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L’irrédentisme multifront de la République de Xi

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En plus de l’intense tension diplomatique entre Pékin et Washington, la Chine est menaçante auprès d’une bonne partie de ses voisins immédiats (Taïwan, Bhoutan, Inde, Russie…).


La trente-sixième édition des exercices militaires Han Kuang a eu lieu à Formose entre le 13 et 17 juillet 2020 (notre photo). Chaque année, ces exercices visent à simuler une attaque chinoise (République populaire de Chine) sur l’île et à évaluer la préparation de Taïwan (République de Chine) à cette menace. Chaque année aussi la menace semble plus pressante et la qualité technique des deux armées évolue et progresse. Cette année la répétition armée répond plus précisément à ce que la Chine prépare pour début août autour de Hainan. La visée militaire de ces exercices chinois à venir relatifs aux îlots contrôlés de facto par Taïwan est claire ; comme le disait Song Zhongping au Global Times : « Les exercices simulant la prise de contrôle sont destinés aux îles Dongsha, Penghu et à la plus grande île, à savoir celle de Taiwan. Si les sécessionnistes taïwanais insistent sur la sécession, les exercices militaires peuvent se transformer à tout moment ».

Les tensions Inde/Chine directes ou indirectes, par Bhoutan et Népal interposés sont au plus haut

Gardons à l’esprit que le terme « sécessionniste » n’a guère de sens pour Formose : passée sous pavillon « chinois » en 1661 seulement, par l’intermédiaire de Koxinga, un loyaliste Ming sino-japonais, intégrée à l’Empire japonais en 1895, puis recolonisée en 1949 par l’armée nationaliste du Kuomingtang après la perte du continent, Taïwan n’a jamais appartenu à la République populaire.

Affrontements à l’arme blanche avec les Indiens

La volonté par la Chine dite communiste de mettre fin au régime autonome et démocratique de Taïwan s’inscrit dans une logique révisionniste dont tous les voisins commencent à éprouver les effets délétères. Exemple récent avec les relations diplomatiques entre la Chine et l’Inde, les deux géants asiatiques, qui ont pris un nouveau tour avec l’incident du 15 et 16 juin 2020 : des soldats des deux puissances nucléaires se sont livrés à un affrontement meurtrier à l’arme blanche dans la vallée du Galwan. New Dehli a reconnu 20 morts et des dizaines de blessés, mais Pékin a refusé de donner un décompte précis du nombre de victimes. L’incident survient dans un contexte spécifique : d’une part, la révision par l’Inde de l’article 370 de la Constitution séparant le Ladakh de l’État du Jammu-et-Cachemire ; d’autre part, la finalisation d’une route de 255 km qui pourrait faire obstacle au Corridor Chine-Pakistan, un axe essentiel des « Nouvelles Routes de la soie chinoises ». Le 3 juillet, le Premier ministre indien Narendra Modi s’est rendu dans la base à plus de 4000 mètres d’altitude pour haranguer les troupes et dénoncer « l’expansionnisme chinois ».

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« Expansionnisme » qu’illustre également le différend territorial avec le Bhoutan qui vient de resurgir à l’instigation de Pékin qui lui réclame 495 km2 au nord et 269 km2 à l’ouest en échange d’environ 100 km2 à Doklam. Manière de faire pression sur l’Inde alors que le Népal, sous influence chinoise vient d’interdire toutes les chaînes d’information indienne sur son territoire. Les tensions Inde/Chine directes ou indirectes, par Bhoutan et Népal interposés sont donc au plus haut. L’Inde a choisi de répondre aux morts du 16 juin en se montrant offensive : New Dehli vient d’interdire 58 applications téléphoniques chinoises dont TikTok, WeChat, Helo, pourtant très populaires dans le pays. Même si Pékin a dénoncé une mesure anti-concurrentielle, il lui est difficile d’être crédible alors que Google, Facebook, Twitter, etc. sont interdits en Chine…

Vladivostok chinoise?

La Chine de Xi Jinping semble être poussée par une volonté de puissance néo-dynastique qui la conduit à clamer ses revendications territoriales partout dans le monde : en Inde, au Bhoutan, mais aussi dans les mers de Chine de Sud contre le Vietnam, les Philippines et l’Indonésie, voire même en Russie où les 160 ans de la ville de Vladivostok fêtés par Moscou ont fait l’objet d’une condamnation en Chine : en effet, selon Pékin, Vladivostok est chinoise – et ce alors même que le traité d’Aigun en 1858, annulant une partie du traité de Nerchinsk en 1689, en fait, en droit international, une ville russe sans conteste possible.

Le président Macron, le président Xi Jinping et leurs femmes, à Shanghai le 5 novembre 2019 © CHINE NOUVELLE/SIPA Numéro de reportage: 00931063_000003
Le président Macron, le président Xi Jinping et leurs femmes, à Shanghai le 5 novembre 2019 © CHINE NOUVELLE/SIPA Numéro de reportage: 00931063_000003

L’incident mineur traduit ce fait général partout à l’œuvre aux marges des frontières chinoises aussi bien au Nord et à l’Est, qu’au Sud et à l’Ouest : la volonté, aussi bien révisionniste qu’irrédentiste, de « retrouver » le territoire de la dynastie mandchoue Qing tel qu’il l’était avant les Guerres de l’Opium et les « traités inégaux ». Notons que c’est la même logique qui prévalut aux déclenchements des deux guerres mondiales entre la France et l’Allemagne. Or, dans le cas chinois, tout ceci est trois fois paradoxal : d’une part, parce que la dynastie Qing était considérée comme non-chinoise par les révolutionnaires de 1911 (donc pourquoi vouloir en restaurer l’Empire?) ; d’autre part, parce que le parti communiste entendait mettre fin pour toujours au féodalisme dynastique ; enfin, parce qu’on oublie le discours du 10 avril 1974 de Deng Xiaoping dans lequel il affirmait, en conclusion, que la Chine ne serait jamais une superpuissance car elle ne serait jamais ni capitaliste ni impérialiste : « La Chine n’est pas une superpuissance et ne cherchera jamais à l’être. […] Une superpuissance est un pays impérialiste qui soumet partout d’autres pays à son agression, à son ingérence, à son contrôle, à sa subversion ou à son pillage et qui lutte pour l’hégémonie mondiale. Si le capitalisme est restauré dans un grand pays socialiste, il deviendra inévitablement une superpuissance. […] Si un jour la Chine devait changer de couleur et devenir une superpuissance, si elle aussi devait jouer le rôle du tyran dans le monde et soumettre partout les autres à son harcèlement, à son agression et à son exploitation, les peuples du monde devraient s’y opposer et travailler avec le peuple chinois pour le renverser. »

Deng Xiaoping, secrétaire général du Parti communiste chinois de 1956 à 1967 puis numéro 1 de la république populaire de Chine de décembre 1978 à 1992

L’Inde pourrait repenser son soutien à la politique d’une seule Chine

Paroles prophétiques ? Tout semble indiquer en tout cas que la Chine est bien aujourd’hui devenue une superpuissance, aussi bien économique que militaire et que, de fait, elle affirme désormais ses ambitions territoriales. Et la plus intense et plus immédiate de celles-ci concerne bien sûr Taïwan.

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C’est ici que « l’exemple indien » peut être pris en considération.

D’une part, le fait d’avoir appliqué au domaine du numérique, la réciprocité que Pékin prétend établir dans tous ces échanges pourrait faire des émules : pourquoi en effet autoriser WeChat et Huawei aux États-Unis ou ailleurs si Facebook ou Google ne sont pas autorisés en Chine ?

D’autre part, des voix s’élèvent à New Dehli pour demander au gouvernement d’abandonner sa reconnaissance de la politique « d’une seule Chine » puisque la Chine dénie formellement et pratiquement la réalité « d’une seule Inde ». Plusieurs tribunes dans les journaux indiens et colloques d’experts demandent de repenser la relation à Taïwan : on peut citer par exemple la fondation « Rethinking India’s ‘One China Policy’ ». Ou les déclarations claires de Rajesh Singh sur le site PGurus : « Pékin clame toujours haut et fort sa politique d’une seule Chine. Elle considère Taïwan comme son propre territoire et elle a occupé le Tibet dans le cadre de cette politique. New Delhi a toujours été indulgente sur ce point, malgré le fait que la Chine n’ait jamais reconnu la politique d’une seule Inde, qui implique que le Cachemire occupé par le Pakistan, le Gilgit et le Baltistan et Aksai Chin fassent partie du territoire indien. L’Inde doit repenser son soutien à la politique d’une seule Chine. Si Pékin refuse de voir la raison, New Delhi doit s’attaquer au problème du Tibet. Il doit ouvrir des voies de communication officielles avec Taïwan, intensifier les échanges commerciaux avec ce pays. »

N’importe quel pays a toujours, unilatéralement, la possibilité de dénoncer le principe d’une seule Chine. Certes, la Chine répliquerait en rompant les relations diplomatiques et commerciales avec ce pays, mais si tous les pays de l’OTAN, voire de l’OCDE faisaient de même, la Chine se retrouverait presque seule et sans beaucoup de marges. Nous n’en sommes pas là, mais si les relations entre la Chine et les États-Unis qui viennent coup sur coup de fermer deux ambassades (une de Chine à Houston et l’autre des États-Unis à Chengdu) se détériorent encore, alors cette option pourrait vite revenir sur la table.

Identité française: un sursaut est-il encore possible?

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A un an d’intervalle, des incendies ont ravagé Notre-Dame de Paris puis la cathédrale de Nantes. Les réactions à ces drames ont démontré notre profond malaise identitaire. Alors qu’un changement de peuple est en train de s’opérer, le catholicisme peut-il renaître de ses cendres?


Qu’est-ce que la République en France ? C’est la IIIème. Qu’est-ce que la IIIème République ? Une alliance des minorités franc-maçonne, protestante et, dans une moindre mesure, juive contre les masses catholiques qui étaient aussi, du moins jusque dans les années 1880, monarchistes. Pour les hommes qui ont bâti ce régime, la laïcité devait rompre définitivement le lien qui unissait la nation à l’Eglise ; la loi de 1905, promulguée dans un climat délétère, contre la volonté d’un peuple encore très majoritairement attaché à sa religion, fit du catholicisme un culte parmi d’autres dans la désormais « patrie des droits de l’homme » issue d’une déclaration abstraite et léguée par le Grand Architecte.

Disons-le tout net : l’Eglise en France n’a pas volé le triste destin qui est le sien aujourd’hui. En tant qu’institution, elle œuvre sans relâche, avec une admirable constance, à sa propre destruction

On ne peut pas comprendre la médiocrité – quand ce n’est pas carrément l’absence – des réactions de notre personnel politique face aux permanents actes anti-chrétiens si l’on oublie que la République s’est construite contre l’Eglise. Pour parler comme les libéraux, c’est son « logiciel », dans son « ADN ». Un an avant la loi de 1905, l’affaire des fiches révélait, au sein de l’armée, un vaste système de fichage – commandé par le ministère – visant à brider l’avancement des officiers catholiques. Cependant que les anticléricaux, athées, libre-penseurs en tout genre menaient virilement le combat culturel dans les gazettes et les écoles, l’Etat expulsait les congrégations, soutenait les loges et, donc, abattait enfin « l’infâme ». On le sait, durant une génération, l’Eglise tenta de résister, cherchant un modus vivendi avec la République qui la haïssait. Mais, après le catholicisme social d’un Lamennais qui était un aberrant compromis avec l’air du temps, l’affreux sulpicianisme dans lequel elle sombrait à la veille de la guerre disait combien elle manquait déjà de chair. Elle se soumit et commença à produire un nouveau genre de catholiques, honteux, plus obsédés par les œuvres que par leur salut. Victorieuse, la République s’amusait des querelles qui animaient son ancienne ennemie héréditaire.

