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Vademecum de la laïcité: bricolage silencieux en coulisse

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Le ministre de l’Education nationale fournit à Emmanuel Macron une caution laïque. Mais quand on regarde bien sa politique, c’est aussi l’assurance de l’immobilisme! (2/2) 


>>> Relire la première partie: « Voile: l’ambigu Monsieur Blanquer » <<<

La question du voile porté par des adultes dans l’enceinte scolaire ou en sortie n’étant toujours pas réglée, Jean-Michel Blanquer poursuit depuis la rentrée son numéro d’équilibriste de la laïcité.

A l’occasion de l’incident du Conseil Régional de Bourgogne-Franche Comté, le ministre déclare sur BFMTV mi-octobre : « La loi n’interdit pas aux femmes voilées d’accompagner les enfants, mais nous ne souhaitons pas encourager le phénomène. »

Outil clef en main ou usine à gaz

Jusqu’à fin septembre le vademecum de la laïcité précise d’ailleurs que « les parents d’élèves peuvent, lorsqu’ils participent à l’encadrement d’une classe en sortie scolaire porter un signe ou une tenue par lequel ils manifestent une appartenance religieuse ». En octobre, avec la plus grande discrétion, une modification est apportée à cet outil de référence donné aux personnels.

Tout d’abord une préface de Jean-Michel Blanquer apparaît. Le document y est alors décrit comme « un élément clef dont une version régulièrement mise à jour et augmentée est désormais mise à la disposition des personnels ». Mais surtout, la fiche concernant les parents d’élèves se voit considérablement rallongée d’abondantes références juridiques (étude du Conseil d’Etat, jugements, arrêts…), pour finir par conclure que « l’obligation de neutralité s’impose ainsi aux parents volontaires pour participer à des activités d’enseignement, pour lesquelles ils exercent des fonctions similaires à celles des enseignants. »

Aux variations d’interprétation de ce qu’est un signe religieux « ostensible », voilà que vont s’ajouter les variations d’interprétation sur « les fonctions similaires à celles d’un enseignant », et ceci après deux pages de vocabulaire technique. Nous voilà bien loin d’un l’outil clef en main pour des directeurs déjà débordés.

Incohérences

Peut-on voir autre chose en ces faits qu’une tentative alambiquée de démontrer qu’il n’est nullement besoin de légiférer et que l’adoption par le Sénat d’une proposition de loi, emmenée par la Sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio est inutile ? Étonnante méthode que celle qui consiste à mettre les personnels en charge de la mise en pratique effective des textes dans une insécurité juridique permanente, en démontrant que les références peuvent changer radicalement sans qu’un service de veille juridique ne les alerte.

Et que penser de cette fort opportune visite de Charline Avenel, rectrice de l’Académie de Versailles, le 7 novembre, dans une école où des mères voilées participaient à des ateliers avec une classe? Quelle troublante coïncidence de voir cette camarade de promotion d’Emmanuel Macron, devenue rectrice en 2018 à la faveur d’une modification des règles de nomination des recteurs, relever l’erreur de la directrice en citant avec précision les pages si fraîchement modifiées que leur mise à jour d’octobre se cache dans un vademecum encore daté de septembre, à l’heure de parution de cet article…

Enfin et surtout, comment admettre que la prise en compte de la jurisprudence de la cour administrative d’appel de Lyon survenue cet été, ait pour effet d’exiger la neutralité des parents en classe, sans faire de même pour les intervenants scolaires? L’arrêt en question stipule que le principe de laïcité « impose également que, quelle que soit la qualité en laquelle elles interviennent, les personnes qui, à l’intérieur des locaux scolaires, participent à des activités assimilables à celles des personnels enseignants, soient astreintes aux mêmes exigences de neutralité ». Il semble donc évident qu’un intervenant du monde associatif, venu pour conter des histoires ou proposer une activité sportive est dans « un rôle assimilable à celui d’un enseignant » et ceci de façon bien moins sujette à interprétation qu’un parent d’élève. L’incohérence est donc manifeste dans un document pourtant conçu par douze experts pour clarifier les références juridiques puisque désormais, une Latifa Ibn Ziaten, venue illustrer les objectifs de vivre ensemble et d’éducation morale et civique des programmes, pourra garder son voile selon la fiche 23 (ex-22 dans la version précédente), mais devra l’enlever selon la fiche 22 (ex-21) si sa progéniture est dans la classe.

Les directeurs d’école abandonnés

Si l’on ajoute à tout cela la modification du code de l’éducation adoptée tout aussi discrètement, dans la torpeur de l’été, qui confie l’agrément des intervenants aux directeurs et non plus à leur hiérarchie, il est alors possible de prendre l’exacte mesure de la situation: les directeurs, dont la tragique actualité a mis en lumière la complexité des missions et l’épuisement, seront, en plus, désormais seuls responsables de l’incarnation de la laïcité à l’école, jusque dans leurs choix d’intervenants. Ce sera à eux d’expliquer aux parents que ce qui leur est interdit est autorisé pour d’autres adultes dans l’enceinte scolaire et de lutter contre l’ingérence conviviale d’associations plus ou moins bien intentionnées. Dans ce contexte, on ne peut qu’être inquiet sur le risque de voir, parfois, des directeurs à bout de force, outillés d’une usine à gaz juridique abusivement nommée vademecum, céder à l’intrusion du voile. Par la pénétration de ce cheval de Troie de l’islamisme dans l’enceinte scolaire se fera alors un ajustement territorial à bas bruit de la laïcité dans nos écoles. Leur hiérarchie, qui n’offre à ses troupes aucune formation en gestion des conflits ou interprétation des textes juridiques et ne procède à aucune alerte sur des modifications majeures des textes, pourra toujours, en cas de tumulte dans les médias, se réfugier derrière une « erreur de la directrice » comme l’a fait la rectrice de Versailles. Nous voilà bien loin de « l’école de la confiance » revendiquée par la communication ministérielle, lorsqu’un état major peut à tout moment reprocher aux hommes de troupe de ne pas avoir connaissance d’un texte glissé subrepticement à l’intérieur d’un document.

Ces curieuses méthodes et le refus de légiférer de façon claire signent la volonté du ministre de continuer la godille du « en même temps » avec la plus totale indifférence pour l’insécurité juridique par laquelle il contribue au mal-être déjà grand des directeurs et personnels des écoles. Le mille-feuille juridique désormais en vigueur vient entacher l’idée louable d’un vademecum et rend l’appel à Montesquieu lancé par le ministre plus qu’inapproprié. La proposition d’une loi claire portant une parole forte de la république ne constitue en rien une de ces « lois inutiles » qui « affaiblissent les lois nécessaires ». Elle serait l’occasion de porter une parole forte de la République, demandée par les directeurs.

Blanquer est habile en communication mais on attend les actes

Le contexte électoral et le souvenir des classes vides en banlieue lors de l’épisode des ABCD de l’égalité peuvent expliquer cette frilosité car le sondage Les Français et la Laïcité  (IFOP/Fondation Jean Jaurès) ne donne que 31% des musulmans favorables à l’interdiction du port de signes religieux ostensibles par les parents d’élèves lors d’une sortie scolaire, là où les « sans religion » se déclarent favorables à 73% et les catholiques à 81%. Qu’il s’agisse d’une position pragmatique tentant une adaptation à la fracture territoriale ou d’un manque de courage, la méthode Blanquer s’illustre par une communication habile plus que par des actes à la hauteur des enjeux.

Le 26 novembre dernier, à la demande du groupe Les Républicains, une commission d’enquête sénatoriale s’est organisée et entend « chercher à mettre en lumière la manière dont le radicalisme s’est diffusé sur les territoires et affecte le vivre ensemble et le fonctionnement des services publics. » Elle prévoit d’entendre « des acteurs de terrain […] notamment dans les écoles ». Souhaitons que cette occasion soit saisie pour évaluer clairement le désarroi des équipes pédagogiques prises en tenaille entre les effets de communication d’un ministre et ses méthodes tortueuses de gestion de la laïcité dans l’enceinte scolaire.

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Le JEFTA met Fukushima dans nos assiettes

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La mise en place du traité de libre-échange entre le Japon et l’UE fait craindre que des produits contaminés à proximité de Fukushima arrivent dans les assiettes des Européens. Enquête.


Survenue à dix mille kilomètres de Paris, la catastrophe nucléaire de Fukushima, en mars 2011, ne semblait pas présenter de conséquences directes pour les consommateurs européens à l’époque. Cette lointaine appréhension est désormais devenue une réalité tangible: les produits de Fukushima sont aujourd’hui dans nos assiettes à notre insu et cela n’est pas près de cesser avec l’entrée en vigueur en février dernier de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Japon, le JEFTA.

Levée des contrôles de radioactivité

Aurait-on pu imaginer, il y a huit ans, qu’au nom du dogme du libre-échange, les certificats de contrôle de radioactivité sur les produits agricoles et alimentaires en provenance de cette zone durablement contaminée ne seraient plus obligatoires pour entrer sur le marché européen? Depuis 2017, c’est chose faite pour le riz. En novembre 2019, les restrictions ont été levées pour le soja et les produits de la pêche notamment. En cette fin d’année 2019, la Commission européenne s’apprête à lever quasiment tous les contrôles sur le niveau de radioactivité des denrées alimentaires de Fukushima. Il n’y aura bientôt plus de traçabilité pour ces produits boudés en premier lieu par les Japonais eux-mêmes mais aussi par leurs voisins asiatiques, notamment par la Corée du Sud[tooltips content= »En 2015, le Japon a même déposé une plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce contre la Corée du Sud, affirmant que les niveaux de radioactivité étaient sans danger. En avril 2019, la Corée du Sud a fait appel de cette décision, ce qui lui a permis de maintenir son embargo sur les produits de la région de Fukushima. »](1)[/tooltips], ainsi que par les Etats-Unis. Des tests ont en effet montré une contamination au césium 134 et 137. Un comble au vu des exigences tatillonnes habituelles de l’UE en matière de fromages crus et autres spécialités locales européennes !

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Comment en est-on arrivé là ? Échaudée par l’opposition soulevée en Europe par les autres traités de libre-échange, la Commission européenne a décidé de contourner les parlements nationaux des États membres de l’UE en ce qui concerne le JEFTA. C’est ainsi que seuls le Parlement européen et la Diète japonaise ont été appelés à se prononcer en décembre 2018 sur le JEFTA. Cet accord a été signé en juillet 2018 après avoir été négocié en catimini entre les deux parties à compter de 2013. La Commission européenne a décidé d’éliminer progressivement les tarifs douaniers et d’assouplir les restrictions sur les importations afin de créer une zone de libre-échange de 635 millions de personnes. Ces échanges représentent environ un tiers du PIB mondial.

La levée des contrôles de radioactivité signifie que les supermarchés français, qui commercialisent déjà de nombreux produits japonais, pourront désormais vendre en toute légalité, dès 2020, beaucoup plus de produits contaminés de Fukushima, y compris des aliments pour bébé, des céréales pour le petit-déjeuner, de la viande, en plus du riz, du poisson et des crustacés de cette zone. Tout cela en échange de l’abaissement des tarifs douaniers sur des produits européens notamment agricoles, tels que nos fromages, foie gras, champagne, cognac et vins.

Pour la députée européenne Michèle Rivasi[tooltips content= »Entretien avec les auteurs du 22 novembre 2019. »](2)[/tooltips], «si les contrôles sont levés, vous n’aurez plus moyen de connaître la quantité de césium dans votre riz ou dans votre poisson. À l’heure actuelle, 100 Becquerels par kilo de radioactivité sont admissibles, même dans les céréales pour enfants, et 50 Becquerels pour les aliments pour bébés. Ce chiffre devrait être zéro. Je demande que les autorités japonaises testent également le strontium et le tritium, qui sont hautement cancérigènes et qui ne sont même pas recherchés actuellement ». A titre d’exemple, le strontium 90 remplace le calcium et se fixe sur les os et les dents des individus qui en ont ingéré.

Autre cauchemar : le Japon a annoncé – au grand dam de la Corée du sud et de la Chine – son intention de rejeter, peut-être dès 2020, 1 million de tonnes d’eaux radioactives ayant servi à refroidir les réacteurs endommagés, en arguant que le pays allait atteindre ses limites de capacité de stockage en 2022.

Particulièrement dangereux pour les enfants et les bébés

Pour rappel, les autorités japonaises n’autorisent pas les inspecteurs européens indépendants à effectuer des tests sur les eaux contaminées des réservoirs de Fukushima. TEPCO, la Tokyo Electric Power Company, opérateur de la centrale nucléaire, affirme que ces dernières ne présentent aucun danger pour la santé. Des documents internes à TEPCO révélés par Greenpeace ont toutefois montré que des quantités variables de 62 radionucléides n’en ont pas été retirées, notamment du strontium 90, de l’iode, du césium et du cobalt. « On sait également que ces eaux contiennent de l’uranium, du plutonium et de l’américium 241», indique Michèle Rivasi. Cela est d’autant plus alarmant que le nettoyage de la centrale de Fukushima est un processus sans fin et que, par conséquent, toutes les espèces marines à proximité des zones sinistrées vont inexorablement être contaminées pour les siècles à venir et cela sans limite dans le temps car la centrale nucléaire de Fukushima est irréparable. Le plutonium 239 a, par exemple, une durée de vie de 24 000 ans !  Pour Bertrand Pouvreau, spécialiste de biologie marine, la radioactivité affecte principalement les algues et les mollusques bivalves tels que les huîtres et les moules. «Les poissons plats tels que la sole, la limande ou la plie, de même que ceux situés au bout de la chaîne alimentaire, comme le thon, sont également touchés. La consommation d’aliments contaminés par la radioactivité est particulièrement dangereuse pour les bébés et les enfants car leurs cellules se reproduisent beaucoup plus rapidement que chez les adultes. Les cancers frappent dans la moelle osseuse et le système lymphatique »[tooltips content= »Entretien avec les auteurs du 24 novembre »](3)[/tooltips].

Les Japonais disent merci à l’Union européenne

Les poissons et autres produits de la pêche récoltés près des côtes de Fukushima apparaîtront bientôt sur les étals de nos poissonneries, mais ils seront également présents dans les petits pots pour bébés, dans les plats cuisinés et les conserves, dans les farines animales destinées à la pisciculture, ainsi que dans les croquettes et conserves pour animaux domestiques. Le soja exempt de droits de douane sera destiné à nourrir les bovins européens. De la même manière, les produits à base de riz de Fukushima, désormais dispensés de tests sanitaires, seront largement utilisés dans la production d’aliments pour bébés.

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Dans un environnement régional où les consommateurs locaux, tout comme le reste du monde, continuent de se méfier des produits alimentaires en provenance de Fukushima, les autorités japonaises ont trouvé un sauveur improbable grâce au JEFTA qui met à leur disposition un nouveau marché fort de 500 millions de consommateurs européens. Dans le cadre de ce traité de libre-échange, les Japonais vont pouvoir se débarrasser en toute légalité de leurs produits contaminés par la radioactivité dont ils ne veulent pas sur leur marché intérieur et se procurer sans tarifs douaniers des denrées alimentaires saines en provenance de nos régions. Comme il paraît curieux d’échanger de succulentes huîtres de Marennes-Oléron contre des produits de la mer radioactifs venant de l’autre bout du monde. Et qu’en est-il de la fameuse empreinte carbone? A noter également qu’en vertu de l’accord commercial JEFTA, les Japonais ont désormais accès au marché européen pour vendre leurs automobiles et leurs motos sur lesquels les tarifs douaniers seront progressivement éliminés pour atteindre 0 dans 7 ans !

