Accueil Site Page 1375

Voile: l’ambigu Monsieur Blanquer

0

Le ministre de l’Education nationale fournit à Emmanuel Macron une caution laïque. Mais quand on regarde bien sa politique, c’est aussi l’assurance de l’immobilisme! (1/2)


La rentrée à peine passée, le serpent de mer du voile à l’école est réapparu, resurgissant entre une vague Greta et un nuage rouennais.

En apparence, rien de neuf dans ce débat, hormis des désaccords interministériels donnés en spectacle et une certaine crispation des positions. En y regardant de plus près, se dessine une bien étrange stratégie de la part de Jean-Michel Blanquer.

Chevalier de la cause laïque, vraiment?

L’arrivée de ce ministre et la création de son Conseil des Sages étaient pourtant prometteurs. Malheureusement, par un choix savant de profils, le conclave d’érudits n’est parvenu qu’à faire émerger un barycentre d’immobilisme en mai 2018: le Vademecum de la laïcité, simple constat de l’état du droit dans ses interprétations les plus modérées, déposé sur le site du ministère, dans l’indifférence de la grande majorité des enseignants. C’est sur ce simple fait initial – agrémenté de quelques petites phrases savamment distillées – que le ministre s’est taillé un costume de chevalier de la cause laïque, faisant de lui une pièce de choix dans la mécanique macroniste du « en même temps ». Mais jusqu’à ce jour, sur le front de la  résolution effective des problèmes, l’action de Jean-Michel Blanquer est au niveau de la laïcité, ce que le moonwalk de Mickael Jackson est à la randonnée ! La musique et les paroles sont plaisantes, mais les pas de danse se soldent par un surplace.

A lire aussi: Classement Pisa: les petits Français nuls… mais bientôt bilingues?

Retour sur les faits. Le 12 février 2019, questionné à l’Assemblée par le député Eric Ciotti, Jean-Michel Blanquer affirme: « Bien que la question des parents accompagnateurs ne soit pas à mes yeux capitale, je la soumettrai pour avis au Conseil des Sages de la laïcité, créé il y a dix-huit mois, je le rappelle, afin de disposer d’une expertise sur les questions de laïcité dans l’Education nationale». Le 15 mai, au Sénat, après le refus d’une étude sur la question demandée par la sénatrice Patricia Schillinger, le ministre précise: « Sachez en tout cas que j’ai saisi le Conseil des Sages de la laïcité, qui remettra des analyses et des préconisations ». L’amendement adopté par le Sénat ce jour-là, visant à interdire les signes religieux lors de sorties scolaires, le voile en particulier, sera finalement enterré par les députés et sénateurs, réunis jeudi 13 juin en commission mixte paritaire relative au projet de loi « Pour une école de la confiance ». En échos aux batailles menées sur les bancs des assemblées, des manifestations de mamans voilées émailleront le mois de mai avant que l’arrivée des vacances ne cède la place au sujet du burquini.

Un seul Sage se prononce clairement contre les accompagnatrices voilées

Parmi les douze sages supposés travailler sur le sujet, un seul va prendre la parole à titre personnel, pour proposer une action concrète : Alain Seksig. Il est l’unique membre à avoir pratiqué le terrain comme directeur d’école. Il sait la difficulté pour les personnels à mettre en œuvre un texte flou. Curieusement, alors que Caroline Beyer du Figaro l’interroge le 31 mai sur la position du Conseil des Sages, il se limite à dire « nous avons choisi de travailler, d’abord, sur ce qui nous unissait et de ne pas aborder immédiatement cette question conflictuelle, sur laquelle nous sommes très attendus », mais il ne précise à aucun moment si cette instance est en train ou non d’analyser le problème à la demande du ministre.

Par ailleurs, il indique donc avec clarté sa position personnelle : « Tous se réfèrent à l’étude du Conseil d’État, en posant qu’il est possible pour un directeur d’école d’interdire la participation d’un parent à une sortie, dans la mesure où celui-ci fait du prosélytisme. Mais il est difficile, pour un directeur d’école, de se poser en juriste. Selon moi, il faut dire les choses clairement, par la loi ».

A lire, enquête: Libres enfants de Mahomet

Ses propos montrent que Monsieur Seksig perçoit le problème dans sa globalité. Il affirme clairement sa volonté de légiférer dans le champ scolaire tout en percevant le sens plus large : « Il est aussi question de la place des femmes dans notre société». Ses propos clairs, précis et concrets montrent que les Sages demeurent libres de parole dès lors qu’ils ne parlent qu’en leur nom propre. Il est donc étonnant qu’au milieu du tumulte des mois de mai et juin, un seul d’entre eux ait eu le courage de venir prendre part publiquement au débat, ne serait-ce que pour rassurer l’opinion publique en confirmant être en charge d’une réflexion sur ce problème. Sur cette même période tumultueuse, Laurent Bouvet, par exemple, qui sait, avec talent, batailler sur la question du voile des syndicalistes, de l’indigénisme à l’université ou du burquini, a semblé étonnamment peu loquace sur ces occasions de banalisation d’un marqueur de soumission de la femme dans le cadre scolaire… Sa combativité apparaît réservée aux causes que l’on peut rattacher avec certitude aux plus intégristes des musulmans, mais sa prudence reste de mise sur ce sujet qui concerne les « musulmans du quotidien». Cette attitude rejoint le positionnement d’Emmanuel Macron, qui, dès 2016, en campagne, déclarait « Je ne crois pas, pour ma part, qu’il faille inventer de nouveaux textes, de nouvelles lois, normes, […], pour aller traquer dans les sorties scolaires celles et ceux qui peuvent avoir des signes religieux ».

Cette ambiguïté de positionnement donne le sentiment que Laurent Bouvet a épousé l’un des éléments fondateurs de La République En Marche: le «et en même temps», laissant le leadership de la fermeté réelle à Alain Seksig pour les sujets touchant à l’école.

Laurent Bouvet vs Jean-Louis Bianco

Pourtant, depuis le début, ce n’est pas le discret Alain Seksig qui incarne le summum des exigences laïques mais bien Laurent Bouvet, qui d’activisme sur les réseaux en tribunes dans la presse s’est imposé.

A relire: Causeur #73 : Voile, le chantage victimaire

Ses conférences conjointes avec Jean-Louis Bianco ont fini par imposer les deux duettistes comme définissant l’empan du débat, à tel point que le 25 mars dernier, l’IFOP intitulait les résultats de l’enquête demandée par la Fondation Jean Jaurès : « Les macronistes et la laïcité : un électorat plus proche de la ligne Bouvet que de la ligne Bianco ». Or, en confiant l’incarnation de l’exigence et de la combativité à un homme dont la plasticité cérébrale permet de critiquer le voile de Myriam Pougetoux, syndicaliste auprès d’adultes tout en défendant le même signe religieux ostensible porté par Latifah Ibn Ziaten, intervenante donnée en exemple à des élèves mineurs dans l’enceinte scolaire, on maintient le débat dans une zone de confort pour le macronisme. Le dispositif Bianco/Bouvet a ainsi contribué à étalonner la machine à débattre dans un champ qui n’incluait pas de position ferme et indiscutable à l’école, alors que le rôle de l’exemplarité des adultes ayant autorité dans l’intégration des normes chez les enfants est pourtant largement démontré par les experts de leur développement.

Parallèlement, le camp des combattants laïques s’est accroché aux espoirs nés du contraste entre les écrits de Najat Vallaud-Belkacem et les paroles de Jean-Michel Blanquer, au point de ne plus formuler aucune critique ni proposition, de peur de déstabiliser ce dernier. Le piège s’est alors refermé: le ministre de l’Education nationale a, à la fois, fourni à Emmanuel Macron la caution laïque et l’assurance de l’immobilisme. Le soutien constamment renouvelé au patron de la rue de Grenelle par le plus médiatique des Sages, Laurent Bouvet, a achevé de verrouiller le système. En laissant œuvrer Jean-Michel Blanquer et son art de la communication, Emmanuel Macron réussit ainsi le tour de force de faire refuser une loi sur le voile des accompagnatrices par un ministre s’affirmant défavorable au port de ce signe religieux ostensible, tout en préservant l’aura dont ce dernier jouit auprès des associations de défense de la laïcité.

>>> Retrouvez la seconde partie de l’analyse de Laurence David <<<

Construisons ensemble l'Ecole de la confiance

Price: 6,20 €

43 used & new available from 1,68 €

Le premier degré fait-il la loi en France?


« L’Esprit de l’escalier », l’émission culte d’Alain Finkielkraut et d’Elisabeth Lévy est de retour en exclusivité sur RNR.TV. Au programme d’Alain Finkielkraut ce mois-ci: l’affaire Polanski, la confession du violeur et la manifestation contre l’islamophobie


L’affaire Polanski

Faut-il aller voir J’accuse ? Oui et de toute urgence. De la scène inoubliable de la dégradation de Dreyfus à la réhabilitation finale, Polanski raconte l’Affaire du point de vue du colonel Picquart, l’officier plein d’avenir et de préjugés antisémites qui a mis sa carrière et même sa vie en péril quand il a découvert que le prisonnier de l’île du Diable n’était pas le traître. C’est un film tout ensemble austère et palpitant qui donne beaucoup à penser.

Mais, comme Polanski est accusé de viol par une ancienne actrice, quarante-cinq ans après les faits, les néoféministes appellent au boycott, avec l’agrément du ministre de la Culture en personne. Et la bonne presse, Télérama en tête, nous explique qu’il est temps d’en finir avec le dogme proustien de la distinction entre l’homme et l’artiste. Tzvetan Todorov affirmait déjà, naguère, que « si Shakespeare, miraculeusement revenu au monde, nous apprenait que son passe-temps favori était le viol de petites filles, nous ne devrions pas l’encourager dans cette voie, sous prétexte qu’il pourrait produire un autre Roi Lear. Le monde n’est pas fait pour aboutir à une œuvre d’art ».

Mais admettons un instant que cette hypothèse délirante soit vraie ou que Shakespeare nous cache encore quelque secret honteux. Le Roi Lear n’en resterait pas moins une des pièces les plus profondément humaines du répertoire européen. Preuve éclatante du mystère de la création et qu’on peut confondre dans un même opprobre l’artiste et l’homme. Salaud intégral, Céline a écrit le Voyage au bout de la nuit qui n’est, en aucune manière, l’expression de son ignominie.

Jean Dujardin en colonel Picquart, dans J'accuse, de Roman Polanski (c) Guy Ferrandis / Légendaire - R.P. Productions
Jean Dujardin en colonel Picquart, dans J’accuse, de Roman Polanski (c) Guy Ferrandis / Légendaire – R.P. Productions

Mais nos procureur.e.s. n’en ont cure. Gauguin, Balthus, Woody Allen, Polanski : ils et elles ont mis sur pied un tribunal affranchi des règles du droit qui, pour faire la place aux femmes et aux minorités, n’épargnera bientôt aucun mâle blanc.

La confession du violeur

Sous l’influence de Cyrano de Bergerac (long, mon nez ? Non : immense. « C’est un cap. Que dis-je ? C’est une péninsule »), j’ai toujours pensé que la réaction la plus civilisée à une moquerie ou à une agression verbale était la surenchère ironique. À Caroline de Haas, qui m’accusait, sur le plateau de LCI, de faire l’apologie du viol, j’ai donc répondu par un vibrant coming out : « Je dis aux hommes : “Violez les femmes”, d’ailleurs je viole la mienne tous les jours. » Résultat : le Parti socialiste a saisi le CSA, quatre députés de la France insoumise ont fait un signalement au parquet, une pétition exigeant l’arrêt immédiat de mon émission « Répliques » a été envoyée à Radio France et toute la gauche béarnaise – des radicaux aux communistes – a réclamé la déprogrammation d’une conférence que je devais tenir à Pau le 23 novembre. Les organisateurs n’ayant pas cédé, j’ai bénéficié dès ma descente d’avion d’une protection policière rapprochée. Et deux officiers de sécurité m’ont raccompagné jusqu’à l’aéroport. La gauche qui incarna longtemps, comme le dit Jacques Julliard, l’alliance de la justice et du progrès, est-elle en train de mourir de bêtise ? Le premier degré fait-il la loi en France ? Cette patrie littéraire devient-elle une société littérale ?

Comme les Insoumis n’ont pas, malgré une démagogie effrénée, réussi à séduire les gilets jaunes de la France périphérique, ils tablent sur la France des quartiers, dont la population ne cesse de croître

Toutes les personnes qui me clouent au pilori n’ont pas pris, il est vrai, mon « cri du cœur » au pied de la lettre. Mais, proclament-elles, on ne rigole pas avec ces choses-là. Ah, bon ? Croit-on que lorsque, du fait de mon souci constant d’Israël ou de ma défense de l’identité française, on me traite de raciste voire de nazi, j’évoque, la voix tremblante, l’avant-bras tatoué de mon père ? Non, j’en rajoute et je dis que la déportation des mauvais Français est mon plus cher désir. Plus les accusations portées contre moi sont lourdes et plus ma fureur prend le ton de l’ironie.

A lire aussi : Philippe Muray contre le reste du monde

Cette indignation ridicule a dissimulé, qui plus est, le vrai scandale qui s’est produit pendant l’émission. La chercheuse militante Maboula Soumahoro développant le thème hélas rebattu du racisme d’État, Francis Szpiner l’a interpellée vivement : « Il y a du racisme en France, mais je ne vous permets pas de dire que la France est un pays raciste. » Réponse de Maboula Soumahoro : « Je suis française comme vous, je fais ce que je veux, je dis ce que je veux. » Je suis alors intervenu : « Vous êtes universitaire, vous n’êtes pas victime de la ségrégation, vous exercez dans ce pays. Ne pourriez-vous pas montrer un peu de gratitude ? » David Pujadas me demandant de m’expliquer, j’ai précisé que j’étais moi-même un enfant de parents immigrés, que j’avais fait mes études à Paris, que j’avais pu enseigner à l’école Polytechnique et que j’étais reconnaissant d’avoir un accès direct, par ma langue maternelle, à une littérature magnifique. Et j’ai demandé à Maboula Soumahoro pourquoi, quels que soient par ailleurs ses griefs, elle se refusait à dire merci. La représentante des écologistes Sandra Regol a pris alors Pujadas à témoin de l’insulte dont je venais de me rendre coupable. Le contraire de la gratitude, c’est le ressentiment, c’est la haine. Et la haine, nous a-t-on appris sur le plateau de LCI, est l’attitude désormais requise par l’antiracisme.

Cette francophobie va triompher, prévient, avec un large sourire, Maboula Soumahoro : « Vous paniquez parce que votre monde est en train de finir. » J’aimerais que cette prédiction soit fausse. Mais vu le train où va l’Histoire, je n’y mettrais pas ma main au feu.

La manifestation contre l’islamophobie

Même s’ils sont beaucoup moins nombreux que les actes antisémites ou antichrétiens, les actes antimusulmans doivent être dénoncés sans relâche et punis sans faiblesse. Mais le concept d’islamophobie est l’alibi de l’islam séparatiste et de l’islam conquérant. Ce concept installe ses utilisateurs dans le seul registre du grief et de la plainte. Peu importe qu’il y ait aujourd’hui 3 000 lieux de culte musulmans contre 900 en 1985, on s’érige en victimes d’une société et d’un État islamophobe comme si, en dépit même de toutes les violences commises au nom de l’islam, la pensée critique et la remise en question de soi devaient rester à jamais une prérogative européenne.

La présence, le 10 novembre, à la manifestation contre l’islamophobie, de nombreux écologistes et des leaders de la France insoumise témoigne de la conjonction inédite entre l’idéalisme compassionnel et le réalisme sordidement calculateur. Nos « progressistes » se portent au secours des humiliés pour mieux flatter un électorat potentiel. À chaque fois qu’il fustige le communautarisme, Jean-Luc Mélenchon vise le CRIF. Aucun risque de sécession de ce côté-là, mais il n’y a que 700 000 juifs en France pour 6 millions de musulmans. Le compte est vite fait. Et comme les Insoumis n’ont pas, malgré une démagogie effrénée, réussi à séduire les gilets jaunes de la France périphérique, ils tablent sur la France des quartiers, dont la population ne cesse de croître. Il y aura donc aux prochaines élections des listes communautaires et des listes clientélistes, c’est-à-dire communautarisées. L’ingratitude a de beaux jours devant elle.

À la première personne

Price: 14,00 €

36 used & new available from 1,45 €



Voyage au bout de la nuit - Prix Renaudot 1932

Price: 11,10 €

83 used & new available from 2,26 €


Cyrano de Bergerac

Price: 4,50 €

82 used & new available from 0,98 €

Les mauvais joueurs de la démocratie

0

Dans le monde occidental, la lutte hargneuse des minorités actives et la société des enfants rois sont en train de rendre des pays entiers ingouvernables.


Devinette : quel point commun entre les gilets jaunes, Tony Blair et les démocrates américains ? On a peine à trouver le dénominateur commun des masses colériques et des élites du village mondial. Pourtant, les uns comme les autres ont contesté un résultat démocratique sous prétexte qu’il ne leur plaisait pas, de telle sorte que nous les appellerons les « mauvais joueurs de la démocratie ».

La contestation par le bas

D’un côté, les gilets jaunes voulant faire « tomber » Macron après un an et demi de mandat seulement. J’en veux pour preuve les revendications de la révolte aux couleurs du Stabilo, parmi lesquelles la démission du gouvernement. Après l’engloutissement des îlots de revendications légitimes par la vague de petits chefs autoproclamés – Eric Drouet appelait à « marcher sur l’Elysée » – et de groupuscules violents, la haine de l’exécutif devint même le seul ciment du mouvement.