Triste destin et sursaut d’absolu

Cela dit, il y avait les fidèles, qui continuaient de se rendre à la messe. En 2018, dans Comment notre monde a cessé d’être chrétien, l’historien Guillaume Cuchet démontrait comment, jusqu’au début des années 1960, les églises étaient encore pleines ; c’est à ce moment-là, en quelques années seulement, qu’elles se vidèrent. Les enfants du baby-boom furent donc les premiers à refuser le rituel. Parce que leurs parents furent également les premiers à ne plus les y contraindre. Vatican II, qui est l’introduction de l’esprit du protestantisme dans l’Eglise, justifia ce reniement en promouvant la liberté de conscience. En réduisant pour ainsi dire la foi à une affaire personnelle, ce concile péteux, cornaqué par des personnes extérieures à l’Eglise, fut un prodigieux accélérateur du déclin de celle-ci. Le temps de Dieu n’est pas celui des hommes ; c’est en suivant ce principe que, durant deux millénaires, l’Eglise put traverser cent hérésies et révolutions ; en s’arrimant au monde par peur de se l’aliéner, elle perdit sa force, sa grandeur et son charme. De nos jours, il n’y a plus que dans certains monastères et dans le mouvement dit traditionnaliste que l’on trouve encore des clercs érudits, souriants, combattifs, plus préoccupés par les âmes du peuple de Dieu que par le sort des migrants et avec qui l’on peut prier sans être perturbé par d’immondes dessins d’enfants ou des chants qu’on dirait écrits par une chaisière fan de Calogero.

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Disons-le tout net : l’Eglise en France n’a pas volé le triste destin qui est le sien aujourd’hui. En tant qu’institution, elle œuvre sans relâche, avec une admirable constance, à sa propre destruction. Face à l’effondrement de la pratique religieuse, elle continue de servir la soupe insipide qui fait fuir tant de jeunes gens qui, à un âge où l’on est souvent saisi par un magnifique sursaut d’absolu, préfèrent logiquement se tourner vers d’autres religions, à commencer bien sûr par l’islam. La crise des vocations, elle, découle directement du célibat des prêtres devenu insupportable non pas du fait de tentations plus nombreuses mais de l’acceptation de ces dernières, d’une miséricorde mal comprise et encore plus mal professée. Comme l’Eglise réformée dont elle suit le pathétique chemin, l’Eglise catholique se transforme en une sorte d’association où, le dimanche, par habitude plus que par conviction, des CSP+ hagards viennent prendre leur dose hebdomadaire d’« humanisme » en écoutant beugler de girondes Africaines évadées de Sister Act. Tous les fidèles ou presque commettent ce qui, pour le saint curé d’Ars, était un grave péché : en public, ils n’osent jamais affirmer leur foi, et vont même jusqu’à rire d’elle avec les autres afin de ne pas être ce « signe de contradiction » qui est pourtant leur glorieuse croix. En vérité, rejoindre l’Eglise réclame bien du courage. Dans la plupart des paroisses, surtout les progressistes, on décourage le catéchumène, on lui demande de « bien réfléchir », on lui dit qu’il devra être patient, trouver un parrain, remplir un CERFA. Il devra en outre entendre ses coreligionnaires lui expliquer que la Résurrection est une « métaphore », comme l’est la virginité de Marie, et que l’eucharistie est un « moment de partage » à l’instar des « goûters » organisés chaque mois par Elisabeth, « la maman de Sixtine ». Pour se faire accepter par « la communauté paroissiale », il faudra moins faire oraison qu’apporter des vêtements pour les Roms. Si, malgré ces nombreux écueils, le postulant s’obstine, il devra ensuite errer longtemps avant de trouver une église correcte, où le curé ne versera pas, pour composer ses homélies, dans la paraphrase ou l’apologie d’SOS Méditerranée.

Les actes anti-chrétiens sont à peine relevés, en général en dernière page des journaux gratuits!

Sans cesse moquée sur l’antenne de Radio Paris, pardon, France Inter et ses humoristes « impertinents » payés par nos impôts, décrite comme une réserve de pédophiles, d’abrutis qui croient que la Terre est plate et d’obscurantistes qui ont brûlé par millions ces « femmes libres » que l’on appelait autrefois sorcières, l’Eglise baisse la tête. Pire ! non contente d’accepter les insultes, elle promeut le changement de peuple avec un enthousiasme digne des Verts ou de RESF. En effet, il ne se passe pas un mois sans que la Conférence des évêques de France ne se fende d’un communiqué en faveur de l’accueil des hordes de miséreux, pour la plupart musulmans, qui se pressent aux portes de l’Europe. Elle croit ainsi être charitable alors qu’elle contribue à l’ensauvagement du continent ; d’en être victime, elle et ses fidèles, ne la perturbe pas. Pas plus que ne le font les actes qui visent ses cimetières et ses lieux de culte. Car si chaque lardon lancé contre une mosquée et chaque croix gammée dessinée sur une tombe juive engendre un drame national avec ministres qui se dépêchent sur place afin d’exprimer la « solidarité » de la République et promettre de nouvelles lois pour « lutter contre la haine », les actes anti-chrétiens, eux, sont à peine relevés, en général en dernière page des journaux gratuits. Or, ces derniers sont de très loin les plus nombreux – à hauteur de 90%, pour être précis. Tombes souillées par des métaleux « satanistes » en fin de soirée, sacristies incendiées par des punks à chien ayant abusé de la 8.6, objets liturgiques volés partout et en particulier dans les petites églises laissées à l’abandon : ce vandalisme-là n’indigne personne, pas même l’Eglise qui semble tétanisée.

Le brasier de Notre-Dame

Il y a un an de cela brûlait Notre-Dame de Paris. Là, pour le coup, il s’agissait d’un « événement ». Les profanes apprirent à cette occasion que l’entretien des lieux de culte chrétiens, du moins ceux bâtis avant la loi de 1905, étaient à la charge de l’Etat. Et que celui-ci, radin, comptait chaque sou. Considérées comme des monuments historiques au même titre que la maison de vacances de Sarah Bernhardt ou quelque baisodrome d’Alexandre Dumas, les églises ne jouissaient, dans le PLF 2019, que d’une partie des 346 millions d’euros dédiés par le ministère de la Culture à la sauvegarde de ces mêmes monuments, soit à peine 10% du budget de ce dernier. Tous les spécialistes s’accordent à dire que cette somme est dérisoire ; pour l’Etat républicain, il est de toute évidence plus important de subventionner les cracheurs de feu et les lanceurs de diabolo que de rénover ces endroits étranges où des gens bizarres vénèrent un Juif cloué sur une croix.

C’est très clairement dans les années 1960 que la France a commencé à ne plus être la France

L’« émotion » parfaitement artificielle que cet incendie a produite dans les médias – un peu à la manière du saccage de l’Arc de Triomphe durant le mouvement des Gilets jaunes – disait moins, en tout cas chez les politiques, le chagrin de voir fondre la mère des cathédrales du pays que celui de perdre une fraction de ces dizaines de millions de touristes sans lesquels la France ne serait plus le bronze-cul de l’Europe et le musée du monde. D’ailleurs, l’attentif aura remarqué que, dans la langue politico-journalistique, Notre-Dame était appelée « monument » ; sa qualité d’église était secondaire et même accessoire ; à travers ce spectaculaire brasier, c’étaient pour les revenus tirés du patrimoine qu’éditocrates, économistes et parlementaires pleuraient. Certes, il y eut bien quelques brefs « sujets » sur des catholiques à serre-tête qui, à l’instar des impuissants « Veilleurs » de la Manif pour Tous, faisaient leur chapelet à Saint-Michel. Mais ils ne firent rien d’autre, animés par un fatalisme que leur envient les bouddhistes auxquels ces vétérans des JMJ et de Taizé ressemblent tant sans le savoir.

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A Nantes, des policiers empêchent l'approche de la cathédrale en feu, samedi 18 juillet 2020 © Laetitia Notarianni/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22474389_000011
A Nantes, des policiers empêchent l’approche de la cathédrale en feu, samedi 18 juillet 2020 © Laetitia Notarianni/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22474389_000011

Le 18 juillet, c’était au tour de la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de cramer. La multiplicité des foyers d’incendie oriente les enquêteurs vers un acte criminel. Un migrant rwandais, hébergé par le diocèse, fut d’ailleurs suspecté avant d’être renvoyé dans la nature ; entre-temps, son avocat, malin au sens propre du terme, exigea que l’Eglise fasse preuve, si son client était bien coupable, de « miséricorde », la « communauté catholique » étant à ses yeux « la meilleure » en la matière – si par miséricorde on entend faiblesse et même lâcheté, c’est très vrai. Infiniment moins célèbre et lucrative que Notre-Dame, la cathédrale de Nantes fut du reste rapidement chassée de l’actualité par la saison II de la série Tous à la maison et le retour du string-ficelle sur les plages. Quatre jours après, l’affaire est déjà oubliée. Par la voix du nouveau Premier ministre, ce pauvre Jean Castex qui nous ramène aux heures les plus sombres de la IVe République, l’Etat s’est engagé à réparer les dégâts comme l’avait fait, avec son emphase coutumière, Macron pour Notre-Dame. Je n’ai pas vérifié, je le confesse, mais je parie que, face à cet énième sacrilège, l’Eglise s’est contentée de pondre une déploration sans âme, « équilibrée », qui n’accuse personne et ne réclame rien, et qui doit même remercier, en plus des vaillants pompiers, les autorités venues pour une fois soutenir les catholiques en tant que minorité.

Notre culture brûle aussi

A l’heure où une jeune aide-soignante lyonnaise, certaine Axelle, vient de mourir sous les coups de la « diversité », il convient de noter qu’il y a coïncidence entre l’écroulement de notre culture et celui de l’Eglise. C’est très clairement dans les années 1960 que la France a commencé à ne plus être la France. L’immigration africaine de masse, l’internationalisme socialo-communiste, la construction européenne, la sous-culture américaine, la colère des petits-bourgeois libertaires s’allient alors pour nous faire basculer dans une autre temporalité, un autre paradigme. On assiste à une grande inversion des valeurs. Comme une digue, l’Eglise contenait ce mouvement ; en tombant, elle entraîne le pays dans sa chute. Car comme l’écrit Malraux, une « civilisation est tout ce qui s’agrège autour d’une religion ». C’est le catholicisme qui a fait la France, modelé ses mœurs et forgé ses coutumes. Le principe libéral selon lequel une société tient par le contrat est un échec total, hormis pour de rares privilégiés qui, dans leur Aventin de Montreuil, profitent égoïstement des fruits de leurs idéaux cependant que le peuple, lui, vit dans une constante insécurité culturelle et une insécurité tout court. La nature ayant, bien entendu, horreur du vide, l’islam, par le truchement du regroupement familial et d’une natalité exubérante d’abord, vient remplacer le catholicisme. Et ce ne sont pas les risibles « valeurs de la République » qui vont l’en empêcher ; au contraire, elles se mettent à son service. Durant cinq décennies, les libéraux ont cru que les musulmans finiraient par apostasier, par se convertir eux aussi à la poursuite du bonheur, c’est-à-dire au néant ; désormais, en plus de ceux qui continuent d’y croire contre toute évidence, contre les faits – mais il est vrai que le réel ne les intéresse, que pour eux le faux est un moment du vrai – nombre d’entre eux s’accommodent de l’islamisation du pays et la subséquente violence qu’elle engendre. Ces derniers sont comme le personnage principal du Soumission de Houellebecq : ils font avec, convaincus en leur for intérieur, comme tout bon libéral qui se respecte, que tout change, évolue, qu’il faut s’adapter, et que l’on n’y peut rien.

Seule la tradition est révolutionnaire, n’est-ce pas. Il ne saurait y avoir de reconquête sans réveil de l’Eglise – n’en déplaise à l’excellent Michel Onfray. Ceux qui, dans notre camp, prétendent que nous pourrons nous en sortir sans sueur et sans larmes sont soit d’une naïveté criminelle, soit des imbéciles, soit des pleutres. Français, combien d’entre vous devront mourir avant que vous le compreniez ?

Guillaume d’Orange, sauveur de la Douce France

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Orange est une fort belle cité. On y croise un majestueux théâtre romain et d’aimables Orangeois au teint ensoleillé. En la foulant, peuple de France, vous songerez à Guillaume d’Orange.