Le libre-échange avant tout

Devant tant d’aberrations, en décembre, la députée Michèle Rivasi a essayé de faire voter in extremis une objection au parlement européen afin que la Commission européenne daigne prendre le problème en considération, mais les Japonais font le forcing afin que les contrôles de radioactivité soient levés au plus vite. Le gouvernement de Shinzo Abe est tellement déterminé à commercialiser la production alimentaire de la préfecture de Fukushima et des régions environnantes qu’il souhaite que les athlètes du village olympique de Tokyo soient nourris avec de la nourriture produite à Fukushima. L’objection de Mme Rivasi a été rejetée le 3 décembre par la commission environnement et santé publique du parlement européen. Elle a déclaré à ce sujet : « Pour certains de mes collègues, l’accord de libre-échange avec le Japon est bien plus pertinent que des mesures additionnelles de précaution ».

Malgré la gravité de la situation, en France force est de constater qu’il n’y a eu aucun débat. Même pas sur la nécessité d’un étiquetage obligatoire. Au Royaume-Uni, le candidat conservateur Neil Parish, ancien président du Comité de l’environnement, de l’alimentation et des affaires rurales, a déclaré au Daily Telegraph: «Nous n’avons pas besoin de ces échanges commerciaux. Si les Japonais ne mangent pas ces denrées, pourquoi le ferions-nous? Les scientifiques peuvent bien déclarer qu’il n’y a pas de risques, les gens ont le droit de savoir ce qu’ils mangent ». Il se prononce dès à présent en faveur d’un étiquetage obligatoire sur les produits de Fukushima.  Quoi qu’il en soit, les consommateurs européens n’ont, pour l’heure, d’autre choix que de s’en remettre au bon vouloir de la Commission européenne. Mais au vu des immenses enjeux financiers, n’est-il pas illusoire de croire que celle-ci consentira à exiger du Japon des contrôles de radioactivité sur les produits contaminés ? Si l’exécutif européen se refuse même à imposer un étiquetage obligatoire, il ne restera plus au consommateur que la solution de se procurer un compteur Geiger à ses frais pour tester lui-même le contenu de son assiette…ou bien de faire entendre sa voix pour demander au plus vite la tenue d’un référendum sur cette question !

Diana, The Boss

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Arte propose ce soir un documentaire retraçant le parcours de la très déterminée Diana Ross.


Le vendredi à la télévision, vous avez le choix entre un programme comique « Mask Singer », gêne et fous rires garantis, ou, en deuxième partie de soirée, un documentaire musical inédit sur Arte. La semaine dernière, c’était Stevie Wonder « visionnaire et prophète ». En octobre, la chaine a diffusé le portrait intime et dramatique de Teddy Pendergrass, crooner à la voix d’or et son inoubliable tube érotico-sirupeux « Close the door ». J’en ai encore des sueurs dans la colonne vertébrale. La langueur du chanteur devrait être enseignée dans tous les Conservatoires d’arrondissement. La musique française gagnerait en clarté et en profondeur.

Pas une médiocre!

Ce soir, gloire à la patronne, à la diva suprême, Diana Ross apparaîtra à 22 h 30 dans un film réalisé par Julie Veille. La reine de la Motown au brushing scintillant, affutée comme une athlète du sprint n’avance pas masquée. « Je veux être la meilleure », annonce-t-elle dans une interview, pour couper court à toutes les spéculations. Diana n’a pas quitté son quartier HLM de Detroit pour faire de la figuration à la télé. Il n’y a pas de place au doute chez elle. Le travail ne lui fait pas peur et le charisme, elle en déborde. Le trop-plein la guetterait même. Le documentaire revient sur une carrière immense, les hauts et les bas, les clashs et les amours, les tentatives au cinéma et les collaborations prestigieuses, avec toujours le succès en ligne de mire. Cette fille-là est terrible par son audace, son inlassable activisme et ce charme vénéneux qui emporte tout sur son passage. Quand Diana décide, le monde lui obéit. C’est une femme, elle est noire, mais ne revendique rien d’autre que son ascension sociale personnelle. Cette mécanique de précision, bourreau des studios, cherche la perfection et la « money ». Même si la réussite ne semble jamais vraiment la rasséréner complètement. Elle incarne le modèle américain dans sa plus brutale et brillante acception. Ça nous change de nos chanteuses pleurnicheuses de profession qui veulent sauver la planète et singent l’humilité pour séduire un public plus large. Diana veut rouler en Cadillac et devenir la plus grande star d’Amérique. La fausse sobriété, la fausse modestie, c’est bon pour les médiocres.

Depuis l’âge de seize ans après avoir tanné son voisin Smokey Robinson pour qu’il lui ouvre les portes de ce milieu artistique, elle va tout mettre en œuvre pour y arriver. Et elle ne lâchera rien. On revoit avec plaisir les images en noir et blanc des années 1960 quand Diana supervisait The Supremes. Trois jeunes femmes aux tenues règlementaires, coupe au carré et tailleur classique de rigueur, agrémentées de quelques breloques et de pulls moulants, de quoi suggérer les lignes du corps sans outrager les bonnes mœurs. Aujourd’hui, tout ça semblerait presque « trop sage » mais, à l’époque, Nina Simone et Ella Fitzgerald prennent un coup de massue. Une séquence tournée dans les rues de Paris en 1965 nous montre ces trois drôles de dames zigzaguer notamment sur les Champs-Elysées au milieu des DS, Solex et Simca 1000. Diana déteste partager. Son opiniâtreté la pousse sur le devant de la scène. La lumière sera son karma. Berry Gordy, le manitou de la Motown, l’inventeur du son de Detroit ne résistera pas très longtemps à cette personnalité hors-norme. S’en suivra un compagnonnage professionnel aussi fructueux qu’houleux. Les autres chanteuses qui l’accompagnent, finissent par jeter l’éponge. Diana ne regarde jamais en arrière. Son style, son tempérament et sa voix font des miracles. The Supremes avaient décroché dix places de Numéro 1 en à peine quatre années. Diana seule, fera mieux. Après un duo tempétueux avec Marvin Gaye, les deux enregistrent chacun de leur côté, le disco lui assure alors la consécration. Et pourtant la concurrence est rude, Donna Summer et Gloria Gaynor tiennent le haut du microsillon à facettes. Diana sort l’arme fatale : « Love Hangover ». 3 minutes 45 de tensions orgasmiques en 1976. Quatre ans plus tard, Nile Rodgers et Bernard Edwards de Chic lui taillent sur-mesure un album à sa démesure. Des titres qui fracassent le « Billboard », des hits qui propulsent Diana en icône. Elle vend 6 millions d’albums grâce à « Upside Down » ou « Coming Out ». En 1982, son ami Michael Jackson lui offre le vigoureux « Muscles » et son improbable clip bodybuildé. Diana vient ainsi d’ouvrir toutes les vannes du show-business à plusieurs générations d’artistes féminines. Elles s’appellent Rihanna, Beyoncé, etc…

Diana Ross, suprême diva – Documentaire diffusé vendredi 6 décembre à 22 h 30 sur Arte

Entreprise: la dictariat du prolétature

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Dans la « startup Nation », les églises se vident et le prolétaire prie pour les valeurs de la sainte entreprise. Coup de gueule.


Camarades, le libéralisme économique c’est le communisme du XXIe siècle. En théorie, ça marche. En pratique c’est un enfer.

Oui ! Même le plus demeuré des LRépublicains aura compris que prôner la « concurrence mondiale libre et non faussée », pour un Français c’est réclamer pour soi-même un destin de canard laqué auprès de tous les chinetoques de la terre !

Mourir pour les valeurs de l’entreprise

Pourtant ce libéralisme, tout boiteux qu’il est, aura tout de même réussi, au mitan des années 80, à inventer une nouvelle mystique pour motiver ses esclaves : la culture d’entreprise. « Les valeurs de la boîte ». Mourir pour son pays les yeux dans les yeux d’un peloton d’exécution, défendre sa foi en allant au martyre, se sacrifier pour le communisme ou le fascisme, sauver sa princesse des flammes, ça c’était le bon vieux temps ! Maintenant le héros occidental ce n’est plus Guillaume le Conquérant mais Xavier Niel le winner.

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L’Occident en est là. Il n’a plus rien d’autre à opposer à l’islam sacrificiel que la laïcité, l’apéro résistant en terrasse et « l’esprit Intermarché ».

Notre monde, à nous les gens normaux…. catholiques comme le Bon Dieu… et issus de la paysannerie ou de la classe ouvrière … traditionnellement hanté par l’exemple des saints, des grands rois, de la Résistance… a été colonisé du ciboulot par les valeurs des deux bourgeoisies. La bourgeoisie de gauche d’un côté, c’est-à-dire tous ces sales gosses de médecins ou de notaires lecteurs de Télerama qui bombarderaient Clermont-Ferrand pour la Palestine. Et, de l’autre, cette tartignole de bourgeoisie de droite qui croit nous faire avaler que c’est une transcendance de vendre de la moquette.

L’entreprise, nouvelle église de l’Occident

Qu’un patron de PME croie en son petit tsouin-tsouin, d’accord ! Qu’il y passe ses nuits à promouvoir sa saucisse au Roquefort ok. Il y gagnera sa croûte et donnera un avenir à ses employés. À la rigueur, que ce même patron arrive à motiver ses cadres et à les exalter à coups de prime de Noël, bon… Mais croire que le type qui conduit un chariot élévateur pour 1200 balles par mois chez Monsieur Bricolage va adhérer à toutes ces conneries, non. Là-dedans, dans le fait de faire vivre une boîte, il n’y a pas « autre chose » que le fait de gagner sa vie et de s’occuper l’égo en « gagnant des marchés ». Une mystique ? Un sens à l’existence ? Un chemin vers le dieu de la saucisse ? Ah non ! Ça ce n’est que la dernière trouvaille de « l’Entreprise » pour motiver le péquenaud. J’ai connu ça… dans ma partie… une boîte qui fabriquait du plancher chauffant ! Elle avait réussi à fédérer tout un tas d’artisans autour de ses bouts de tuyau. À coup de congrès, de médailles, de titres genre « sérénissime de la clef de 12 » et d’un club. Il y avait un club des installateurs de plancher chauffant et, mieux encore, un club des utilisateurs du plancher chauffant Tartempion. Et ça marchait ! J’imagine les réunions ! « Alors ton plancher chauffant il marche comment ? » C’était « l’esprit Tartempion », la « Tartempionnosphère » qu’ils avaient appelé ça. Bill Gates n’a rien inventé.

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Et puis qu’on ne vienne pas me chanter Ramona hein ! Ce n’est pas uniquement les marchands de coussins péteurs qui ne sont pas sexy pour un simple employé, c’est l’Entreprise elle-même. L’entreprise en tant que nouvelle église d’un début de siècle où les grandes idéologies sont mortes. Moi, par exemple, je veux bien honnêtement monter du parpaing pour mon patron mais qu’il ne vienne pas me jouer les Raëls de la toupie à béton. Parce que son moulin à prières de « capitaine d’industrie » il ne tourne que pour lui finalement. Et bien peu pour moi, le véritable artiste de la truelle et du fil à plomb.

La droite doit se réarmer

La classe laborieuse autochtone, privée de ses cadres sociaux traditionnels – les curés ou le parti communiste, en gros – est prise aujourd’hui entre deux nouvelles divinités : « l’Autre » à gauche et « l’aventure Leroy-Merlin » à droite.

Bref, face au tiercé qui s’annonce il y a urgence à nous réarmer en spiritualité. Véritable! En ferveur de la communauté charnelle. En esprit sacrificiel pour l’honneur. Pour la terre et les morts ! Si la droite veut jouer un rôle dans le galop qui s’annonce il va falloir qu’elle abandonne ce qui fait son ridicule: sa mystique de l’Entrepreneur, son obsession pour le point de croissance. Il va falloir qu’elle retrouve un sens à ses valeurs.

Parce que quand ça va commencer à cogner sévère, ce n’est pas à coups de tickets-restos qu’on va motiver les troupes…

Macron: la parole sans les actes


Rattrapé par le réel, le président Macron dresse désormais des constats lucides sur l’état de notre société. Mais ses beaux discours sur l’islamisme ou le malaise des gilets jaunes ne se transforment jamais en actes. La cécité progressiste du quinquennat reste intacte.


En matière de communication politique, nous étions, nous sommes accoutumés aux discours de dénégation (ne pas « voir ce que l’on voit », selon le mot de Péguy). François Hollande, pour sa part, a excellé dans l’art de la dénégation publique et des confidences privées (il voyait, par exemple, la « partition » de la France par le communautarisme islamiste, mais il en réservait l’aveu à ses « visiteurs du soir »). Emmanuel Macron, lui, s’est spécialisé dans l’exercice de ce que le philosophe Clément Rosset appelait la « perception inutile » : « C’est une perception juste, expliquait l’auteur du Réel et son double, qui s’avère impuissante à faire embrayer sur un comportement adapté à la perception. […] J’ai vu, j’ai admis, mais qu’on ne m’en demande pas davantage. Pour le reste, […] je persiste dans mon comportement, tout comme si je n’avais rien vu. » Dans cette opération, le langage, sous la forme qu’affectionne notre président, la grandiloquence, joue un rôle majeur : on s’enivre de mots, mais les mots ne sont plus qu’un « abri », un moyen de « tenir à distance les vérités les plus éclatantes » (Marcel Aymé, cité par Rosset). Beaucoup de bruit pour rien, beaucoup de bruit afin de produire du rien, du néant, conclut le philosophe.

Et c’est bien ce qui impatiente. Le mot est faible. Et singulièrement depuis ce qu’il est convenu d’appeler l’acte II du quinquennat, autrement dit depuis la commotion populaire des gilets jaunes, le président ayant décidé de descendre des hauteurs jupitériennes et de se mêler à son bon peuple. De parler à tout le monde, et tout le temps. Et il parle, en effet. Le magistère de la parole est celui, et il le sait, qu’il maîtrise le mieux.

Analyse sagace

Avec Emmanuel Macron, il ne s’agit pas simplement de belles paroles qui se révèlent finalement vaines – auquel cas, il n’y aurait pas grand-chose de nouveau sous le soleil de la politique. Non, avec le président, c’est autre chose, ce sont plus que des paroles. L’homme a, à la fois, la passion de la théâtralisation, de la mise en scène de soi et le goût des tableaux de la France. Il multiplie les scènes d’apparition, maniant l’art de la gestuelle, nullement encombré de son corps qu’il déploie dans l’espace, il tombe la veste, il se retrousse les manches, joue des mouvements de bras et, s’offrant le meilleur rôle, au fil de longues et interminables tirades, propose une analyse sagace de la situation de la France.

Lui qui, du temps où il était candidat, avait congédié les Finkielkraut, les Onfray, les Guilluy pour cause de « déclinisme » (« Ils ne m’intéressent pas tellement. Ils sont dans les vieux schémas. Ils font du bruit avec de vieux instruments. […] Ce sont des esprits tristes englués dans l’invective permanente »), voilà que, rattrapé par le réel, il se fait presque aussi lucide qu’eux. Au point de désespérer, dans les rangs mêmes de son mouvement, toutes les belles âmes qui, comme lui, hier, ne veulent pas être inquiétées dans leurs évidences et n’entendent pas être privées du confort moral que dispense l’appartenance au camp du bien.

