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Premier prix de gros

Cette année, le concept de "grossophobie" s'invite aux Miss France


Premier prix de gros
La miss écartée, jugée trop grosse. Image: capture d'écran Youtube

Scandale: Miss Auvergne a été éloignée du concours Miss France car elle a été jugée un peu enveloppée. Nombreux sont ceux qui crient à la grossophobie.


 

On avait déjà vacillé il y a quelques années lors de la disparition des premières dans le métro. Vous savez ce train rouge et vert qui va sous terre ; on avait frémi, égoïstement, à l’annonce de la possible mise à l’index des conducteurs refusant le covoiturage et l’autopartage; frôlé la sidération lors des débats en commission de l’Assemblée nationale autour des problèmes d’état civil des personnes transgenres ; refusé de prendre au sérieux la réduction des émissions carbone pendant la Fashion week avec l’interdiction programmée des sèche-cheveux… tous ces sujets sont vrais. Mais on n’avait visiblement encore rien vu. Voilà qu’on milite pour désormais intégrer les « jeunes filles un peu enveloppées » chez Miss France. Les lauréates arrondies aux concours de beauté. Les tailles 46, sur les podiums. Ça doit être sérieux, puisque la question d’actualité brûlante a été débattue comme il se doit chez Hanouna. La seule et dernière agora nationale visiblement valable et reconnue. Et voilà la noble institution des Miss une fois encore montrée du doigt. « Le comité refuse d’intégrer une dauphine de Miss volcan d’Auvergne (ça ne s’invente pas) pour cause de poids excessif », s’indigne le juge Cyril. « Tu as une belle gueule, lui a-t-on expliqué, mais ton corps ne passe pas. »

Sylvie Tellier suspectée de grossophobie

Et la patronne des Miss, Sylvie Tellier, obligée de se justifier en invoquant le règlement de son épreuve nationale basée sur « la recherche de l’élégance générale »,  en prenant bien soin de ne pas stigmatiser au passage l’obésité et tous ses corollaires méprisants. On n’est pas là pour faire dans le pénal.

On sait pourtant depuis Voltaire – le philosophe, pas le copain de Zadig qui vend des fringues  – que rien n’est plus relatif que la beauté. Que chacun voit le beau à son image selon ses préjugés. Mais on n’ignore pas non plus que l’esthétique a ses lois implacables. Et que les goûts du public, dans ce domaine, comme dans d’autres, sont sans appel. On ne peut donc pas en vouloir à la Tellier. 8 millions de téléspectateurs sur TF1 en décembre –  évidemment chauffés à blanc par un Jean-Pierre Foucault vibrionnant – c’est peut-être, aux yeux de l’élite, un groupe de bourrins inconséquents. Mais c’est d’abord un collège populaire composé de ménagères de moins de 50 ans – et donc de  parts disponibles de cerveaux – qui n’éliront jamais une grosse dame. Pardon, une personne issue de la diversité des épanouis.

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Même si l’albacore garde ses partisans, malgré les méfaits des métaux lourds.

Par-delà la vacuité abyssale de cette nouvelle polémique pour le moins grotesque, on peut s’interroger sur l’intérêt de piétiner la norme en prônant l’intégration à tout crin au nom de notre société inclusive. Doit-on faire fantasmer aussi les rondes en leur promettant le grand soir? D’une manière plus générale doit-on laisser rêver la multitude de l’inaccessible, alors qu’on sait pertinemment qu’on n’a pas les moyens de faire monter la majorité aux sommets de l’élite ?

Est-ce qu’agir de la sorte n’est finalement pas plus risqué que mettre des barrières clairement établies à l’entrée?

La beauté est discriminante

Apres tout, tout le monde n’est pas beau. Tout le monde n’est pas mince, ou capable de répondre aux questions aiguisées de Jean-Pierre Foucault un soir de prime. Tout le monde n’est pas apte à tenir un micro pendant sept heures, en bras de chemise, devant des élus du peuple, ou à faire rempart de son corps en incarnant la République en s’opposant en gueulant à une perquisition. Tout le monde n’est pas non plus Zidane ou Mbappé.

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Et pourtant, comme le dit très justement Marie-Anne Chazel dans un des chefs-d’œuvre du cinéma français « chaque pot à son couvercle ». Voici finalement l’enseignement principal de cette affaire majeure: il faut de tout pour faire un monde. Tout le monde à sa place. Encore faut-il savoir humblement la choisir. Et ce n’est pas en détruisant les différences, en uniformisant la société, en la repassant pour en chasser tous ses plis,  qu’on donnera plus de chance à autrui de l’intégrer. Au nom de l’assimilation et de la diversité, on risque même de gommer ce qui fait le sel de la vie, la différence et les saveurs. À force de ne plus supporter ce qui dépasse, vous verrez qu’un jour, on n’acceptera plus la moindre aspérité. On détestera tellement les élites qu’on fera rentrer des critères dans les concours qui n’auront rien à voir avec la quête de l’excellence. On supprimera le défilé Victoria’s Secret en coupant les ailes aux anges, on fera taire les cloches d’églises à la campagne, les V-Twin Harley en ville, les cigales en garrigues. On mettra les lions en sourdine. Histoire d’en finir définitivement avec les rugissements ridicules et beaucoup trop virils du roi des animaux (illégitime d’ailleurs, car non élu à la proportionnelle). On interdira surtout les périodes de brame des cerfs. Ces animaux cornus et gueulards, qui draguent en sous-bois en multipliant les aventures avec des partenaires multiples. Ce jour-là, tout ira beaucoup mieux.  Les jeunes se déplaceront tous en patinette volante, les vieux en calèche sur coussin d’air. On travaillera tous en flex-work et en open space  en direct de nos Hepad  jusqu’à 90 piges. Sylvie Tellier aura revendu Miss France à Agathe de Fontenay, la jolie fille de Xavier, il y a belle lurette. Et il n’y aura plus de « grossophobie » depuis  longtemps, car les organisateurs de concours de beauté auront pris le sculpteur Bottero comme mètre étalon. La connerie comme unité de mesure. On sera tous moches, car on aura supprimé la beauté et ses critères discriminants. Tous vegan, tous lisses, mais qu’est-ce qu’on sera mieux.



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Francois Tauriac est journaliste et éditeur

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