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Australie – La tuerie de Bondi Beach ou l’échec du multiculturalisme

Alain Destexhe joue cartes sur table


Australie – La tuerie de Bondi Beach ou l’échec du multiculturalisme
“March for Humanity Save Gaza", Sydney, Australie, 3 août 2025 © Ye Myo Khant / SOPA/SIPA

Le combat des djihadistes est dirigé contre l’Occident dans son ensemble. Noël suivra Hanouka, prévient notre chroniqueur.


La tuerie de Bondi Beach, à Sydney, qui a causé cinquante-cinq victimes — quinze morts et quarante blessés — constitue l’illustration la plus brutale de l’échec du multiculturalisme australien et de la faillite d’un État qui n’a pas su, ou plutôt pas voulu, protéger sa population juive.

Parmi les victimes figurent un Français de vingt-sept ans, un enfant de dix ans, un survivant de la Shoah, ainsi que Boris et Sofia Gurman, un couple de sexagénaires qui a tenté, à mains nues, de désarmer l’un des djihadistes avant d’être tué par lui. Cette tragédie rappelle que la haine antisémite est « sans frontières ». Bondi Beach se situe à quinze mille kilomètres de Jérusalem ; l’Australie n’est pas en guerre, et pourtant, pour les islamistes, les Juifs doivent y mourir.

Depuis le 7 octobre 2023, les signaux d’alerte se sont multipliés sans susciter de réaction à la hauteur de la part du gouvernement travailliste du Premier ministre Anthony Albanese. Dès le 9 octobre 2023, des slogans antisémites étaient scandés dans les rues de Sydney, avant même toute riposte israélienne. L’année dernière, mille cinq cents incidents antisémites ont été recensés ; deux mille l’année précédente !

Quand l’antisémitisme devient socialement acceptable

Un incendie criminel a détruit une synagogue. Des imams qualifiant publiquement les Juifs de « porcs », de « singes », de « criminels » ou de « traîtres assoiffés de sang », reprenant sans complexe les pires clichés de la propagande nazie, n’ont fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire. Des infirmiers déclarant qu’ils refuseraient de soigner des Juifs et allant jusqu’à les menacer de mort ont été licenciés, mais jamais poursuivis.

Le 3 août 2025, trois cent mille personnes ont défilé sur le Harbour Bridge de Sydney lors d’une marche pro-palestinienne baptisée March for Humanity. Manifestement, pas celle des Juifs. Beaucoup scandaient « Globalize the Intifada », un slogan qui appelle ouvertement à la haine des Juifs. Là encore, aucune réaction politique forte. Quelques semaines plus tard, en septembre, l’Australie reconnaissait officiellement l’État de Palestine, une décision perçue par beaucoup comme un feu vert à l’antisémitisme. Ajoutons que plusieurs députés travaillistes sont élus dans des circonscriptions avec une forte population musulmane.

Un délégué à la lutte contre l’antisémitisme a été nommé, aussitôt doublé d’un autre chargé de l’islamophobie, plaçant sur le même plan la critique d’une religion et la haine des Juifs. Il fallait sauver le dogme de la société diversitaire harmonieuse et éviter les amalgames. Le signal était clair : la haine des juifs ne serait pas réprimée, donc elle devenait acceptable. Dans ce climat d’« antisémitisme admis », comment s’étonner que certains finissent par passer à l’acte ? L’attentat de Bondi apparaît ainsi comme l’aboutissement logique d’un climat où la haine des Juifs a pu s’exprimer librement dans l’espace public depuis le 7-Octobre.

Un Bataclan australien

La réponse policière soulève également de lourdes interrogations. Un poste de police se trouvait à quelques centaines de mètres, mais la tuerie a duré un bon quart d’heure. Trois agents seulement étaient présents pour assurer la sécurité de l’événement. Les autorités étaient-elles à ce point confiantes, voire insouciantes, qu’un rassemblement de près d’un millier de Juifs pour la fête d’Hanouka se déroulerait sans incident dans un climat aussi violemment anti-israélien et antisémite ?

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Comme au Bataclan, cette incapacité à assurer la protection élémentaire des citoyens conduit inévitablement à reposer la question de l’autodéfense et de l’armement des citoyens honnêtes, dès lors que l’État se révèle incapable de remplir sa mission première.

Malgré le caractère explicitement islamiste de l’attentat, dans un réflexe pavlovien, le Premier ministre Anthony Albanese a rapidement dénoncé la menace de… l’extrême droite1 !

Covid et islamisme : deux poids, deux mesures

Cette cécité contraste singulièrement avec l’autoritarisme dont l’Australie a fait preuve dans d’autres circonstances, notamment durant la crise du Covid : interdiction d’entrée sur le territoire pour Novak Djokovic au nom de la sécurité sanitaire, arrestations brutales de promeneurs sans masque sur des plages désertes, tandis que, récemment, le pays rapatriait des familles liées à Daech en leur délivrant des passeports afin de garantir leur liberté de voyager !

Après l’attentat, la priorité a été donnée à la censure des vidéos et à la lutte contre la « désinformation ». Les autorités ont appelé à dénoncer les messages antimusulmans, comme si le danger provenait davantage de la réaction populaire que de la mouvance islamiste.

Interdire les armes plutôt que nommer l’ennemi

Le gouvernement a par ailleurs annoncé un nouveau durcissement de la législation sur le port d’armes. Avec le même raisonnement que certains dirigeants européens, le problème australien ne serait pas les djihadistes ou leur idéologie, mais leurs outils. Comme en Europe, il est question d’interdire couteaux et machettes, comme si les terroristes n’avaient pas les moyens de s’en procurer.

Cette fuite devant le réel s’enracine dans une idéologie : le multiculturalisme. Depuis des décennies, l’Australie répète à satiété que la diversité est une richesse. L’attentat de Bondi démontre l’inverse. La population musulmane, aujourd’hui estimée à environ un million de personnes, a augmenté de mille pour cent en cinquante ans. Il y a vingt ans, il n’y avait qu’une poignée de musulmans en Australie, mais ni manifestations antisémites ni attentats terroristes.

Certes, les islamistes et, a fortiori, les terroristes ne constituent qu’une minorité. Mais plus on augmente la population musulmane d’un pays, plus on augmente mécaniquement la probabilité d’y trouver des islamistes. Le principe de précaution vaut pour le climat, jamais pour le terrorisme ni pour la haine des Juifs.

L’Occident visé 

Comme plusieurs pays européens, l’Australie ne protège plus ses Juifs — non par impuissance, mais par manque de volonté. Malgré le contexte régional, beaucoup de Juifs se sentent aujourd’hui plus en sécurité en Israël qu’en Europe ou en Australie. Là-bas, au moins, l’État se bat pour eux. Il n’est dès lors pas étonnant que certains entreprennent leur Alya.

Ne nous y trompons pas : aujourd’hui les Juifs sont visés ; demain viendront les chrétiens, les athées et les autres confessions. Le combat des djihadistes est dirigé contre l’Occident dans son ensemble. Les Juifs constituent une cible facile : peu nombreux, minoritaires, mal défendus, dépendants du bon vouloir des autorités.

Noël suivra Hanouka.


  1. https://x.com/libsoftiktok/status/2000529088046625122 ↩︎


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