« Les bourgeois n’ont pas de problème avec l’immigration »

Souvenons-nous de sa longue allocution du mois d’avril dernier, au sortir du cycle du « Grand Débat ». Énumérant les « malaises » dont les gilets jaunes étaient le nom, le trait touchait juste : « Malaise des travailleurs qui ne s’y retrouvent plus », « malaise des territoires, des villages où les services publics se réduisent et le cadre de vie disparaît », « malaise démocratique, sentiment de n’être pas entendu », « malaise face à une laïcité bousculée et des modes de vie qui créent des barrières et de la distance » (euphémisation du communautarisme qu’il nomme toutefois plus loin !) ; sur le chapitre de l’islam et de l’insécurité culturelle, son discours ne manquait pas non plus d’à propos : « Nous ne devons pas nous masquer : quand on parle de laïcité, […] on parle du communautarisme qui s’est installé dans certains quartiers de la République. […] On parle de gens qui, au nom d’une religion, poursuivent un projet politique, celui d’un islam politique qui veut faire sécession avec notre République. » Et il légitimait le rejet qu’inspire aux Français le voile en invoquant les mœurs françaises : le voile « n’est pas conforme à la civilité qu’il y a dans notre pays ». On pourrait également mentionner son intervention du 8 octobre, après la tuerie islamiste de la préfecture de Paris, où le président ne craint pas de parler de l’« hydre islamiste », ou celle du 16 septembre devant les députés LREM qui fit grand bruit : « Les flux d’entrée n’ont jamais été aussi bas en Europe et les demandes d’asile jamais aussi hautes en France. Il est temps de regarder le sujet en face. […] Les bourgeois n’ont pas de problème avec [l’immigration] : ils ne la croisent pas. Les classes populaires vivent avec. La gauche n’a pas voulu voir ce problème pendant des années. » D’aucuns en viennent à parler d’un tournant, d’une conversion populiste du progressiste.

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Cependant, le président ne semble pas avoir fait le « job », comme lui-même dirait, une fois la scène quittée. On m’objectera qu’il faut laisser du temps au temps, assurément, et il ne s’agit pas de se comporter en enfants gâtés, en adolescents consuméristes, à la Greta Thunberg réclamant, incontinents, la satisfaction de leurs désirs. Toutefois, du temps, il ne cesse d’en prendre : quelque sept mois se sont écoulés depuis ses premières déclarations sur l’islam faisant sécession et l’engagement de mener une politique de reconquête des territoires perdus de la République. Et l’on ne voit rien venir.

Ne lui en demandez pas trop

Comment expliquer ce décalage entre le rhéteur et l’acteur, entre l’homme parlant et l’homme agissant ? Il y a certes la spécificité macronienne, la martingale du « en même temps » qui autorise toutes les palinodies et permet de soutenir tout et son contraire au gré des interlocuteurs. Il entre aussi, dans le phénomène Macron, quelque chose de l’homme moderne tel qu’analysé par Péguy, il est cet homme « qui ne croit pas ce qu’il croit », si bien qu’il est dans chacune de ses paroles, aussi contraires soient-elles entre elles. Mais il est une autre explication encore, plus profonde sans doute.

L’homme est par trop doué, par trop éloquent : ses mots mordent sur le réel et l’entraînent là où il ne veut pas, là où il ne peut pas aller, sauf à se dédire. Je vois les ruines qui se sont amoncelées au fil des quatre dernières décennies, je les peins, mais ne m’en demandez pas davantage, car davantage, ce serait remettre en question la philosophie libérale-libertaire qui est la mienne et qui a produit ce monde. Si ses propres mots lui ouvraient réellement les yeux, si sa perception cessait d’être inutile, il serait contraint de mettre en question son progressisme.

Emmanuel Macron en visite à Rouen, 30 octobre 2019. (c) Raphael Lafargue - POOL/ SIPA
Emmanuel Macron en visite à Rouen, 30 octobre 2019.
(c) Raphael Lafargue – POOL/ SIPA

Emmanuel Macron ne parvient pas à entendre ce que cependant le mouvement des gilets jaunes, en son inspiration initiale, et l’ample soutien que ce mouvement a rencontré dans l’opinion, avant qu’il ne s’abîme dans la violence, rendaient éloquent : les Français ne veulent plus de ce monde qu’on leur bâtit depuis quatre décennies. On vit mal dans le monde rêvé des progressistes.

Besoin d’identité, de continuité historique, que le monde soit habitable…

Ce progressisme, obsédé de mouvement, de mobilité, de fluidité, exaltant l’individu et ses droits, et dont Emmanuel Macron se fait le chantre, ce n’est pas une belle idée qui tourne mal, comme on disait hier du communisme. La déstructuration de l’individu, la décomposition de la nation, l’archipellisation de la société, la destruction de la nature sont consubstantielles à l’idéologie libérale-libertaire qui fait de l’individu la mesure de toute chose, à l’économisme qui ne se soucie que de « faire fonctionner la machine au mieux » dans l’oubli de la question politique par excellence, puissamment et opportunément rappelée par Alain Finkielkraut dans son dernier essai, À la première personne (Gallimard) : « La question de savoir ce qu’il faut préserver, empêcher, réparer ou changer pour que le monde soit habitable. »

A lire aussi : Macron ne savait pas que la banlieue c’est morose

Ce qui est remis en question, et par les gilets jaunes, et par les agriculteurs, et par les hospitaliers, autrement dit par les Français, ce n’est pas telle ou telle mesure, c’est une philosophie qui passe par pertes et profits l’homme, les hommes, et leurs besoins fondamentaux.

Emmanuel Macron est désespérément un homme de sa génération. Comme toute l’élite mondialisée, qui vit bien, très bien, parce qu’elle en a les moyens économiques, en état d’apesanteur, en situation de hors-sol, se flattant d’être et de se sentir chez elle partout et nulle part, il se refuse à comprendre les fondements anthropologiques du besoin d’identité, de continuité historique, et donc à en reconnaître la pleine légitimité. De sa génération aussi, en ceci qu’il méconnaît le génie français, et pour le peu qu’il en connaît, il ne le comprend pas, il n’en pénètre pas la noblesse. Imprégné d’idéologie diversitaire, communautariste, multiculturaliste, l’universalisme à la française lui reste étranger. De là sa défense, et depuis le 15 août, illustration (nous sommant de reconnaître la « part d’Afrique » qui serait dans la France), du « patriotisme inclusif ».

C’est un jeu dangereux que joue le président Macron. Précisément parce que ses discours mordent sur le réel. Rappelons l’avertissement de Tocqueville, évoquant Louis XVI promettant d’abolir la corvée après avoir peint, lui aussi, un tableau plus vrai que nature de l’injustice qu’il y avait à réquisitionner « la partie la plus pauvre de nos sujets » pour construire « gratuitement » des chemins qui ne profitaient qu’aux privilégiés : « De semblables paroles étaient périlleuses, écrit Tocqueville. Ce qui l’était plus encore était de les prononcer en vain. »

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La COP 25 de mes rêves 

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A force d’avoir le regard systématiquement tourné vers le changement climatique, Pedro Sanchez et Antonio Gutteres oublient qu’il existe d’autres menaces bien plus urgentes. 


« Seule une poignée de fanatiques nient encore l’évidence d’un changement climatique »
Ah comme il est beau Pedro Sanchez, le premier ministre espagnol ! Beau et digne tel un acteur de telenovela mexicaine à la peau mate et au visage régulier. Il faudrait remercier le peuple espagnol de s’être donné un chef de gouvernement aussi magnifique. Un homme parfait qui présente bien et qui pense bien. Et il l’a prouvé lundi dernier en tirant la sonnette d’alarme climatique avec l’élégance du grand seigneur et la noble indignation du chevalier. Avec Sanchez, même l’inquiétude a le parfum doux de l’espoir. Ça change de Greta.

Le Cid progressiste

« L’Espagne est prête, nous allons honorer la parole donnée…sans laisser personne sur le bord de la route ! »

L’Espagne a son Cid ! Et il veut croiser le fer avec le péril du moment : l’urgence climatique !

A lire aussi: Aurélien Marq: Les écolos contre l’écologie

La tragédie du Cid progressiste réside dans sa myopie. Son corps ressent la température qui monte mais ses yeux ne voient pas l’autre péril, l’autre danger mortel qui menace d’emporter la Vieille Espagne. Une civilisation entière frappe à la porte, l’Islam veut en découdre, il réclame un duel mais le prince, dont la vision est confinée aux murailles de l’alcazar, ne se rend compte de rien. Pedro Sanchez écoute des voix qui lui soufflent l’évidence du cataclysme climatique mais il n’aperçoit pas le tsunami humain qui est sur le point d’emporter son mode de vie, sa langue et ses habitudes.

C’est toujours pareil avec les progressistes. Ils s’alarment à la moindre anomalie dans la calotte glacière et demeurent impassibles face aux ravages de l’immigration illégale. Ils s’indignent pour un rien concernant le climat et font preuve de calme et de retenue au milieu de la tempête qui souffle sur les sociétés européennes. Ils admettent volontiers le rapport de cause à effet entre le CO2 et le réchauffement mais refusent d’établir toute causalité entre Islam et islamisme, immigration et délinquance. Ils répètent à l’envie que tous les évènements météorologiques font partie d’un grand ensemble nommé dérèglement climatique et répugnent à tracer un trait d’union entre les « loups isolés ».

Plus ils analysent les photographies aériennes de la banquise, moins ils observent la naissance de véritables maquis au cœur des métropoles européennes, des petits bouts d’Orient et de Sahel à quelques encablures de La Moncloa et de Matignon.

Pendant ce temps-là, du côté des frontières …

A force de scruter l’horizon à la recherche d’une tache suspecte sur la couche d’ozone, nos maîtres progressistes n’aperçoivent pas la marque de prière sur le front des « migrants ». Ils croient voir des individus isolés alors que c’est toute une civilisation qui traverse la mer.

Lors de la même séance inaugurale de la COP 25, Antonio Gutteres, le Secrétaire Général des Nations Unies, un Portugais, a prévenu lui contre « une trahison de toute notre famille humaine et de toutes les générations à venir ». On a envie de lui crier : « mais la trahison a déjà eu lieu Monsieur le Secrétaire Général ! L’Europe a été trahie par ses élites ! Elle a été ‘suicidée’ par ceux qui auraient dû prendre soin d’elle ! Et la perte de la civilisation européenne est une catastrophe pour l’ensemble de l’Humanité qui est privée d’un pôle de dynamisme qui a su marier le bonheur de l’individu à la grandeur de la collectivité ! »

A lire aussi : Charlie Hebdo caricatural ?

Si j’avais Guterres et Sanchez à portée de main, je leur dirais qu’ils ont ma sympathie d’office, parce qu’ils sont ibériques. Et un Ibérique et un Arabe comme moi ont tellement en commun: une querelle de famille qui s’est très mal terminée en 1492 et dont l’enseignement principal est qu’on ne badine pas avec les civilisations, on ne les mélange pas impunément. Ce sont des vieilles dames qui n’aiment pas être sorties de leur élément, si on les brusque, elles risquent de se venger de la manière la plus cruelle qui soit. Aux apôtres de la migration, je conseille de lire et relire Braudel qui, il y a soixante ans déjà, mettait en garde contre la colère des civilisations.

Dommage que le GIEC ne s’occupe pas d’immigration et d’islamisme, autrement on aurait fait d’une pierre deux coups : protéger les paysages naturels tout en préservant les paysages humains. Il manque un C à GIEC : celui de Civilisation. Il aurait fallu se préoccuper du Climat et de la Civilisation en même temps.

Il est urgent que nous autres, gens de droite ou simples amoureux de l’Europe, trouvions une Greta ou un Sanchez pour parler en notre nom. Une enfant nordique ou un grand seigneur espagnol. Argumenter ne sert plus à rien, je le crains, le temps est venu d’émouvoir. Si vous avez des candidats en vue, écrivez-moi sur Twitter (@drissghali1).

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Ces intellectuels juifs qui partent en guerre contre… le sionisme

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Dans Le Monde, 127 intellectuels se prononcent contre la proposition de résolution examinée mardi dernier à l’Assemblée nationale assimilant antisionisme et antisémitisme.


Dans un livre de Léon Poliakoff, j’ai trouvé une charmante et sympathique définition de l’antisémitisme. Un baron hongrois du début du XXe siècle avait la fâcheuse réputation d’être antisémite. Un ami vint le lui reprocher. « Moi, antisémite ? Mais non, jamais, au grand jamais, protesta le baron, un antisémite est quelqu’un qui hait les Juifs plus que de raison ». Le baron était donc raisonnable. Les 127 signataires de la pétition contre la loi Sylvain Maillard sont également, et à leur façon, raisonnables…

Cette loi, initiée par Macron, prévoit que l’antisionisme dans sa version la plus hystérique, qui nie le droit à Israël d’exister, pourra être assimilé à de l’antisémitisme. Les signataires, tous Juifs comme ils le proclament, s’indignent au nom de la liberté d’expression. Et invoquent le droit de critiquer « la politique répressive d’Israël à l’égard des Palestiniens ».

À première vue – mais seulement à première vue – il n’y a pas de quoi de se scandaliser. Des Juifs ont le droit de réprouver le sionisme, n’est-ce pas ? En effet, et en parallèle, il y a bien des intellectuels musulmans qui s’insurgent contre l’islamisme.

Ce parallèle est faux. Les intellectuels musulmans cités plus haut sont seulement de culture musulmane. Ils ont depuis longtemps rompu avec l’Islam et ne passent pas leur temps à crier qu’ils sont arabes. Ce qui leur vaut d’être insultés et menacés de mort. Les intellectuels juifs de la pétition, eux, se revendiquent d’un peuple auquel ils refusent le droit d’avoir une patrie. Et ils ne risquent rien: même les rabbins les plus fanatiques ne connaissent pas le mot « fatwa ».

Dans leur pétition – une assez banale litanie anti-israélienne – il y a un passage particulièrement écœurant qui disqualifie, si besoin était, tout leur texte. Ils écrivent que « parmi les gazés des camps de la mort, il y avait aussi des Juifs antisionistes » ! Le regretté chancelier du IIIe Reich était sans doute frappé de myopie: il ne distinguait pas les Juifs sionistes des Juifs antisionistes…

Fouiller dans les cendres d’Auschwitz pour les besoins d’une pétition, c’est, pour le moins, se comporter en charognards. Les signataires de la pétition affectent aussi d’ignorer qu’à l’époque contemporaine (pas celle de Theodor Herzl) le qualitatif « sioniste » équivaut souvent à un permis de tuer.

C’est ainsi que Staline a fait assassiner des médecins « sionistes ». Qu’à Prague, à l’époque stalinienne, on a pendu des dirigeants communistes parce que « sionistes ». Et qu’à Jérusalem, quand un Israélien est poignardé, l’agresseur ne prend manifestement pas la peine de s’informer avant si sa victime est sioniste ou antisioniste. On vous le dit et on vous le répète: les signataires de la pétition sont raisonnables.

Emmanuel Macron néglige l’Espagne de Pedro Sánchez

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Tournée vers l’Allemagne et l’Angleterre, la France ne se préoccupe pas de l’Espagne. Ce pays ne rentre pas dans la perspective géopolitique française, alors que du côté de la péninsule la France est beaucoup commentée.


Entre anniversaire des « gilets jaunes », tensions sociales diverses et grève multisectorielle le 5 décembre, le président de la République française, Emmanuel Macron, a renoncé à se rendre en personne à la COP25, qui se déroulera à Madrid du 2 au 13 décembre 2019.