Inspiré par Guillaume de Gellone, Duc d’Aquitaine dès l’an 790, Guillaume d’Orange est l’objet de moult chansons de geste qui relatent ses audaces. Vous plairait-il d’ouïr son histoire? Ni historiquement infaillible, ni fantaisiste, ce joyeux récit n’est guère motivé par quelque leçon belliciste depuis quelque palais. Il nous parle d’un vaillant chevalier qui a sauvé ce qui est maintenant la France.

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Fils du preux Aymeri de Narbonne, Guillaume rechigne dès son jeune âge à garder robes et harnois[tooltips content= »Harnois (n. m.) : armure du chevalier par excellence »]1[/tooltips] du glorieux Charlemagne à Saint-Denis. Fort heureusement, il y apprend que la principauté de Narbonne est assiégée par la gent païenne. L’occasion d’épanouir sa vocation précoce de héros. Munis par Charlemagne d’armes magnifiques et de forts destriers[tooltips content= »Destrier (n. m.) : cheval de guerre associé au Moyen-Âge. « ]2[/tooltips], Guillaume et ses chevaliers apportent mulets, vaisselle d’or et victoire aux Narbonnais. L’épopée ne fait que commencer. En effet, Charlemagne ayant désormais la barbe blanchie par le temps, son fils Louis doit être couronné pour être le nouveau roi vaillant. Mais le perfide Hernaut d’Orléans veut s’arroger sa tutelle pour devenir l’empereur. Du poing gauche, Guillaume assomme alors le lâche, qui tombe raide mort à ses pieds.

Le marquis au court nez

Ainsi, il obtient la permission de Louis Ier d’aller prier sur le tombeau de Saint Pierre. À Rome, Guillaume ne va pas seulement sauver son âme mais toute la chrétienté. Menés par le roi Corsolt, des hordes de païens ne veulent faire qu’une bouchée de la papauté. Pour préserver Rome, le Pape sacrifierait volontiers tout l’or de Carthage. Corsolt refuse les trésors qui lui sont proposés. D’une vaillance sans égal, Guillaume livre alors bataille au roi des Sarrasins. Il y perdra la moitié de son nez mais libérera des milliers de chrétiens qui sans lui, auraient eu la tête tranchée: « désormais, tous ceux qui m’aiment en Douce France m’appelleront Guillaume, le marquis au court nez[tooltips content= »Guillaume d’Orange, M. Tessier, Éditions Fernand Lanore, page 40″]3[/tooltips]».

L’impétueux Guillaume va alors sauver Nîmes, un épisode que moult jongleurs ont chanté[tooltips content= »Le Charroi de Nîmes, Folio Classique, Édition bilingue de Claude Lachet »]4[/tooltips], puis libérer Orange. Un beau matin de mai, dès lors que les bois fleurissent et que les prés reverdissent, il apprend au retour de la messe que vingt-mille païens à lances menés par le puissant émir Aragon tiennent la cité. S’y trouve également dame Orable, une gracieuse reine sarrasine. « Il n’en est pas d’aussi belle jusqu’en Orient, sa peau est blanche comme l’aubépine. Sa beauté est malheureusement vaine puisqu’elle ne croit pas en Dieu, le fils de sainte Marie[tooltips content= »La Prise d’Orange, Honoré Champion, Édition bilingue de Claude Lachet, vers 281« ]5[/tooltips]!», lui confie un prisonnier. Guillaume le marquis au fier visage et ses vaillants chevaliers rencontrent l’émir en se faisant passer pour des païens mais sont démasqués: « Par Mahomet, c’est pour votre malheur que vous avez franchi le Rhône !, lui dit ce dernier. Vous serez tous massacrés, nous disperserons dans les airs vos ossements et vos cendres[tooltips content= »Ibid, vers 794″]6[/tooltips]».

Un formidable homme d’action

Désarmé après avoir été attaqué par des légions de fiers Sarrasins, Guillaume s’en remet à la gente dame Orable : « Dame, donnez-moi une armure, par l’amour du Dieu qui fut supplicié sur la croix car, par Saint Pierre, si je vis longtemps, vous serez très largement récompensée[tooltips content= »Ibid, vers 936″]7[/tooltips] ». À de si belles paroles, la reine ne résiste guère. Pleurant d’émotion, elle fournit de bons hauberts[tooltips content= »Haubert (n. m.) : chemise de maille à manches et à capuchons que portaient les hommes d’armes au Moyen-Âge. »]8[/tooltips], des heaumes aux pierreries serties d’or et de saillantes épées aux nobles chevaliers. Après moult combats, l’émir Aragon est frappé par l’épée à la lame bien tranchante du vaillant Bertrand, compagnon de Guillaume, sans l’épargner. Les païens en perdent force et hardiesse.

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C’est ensuite « dans une église consacrée où l’on invoquait auparavant Mahomet que le comte Guillaume se rend pour épouser Orable[tooltips content= »Ibid, vers 1873« ]9[/tooltips]» après qu’elle a été baptisée par l’évêque de Nîmes et qu’elle a pris le nom chrétien de Guibourc. « Les fêtes nuptiales se prolongèrent huit jours dans la joie et l’allégresse. Harpistes et jongleurs reçurent beaucoup d’habits de soie et de manteaux d’hermine, de mulets d’Espagne et de vigoureux destriers[tooltips content= »Ibid, vers 1884″]10[/tooltips]». Suite à son mariage avec la gente Guibourc, Guillaume au court nez est resté bien trente ans dans Orange sans cesser un seul jour de combattre.

Ni saint homme, ni brigand, Guillaume fut simplement un héros de son temps. Bien qu’il sût, selon des sources que nul clerc ne contredira, lire et chanter, Guillaume n’avait ni le temps de jacasser sur Twitter depuis une confortable chambrée, ni celui de se chamailler sur l’actualité depuis les plateaux télé. À travers ses multiples chevauchées, voilà un formidable homme d’action que la France devrait retrouver.

Bruno Carette: le génie des Nuls


Disparu à 33 ans, Bruno Carette (1956-1989) était le membre le plus prometteur de la troupe des Nuls. Pour la première fois, son frère Didier ouvre la boîte à souvenirs, de l’enfance en Algérie à ses débuts au cinéma en passant par leur jeunesse militante nationaliste-révolutionnaire.


Trente ans de trop. Fin 1989, le comédien Bruno Carette nous quittait à 33 ans. Membre de la troupe des Nuls, il laissait à ses acolytes comiques Chantal Lauby, Alain Chabat et Dominique Farrugia le souvenir d’un acteur surdoué. Nul ne le raconte mieux que son frère aîné Didier Carette, comédien et ex-directeur de théâtre aujourd’hui conseiller régional (RN) d’Occitanie.

Histoire méditerranéenne

Avec sa voix de basse et ses yeux rieurs, Didier passerait facilement pour une réincarnation de Bruno. Son histoire est en grande partie la sienne. Elle débute dans les années 1950 en Algérie. Un ingénieur métropolitain électrifiant la Kabylie rencontre une institutrice d’origine espagnole enracinée depuis cinq générations dans la wilaya de Tipaza. De leur union naissent Didier (né en 1950), Bruno (1956-1989) et leur sœur, qui grandissent à Alger jusqu’à leur départ pour la métropole en mai 1962. « Nous sommes partis persuadés de revenir. Nous ne pouvions imaginer l’indépendance de l’Algérie », se souvient Didier avec émotion. Une certaine France moisie les accueille en intrus. Un jour, dans un hôtel miteux, quelques Palois réunis au petit-déjeuner commentent ainsi un reportage télévisé sur l’arrivée des pieds-noirs : « Putain, ils pouvaient pas rester chez eux ces cons-là ! »

Bien que l’œuvre des Nuls ne s’y réduise pas, les blagues scato finissent par le lasser

En réaction, les frères Carette héroïsent « les quelques personnes qui s’étaient battues pour nous », l’OAS et Bastien-Thiry dont Bruno a toujours conservé la photo. « Lorsque ma sœur a été présentée aux membres de sa belle-famille, ils attendaient une voilée ! » en glousse encore Didier. Le temps d’une escale de trois ans au Maroc, où leur ingénieur de père est affecté, la famille retrouve les joies du Maghreb. Retour à Toulouse en 1966. Par nostalgie de l’Algérie française, Didier adhère à Occident. Son cadet Bruno entre au Mouvement jeune révolution, qui deviendra le Mouvement solidariste français, avant de passer à Ordre nouveau. Les frères ont alors les cheveux longs jusqu’aux épaules. Mai 68 étant passé par là, même à la droite de la droite, « on exprimait un rejet très fort du conservatisme » et des sympathies anarchistes. Leur esthétisme les pousse aussi bien vers « un vieil anar espagnol qui avait des livres jusque dans son frigidaire » qu’aux côtés du gudard Jack Marchal, créateur du fameux rat noir et auteur du tube alternatif Les nazis font des bêtises. Une fibre méditerranéenne les conduit régulièrement en Italie aux réunions du parti néofasciste MSI dont ils apprécient le chef charismatique Giorgio Almirante (1914-1988). « Bruno l’avait rencontré par hasard dans un train », raconte Didier. Un éditeur d’essais traditionalistes, ami de jeunesse de Bruno qu’il accompagnait régulièrement dans les couscous toulousains ou autour d’un joint, confie : «Bruno n’avait pas une once de début de commencement de racisme. La dernière fois que je l’ai vu, à la fin des années 1970, il était monté à Paris voir Almirante. » De l’autre côté des Alpes, l’aura du patriarche sicilien va bien au-delà de son propre camp puisque à sa mort, le président de la République italienne, le dirigeant du Parti socialiste et même l’ancien chef des partisans communistes se recueilleront sur sa dépouille.

Repéré par Canal + : « Objectif Nul »

Pour Bruno Carette, la décennie 1970 s’achève à Paris. Pendant que Didier pratique l’art dramatique, Bruno intègre l’École française des attachés de presse (EFAP) et signe son dernier coup d’éclat politique. Lorsque la justice menace d’expulsion les cathos tradis qui occupent Saint-Nicolas-du-Chardonnet, il dort dans l’église en soutien à monseigneur Lefebvre. À la sortie de l’EFAP, faute d’emploi, Bruno descend chez ses parents installés à Cannes. Après six mois à vendre des assurances, il répond à une annonce de FR3 Méditerranée. La station recherche des animateurs radio. C’est là, au début des années 1980, qu’il fait la connaissance de Chantal Lauby, avec laquelle il présente des programmes radio puis l’émission « Bzzz ». À coups de sketches, Lauby et Carette moquent le téléphone rose, la publicité, les journalistes, les Français, les Arabes, les juifs, les antisémites… Gros succès local. Repérés par Canal +, Chantal et Bruno montent à Paris sur invitation de la chaîne cryptée qui leur adjoint l’animateur météo Alain Chabat puis Dominique Farrugia. Dans la série « Objectif nul », Carette campe naturellement le cuisiner Zeitoun, à l’accent aussi piquant que les merguez.

Certains s’étonneront du passé droitier de Bruno Carette tant les Nuls incarnent la gauche culturelle version Canal +. Des fausses pubs telles que le diptyque épicier Hassan Céhef (« C’est pôssible ! ») / Robert Tripoux (« La maison ne fait pas crédit ! ») semblent défendre la préférence immigrée en pleine vague SOS racisme. Avait-il tourné casaque ? Non, songeons au petit pied-noir méprisé à son arrivée sur le continent. « Ça peut paraître paradoxal pour des gens qui se situent à l’extrême droite, mais la France rance de l’épicier Robert Tripoux avec le portrait encadré de Raymond Barre ne nous convenait en aucune façon. Aujourd’hui, la chose ne serait certainement pas présentée de la même façon parce que le contexte a totalement changé », décrypte Didier Carette.