Cette délégitimation prenait entre autres appui sur l’élection fragile d’Emmanuel Macron, à seulement 18% des inscrits au premier tour de 2017. Edwy Plenel, qui incarne assez singulièrement la démocratie, déclarait le 15 avril 2018 aux côtés de Jean-Jacques Bourdin : « Vous n’avez pas été élu par une adhésion majoritaire à votre programme. Il n’y a pas une légitimité, dans tout le pays, sur votre programme ».

A lire aussi: C’est lui qui le dit: Edwy Plenel est journaliste, pas idéologue

On peut évidemment rappeler que notre président n’a été élu qu’en fonction d’un contexte de délitement politique et de quelques épiphénomènes suspects comme la mystérieuse affaire Fillon, et que de si maigres résultats auraient peut-être invité celui qui se conçoit lui-même comme le roi de l’Olympe à plus de modestie.

Néanmoins rien ne forçait les électeurs à céder au chantage moral de la presse contre Fillon, ou à la comedia antifasciste de l’entre-deux tours. L’expression de la volonté générale n’étant jamais si claire et si massive que dans les urnes, Macron a bien été élu, élection confirmée par une écrasante victoire aux législatives qui lui permet de gouverner la France sans trop d’encombres ni d’opposition sérieuse.

La contestation par le haut

De l’autre côté de l’Atlantique, la chambre des représentants s’est adonnée aux mêmes errements anti-démocratiques.

A lire aussi: La procédure de destitution de Donald Trump n’est pas légitime

Prenant prétexte d’une controverse concernant l’enquête que Trump aurait lancée contre Joe Biden avec l’aide de son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, les démocrates ont ouvert une procédure de destitution à l’encontre du président. Bien sûr c’est ici le droit – en l’occurrence l’article II de la Constitution américaine – qui est l’arme de ces mauvais joueurs-là, et non la violence des casseurs. Cette procédure démange cependant les démocrates depuis 2016, et fait suite à un procès en « illégitimité » dressé par le star-system, qui témoigne d’une mauvaise foi de la gauche américaine au point que Nancy Pelosi elle-même désapprouvait un temps l’impeachement et demandait à une jeune garde démocrate enragée d’attendre les élections pour en découdre.

D’où vient la haine de la majorité?

Dans un monde d’hyper-individualisation, la volonté générale et le processus démocratique sont battus en brèche par la société des enfants rois et la lutte hargneuse des minorités actives.

Ces mauvais joueurs de la démocratie qui rendent des continents entiers ingouvernables ne sont pas déterminés par une classe sociale. A supposer que l’on doive leur trouver un point commun, on note qu’ils viennent le plus souvent de la gauche, car on ne peut contester la démocratie qu’au nom du Bien. S’il faut s’opposer aux lois de la cité, il faut que ce soit au nom d’une loi supérieure, morale ou religieuse.

A lire aussi: Immigration, féminisme, écologie: le manuel de la bonne pensée

Il y a évidemment la gauche marxiste qui scande le fameux « élections, piège à cons » de Sartre et qui perçoit la démocratie libérale comme le cache-sexe de la reproduction bourgeoise. Mais aussi la gauche libérale des élites, qui pense qu’un vote populaire n’exprime que l’opinion des bas de plafonds du néo-fascisme rabougri qu’elle appelle « populisme », avec l’idée qu’une référence à la majorité numéraire serait le signe d’une adoration secrète des années 30.

L’idée que la majorité compte peu quand elle ne s’exprime pas comme il faut a trouvé quelques échos ces dernières années: référendum de 2005 joyeusement jeté à la poubelle à Lisbonne, activisme de Tony Blair pour refaire le vote du Brexit depuis 2017. L’anti-démocratie a séduit les élites avant de trouver sa réplique dans les masses.

Alors que toute une partie du spectre politique se contente de manger son chapeau à chaque nouvelle défaite électorale, l’autre considère la démocratie comme une foire d’empoigne dans laquelle chaque minorité active peut faire plier la majorité. Il en va malheureusement de la démocratie comme de l’amour: on peut la fantasmer seul, il faut être deux pour la faire.

L'Archipel français: Naissance dune nation multiple et divisée

Price: 23,00 €

66 used & new available from 2,52 €

Recomposition: Le nouveau monde populiste

Price: 19,00 €

31 used & new available from 2,61 €

Premier prix de gros

0

Scandale: Miss Auvergne a été éloignée du concours Miss France car elle a été jugée un peu enveloppée. Nombreux sont ceux qui crient à la grossophobie.


 

On avait déjà vacillé il y a quelques années lors de la disparition des premières dans le métro. Vous savez ce train rouge et vert qui va sous terre ; on avait frémi, égoïstement, à l’annonce de la possible mise à l’index des conducteurs refusant le covoiturage et l’autopartage; frôlé la sidération lors des débats en commission de l’Assemblée nationale autour des problèmes d’état civil des personnes transgenres ; refusé de prendre au sérieux la réduction des émissions carbone pendant la Fashion week avec l’interdiction programmée des sèche-cheveux… tous ces sujets sont vrais. Mais on n’avait visiblement encore rien vu. Voilà qu’on milite pour désormais intégrer les « jeunes filles un peu enveloppées » chez Miss France. Les lauréates arrondies aux concours de beauté. Les tailles 46, sur les podiums. Ça doit être sérieux, puisque la question d’actualité brûlante a été débattue comme il se doit chez Hanouna. La seule et dernière agora nationale visiblement valable et reconnue. Et voilà la noble institution des Miss une fois encore montrée du doigt. « Le comité refuse d’intégrer une dauphine de Miss volcan d’Auvergne (ça ne s’invente pas) pour cause de poids excessif », s’indigne le juge Cyril. « Tu as une belle gueule, lui a-t-on expliqué, mais ton corps ne passe pas. »

Sylvie Tellier suspectée de grossophobie

Et la patronne des Miss, Sylvie Tellier, obligée de se justifier en invoquant le règlement de son épreuve nationale basée sur « la recherche de l’élégance générale »,  en prenant bien soin de ne pas stigmatiser au passage l’obésité et tous ses corollaires méprisants. On n’est pas là pour faire dans le pénal.

On sait pourtant depuis Voltaire – le philosophe, pas le copain de Zadig qui vend des fringues  – que rien n’est plus relatif que la beauté. Que chacun voit le beau à son image selon ses préjugés. Mais on n’ignore pas non plus que l’esthétique a ses lois implacables. Et que les goûts du public, dans ce domaine, comme dans d’autres, sont sans appel. On ne peut donc pas en vouloir à la Tellier. 8 millions de téléspectateurs sur TF1 en décembre –  évidemment chauffés à blanc par un Jean-Pierre Foucault vibrionnant – c’est peut-être, aux yeux de l’élite, un groupe de bourrins inconséquents. Mais c’est d’abord un collège populaire composé de ménagères de moins de 50 ans – et donc de  parts disponibles de cerveaux – qui n’éliront jamais une grosse dame. Pardon, une personne issue de la diversité des épanouis.

A lire aussi, du même auteur: Télé, tes stars foutent le camp

Même si l’albacore garde ses partisans, malgré les méfaits des métaux lourds.

Par-delà la vacuité abyssale de cette nouvelle polémique pour le moins grotesque, on peut s’interroger sur l’intérêt de piétiner la norme en prônant l’intégration à tout crin au nom de notre société inclusive. Doit-on faire fantasmer aussi les rondes en leur promettant le grand soir? D’une manière plus générale doit-on laisser rêver la multitude de l’inaccessible, alors qu’on sait pertinemment qu’on n’a pas les moyens de faire monter la majorité aux sommets de l’élite ?

Est-ce qu’agir de la sorte n’est finalement pas plus risqué que mettre des barrières clairement établies à l’entrée?

La beauté est discriminante

Apres tout, tout le monde n’est pas beau. Tout le monde n’est pas mince, ou capable de répondre aux questions aiguisées de Jean-Pierre Foucault un soir de prime. Tout le monde n’est pas apte à tenir un micro pendant sept heures, en bras de chemise, devant des élus du peuple, ou à faire rempart de son corps en incarnant la République en s’opposant en gueulant à une perquisition. Tout le monde n’est pas non plus Zidane ou Mbappé.

A lire aussi: La fureur de Yann Barthès contre Valeurs actuelles

Et pourtant, comme le dit très justement Marie-Anne Chazel dans un des chefs-d’œuvre du cinéma français « chaque pot à son couvercle ». Voici finalement l’enseignement principal de cette affaire majeure: il faut de tout pour faire un monde. Tout le monde à sa place. Encore faut-il savoir humblement la choisir. Et ce n’est pas en détruisant les différences, en uniformisant la société, en la repassant pour en chasser tous ses plis,  qu’on donnera plus de chance à autrui de l’intégrer. Au nom de l’assimilation et de la diversité, on risque même de gommer ce qui fait le sel de la vie, la différence et les saveurs. À force de ne plus supporter ce qui dépasse, vous verrez qu’un jour, on n’acceptera plus la moindre aspérité. On détestera tellement les élites qu’on fera rentrer des critères dans les concours qui n’auront rien à voir avec la quête de l’excellence. On supprimera le défilé Victoria’s Secret en coupant les ailes aux anges, on fera taire les cloches d’églises à la campagne, les V-Twin Harley en ville, les cigales en garrigues. On mettra les lions en sourdine. Histoire d’en finir définitivement avec les rugissements ridicules et beaucoup trop virils du roi des animaux (illégitime d’ailleurs, car non élu à la proportionnelle). On interdira surtout les périodes de brame des cerfs. Ces animaux cornus et gueulards, qui draguent en sous-bois en multipliant les aventures avec des partenaires multiples. Ce jour-là, tout ira beaucoup mieux.  Les jeunes se déplaceront tous en patinette volante, les vieux en calèche sur coussin d’air. On travaillera tous en flex-work et en open space  en direct de nos Hepad  jusqu’à 90 piges. Sylvie Tellier aura revendu Miss France à Agathe de Fontenay, la jolie fille de Xavier, il y a belle lurette. Et il n’y aura plus de « grossophobie » depuis  longtemps, car les organisateurs de concours de beauté auront pris le sculpteur Bottero comme mètre étalon. La connerie comme unité de mesure. On sera tous moches, car on aura supprimé la beauté et ses critères discriminants. Tous vegan, tous lisses, mais qu’est-ce qu’on sera mieux.

Pradié, c’est Marlène Schiappa chez les LR

0

Le nouveau secrétaire général des Républicains Aurélien Pradié a décidé d’exclure du parti Erik Tegnér, coupable de frayer avec la droite de la droite. Le jeune député du Lot, lui, a tout d’un progressiste !


Rassembler, rassembler, rassembler. Tels étaient les trois mots d’ordre de la campagne interne de Christian Jacob, désignant en creux le caractère trop clivant de ses deux adversaires: Julien Aubert et Guillaume Larrivé. Son meilleur atout, résumait joliment Mediapart, était de ne s’être prononcé sur rien.

Rassembleur toi-même!

Mais, il faut toujours se méfier. Lorsqu’un chiraquien parle de rassemblement, il se prépare toujours un repli et une volonté d’exclusion. En 1990, Alain Juppé fustigeait le duo Pasqua-Séguin, coupable de vouloir instaurer un « Front national bis », et prenait la décision d’exclure Alain Carignon, parce que ce dernier appelait à voter PS contre le FN dans une cantonale partielle à Villeurbanne. En 2002, Chirac la jouait front républicain et était élu avec toutes les voix de gauche contre la Bête immonde. Puis n’ouvrait à personne et construisait un gouvernement 100% UMP! Dans le Jura en 1998, le secrétaire départemental et député chiraquien proposait d’exclure un secrétaire de circonscription pour avoir tenu des propos désobligeants sur Jacques Chirac dans une lettre de… démission.

A lire aussi: David Desgouilles: Ce qui se cache derrière la « Baroin mania »

Il y avait donc bien des raisons de se méfier pour tous des militants LR tenant un discours différent du président élu. Et c’est Erik Tegnér qui en a fait les frais. Celui-ci a appris il y a quelques jours qu’il faisait l’objet d’une procédure d’exclusion, dans une lettre signée par la présidente de la fédération LR de Paris, Agnès Evren. Celle-ci dit avoir été saisie par Aurélien Pradié, nouveau secrétaire général, nommé par Christian Jacob.

Aurélien Pradié, fort avec les faibles

Quel est le crime de Tegnér ? A-t-il soutenu un autre candidat que celui investi par son parti dans telle ou telle élection ? Pas du tout ! A-t-il tenu des propos désobligeants envers la direction de LR ? Encore moins ! Il a seulement développé une stratégie d’alliance alternative, sans jamais la mettre en œuvre. Il fait ainsi vivre le débat démocratique interne, comme chaque adhérent a le droit voire le devoir de le faire.


Alors que la droite est terriblement affaiblie, ladite stratégie – dite d’union des droites – ne me semble pas être la plus adaptée, dans le contexte de disparition du clivage droite-gauche et de sa substitution par le clivage bloc élitaire versus bloc populaire, cher à Jérôme Sainte-Marie (je vous renvoie à la lecture du dernier numéro de Causeur en kiosque depuis mercredi). Mais exclure Erik Tegnér parce qu’il a donné son avis, c’est ériger un délit d’opinion. Rassembler, qu’il disait… Julien Aubert et Guillaume Larrivé ont d’ailleurs apporté leur soutien à Erik Tegnér, alors qu’ils ne partagent pas cette stratégie d’union des droites.

A lire aussi: C’est tout bête, il manquerait à Emmanuel Macron un Jack Lang

En fait, ce qui doit intéresser l’observateur, ce n’est pas tant le sort réservé à un militant de base que la personnalité du nouveau secrétaire général. Aurélien Pradié s’est donc attaqué à un jeune militant à la langue un peu trop pendue. Fort avec les faibles.

Goût du buzz

Aurélien Pradié explique à qui veut bien l’entendre que LR doit désormais abandonner les terrains régaliens trop sulfureux qu’occupait Laurent Wauquiez, pour d’autres, plus consensuels. Ainsi, il s’enorgueillit d’avoir grillé la politesse à LREM à propos de deux sujets: les violences conjugales et le handicap. Le parti macroniste s’en est d’ailleurs ému, dénonçant le goût du buzz du député du Lot.

Pradié aurait-il pour ambition de devenir la Marlène Schiappa des LR? Et si, pour ne surtout pas passer pour un archaïque, pour ne pas se voir accusé d’être conservateur, le nouveau secrétaire général décidait de surprendre davantage encore, en faisant rédiger les mails internes de la Rue de Vaugirard en écriture inclusive? Imaginez alors la tête que feraient certains des soutiens de Christian Jacob, au siège national du parti ou dans les fédés!

A lire aussi: Un Asperger peut-il devenir maire?

Les dernières investitures le montrent: s’associer avec LREM ne gêne aucunement la nouvelle direction des Républicains. Ce qui ajoute d’ailleurs au scandale de la procédure lancée contre Tegnér. Proposer qu’on s’allie avec le RN vaut exclusion, mais s’allier carrément avec LREM est validé. Allez comprendre! Comme nous l’avons expliqué récemmentil s’agit pour la nouvelle direction de concurrencer le parti du président sur le terrain électoral du « bloc élitaire », en misant toutes ses cartes sur l’effondrement personnel d’Emmanuel Macron. Attention, si ce coup de poker ne fonctionne pas, LR vivra le destin du PRG. Pour un secrétaire général originaire du Quercy, pays de Maurice Faure, la boucle serait bouclée.

CCIF vs Waintraub: notre consœur relaxée


Le Tribunal de Grande Instance de Paris a statué le 25 novembre dernier


Le 25 novembre, la journaliste du Figaro Magazine Judith Waintraub, accusée de diffamation pour avoir qualifié le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) d’« officine salafiste […] au service de l’islamisation de la France », a été relaxée. Après quatre ans de procédure, l’évidence politique est devenue une vérité judiciaire.

Les faits reprochés à Judith Waintraub remontent au début de l’été 2015, six mois après les attentats de Charlie hebdo et de l’Hyper Cacher. Le 26 juin, Yassin Salhi, un chauffeur livreur, kidnappe son employeur et le décapite avant de foncer avec sa camionnette dans une usine de production de gaz industriel à Saint-Quentin-Fallavier (Isère), espérant la faire exploser pour provoquer une tuerie de masse.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Charlie Hebdo caricatural?

Cet attentat islamiste est le premier cas de décapitation en France. L’opinion publique est sous le choc.