La capitale espagnole a récupéré l’organisation de cet événement mondial, qui rassemblera près de 25 000 personnes au palais des congrès de l’IFEMA, à la suite des troubles qui agitent le Chili. Un véritable défi à relever en quatre semaines seulement.

Trajectoire diplomatique au long cours

L’absence du chef d’État français n’est pas dramatique pour l’Espagne. Il sera représenté par de nombreux ministres, diplomates et technocrates et il n’est pas dit que des décisions transcendantes soient prises. Néanmoins, ce faux bond de la part de Paris renforce un sentiment de mépris ou, à tout le moins, d’ignorance à l’égard de Madrid. Une longue trajectoire de rencontres manquées.

Les relations transpyrénéennes ont souvent été compliquées depuis le début de la Cinquième République: Charles de Gaulle n’a jamais pu se rendre en visite officielle en Espagne durant son mandat, pas plus que Georges Pompidou, en raison de la dictature franquiste; Valéry Giscard d’Estaing est parvenu à repousser l’entrée officielle de l’Espagne et du Portugal dans la CEE pour des raisons de politique intérieure ; François Mitterrand a d’abord refusé de collaborer avec les autorités espagnoles dans leur lutte contre le terrorisme basque ; José María Aznar et Jacques Chirac se vouaient un mépris réciproque et les relations se sont tendues avec l’engagement espagnol dans la guerre en Irak ; Nicolas Sarkozy a eu des mots très durs sur l’état économique de notre voisin ibérique après le déclenchement de la crise de 2008 ; enfin, la tentative de rapprochement tentée par Mariano Rajoy à l’égard de François Hollande n’a guère été couronnée de succès, ce qui a poussé le président du gouvernement à se tourner vers Angela Merkel.

A lire aussi : L’Espagne, une démocratie à géométrie variable ?

L’élection d’Emmanuel Macron n’a pas permis d’améliorer les rapports qu’entretiennent les deux nations. Bien au contraire, jamais notre voisin pyrénéen n’a aussi peu intéressé les autorités politiques françaises, notamment au plus haut niveau.

Traditionnellement, Paris et Madrid se retrouvent dans le cadre de sommets franco-espagnols (Cumbres Francoespañolas), qui se déroulent alternativement en France et en Espagne. En 2009, Nicolas Sarkozy s’était rendu outre-Pyrénées avec son épouse et y avait rencontré la famille royale espagnole dans le cadre d’une visite d’État. Deux ans plus tard, François Hollande recevait Mariano Rajoy au palais de l’Élysée en présence d’une grande partie de leurs gouvernements respectifs. Malgré les désaccords entre les deux exécutifs, Madrid, Paris puis Málaga avaient accueilli à leur tour de telles réunions en 2013, 2014 et 2017. Depuis lors, plus aucun sommet de ce genre n’a été programmé et il ne semble pas pour le moment que 2020 doive déroger à la règle. Emmanuel Macron ne…

>>> Retrouvez l’intégralité de cet article sur le site de la revue Conflits <<<

Libérez le nichon !

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Attention à ce que vous publiez, les GAFAM sont beaucoup plus impressionnables qu’il n’y parait …


Les réseaux sociaux et de communication Internet ont la pudibonderie à fleur de souris : aucune image « déplacée » n’y est admise. On s’en est avisé en 2018 quand Facebook a censuré Delacroix et sa Liberté guidant le peuple — avant de reconnaître qu’ils avaient peut-être envoyé le bouchon de vertu un peu loin — et avant de réitérer avec l’Origine du monde. Comme disait alors Matthieu Mondoloni sur FranceTvInfo, « Facebook ne fait pas la différence entre de la nudité, de la pornographie et une œuvre d’art ». Une aie qui y poste des photos volontiers dénudées de femmes et d’arbres orne les anatomies exquises de petits carrés explicitement marqués « Facebook » — afin de ne pas être « bannie ». Bannie pour un nichon ? Quand les hommes exhibent les leurs ? Eléonore Pourriat, en 2010, dans un court-métrage amusant intitulé Majorité opprimée, s’était amusée à inverser les appâts rances… Mais dans quel monde…

Et voici qu’un article du New York Times nous alerte sur la politique érotique d’Instagram. Un mouvement intitulé Free the Nipples (je n’ai pas besoin de traduire) a mobilisé près de 4 millions de « followers » qui protestent contre cette confusion entre indécence, nature et art.

La cause n’est pas seulement intellectuelle — rien n’est purement intellectuel aux Etats-Unis. Elle est avant tout économique. « Rihanna, Miley Cyrus et Chrissy Teigen, explique Julia Jacobs, qui ont chacune des dizaines de millions de « followers », ont testé les censeurs d’Instagram dans des posts dévoilant leurs seins qui furent prestement supprimés par Instagram ». En fait, supprimer le nichon fait perdre beaucoup d’argent.

A lire aussi : « La grossesse est propice à l’exploration du désir »

Heureusement, continue la journaliste, ce sont surtout les artistes qui protestent avec Free the Nipples, au point que la compagnie a convoqué une réunion générale de plasticiens et d’activistes il y a un mois dans ses locaux new-yorkais afin de concilier les points de vue des uns et des autres.

Pour la beauté du raisonnement, mettons-nous à la place du robot programmé pour supprimer tout ce qui dépasse. Comment analyse-t-il l’événement ? La notion d’art lui étant tout à fait inconnue, il procède scientifiquement — en surface. Y a-t-il un nombre conséquent de pixels consacrés à la reproduction de « genitals », « bottoms » et autres « tits » dans l’image que l’internaute prétend mettre en ligne ? Si oui, effacez.

Qu’il s’agisse des seins d’une hardeuse, d’une nudiste militante ou de ceux de Pepita, la maîtresse roturière de Goya, peu lui chaut. Courbe (sein vient de sinus) + téton = condamnation. La courbe seule peut à la rigueur passer la douane…

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Il se trouve que j’ai compilé pour mes étudiants, sur l’un de ces PowerPoints qui assurent ma célébrité passagère, un très grand nombre de toiles (et de sculptures) dont le thème central est le Voile et le Pli. Les artistes ne se contentent pas (fort rarement, en fait) d’exposer de la viande ; ils la parent de voiles, de plissés, de robes ou de tuniques en instance de chute, de bouquets de fleurs ingénieusement disposés pour cacher « le sceptre de la génération », comme disent les imbéciles et les anciens manuels de biologie.

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Ils jouent sur des transparences qui laissent à désirer, si je puis dire — parce que le désir est l’essence même de l’art. En même temps, c’est une invitation, à chaque fois, à aller voir au-delà des apparences — une métaphore du style. Ce n’est pas tout à fait un hasard si un artiste anonyme de la Renaissance a couvert d’un voile imperceptible le …

>>> Retrouvez la suite de cet article sur le blog Bonnet d’âne de Jean-Paul Brighelli <<<

 

Les GAFAM contre l'internet: Une économie politique du numérique

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Voile: l’ambigu Monsieur Blanquer

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Le ministre de l’Education nationale fournit à Emmanuel Macron une caution laïque. Mais quand on regarde bien sa politique, c’est aussi l’assurance de l’immobilisme! (1/2)


La rentrée à peine passée, le serpent de mer du voile à l’école est réapparu, resurgissant entre une vague Greta et un nuage rouennais.

En apparence, rien de neuf dans ce débat, hormis des désaccords interministériels donnés en spectacle et une certaine crispation des positions. En y regardant de plus près, se dessine une bien étrange stratégie de la part de Jean-Michel Blanquer.

Chevalier de la cause laïque, vraiment?

L’arrivée de ce ministre et la création de son Conseil des Sages étaient pourtant prometteurs. Malheureusement, par un choix savant de profils, le conclave d’érudits n’est parvenu qu’à faire émerger un barycentre d’immobilisme en mai 2018: le Vademecum de la laïcité, simple constat de l’état du droit dans ses interprétations les plus modérées, déposé sur le site du ministère, dans l’indifférence de la grande majorité des enseignants. C’est sur ce simple fait initial – agrémenté de quelques petites phrases savamment distillées – que le ministre s’est taillé un costume de chevalier de la cause laïque, faisant de lui une pièce de choix dans la mécanique macroniste du « en même temps ». Mais jusqu’à ce jour, sur le front de la  résolution effective des problèmes, l’action de Jean-Michel Blanquer est au niveau de la laïcité, ce que le moonwalk de Mickael Jackson est à la randonnée ! La musique et les paroles sont plaisantes, mais les pas de danse se soldent par un surplace.

A lire aussi: Classement Pisa: les petits Français nuls… mais bientôt bilingues?

Retour sur les faits. Le 12 février 2019, questionné à l’Assemblée par le député Eric Ciotti, Jean-Michel Blanquer affirme: « Bien que la question des parents accompagnateurs ne soit pas à mes yeux capitale, je la soumettrai pour avis au Conseil des Sages de la laïcité, créé il y a dix-huit mois, je le rappelle, afin de disposer d’une expertise sur les questions de laïcité dans l’Education nationale». Le 15 mai, au Sénat, après le refus d’une étude sur la question demandée par la sénatrice Patricia Schillinger, le ministre précise: « Sachez en tout cas que j’ai saisi le Conseil des Sages de la laïcité, qui remettra des analyses et des préconisations ». L’amendement adopté par le Sénat ce jour-là, visant à interdire les signes religieux lors de sorties scolaires, le voile en particulier, sera finalement enterré par les députés et sénateurs, réunis jeudi 13 juin en commission mixte paritaire relative au projet de loi « Pour une école de la confiance ». En échos aux batailles menées sur les bancs des assemblées, des manifestations de mamans voilées émailleront le mois de mai avant que l’arrivée des vacances ne cède la place au sujet du burquini.

Un seul Sage se prononce clairement contre les accompagnatrices voilées

Parmi les douze sages supposés travailler sur le sujet, un seul va prendre la parole à titre personnel, pour proposer une action concrète : Alain Seksig. Il est l’unique membre à avoir pratiqué le terrain comme directeur d’école. Il sait la difficulté pour les personnels à mettre en œuvre un texte flou. Curieusement, alors que Caroline Beyer du Figaro l’interroge le 31 mai sur la position du Conseil des Sages, il se limite à dire « nous avons choisi de travailler, d’abord, sur ce qui nous unissait et de ne pas aborder immédiatement cette question conflictuelle, sur laquelle nous sommes très attendus », mais il ne précise à aucun moment si cette instance est en train ou non d’analyser le problème à la demande du ministre.

Par ailleurs, il indique donc avec clarté sa position personnelle : « Tous se réfèrent à l’étude du Conseil d’État, en posant qu’il est possible pour un directeur d’école d’interdire la participation d’un parent à une sortie, dans la mesure où celui-ci fait du prosélytisme. Mais il est difficile, pour un directeur d’école, de se poser en juriste. Selon moi, il faut dire les choses clairement, par la loi ».

A lire, enquête: Libres enfants de Mahomet

Ses propos montrent que Monsieur Seksig perçoit le problème dans sa globalité. Il affirme clairement sa volonté de légiférer dans le champ scolaire tout en percevant le sens plus large : « Il est aussi question de la place des femmes dans notre société». Ses propos clairs, précis et concrets montrent que les Sages demeurent libres de parole dès lors qu’ils ne parlent qu’en leur nom propre. Il est donc étonnant qu’au milieu du tumulte des mois de mai et juin, un seul d’entre eux ait eu le courage de venir prendre part publiquement au débat, ne serait-ce que pour rassurer l’opinion publique en confirmant être en charge d’une réflexion sur ce problème. Sur cette même période tumultueuse, Laurent Bouvet, par exemple, qui sait, avec talent, batailler sur la question du voile des syndicalistes, de l’indigénisme à l’université ou du burquini, a semblé étonnamment peu loquace sur ces occasions de banalisation d’un marqueur de soumission de la femme dans le cadre scolaire… Sa combativité apparaît réservée aux causes que l’on peut rattacher avec certitude aux plus intégristes des musulmans, mais sa prudence reste de mise sur ce sujet qui concerne les « musulmans du quotidien». Cette attitude rejoint le positionnement d’Emmanuel Macron, qui, dès 2016, en campagne, déclarait « Je ne crois pas, pour ma part, qu’il faille inventer de nouveaux textes, de nouvelles lois, normes, […], pour aller traquer dans les sorties scolaires celles et ceux qui peuvent avoir des signes religieux ».

Cette ambiguïté de positionnement donne le sentiment que Laurent Bouvet a épousé l’un des éléments fondateurs de La République En Marche: le «et en même temps», laissant le leadership de la fermeté réelle à Alain Seksig pour les sujets touchant à l’école.

Laurent Bouvet vs Jean-Louis Bianco

Pourtant, depuis le début, ce n’est pas le discret Alain Seksig qui incarne le summum des exigences laïques mais bien Laurent Bouvet, qui d’activisme sur les réseaux en tribunes dans la presse s’est imposé.

A relire: Causeur #73 : Voile, le chantage victimaire

Ses conférences conjointes avec Jean-Louis Bianco ont fini par imposer les deux duettistes comme définissant l’empan du débat, à tel point que le 25 mars dernier, l’IFOP intitulait les résultats de l’enquête demandée par la Fondation Jean Jaurès : « Les macronistes et la laïcité : un électorat plus proche de la ligne Bouvet que de la ligne Bianco ». Or, en confiant l’incarnation de l’exigence et de la combativité à un homme dont la plasticité cérébrale permet de critiquer le voile de Myriam Pougetoux, syndicaliste auprès d’adultes tout en défendant le même signe religieux ostensible porté par Latifah Ibn Ziaten, intervenante donnée en exemple à des élèves mineurs dans l’enceinte scolaire, on maintient le débat dans une zone de confort pour le macronisme. Le dispositif Bianco/Bouvet a ainsi contribué à étalonner la machine à débattre dans un champ qui n’incluait pas de position ferme et indiscutable à l’école, alors que le rôle de l’exemplarité des adultes ayant autorité dans l’intégration des normes chez les enfants est pourtant largement démontré par les experts de leur développement.

Parallèlement, le camp des combattants laïques s’est accroché aux espoirs nés du contraste entre les écrits de Najat Vallaud-Belkacem et les paroles de Jean-Michel Blanquer, au point de ne plus formuler aucune critique ni proposition, de peur de déstabiliser ce dernier. Le piège s’est alors refermé: le ministre de l’Education nationale a, à la fois, fourni à Emmanuel Macron la caution laïque et l’assurance de l’immobilisme. Le soutien constamment renouvelé au patron de la rue de Grenelle par le plus médiatique des Sages, Laurent Bouvet, a achevé de verrouiller le système. En laissant œuvrer Jean-Michel Blanquer et son art de la communication, Emmanuel Macron réussit ainsi le tour de force de faire refuser une loi sur le voile des accompagnatrices par un ministre s’affirmant défavorable au port de ce signe religieux ostensible, tout en préservant l’aura dont ce dernier jouit auprès des associations de défense de la laïcité.

>>> Retrouvez la seconde partie de l’analyse de Laurence David <<<

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Vademecum de la laïcité: bricolage silencieux en coulisse

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Latifa Ibn Ziaten, à l'Elysée en 2018 © JACQUES WITT/SIPA Numéro de reportage : 00860168_000026

Le ministre de l’Education nationale fournit à Emmanuel Macron une caution laïque. Mais quand on regarde bien sa politique, c’est aussi l’assurance de l’immobilisme! (2/2) 


>>> Relire la première partie: « Voile: l’ambigu Monsieur Blanquer » <<<

La question du voile porté par des adultes dans l’enceinte scolaire ou en sortie n’étant toujours pas réglée, Jean-Michel Blanquer poursuit depuis la rentrée son numéro d’équilibriste de la laïcité.