Vers le cinéma

De la galerie de personnages créés par Bruno émergent deux héros récurrents devenus cultes : Jean Meyrand et Mizou-Mizou. Avec sa tignasse bouclée et son bandana autour du cou, le premier est un Léo Ferré de sous-préfecture qui entonne inlassablement : « 68 c’était hier pour moi aussi / Et puis y’a eu la rue Lepic / On bouffait du riz cantonais / Et puis soudain ils ont chargé, les flics… » Sa source d’inspiration ? Un chanteur à textes toulousain ami de Didier. Après avoir assisté à son tour de chant dans un cabaret, Bruno reçoit une illumination comique. Quant au pétomane espagnol Mizou-Mizou, interprète des tubes du top 50, Bruno Carette en a un jour conçu l’idée à la plage. « Ma mère était totalement retournée en disant “Mais tu ne vas pas faire ça ! Enfin, c’est pas possible !” Et Bruno a persisté et signé », en sourit Didier.

Bien que l’œuvre des Nuls ne s’y réduise pas, les blagues scato finissent par le lasser. Au cours de ses derniers mois, Bruno Carette s’émancipe de plus en plus du groupe. Admirateur de Peter Sellers, Youssef Chahine et Vittorio Gassman, lecteur de Nimier et Blondin, il se destine au grand écran. Après une comédie de cape et d’épée signée Gérard Jugnot, Bruno trouve un emploi à sa mesure dans Milou en mai. Louis Malle lui offre le rôle de Grimaldi, un chauffeur routier fort en gueule et avide de sexe. « Moi les communistes, je les emmerde ! » tonne ce prolo en plein Mai 68. À Michel Piccoli qui le prend avec mépris pour une starlette du petit écran, Carette répond ironiquement : « Vous avez totalement raison Docteur Teyran ! [NDLR : du nom du héros de série B que Piccoli jouait quelques années plus tôt sur TF1] » Sorti en salles peu après sa mort, Milou en mai lui est dédié. Comme cet article.

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L’Éducation nationale a tué le bachelier. Vive le Bachelor!

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63,5% des reçus ont obtenu une mention au baccalauréat cette année. Selon notre contributeur, on peut faire encore « mieux » l’année prochaine…


L’école n’instruit plus. L’Éducation nationale éduque et dresse. L’école n’apprend pas à nos enfants à penser. L’Éducation nationale leur apprend ce qu’il faut penser. Elle est devenue en quarante ans la plus parfaite machine propagandiste des progressismes qui ne font pas des citoyens mais des individus individualistes, hargneux, bêtes, ignorants.

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L’espoir Blanquer s’essouffle

Certains ont pu croire que Monsieur Blanquer allait changer la donne. Le discours était beau. On allait voir ce qu’on allait voir. L’instruction allait avoir à nouveau droit de cité. Nos enfants sortiraient de plus de quinze ans de scolarité obligatoire en sachant lire, écrire, compter, en connaissant le minimum vital de leur histoire de France, en ayant lu et en ayant pris goût à la lecture de quelques livres considérés comme le trésor intemporel de la littérature française. C’était compter sans la résistance des « scientifiques de l’éducation » et de certains syndicats enseignants, appliqués depuis des décennies à déconstruire l’école, à déboulonner le professeur, à monter au pinacle des « apprenants » apprenant de moins en moins l’essentiel, mais de plus en plus encouragés à s’engager dans les pseudo-révolutions genrées, féministes, écologistes ou antiracistes.

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Les résultats soviétiques du baccalauréat 2020 confirment ce mouvement de désinstruction. Les ministères successifs de l’Éducation nationale en rêvaient, le Covid-19 l’a permis. Ce ne sont plus seulement 80% des enfants qui doivent passer le bachot, mais 100% qui doivent l’obtenir. Nous serons tout près de ce résultat après la session de rattrapage de septembre. 63,5% des reçus ont obtenu une mention. C’est trop peu !

Gageons que l’année prochaine verra ce score gonfler à la hauteur inversement proportionnelle des connaissances de nos lycéens. Notre président de la République pourra à nouveau se répandre en dégoulinantes félicitations sur l’application chinoise de « réseautage social » TikTok.

Les plus incultes déboulonnent et détruisent les livres

Il y a quelques mois, après que la déesse Greta a fait entendre son courroux, Monsieur Blanquer a demandé que soit désigné au moins un « éco-délégué » dans chaque classe ! Nos élèves, privés d’heures de cours de français, d’histoire, de mathématiques, doivent, d’une manière ou d’une autre, se mettre au vert. Incapables de trier les idées, ils deviendront imbattables quand il s’agira de trier les poubelles domestiques ou de fouiller dans celles de l’histoire pour la condamner d’un bloc.

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Ministres, professeurs et parents, (presque) tous regardent les murs de l’école tomber sans broncher depuis quatre décennies. Conviction idéologique, pusillanimité ou épuisement auront contribué au déclin que certains ne veulent toujours pas voir. Ce sont souvent les mêmes qui ne voient rien de l’ensauvagement de notre société. La main sur le cœur et de larges œillères au bord des yeux, ils ne parlent plus que la langue des belles âmes qui croient sauver le monde en prônant les orthodoxies totalitaires à la mode égalitariste. Les plus incultes déboulonnent, détruisent les livres, révisent les films, chassent la « masculinité », dénoncent le « privilège blanc » ou la domination « cisgenre » hétérosexuelle. Certains de nos adolescents, repus d’une oisive jeunesse sans obstacle et sans frustration, fiers d’un baccalauréat sans valeur, idolâtrés par de lâches politiques, baignent aujourd’hui dans cette sauce idéologique, jusque dans les universités. Ils en remontrent à leurs parents avec le peu de mots qu’ils apprennent sur les réseaux sociaux ou en écoutant des podcasts militants animés par des avant-gardistes progressistes, spécialistes en import-export des thèses universitaires américaines.

Le grand remplacement de la dictée par la théorie du genre

Si on évite de soumettre les élèves au « fasciste » exercice de la dictée, on n’hésite jamais à commencer de plus en plus tôt le travail « d’éducation citoyenne », comme le préconisait Najat Vallaud-Belkacem dans sa lettre de mission à l’IGAS, à propos « d’études du genre » inventées pour la bonne cause : « Le féminin et le masculin sont avant tout des constructions sociales.[…] La cible des enfants de moins de trois ans se doit d’être au cœur des préoccupations des politiques publiques dans la mesure où les assignations à des identités sexuées se jouent très précocement. » Ce qui est au « cœur des préoccupations publiques » n’est donc pas d’apprendre l’écriture et la lecture à nos très jeunes enfants, mais de leur désapprendre les « stéréotypes de genre » dès qu’ils sont sortis du berceau.

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Aujourd’hui, une troupe de théâtre (ES3-Théâtre) peut circuler aux frais du contribuable dans nos collèges et nos lycées et présenter un spectacle intitulé Femelles, (seul.e en scène joué par une femme ou par un homme), sans que notre ministre n’y trouve rien à redire.

La plaquette de présentation, écrite en écriture inclusive, annonce clairement la couleur : « Le.la comédien.ne se sert du rouge à lèvres aussi bien pour se peindre la bouche, telle Marilyn Monroe, que pour inscrire ‘’Salope’’ sur son corps comme le faisaient les chanteuses du groupe Bikini Kill durant leurs concerts ; le niqab […] se métamorphose lors d’une danse paradoxalement lascive et sensuelle ; les cheveux (objets de revendications politiques, surtout chez les femmes noires) sont ici voilés, perruqués, coiffés ; la soi-disant hystérie féminine est mêlée à des discours politiques ; l’excision devient une performance artistique, le personnage de Blanche-Neige une représentante de la maltraitance conjugale, le simple dessin schématique d’une vulve un véritable acte artistique militant et le consentement l’objet d’un questionnaire intime adressé au public. » En complément, la troupe propose des ateliers à réaliser dans l’enceinte scolaire, exemple en « ART PLASTIQUE – Confection de pancartes à partir des slogans des luttes féministes à travers le monde. » (sic)

Une jeunesse décervelée

Cette propagande néo-féministe, néo-antiraciste, néo-anti-domination masculine, entrera comme dans du beurre dans les cerveaux d’élèves auxquels ont été retirées les possibilités de s’instruire, et donc de comprendre, comparer, apprécier ou critiquer ce genre de tracts. Nos ministres successifs auront tous participé à cette opération de décervelage. Ils auront été soutenus par les plus éminents murmureurs à l’oreille des ministres, directeurs de Sciences-Po ou scientifiques des pédagogies mortifères qui ruinent l’instruction publique depuis au moins quarante ans. Le prochain Grand Oral [tooltips content= »A partir de 2021, un Grand oral sera proposé à la fin de l’année de terminale. Cette épreuve fera partie des cinq épreuves finales du baccalauréat (60% de la note finale) et comptera avec un coefficient 10 en voie générale ou 14 en voie technologique. Cette épreuve durera 20 minutes, précédée de 20 minutes de préparation. »](1)[/tooltips] – ou comment devenir bachelier en étant le Roi de la Tchatche – servira le même but que les réformes précédentes : fabriquer des crétins, et leur remettre un diplôme en crétinerie certifiée par l’État.

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Cet examen dévoyé pourra alors porter le nom d’une émission de télé-réalité sans que personne ne trouve cela risible. Le ministère annoncera avec roulements de tambours et sonneries de trompettes que 100% de nos lycéens sont devenus des Bachelor et que 97% d’entre eux ont obtenu la mention super-méga-hyper bien. Les 3% manquants auront droit à une session de rattrapage durant des « vacances apprenantes ». Le monde continuera ainsi sa course folle vers le Grand N’importe Quoi.

Inrocks around the bunker


Les Inrocks ont tranché : internet doit penser clair et marcher droit!


N’écoutant que son courage, début juin, dans une grande enquête au ton indigné, l’hebdo de la gauche culturelle les Inrocks a révélé l’existence d’une communauté virtuelle de 22 000 réacs osant prendre en dérision « des militant·es pour des causes progressistes comme le féminisme, l’antiracisme, ou encore les droits LGBTQI ». Sur Facebook, le groupe « Neurchi de Social justice warriors » (traduisez littéralement : « chineurs de justiciers du Net ») brocarde en effet les lubies postmodernes comme l’écriture inclusive, la « non-mixité choisie » ou les hommes enceintes. Usant de tous les procédés à la mode (à commencer par les « mèmes », ces images détournées façon roman-photo), ces chineurs se sont attiré les foudres de militants diversitaires peu amateurs de second degré.

A relire: Réseaux sociaux: Big Brother, c’est nous !

Ces belles âmes ont transmis aux Inrocks une anthologie des commentaires glanés sur le groupe Facebook incriminé : « enculé de chauve », « bougnoule infiltré », « niakoué », « ta gueule la grosse », « baise ta mère salope »… Les mêmes précisent que l’écrasante majorité de ce sous-groupe droitard serait masculine et blanche, ce que réfute leur porte-parole Adam : « Rien qu’au sein de l’équipe de modération, sur huit, un·e est non binaire et polyamoureuse, un homosexuel, et moi je suis juif. » Il s’y trouverait même des esprits progressistes tellement las des excès de leur propre camp qu’ils préfèrent se payer une bonne tranche de rire plutôt que de prêcher la bonne parole. Voilà bien trop de mauvais esprit au goût de certaines féministes ! Après la publication de l’enquête des Inrocks, les plus zélées ont enjoint à leurs ouailles de signaler le groupe Facebook pour « discours haineux ». Résultat : il n’a pas fallu longtemps aux équipes du réseau social pour fermer définitivement le groupe privé. La morale de cette histoire, c’est que la Toile n’a pas besoin de la loi Avia pour censurer les déviants.

Les « révélations » de nos confrères des Inrocks.

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C’était écrit: urinoirs, l’envie en rose


Si la réalité dépasse parfois la fiction, c’est que la fiction précède souvent la réalité. La littérature prévoit l’avenir. Cette chronique le prouve.


 

L’été dernier à Rennes, l’installation d’urinoirs uniquement masculins dans la ville avait indigné les victimes privées de pause-pipi à l’air libre. L’injustice est désormais réparée.