Dans ce contexte, Le Figaro interviewe Pascal Bruckner. Judith Waintraub publie alors sur Twitter un lien vers cet entretien avec un extrait d’une phrase de l’essayiste: « Pourquoi n’a-t-on pas dissous le #CCIF, une pure officine salafiste ? »

Puis Waintraub répond à un twitto qui lui cherche querelle : « Si vous ne voyez pas que le #CCIF est un instrument de propagande au service d’un projet d’islamisation de la France, j’abandonne. »

A lire aussi : L’Obs accuse le mouvement #Exmuslim d’être récupéré… par l’extrême droite

Trois mois plus tard (soit quelques jours avant la fin du délai légal), le CCIF dépose plainte devant le tribunal de grande instance de Paris pour diffamation publique. Au-delà du jugement rendu le 25 novembre, les arguments des juges méritent qu’on s’y arrête. Pour le tribunal, « force est de constater que le salafisme […] est un courant religieux fondé sur une lecture littérale des textes fondateurs de l’islam. […] Appartenir à ce courant ne saurait donc […] porter atteinte à l’honneur […] et ne traduit en rien la constitution d’une infraction pénale. » Les magistrats expliquent en outre que « le fait de vouloir “islamiser” la France ne peut en l’absence d’autres détails ou éléments factuels, être considéré comme insinuant la commission d’infractions pénales ». En somme, si le CCIF estime que l’étiquette de salafiste constitue une atteinte à l’honneur, les juges d’un État « islamophobe » déclarent cette mouvance rigoriste parfaitement compatible avec la loi française. Et c’est ainsi qu’Allah est grand.

Moi, homosexuel de culture musulmane, la République m’a lâché!

0

Face à l’oppression des femmes, des homosexuels, des juifs qui sont arrivés en France avec nous et, à présent, des chrétiens d’Irak exilés à Sarcelles, la République laisse faire. Nader Allouche, signataire de la tribune des 101 musulmans contre le voile, réagit.


La France, aujourd’hui, je l’appelle bien amèrement la « République des lâcheurs ». Combien de fois m’a-t-elle lâché et abandonné à mes oppresseurs, ces islamistes dont elle autorise les défilés dans la capitale des Lumières, où je me suis réfugié? A cette question rhétorique, je ne saurai répondre, tant elle n’a manqué les occasions de nous lâcher, nous autres, les « éclairés », les philosophes et les minorités de l’islam.

Contre les femmes et les homosexuels

Face à l’oppression des femmes, des homosexuels, des juifs qui sont arrivés en France avec nous et, à présent, des chrétiens d’Irak exilés à Sarcelles, la République a laissé faire.

Que n’a-t-on parlé, pendant le Grenelle contre les violences conjugales, de ces centaines de milliers de femmes musulmanes ou « ex-muslims » martyrisées par leur conjoint, d’une violence tout droit inspirée du Coran, comme au verset 34 de la sourate « Les femmes » : « les hommes ont autorité sur les femmes en raison des faveurs qu’Allah accorde à ceux-ci sur celles-là… Quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez les, quittez leur lit et, sinon, frappez les… ». Il en va de même du viol conjugal, si l’on en croit le verset 223 de la sourate « La vache » : « vos épouses sont comme un champ de labour pour vous ; allez à votre champ comme et quand vous le voulez… ». Cette sourate porte décidément bien son nom : oh la vache!

A lire aussi : En France, l’homosexualité reste une «maladie» ou une «perversion» pour 63% des musulmans

La violence contre les femmes, je l’ai vécue dans mon intimité. C’est une violence véhiculée par notre culture religieuse, banalisée pour ne pas dire normalisée par le Coran. A l’école primaire que j’ai fréquentée, trop de mères et trop de camarades étaient concernées. Je me souviens encore des discussions entre elles et maman, à la sortie de l’établissement, où elles essayaient de décompresser.

Des ratonnades anti-homos

La violence, je l’ai subie, jeune homme, en région parisienne. La violence homophobe de mes coreligionnaires, qui m’a contraint à m’exiler deux fois : du 18ème arrondissement, puis de Nanterre.

Quand j’ai découvert le terrible reportage de France sur 2 sur Lyes, un habitant homosexuel de Gennevilliers, j’ai eu, paradoxalement, un soupir de soulagement. Car j’ai pensé qu’enfin, on parlait de nous.

J’ai eu la chance, grâce à mes études et aux milieux qu’elles m’ont faits intégrer, d’être beaucoup moins exposé que Lyes. Ma vie n’a pas été un enfer, mais elle a été un parcours du combattant : combien de quartiers où je m’interdis d’aller pour éviter de revivre des scènes passées? Arrivé au croisement de Barbès, en direction de Marcadet-Poissonniers, je sais qu’il faut prendre le trottoir de gauche et qu’il faut traverser le plus rapidement possible le boulevard Barbès, afin d’arriver sur la rue Ordener, où, contrairement au boulevard Ornano, je pourrai trouver de l’aide en cas de problème. Paris est devenu comme un emmental : il y a des « trous » dans lequels je dois éviter de tomber. C’est aussi pour cette raison que je milite en faveur de Pierre-Yves Bournazel pour les élections municipales à Paris.

SOS Homophobie aux abonnés absents

Qu’a fait la République pour nous protéger, mes semblables et moi, qui sommes à l’avant-garde des valeurs françaises face à l’entrisme de l’islam orthodoxe? Le Grenelle contre les violences conjugales a oublié nos mères et nos sœurs, et le marché complètement dérégulé de l’immobilier à Paris nous a fermé les portes des ilots « protégés » et trop chers.  De son côté, la mairie de Paris nous propose de rejoindre les « zones » (en plein boboland) du 11ème et du 15ème arrondissements, où Mireille Knoll a été tuée et où les rixes entre bandes rivales peuvent se retourner contre le premier homosexuel au mauvais endroit, au mauvais moment.

Ce qui me choque le plus, c’est qu’on mette en doute l’origine de cette violence ou, comme Jérémy Faledam, le coprésident de SOS Homophobie, qu’on accuse de « réacs » les personnes qui, comme moi, lancent des appels vigoureux à combattre l’homophobie des banlieues musulmanes. Quand Monsieur Faledam déclare ceci : « sans nier le fait qu’il y a un sujet sur l’homophobie dans les banlieues, nous regrettons que cette situation soit, une fois de plus, un prétexte pour les réactionnaires de stigmatiser les banlieues », il nous condamne, nous autres homosexuels musulmans.

Doit-on rappeler le discours de l’islam sur l’homosexualité? Pour reprendre les termes du Coran, il s’agit d’une « turpitude », et Dieu a puni les membres du peuple homosexuel de Lot en les exterminant par une pluie de pierres (proche de la mort par lapidation que la charia recommande contre les « fornicateurs »). C’est pourquoi, d’ailleurs, nombre de pays musulmans nous condamnent encore à mort. Ce discours religieux nourrit les préjugés des musulmans « pieux » de France contre les homosexuels.

Un Ilan Halimi gay ?

Je pose cette question désespérée : va-t-on attendre un Ilan Halimi « gay » pour réagir, et mes alertes font-elles vraiment de moi un réac islamophobe? J’espère, chers compatriotes français, qu’enfin, vous comprendrez que nous ne sommes ni réacs, ni fachos, seulement des opprimés qui vous appelons à l’aide.

Philippe Muray contre le reste du monde


Le troisième tome du Journal de Philippe Muray couvre une période charnière (1989-1991) durant laquelle il rompt avec ses parrains. Sûr de son génie, l’écrivain conjugue le style célinien et l’ambition balzacienne pour déclarer la guerre à son temps. Ainsi commence le combat de Muray contre le reste du monde.


Lire un journal intime, particulièrement celui d’un écrivain et particulièrement celui de Philippe Muray, c’est s’exposer d’emblée à une dissonance temporelle et mentale. Les phrases écrites au fil du temps, au rythme de la vie, au gré des tours, détours et retours de la pensée, nous parviennent – d’outre-tombe– comme un texte achevé dont la cohérence de fer, malgré toutes sortes de contradictions, semble presque miraculeuse. Ce qui l’est tout autant, c’est qu’avec trente ans d’avance, Muray voit naître le nouveau monde et ses fondations en forme d’oxymore : mort de Dieu et déploiement universel de la bondieuserie, minorités hargneuses et opprimées, culte de l’individu et haine de la singularité. Il s’amuse de voir une même société passer en quelques mois « de la protestation vertueuse en faveur de Rushdie, à l’indignation également vertueuse contre tout énoncé sexiste » (17 janvier 1990).

Page après page, Muray devient Muray…

Mort de la transcendance, mort de l’art, mort de la littérature, mort du sexe. Muray ne cesse jamais de payer sa dette – d’autant que, comme tous les artistes, il préfère les rivaux morts aux vivants. Cependant, composer l’oraison funèbre du monde ancien ne l’intéresse pas, ce qu’il veut, c’est baptiser le nouveau en forgeant les catégories et les concepts qui permettront de le penser.

A lire aussi: Causeur #74: Muray, Art de destruction massive

Page après page, Muray devient Muray, sa voix s’éclaircit, son écriture se trempe dans l’acide. La fin de l’Histoire pointe son nez, le Parti Dévot Global annonce l’Empire du Bien. Il fait son miel des célébrations du bicentenaire de 1789, rappelant le mot de Napoléon à Las Cases : « La Terreur, en France, a commencé le 4 août. » Tout en observant que cette Révolution qui lui inspire une franche aversion ne peut même plus être un objet de discussion : « Que signifie-t-elle, à l’époque où les scooters des mers tranchent les cous bien plus efficacement et joyeusement que la guillotine ? Comment s’enthousiasmer pour les sans-culottes quand les filles, sur les plages, se promènent sans slip ? » (20 août 1989) Fin 1989, il suit avec passion les événements de Roumanie et la fin télévisée des Ceausescu : « La Société de Pacotille médiatique a enfin trouvé son contraire hideux. L’avertissement que le Spectacle adresse à ses ennemis est clair : qui n’est pas avec nous est avec ces deux monstres condamnés par le sens de l’Histoire, et finira comme eux, un jour ou l’autre, criblé de balles au pied d’un mur. »

L’édition coupable de vouloir tuer la littérature

Si l’abattement, la prostration, la conviction d’avoir tout raté (à 45 ans) reprennent régulièrement le dessus – il lui arrive même d’être carrément pleurnichard –, une certitude résiste : celle d’être un génie. Le seul vivant. « Le seul mot qui devrait être interdit de pluriel » : écrivain. (20 mars 1989). « Relu Rubens hier et aujourd’hui. Mon impression ? Chef-d’œuvre. » (4 janvier 1991 [tooltips content= »La Gloire de Rubens, paraît chez Grasset en 1991. « ](1)[/tooltips]). Ses ailes de géant ne l’empêchent d’être mortifié par le silence de plomb qui accueille La Gloire de Rubens, comme Postérité, trois ans plus tôt. Il ne pardonne pas ce double échec à Bernard-Henri Lévy et à Grasset. « On n’a plus besoin de perdre ses manuscrits à la Bastille, de nos jours (comme Sade et les Cent vingt journées, Ndlr), pour assister à leur disparition corps et biens ; il suffit de les publier chez Grasset. » (24 mai 1991). Et quelques jours plus tard, le 28 mai, il conclut : « Je n’ai pas les moyens sociaux de mes moyens intellectuels. C’est-à-dire : je ne suis pas employé d’édition, journaliste, etc. Et pourtant, littéralement, esthétiquement, j’ai raison. Donc je suis foutu. » Il lui arrive même de se plaindre de ce que son téléphone ne sonne pas.

A lire aussi: La veuve de Louis-Ferdinand Céline, Lucette, est morte

Le récit récurrent de ses démêlés avec Grasset et avec l’édition tout entière, coupable de vouloir tuer la littérature, nourrit un mimétisme plus ou moins conscient avec celui qu’il a élu comme double maudit : Céline, dont il relit inlassablement Mort à Crédit et Guignol’s Band. « Céline pendant qu’il écrit Mort à crédit : « Il a fallu aussi remonter franchement tout le ton sur le plan du délire. Alors les choses s’emboutissent naturellement.”[…] Ce sera désormais son unique souci esthétique, son seul impératif catégorique. Si pas délire (grossissement, densité, émotion, passage au “direct”), rien. » Pendant quelques mois, Muray s’essaie au délire et fait un usage immodéré des points d’exclamation et de suspension. Mais l’invective et l’émotionnant ne sont pas son registre, ce ton remonté lui sied moins que la férocité joyeuse et bouillonnante qui deviendra sa véritable voix.

En guerre contre son époque

Si Céline est son maître pour le style et pour l’antagonisme radical, pour le programme, il se tourne vers Balzac. Lequel parle, dans un article de 1832, de « tous ceux qui trouvent chez eux quelque chose après le désenchantement ».« Il y a en effet deux espèces, deux catégories, note Muray, ceux pour qui il n’existe rien après le désenchantement, et ceux pour qui tout commence. Toute mon entreprise est de faire sentir la richesse et la joie de l’au-delà du désenchantement. » (5 février 1989). Déniaiser tous ceux qui se laissent ensorceler par le kitsch, comme s’il était le réel : il sera jusqu’au bout fidèle à cette ambition.

Au moment où s’ouvre ce volume, début 1989, la messe est dite : ce sera Muray contre le reste du monde. Sa rage a parfois des accents puérils : « Chaque minute où tu n’écris pas est un jour de joie pour eux. » (15 janvier 1989).

Muray est en guerre contre son époque. Mais l’époque ne le sait pas.

"Portrait de Honore de Balzac (1799-1850)" Peinture de Louis Boulanger (1806-1867) 19eme siecle. Tours. Musee Des Beaux Arts (c) Photo Josse / Leemage
« Portrait de Honore de Balzac (1799-1850) » Peinture de Louis Boulanger (1806-1867) 19eme siecle. Tours. Musee Des Beaux Arts
(c) Photo Josse / Leemage

Tout l’intérêt de ce volume est précisément qu’il couvre une période charnière. Il a déjà fourbi les armes qui constitueront les motifs lancinants de son œuvre future. Et pour qui a vraiment lu Le xixe siècle et Postérité, son entreprise de dynamitage est déjà une évidence. Cependant, tel un marrane, il déjeune et devise le jour avec ceux qu’il exècre la nuit, furieux contre eux et contre lui du besoin qu’il a encore d’eux. C’est Dr Philippe et Mr Muray. À le lire, on comprend que, dans les coteries ex-avant-gardistes qu’il fréquente – Sollers et la bande des anciens de Tel quel, Jacques Henric, Catherine Millet et Art Press, BHL, Enthoven et Grasset – son charme, son érudition et son talent de société font merveille au point que la plupart le prendront longtemps pour un des leurs.

Sollers onctueux, Lévy urbain…

Ainsi, il collabore très régulièrement avec « les crétins de Globe », un journal pourtant complice par son enthousiasme de ce qui est pour Muray, avec la mort de ses parents et l’échec de Postérité, l’une des trois catastrophes de cette période : l’élection de François Mitterrand. « Mon allergie pour lui a été si absolue, si instantanée, si sincère en somme, et si naturelle, que je n’en parle plus jamais, elle n’a aucun intérêt. » (3 octobre 1991). En 1989, plusieurs de ses articles pour Globe passent à la trappe, notamment un magnifique texte sur Sade. Il rompt par un « poulet » (une missive, pas une volaille) lapidaire en novembre. Et quelques mois plus tard, en janvier 1990, on voit de nouveau apparaître dans le Journal un texte destiné au magazine sur la terreur que lui inspire la conspiration des marieurs. Et de citer l’explication que Degas donne de son célibat :« J’aurais eu trop peur d’entendre ma femme me dire : c’est joli ce que tu as fait là. » Muray finira par épouser N. et celle-ci ne lui dira jamais, bien sûr, qu’il a écrit un joli livre. Après parution du texte dans Globe, il découvre comment il a été mis à la longueur voulue : « Ils me coupent toutes mes fins de phrases, mes articulations en douceur, ils éludent mes nuances, mes équivoques, mon velouté, mes rimes, mes rythmes. » Qu’il se contente de cette protestation silencieuse est sidérant pour quiconque le connaîtra dix ans plus tard, à l’âge de la souveraineté, capable de faire une scène effroyable pour une virgule manquante. On mesure l’effort que lui a demandé l’avalage répété de telles couleuvres.

A lire aussi: Sollers, voyant

Alors, il se venge sans attendre que le plat refroidisse. Dans la clandestinité de son bureau, il peint, derrière l’onctuosité de Sollers et l’urbanité de Lévy, les manigances, les petites appropriations, les jeux de pouvoir, les batailles d’influence, les services rendus, les ascenseurs renvoyés, les louanges exigées. « Pour me décider à prendre en main la réalisation d’un numéro de L’Infini sur la Révolution, il y a deux ans, Sollers me faisait miroiter la perspective d’avoir à ma disposition du papier à en-tête de Gallimard. » (18 février 1990). Ils croient me contrôler parce que j’ai besoin d’eux, mais je suis libre, écrit-il de mille manières. Trente ans après, on est vaguement gêné par la duplicité. Alors que la plupart de ses cibles de l’époque ont perdu leur superbe et leur pouvoir, les missiles à retardement de Muray ne s’écrasent-ils pas sur des ambulances ?

Ces trois années sont donc celles de la séparation, c’est-à-dire de la délivrance. Avec L’Empire du Bien, qui paraît à l’automne 1991 aux Belles Lettres, Muray brûle ses vaisseaux. Il tombe les masques. C’est qu’entre-temps, il a enfin rencontré l’éditeur que son œuvre méritait. Ses lecteurs devraient ériger une statue à la gloire de Michel Desgranges (voir le portrait de Daoud Boughezala dans le n°74 du magazine). Du reste, Muray se reproche de ne pas l’avoir fait. Le 27 août 1991, il se retourne sur le chemin parcouru et ne voit que des ratages. « Quand un écrivain de quarante-six ans ouvre les yeux et récapitule toutce dont il a omis de parler, depuis plus de vingt ans qu’il écrit, le vertige l’envahit.[…] Il prétendait comprendre le monde, mais le monde lui a échappé. Il est allé chercher midi à quatorze heures.[…] Eh bien (il ne s’en aperçoit que maintenant), le personnage de Desgranges, le patron des Belles Lettres, devrait avoir été l’occasion, et depuis longtemps, d’un grand morceau de bravoure à la La Bruyère. C’était son devoir de le faire.» Muray mourra en 2006 sans avoir accompli ce devoir. Mais son amitié avec Desgranges avec qui il déjeune une fois par mois à La Marlotte, rue du Cherche-Midi, ne faiblira jamais.