A l’occasion de l’incident du Conseil Régional de Bourgogne-Franche Comté, le ministre déclare sur BFMTV mi-octobre : « La loi n’interdit pas aux femmes voilées d’accompagner les enfants, mais nous ne souhaitons pas encourager le phénomène. »

Outil clef en main ou usine à gaz

Jusqu’à fin septembre le vademecum de la laïcité précise d’ailleurs que « les parents d’élèves peuvent, lorsqu’ils participent à l’encadrement d’une classe en sortie scolaire porter un signe ou une tenue par lequel ils manifestent une appartenance religieuse ». En octobre, avec la plus grande discrétion, une modification est apportée à cet outil de référence donné aux personnels.

Tout d’abord une préface de Jean-Michel Blanquer apparaît. Le document y est alors décrit comme « un élément clef dont une version régulièrement mise à jour et augmentée est désormais mise à la disposition des personnels ». Mais surtout, la fiche concernant les parents d’élèves se voit considérablement rallongée d’abondantes références juridiques (étude du Conseil d’Etat, jugements, arrêts…), pour finir par conclure que « l’obligation de neutralité s’impose ainsi aux parents volontaires pour participer à des activités d’enseignement, pour lesquelles ils exercent des fonctions similaires à celles des enseignants. »

Aux variations d’interprétation de ce qu’est un signe religieux « ostensible », voilà que vont s’ajouter les variations d’interprétation sur « les fonctions similaires à celles d’un enseignant », et ceci après deux pages de vocabulaire technique. Nous voilà bien loin d’un l’outil clef en main pour des directeurs déjà débordés.

Incohérences

Peut-on voir autre chose en ces faits qu’une tentative alambiquée de démontrer qu’il n’est nullement besoin de légiférer et que l’adoption par le Sénat d’une proposition de loi, emmenée par la Sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio est inutile ? Étonnante méthode que celle qui consiste à mettre les personnels en charge de la mise en pratique effective des textes dans une insécurité juridique permanente, en démontrant que les références peuvent changer radicalement sans qu’un service de veille juridique ne les alerte.

Et que penser de cette fort opportune visite de Charline Avenel, rectrice de l’Académie de Versailles, le 7 novembre, dans une école où des mères voilées participaient à des ateliers avec une classe? Quelle troublante coïncidence de voir cette camarade de promotion d’Emmanuel Macron, devenue rectrice en 2018 à la faveur d’une modification des règles de nomination des recteurs, relever l’erreur de la directrice en citant avec précision les pages si fraîchement modifiées que leur mise à jour d’octobre se cache dans un vademecum encore daté de septembre, à l’heure de parution de cet article…

Enfin et surtout, comment admettre que la prise en compte de la jurisprudence de la cour administrative d’appel de Lyon survenue cet été, ait pour effet d’exiger la neutralité des parents en classe, sans faire de même pour les intervenants scolaires? L’arrêt en question stipule que le principe de laïcité « impose également que, quelle que soit la qualité en laquelle elles interviennent, les personnes qui, à l’intérieur des locaux scolaires, participent à des activités assimilables à celles des personnels enseignants, soient astreintes aux mêmes exigences de neutralité ». Il semble donc évident qu’un intervenant du monde associatif, venu pour conter des histoires ou proposer une activité sportive est dans « un rôle assimilable à celui d’un enseignant » et ceci de façon bien moins sujette à interprétation qu’un parent d’élève. L’incohérence est donc manifeste dans un document pourtant conçu par douze experts pour clarifier les références juridiques puisque désormais, une Latifa Ibn Ziaten, venue illustrer les objectifs de vivre ensemble et d’éducation morale et civique des programmes, pourra garder son voile selon la fiche 23 (ex-22 dans la version précédente), mais devra l’enlever selon la fiche 22 (ex-21) si sa progéniture est dans la classe.

Les directeurs d’école abandonnés

Si l’on ajoute à tout cela la modification du code de l’éducation adoptée tout aussi discrètement, dans la torpeur de l’été, qui confie l’agrément des intervenants aux directeurs et non plus à leur hiérarchie, il est alors possible de prendre l’exacte mesure de la situation: les directeurs, dont la tragique actualité a mis en lumière la complexité des missions et l’épuisement, seront, en plus, désormais seuls responsables de l’incarnation de la laïcité à l’école, jusque dans leurs choix d’intervenants. Ce sera à eux d’expliquer aux parents que ce qui leur est interdit est autorisé pour d’autres adultes dans l’enceinte scolaire et de lutter contre l’ingérence conviviale d’associations plus ou moins bien intentionnées. Dans ce contexte, on ne peut qu’être inquiet sur le risque de voir, parfois, des directeurs à bout de force, outillés d’une usine à gaz juridique abusivement nommée vademecum, céder à l’intrusion du voile. Par la pénétration de ce cheval de Troie de l’islamisme dans l’enceinte scolaire se fera alors un ajustement territorial à bas bruit de la laïcité dans nos écoles. Leur hiérarchie, qui n’offre à ses troupes aucune formation en gestion des conflits ou interprétation des textes juridiques et ne procède à aucune alerte sur des modifications majeures des textes, pourra toujours, en cas de tumulte dans les médias, se réfugier derrière une « erreur de la directrice » comme l’a fait la rectrice de Versailles. Nous voilà bien loin de « l’école de la confiance » revendiquée par la communication ministérielle, lorsqu’un état major peut à tout moment reprocher aux hommes de troupe de ne pas avoir connaissance d’un texte glissé subrepticement à l’intérieur d’un document.

Ces curieuses méthodes et le refus de légiférer de façon claire signent la volonté du ministre de continuer la godille du « en même temps » avec la plus totale indifférence pour l’insécurité juridique par laquelle il contribue au mal-être déjà grand des directeurs et personnels des écoles. Le mille-feuille juridique désormais en vigueur vient entacher l’idée louable d’un vademecum et rend l’appel à Montesquieu lancé par le ministre plus qu’inapproprié. La proposition d’une loi claire portant une parole forte de la république ne constitue en rien une de ces « lois inutiles » qui « affaiblissent les lois nécessaires ». Elle serait l’occasion de porter une parole forte de la République, demandée par les directeurs.

Blanquer est habile en communication mais on attend les actes

Le contexte électoral et le souvenir des classes vides en banlieue lors de l’épisode des ABCD de l’égalité peuvent expliquer cette frilosité car le sondage Les Français et la Laïcité  (IFOP/Fondation Jean Jaurès) ne donne que 31% des musulmans favorables à l’interdiction du port de signes religieux ostensibles par les parents d’élèves lors d’une sortie scolaire, là où les « sans religion » se déclarent favorables à 73% et les catholiques à 81%. Qu’il s’agisse d’une position pragmatique tentant une adaptation à la fracture territoriale ou d’un manque de courage, la méthode Blanquer s’illustre par une communication habile plus que par des actes à la hauteur des enjeux.

Le 26 novembre dernier, à la demande du groupe Les Républicains, une commission d’enquête sénatoriale s’est organisée et entend « chercher à mettre en lumière la manière dont le radicalisme s’est diffusé sur les territoires et affecte le vivre ensemble et le fonctionnement des services publics. » Elle prévoit d’entendre « des acteurs de terrain […] notamment dans les écoles ». Souhaitons que cette occasion soit saisie pour évaluer clairement le désarroi des équipes pédagogiques prises en tenaille entre les effets de communication d’un ministre et ses méthodes tortueuses de gestion de la laïcité dans l’enceinte scolaire.

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Le JEFTA met Fukushima dans nos assiettes

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Députée européenne depuis 2009, Michèle Rivasi (EELV) s'inquiète des produits japonais qui vont arriver sur notre continent © ISOPIX/SIPA Numéro de reportage: 00904148_000008

La mise en place du traité de libre-échange entre le Japon et l’UE fait craindre que des produits contaminés à proximité de Fukushima arrivent dans les assiettes des Européens. Enquête.


Survenue à dix mille kilomètres de Paris, la catastrophe nucléaire de Fukushima, en mars 2011, ne semblait pas présenter de conséquences directes pour les consommateurs européens à l’époque. Cette lointaine appréhension est désormais devenue une réalité tangible: les produits de Fukushima sont aujourd’hui dans nos assiettes à notre insu et cela n’est pas près de cesser avec l’entrée en vigueur en février dernier de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Japon, le JEFTA.

Levée des contrôles de radioactivité

Aurait-on pu imaginer, il y a huit ans, qu’au nom du dogme du libre-échange, les certificats de contrôle de radioactivité sur les produits agricoles et alimentaires en provenance de cette zone durablement contaminée ne seraient plus obligatoires pour entrer sur le marché européen? Depuis 2017, c’est chose faite pour le riz. En novembre 2019, les restrictions ont été levées pour le soja et les produits de la pêche notamment. En cette fin d’année 2019, la Commission européenne s’apprête à lever quasiment tous les contrôles sur le niveau de radioactivité des denrées alimentaires de Fukushima. Il n’y aura bientôt plus de traçabilité pour ces produits boudés en premier lieu par les Japonais eux-mêmes mais aussi par leurs voisins asiatiques, notamment par la Corée du Sud[tooltips content= »En 2015, le Japon a même déposé une plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce contre la Corée du Sud, affirmant que les niveaux de radioactivité étaient sans danger. En avril 2019, la Corée du Sud a fait appel de cette décision, ce qui lui a permis de maintenir son embargo sur les produits de la région de Fukushima. »](1)[/tooltips], ainsi que par les Etats-Unis. Des tests ont en effet montré une contamination au césium 134 et 137. Un comble au vu des exigences tatillonnes habituelles de l’UE en matière de fromages crus et autres spécialités locales européennes !

A lire aussi: L’économie française se soumet à la Chine

Comment en est-on arrivé là ? Échaudée par l’opposition soulevée en Europe par les autres traités de libre-échange, la Commission européenne a décidé de contourner les parlements nationaux des États membres de l’UE en ce qui concerne le JEFTA. C’est ainsi que seuls le Parlement européen et la Diète japonaise ont été appelés à se prononcer en décembre 2018 sur le JEFTA. Cet accord a été signé en juillet 2018 après avoir été négocié en catimini entre les deux parties à compter de 2013. La Commission européenne a décidé d’éliminer progressivement les tarifs douaniers et d’assouplir les restrictions sur les importations afin de créer une zone de libre-échange de 635 millions de personnes. Ces échanges représentent environ un tiers du PIB mondial.

La levée des contrôles de radioactivité signifie que les supermarchés français, qui commercialisent déjà de nombreux produits japonais, pourront désormais vendre en toute légalité, dès 2020, beaucoup plus de produits contaminés de Fukushima, y compris des aliments pour bébé, des céréales pour le petit-déjeuner, de la viande, en plus du riz, du poisson et des crustacés de cette zone. Tout cela en échange de l’abaissement des tarifs douaniers sur des produits européens notamment agricoles, tels que nos fromages, foie gras, champagne, cognac et vins.

Pour la députée européenne Michèle Rivasi[tooltips content= »Entretien avec les auteurs du 22 novembre 2019. »](2)[/tooltips], «si les contrôles sont levés, vous n’aurez plus moyen de connaître la quantité de césium dans votre riz ou dans votre poisson. À l’heure actuelle, 100 Becquerels par kilo de radioactivité sont admissibles, même dans les céréales pour enfants, et 50 Becquerels pour les aliments pour bébés. Ce chiffre devrait être zéro. Je demande que les autorités japonaises testent également le strontium et le tritium, qui sont hautement cancérigènes et qui ne sont même pas recherchés actuellement ». A titre d’exemple, le strontium 90 remplace le calcium et se fixe sur les os et les dents des individus qui en ont ingéré.

Autre cauchemar : le Japon a annoncé – au grand dam de la Corée du sud et de la Chine – son intention de rejeter, peut-être dès 2020, 1 million de tonnes d’eaux radioactives ayant servi à refroidir les réacteurs endommagés, en arguant que le pays allait atteindre ses limites de capacité de stockage en 2022.

Particulièrement dangereux pour les enfants et les bébés

Pour rappel, les autorités japonaises n’autorisent pas les inspecteurs européens indépendants à effectuer des tests sur les eaux contaminées des réservoirs de Fukushima. TEPCO, la Tokyo Electric Power Company, opérateur de la centrale nucléaire, affirme que ces dernières ne présentent aucun danger pour la santé. Des documents internes à TEPCO révélés par Greenpeace ont toutefois montré que des quantités variables de 62 radionucléides n’en ont pas été retirées, notamment du strontium 90, de l’iode, du césium et du cobalt. « On sait également que ces eaux contiennent de l’uranium, du plutonium et de l’américium 241», indique Michèle Rivasi. Cela est d’autant plus alarmant que le nettoyage de la centrale de Fukushima est un processus sans fin et que, par conséquent, toutes les espèces marines à proximité des zones sinistrées vont inexorablement être contaminées pour les siècles à venir et cela sans limite dans le temps car la centrale nucléaire de Fukushima est irréparable. Le plutonium 239 a, par exemple, une durée de vie de 24 000 ans !  Pour Bertrand Pouvreau, spécialiste de biologie marine, la radioactivité affecte principalement les algues et les mollusques bivalves tels que les huîtres et les moules. «Les poissons plats tels que la sole, la limande ou la plie, de même que ceux situés au bout de la chaîne alimentaire, comme le thon, sont également touchés. La consommation d’aliments contaminés par la radioactivité est particulièrement dangereuse pour les bébés et les enfants car leurs cellules se reproduisent beaucoup plus rapidement que chez les adultes. Les cancers frappent dans la moelle osseuse et le système lymphatique »[tooltips content= »Entretien avec les auteurs du 24 novembre »](3)[/tooltips].

Les Japonais disent merci à l’Union européenne

Les poissons et autres produits de la pêche récoltés près des côtes de Fukushima apparaîtront bientôt sur les étals de nos poissonneries, mais ils seront également présents dans les petits pots pour bébés, dans les plats cuisinés et les conserves, dans les farines animales destinées à la pisciculture, ainsi que dans les croquettes et conserves pour animaux domestiques. Le soja exempt de droits de douane sera destiné à nourrir les bovins européens. De la même manière, les produits à base de riz de Fukushima, désormais dispensés de tests sanitaires, seront largement utilisés dans la production d’aliments pour bébés.

A lire aussi: De l’argent comme s’il en pleuvait

Dans un environnement régional où les consommateurs locaux, tout comme le reste du monde, continuent de se méfier des produits alimentaires en provenance de Fukushima, les autorités japonaises ont trouvé un sauveur improbable grâce au JEFTA qui met à leur disposition un nouveau marché fort de 500 millions de consommateurs européens. Dans le cadre de ce traité de libre-échange, les Japonais vont pouvoir se débarrasser en toute légalité de leurs produits contaminés par la radioactivité dont ils ne veulent pas sur leur marché intérieur et se procurer sans tarifs douaniers des denrées alimentaires saines en provenance de nos régions. Comme il paraît curieux d’échanger de succulentes huîtres de Marennes-Oléron contre des produits de la mer radioactifs venant de l’autre bout du monde. Et qu’en est-il de la fameuse empreinte carbone? A noter également qu’en vertu de l’accord commercial JEFTA, les Japonais ont désormais accès au marché européen pour vendre leurs automobiles et leurs motos sur lesquels les tarifs douaniers seront progressivement éliminés pour atteindre 0 dans 7 ans !