Un des principaux obstacles à l’égalité homme-femme reste la manière de faire pipi, notamment en milieu urbain. Les femmes ne peuvent même pas se consoler en pensant à Vespasien qui a laissé son nom à une invention que tout le monde connaît et en avait fait une source de revenus en imposant les mictions masculines comme nous le rappelle Suétone : « Son fils Titus lui reprochait d’avoir mis un impôt sur les urines. Il lui mit sous le nez le premier argent qu’il perçut de cet impôt, et lui demanda s’il sentait mauvais. Titus lui ayant répondu que non : “C’est pourtant de l’urine”, dit Vespasien. » Mais malgré tout, cela reste une maigre consolation quand l’envie se fait vraiment pressante. Soucieuse d’en finir avec cette injustice, la ville de Rennes, apprend-on par Ouest France et France 3 Bretagne, a décidé d’expérimenter des urinoirs féminins collectifs. Les dames pourront s’asseoir presque face à face et côte à côte à la fois dans un prototype en forme d’hélice, « récompensé d’une médaille d’or au concours Lépine de 2019 »

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L’installation est hélas d’une couleur rose bonbon, ce qui est, on en conviendra, scandaleusement genré. L’inventeure (-trice ? ; -teuse ?) Gina Perier fait contre mauvaise fortune féministe bon cœur commercial : « On sait que c’est un cliché, c’est la couleur des femmes. Mais quand on met une innovation sur le marché et qu’il faut communiquer le fait que c’est destiné aux femmes, c’est utile de se servir des clichés. » Sans compter que le comble du sexisme est ailleurs sur cette question, si l’on y songe. Pourquoi, en effet, alors qu’elles ont tant de mal à faire leurs besoins dans l’espace public, ce sont elles qui forment le gros du contingent des dames pipi, comme l’indique le nom de cette profession qui n’a pas son pendant masculin ? Et on se souviendra, chez Proust, de la dame pipi des Champs-Élysées, ancienne marquise, qui a des bontés pour le narrateur enfant : « Cette marquise me conseilla de ne pas rester au frais et m’ouvrit même un cabinet en me disant : “Vous ne voulez pas entrer ? En voici un tout propre, pour vous ce sera gratis.” »

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Au moins, grâce à la ville de Rennes, ces dames pourront parler ensemble pendant ce moment de soulagement, comme le font les hommes qui échangent souvent à cette occasion des informations capitales. Et bientôt, elles aussi pourront connaître la véritable émancipation entrevue par Bardamu, dans Voyage au bout de la nuit, quand il découvre New York et ses toilettes publiques : « Entre hommes, comme ça, sans façons, aux rires de tous ceux qui étaient autour, accompagnés des encouragements qu’ils se donnaient comme au football. […] Découverte du joyeux communisme du caca. » On a hâte…

Bruxelles, capitale de l’illusion

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Après un très long et pénible sommet européen, les vingt-sept pays partenaires sont parvenus à s’entendre. Une relance commune ambitieuse de 750 milliards d’euros va être mise en place. Mais en l’absence d’un fléchage précis et souverain des nouveaux investissements, et en délaissant la création monétaire aux banques commerciales, le succès de ce plan demeure incertain.


Quatre jours, il a fallu quatre jours pour que les 27 accouchent au forceps d’un accord sur les modalités d’un plan de relance dont chacun s’accorde à dire, du côté des euromaniaques comme des eurosceptiques, qu’il est le plan de la dernière chance pour sauver l’euro et l’Europe.

L’affaire prête à l’ironie. Comment se fait-il que l’euro et l’Europe qui devaient nous conduire sur les chemins de la prospérité et de la puissance doivent être une fois de plus sauvegardés ? Comment se fait-il que les entreprises qui « créent la richesse » doivent être soutenues à bout de bras par l’argent public ? Il y a là comme l’ombre d’une contradiction.Mais la consternation l’emporte sur l’ironie. Si l’on s’abstrait du tohu-bohu médiatique qui a entouré l’opération, c’est le sentiment de l’impuissance tragique de l’Europe qui l’emporte. Atteinte dans ses œuvres vives par la crise sanitaire qui ravage les comptes publics et l’emploi, elle pare au plus pressé, sans s’être donnée la peine d’un diagnostic préalable. Cela dit, que penser du nouveau bébé européen ?

Deux erreurs

Je l’ai dit dans ces colonnes et je le répète. Les sommes inouïes qui ont déjà été consenties pour éviter le naufrage des économies membres l’ont été sur fonds d’emprunt. Et c’est là encore une contradiction. Les « libéraux », qui font le procès constant de l’excès des dépenses, des déficits et des dettes publiques, ont embrassé sans états d’âme des programmes de dépenses qui font exploser les limites anciennes. Un personnage résume la contradiction : Pierre Moscovici. Sa tâche consistait, durant les cinq années où il officiait à Bruxelles, à morigéner les gouvernements qui transgressaient les règles de la rigueur budgétaire telle que définie par la doctrine européenne. Nommé récemment à la tête de la Cour des comptes, il juge en ces termes la dette publique française qui atteint 120% du PIB : « ce n’est pas une catastrophe en soi ». Or, son propos désinvolte évacue la question cruciale du financement par l’emprunt. La crise sanitaire offrait la chance providentielle de s’affranchir de cette contrainte. D’une part, parce que l’importance des sommes en jeu rend douteuse l’hypothèse de leur remboursement. D’autre part, parce que le risque d’inflation, argument constant mis en avant pour écarter l’hypothèse d’un financement par création monétaire à partir des guichets de la banque centrale, relève du fantasme quand les secteurs économiques travaillent à 30%, 50 ou 60% de leurs capacités…De surcroît, la chose reste dissimulée aux regards, le financement des États auprès des banques signifie que c’est une autre forme de création monétaire, issue des banques commerciales, qui assure la couverture des emprunts. Ce financement ne met à contribution, ni l’épargne des particuliers, évincée du financement de l’économie, ni les fonds propres des banques. 

A lire ensuite, Jean Messiha: Avec Emmanuel Macron, une économie sans solution

Mon lecteur se demandera pourquoi c’est la création monétaire par la BNP ou la Société Générale qui est privilégiée plutôt que celle de la banque centrale, institution présumée publique. La chose est la plus simple du monde. Ainsi, les banques ont pris en otages les États et les fantoches qui les gouvernent. La deuxième erreur n’est pas la moindre. Cela vaut pour les plans de soutien des États nationaux comme pour le plan de relance européen. L’argent public a été accordé sans contrepartie des bénéficiaires. C’était pourtant encore une occasion providentielle d’exiger des managers qu’ils relocalisent au moins certaines productions conçues sur le sol national et européen. Mais l’idée n’a pas effleuré ceux dont Emmanuel Todd a dit « qu’ils avaient été connifiés par l’expérience de l’euro et l’expérience de la mondialisation ».

L’écologie et le numérique, et ensuite?

Le contenu exact du plan recèle des inconnues de taille. Première inconnue : dans les sommes allouées aux États membres, quelle sera la part qui servira à couvrir les dépenses déjà budgétées et quelle sera la part qui financera les dépenses nouvelles ? La première part allégera le déficit acquis, sans effet de relance, la seconde pourrait, sous certaines conditions, exercer un effet stimulant. Si la première part l’emportait sur la seconde, le plan serait moins un plan de relance qu’un plan de colmatage.

A lire aussi, Jérôme Sainte-Marie: «Il n’y a pas de tournant souverainiste chez Emmanuel Macron»

Plaçons-nous dans le cas inverse d’un effort financier largement consacré à stimuler les économies en forte récession. Quels sont les investissements susceptibles de procurer le meilleur effet ? On avance l’écologie et le numérique. Mais où sont les opportunités d’investissement dans ces domaines qui n’ont pas déjà été exploitées ? On imagine mal une multiplication des éoliennes et des panneaux solaires, on ne voit pas quels seraient les investissements numériques nouveaux alors que les entreprises sont déjà lourdement engagées dans ce sens. Et les subventions, ruineuses pour les États, déjà accordées à la voiture électrique, ne font que déplacer la demande d’un type de véhicules à un autre.

Je ne vois guère que deux aspects cruciaux de la transition énergétique, la conversion des centrales à charbon, principalement situées en Allemagne et en Pologne, en centrales à gaz, et les dépenses de R&D sur la voiture, le camion et le train à hydrogène. Dans le meilleur des cas, rien qui permette de produire une vraie croissance créatrice d’emplois, de revenus et des recettes publiques qui sont le vrai gage économique des dettes nouvelles.

Je persiste et je signe : seule une relocalisation méthodique, portant sur l’ensemble des secteurs économiques concernés, aurait permis d’atteindre ou d’approcher l’objectif de relance. Mais on attend encore que la souveraineté économique soit plus qu’un slogan de circonstance.

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« C’est la France qu’on déboulonne »


Plus encore que la rage destructrice des manifestants identitaires, c’est notre incapacité à y répondre qui inquiète. Nous devons mobiliser notre héritage pour promouvoir le modèle universaliste français. Emmanuel Macron aura-t-il le courage de le faire?


Nous avions quitté un monde où les féministes assiégeaient les salles de cinéma qui avaient l’audace de programmer le J’accuse de Roman Polanski et battaient le pavé contre une France qui, en honorant le cinéaste d’un César, confirmait, selon eux, sa complaisance envers les violeurs et les assassins de femmes ; et à peine sortons-nous du confinement que nous assistons à une nouvelle salve d’offensives contre la France, sa police, ses statues, ses noms de rues et d’institutions. Parmi ces cibles, Colbert, véritable abcès de fixation des associations antiracistes et indigénistes, déjà visé en 2017 dans le sillage des événements de Charlottesville, dont les militants ne savent et ne veulent savoir qu’une chose : qu’il fut l’instigateur du Code noir, et d’un Code noir lui-même réduit à sa plus sommaire expression.

Procureurs et fossoyeurs

J’aurais pu consacrer cet article à l’ignorance crasse dont font montre ces activistes, déboulonneurs et taggeurs de statues, à leur anachronisme, leur pathos de la table rase, leur refus de compter avec l’essentielle ambivalence de l’Histoire. J’aurais pu développer leur impuissance à admettre la vérité énoncée par l’historienne d’art, Anne Pingeot, dans un texte consacré à Paul Gauguin (autre abcès de fixation des indigénistes) et au travail de sauvetage par un colon des mythes et légendes du peuple maori : « La civilisation occidentale qui détruit est aussi celle qui recueille, sauvegarde et recrée. » J’aurais pu évoquer leur rébellion contre ce donné de la condition humaine qui fait que, par la naissance, nous entrons dans un monde qui nous précède, et que, par conséquent, nous sommes « toujours, bon gré mal gré, les héritiers des actes d’autres hommes » (H. Arendt).

Je préfère m’attacher à la réplique que nous opposons, ou non, à ces procureurs et fossoyeurs de la France. Ce qui frappe en effet dans ce nouvel épisode, mais plus largement dans toutes les offensives identitaires, qu’elles viennent des rangs des féministes, des LGBT-istes, des Noirs ou des musulmans, c’est l’inconsistance de notre réponse. Jusqu’à quand, jusqu’où allons-nous consentir à ce réquisitoire perpétuel et toujours plus véhément contre notre histoire, notre singularité, notre identité ?

Les fièvres identitaires sont destructrices partout, mais en France, elles portent atteinte à un élément constitutif de l’identité française, du génie français

Sans doute, dans ce cas précis, lors de son allocution du 14 juin, le président a-t-il eu le verbe haut : « La République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire, a-t-il déclaré. Elle ne déboulonnera pas de statues. » Cependant, quel crédit accorder à ces énergiques paroles ? Emmanuel Macron a donné trop de preuves de ce qu’il était acquis à l’idéologie identitaire et diversitaire pour que l’on puisse être véritablement rassuré. Et puis, quelle que soit la foi du président, que d’oreilles politiques et journalistiques compatissantes, que de génuflexions – au sens propre comme figuré –, que de gravité face à ces contempteurs de la France.

