit, présentées par Stéphane Barsacq, Albin Michel.

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Le rêve mexicain d’un Québécois

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Mexico. Image Unsplash

Le sympathique Jérôme Blanchet-Gravel part à la conquête du Mexique. Et y découvre une vitalité que nos sociétés occidentales obnubilées par le tout-Covid peuvent lui envier. 


Dans un style alerte et limpide, notre ami signe Un Québécois à Mexico (Éditions de l’Harmattan), un réjouissant ouvrage sur son rêve mexicain. Nous venons d’en terminer la lecture.

Du Pays des morts au pays des morts-vivants

C’est l’histoire d’un homme qui, par curiosité, débarque à Mexico. L’histoire d’un homme qui, quand il y pose les pieds, ne sait pas encore qu’il vient d’être happé. Happé par sa vigueur culturelle, happé par son identité marquée, happé par sa capacité à assimiler l’Autre sans jamais tailler une seule de ses propres racines. « La dualité fondatrice », comme l’a conceptualisé l’essayiste Octavio Paz en 1950. Ni préhispanique, ni espagnol, le Mexique est né de la rencontre volcanique entre deux mondes, et l’on ne peut rien comprendre de ce jeune pays si l’on ne prend pas en compte cet élément. 

Dans ce magma qui bouillonne depuis l’aube du 1er juillet 1520, cette « Noche Triste » où Hernan Cortés et ses hommes ont bien failli y passer, Jérôme Blanchet-Gravel déambule et se passionne. Il y a peu nous nous y sommes croisés, dans le « nombril de la Lune », comme ils disent là-bas. 

Les yeux pétillants de fascination, Gravel. Épaté par tout, Gravel (il n’est pas le seul). Tel un Hernan Cortés s’extasiant il y a six siècles des splendeurs du marché de Tlatelolco (prenez le bus numéro 1 depuis le centre de Mexico) dans ses premières lettres à Charles Quint, Jérôme Blanchet-Gravel nous conte sa relation fusionnelle avec le Pays des morts. Il est d’ailleurs cocasse qu’à l’heure où, en France, un manuel scolaire de lycée suggère d’organiser pour les élèves un débat « faut-il déboulonner les statues ?», Gravel nous glisse s’être marié « à la mairie de Coyoacàn, dont l’emplacement correspond aux anciens quartiers généraux du célèbre conquistador Hernan Cortés ». 

L’Occident à bout de souffle 

Mais là où ça devient vraiment intéressant, c’est qu’il ne se contente pas d’une compilation d’impressions d’un converti à la foi mexicaine, mais qu’il place son expérience en contre-pied de la société québécoise. Avec l’arrivée des premiers enfermements, le retour (provisoire) au Québec a l’air d’un séjour en enfer. « Au printemps 2020, le Québec venait tout d’un coup de découvrir l’enfer des CHSLD, sortes de camps de vieillesse dont on ne connaissait que l’acronyme (Centre d’hébergement et de soins de longue durée) ». « Il apparut évident que le Québec pratiquait une forme d’apartheid générationnel sans l’admettre tout en continuant de s’imaginer prolonger une grande et belle histoire de famille », et j’en passe. Il apparaît évident aussi qu’avec des propos si lapidaires, Gravel ne va pas s’y faire que des amis, au Québec. Et surtout, il apparaît évident à la lecture de ce livre que le Pays des morts n’est peut-être pas celui que l’on croit. De la ferveur du Mexique à l’aseptisation du monde occidental, il y a un gouffre qui pourrait bien profiter au premier. 

Entre un Occident à bout de souffle et un rêve mexicain ininterrompu, le choix est vite fait. Pour autant, que l’on ne s’imagine pas qu’il s’agit des aventures de Candide au Mexique. La face obscure du pays du bruit y est longuement relatée et analysée. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il s’agit de l’analyse d’un Occidental qui, le recul aidant, doit bien constater qu’à partir du moment où la crainte de vivre l’emporte sur la vie, on peut considérer qu’une société est finie. « Le Canada maintient ses habitants dans un confort si abrutissant qu’il finit par tuer en eux les forces les plus vives, les plus naturelles. Il faut du recul pour voir que la sécurité n’y est plus un moyen, un outil pour s’émanciper, mais un véritable idéal. Vivre sa vie en prenant le moins de risques possible : telle est une philosophie bien canadienne ». Et peut-être même occidentale ? Quoi qu’il en soit, exercice brillant.

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