Le libre-échange avant tout

Devant tant d’aberrations, en décembre, la députée Michèle Rivasi a essayé de faire voter in extremis une objection au parlement européen afin que la Commission européenne daigne prendre le problème en considération, mais les Japonais font le forcing afin que les contrôles de radioactivité soient levés au plus vite. Le gouvernement de Shinzo Abe est tellement déterminé à commercialiser la production alimentaire de la préfecture de Fukushima et des régions environnantes qu’il souhaite que les athlètes du village olympique de Tokyo soient nourris avec de la nourriture produite à Fukushima. L’objection de Mme Rivasi a été rejetée le 3 décembre par la commission environnement et santé publique du parlement européen. Elle a déclaré à ce sujet : « Pour certains de mes collègues, l’accord de libre-échange avec le Japon est bien plus pertinent que des mesures additionnelles de précaution ».

Malgré la gravité de la situation, en France force est de constater qu’il n’y a eu aucun débat. Même pas sur la nécessité d’un étiquetage obligatoire. Au Royaume-Uni, le candidat conservateur Neil Parish, ancien président du Comité de l’environnement, de l’alimentation et des affaires rurales, a déclaré au Daily Telegraph: «Nous n’avons pas besoin de ces échanges commerciaux. Si les Japonais ne mangent pas ces denrées, pourquoi le ferions-nous? Les scientifiques peuvent bien déclarer qu’il n’y a pas de risques, les gens ont le droit de savoir ce qu’ils mangent ». Il se prononce dès à présent en faveur d’un étiquetage obligatoire sur les produits de Fukushima.  Quoi qu’il en soit, les consommateurs européens n’ont, pour l’heure, d’autre choix que de s’en remettre au bon vouloir de la Commission européenne. Mais au vu des immenses enjeux financiers, n’est-il pas illusoire de croire que celle-ci consentira à exiger du Japon des contrôles de radioactivité sur les produits contaminés ? Si l’exécutif européen se refuse même à imposer un étiquetage obligatoire, il ne restera plus au consommateur que la solution de se procurer un compteur Geiger à ses frais pour tester lui-même le contenu de son assiette…ou bien de faire entendre sa voix pour demander au plus vite la tenue d’un référendum sur cette question !

Diana, The Boss

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Diana Ross en 1987 © MARY EVANS/SIPA Numéro de reportage: 51370408_000002

Arte propose ce soir un documentaire retraçant le parcours de la très déterminée Diana Ross.


Le vendredi à la télévision, vous avez le choix entre un programme comique « Mask Singer », gêne et fous rires garantis, ou, en deuxième partie de soirée, un documentaire musical inédit sur Arte. La semaine dernière, c’était Stevie Wonder « visionnaire et prophète ». En octobre, la chaine a diffusé le portrait intime et dramatique de Teddy Pendergrass, crooner à la voix d’or et son inoubliable tube érotico-sirupeux « Close the door ». J’en ai encore des sueurs dans la colonne vertébrale. La langueur du chanteur devrait être enseignée dans tous les Conservatoires d’arrondissement. La musique française gagnerait en clarté et en profondeur.

Pas une médiocre!

Ce soir, gloire à la patronne, à la diva suprême, Diana Ross apparaîtra à 22 h 30 dans un film réalisé par Julie Veille. La reine de la Motown au brushing scintillant, affutée comme une athlète du sprint n’avance pas masquée. « Je veux être la meilleure », annonce-t-elle dans une interview, pour couper court à toutes les spéculations. Diana n’a pas quitté son quartier HLM de Detroit pour faire de la figuration à la télé. Il n’y a pas de place au doute chez elle. Le travail ne lui fait pas peur et le charisme, elle en déborde. Le trop-plein la guetterait même. Le documentaire revient sur une carrière immense, les hauts et les bas, les clashs et les amours, les tentatives au cinéma et les collaborations prestigieuses, avec toujours le succès en ligne de mire. Cette fille-là est terrible par son audace, son inlassable activisme et ce charme vénéneux qui emporte tout sur son passage. Quand Diana décide, le monde lui obéit. C’est une femme, elle est noire, mais ne revendique rien d’autre que son ascension sociale personnelle. Cette mécanique de précision, bourreau des studios, cherche la perfection et la « money ». Même si la réussite ne semble jamais vraiment la rasséréner complètement. Elle incarne le modèle américain dans sa plus brutale et brillante acception. Ça nous change de nos chanteuses pleurnicheuses de profession qui veulent sauver la planète et singent l’humilité pour séduire un public plus large. Diana veut rouler en Cadillac et devenir la plus grande star d’Amérique. La fausse sobriété, la fausse modestie, c’est bon pour les médiocres.

Depuis l’âge de seize ans après avoir tanné son voisin Smokey Robinson pour qu’il lui ouvre les portes de ce milieu artistique, elle va tout mettre en œuvre pour y arriver. Et elle ne lâchera rien. On revoit avec plaisir les images en noir et blanc des années 1960 quand Diana supervisait The Supremes. Trois jeunes femmes aux tenues règlementaires, coupe au carré et tailleur classique de rigueur, agrémentées de quelques breloques et de pulls moulants, de quoi suggérer les lignes du corps sans outrager les bonnes mœurs. Aujourd’hui, tout ça semblerait presque « trop sage » mais, à l’époque, Nina Simone et Ella Fitzgerald prennent un coup de massue. Une séquence tournée dans les rues de Paris en 1965 nous montre ces trois drôles de dames zigzaguer notamment sur les Champs-Elysées au milieu des DS, Solex et Simca 1000. Diana déteste partager. Son opiniâtreté la pousse sur le devant de la scène. La lumière sera son karma. Berry Gordy, le manitou de la Motown, l’inventeur du son de Detroit ne résistera pas très longtemps à cette personnalité hors-norme. S’en suivra un compagnonnage professionnel aussi fructueux qu’houleux. Les autres chanteuses qui l’accompagnent, finissent par jeter l’éponge. Diana ne regarde jamais en arrière. Son style, son tempérament et sa voix font des miracles. The Supremes avaient décroché dix places de Numéro 1 en à peine quatre années. Diana seule, fera mieux. Après un duo tempétueux avec Marvin Gaye, les deux enregistrent chacun de leur côté, le disco lui assure alors la consécration. Et pourtant la concurrence est rude, Donna Summer et Gloria Gaynor tiennent le haut du microsillon à facettes. Diana sort l’arme fatale : « Love Hangover ». 3 minutes 45 de tensions orgasmiques en 1976. Quatre ans plus tard, Nile Rodgers et Bernard Edwards de Chic lui taillent sur-mesure un album à sa démesure. Des titres qui fracassent le « Billboard », des hits qui propulsent Diana en icône. Elle vend 6 millions d’albums grâce à « Upside Down » ou « Coming Out ». En 1982, son ami Michael Jackson lui offre le vigoureux « Muscles » et son improbable clip bodybuildé. Diana vient ainsi d’ouvrir toutes les vannes du show-business à plusieurs générations d’artistes féminines. Elles s’appellent Rihanna, Beyoncé, etc…

Diana Ross, suprême diva – Documentaire diffusé vendredi 6 décembre à 22 h 30 sur Arte

Entreprise: la dictariat du prolétature

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Manifestation à Marseille, le 5 décembre 2019 © Alain ROBERT/SIPA Numéro de reportage: 00935826_000029

Dans la « startup Nation », les églises se vident et le prolétaire prie pour les valeurs de la sainte entreprise. Coup de gueule.


Camarades, le libéralisme économique c’est le communisme du XXIe siècle. En théorie, ça marche. En pratique c’est un enfer.

Oui ! Même le plus demeuré des LRépublicains aura compris que prôner la « concurrence mondiale libre et non faussée », pour un Français c’est réclamer pour soi-même un destin de canard laqué auprès de tous les chinetoques de la terre !

Mourir pour les valeurs de l’entreprise

Pourtant ce libéralisme, tout boiteux qu’il est, aura tout de même réussi, au mitan des années 80, à inventer une nouvelle mystique pour motiver ses esclaves : la culture d’entreprise. « Les valeurs de la boîte ». Mourir pour son pays les yeux dans les yeux d’un peloton d’exécution, défendre sa foi en allant au martyre, se sacrifier pour le communisme ou le fascisme, sauver sa princesse des flammes, ça c’était le bon vieux temps ! Maintenant le héros occidental ce n’est plus Guillaume le Conquérant mais Xavier Niel le winner.

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L’Occident en est là. Il n’a plus rien d’autre à opposer à l’islam sacrificiel que la laïcité, l’apéro résistant en terrasse et « l’esprit Intermarché ».

Notre monde, à nous les gens normaux…. catholiques comme le Bon Dieu… et issus de la paysannerie ou de la classe ouvrière … traditionnellement hanté par l’exemple des saints, des grands rois, de la Résistance… a été colonisé du ciboulot par les valeurs des deux bourgeoisies. La bourgeoisie de gauche d’un côté, c’est-à-dire tous ces sales gosses de médecins ou de notaires lecteurs de Télerama qui bombarderaient Clermont-Ferrand pour la Palestine. Et, de l’autre, cette tartignole de bourgeoisie de droite qui croit nous faire avaler que c’est une transcendance de vendre de la moquette.

L’entreprise, nouvelle église de l’Occident

Qu’un patron de PME croie en son petit tsouin-tsouin, d’accord ! Qu’il y passe ses nuits à promouvoir sa saucisse au Roquefort ok. Il y gagnera sa croûte et donnera un avenir à ses employés. À la rigueur, que ce même patron arrive à motiver ses cadres et à les exalter à coups de prime de Noël, bon… Mais croire que le type qui conduit un chariot élévateur pour 1200 balles par mois chez Monsieur Bricolage va adhérer à toutes ces conneries, non. Là-dedans, dans le fait de faire vivre une boîte, il n’y a pas « autre chose » que le fait de gagner sa vie et de s’occuper l’égo en « gagnant des marchés ». Une mystique ? Un sens à l’existence ? Un chemin vers le dieu de la saucisse ? Ah non ! Ça ce n’est que la dernière trouvaille de « l’Entreprise » pour motiver le péquenaud. J’ai connu ça… dans ma partie… une boîte qui fabriquait du plancher chauffant ! Elle avait réussi à fédérer tout un tas d’artisans autour de ses bouts de tuyau. À coup de congrès, de médailles, de titres genre « sérénissime de la clef de 12 » et d’un club. Il y avait un club des installateurs de plancher chauffant et, mieux encore, un club des utilisateurs du plancher chauffant Tartempion. Et ça marchait ! J’imagine les réunions ! « Alors ton plancher chauffant il marche comment ? » C’était « l’esprit Tartempion », la « Tartempionnosphère » qu’ils avaient appelé ça. Bill Gates n’a rien inventé.

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Et puis qu’on ne vienne pas me chanter Ramona hein ! Ce n’est pas uniquement les marchands de coussins péteurs qui ne sont pas sexy pour un simple employé, c’est l’Entreprise elle-même. L’entreprise en tant que nouvelle église d’un début de siècle où les grandes idéologies sont mortes. Moi, par exemple, je veux bien honnêtement monter du parpaing pour mon patron mais qu’il ne vienne pas me jouer les Raëls de la toupie à béton. Parce que son moulin à prières de « capitaine d’industrie » il ne tourne que pour lui finalement. Et bien peu pour moi, le véritable artiste de la truelle et du fil à plomb.

La droite doit se réarmer

La classe laborieuse autochtone, privée de ses cadres sociaux traditionnels – les curés ou le parti communiste, en gros – est prise aujourd’hui entre deux nouvelles divinités : « l’Autre » à gauche et « l’aventure Leroy-Merlin » à droite.

Bref, face au tiercé qui s’annonce il y a urgence à nous réarmer en spiritualité. Véritable! En ferveur de la communauté charnelle. En esprit sacrificiel pour l’honneur. Pour la terre et les morts ! Si la droite veut jouer un rôle dans le galop qui s’annonce il va falloir qu’elle abandonne ce qui fait son ridicule: sa mystique de l’Entrepreneur, son obsession pour le point de croissance. Il va falloir qu’elle retrouve un sens à ses valeurs.

Parce que quand ça va commencer à cogner sévère, ce n’est pas à coups de tickets-restos qu’on va motiver les troupes…

Macron: la parole sans les actes

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Discours d'Emmanuel Macron à Amiens, 21 novembre 2019. (c) Christophe ARCHAMBAULT / APF

Rattrapé par le réel, le président Macron dresse désormais des constats lucides sur l’état de notre société. Mais ses beaux discours sur l’islamisme ou le malaise des gilets jaunes ne se transforment jamais en actes. La cécité progressiste du quinquennat reste intacte.


En matière de communication politique, nous étions, nous sommes accoutumés aux discours de dénégation (ne pas « voir ce que l’on voit », selon le mot de Péguy). François Hollande, pour sa part, a excellé dans l’art de la dénégation publique et des confidences privées (il voyait, par exemple, la « partition » de la France par le communautarisme islamiste, mais il en réservait l’aveu à ses « visiteurs du soir »). Emmanuel Macron, lui, s’est spécialisé dans l’exercice de ce que le philosophe Clément Rosset appelait la « perception inutile » : « C’est une perception juste, expliquait l’auteur du Réel et son double, qui s’avère impuissante à faire embrayer sur un comportement adapté à la perception. […] J’ai vu, j’ai admis, mais qu’on ne m’en demande pas davantage. Pour le reste, […] je persiste dans mon comportement, tout comme si je n’avais rien vu. » Dans cette opération, le langage, sous la forme qu’affectionne notre président, la grandiloquence, joue un rôle majeur : on s’enivre de mots, mais les mots ne sont plus qu’un « abri », un moyen de « tenir à distance les vérités les plus éclatantes » (Marcel Aymé, cité par Rosset). Beaucoup de bruit pour rien, beaucoup de bruit afin de produire du rien, du néant, conclut le philosophe.

Et c’est bien ce qui impatiente. Le mot est faible. Et singulièrement depuis ce qu’il est convenu d’appeler l’acte II du quinquennat, autrement dit depuis la commotion populaire des gilets jaunes, le président ayant décidé de descendre des hauteurs jupitériennes et de se mêler à son bon peuple. De parler à tout le monde, et tout le temps. Et il parle, en effet. Le magistère de la parole est celui, et il le sait, qu’il maîtrise le mieux.

Analyse sagace

Avec Emmanuel Macron, il ne s’agit pas simplement de belles paroles qui se révèlent finalement vaines – auquel cas, il n’y aurait pas grand-chose de nouveau sous le soleil de la politique. Non, avec le président, c’est autre chose, ce sont plus que des paroles. L’homme a, à la fois, la passion de la théâtralisation, de la mise en scène de soi et le goût des tableaux de la France. Il multiplie les scènes d’apparition, maniant l’art de la gestuelle, nullement encombré de son corps qu’il déploie dans l’espace, il tombe la veste, il se retrousse les manches, joue des mouvements de bras et, s’offrant le meilleur rôle, au fil de longues et interminables tirades, propose une analyse sagace de la situation de la France.

Lui qui, du temps où il était candidat, avait congédié les Finkielkraut, les Onfray, les Guilluy pour cause de « déclinisme » (« Ils ne m’intéressent pas tellement. Ils sont dans les vieux schémas. Ils font du bruit avec de vieux instruments. […] Ce sont des esprits tristes englués dans l’invective permanente »), voilà que, rattrapé par le réel, il se fait presque aussi lucide qu’eux. Au point de désespérer, dans les rangs mêmes de son mouvement, toutes les belles âmes qui, comme lui, hier, ne veulent pas être inquiétées dans leurs évidences et n’entendent pas être privées du confort moral que dispense l’appartenance au camp du bien.