Obsessions

On ne saurait conclure ce vagabondage à travers le Journal sans évoquer deux obsessions qui ne quittent jamais Muray : le temps et les femmes. Deux obsessions d’ailleurs étroitement liées, car les femmes sont les principales voleuses de temps, les femmes qui, pour paraphraser Sade, veulent être fécondées et non « foutues », les femmes et leur demande d’amour et de mariage. De tels propos lui vaudraient aujourd’hui d’interminables procès en misogynie et sexisme si les duègnes du néo-féminisme le lisaient.

Les femmes, Muray est contre, tout contre, il les abomine et ne peut se passer d’elles – cul, con et cerveau. Il aime les posséder et plus encore écrire qu’il les possède. Cependant, elles sont ses seules interlocutrices, ses adversaires et complices de prédilection, à l’image de N., « la chienne de tête ». « Il faudrait que je fasse la revue de détail et l’étude approfondie de toutes les ruptures qui m’ont paru nécessaires (et même, dans certains cas, indispensables à ma survie) dans les dix dernières années. Roche, États-Unis, Bourgadier-Denoël, Sollers, Lévy, Scarpetta, tout le monde finalement. Mais dans cette liste on notera qu’il n’y a pas une seule femme. » (13 juillet 1991). Elles lui inspirent des aphorismes tranchants – ou saignants: « On peut introduire bien des choses dans une femme, mais pas le doute. » (5 juin 1991). Ou encore : « L’incompatibilité, le principe d’incompatibilité reconnu et cultivé, entre un homme et une femme, est la seule garantie de la liberté. » (13 septembre 1991). Encore une blague pour la route ? S’adressant à un certain François, il remarque : « Tu es père […] parce que tu aimes transmettre…Moi, c’est mettre que je veux. » (4 février 1991).

Et c’est ainsi que Muray est grand.


La gloire de Rubens

Price: 26,00 €

18 used & new available from 17,99 €




L'empire du bien

Price: 8,00 €

20 used & new available from 4,01 €

Un Asperger peut-il devenir maire?

0

 


Lors d’une interview, un journaliste a “osé” demander au candidat à la mairie de Paris Cédric Villani s’il souffrait d’autisme. Toute la bonne presse s’en indigne. En ces temps inclusifs, l’autisme serait même un atout, à entendre certains commentateurs!


Nous parlions récemment des projets éducatifs de Benjamin Griveaux, candidat LREM à la mairie de Paris en difficulté. Sur son chemin, on le sait, Cédric Villani maintient une candidature dissidente. Il a apparemment un sacré ego. Et selon Le Point, il inquiète même ses proches. La semaine passée, le mathématicien surdoué était interrogé sur son autisme supposé par l’émission de télévision Quotidien. En effet, nombreux sont les observateurs à murmurer que Villani pourrait être atteint du syndrome d’Asperger. 

Apprenez à identifier les signes d’Asperger

Les signes qui plaident pour cette hypothèse sont notamment l’habillement saugrenu, le phrasé étrange ou farfelu et les échanges déconcertants avec autrui (certains diront difficiles). Autant de traits communs à de nombreuses personnes atteintes du syndrome… Enfin, ce qui est plus connu depuis Rain man, de nombreux Asperger développent des facultés impressionnantes sur un domaine spécifique – par exemple dans les sciences – en compensation de leur inaptitude sociale…

« Vous me demandez si je suis autiste ? Je ne sais pas. Je ne me suis jamais fait diagnostiquer. Je n’ai jamais éprouvé le besoin de me faire diagnostiquer. Et qu’est ce que ça changerait ? »

Peu importe! Villani affirme ne pas avoir demandé un diagnostic au corps médical.  Cela va très bien ainsi, merci.

Je vous sens troublé

En ces temps inclusifs, poser la question de l’autisme est perçu comme un affront, voire un début de discrimination. Il y a quelques décennies, un tel syndrome aurait probablement écarté tout candidat à d’importantes fonctions électives. En 2019, au contraire, le troupeau habituel des vigilants s’empresse de nous rappeler – dans les médias ou sur les réseaux sociaux –  la bonne conduite que l’électeur doit adopter. En aucun cas, le citoyen ne peut se demander dans l’isoloir s’il est opportun d’élire un maire Asperger. Rappelons qu’Anne Hidalgo n’a tout de même pas les codes nucléaires…

A lire aussi: Villani, Macron: l’uberisation de notre vie politique s’accélère

Entendons-nous bien, Villani a bien fait la preuve de ses compétences politiques. Mais c’est cet empressement à vouloir circonvenir toute parole qui s’écarterait de l’acceptation à bras ouverts d’une telle pathologie qui interroge. Après un intense lobbying, ce qui était considéré comme un handicap mental est depuis 2013 classé dans une catégorie moins infamante par l’Association américaine de psychiatrie: “les troubles du spectre de l’autisme”. Un éventuel maire de Paris Asperger ne doit donc plus nous troubler.

Mobilisation des préfets contre l’islamisme, pas en avant ou pas d’amalgame?

0

La timidité face à l’islamisme ne permettra pas d’en venir à bout. Aurélien Marq, polytechnicien, haut-fonctionnaire en charge de questions de sécurité, dévoile les cinq problèmes que Christophe Castaner doit résoudre.


Jeudi 28 novembre, Christophe Castaner a réuni 125 préfets place Beauvau pour leur déclarer que « la radicalisation et le terrorisme [étaient] les symptômes les plus graves d’un mal plus profond qui touche trop de nos quartiers.  » Il ajouta : «  Je veux parler de l’islamisme et du communautarisme. » Belle évolution de la part d’un ministre qui, il y a moins de deux mois, affirmait au Sénat : « Chacun ici sait que personne ne fait de lien entre la religion musulmane et le terrorisme, ni même entre la religion musulmane, la radicalisation, et le terrorisme. »

Hydre islamiste, droit devant !

Alors, cette « action coordonnée pour lutter contre la radicalisation et recréer la cohésion sociale », prise de conscience salutaire ou poudre aux yeux ? C’est que les Français finissent par se lasser des déclarations d’intention jamais suivies d’effets, à l’image de ce que furent les discours d’Emmanuel Macron aux obsèques d’Arnaud Beltrame, puis un an plus tard sa déclaration sur « l’hydre islamiste ». Pour dépasser ce stade, les mesures du ministre de l’Intérieur devront surmonter cinq problèmes : un problème de cohérence, un problème judiciaire, un problème culturel, un problème d’analyse de fond, et un problème de sens.

A lire aussi: Attentat à la Préfecture: c’est trop facile d’accuser Castaner

Problème de cohérence : l’Etat ne peut pas prétendre lutter contre le communautarisme si « en même temps » il en tolère voire en finance la promotion. Que deviennent les avantages fiscaux dont bénéficie le Qatar ? Pourquoi concentrer la méfiance sur RT France plutôt que sur AJ+ ? Où en est l’interdiction des Frères Musulmans et de leurs affidés ? Parle-t-on enfin de la dissolution du CRAN et de la LDNA ? Et du PIR ? Qu’en est-il des subventions abondamment versées à l’UNEF ? Aux syndicats qui ont soutenu la « marche contre l’islamophobie » ? A Sud rail, dont un représentant lors de cette marche de la honte a revendiqué le droit de ne pas serrer la main des femmes ? Et je pourrais y ajouter ces innombrables associations locales bénéficiant des largesses municipales – les élections approchent – et du clientélisme électoral, dont chaque « affaire du voile » nous rappelle la nocivité. A propos du voile, la neutralité du temps scolaire et des accompagnateurs, où en est-ton ? LREM est contre…. Au fait, Aurélien Taché est toujours membre de la majorité ?

Problème juridique et judiciaire : combattre l’infiltration endémique des islamistes et des communautaristes dans des milieux professionnels et/ou associatifs, c’est se heurter aux lois contre les discriminations, ou du moins à leur interprétation par certains magistrats pour lesquels « la société » est par nature toujours coupable. Comme l’expliquait Mohamed Sifaoui, 10 jours avant l’attentat de la Préfecture de Police l’administration n’aurait pas pu licencier Mickaël Harpon, la justice y aurait vu discrimination d’un « racisé » handicapé converti à l’islam ! Que faut-il donc penser d’un combat contre l’islamisme qui « en aucun cas ne devra avoir pour effet de stigmatiser une personne ou un groupe de personnes à raison (…) de leur appartenance à (…) une religion déterminée, ni de s’apparenter à une quelconque discrimination. » Faut-il appliquer aux bouddhistes la même méfiance qu’aux salafistes ? Faut-il mettre sur le même plan le Tao Te King et les livres sur le tawhid proclamant que tous les non-musulmans sont voués à l’enfer éternel ?

C’est aussi se heurter à des réseaux qui ne manquent pas de moyens financiers et n’hésitent pas à recourir au jihad judiciaire. La Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, était présente au séminaire organisé par son homologue de l’Intérieur. Va-t-elle donner des directives pour inciter les magistrats à faire usage de l’article 472 du Code de Procédure Pénale concernant l’abus de droit, pour contraindre les adeptes du jihad judiciaire à prendre en charge les frais de justice de leurs victimes ?

La peur, notre plus grande faiblesse?

De plus, lorsque le ministre de l’Intérieur déclare vouloir une politique de mixité sociale, qu’il se souvienne qu’en l’absence de fermeté judiciaire cela revient à mélanger les moutons et les loups : lorsque la peur de la sanction ne remplit plus son rôle, le « vivre ensemble » n’est qu’un jeu de massacre.

Problème culturel : l’État peut beaucoup, mais il ne peut pas tout, et les Français auraient grand tort de se défausser de leurs responsabilités sur lui. La peur de l’accusation d’islamophobie est notre plus grande faiblesse, et la plus grande arme de nos ennemis : elle interdit de voir ce que l’on voit, et plus encore de dire ce que l’on voit. Elle sert à faire taire les musulmans réformateurs comme les apostats de l’islam, elle sert à entretenir le déni, elle conduit à sacraliser l’intolérance. Mais elle n’est forte que si nous sommes faibles, que si collectivement nous choisissons de nous y soumettre.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Charlie Hebdo caricatural?

Chacun d’entre nous a le devoir d’oser la vérité, de la dire, de l’écrire, autour de nous, sur les réseaux, dans les médias, auprès des élus, et par-dessus tout auprès des plus jeunes pour les mettre en garde. Contre les mensonges qu’ils ne manqueront pas d’entendre. Contre les « safe spaces » par lesquels les universités courtisent les dogmatismes au lieu d’encourager au questionnement. Contre la tentation de la censure.

Problème d’analyse de fond : Alors même que Christophe Castaner annonçait un « changement de paradigme », la préfecture du Rhône invitait à « mieux faire connaître l’islam dans la société civile, notamment via les médias. » La seule question qui vaille est donc celle-ci : qu’entend le gouvernement pas « mieux faire connaître l’islam » ?

S’agit-il de populariser et diffuser l’approche historico-critique, afin d’encourager l’indispensable prise de distance par rapport aux textes dits sacrés dont l’islamisme n’est que la rigoureuse et stricte application ? De faire connaître les analyses de Souâd Ayada, le « Coran des historiens » récemment publié, ou le travail de Yadh Ben Achour sur l’islam et les droits de l’Homme ?

Ou s’agit-il au contraire de contribuer à répandre le discours lénifiant du « cépaçalislam », légende hagiographique dont le seul objectif est d’éviter à l’islam de faire face à sa responsabilité dans l’existence et la puissance de l’islamisme ? Ce mensonge peut sembler sympathique mais le perpétuer a pour seul effet d’aider l’islamisme à se dissimuler dans l’islam, à y rester lové, toujours prêt à ressurgir à la moindre occasion.

Car enfin, il faut le dire et le redire : si l’islam n’est pas réductible à ce que l’on appelle couramment l’islamisme – en fait l’islam littéraliste théocratique – ce totalitarisme fait partie de l’islam, et ce depuis l’origine. « L’islamisme est la maladie de l’islam, mais les germes du mal sont dans le texte » disait Abdelwahab Meddeb, phrase que le ministre de l’Intérieur chargé des cultes ferait bien de méditer chaque jour, au lieu d’affirmer comme il le fait que « en aucun cas je ne mets l’islam dans cette pyramide de la violence » et d’écrire que l’islam politique « détourne une religion de ses fondements. » La destruction du sanctuaire de Taëf en 632 sur ordre du Prophète, et le choix de « la conversion ou la mort » imposé aux Banu Thaqif qui en avaient la garde, seraient donc un détournement de l’islam par son propre fondateur ? Et le fait de promouvoir sans recul critique le « bel exemple » du « meilleur des hommes » qui s’est marié avec une fillette de 6 ans, Aïcha, et a utilisé une prisonnière de guerre, Safiya, comme esclave sexuelle, détournement ?

Réhabiliter l’identité nationale?

Assez de faux semblants ! Bien sûr, l’islam n’est pas seulement l’islamisme, et nos concitoyens musulmans ne sont pas seulement musulmans, mais des hommes et des femmes doués de sens moral et de responsabilité individuelle. Et justement : il leur incombe de faire face aux réalités déplaisantes, et il incombe à tous de comprendre qu’ils en sont capables et donc de l’exiger d’eux. Quelles réalités ? Celle-ci, par exemple : les seuls pays au monde à punir de mort le blasphème et l’apostasie sont 13 pays musulmans agissant au nom de l’islam et se référant à ses textes saints. Et presque partout où l’islam est dominant, l’apostasie est illégale et les droits des non-musulmans sont bafoués.

A lire aussi, témoignage d’une ancienne salafiste: « Dans l’islam, on cherche seulement à obéir, et surtout ne pas être puni »

Il y a des musulmans humanistes, et qui tentent de créer un islam humaniste – ou un humanisme spirituel s’exprimant dans le langage symbolique des cultures d’islam. Ceux-là ont en commun d’assumer le même devoir de lucidité : l’obscurantisme wahhabite, l’impérialisme fréro-salafiste, la sauvagerie jihadiste ont tout à voir avec l’islam ! Comment espérer en extirper ces monstruosités – ou créer un islam régénéré qui en soit délivré – sans admettre d’abord que pour l’instant elles font partie de lui ?

Problème de sens, enfin : on ne peut pas lutter contre le communautarisme sans donner envie d’appartenir à la communauté nationale. Et cela ne passe pas par les milliards d’euros déversés dans une « politique de la ville » jusqu’ici notoirement inefficace, mais avant tout par le fait de donner le goût et la fierté de cette appartenance. Cessons de mépriser les habitants des « quartiers » : ils ont le droit de vouloir de la France autre chose que « du pain et des jeux » – des allocations et une connexion à Netflix. Ils ont le droit d’exiger de nous que nous leur proposions de rejoindre ce qui a fait et fait encore la grandeur de la France. Un simple espace géographique de transit, un « hub » économique ou une start-up nation ne sauraient combler le besoin d’appartenance de l’être humain. Il faut réhabiliter l’identité française. Réhabiliter et non sacraliser, mais réhabiliter tout de même.

N’est-il pas surréaliste qu’en France la seule identité que l’on n’ait pas le droit de revendiquer fièrement soit l’identité française – à part lors des matchs de coupe du monde, et encore ? La culpabilisation permanente de l’Occident est le principal terreau du communautarisme : elle pousse ceux qui le peuvent à embrasser des identités alternatives, et désarme moralement ceux qui ne peuvent être qu’occidentaux.

Certains prétendent mettre de côté l’art de vivre et les traditions françaises pour mieux accueillir ceux qui viennent d’ailleurs. Mensonge ! On ne se sent pas bien accueilli lorsque l’on entre dans une maison vide. Toutes les civilisations de ce monde ont du sang sur les mains ! Au moins la nôtre a-t-elle la lucidité de ne pas se croire parfaite, et c’est peut-être sa plus grande noblesse à condition qu’elle trouve la force de se tenir la tête haute malgré tout.

Héritiers de l’Antiquité, de la Chrétienté et des Lumières, du Parthénon et des cathédrales gothiques, de Socrate et de Victor Hugo, nous sommes les dépositaires de quelque chose qui nous dépasse et que nous avons le devoir d’enrichir et de transmettre. Et si nous perdons cela de vue le combat contre l’islamisme et le communautarisme sera voué à l’échec.

Voile: l’ambigu Monsieur Blanquer

0
Jean-Michel Blanquer © Lionel GUERICOLAS /MPP/SIPA Numéro de reportage: 00933574_000155

Le ministre de l’Education nationale fournit à Emmanuel Macron une caution laïque. Mais quand on regarde bien sa politique, c’est aussi l’assurance de l’immobilisme! (1/2)


La rentrée à peine passée, le serpent de mer du voile à l’école est réapparu, resurgissant entre une vague Greta et un nuage rouennais.

En apparence, rien de neuf dans ce débat, hormis des désaccords interministériels donnés en spectacle et une certaine crispation des positions. En y regardant de plus près, se dessine une bien étrange stratégie de la part de Jean-Michel Blanquer.