Vikash Dhorasoo et une vingtaine de militants antiracistes recouvrent d'un voile noir la statue du maréchal galliéni, héros de la Première Guerre mondiale et administrateur colonial français, Paris, 18 juin 2020. © J. Radcliffe/Getty Images/AFP
Vikash Dhorasoo et une vingtaine de militants antiracistes recouvrent d’un voile noir la statue du maréchal galliéni, héros de la Première Guerre mondiale et administrateur colonial français, Paris, 18 juin 2020.
© J Radcliffe/Getty Images/AFP
La statue de Colbert devant le Palais Bourbon, siège de l'assemblée nationale. © Hannah Assouline
La statue de Colbert devant le Palais Bourbon, siège de l’assemblée nationale.
© Hannah Assouline

« Il ne faut jamais résister aux gens qui sont les plus forts. » De toute évidence, nos élites ont fait leur la devise par laquelle le comte de Bréville, dans la nouvelle de Maupassant, escompte fléchir la farouche et patriotique Boule de suif. Or les forts aujourd’hui, ce sont les femmes, les Noirs, les musulmans, bref les minorités, la diversité. Et ils le savent.

Ils savent que le fruit est mûr et ne demande qu’à tomber, d’où ces assauts de plus en plus réguliers et violents. Or, si, collectivement, nous nous souvenions encore de qui nous sommes, la réponse ne manquerait pas de fuser : Colbert n’est peut-être pas le grand homme des Noirs, mais en France il n’y a ni noirs, ni musulmans, ni juifs, ni catholiques, ni protestants, ni hommes, ni femmes, il n’y a que des Français. Et Colbert est un grand homme pour la France. Il est de ceux qui l’ont faite, et qui l’ont faite éclatante et glorieuse. Et c’est la raison pour laquelle la patrie lui est infiniment reconnaissante et le célèbre au travers de ses statues. Ironie de l’Histoire d’ailleurs, c’est au moment où Colbert aurait pu redevenir une figure exemplaire pour la France post-Covid-19 redécouvrant les vertus de l’État stratège, du protectionnisme économique et promettant de s’engager sur la voie de la réindustrialisation, qu’il est de nouveau pris pour cible. Mais c’est précisément cette transcendance de la patrie que ces captifs volontaires de leur « race » récusent.

Notre reddition

Nous sommes mis à l’épreuve et ce ne sont pas quelques biens qui nous sont ravis, mais un modèle de civilisation. Les fièvres identitaires sont destructrices partout, mais en France, elles portent atteinte à un élément constitutif de l’identité française, du génie français. Ce qu’on pourrait appeler la passion du monde commun, notre répugnance à voir les parties qui composent la France coexister, vivre les unes à côté des autres, superposées comme l’huile et l’eau, selon l’image de Renan. Par notre histoire, nous étions mieux armés que tout autre pays pour faire rentrer dans leur lit ces fleuves identitaires, féministes, indigénistes, LGBT-istes qui sont en train d’engloutir sous leurs eaux notre civilisation. Sauf que nous ne mobilisons pas cet héritage.

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Trois facteurs éclairent la reddition que nous ne cessons de signer avec nous-mêmes. 1. Nous ne connaissons plus notre histoire, et pour le peu que nous en connaissons, nous la tenons pour coupable ; 2. Nous ne la comprenons plus, nous ne la jugeons donc plus légitime ; et 3. Conséquence fatale, nous ne l’aimons plus suffisamment pour la défendre.

Ces activistes, féministes, antiracistes, LGBT-istes, mais on pourrait ajouter antispécistes, se nourrissent d’abord de notre ignorance et de notre amnésie. Les maîtres de l’heure avancent en terrain d’autant plus sûrement conquis qu’il leur a été préparé par cinquante années d’éducation dite progressiste qui, depuis les années 1970, a fait de la liberté de l’enfant, de son génie originellement créateur, un alibi pour se dispenser de la tâche de transmettre l’héritage.  « D’autant que l’âme est plus vide et sans contrepoids, écrivait Montaigne, elle se baisse plus facilement sous la charge de la première persuasion. » Que savent de la France les moins de 50 ans – ce qui commence à faire du monde – sinon qu’elle a été et demeure raciste, patriarcale, sexiste, misogyne, islamophobe, homophobe, transphobe, cruelle aux bêtes ? À un Colbert réduit au Code noir, que seraient en mesure de riposter un écolier ou un adulte né dans les années 1970 ? On eût d’ailleurs aimé, dans ce contexte, entendre le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, car ce n’est pas sur des cartels escortant des statues que l’on apprend l’histoire de la France, mais sur les bancs de l’école.

Ces militants de toute espèce se fortifient également de notre mauvaise conscience. Là encore, des décennies de tyrannie de la repentance ont fini par produire leurs effets. Il nous arrive ce qui arriva à l’instituteur interprété par Bernard Fresson dans Les Feux de la Chandeleur du cinéaste Serge Korber. Revenant sur ses années de jeunesse militante et interrogé sur l’identité d’une jeune femme noire qui figure parmi ses archives, il a cette réponse extraordinaire : « C’était Monica, mon époque noire. Je faisais du racisme à l’envers. Je ne parlais que de négritude, de pouvoir noir. Résultat : Monica, tellement acquise à mes idées, les a appliquées au pied de la lettre : un jour elle n’a plus supporté la vue d’un Blanc, moi le premier ! »

Tirer sans fin sur notre capital civilisationnel

Ils prospèrent enfin, et c’est à mon sens le point majeur, sur le sentiment d’illégitimité que nous inspire le modèle universaliste qui est le nôtre. Toute notre faiblesse vient de l’évidence que l’approche identitaire, diversitaire, communautaire a acquise au fil des années dans notre pays. Nous sommes en effet les héritiers d’une République qui, plus que toute autre, ne veut rien savoir des identités particulières, qui n’en demande pas le sacrifice, mais leur impose la discrétion dans l’espace public. Or, nous ne saisissons plus le magnifique pari sur la liberté que, au travers de cette exigence de neutralisation des appartenances privées, la République française fait sur l’homme. Elle postule l’existence en chacun d’une enclave de liberté, elle mise sur la capacité de tout individu, quel qu’il soit et d’où qu’il vienne, de faire un pas de côté par rapport aux déterminismes et aux appartenances. Non pas pour être jeté dans un vide identitaire, une abstraction prétendument libératrice, mais afin de prendre part à cette réalité supérieure, haute en couleur et en intrigues qu’est la nation.

Cessons donc d’être les dupes de toutes ces victimes autoproclamées de la civilisation française et recouvrons la fierté de nous-mêmes. Leur objet n’est ni la vérité ni la justice, mais une volonté opiniâtre de faire rendre gorge à la civilisation occidentale et singulièrement à la France. Leur « logique » est la suivante : nous aurions contracté, historiquement, une telle dette à leur endroit qu’ils seraient comme autorisés à tirer des traites sans fin sur notre capital civilisationnel. Et c’est là que la généalogie victimaire joue un rôle essentiel, se présenter comme des « fils et filles » d’esclaves ou de colonisés, du simple fait de leur couleur de peau, permet des demandes exorbitantes. Verra-t-on un jour sortir des rangs des indigénistes ou des décoloniaux un esprit digne du courage et de la lucidité d’un Finkielkraut et capable d’écrire « L’Esclave ou le Colonisé imaginaire » ?

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« Soyez cools »

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Quand Macron nous colle la honte et renvoie notre chroniqueur Cyril Bennasar des années en arrière…


Une nuit, alors que je traversais la dalle du quartier de la Défense avec une « Juliette » qui se reconnaîtra, plutôt court vêtue, en sortant d’une méga fête techno de ouf comme on disait alors et comme on dit encore sur Radio Nova, j’ai été insulté de façon obscène, enfin plutôt la fille, mais en l’occurrence nous ne faisions qu’un, par une dizaine de petits Arabo-Français qui trônaient sur des marches avec l’audace et l’assurance d’une bande de hyènes. Au lieu de faire celui qui n’entendait pas, je les ai regardés fixement en continuant de marcher pour montrer que je n’étais pas effrayé, ou plutôt pour tenter de le faire croire, parce qu’en réalité je l’étais et parce que ces petites racailles menaçantes sont comme ces chiens qui mordent quand ils sentent que l’on a peur.

Il faisait nuit, nous étions seuls, et quand bien même nous aurions été dans une foule et en plein jour, j’aurais été à peine plus rassuré par la présence de Français blancs dans leur majorité désarmés moralement par des décennies d’excusisme et d’antiracisme et qui face à l’explosion d’une délinquance minoritaire et visible, semblent s’accommoder de défaites comme de déshonneurs.

Chuck Norris appelé à la rescousse aux Quatre Temps

Mon choix tactique du « même pas peur » n’a pas eu l’effet escompté puisque les stigmatisés se sont levés et se sont rapprochés de nous dangereusement. J’ai craint alors qu’une posture trop agressivement défensive ne leur donne le prétexte qui leur manquait pour une agression physique. J’ai craint que l’échange ne tourne à la bagarre et peut-être à un viol à cause de l’allure de la demoiselle et de la misère sexuelle dans laquelle végètent ces petits branleurs.

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Moi qui exècre le pacifisme (qui n’est pas la recherche de la paix mais la recherche de la paix à tout prix), j’ai choisi de jouer l’apaisement, de faire profil bas, de me dégonfler, et pour tenter d’éviter le pire je leur ai dit : « C’est pas cool ce que vous faites les gars ». Comme disait François Truffaut, « La vie, ce n’est pas comme dans les films ». J’ajouterais que ce n’est pas comme dans les films de karaté quand Jason Statham ou Jean-Claude Van Damme rendent la justice à un contre dix à coups de pieds et à coups de poings. Et encore, je me souviens d’un film ou Chuck Norris se fait éclater la gueule dans un bar par une bonne vingtaine de types malgré son coup de coude légendaire et jubilatoire.

Macron, Bennasar: même combat

J’avais oublié cet épisode honteux qui s’est quand même bien terminé pour la fille mais pas pour mon amour-propre, jusqu’à ce qu’un autre épisode tout aussi honteux vienne me le rappeler. C’est à peu près dans les mêmes termes que le président s’est sorti d’affaire et d’un échange houleux avec des gilets jaunes tandis qu’il se promenait il y a quelques jours avec son épouse aux Tuileries. Ce n’est pas par choix que ce président est mon président mais il l’est, et à ce titre, j’aurais préféré qu’il appelle la Garde républicaine à cheval pour faire sabrer les gueux les plus vindicatifs et faire disperser les autres à coups de bâton comme il devrait le faire avec les « Traoré » ou comme son prédécesseur mollasson aurait dû agir avec la famille de « Léonarda ». Je n’ai voté pour lui ni au premier ni au deuxième tour en 2017, mais en bon démocrate je reste un bon perdant.

Il y a deux sortes de gilets jaunes : ceux qui ont voté Marine le Pen à la dernière élection présidentielle et qui ont perdu, et ceux qui n’ont pas voté Marine le Pen et qui ont perdu aussi. Voilà donc deux ans qu’une foule de mauvais perdants braille, bloque, défile, brûle, casse et pour finir enquiquine notre chef d’Etat quand il prend le frais avec sa Dame.

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« Soyez cools », leur a-t-il dit, comme moi il y a trente ans à la Défense. Mais il y a une différence entre Emmanuel et moi : il est le chef de la Nation, des armées, et le détenteur de la violence légitime. Quand je me dégonfle, je n’engage que moi, je ne salis que mon honneur. Quand c’est lui, il nous engage tous et la honte descend en cascade du premier des premiers de cordée jusqu’au dernier des derniers.

Alternance

Manifestement, les « mutilations » n’ont pas servi de leçon aux gilets jaunes persistants ou « radicalisés ». Un président aurait dû en tirer la leçon, et, au lieu de réveiller ma honte, faire rougir le trottoir modérément mais fermement pour apprendre au peuple renégat à respecter le choix du peuple votant. Certains me diront qu’on ne peut pas parler de peuple votant quand le premier parti de France est celui des abstentionnistes. Je répondrai qu’un ramassis de Jean-Foutre, de paresseux et d’indécis ne fait pas un parti, et si l’on me demandait ce que l’on doit faire de tous ces gens qui s’abstiennent de donner leur voix dans la discrétion des isoloirs puis viennent donner de la voix dans les rues, je répondrais : « qu’ils crèvent ! ».