« Les bourgeois n’ont pas de problème avec l’immigration »

Souvenons-nous de sa longue allocution du mois d’avril dernier, au sortir du cycle du « Grand Débat ». Énumérant les « malaises » dont les gilets jaunes étaient le nom, le trait touchait juste : « Malaise des travailleurs qui ne s’y retrouvent plus », « malaise des territoires, des villages où les services publics se réduisent et le cadre de vie disparaît », « malaise démocratique, sentiment de n’être pas entendu », « malaise face à une laïcité bousculée et des modes de vie qui créent des barrières et de la distance » (euphémisation du communautarisme qu’il nomme toutefois plus loin !) ; sur le chapitre de l’islam et de l’insécurité culturelle, son discours ne manquait pas non plus d’à propos : « Nous ne devons pas nous masquer : quand on parle de laïcité, […] on parle du communautarisme qui s’est installé dans certains quartiers de la République. […] On parle de gens qui, au nom d’une religion, poursuivent un projet politique, celui d’un islam politique qui veut faire sécession avec notre République. » Et il légitimait le rejet qu’inspire aux Français le voile en invoquant les mœurs françaises : le voile « n’est pas conforme à la civilité qu’il y a dans notre pays ». On pourrait également mentionner son intervention du 8 octobre, après la tuerie islamiste de la préfecture de Paris, où le président ne craint pas de parler de l’« hydre islamiste », ou celle du 16 septembre devant les députés LREM qui fit grand bruit : « Les flux d’entrée n’ont jamais été aussi bas en Europe et les demandes d’asile jamais aussi hautes en France. Il est temps de regarder le sujet en face. […] Les bourgeois n’ont pas de problème avec [l’immigration] : ils ne la croisent pas. Les classes populaires vivent avec. La gauche n’a pas voulu voir ce problème pendant des années. » D’aucuns en viennent à parler d’un tournant, d’une conversion populiste du progressiste.

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Cependant, le président ne semble pas avoir fait le « job », comme lui-même dirait, une fois la scène quittée. On m’objectera qu’il faut laisser du temps au temps, assurément, et il ne s’agit pas de se comporter en enfants gâtés, en adolescents consuméristes, à la Greta Thunberg réclamant, incontinents, la satisfaction de leurs désirs. Toutefois, du temps, il ne cesse d’en prendre : quelque sept mois se sont écoulés depuis ses premières déclarations sur l’islam faisant sécession et l’engagement de mener une politique de reconquête des territoires perdus de la République. Et l’on ne voit rien venir.

Ne lui en demandez pas trop

Comment expliquer ce décalage entre le rhéteur et l’acteur, entre l’homme parlant et l’homme agissant ? Il y a certes la spécificité macronienne, la martingale du « en même temps » qui autorise toutes les palinodies et permet de soutenir tout et son contraire au gré des interlocuteurs. Il entre aussi, dans le phénomène Macron, quelque chose de l’homme moderne tel qu’analysé par Péguy, il est cet homme « qui ne croit pas ce qu’il croit », si bien qu’il est dans chacune de ses paroles, aussi contraires soient-elles entre elles. Mais il est une autre explication encore, plus profonde sans doute.

L’homme est par trop doué, par trop éloquent : ses mots mordent sur le réel et l’entraînent là où il ne veut pas, là où il ne peut pas aller, sauf à se dédire. Je vois les ruines qui se sont amoncelées au fil des quatre dernières décennies, je les peins, mais ne m’en demandez pas davantage, car davantage, ce serait remettre en question la philosophie libérale-libertaire qui est la mienne et qui a produit ce monde. Si ses propres mots lui ouvraient réellement les yeux, si sa perception cessait d’être inutile, il serait contraint de mettre en question son progressisme.

Emmanuel Macron en visite à Rouen, 30 octobre 2019. (c) Raphael Lafargue - POOL/ SIPA
Emmanuel Macron en visite à Rouen, 30 octobre 2019.
(c) Raphael Lafargue – POOL/ SIPA

Emmanuel Macron ne parvient pas à entendre ce que cependant le mouvement des gilets jaunes, en son inspiration initiale, et l’ample soutien que ce mouvement a rencontré dans l’opinion, avant qu’il ne s’abîme dans la violence, rendaient éloquent : les Français ne veulent plus de ce monde qu’on leur bâtit depuis quatre décennies. On vit mal dans le monde rêvé des progressistes.

Besoin d’identité, de continuité historique, que le monde soit habitable…

Ce progressisme, obsédé de mouvement, de mobilité, de fluidité, exaltant l’individu et ses droits, et dont Emmanuel Macron se fait le chantre, ce n’est pas une belle idée qui tourne mal, comme on disait hier du communisme. La déstructuration de l’individu, la décomposition de la nation, l’archipellisation de la société, la destruction de la nature sont consubstantielles à l’idéologie libérale-libertaire qui fait de l’individu la mesure de toute chose, à l’économisme qui ne se soucie que de « faire fonctionner la machine au mieux » dans l’oubli de la question politique par excellence, puissamment et opportunément rappelée par Alain Finkielkraut dans son dernier essai, À la première personne (Gallimard) : « La question de savoir ce qu’il faut préserver, empêcher, réparer ou changer pour que le monde soit habitable. »

A lire aussi : Macron ne savait pas que la banlieue c’est morose

Ce qui est remis en question, et par les gilets jaunes, et par les agriculteurs, et par les hospitaliers, autrement dit par les Français, ce n’est pas telle ou telle mesure, c’est une philosophie qui passe par pertes et profits l’homme, les hommes, et leurs besoins fondamentaux.

Emmanuel Macron est désespérément un homme de sa génération. Comme toute l’élite mondialisée, qui vit bien, très bien, parce qu’elle en a les moyens économiques, en état d’apesanteur, en situation de hors-sol, se flattant d’être et de se sentir chez elle partout et nulle part, il se refuse à comprendre les fondements anthropologiques du besoin d’identité, de continuité historique, et donc à en reconnaître la pleine légitimité. De sa génération aussi, en ceci qu’il méconnaît le génie français, et pour le peu qu’il en connaît, il ne le comprend pas, il n’en pénètre pas la noblesse. Imprégné d’idéologie diversitaire, communautariste, multiculturaliste, l’universalisme à la française lui reste étranger. De là sa défense, et depuis le 15 août, illustration (nous sommant de reconnaître la « part d’Afrique » qui serait dans la France), du « patriotisme inclusif ».

C’est un jeu dangereux que joue le président Macron. Précisément parce que ses discours mordent sur le réel. Rappelons l’avertissement de Tocqueville, évoquant Louis XVI promettant d’abolir la corvée après avoir peint, lui aussi, un tableau plus vrai que nature de l’injustice qu’il y avait à réquisitionner « la partie la plus pauvre de nos sujets » pour construire « gratuitement » des chemins qui ne profitaient qu’aux privilégiés : « De semblables paroles étaient périlleuses, écrit Tocqueville. Ce qui l’était plus encore était de les prononcer en vain. »

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La COP 25 de mes rêves 

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Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies lors de la COP25, le 2 décembre 2019. Numéro de reportage: AP22404703_000013 Auteurs  : Bernat Armangue/AP/SIPA

A force d’avoir le regard systématiquement tourné vers le changement climatique, Pedro Sanchez et Antonio Gutteres oublient qu’il existe d’autres menaces bien plus urgentes. 


« Seule une poignée de fanatiques nient encore l’évidence d’un changement climatique »
Ah comme il est beau Pedro Sanchez, le premier ministre espagnol ! Beau et digne tel un acteur de telenovela mexicaine à la peau mate et au visage régulier. Il faudrait remercier le peuple espagnol de s’être donné un chef de gouvernement aussi magnifique. Un homme parfait qui présente bien et qui pense bien. Et il l’a prouvé lundi dernier en tirant la sonnette d’alarme climatique avec l’élégance du grand seigneur et la noble indignation du chevalier. Avec Sanchez, même l’inquiétude a le parfum doux de l’espoir. Ça change de Greta.

Le Cid progressiste

« L’Espagne est prête, nous allons honorer la parole donnée…sans laisser personne sur le bord de la route ! »

L’Espagne a son Cid ! Et il veut croiser le fer avec le péril du moment : l’urgence climatique !

A lire aussi: Aurélien Marq: Les écolos contre l’écologie

La tragédie du Cid progressiste réside dans sa myopie. Son corps ressent la température qui monte mais ses yeux ne voient pas l’autre péril, l’autre danger mortel qui menace d’emporter la Vieille Espagne. Une civilisation entière frappe à la porte, l’Islam veut en découdre, il réclame un duel mais le prince, dont la vision est confinée aux murailles de l’alcazar, ne se rend compte de rien. Pedro Sanchez écoute des voix qui lui soufflent l’évidence du cataclysme climatique mais il n’aperçoit pas le tsunami humain qui est sur le point d’emporter son mode de vie, sa langue et ses habitudes.

C’est toujours pareil avec les progressistes. Ils s’alarment à la moindre anomalie dans la calotte glacière et demeurent impassibles face aux ravages de l’immigration illégale. Ils s’indignent pour un rien concernant le climat et font preuve de calme et de retenue au milieu de la tempête qui souffle sur les sociétés européennes. Ils admettent volontiers le rapport de cause à effet entre le CO2 et le réchauffement mais refusent d’établir toute causalité entre Islam et islamisme, immigration et délinquance. Ils répètent à l’envie que tous les évènements météorologiques font partie d’un grand ensemble nommé dérèglement climatique et répugnent à tracer un trait d’union entre les « loups isolés ».

Plus ils analysent les photographies aériennes de la banquise, moins ils observent la naissance de véritables maquis au cœur des métropoles européennes, des petits bouts d’Orient et de Sahel à quelques encablures de La Moncloa et de Matignon.

Pendant ce temps-là, du côté des frontières …

A force de scruter l’horizon à la recherche d’une tache suspecte sur la couche d’ozone, nos maîtres progressistes n’aperçoivent pas la marque de prière sur le front des « migrants ». Ils croient voir des individus isolés alors que c’est toute une civilisation qui traverse la mer.

Lors de la même séance inaugurale de la COP 25, Antonio Gutteres, le Secrétaire Général des Nations Unies, un Portugais, a prévenu lui contre « une trahison de toute notre famille humaine et de toutes les générations à venir ». On a envie de lui crier : « mais la trahison a déjà eu lieu Monsieur le Secrétaire Général ! L’Europe a été trahie par ses élites ! Elle a été ‘suicidée’ par ceux qui auraient dû prendre soin d’elle ! Et la perte de la civilisation européenne est une catastrophe pour l’ensemble de l’Humanité qui est privée d’un pôle de dynamisme qui a su marier le bonheur de l’individu à la grandeur de la collectivité ! »

A lire aussi : Charlie Hebdo caricatural ?

Si j’avais Guterres et Sanchez à portée de main, je leur dirais qu’ils ont ma sympathie d’office, parce qu’ils sont ibériques. Et un Ibérique et un Arabe comme moi ont tellement en commun: une querelle de famille qui s’est très mal terminée en 1492 et dont l’enseignement principal est qu’on ne badine pas avec les civilisations, on ne les mélange pas impunément. Ce sont des vieilles dames qui n’aiment pas être sorties de leur élément, si on les brusque, elles risquent de se venger de la manière la plus cruelle qui soit. Aux apôtres de la migration, je conseille de lire et relire Braudel qui, il y a soixante ans déjà, mettait en garde contre la colère des civilisations.

Dommage que le GIEC ne s’occupe pas d’immigration et d’islamisme, autrement on aurait fait d’une pierre deux coups : protéger les paysages naturels tout en préservant les paysages humains. Il manque un C à GIEC : celui de Civilisation. Il aurait fallu se préoccuper du Climat et de la Civilisation en même temps.

Il est urgent que nous autres, gens de droite ou simples amoureux de l’Europe, trouvions une Greta ou un Sanchez pour parler en notre nom. Une enfant nordique ou un grand seigneur espagnol. Argumenter ne sert plus à rien, je le crains, le temps est venu d’émouvoir. Si vous avez des candidats en vue, écrivez-moi sur Twitter (@drissghali1).

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Ces intellectuels juifs qui partent en guerre contre… le sionisme

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Le député Sylvain Maillard © PDN/SIPA Numéro de reportage: 00840147_000057

Dans Le Monde, 127 intellectuels se prononcent contre la proposition de résolution examinée mardi dernier à l’Assemblée nationale assimilant antisionisme et antisémitisme.


Dans un livre de Léon Poliakoff, j’ai trouvé une charmante et sympathique définition de l’antisémitisme. Un baron hongrois du début du XXe siècle avait la fâcheuse réputation d’être antisémite. Un ami vint le lui reprocher. « Moi, antisémite ? Mais non, jamais, au grand jamais, protesta le baron, un antisémite est quelqu’un qui hait les Juifs plus que de raison ». Le baron était donc raisonnable. Les 127 signataires de la pétition contre la loi Sylvain Maillard sont également, et à leur façon, raisonnables…

Cette loi, initiée par Macron, prévoit que l’antisionisme dans sa version la plus hystérique, qui nie le droit à Israël d’exister, pourra être assimilé à de l’antisémitisme. Les signataires, tous Juifs comme ils le proclament, s’indignent au nom de la liberté d’expression. Et invoquent le droit de critiquer « la politique répressive d’Israël à l’égard des Palestiniens ».

À première vue – mais seulement à première vue – il n’y a pas de quoi de se scandaliser. Des Juifs ont le droit de réprouver le sionisme, n’est-ce pas ? En effet, et en parallèle, il y a bien des intellectuels musulmans qui s’insurgent contre l’islamisme.

Ce parallèle est faux. Les intellectuels musulmans cités plus haut sont seulement de culture musulmane. Ils ont depuis longtemps rompu avec l’Islam et ne passent pas leur temps à crier qu’ils sont arabes. Ce qui leur vaut d’être insultés et menacés de mort. Les intellectuels juifs de la pétition, eux, se revendiquent d’un peuple auquel ils refusent le droit d’avoir une patrie. Et ils ne risquent rien: même les rabbins les plus fanatiques ne connaissent pas le mot « fatwa ».

Dans leur pétition – une assez banale litanie anti-israélienne – il y a un passage particulièrement écœurant qui disqualifie, si besoin était, tout leur texte. Ils écrivent que « parmi les gazés des camps de la mort, il y avait aussi des Juifs antisionistes » ! Le regretté chancelier du IIIe Reich était sans doute frappé de myopie: il ne distinguait pas les Juifs sionistes des Juifs antisionistes…

Fouiller dans les cendres d’Auschwitz pour les besoins d’une pétition, c’est, pour le moins, se comporter en charognards. Les signataires de la pétition affectent aussi d’ignorer qu’à l’époque contemporaine (pas celle de Theodor Herzl) le qualitatif « sioniste » équivaut souvent à un permis de tuer.

C’est ainsi que Staline a fait assassiner des médecins « sionistes ». Qu’à Prague, à l’époque stalinienne, on a pendu des dirigeants communistes parce que « sionistes ». Et qu’à Jérusalem, quand un Israélien est poignardé, l’agresseur ne prend manifestement pas la peine de s’informer avant si sa victime est sioniste ou antisioniste. On vous le dit et on vous le répète: les signataires de la pétition sont raisonnables.

Emmanuel Macron néglige l’Espagne de Pedro Sánchez

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Pedro Sanchez et Emmanuel Macron à l'Elysée, le 27 mai 2019.