Chevalier de la cause laïque, vraiment?

L’arrivée de ce ministre et la création de son Conseil des Sages étaient pourtant prometteurs. Malheureusement, par un choix savant de profils, le conclave d’érudits n’est parvenu qu’à faire émerger un barycentre d’immobilisme en mai 2018: le Vademecum de la laïcité, simple constat de l’état du droit dans ses interprétations les plus modérées, déposé sur le site du ministère, dans l’indifférence de la grande majorité des enseignants. C’est sur ce simple fait initial – agrémenté de quelques petites phrases savamment distillées – que le ministre s’est taillé un costume de chevalier de la cause laïque, faisant de lui une pièce de choix dans la mécanique macroniste du « en même temps ». Mais jusqu’à ce jour, sur le front de la  résolution effective des problèmes, l’action de Jean-Michel Blanquer est au niveau de la laïcité, ce que le moonwalk de Mickael Jackson est à la randonnée ! La musique et les paroles sont plaisantes, mais les pas de danse se soldent par un surplace.

A lire aussi: Classement Pisa: les petits Français nuls… mais bientôt bilingues?

Retour sur les faits. Le 12 février 2019, questionné à l’Assemblée par le député Eric Ciotti, Jean-Michel Blanquer affirme: « Bien que la question des parents accompagnateurs ne soit pas à mes yeux capitale, je la soumettrai pour avis au Conseil des Sages de la laïcité, créé il y a dix-huit mois, je le rappelle, afin de disposer d’une expertise sur les questions de laïcité dans l’Education nationale». Le 15 mai, au Sénat, après le refus d’une étude sur la question demandée par la sénatrice Patricia Schillinger, le ministre précise: « Sachez en tout cas que j’ai saisi le Conseil des Sages de la laïcité, qui remettra des analyses et des préconisations ». L’amendement adopté par le Sénat ce jour-là, visant à interdire les signes religieux lors de sorties scolaires, le voile en particulier, sera finalement enterré par les députés et sénateurs, réunis jeudi 13 juin en commission mixte paritaire relative au projet de loi « Pour une école de la confiance ». En échos aux batailles menées sur les bancs des assemblées, des manifestations de mamans voilées émailleront le mois de mai avant que l’arrivée des vacances ne cède la place au sujet du burquini.

Un seul Sage se prononce clairement contre les accompagnatrices voilées

Parmi les douze sages supposés travailler sur le sujet, un seul va prendre la parole à titre personnel, pour proposer une action concrète : Alain Seksig. Il est l’unique membre à avoir pratiqué le terrain comme directeur d’école. Il sait la difficulté pour les personnels à mettre en œuvre un texte flou. Curieusement, alors que Caroline Beyer du Figaro l’interroge le 31 mai sur la position du Conseil des Sages, il se limite à dire « nous avons choisi de travailler, d’abord, sur ce qui nous unissait et de ne pas aborder immédiatement cette question conflictuelle, sur laquelle nous sommes très attendus », mais il ne précise à aucun moment si cette instance est en train ou non d’analyser le problème à la demande du ministre.

Par ailleurs, il indique donc avec clarté sa position personnelle : « Tous se réfèrent à l’étude du Conseil d’État, en posant qu’il est possible pour un directeur d’école d’interdire la participation d’un parent à une sortie, dans la mesure où celui-ci fait du prosélytisme. Mais il est difficile, pour un directeur d’école, de se poser en juriste. Selon moi, il faut dire les choses clairement, par la loi ».

A lire, enquête: Libres enfants de Mahomet

Ses propos montrent que Monsieur Seksig perçoit le problème dans sa globalité. Il affirme clairement sa volonté de légiférer dans le champ scolaire tout en percevant le sens plus large : « Il est aussi question de la place des femmes dans notre société». Ses propos clairs, précis et concrets montrent que les Sages demeurent libres de parole dès lors qu’ils ne parlent qu’en leur nom propre. Il est donc étonnant qu’au milieu du tumulte des mois de mai et juin, un seul d’entre eux ait eu le courage de venir prendre part publiquement au débat, ne serait-ce que pour rassurer l’opinion publique en confirmant être en charge d’une réflexion sur ce problème. Sur cette même période tumultueuse, Laurent Bouvet, par exemple, qui sait, avec talent, batailler sur la question du voile des syndicalistes, de l’indigénisme à l’université ou du burquini, a semblé étonnamment peu loquace sur ces occasions de banalisation d’un marqueur de soumission de la femme dans le cadre scolaire… Sa combativité apparaît réservée aux causes que l’on peut rattacher avec certitude aux plus intégristes des musulmans, mais sa prudence reste de mise sur ce sujet qui concerne les « musulmans du quotidien». Cette attitude rejoint le positionnement d’Emmanuel Macron, qui, dès 2016, en campagne, déclarait « Je ne crois pas, pour ma part, qu’il faille inventer de nouveaux textes, de nouvelles lois, normes, […], pour aller traquer dans les sorties scolaires celles et ceux qui peuvent avoir des signes religieux ».

Cette ambiguïté de positionnement donne le sentiment que Laurent Bouvet a épousé l’un des éléments fondateurs de La République En Marche: le «et en même temps», laissant le leadership de la fermeté réelle à Alain Seksig pour les sujets touchant à l’école.

Laurent Bouvet vs Jean-Louis Bianco

Pourtant, depuis le début, ce n’est pas le discret Alain Seksig qui incarne le summum des exigences laïques mais bien Laurent Bouvet, qui d’activisme sur les réseaux en tribunes dans la presse s’est imposé.

A relire: Causeur #73 : Voile, le chantage victimaire

Ses conférences conjointes avec Jean-Louis Bianco ont fini par imposer les deux duettistes comme définissant l’empan du débat, à tel point que le 25 mars dernier, l’IFOP intitulait les résultats de l’enquête demandée par la Fondation Jean Jaurès : « Les macronistes et la laïcité : un électorat plus proche de la ligne Bouvet que de la ligne Bianco ». Or, en confiant l’incarnation de l’exigence et de la combativité à un homme dont la plasticité cérébrale permet de critiquer le voile de Myriam Pougetoux, syndicaliste auprès d’adultes tout en défendant le même signe religieux ostensible porté par Latifah Ibn Ziaten, intervenante donnée en exemple à des élèves mineurs dans l’enceinte scolaire, on maintient le débat dans une zone de confort pour le macronisme. Le dispositif Bianco/Bouvet a ainsi contribué à étalonner la machine à débattre dans un champ qui n’incluait pas de position ferme et indiscutable à l’école, alors que le rôle de l’exemplarité des adultes ayant autorité dans l’intégration des normes chez les enfants est pourtant largement démontré par les experts de leur développement.

Parallèlement, le camp des combattants laïques s’est accroché aux espoirs nés du contraste entre les écrits de Najat Vallaud-Belkacem et les paroles de Jean-Michel Blanquer, au point de ne plus formuler aucune critique ni proposition, de peur de déstabiliser ce dernier. Le piège s’est alors refermé: le ministre de l’Education nationale a, à la fois, fourni à Emmanuel Macron la caution laïque et l’assurance de l’immobilisme. Le soutien constamment renouvelé au patron de la rue de Grenelle par le plus médiatique des Sages, Laurent Bouvet, a achevé de verrouiller le système. En laissant œuvrer Jean-Michel Blanquer et son art de la communication, Emmanuel Macron réussit ainsi le tour de force de faire refuser une loi sur le voile des accompagnatrices par un ministre s’affirmant défavorable au port de ce signe religieux ostensible, tout en préservant l’aura dont ce dernier jouit auprès des associations de défense de la laïcité.

>>> Retrouvez la seconde partie de l’analyse de Laurence David <<<

Construisons ensemble l'Ecole de la confiance

Price: 6,20 €

43 used & new available from 1,68 €

La nouvelle question laïque: Choisir la République

Price: 18,00 €

21 used & new available from 11,82 €

Le premier degré fait-il la loi en France?

0
(c) Hannah Assouline

« L’Esprit de l’escalier », l’émission culte d’Alain Finkielkraut et d’Elisabeth Lévy est de retour en exclusivité sur RNR.TV. Au programme d’Alain Finkielkraut ce mois-ci: l’affaire Polanski, la confession du violeur et la manifestation contre l’islamophobie


L’affaire Polanski

Faut-il aller voir J’accuse ? Oui et de toute urgence. De la scène inoubliable de la dégradation de Dreyfus à la réhabilitation finale, Polanski raconte l’Affaire du point de vue du colonel Picquart, l’officier plein d’avenir et de préjugés antisémites qui a mis sa carrière et même sa vie en péril quand il a découvert que le prisonnier de l’île du Diable n’était pas le traître. C’est un film tout ensemble austère et palpitant qui donne beaucoup à penser.

Mais, comme Polanski est accusé de viol par une ancienne actrice, quarante-cinq ans après les faits, les néoféministes appellent au boycott, avec l’agrément du ministre de la Culture en personne. Et la bonne presse, Télérama en tête, nous explique qu’il est temps d’en finir avec le dogme proustien de la distinction entre l’homme et l’artiste. Tzvetan Todorov affirmait déjà, naguère, que « si Shakespeare, miraculeusement revenu au monde, nous apprenait que son passe-temps favori était le viol de petites filles, nous ne devrions pas l’encourager dans cette voie, sous prétexte qu’il pourrait produire un autre Roi Lear. Le monde n’est pas fait pour aboutir à une œuvre d’art ».

Mais admettons un instant que cette hypothèse délirante soit vraie ou que Shakespeare nous cache encore quelque secret honteux. Le Roi Lear n’en resterait pas moins une des pièces les plus profondément humaines du répertoire européen. Preuve éclatante du mystère de la création et qu’on peut confondre dans un même opprobre l’artiste et l’homme. Salaud intégral, Céline a écrit le Voyage au bout de la nuit qui n’est, en aucune manière, l’expression de son ignominie.

Jean Dujardin en colonel Picquart, dans J'accuse, de Roman Polanski (c) Guy Ferrandis / Légendaire - R.P. Productions
Jean Dujardin en colonel Picquart, dans J’accuse, de Roman Polanski (c) Guy Ferrandis / Légendaire – R.P. Productions

Mais nos procureur.e.s. n’en ont cure. Gauguin, Balthus, Woody Allen, Polanski : ils et elles ont mis sur pied un tribunal affranchi des règles du droit qui, pour faire la place aux femmes et aux minorités, n’épargnera bientôt aucun mâle blanc.

La confession du violeur

Sous l’influence de Cyrano de Bergerac (long, mon nez ? Non : immense. « C’est un cap. Que dis-je ? C’est une péninsule »), j’ai toujours pensé que la réaction la plus civilisée à une moquerie ou à une agression verbale était la surenchère ironique. À Caroline de Haas, qui m’accusait, sur le plateau de LCI, de faire l’apologie du viol, j’ai donc répondu par un vibrant coming out : « Je dis aux hommes : “Violez les femmes”, d’ailleurs je viole la mienne tous les jours. » Résultat : le Parti socialiste a saisi le CSA, quatre députés de la France insoumise ont fait un signalement au parquet, une pétition exigeant l’arrêt immédiat de mon émission « Répliques » a été envoyée à Radio France et toute la gauche béarnaise – des radicaux aux communistes – a réclamé la déprogrammation d’une conférence que je devais tenir à Pau le 23 novembre. Les organisateurs n’ayant pas cédé, j’ai bénéficié dès ma descente d’avion d’une protection policière rapprochée. Et deux officiers de sécurité m’ont raccompagné jusqu’à l’aéroport. La gauche qui incarna longtemps, comme le dit Jacques Julliard, l’alliance de la justice et du progrès, est-elle en train de mourir de bêtise ? Le premier degré fait-il la loi en France ? Cette patrie littéraire devient-elle une société littérale ?

Comme les Insoumis n’ont pas, malgré une démagogie effrénée, réussi à séduire les gilets jaunes de la France périphérique, ils tablent sur la France des quartiers, dont la population ne cesse de croître

Toutes les personnes qui me clouent au pilori n’ont pas pris, il est vrai, mon « cri du cœur » au pied de la lettre. Mais, proclament-elles, on ne rigole pas avec ces choses-là. Ah, bon ? Croit-on que lorsque, du fait de mon souci constant d’Israël ou de ma défense de l’identité française, on me traite de raciste voire de nazi, j’évoque, la voix tremblante, l’avant-bras tatoué de mon père ? Non, j’en rajoute et je dis que la déportation des mauvais Français est mon plus cher désir. Plus les accusations portées contre moi sont lourdes et plus ma fureur prend le ton de l’ironie.

A lire aussi : Philippe Muray contre le reste du monde

Cette indignation ridicule a dissimulé, qui plus est, le vrai scandale qui s’est produit pendant l’émission. La chercheuse militante Maboula Soumahoro développant le thème hélas rebattu du racisme d’État, Francis Szpiner l’a interpellée vivement : « Il y a du racisme en France, mais je ne vous permets pas de dire que la France est un pays raciste. » Réponse de Maboula Soumahoro : « Je suis française comme vous, je fais ce que je veux, je dis ce que je veux. » Je suis alors intervenu : « Vous êtes universitaire, vous n’êtes pas victime de la ségrégation, vous exercez dans ce pays. Ne pourriez-vous pas montrer un peu de gratitude ? » David Pujadas me demandant de m’expliquer, j’ai précisé que j’étais moi-même un enfant de parents immigrés, que j’avais fait mes études à Paris, que j’avais pu enseigner à l’école Polytechnique et que j’étais reconnaissant d’avoir un accès direct, par ma langue maternelle, à une littérature magnifique. Et j’ai demandé à Maboula Soumahoro pourquoi, quels que soient par ailleurs ses griefs, elle se refusait à dire merci. La représentante des écologistes Sandra Regol a pris alors Pujadas à témoin de l’insulte dont je venais de me rendre coupable. Le contraire de la gratitude, c’est le ressentiment, c’est la haine. Et la haine, nous a-t-on appris sur le plateau de LCI, est l’attitude désormais requise par l’antiracisme.

Cette francophobie va triompher, prévient, avec un large sourire, Maboula Soumahoro : « Vous paniquez parce que votre monde est en train de finir. » J’aimerais que cette prédiction soit fausse. Mais vu le train où va l’Histoire, je n’y mettrais pas ma main au feu.

La manifestation contre l’islamophobie

Même s’ils sont beaucoup moins nombreux que les actes antisémites ou antichrétiens, les actes antimusulmans doivent être dénoncés sans relâche et punis sans faiblesse. Mais le concept d’islamophobie est l’alibi de l’islam séparatiste et de l’islam conquérant. Ce concept installe ses utilisateurs dans le seul registre du grief et de la plainte. Peu importe qu’il y ait aujourd’hui 3 000 lieux de culte musulmans contre 900 en 1985, on s’érige en victimes d’une société et d’un État islamophobe comme si, en dépit même de toutes les violences commises au nom de l’islam, la pensée critique et la remise en question de soi devaient rester à jamais une prérogative européenne.

La présence, le 10 novembre, à la manifestation contre l’islamophobie, de nombreux écologistes et des leaders de la France insoumise témoigne de la conjonction inédite entre l’idéalisme compassionnel et le réalisme sordidement calculateur. Nos « progressistes » se portent au secours des humiliés pour mieux flatter un électorat potentiel. À chaque fois qu’il fustige le communautarisme, Jean-Luc Mélenchon vise le CRIF. Aucun risque de sécession de ce côté-là, mais il n’y a que 700 000 juifs en France pour 6 millions de musulmans. Le compte est vite fait. Et comme les Insoumis n’ont pas, malgré une démagogie effrénée, réussi à séduire les gilets jaunes de la France périphérique, ils tablent sur la France des quartiers, dont la population ne cesse de croître. Il y aura donc aux prochaines élections des listes communautaires et des listes clientélistes, c’est-à-dire communautarisées. L’ingratitude a de beaux jours devant elle.

À la première personne

Price: 14,00 €

36 used & new available from 1,45 €


J'accuse de Zola

Price: 3,00 €

40 used & new available from 1,18 €


Voyage au bout de la nuit - Prix Renaudot 1932

Price: 11,10 €

83 used & new available from 2,26 €


Cyrano de Bergerac

Price: 4,50 €

82 used & new available from 0,98 €

Les mauvais joueurs de la démocratie

0
Graffitis hostiles au chef de l'Etat et a la société à Paris, novembre 2019 © Mario FOURMY/SIPA Numéro de reportage: 00933115_000001

Dans le monde occidental, la lutte hargneuse des minorités actives et la société des enfants rois sont en train de rendre des pays entiers ingouvernables.


Devinette : quel point commun entre les gilets jaunes, Tony Blair et les démocrates américains ? On a peine à trouver le dénominateur commun des masses colériques et des élites du village mondial. Pourtant, les uns comme les autres ont contesté un résultat démocratique sous prétexte qu’il ne leur plaisait pas, de telle sorte que nous les appellerons les « mauvais joueurs de la démocratie ».

La contestation par le bas

D’un côté, les gilets jaunes voulant faire « tomber » Macron après un an et demi de mandat seulement. J’en veux pour preuve les revendications de la révolte aux couleurs du Stabilo, parmi lesquelles la démission du gouvernement. Après l’engloutissement des îlots de revendications légitimes par la vague de petits chefs autoproclamés – Eric Drouet appelait à « marcher sur l’Elysée » – et de groupuscules violents, la haine de l’exécutif devint même le seul ciment du mouvement.