Mais comme personne ne me demande rien, en bon républicain je vote et j’attends un président que le recours à la répression n’intimiderait pas, quelqu’un qui aurait ce qu’il faut là où il faut. Dans l’offre politique actuelle, je ne vois qu’une présidente.

L’irrédentisme multifront de la République de Xi

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Exercices militaires Han Kuang à Taiwan, préparant une éventuelle attaque de la Chine communiste, le 16 juillet 2020 © SOPA Images / SIPA/SIPA Numéro de reportage: 00973001_000005

En plus de l’intense tension diplomatique entre Pékin et Washington, la Chine est menaçante auprès d’une bonne partie de ses voisins immédiats (Taïwan, Bhoutan, Inde, Russie…).


La trente-sixième édition des exercices militaires Han Kuang a eu lieu à Formose entre le 13 et 17 juillet 2020 (notre photo). Chaque année, ces exercices visent à simuler une attaque chinoise (République populaire de Chine) sur l’île et à évaluer la préparation de Taïwan (République de Chine) à cette menace. Chaque année aussi la menace semble plus pressante et la qualité technique des deux armées évolue et progresse. Cette année la répétition armée répond plus précisément à ce que la Chine prépare pour début août autour de Hainan. La visée militaire de ces exercices chinois à venir relatifs aux îlots contrôlés de facto par Taïwan est claire ; comme le disait Song Zhongping au Global Times : « Les exercices simulant la prise de contrôle sont destinés aux îles Dongsha, Penghu et à la plus grande île, à savoir celle de Taiwan. Si les sécessionnistes taïwanais insistent sur la sécession, les exercices militaires peuvent se transformer à tout moment ».

Les tensions Inde/Chine directes ou indirectes, par Bhoutan et Népal interposés sont au plus haut

Gardons à l’esprit que le terme « sécessionniste » n’a guère de sens pour Formose : passée sous pavillon « chinois » en 1661 seulement, par l’intermédiaire de Koxinga, un loyaliste Ming sino-japonais, intégrée à l’Empire japonais en 1895, puis recolonisée en 1949 par l’armée nationaliste du Kuomingtang après la perte du continent, Taïwan n’a jamais appartenu à la République populaire.

Affrontements à l’arme blanche avec les Indiens

La volonté par la Chine dite communiste de mettre fin au régime autonome et démocratique de Taïwan s’inscrit dans une logique révisionniste dont tous les voisins commencent à éprouver les effets délétères. Exemple récent avec les relations diplomatiques entre la Chine et l’Inde, les deux géants asiatiques, qui ont pris un nouveau tour avec l’incident du 15 et 16 juin 2020 : des soldats des deux puissances nucléaires se sont livrés à un affrontement meurtrier à l’arme blanche dans la vallée du Galwan. New Dehli a reconnu 20 morts et des dizaines de blessés, mais Pékin a refusé de donner un décompte précis du nombre de victimes. L’incident survient dans un contexte spécifique : d’une part, la révision par l’Inde de l’article 370 de la Constitution séparant le Ladakh de l’État du Jammu-et-Cachemire ; d’autre part, la finalisation d’une route de 255 km qui pourrait faire obstacle au Corridor Chine-Pakistan, un axe essentiel des « Nouvelles Routes de la soie chinoises ». Le 3 juillet, le Premier ministre indien Narendra Modi s’est rendu dans la base à plus de 4000 mètres d’altitude pour haranguer les troupes et dénoncer « l’expansionnisme chinois ».

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« Expansionnisme » qu’illustre également le différend territorial avec le Bhoutan qui vient de resurgir à l’instigation de Pékin qui lui réclame 495 km2 au nord et 269 km2 à l’ouest en échange d’environ 100 km2 à Doklam. Manière de faire pression sur l’Inde alors que le Népal, sous influence chinoise vient d’interdire toutes les chaînes d’information indienne sur son territoire. Les tensions Inde/Chine directes ou indirectes, par Bhoutan et Népal interposés sont donc au plus haut. L’Inde a choisi de répondre aux morts du 16 juin en se montrant offensive : New Dehli vient d’interdire 58 applications téléphoniques chinoises dont TikTok, WeChat, Helo, pourtant très populaires dans le pays. Même si Pékin a dénoncé une mesure anti-concurrentielle, il lui est difficile d’être crédible alors que Google, Facebook, Twitter, etc. sont interdits en Chine…

Vladivostok chinoise?

La Chine de Xi Jinping semble être poussée par une volonté de puissance néo-dynastique qui la conduit à clamer ses revendications territoriales partout dans le monde : en Inde, au Bhoutan, mais aussi dans les mers de Chine de Sud contre le Vietnam, les Philippines et l’Indonésie, voire même en Russie où les 160 ans de la ville de Vladivostok fêtés par Moscou ont fait l’objet d’une condamnation en Chine : en effet, selon Pékin, Vladivostok est chinoise – et ce alors même que le traité d’Aigun en 1858, annulant une partie du traité de Nerchinsk en 1689, en fait, en droit international, une ville russe sans conteste possible.

Le président Macron, le président Xi Jinping et leurs femmes, à Shanghai le 5 novembre 2019 © CHINE NOUVELLE/SIPA Numéro de reportage: 00931063_000003
Le président Macron, le président Xi Jinping et leurs femmes, à Shanghai le 5 novembre 2019 © CHINE NOUVELLE/SIPA Numéro de reportage: 00931063_000003

L’incident mineur traduit ce fait général partout à l’œuvre aux marges des frontières chinoises aussi bien au Nord et à l’Est, qu’au Sud et à l’Ouest : la volonté, aussi bien révisionniste qu’irrédentiste, de « retrouver » le territoire de la dynastie mandchoue Qing tel qu’il l’était avant les Guerres de l’Opium et les « traités inégaux ». Notons que c’est la même logique qui prévalut aux déclenchements des deux guerres mondiales entre la France et l’Allemagne. Or, dans le cas chinois, tout ceci est trois fois paradoxal : d’une part, parce que la dynastie Qing était considérée comme non-chinoise par les révolutionnaires de 1911 (donc pourquoi vouloir en restaurer l’Empire?) ; d’autre part, parce que le parti communiste entendait mettre fin pour toujours au féodalisme dynastique ; enfin, parce qu’on oublie le discours du 10 avril 1974 de Deng Xiaoping dans lequel il affirmait, en conclusion, que la Chine ne serait jamais une superpuissance car elle ne serait jamais ni capitaliste ni impérialiste : « La Chine n’est pas une superpuissance et ne cherchera jamais à l’être. […] Une superpuissance est un pays impérialiste qui soumet partout d’autres pays à son agression, à son ingérence, à son contrôle, à sa subversion ou à son pillage et qui lutte pour l’hégémonie mondiale. Si le capitalisme est restauré dans un grand pays socialiste, il deviendra inévitablement une superpuissance. […] Si un jour la Chine devait changer de couleur et devenir une superpuissance, si elle aussi devait jouer le rôle du tyran dans le monde et soumettre partout les autres à son harcèlement, à son agression et à son exploitation, les peuples du monde devraient s’y opposer et travailler avec le peuple chinois pour le renverser. »

Deng Xiaoping, secrétaire général du Parti communiste chinois de 1956 à 1967 puis numéro 1 de la république populaire de Chine de décembre 1978 à 1992

L’Inde pourrait repenser son soutien à la politique d’une seule Chine

Paroles prophétiques ? Tout semble indiquer en tout cas que la Chine est bien aujourd’hui devenue une superpuissance, aussi bien économique que militaire et que, de fait, elle affirme désormais ses ambitions territoriales. Et la plus intense et plus immédiate de celles-ci concerne bien sûr Taïwan.

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C’est ici que « l’exemple indien » peut être pris en considération.

D’une part, le fait d’avoir appliqué au domaine du numérique, la réciprocité que Pékin prétend établir dans tous ces échanges pourrait faire des émules : pourquoi en effet autoriser WeChat et Huawei aux États-Unis ou ailleurs si Facebook ou Google ne sont pas autorisés en Chine ?

D’autre part, des voix s’élèvent à New Dehli pour demander au gouvernement d’abandonner sa reconnaissance de la politique « d’une seule Chine » puisque la Chine dénie formellement et pratiquement la réalité « d’une seule Inde ». Plusieurs tribunes dans les journaux indiens et colloques d’experts demandent de repenser la relation à Taïwan : on peut citer par exemple la fondation « Rethinking India’s ‘One China Policy’ ». Ou les déclarations claires de Rajesh Singh sur le site PGurus : « Pékin clame toujours haut et fort sa politique d’une seule Chine. Elle considère Taïwan comme son propre territoire et elle a occupé le Tibet dans le cadre de cette politique. New Delhi a toujours été indulgente sur ce point, malgré le fait que la Chine n’ait jamais reconnu la politique d’une seule Inde, qui implique que le Cachemire occupé par le Pakistan, le Gilgit et le Baltistan et Aksai Chin fassent partie du territoire indien. L’Inde doit repenser son soutien à la politique d’une seule Chine. Si Pékin refuse de voir la raison, New Delhi doit s’attaquer au problème du Tibet. Il doit ouvrir des voies de communication officielles avec Taïwan, intensifier les échanges commerciaux avec ce pays. »

N’importe quel pays a toujours, unilatéralement, la possibilité de dénoncer le principe d’une seule Chine. Certes, la Chine répliquerait en rompant les relations diplomatiques et commerciales avec ce pays, mais si tous les pays de l’OTAN, voire de l’OCDE faisaient de même, la Chine se retrouverait presque seule et sans beaucoup de marges. Nous n’en sommes pas là, mais si les relations entre la Chine et les États-Unis qui viennent coup sur coup de fermer deux ambassades (une de Chine à Houston et l’autre des États-Unis à Chengdu) se détériorent encore, alors cette option pourrait vite revenir sur la table.

Identité française: un sursaut est-il encore possible?

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Incendie de Notre-Dame le 15 avril 2019 © Diana Ayanna/AP/SIPA

A un an d’intervalle, des incendies ont ravagé Notre-Dame de Paris puis la cathédrale de Nantes. Les réactions à ces drames ont démontré notre profond malaise identitaire. Alors qu’un changement de peuple est en train de s’opérer, le catholicisme peut-il renaître de ses cendres?


Qu’est-ce que la République en France ? C’est la IIIème. Qu’est-ce que la IIIème République ? Une alliance des minorités franc-maçonne, protestante et, dans une moindre mesure, juive contre les masses catholiques qui étaient aussi, du moins jusque dans les années 1880, monarchistes. Pour les hommes qui ont bâti ce régime, la laïcité devait rompre définitivement le lien qui unissait la nation à l’Eglise ; la loi de 1905, promulguée dans un climat délétère, contre la volonté d’un peuple encore très majoritairement attaché à sa religion, fit du catholicisme un culte parmi d’autres dans la désormais « patrie des droits de l’homme » issue d’une déclaration abstraite et léguée par le Grand Architecte.

Disons-le tout net : l’Eglise en France n’a pas volé le triste destin qui est le sien aujourd’hui. En tant qu’institution, elle œuvre sans relâche, avec une admirable constance, à sa propre destruction

On ne peut pas comprendre la médiocrité – quand ce n’est pas carrément l’absence – des réactions de notre personnel politique face aux permanents actes anti-chrétiens si l’on oublie que la République s’est construite contre l’Eglise. Pour parler comme les libéraux, c’est son « logiciel », dans son « ADN ». Un an avant la loi de 1905, l’affaire des fiches révélait, au sein de l’armée, un vaste système de fichage – commandé par le ministère – visant à brider l’avancement des officiers catholiques. Cependant que les anticléricaux, athées, libre-penseurs en tout genre menaient virilement le combat culturel dans les gazettes et les écoles, l’Etat expulsait les congrégations, soutenait les loges et, donc, abattait enfin « l’infâme ». On le sait, durant une génération, l’Eglise tenta de résister, cherchant un modus vivendi avec la République qui la haïssait. Mais, après le catholicisme social d’un Lamennais qui était un aberrant compromis avec l’air du temps, l’affreux sulpicianisme dans lequel elle sombrait à la veille de la guerre disait combien elle manquait déjà de chair. Elle se soumit et commença à produire un nouveau genre de catholiques, honteux, plus obsédés par les œuvres que par leur salut. Victorieuse, la République s’amusait des querelles qui animaient son ancienne ennemie héréditaire.