Tournée vers l’Allemagne et l’Angleterre, la France ne se préoccupe pas de l’Espagne. Ce pays ne rentre pas dans la perspective géopolitique française, alors que du côté de la péninsule la France est beaucoup commentée.


Entre anniversaire des « gilets jaunes », tensions sociales diverses et grève multisectorielle le 5 décembre, le président de la République française, Emmanuel Macron, a renoncé à se rendre en personne à la COP25, qui se déroulera à Madrid du 2 au 13 décembre 2019.

La capitale espagnole a récupéré l’organisation de cet événement mondial, qui rassemblera près de 25 000 personnes au palais des congrès de l’IFEMA, à la suite des troubles qui agitent le Chili. Un véritable défi à relever en quatre semaines seulement.

Trajectoire diplomatique au long cours

L’absence du chef d’État français n’est pas dramatique pour l’Espagne. Il sera représenté par de nombreux ministres, diplomates et technocrates et il n’est pas dit que des décisions transcendantes soient prises. Néanmoins, ce faux bond de la part de Paris renforce un sentiment de mépris ou, à tout le moins, d’ignorance à l’égard de Madrid. Une longue trajectoire de rencontres manquées.

Les relations transpyrénéennes ont souvent été compliquées depuis le début de la Cinquième République: Charles de Gaulle n’a jamais pu se rendre en visite officielle en Espagne durant son mandat, pas plus que Georges Pompidou, en raison de la dictature franquiste; Valéry Giscard d’Estaing est parvenu à repousser l’entrée officielle de l’Espagne et du Portugal dans la CEE pour des raisons de politique intérieure ; François Mitterrand a d’abord refusé de collaborer avec les autorités espagnoles dans leur lutte contre le terrorisme basque ; José María Aznar et Jacques Chirac se vouaient un mépris réciproque et les relations se sont tendues avec l’engagement espagnol dans la guerre en Irak ; Nicolas Sarkozy a eu des mots très durs sur l’état économique de notre voisin ibérique après le déclenchement de la crise de 2008 ; enfin, la tentative de rapprochement tentée par Mariano Rajoy à l’égard de François Hollande n’a guère été couronnée de succès, ce qui a poussé le président du gouvernement à se tourner vers Angela Merkel.

A lire aussi : L’Espagne, une démocratie à géométrie variable ?

L’élection d’Emmanuel Macron n’a pas permis d’améliorer les rapports qu’entretiennent les deux nations. Bien au contraire, jamais notre voisin pyrénéen n’a aussi peu intéressé les autorités politiques françaises, notamment au plus haut niveau.

Traditionnellement, Paris et Madrid se retrouvent dans le cadre de sommets franco-espagnols (Cumbres Francoespañolas), qui se déroulent alternativement en France et en Espagne. En 2009, Nicolas Sarkozy s’était rendu outre-Pyrénées avec son épouse et y avait rencontré la famille royale espagnole dans le cadre d’une visite d’État. Deux ans plus tard, François Hollande recevait Mariano Rajoy au palais de l’Élysée en présence d’une grande partie de leurs gouvernements respectifs. Malgré les désaccords entre les deux exécutifs, Madrid, Paris puis Málaga avaient accueilli à leur tour de telles réunions en 2013, 2014 et 2017. Depuis lors, plus aucun sommet de ce genre n’a été programmé et il ne semble pas pour le moment que 2020 doive déroger à la règle. Emmanuel Macron ne…

>>> Retrouvez l’intégralité de cet article sur le site de la revue Conflits <<<

Libérez le nichon !

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D.R.

Attention à ce que vous publiez, les GAFAM sont beaucoup plus impressionnables qu’il n’y parait …


Les réseaux sociaux et de communication Internet ont la pudibonderie à fleur de souris : aucune image « déplacée » n’y est admise. On s’en est avisé en 2018 quand Facebook a censuré Delacroix et sa Liberté guidant le peuple — avant de reconnaître qu’ils avaient peut-être envoyé le bouchon de vertu un peu loin — et avant de réitérer avec l’Origine du monde. Comme disait alors Matthieu Mondoloni sur FranceTvInfo, « Facebook ne fait pas la différence entre de la nudité, de la pornographie et une œuvre d’art ». Une aie qui y poste des photos volontiers dénudées de femmes et d’arbres orne les anatomies exquises de petits carrés explicitement marqués « Facebook » — afin de ne pas être « bannie ». Bannie pour un nichon ? Quand les hommes exhibent les leurs ? Eléonore Pourriat, en 2010, dans un court-métrage amusant intitulé Majorité opprimée, s’était amusée à inverser les appâts rances… Mais dans quel monde…

Et voici qu’un article du New York Times nous alerte sur la politique érotique d’Instagram. Un mouvement intitulé Free the Nipples (je n’ai pas besoin de traduire) a mobilisé près de 4 millions de « followers » qui protestent contre cette confusion entre indécence, nature et art.

La cause n’est pas seulement intellectuelle — rien n’est purement intellectuel aux Etats-Unis. Elle est avant tout économique. « Rihanna, Miley Cyrus et Chrissy Teigen, explique Julia Jacobs, qui ont chacune des dizaines de millions de « followers », ont testé les censeurs d’Instagram dans des posts dévoilant leurs seins qui furent prestement supprimés par Instagram ». En fait, supprimer le nichon fait perdre beaucoup d’argent.

A lire aussi : « La grossesse est propice à l’exploration du désir »

Heureusement, continue la journaliste, ce sont surtout les artistes qui protestent avec Free the Nipples, au point que la compagnie a convoqué une réunion générale de plasticiens et d’activistes il y a un mois dans ses locaux new-yorkais afin de concilier les points de vue des uns et des autres.

Pour la beauté du raisonnement, mettons-nous à la place du robot programmé pour supprimer tout ce qui dépasse. Comment analyse-t-il l’événement ? La notion d’art lui étant tout à fait inconnue, il procède scientifiquement — en surface. Y a-t-il un nombre conséquent de pixels consacrés à la reproduction de « genitals », « bottoms » et autres « tits » dans l’image que l’internaute prétend mettre en ligne ? Si oui, effacez.

Qu’il s’agisse des seins d’une hardeuse, d’une nudiste militante ou de ceux de Pepita, la maîtresse roturière de Goya, peu lui chaut. Courbe (sein vient de sinus) + téton = condamnation. La courbe seule peut à la rigueur passer la douane…

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Il se trouve que j’ai compilé pour mes étudiants, sur l’un de ces PowerPoints qui assurent ma célébrité passagère, un très grand nombre de toiles (et de sculptures) dont le thème central est le Voile et le Pli. Les artistes ne se contentent pas (fort rarement, en fait) d’exposer de la viande ; ils la parent de voiles, de plissés, de robes ou de tuniques en instance de chute, de bouquets de fleurs ingénieusement disposés pour cacher « le sceptre de la génération », comme disent les imbéciles et les anciens manuels de biologie.

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Ils jouent sur des transparences qui laissent à désirer, si je puis dire — parce que le désir est l’essence même de l’art. En même temps, c’est une invitation, à chaque fois, à aller voir au-delà des apparences — une métaphore du style. Ce n’est pas tout à fait un hasard si un artiste anonyme de la Renaissance a couvert d’un voile imperceptible le …

>>> Retrouvez la suite de cet article sur le blog Bonnet d’âne de Jean-Paul Brighelli <<<

 

Les GAFAM contre l'internet: Une économie politique du numérique

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Voile: l’ambigu Monsieur Blanquer

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Jean-Michel Blanquer © Lionel GUERICOLAS /MPP/SIPA Numéro de reportage: 00933574_000155

Le ministre de l’Education nationale fournit à Emmanuel Macron une caution laïque. Mais quand on regarde bien sa politique, c’est aussi l’assurance de l’immobilisme! (1/2)


La rentrée à peine passée, le serpent de mer du voile à l’école est réapparu, resurgissant entre une vague Greta et un nuage rouennais.

En apparence, rien de neuf dans ce débat, hormis des désaccords interministériels donnés en spectacle et une certaine crispation des positions. En y regardant de plus près, se dessine une bien étrange stratégie de la part de Jean-Michel Blanquer.

Chevalier de la cause laïque, vraiment?

L’arrivée de ce ministre et la création de son Conseil des Sages étaient pourtant prometteurs. Malheureusement, par un choix savant de profils, le conclave d’érudits n’est parvenu qu’à faire émerger un barycentre d’immobilisme en mai 2018: le Vademecum de la laïcité, simple constat de l’état du droit dans ses interprétations les plus modérées, déposé sur le site du ministère, dans l’indifférence de la grande majorité des enseignants. C’est sur ce simple fait initial – agrémenté de quelques petites phrases savamment distillées – que le ministre s’est taillé un costume de chevalier de la cause laïque, faisant de lui une pièce de choix dans la mécanique macroniste du « en même temps ». Mais jusqu’à ce jour, sur le front de la  résolution effective des problèmes, l’action de Jean-Michel Blanquer est au niveau de la laïcité, ce que le moonwalk de Mickael Jackson est à la randonnée ! La musique et les paroles sont plaisantes, mais les pas de danse se soldent par un surplace.

A lire aussi: Classement Pisa: les petits Français nuls… mais bientôt bilingues?

Retour sur les faits. Le 12 février 2019, questionné à l’Assemblée par le député Eric Ciotti, Jean-Michel Blanquer affirme: « Bien que la question des parents accompagnateurs ne soit pas à mes yeux capitale, je la soumettrai pour avis au Conseil des Sages de la laïcité, créé il y a dix-huit mois, je le rappelle, afin de disposer d’une expertise sur les questions de laïcité dans l’Education nationale». Le 15 mai, au Sénat, après le refus d’une étude sur la question demandée par la sénatrice Patricia Schillinger, le ministre précise: « Sachez en tout cas que j’ai saisi le Conseil des Sages de la laïcité, qui remettra des analyses et des préconisations ». L’amendement adopté par le Sénat ce jour-là, visant à interdire les signes religieux lors de sorties scolaires, le voile en particulier, sera finalement enterré par les députés et sénateurs, réunis jeudi 13 juin en commission mixte paritaire relative au projet de loi « Pour une école de la confiance ». En échos aux batailles menées sur les bancs des assemblées, des manifestations de mamans voilées émailleront le mois de mai avant que l’arrivée des vacances ne cède la place au sujet du burquini.

Un seul Sage se prononce clairement contre les accompagnatrices voilées

Parmi les douze sages supposés travailler sur le sujet, un seul va prendre la parole à titre personnel, pour proposer une action concrète : Alain Seksig. Il est l’unique membre à avoir pratiqué le terrain comme directeur d’école. Il sait la difficulté pour les personnels à mettre en œuvre un texte flou. Curieusement, alors que Caroline Beyer du Figaro l’interroge le 31 mai sur la position du Conseil des Sages, il se limite à dire « nous avons choisi de travailler, d’abord, sur ce qui nous unissait et de ne pas aborder immédiatement cette question conflictuelle, sur laquelle nous sommes très attendus », mais il ne précise à aucun moment si cette instance est en train ou non d’analyser le problème à la demande du ministre.

Par ailleurs, il indique donc avec clarté sa position personnelle : « Tous se réfèrent à l’étude du Conseil d’État, en posant qu’il est possible pour un directeur d’école d’interdire la participation d’un parent à une sortie, dans la mesure où celui-ci fait du prosélytisme. Mais il est difficile, pour un directeur d’école, de se poser en juriste. Selon moi, il faut dire les choses clairement, par la loi ».

A lire, enquête: Libres enfants de Mahomet

Ses propos montrent que Monsieur Seksig perçoit le problème dans sa globalité. Il affirme clairement sa volonté de légiférer dans le champ scolaire tout en percevant le sens plus large : « Il est aussi question de la place des femmes dans notre société». Ses propos clairs, précis et concrets montrent que les Sages demeurent libres de parole dès lors qu’ils ne parlent qu’en leur nom propre. Il est donc étonnant qu’au milieu du tumulte des mois de mai et juin, un seul d’entre eux ait eu le courage de venir prendre part publiquement au débat, ne serait-ce que pour rassurer l’opinion publique en confirmant être en charge d’une réflexion sur ce problème. Sur cette même période tumultueuse, Laurent Bouvet, par exemple, qui sait, avec talent, batailler sur la question du voile des syndicalistes, de l’indigénisme à l’université ou du burquini, a semblé étonnamment peu loquace sur ces occasions de banalisation d’un marqueur de soumission de la femme dans le cadre scolaire… Sa combativité apparaît réservée aux causes que l’on peut rattacher avec certitude aux plus intégristes des musulmans, mais sa prudence reste de mise sur ce sujet qui concerne les « musulmans du quotidien». Cette attitude rejoint le positionnement d’Emmanuel Macron, qui, dès 2016, en campagne, déclarait « Je ne crois pas, pour ma part, qu’il faille inventer de nouveaux textes, de nouvelles lois, normes, […], pour aller traquer dans les sorties scolaires celles et ceux qui peuvent avoir des signes religieux ».

Cette ambiguïté de positionnement donne le sentiment que Laurent Bouvet a épousé l’un des éléments fondateurs de La République En Marche: le «et en même temps», laissant le leadership de la fermeté réelle à Alain Seksig pour les sujets touchant à l’école.

Laurent Bouvet vs Jean-Louis Bianco

Pourtant, depuis le début, ce n’est pas le discret Alain Seksig qui incarne le summum des exigences laïques mais bien Laurent Bouvet, qui d’activisme sur les réseaux en tribunes dans la presse s’est imposé.

A relire: Causeur #73 : Voile, le chantage victimaire

Ses conférences conjointes avec Jean-Louis Bianco ont fini par imposer les deux duettistes comme définissant l’empan du débat, à tel point que le 25 mars dernier, l’IFOP intitulait les résultats de l’enquête demandée par la Fondation Jean Jaurès : « Les macronistes et la laïcité : un électorat plus proche de la ligne Bouvet que de la ligne Bianco ». Or, en confiant l’incarnation de l’exigence et de la combativité à un homme dont la plasticité cérébrale permet de critiquer le voile de Myriam Pougetoux, syndicaliste auprès d’adultes tout en défendant le même signe religieux ostensible porté par Latifah Ibn Ziaten, intervenante donnée en exemple à des élèves mineurs dans l’enceinte scolaire, on maintient le débat dans une zone de confort pour le macronisme. Le dispositif Bianco/Bouvet a ainsi contribué à étalonner la machine à débattre dans un champ qui n’incluait pas de position ferme et indiscutable à l’école, alors que le rôle de l’exemplarité des adultes ayant autorité dans l’intégration des normes chez les enfants est pourtant largement démontré par les experts de leur développement.

Parallèlement, le camp des combattants laïques s’est accroché aux espoirs nés du contraste entre les écrits de Najat Vallaud-Belkacem et les paroles de Jean-Michel Blanquer, au point de ne plus formuler aucune critique ni proposition, de peur de déstabiliser ce dernier. Le piège s’est alors refermé: le ministre de l’Education nationale a, à la fois, fourni à Emmanuel Macron la caution laïque et l’assurance de l’immobilisme. Le soutien constamment renouvelé au patron de la rue de Grenelle par le plus médiatique des Sages, Laurent Bouvet, a achevé de verrouiller le système. En laissant œuvrer Jean-Michel Blanquer et son art de la communication, Emmanuel Macron réussit ainsi le tour de force de faire refuser une loi sur le voile des accompagnatrices par un ministre s’affirmant défavorable au port de ce signe religieux ostensible, tout en préservant l’aura dont ce dernier jouit auprès des associations de défense de la laïcité.

>>> Retrouvez la seconde partie de l’analyse de Laurence David <<<

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