Cette délégitimation prenait entre autres appui sur l’élection fragile d’Emmanuel Macron, à seulement 18% des inscrits au premier tour de 2017. Edwy Plenel, qui incarne assez singulièrement la démocratie, déclarait le 15 avril 2018 aux côtés de Jean-Jacques Bourdin : « Vous n’avez pas été élu par une adhésion majoritaire à votre programme. Il n’y a pas une légitimité, dans tout le pays, sur votre programme ».

A lire aussi: C’est lui qui le dit: Edwy Plenel est journaliste, pas idéologue

On peut évidemment rappeler que notre président n’a été élu qu’en fonction d’un contexte de délitement politique et de quelques épiphénomènes suspects comme la mystérieuse affaire Fillon, et que de si maigres résultats auraient peut-être invité celui qui se conçoit lui-même comme le roi de l’Olympe à plus de modestie.

Néanmoins rien ne forçait les électeurs à céder au chantage moral de la presse contre Fillon, ou à la comedia antifasciste de l’entre-deux tours. L’expression de la volonté générale n’étant jamais si claire et si massive que dans les urnes, Macron a bien été élu, élection confirmée par une écrasante victoire aux législatives qui lui permet de gouverner la France sans trop d’encombres ni d’opposition sérieuse.

La contestation par le haut

De l’autre côté de l’Atlantique, la chambre des représentants s’est adonnée aux mêmes errements anti-démocratiques.

A lire aussi: La procédure de destitution de Donald Trump n’est pas légitime

Prenant prétexte d’une controverse concernant l’enquête que Trump aurait lancée contre Joe Biden avec l’aide de son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, les démocrates ont ouvert une procédure de destitution à l’encontre du président. Bien sûr c’est ici le droit – en l’occurrence l’article II de la Constitution américaine – qui est l’arme de ces mauvais joueurs-là, et non la violence des casseurs. Cette procédure démange cependant les démocrates depuis 2016, et fait suite à un procès en « illégitimité » dressé par le star-system, qui témoigne d’une mauvaise foi de la gauche américaine au point que Nancy Pelosi elle-même désapprouvait un temps l’impeachement et demandait à une jeune garde démocrate enragée d’attendre les élections pour en découdre.

D’où vient la haine de la majorité?

Dans un monde d’hyper-individualisation, la volonté générale et le processus démocratique sont battus en brèche par la société des enfants rois et la lutte hargneuse des minorités actives.

Ces mauvais joueurs de la démocratie qui rendent des continents entiers ingouvernables ne sont pas déterminés par une classe sociale. A supposer que l’on doive leur trouver un point commun, on note qu’ils viennent le plus souvent de la gauche, car on ne peut contester la démocratie qu’au nom du Bien. S’il faut s’opposer aux lois de la cité, il faut que ce soit au nom d’une loi supérieure, morale ou religieuse.

A lire aussi: Immigration, féminisme, écologie: le manuel de la bonne pensée

Il y a évidemment la gauche marxiste qui scande le fameux « élections, piège à cons » de Sartre et qui perçoit la démocratie libérale comme le cache-sexe de la reproduction bourgeoise. Mais aussi la gauche libérale des élites, qui pense qu’un vote populaire n’exprime que l’opinion des bas de plafonds du néo-fascisme rabougri qu’elle appelle « populisme », avec l’idée qu’une référence à la majorité numéraire serait le signe d’une adoration secrète des années 30.

L’idée que la majorité compte peu quand elle ne s’exprime pas comme il faut a trouvé quelques échos ces dernières années: référendum de 2005 joyeusement jeté à la poubelle à Lisbonne, activisme de Tony Blair pour refaire le vote du Brexit depuis 2017. L’anti-démocratie a séduit les élites avant de trouver sa réplique dans les masses.

Alors que toute une partie du spectre politique se contente de manger son chapeau à chaque nouvelle défaite électorale, l’autre considère la démocratie comme une foire d’empoigne dans laquelle chaque minorité active peut faire plier la majorité. Il en va malheureusement de la démocratie comme de l’amour: on peut la fantasmer seul, il faut être deux pour la faire.

L'Archipel français: Naissance dune nation multiple et divisée

Price: 23,00 €

66 used & new available from 2,52 €

Recomposition: Le nouveau monde populiste

Price: 19,00 €

31 used & new available from 2,61 €

Premier prix de gros

0
La miss écartée, jugée trop grosse. Image: capture d'écran Youtube

Scandale: Miss Auvergne a été éloignée du concours Miss France car elle a été jugée un peu enveloppée. Nombreux sont ceux qui crient à la grossophobie.


 

On avait déjà vacillé il y a quelques années lors de la disparition des premières dans le métro. Vous savez ce train rouge et vert qui va sous terre ; on avait frémi, égoïstement, à l’annonce de la possible mise à l’index des conducteurs refusant le covoiturage et l’autopartage; frôlé la sidération lors des débats en commission de l’Assemblée nationale autour des problèmes d’état civil des personnes transgenres ; refusé de prendre au sérieux la réduction des émissions carbone pendant la Fashion week avec l’interdiction programmée des sèche-cheveux… tous ces sujets sont vrais. Mais on n’avait visiblement encore rien vu. Voilà qu’on milite pour désormais intégrer les « jeunes filles un peu enveloppées » chez Miss France. Les lauréates arrondies aux concours de beauté. Les tailles 46, sur les podiums. Ça doit être sérieux, puisque la question d’actualité brûlante a été débattue comme il se doit chez Hanouna. La seule et dernière agora nationale visiblement valable et reconnue. Et voilà la noble institution des Miss une fois encore montrée du doigt. « Le comité refuse d’intégrer une dauphine de Miss volcan d’Auvergne (ça ne s’invente pas) pour cause de poids excessif », s’indigne le juge Cyril. « Tu as une belle gueule, lui a-t-on expliqué, mais ton corps ne passe pas. »

Sylvie Tellier suspectée de grossophobie

Et la patronne des Miss, Sylvie Tellier, obligée de se justifier en invoquant le règlement de son épreuve nationale basée sur « la recherche de l’élégance générale »,  en prenant bien soin de ne pas stigmatiser au passage l’obésité et tous ses corollaires méprisants. On n’est pas là pour faire dans le pénal.

On sait pourtant depuis Voltaire – le philosophe, pas le copain de Zadig qui vend des fringues  – que rien n’est plus relatif que la beauté. Que chacun voit le beau à son image selon ses préjugés. Mais on n’ignore pas non plus que l’esthétique a ses lois implacables. Et que les goûts du public, dans ce domaine, comme dans d’autres, sont sans appel. On ne peut donc pas en vouloir à la Tellier. 8 millions de téléspectateurs sur TF1 en décembre –  évidemment chauffés à blanc par un Jean-Pierre Foucault vibrionnant – c’est peut-être, aux yeux de l’élite, un groupe de bourrins inconséquents. Mais c’est d’abord un collège populaire composé de ménagères de moins de 50 ans – et donc de  parts disponibles de cerveaux – qui n’éliront jamais une grosse dame. Pardon, une personne issue de la diversité des épanouis.

A lire aussi, du même auteur: Télé, tes stars foutent le camp

Même si l’albacore garde ses partisans, malgré les méfaits des métaux lourds.

Par-delà la vacuité abyssale de cette nouvelle polémique pour le moins grotesque, on peut s’interroger sur l’intérêt de piétiner la norme en prônant l’intégration à tout crin au nom de notre société inclusive. Doit-on faire fantasmer aussi les rondes en leur promettant le grand soir? D’une manière plus générale doit-on laisser rêver la multitude de l’inaccessible, alors qu’on sait pertinemment qu’on n’a pas les moyens de faire monter la majorité aux sommets de l’élite ?

Est-ce qu’agir de la sorte n’est finalement pas plus risqué que mettre des barrières clairement établies à l’entrée?

La beauté est discriminante

Apres tout, tout le monde n’est pas beau. Tout le monde n’est pas mince, ou capable de répondre aux questions aiguisées de Jean-Pierre Foucault un soir de prime. Tout le monde n’est pas apte à tenir un micro pendant sept heures, en bras de chemise, devant des élus du peuple, ou à faire rempart de son corps en incarnant la République en s’opposant en gueulant à une perquisition. Tout le monde n’est pas non plus Zidane ou Mbappé.

A lire aussi: La fureur de Yann Barthès contre Valeurs actuelles

Et pourtant, comme le dit très justement Marie-Anne Chazel dans un des chefs-d’œuvre du cinéma français « chaque pot à son couvercle ». Voici finalement l’enseignement principal de cette affaire majeure: il faut de tout pour faire un monde. Tout le monde à sa place. Encore faut-il savoir humblement la choisir. Et ce n’est pas en détruisant les différences, en uniformisant la société, en la repassant pour en chasser tous ses plis,  qu’on donnera plus de chance à autrui de l’intégrer. Au nom de l’assimilation et de la diversité, on risque même de gommer ce qui fait le sel de la vie, la différence et les saveurs. À force de ne plus supporter ce qui dépasse, vous verrez qu’un jour, on n’acceptera plus la moindre aspérité. On détestera tellement les élites qu’on fera rentrer des critères dans les concours qui n’auront rien à voir avec la quête de l’excellence. On supprimera le défilé Victoria’s Secret en coupant les ailes aux anges, on fera taire les cloches d’églises à la campagne, les V-Twin Harley en ville, les cigales en garrigues. On mettra les lions en sourdine. Histoire d’en finir définitivement avec les rugissements ridicules et beaucoup trop virils du roi des animaux (illégitime d’ailleurs, car non élu à la proportionnelle). On interdira surtout les périodes de brame des cerfs. Ces animaux cornus et gueulards, qui draguent en sous-bois en multipliant les aventures avec des partenaires multiples. Ce jour-là, tout ira beaucoup mieux.  Les jeunes se déplaceront tous en patinette volante, les vieux en calèche sur coussin d’air. On travaillera tous en flex-work et en open space  en direct de nos Hepad  jusqu’à 90 piges. Sylvie Tellier aura revendu Miss France à Agathe de Fontenay, la jolie fille de Xavier, il y a belle lurette. Et il n’y aura plus de « grossophobie » depuis  longtemps, car les organisateurs de concours de beauté auront pris le sculpteur Bottero comme mètre étalon. La connerie comme unité de mesure. On sera tous moches, car on aura supprimé la beauté et ses critères discriminants. Tous vegan, tous lisses, mais qu’est-ce qu’on sera mieux.

Pradié, c’est Marlène Schiappa chez les LR

0
Aurelien Pradié en conférence de presse, le 4 décembre 2019 © Julien Hortolland/SIPA Numéro de reportage: 00935629_000012

Le nouveau secrétaire général des Républicains Aurélien Pradié a décidé d’exclure du parti Erik Tegnér, coupable de frayer avec la droite de la droite. Le jeune député du Lot, lui, a tout d’un progressiste !


Rassembler, rassembler, rassembler. Tels étaient les trois mots d’ordre de la campagne interne de Christian Jacob, désignant en creux le caractère trop clivant de ses deux adversaires: Julien Aubert et Guillaume Larrivé. Son meilleur atout, résumait joliment Mediapart, était de ne s’être prononcé sur rien.

Rassembleur toi-même!

Mais, il faut toujours se méfier. Lorsqu’un chiraquien parle de rassemblement, il se prépare toujours un repli et une volonté d’exclusion. En 1990, Alain Juppé fustigeait le duo Pasqua-Séguin, coupable de vouloir instaurer un « Front national bis », et prenait la décision d’exclure Alain Carignon, parce que ce dernier appelait à voter PS contre le FN dans une cantonale partielle à Villeurbanne. En 2002, Chirac la jouait front républicain et était élu avec toutes les voix de gauche contre la Bête immonde. Puis n’ouvrait à personne et construisait un gouvernement 100% UMP! Dans le Jura en 1998, le secrétaire départemental et député chiraquien proposait d’exclure un secrétaire de circonscription pour avoir tenu des propos désobligeants sur Jacques Chirac dans une lettre de… démission.

A lire aussi: David Desgouilles: Ce qui se cache derrière la « Baroin mania »

Il y avait donc bien des raisons de se méfier pour tous des militants LR tenant un discours différent du président élu. Et c’est Erik Tegnér qui en a fait les frais. Celui-ci a appris il y a quelques jours qu’il faisait l’objet d’une procédure d’exclusion, dans une lettre signée par la présidente de la fédération LR de Paris, Agnès Evren. Celle-ci dit avoir été saisie par Aurélien Pradié, nouveau secrétaire général, nommé par Christian Jacob.

Aurélien Pradié, fort avec les faibles

Quel est le crime de Tegnér ? A-t-il soutenu un autre candidat que celui investi par son parti dans telle ou telle élection ? Pas du tout ! A-t-il tenu des propos désobligeants envers la direction de LR ? Encore moins ! Il a seulement développé une stratégie d’alliance alternative, sans jamais la mettre en œuvre. Il fait ainsi vivre le débat démocratique interne, comme chaque adhérent a le droit voire le devoir de le faire.


Alors que la droite est terriblement affaiblie, ladite stratégie – dite d’union des droites – ne me semble pas être la plus adaptée, dans le contexte de disparition du clivage droite-gauche et de sa substitution par le clivage bloc élitaire versus bloc populaire, cher à Jérôme Sainte-Marie (je vous renvoie à la lecture du dernier numéro de Causeur en kiosque depuis mercredi). Mais exclure Erik Tegnér parce qu’il a donné son avis, c’est ériger un délit d’opinion. Rassembler, qu’il disait… Julien Aubert et Guillaume Larrivé ont d’ailleurs apporté leur soutien à Erik Tegnér, alors qu’ils ne partagent pas cette stratégie d’union des droites.

A lire aussi: C’est tout bête, il manquerait à Emmanuel Macron un Jack Lang

En fait, ce qui doit intéresser l’observateur, ce n’est pas tant le sort réservé à un militant de base que la personnalité du nouveau secrétaire général. Aurélien Pradié s’est donc attaqué à un jeune militant à la langue un peu trop pendue. Fort avec les faibles.

Goût du buzz

Aurélien Pradié explique à qui veut bien l’entendre que LR doit désormais abandonner les terrains régaliens trop sulfureux qu’occupait Laurent Wauquiez, pour d’autres, plus consensuels. Ainsi, il s’enorgueillit d’avoir grillé la politesse à LREM à propos de deux sujets: les violences conjugales et le handicap. Le parti macroniste s’en est d’ailleurs ému, dénonçant le goût du buzz du député du Lot.

Pradié aurait-il pour ambition de devenir la Marlène Schiappa des LR? Et si, pour ne surtout pas passer pour un archaïque, pour ne pas se voir accusé d’être conservateur, le nouveau secrétaire général décidait de surprendre davantage encore, en faisant rédiger les mails internes de la Rue de Vaugirard en écriture inclusive? Imaginez alors la tête que feraient certains des soutiens de Christian Jacob, au siège national du parti ou dans les fédés!

A lire aussi: Un Asperger peut-il devenir maire?

Les dernières investitures le montrent: s’associer avec LREM ne gêne aucunement la nouvelle direction des Républicains. Ce qui ajoute d’ailleurs au scandale de la procédure lancée contre Tegnér. Proposer qu’on s’allie avec le RN vaut exclusion, mais s’allier carrément avec LREM est validé. Allez comprendre! Comme nous l’avons expliqué récemmentil s’agit pour la nouvelle direction de concurrencer le parti du président sur le terrain électoral du « bloc élitaire », en misant toutes ses cartes sur l’effondrement personnel d’Emmanuel Macron. Attention, si ce coup de poker ne fonctionne pas, LR vivra le destin du PRG. Pour un secrétaire général originaire du Quercy, pays de Maurice Faure, la boucle serait bouclée.

CCIF vs Waintraub: notre consœur relaxée

0
Judith Waintraub, journaliste au Figaro Magazine. Paris, FRANCE – 6/12/2017. Numéro de reportage  : 00835284_000007 Auteurs  : IBO/SIPA

Le Tribunal de Grande Instance de Paris a statué le 25 novembre dernier


Le 25 novembre, la journaliste du Figaro Magazine Judith Waintraub, accusée de diffamation pour avoir qualifié le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) d’« officine salafiste […] au service de l’islamisation de la France », a été relaxée. Après quatre ans de procédure, l’évidence politique est devenue une vérité judiciaire.

Les faits reprochés à Judith Waintraub remontent au début de l’été 2015, six mois après les attentats de Charlie hebdo et de l’Hyper Cacher. Le 26 juin, Yassin Salhi, un chauffeur livreur, kidnappe son employeur et le décapite avant de foncer avec sa camionnette dans une usine de production de gaz industriel à Saint-Quentin-Fallavier (Isère), espérant la faire exploser pour provoquer une tuerie de masse.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Charlie Hebdo caricatural?

Cet attentat islamiste est le premier cas de décapitation en France. L’opinion publique est sous le choc.

Dans ce contexte, Le Figaro interviewe Pascal Bruckner. Judith Waintraub publie alors sur Twitter un lien vers cet entretien avec un extrait d’une phrase de l’essayiste: « Pourquoi n’a-t-on pas dissous le #CCIF, une pure officine salafiste ? »

Puis Waintraub répond à un twitto qui lui cherche querelle : « Si vous ne voyez pas que le #CCIF est un instrument de propagande au service d’un projet d’islamisation de la France, j’abandonne. »

A lire aussi : L’Obs accuse le mouvement #Exmuslim d’être récupéré… par l’extrême droite

Trois mois plus tard (soit quelques jours avant la fin du délai légal), le CCIF dépose plainte devant le tribunal de grande instance de Paris pour diffamation publique. Au-delà du jugement rendu le 25 novembre, les arguments des juges méritent qu’on s’y arrête. Pour le tribunal, « force est de constater que le salafisme […] est un courant religieux fondé sur une lecture littérale des textes fondateurs de l’islam. […] Appartenir à ce courant ne saurait donc […] porter atteinte à l’honneur […] et ne traduit en rien la constitution d’une infraction pénale. » Les magistrats expliquent en outre que « le fait de vouloir “islamiser” la France ne peut en l’absence d’autres détails ou éléments factuels, être considéré comme insinuant la commission d’infractions pénales ». En somme, si le CCIF estime que l’étiquette de salafiste constitue une atteinte à l’honneur, les juges d’un État « islamophobe » déclarent cette mouvance rigoriste parfaitement compatible avec la loi française. Et c’est ainsi qu’Allah est grand.

Moi, homosexuel de culture musulmane, la République m’a lâché!

0
homosexuels egypte islam
Homosexuels égyptiens traduit en justice, juillet 2001, Le Caire, AP/SIPA. Numéro de reportage : AP21050740_000001

Face à l’oppression des femmes, des homosexuels, des juifs qui sont arrivés en France avec nous et, à présent, des chrétiens d’Irak exilés à Sarcelles, la République laisse faire. Nader Allouche, signataire de la tribune des 101 musulmans contre le voile, réagit.


La France, aujourd’hui, je l’appelle bien amèrement la « République des lâcheurs ». Combien de fois m’a-t-elle lâché et abandonné à mes oppresseurs, ces islamistes dont elle autorise les défilés dans la capitale des Lumières, où je me suis réfugié? A cette question rhétorique, je ne saurai répondre, tant elle n’a manqué les occasions de nous lâcher, nous autres, les « éclairés », les philosophes et les minorités de l’islam.

Contre les femmes et les homosexuels

Face à l’oppression des femmes, des homosexuels, des juifs qui sont arrivés en France avec nous et, à présent, des chrétiens d’Irak exilés à Sarcelles, la République a laissé faire.

Que n’a-t-on parlé, pendant le Grenelle contre les violences conjugales, de ces centaines de milliers de femmes musulmanes ou « ex-muslims » martyrisées par leur conjoint, d’une violence tout droit inspirée du Coran, comme au verset 34 de la sourate « Les femmes » : « les hommes ont autorité sur les femmes en raison des faveurs qu’Allah accorde à ceux-ci sur celles-là… Quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez les, quittez leur lit et, sinon, frappez les… ». Il en va de même du viol conjugal, si l’on en croit le verset 223 de la sourate « La vache » : « vos épouses sont comme un champ de labour pour vous ; allez à votre champ comme et quand vous le voulez… ». Cette sourate porte décidément bien son nom : oh la vache!

A lire aussi : En France, l’homosexualité reste une «maladie» ou une «perversion» pour 63% des musulmans

La violence contre les femmes, je l’ai vécue dans mon intimité. C’est une violence véhiculée par notre culture religieuse, banalisée pour ne pas dire normalisée par le Coran. A l’école primaire que j’ai fréquentée, trop de mères et trop de camarades étaient concernées. Je me souviens encore des discussions entre elles et maman, à la sortie de l’établissement, où elles essayaient de décompresser.

Des ratonnades anti-homos

La violence, je l’ai subie, jeune homme, en région parisienne. La violence homophobe de mes coreligionnaires, qui m’a contraint à m’exiler deux fois : du 18ème arrondissement, puis de Nanterre.

Quand j’ai découvert le terrible reportage de France sur 2 sur Lyes, un habitant homosexuel de Gennevilliers, j’ai eu, paradoxalement, un soupir de soulagement. Car j’ai pensé qu’enfin, on parlait de nous.

J’ai eu la chance, grâce à mes études et aux milieux qu’elles m’ont faits intégrer, d’être beaucoup moins exposé que Lyes. Ma vie n’a pas été un enfer, mais elle a été un parcours du combattant : combien de quartiers où je m’interdis d’aller pour éviter de revivre des scènes passées? Arrivé au croisement de Barbès, en direction de Marcadet-Poissonniers, je sais qu’il faut prendre le trottoir de gauche et qu’il faut traverser le plus rapidement possible le boulevard Barbès, afin d’arriver sur la rue Ordener, où, contrairement au boulevard Ornano, je pourrai trouver de l’aide en cas de problème. Paris est devenu comme un emmental : il y a des « trous » dans lequels je dois éviter de tomber. C’est aussi pour cette raison que je milite en faveur de Pierre-Yves Bournazel pour les élections municipales à Paris.

SOS Homophobie aux abonnés absents

Qu’a fait la République pour nous protéger, mes semblables et moi, qui sommes à l’avant-garde des valeurs françaises face à l’entrisme de l’islam orthodoxe? Le Grenelle contre les violences conjugales a oublié nos mères et nos sœurs, et le marché complètement dérégulé de l’immobilier à Paris nous a fermé les portes des ilots « protégés » et trop chers.  De son côté, la mairie de Paris nous propose de rejoindre les « zones » (en plein boboland) du 11ème et du 15ème arrondissements, où Mireille Knoll a été tuée et où les rixes entre bandes rivales peuvent se retourner contre le premier homosexuel au mauvais endroit, au mauvais moment.

Ce qui me choque le plus, c’est qu’on mette en doute l’origine de cette violence ou, comme Jérémy Faledam, le coprésident de SOS Homophobie, qu’on accuse de « réacs » les personnes qui, comme moi, lancent des appels vigoureux à combattre l’homophobie des banlieues musulmanes. Quand Monsieur Faledam déclare ceci : « sans nier le fait qu’il y a un sujet sur l’homophobie dans les banlieues, nous regrettons que cette situation soit, une fois de plus, un prétexte pour les réactionnaires de stigmatiser les banlieues », il nous condamne, nous autres homosexuels musulmans.

Doit-on rappeler le discours de l’islam sur l’homosexualité? Pour reprendre les termes du Coran, il s’agit d’une « turpitude », et Dieu a puni les membres du peuple homosexuel de Lot en les exterminant par une pluie de pierres (proche de la mort par lapidation que la charia recommande contre les « fornicateurs »). C’est pourquoi, d’ailleurs, nombre de pays musulmans nous condamnent encore à mort. Ce discours religieux nourrit les préjugés des musulmans « pieux » de France contre les homosexuels.

Un Ilan Halimi gay ?

Je pose cette question désespérée : va-t-on attendre un Ilan Halimi « gay » pour réagir, et mes alertes font-elles vraiment de moi un réac islamophobe? J’espère, chers compatriotes français, qu’enfin, vous comprendrez que nous ne sommes ni réacs, ni fachos, seulement des opprimés qui vous appelons à l’aide.

Philippe Muray contre le reste du monde

0

Le troisième tome du Journal de Philippe Muray couvre une période charnière (1989-1991) durant laquelle il rompt avec ses parrains. Sûr de son génie, l’écrivain conjugue le style célinien et l’ambition balzacienne pour déclarer la guerre à son temps. Ainsi commence le combat de Muray contre le reste du monde.


Lire un journal intime, particulièrement celui d’un écrivain et particulièrement celui de Philippe Muray, c’est s’exposer d’emblée à une dissonance temporelle et mentale. Les phrases écrites au fil du temps, au rythme de la vie, au gré des tours, détours et retours de la pensée, nous parviennent – d’outre-tombe– comme un texte achevé dont la cohérence de fer, malgré toutes sortes de contradictions, semble presque miraculeuse. Ce qui l’est tout autant, c’est qu’avec trente ans d’avance, Muray voit naître le nouveau monde et ses fondations en forme d’oxymore : mort de Dieu et déploiement universel de la bondieuserie, minorités hargneuses et opprimées, culte de l’individu et haine de la singularité. Il s’amuse de voir une même société passer en quelques mois « de la protestation vertueuse en faveur de Rushdie, à l’indignation également vertueuse contre tout énoncé sexiste » (17 janvier 1990).

Page après page, Muray devient Muray…

Mort de la transcendance, mort de l’art, mort de la littérature, mort du sexe. Muray ne cesse jamais de payer sa dette – d’autant que, comme tous les artistes, il préfère les rivaux morts aux vivants. Cependant, composer l’oraison funèbre du monde ancien ne l’intéresse pas, ce qu’il veut, c’est baptiser le nouveau en forgeant les catégories et les concepts qui permettront de le penser.

A lire aussi: Causeur #74: Muray, Art de destruction massive

Page après page, Muray devient Muray, sa voix s’éclaircit, son écriture se trempe dans l’acide. La fin de l’Histoire pointe son nez, le Parti Dévot Global annonce l’Empire du Bien. Il fait son miel des célébrations du bicentenaire de 1789, rappelant le mot de Napoléon à Las Cases : « La Terreur, en France, a commencé le 4 août. » Tout en observant que cette Révolution qui lui inspire une franche aversion ne peut même plus être un objet de discussion : « Que signifie-t-elle, à l’époque où les scooters des mers tranchent les cous bien plus efficacement et joyeusement que la guillotine ? Comment s’enthousiasmer pour les sans-culottes quand les filles, sur les plages, se promènent sans slip ? » (20 août 1989) Fin 1989, il suit avec passion les événements de Roumanie et la fin télévisée des Ceausescu : « La Société de Pacotille médiatique a enfin trouvé son contraire hideux. L’avertissement que le Spectacle adresse à ses ennemis est clair : qui n’est pas avec nous est avec ces deux monstres condamnés par le sens de l’Histoire, et finira comme eux, un jour ou l’autre, criblé de balles au pied d’un mur. »

L’édition coupable de vouloir tuer la littérature

Si l’abattement, la prostration, la conviction d’avoir tout raté (à 45 ans) reprennent régulièrement le dessus – il lui arrive même d’être carrément pleurnichard –, une certitude résiste : celle d’être un génie. Le seul vivant. « Le seul mot qui devrait être interdit de pluriel » : écrivain. (20 mars 1989). « Relu Rubens hier et aujourd’hui. Mon impression ? Chef-d’œuvre. » (4 janvier 1991 [tooltips content= »La Gloire de Rubens, paraît chez Grasset en 1991. « ](1)[/tooltips]). Ses ailes de géant ne l’empêchent d’être mortifié par le silence de plomb qui accueille La Gloire de Rubens, comme Postérité, trois ans plus tôt. Il ne pardonne pas ce double échec à Bernard-Henri Lévy et à Grasset. « On n’a plus besoin de perdre ses manuscrits à la Bastille, de nos jours (comme Sade et les Cent vingt journées, Ndlr), pour assister à leur disparition corps et biens ; il suffit de les publier chez Grasset. » (24 mai 1991). Et quelques jours plus tard, le 28 mai, il conclut : « Je n’ai pas les moyens sociaux de mes moyens intellectuels. C’est-à-dire : je ne suis pas employé d’édition, journaliste, etc. Et pourtant, littéralement, esthétiquement, j’ai raison. Donc je suis foutu. » Il lui arrive même de se plaindre de ce que son téléphone ne sonne pas.

A lire aussi: La veuve de Louis-Ferdinand Céline, Lucette, est morte

Le récit récurrent de ses démêlés avec Grasset et avec l’édition tout entière, coupable de vouloir tuer la littérature, nourrit un mimétisme plus ou moins conscient avec celui qu’il a élu comme double maudit : Céline, dont il relit inlassablement Mort à Crédit et Guignol’s Band. « Céline pendant qu’il écrit Mort à crédit : « Il a fallu aussi remonter franchement tout le ton sur le plan du délire. Alors les choses s’emboutissent naturellement.”[…] Ce sera désormais son unique souci esthétique, son seul impératif catégorique. Si pas délire (grossissement, densité, émotion, passage au “direct”), rien. » Pendant quelques mois, Muray s’essaie au délire et fait un usage immodéré des points d’exclamation et de suspension. Mais l’invective et l’émotionnant ne sont pas son registre, ce ton remonté lui sied moins que la férocité joyeuse et bouillonnante qui deviendra sa véritable voix.

En guerre contre son époque

Si Céline est son maître pour le style et pour l’antagonisme radical, pour le programme, il se tourne vers Balzac. Lequel parle, dans un article de 1832, de « tous ceux qui trouvent chez eux quelque chose après le désenchantement ».« Il y a en effet deux espèces, deux catégories, note Muray, ceux pour qui il n’existe rien après le désenchantement, et ceux pour qui tout commence. Toute mon entreprise est de faire sentir la richesse et la joie de l’au-delà du désenchantement. » (5 février 1989). Déniaiser tous ceux qui se laissent ensorceler par le kitsch, comme s’il était le réel : il sera jusqu’au bout fidèle à cette ambition.

Au moment où s’ouvre ce volume, début 1989, la messe est dite : ce sera Muray contre le reste du monde. Sa rage a parfois des accents puérils : « Chaque minute où tu n’écris pas est un jour de joie pour eux. » (15 janvier 1989).

Muray est en guerre contre son époque. Mais l’époque ne le sait pas.

"Portrait de Honore de Balzac (1799-1850)" Peinture de Louis Boulanger (1806-1867) 19eme siecle. Tours. Musee Des Beaux Arts (c) Photo Josse / Leemage
« Portrait de Honore de Balzac (1799-1850) » Peinture de Louis Boulanger (1806-1867) 19eme siecle. Tours. Musee Des Beaux Arts
(c) Photo Josse / Leemage

Tout l’intérêt de ce volume est précisément qu’il couvre une période charnière. Il a déjà fourbi les armes qui constitueront les motifs lancinants de son œuvre future. Et pour qui a vraiment lu Le xixe siècle et Postérité, son entreprise de dynamitage est déjà une évidence. Cependant, tel un marrane, il déjeune et devise le jour avec ceux qu’il exècre la nuit, furieux contre eux et contre lui du besoin qu’il a encore d’eux. C’est Dr Philippe et Mr Muray. À le lire, on comprend que, dans les coteries ex-avant-gardistes qu’il fréquente – Sollers et la bande des anciens de Tel quel, Jacques Henric, Catherine Millet et Art Press, BHL, Enthoven et Grasset – son charme, son érudition et son talent de société font merveille au point que la plupart le prendront longtemps pour un des leurs.

Sollers onctueux, Lévy urbain…

Ainsi, il collabore très régulièrement avec « les crétins de Globe », un journal pourtant complice par son enthousiasme de ce qui est pour Muray, avec la mort de ses parents et l’échec de Postérité, l’une des trois catastrophes de cette période : l’élection de François Mitterrand. « Mon allergie pour lui a été si absolue, si instantanée, si sincère en somme, et si naturelle, que je n’en parle plus jamais, elle n’a aucun intérêt. » (3 octobre 1991). En 1989, plusieurs de ses articles pour Globe passent à la trappe, notamment un magnifique texte sur Sade. Il rompt par un « poulet » (une missive, pas une volaille) lapidaire en novembre. Et quelques mois plus tard, en janvier 1990, on voit de nouveau apparaître dans le Journal un texte destiné au magazine sur la terreur que lui inspire la conspiration des marieurs. Et de citer l’explication que Degas donne de son célibat :« J’aurais eu trop peur d’entendre ma femme me dire : c’est joli ce que tu as fait là. » Muray finira par épouser N. et celle-ci ne lui dira jamais, bien sûr, qu’il a écrit un joli livre. Après parution du texte dans Globe, il découvre comment il a été mis à la longueur voulue : « Ils me coupent toutes mes fins de phrases, mes articulations en douceur, ils éludent mes nuances, mes équivoques, mon velouté, mes rimes, mes rythmes. » Qu’il se contente de cette protestation silencieuse est sidérant pour quiconque le connaîtra dix ans plus tard, à l’âge de la souveraineté, capable de faire une scène effroyable pour une virgule manquante. On mesure l’effort que lui a demandé l’avalage répété de telles couleuvres.

A lire aussi: Sollers, voyant

Alors, il se venge sans attendre que le plat refroidisse. Dans la clandestinité de son bureau, il peint, derrière l’onctuosité de Sollers et l’urbanité de Lévy, les manigances, les petites appropriations, les jeux de pouvoir, les batailles d’influence, les services rendus, les ascenseurs renvoyés, les louanges exigées. « Pour me décider à prendre en main la réalisation d’un numéro de L’Infini sur la Révolution, il y a deux ans, Sollers me faisait miroiter la perspective d’avoir à ma disposition du papier à en-tête de Gallimard. » (18 février 1990). Ils croient me contrôler parce que j’ai besoin d’eux, mais je suis libre, écrit-il de mille manières. Trente ans après, on est vaguement gêné par la duplicité. Alors que la plupart de ses cibles de l’époque ont perdu leur superbe et leur pouvoir, les missiles à retardement de Muray ne s’écrasent-ils pas sur des ambulances ?

Ces trois années sont donc celles de la séparation, c’est-à-dire de la délivrance. Avec L’Empire du Bien, qui paraît à l’automne 1991 aux Belles Lettres, Muray brûle ses vaisseaux. Il tombe les masques. C’est qu’entre-temps, il a enfin rencontré l’éditeur que son œuvre méritait. Ses lecteurs devraient ériger une statue à la gloire de Michel Desgranges (voir le portrait de Daoud Boughezala dans le n°74 du magazine). Du reste, Muray se reproche de ne pas l’avoir fait. Le 27 août 1991, il se retourne sur le chemin parcouru et ne voit que des ratages. « Quand un écrivain de quarante-six ans ouvre les yeux et récapitule toutce dont il a omis de parler, depuis plus de vingt ans qu’il écrit, le vertige l’envahit.[…] Il prétendait comprendre le monde, mais le monde lui a échappé. Il est allé chercher midi à quatorze heures.[…] Eh bien (il ne s’en aperçoit que maintenant), le personnage de Desgranges, le patron des Belles Lettres, devrait avoir été l’occasion, et depuis longtemps, d’un grand morceau de bravoure à la La Bruyère. C’était son devoir de le faire.» Muray mourra en 2006 sans avoir accompli ce devoir. Mais son amitié avec Desgranges avec qui il déjeune une fois par mois à La Marlotte, rue du Cherche-Midi, ne faiblira jamais.

Obsessions

On ne saurait conclure ce vagabondage à travers le Journal sans évoquer deux obsessions qui ne quittent jamais Muray : le temps et les femmes. Deux obsessions d’ailleurs étroitement liées, car les femmes sont les principales voleuses de temps, les femmes qui, pour paraphraser Sade, veulent être fécondées et non « foutues », les femmes et leur demande d’amour et de mariage. De tels propos lui vaudraient aujourd’hui d’interminables procès en misogynie et sexisme si les duègnes du néo-féminisme le lisaient.

Les femmes, Muray est contre, tout contre, il les abomine et ne peut se passer d’elles – cul, con et cerveau. Il aime les posséder et plus encore écrire qu’il les possède. Cependant, elles sont ses seules interlocutrices, ses adversaires et complices de prédilection, à l’image de N., « la chienne de tête ». « Il faudrait que je fasse la revue de détail et l’étude approfondie de toutes les ruptures qui m’ont paru nécessaires (et même, dans certains cas, indispensables à ma survie) dans les dix dernières années. Roche, États-Unis, Bourgadier-Denoël, Sollers, Lévy, Scarpetta, tout le monde finalement. Mais dans cette liste on notera qu’il n’y a pas une seule femme. » (13 juillet 1991). Elles lui inspirent des aphorismes tranchants – ou saignants: « On peut introduire bien des choses dans une femme, mais pas le doute. » (5 juin 1991). Ou encore : « L’incompatibilité, le principe d’incompatibilité reconnu et cultivé, entre un homme et une femme, est la seule garantie de la liberté. » (13 septembre 1991). Encore une blague pour la route ? S’adressant à un certain François, il remarque : « Tu es père […] parce que tu aimes transmettre…Moi, c’est mettre que je veux. » (4 février 1991).

Et c’est ainsi que Muray est grand.


La gloire de Rubens

Price: 26,00 €

18 used & new available from 17,99 €



Mort à crédit

Price: 10,90 €

42 used & new available from 2,46 €


L'empire du bien

Price: 8,00 €

20 used & new available from 4,01 €

Un Asperger peut-il devenir maire?

0
Cédric Villani perdu dans ses pensées, photographié à Paris le 4 novembre © BUFKENS CEDRIC/SIPA Numéro de reportage: 00930837_000013

 


Lors d’une interview, un journaliste a “osé” demander au candidat à la mairie de Paris Cédric Villani s’il souffrait d’autisme. Toute la bonne presse s’en indigne. En ces temps inclusifs, l’autisme serait même un atout, à entendre certains commentateurs!


Nous parlions récemment des projets éducatifs de Benjamin Griveaux, candidat LREM à la mairie de Paris en difficulté. Sur son chemin, on le sait, Cédric Villani maintient une candidature dissidente. Il a apparemment un sacré ego. Et selon Le Point, il inquiète même ses proches. La semaine passée, le mathématicien surdoué était interrogé sur son autisme supposé par l’émission de télévision Quotidien. En effet, nombreux sont les observateurs à murmurer que Villani pourrait être atteint du syndrome d’Asperger. 

Apprenez à identifier les signes d’Asperger

Les signes qui plaident pour cette hypothèse sont notamment l’habillement saugrenu, le phrasé étrange ou farfelu et les échanges déconcertants avec autrui (certains diront difficiles). Autant de traits communs à de nombreuses personnes atteintes du syndrome… Enfin, ce qui est plus connu depuis Rain man, de nombreux Asperger développent des facultés impressionnantes sur un domaine spécifique – par exemple dans les sciences – en compensation de leur inaptitude sociale…

« Vous me demandez si je suis autiste ? Je ne sais pas. Je ne me suis jamais fait diagnostiquer. Je n’ai jamais éprouvé le besoin de me faire diagnostiquer. Et qu’est ce que ça changerait ? »

Peu importe! Villani affirme ne pas avoir demandé un diagnostic au corps médical.  Cela va très bien ainsi, merci.

Je vous sens troublé

En ces temps inclusifs, poser la question de l’autisme est perçu comme un affront, voire un début de discrimination. Il y a quelques décennies, un tel syndrome aurait probablement écarté tout candidat à d’importantes fonctions électives. En 2019, au contraire, le troupeau habituel des vigilants s’empresse de nous rappeler – dans les médias ou sur les réseaux sociaux –  la bonne conduite que l’électeur doit adopter. En aucun cas, le citoyen ne peut se demander dans l’isoloir s’il est opportun d’élire un maire Asperger. Rappelons qu’Anne Hidalgo n’a tout de même pas les codes nucléaires…

A lire aussi: Villani, Macron: l’uberisation de notre vie politique s’accélère

Entendons-nous bien, Villani a bien fait la preuve de ses compétences politiques. Mais c’est cet empressement à vouloir circonvenir toute parole qui s’écarterait de l’acceptation à bras ouverts d’une telle pathologie qui interroge. Après un intense lobbying, ce qui était considéré comme un handicap mental est depuis 2013 classé dans une catégorie moins infamante par l’Association américaine de psychiatrie: “les troubles du spectre de l’autisme”. Un éventuel maire de Paris Asperger ne doit donc plus nous troubler.

Mobilisation des préfets contre l’islamisme, pas en avant ou pas d’amalgame?

0
Au Ministère de l'intérieur, séminaire des Préfets contre l'islamisme le 28 novembre © NICOLAS MESSYASZ/SIPA Numéro de reportage: 00934785_000027

La timidité face à l’islamisme ne permettra pas d’en venir à bout. Aurélien Marq, polytechnicien, haut-fonctionnaire en charge de questions de sécurité, dévoile les cinq problèmes que Christophe Castaner doit résoudre.


Jeudi 28 novembre, Christophe Castaner a réuni 125 préfets place Beauvau pour leur déclarer que « la radicalisation et le terrorisme [étaient] les symptômes les plus graves d’un mal plus profond qui touche trop de nos quartiers.  » Il ajouta : «  Je veux parler de l’islamisme et du communautarisme. » Belle évolution de la part d’un ministre qui, il y a moins de deux mois, affirmait au Sénat : « Chacun ici sait que personne ne fait de lien entre la religion musulmane et le terrorisme, ni même entre la religion musulmane, la radicalisation, et le terrorisme. »

Hydre islamiste, droit devant !

Alors, cette « action coordonnée pour lutter contre la radicalisation et recréer la cohésion sociale », prise de conscience salutaire ou poudre aux yeux ? C’est que les Français finissent par se lasser des déclarations d’intention jamais suivies d’effets, à l’image de ce que furent les discours d’Emmanuel Macron aux obsèques d’Arnaud Beltrame, puis un an plus tard sa déclaration sur « l’hydre islamiste ». Pour dépasser ce stade, les mesures du ministre de l’Intérieur devront surmonter cinq problèmes : un problème de cohérence, un problème judiciaire, un problème culturel, un problème d’analyse de fond, et un problème de sens.

A lire aussi: Attentat à la Préfecture: c’est trop facile d’accuser Castaner

Problème de cohérence : l’Etat ne peut pas prétendre lutter contre le communautarisme si « en même temps » il en tolère voire en finance la promotion. Que deviennent les avantages fiscaux dont bénéficie le Qatar ? Pourquoi concentrer la méfiance sur RT France plutôt que sur AJ+ ? Où en est l’interdiction des Frères Musulmans et de leurs affidés ? Parle-t-on enfin de la dissolution du CRAN et de la LDNA ? Et du PIR ? Qu’en est-il des subventions abondamment versées à l’UNEF ? Aux syndicats qui ont soutenu la « marche contre l’islamophobie » ? A Sud rail, dont un représentant lors de cette marche de la honte a revendiqué le droit de ne pas serrer la main des femmes ? Et je pourrais y ajouter ces innombrables associations locales bénéficiant des largesses municipales – les élections approchent – et du clientélisme électoral, dont chaque « affaire du voile » nous rappelle la nocivité. A propos du voile, la neutralité du temps scolaire et des accompagnateurs, où en est-ton ? LREM est contre…. Au fait, Aurélien Taché est toujours membre de la majorité ?

Problème juridique et judiciaire : combattre l’infiltration endémique des islamistes et des communautaristes dans des milieux professionnels et/ou associatifs, c’est se heurter aux lois contre les discriminations, ou du moins à leur interprétation par certains magistrats pour lesquels « la société » est par nature toujours coupable. Comme l’expliquait Mohamed Sifaoui, 10 jours avant l’attentat de la Préfecture de Police l’administration n’aurait pas pu licencier Mickaël Harpon, la justice y aurait vu discrimination d’un « racisé » handicapé converti à l’islam ! Que faut-il donc penser d’un combat contre l’islamisme qui « en aucun cas ne devra avoir pour effet de stigmatiser une personne ou un groupe de personnes à raison (…) de leur appartenance à (…) une religion déterminée, ni de s’apparenter à une quelconque discrimination. » Faut-il appliquer aux bouddhistes la même méfiance qu’aux salafistes ? Faut-il mettre sur le même plan le Tao Te King et les livres sur le tawhid proclamant que tous les non-musulmans sont voués à l’enfer éternel ?

C’est aussi se heurter à des réseaux qui ne manquent pas de moyens financiers et n’hésitent pas à recourir au jihad judiciaire. La Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, était présente au séminaire organisé par son homologue de l’Intérieur. Va-t-elle donner des directives pour inciter les magistrats à faire usage de l’article 472 du Code de Procédure Pénale concernant l’abus de droit, pour contraindre les adeptes du jihad judiciaire à prendre en charge les frais de justice de leurs victimes ?

La peur, notre plus grande faiblesse?

De plus, lorsque le ministre de l’Intérieur déclare vouloir une politique de mixité sociale, qu’il se souvienne qu’en l’absence de fermeté judiciaire cela revient à mélanger les moutons et les loups : lorsque la peur de la sanction ne remplit plus son rôle, le « vivre ensemble » n’est qu’un jeu de massacre.

Problème culturel : l’État peut beaucoup, mais il ne peut pas tout, et les Français auraient grand tort de se défausser de leurs responsabilités sur lui. La peur de l’accusation d’islamophobie est notre plus grande faiblesse, et la plus grande arme de nos ennemis : elle interdit de voir ce que l’on voit, et plus encore de dire ce que l’on voit. Elle sert à faire taire les musulmans réformateurs comme les apostats de l’islam, elle sert à entretenir le déni, elle conduit à sacraliser l’intolérance. Mais elle n’est forte que si nous sommes faibles, que si collectivement nous choisissons de nous y soumettre.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Charlie Hebdo caricatural?

Chacun d’entre nous a le devoir d’oser la vérité, de la dire, de l’écrire, autour de nous, sur les réseaux, dans les médias, auprès des élus, et par-dessus tout auprès des plus jeunes pour les mettre en garde. Contre les mensonges qu’ils ne manqueront pas d’entendre. Contre les « safe spaces » par lesquels les universités courtisent les dogmatismes au lieu d’encourager au questionnement. Contre la tentation de la censure.

Problème d’analyse de fond : Alors même que Christophe Castaner annonçait un « changement de paradigme », la préfecture du Rhône invitait à « mieux faire connaître l’islam dans la société civile, notamment via les médias. » La seule question qui vaille est donc celle-ci : qu’entend le gouvernement pas « mieux faire connaître l’islam » ?

S’agit-il de populariser et diffuser l’approche historico-critique, afin d’encourager l’indispensable prise de distance par rapport aux textes dits sacrés dont l’islamisme n’est que la rigoureuse et stricte application ? De faire connaître les analyses de Souâd Ayada, le « Coran des historiens » récemment publié, ou le travail de Yadh Ben Achour sur l’islam et les droits de l’Homme ?

Ou s’agit-il au contraire de contribuer à répandre le discours lénifiant du « cépaçalislam », légende hagiographique dont le seul objectif est d’éviter à l’islam de faire face à sa responsabilité dans l’existence et la puissance de l’islamisme ? Ce mensonge peut sembler sympathique mais le perpétuer a pour seul effet d’aider l’islamisme à se dissimuler dans l’islam, à y rester lové, toujours prêt à ressurgir à la moindre occasion.

Car enfin, il faut le dire et le redire : si l’islam n’est pas réductible à ce que l’on appelle couramment l’islamisme – en fait l’islam littéraliste théocratique – ce totalitarisme fait partie de l’islam, et ce depuis l’origine. « L’islamisme est la maladie de l’islam, mais les germes du mal sont dans le texte » disait Abdelwahab Meddeb, phrase que le ministre de l’Intérieur chargé des cultes ferait bien de méditer chaque jour, au lieu d’affirmer comme il le fait que « en aucun cas je ne mets l’islam dans cette pyramide de la violence » et d’écrire que l’islam politique « détourne une religion de ses fondements. » La destruction du sanctuaire de Taëf en 632 sur ordre du Prophète, et le choix de « la conversion ou la mort » imposé aux Banu Thaqif qui en avaient la garde, seraient donc un détournement de l’islam par son propre fondateur ? Et le fait de promouvoir sans recul critique le « bel exemple » du « meilleur des hommes » qui s’est marié avec une fillette de 6 ans, Aïcha, et a utilisé une prisonnière de guerre, Safiya, comme esclave sexuelle, détournement ?

Réhabiliter l’identité nationale?

Assez de faux semblants ! Bien sûr, l’islam n’est pas seulement l’islamisme, et nos concitoyens musulmans ne sont pas seulement musulmans, mais des hommes et des femmes doués de sens moral et de responsabilité individuelle. Et justement : il leur incombe de faire face aux réalités déplaisantes, et il incombe à tous de comprendre qu’ils en sont capables et donc de l’exiger d’eux. Quelles réalités ? Celle-ci, par exemple : les seuls pays au monde à punir de mort le blasphème et l’apostasie sont 13 pays musulmans agissant au nom de l’islam et se référant à ses textes saints. Et presque partout où l’islam est dominant, l’apostasie est illégale et les droits des non-musulmans sont bafoués.

A lire aussi, témoignage d’une ancienne salafiste: « Dans l’islam, on cherche seulement à obéir, et surtout ne pas être puni »

Il y a des musulmans humanistes, et qui tentent de créer un islam humaniste – ou un humanisme spirituel s’exprimant dans le langage symbolique des cultures d’islam. Ceux-là ont en commun d’assumer le même devoir de lucidité : l’obscurantisme wahhabite, l’impérialisme fréro-salafiste, la sauvagerie jihadiste ont tout à voir avec l’islam ! Comment espérer en extirper ces monstruosités – ou créer un islam régénéré qui en soit délivré – sans admettre d’abord que pour l’instant elles font partie de lui ?

Problème de sens, enfin : on ne peut pas lutter contre le communautarisme sans donner envie d’appartenir à la communauté nationale. Et cela ne passe pas par les milliards d’euros déversés dans une « politique de la ville » jusqu’ici notoirement inefficace, mais avant tout par le fait de donner le goût et la fierté de cette appartenance. Cessons de mépriser les habitants des « quartiers » : ils ont le droit de vouloir de la France autre chose que « du pain et des jeux » – des allocations et une connexion à Netflix. Ils ont le droit d’exiger de nous que nous leur proposions de rejoindre ce qui a fait et fait encore la grandeur de la France. Un simple espace géographique de transit, un « hub » économique ou une start-up nation ne sauraient combler le besoin d’appartenance de l’être humain. Il faut réhabiliter l’identité française. Réhabiliter et non sacraliser, mais réhabiliter tout de même.

N’est-il pas surréaliste qu’en France la seule identité que l’on n’ait pas le droit de revendiquer fièrement soit l’identité française – à part lors des matchs de coupe du monde, et encore ? La culpabilisation permanente de l’Occident est le principal terreau du communautarisme : elle pousse ceux qui le peuvent à embrasser des identités alternatives, et désarme moralement ceux qui ne peuvent être qu’occidentaux.

Certains prétendent mettre de côté l’art de vivre et les traditions françaises pour mieux accueillir ceux qui viennent d’ailleurs. Mensonge ! On ne se sent pas bien accueilli lorsque l’on entre dans une maison vide. Toutes les civilisations de ce monde ont du sang sur les mains ! Au moins la nôtre a-t-elle la lucidité de ne pas se croire parfaite, et c’est peut-être sa plus grande noblesse à condition qu’elle trouve la force de se tenir la tête haute malgré tout.

Héritiers de l’Antiquité, de la Chrétienté et des Lumières, du Parthénon et des cathédrales gothiques, de Socrate et de Victor Hugo, nous sommes les dépositaires de quelque chose qui nous dépasse et que nous avons le devoir d’enrichir et de transmettre. Et si nous perdons cela de vue le combat contre l’islamisme et le communautarisme sera voué à l’échec.