Triste destin et sursaut d’absolu

Cela dit, il y avait les fidèles, qui continuaient de se rendre à la messe. En 2018, dans Comment notre monde a cessé d’être chrétien, l’historien Guillaume Cuchet démontrait comment, jusqu’au début des années 1960, les églises étaient encore pleines ; c’est à ce moment-là, en quelques années seulement, qu’elles se vidèrent. Les enfants du baby-boom furent donc les premiers à refuser le rituel. Parce que leurs parents furent également les premiers à ne plus les y contraindre. Vatican II, qui est l’introduction de l’esprit du protestantisme dans l’Eglise, justifia ce reniement en promouvant la liberté de conscience. En réduisant pour ainsi dire la foi à une affaire personnelle, ce concile péteux, cornaqué par des personnes extérieures à l’Eglise, fut un prodigieux accélérateur du déclin de celle-ci. Le temps de Dieu n’est pas celui des hommes ; c’est en suivant ce principe que, durant deux millénaires, l’Eglise put traverser cent hérésies et révolutions ; en s’arrimant au monde par peur de se l’aliéner, elle perdit sa force, sa grandeur et son charme. De nos jours, il n’y a plus que dans certains monastères et dans le mouvement dit traditionnaliste que l’on trouve encore des clercs érudits, souriants, combattifs, plus préoccupés par les âmes du peuple de Dieu que par le sort des migrants et avec qui l’on peut prier sans être perturbé par d’immondes dessins d’enfants ou des chants qu’on dirait écrits par une chaisière fan de Calogero.

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Disons-le tout net : l’Eglise en France n’a pas volé le triste destin qui est le sien aujourd’hui. En tant qu’institution, elle œuvre sans relâche, avec une admirable constance, à sa propre destruction. Face à l’effondrement de la pratique religieuse, elle continue de servir la soupe insipide qui fait fuir tant de jeunes gens qui, à un âge où l’on est souvent saisi par un magnifique sursaut d’absolu, préfèrent logiquement se tourner vers d’autres religions, à commencer bien sûr par l’islam. La crise des vocations, elle, découle directement du célibat des prêtres devenu insupportable non pas du fait de tentations plus nombreuses mais de l’acceptation de ces dernières, d’une miséricorde mal comprise et encore plus mal professée. Comme l’Eglise réformée dont elle suit le pathétique chemin, l’Eglise catholique se transforme en une sorte d’association où, le dimanche, par habitude plus que par conviction, des CSP+ hagards viennent prendre leur dose hebdomadaire d’« humanisme » en écoutant beugler de girondes Africaines évadées de Sister Act. Tous les fidèles ou presque commettent ce qui, pour le saint curé d’Ars, était un grave péché : en public, ils n’osent jamais affirmer leur foi, et vont même jusqu’à rire d’elle avec les autres afin de ne pas être ce « signe de contradiction » qui est pourtant leur glorieuse croix. En vérité, rejoindre l’Eglise réclame bien du courage. Dans la plupart des paroisses, surtout les progressistes, on décourage le catéchumène, on lui demande de « bien réfléchir », on lui dit qu’il devra être patient, trouver un parrain, remplir un CERFA. Il devra en outre entendre ses coreligionnaires lui expliquer que la Résurrection est une « métaphore », comme l’est la virginité de Marie, et que l’eucharistie est un « moment de partage » à l’instar des « goûters » organisés chaque mois par Elisabeth, « la maman de Sixtine ». Pour se faire accepter par « la communauté paroissiale », il faudra moins faire oraison qu’apporter des vêtements pour les Roms. Si, malgré ces nombreux écueils, le postulant s’obstine, il devra ensuite errer longtemps avant de trouver une église correcte, où le curé ne versera pas, pour composer ses homélies, dans la paraphrase ou l’apologie d’SOS Méditerranée.

Les actes anti-chrétiens sont à peine relevés, en général en dernière page des journaux gratuits!

Sans cesse moquée sur l’antenne de Radio Paris, pardon, France Inter et ses humoristes « impertinents » payés par nos impôts, décrite comme une réserve de pédophiles, d’abrutis qui croient que la Terre est plate et d’obscurantistes qui ont brûlé par millions ces « femmes libres » que l’on appelait autrefois sorcières, l’Eglise baisse la tête. Pire ! non contente d’accepter les insultes, elle promeut le changement de peuple avec un enthousiasme digne des Verts ou de RESF. En effet, il ne se passe pas un mois sans que la Conférence des évêques de France ne se fende d’un communiqué en faveur de l’accueil des hordes de miséreux, pour la plupart musulmans, qui se pressent aux portes de l’Europe. Elle croit ainsi être charitable alors qu’elle contribue à l’ensauvagement du continent ; d’en être victime, elle et ses fidèles, ne la perturbe pas. Pas plus que ne le font les actes qui visent ses cimetières et ses lieux de culte. Car si chaque lardon lancé contre une mosquée et chaque croix gammée dessinée sur une tombe juive engendre un drame national avec ministres qui se dépêchent sur place afin d’exprimer la « solidarité » de la République et promettre de nouvelles lois pour « lutter contre la haine », les actes anti-chrétiens, eux, sont à peine relevés, en général en dernière page des journaux gratuits. Or, ces derniers sont de très loin les plus nombreux – à hauteur de 90%, pour être précis. Tombes souillées par des métaleux « satanistes » en fin de soirée, sacristies incendiées par des punks à chien ayant abusé de la 8.6, objets liturgiques volés partout et en particulier dans les petites églises laissées à l’abandon : ce vandalisme-là n’indigne personne, pas même l’Eglise qui semble tétanisée.

Le brasier de Notre-Dame

Il y a un an de cela brûlait Notre-Dame de Paris. Là, pour le coup, il s’agissait d’un « événement ». Les profanes apprirent à cette occasion que l’entretien des lieux de culte chrétiens, du moins ceux bâtis avant la loi de 1905, étaient à la charge de l’Etat. Et que celui-ci, radin, comptait chaque sou. Considérées comme des monuments historiques au même titre que la maison de vacances de Sarah Bernhardt ou quelque baisodrome d’Alexandre Dumas, les églises ne jouissaient, dans le PLF 2019, que d’une partie des 346 millions d’euros dédiés par le ministère de la Culture à la sauvegarde de ces mêmes monuments, soit à peine 10% du budget de ce dernier. Tous les spécialistes s’accordent à dire que cette somme est dérisoire ; pour l’Etat républicain, il est de toute évidence plus important de subventionner les cracheurs de feu et les lanceurs de diabolo que de rénover ces endroits étranges où des gens bizarres vénèrent un Juif cloué sur une croix.

C’est très clairement dans les années 1960 que la France a commencé à ne plus être la France

L’« émotion » parfaitement artificielle que cet incendie a produite dans les médias – un peu à la manière du saccage de l’Arc de Triomphe durant le mouvement des Gilets jaunes – disait moins, en tout cas chez les politiques, le chagrin de voir fondre la mère des cathédrales du pays que celui de perdre une fraction de ces dizaines de millions de touristes sans lesquels la France ne serait plus le bronze-cul de l’Europe et le musée du monde. D’ailleurs, l’attentif aura remarqué que, dans la langue politico-journalistique, Notre-Dame était appelée « monument » ; sa qualité d’église était secondaire et même accessoire ; à travers ce spectaculaire brasier, c’étaient pour les revenus tirés du patrimoine qu’éditocrates, économistes et parlementaires pleuraient. Certes, il y eut bien quelques brefs « sujets » sur des catholiques à serre-tête qui, à l’instar des impuissants « Veilleurs » de la Manif pour Tous, faisaient leur chapelet à Saint-Michel. Mais ils ne firent rien d’autre, animés par un fatalisme que leur envient les bouddhistes auxquels ces vétérans des JMJ et de Taizé ressemblent tant sans le savoir.

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A Nantes, des policiers empêchent l'approche de la cathédrale en feu, samedi 18 juillet 2020 © Laetitia Notarianni/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22474389_000011
A Nantes, des policiers empêchent l’approche de la cathédrale en feu, samedi 18 juillet 2020 © Laetitia Notarianni/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22474389_000011

Le 18 juillet, c’était au tour de la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de cramer. La multiplicité des foyers d’incendie oriente les enquêteurs vers un acte criminel. Un migrant rwandais, hébergé par le diocèse, fut d’ailleurs suspecté avant d’être renvoyé dans la nature ; entre-temps, son avocat, malin au sens propre du terme, exigea que l’Eglise fasse preuve, si son client était bien coupable, de « miséricorde », la « communauté catholique » étant à ses yeux « la meilleure » en la matière – si par miséricorde on entend faiblesse et même lâcheté, c’est très vrai. Infiniment moins célèbre et lucrative que Notre-Dame, la cathédrale de Nantes fut du reste rapidement chassée de l’actualité par la saison II de la série Tous à la maison et le retour du string-ficelle sur les plages. Quatre jours après, l’affaire est déjà oubliée. Par la voix du nouveau Premier ministre, ce pauvre Jean Castex qui nous ramène aux heures les plus sombres de la IVe République, l’Etat s’est engagé à réparer les dégâts comme l’avait fait, avec son emphase coutumière, Macron pour Notre-Dame. Je n’ai pas vérifié, je le confesse, mais je parie que, face à cet énième sacrilège, l’Eglise s’est contentée de pondre une déploration sans âme, « équilibrée », qui n’accuse personne et ne réclame rien, et qui doit même remercier, en plus des vaillants pompiers, les autorités venues pour une fois soutenir les catholiques en tant que minorité.

Notre culture brûle aussi

A l’heure où une jeune aide-soignante lyonnaise, certaine Axelle, vient de mourir sous les coups de la « diversité », il convient de noter qu’il y a coïncidence entre l’écroulement de notre culture et celui de l’Eglise. C’est très clairement dans les années 1960 que la France a commencé à ne plus être la France. L’immigration africaine de masse, l’internationalisme socialo-communiste, la construction européenne, la sous-culture américaine, la colère des petits-bourgeois libertaires s’allient alors pour nous faire basculer dans une autre temporalité, un autre paradigme. On assiste à une grande inversion des valeurs. Comme une digue, l’Eglise contenait ce mouvement ; en tombant, elle entraîne le pays dans sa chute. Car comme l’écrit Malraux, une « civilisation est tout ce qui s’agrège autour d’une religion ». C’est le catholicisme qui a fait la France, modelé ses mœurs et forgé ses coutumes. Le principe libéral selon lequel une société tient par le contrat est un échec total, hormis pour de rares privilégiés qui, dans leur Aventin de Montreuil, profitent égoïstement des fruits de leurs idéaux cependant que le peuple, lui, vit dans une constante insécurité culturelle et une insécurité tout court. La nature ayant, bien entendu, horreur du vide, l’islam, par le truchement du regroupement familial et d’une natalité exubérante d’abord, vient remplacer le catholicisme. Et ce ne sont pas les risibles « valeurs de la République » qui vont l’en empêcher ; au contraire, elles se mettent à son service. Durant cinq décennies, les libéraux ont cru que les musulmans finiraient par apostasier, par se convertir eux aussi à la poursuite du bonheur, c’est-à-dire au néant ; désormais, en plus de ceux qui continuent d’y croire contre toute évidence, contre les faits – mais il est vrai que le réel ne les intéresse, que pour eux le faux est un moment du vrai – nombre d’entre eux s’accommodent de l’islamisation du pays et la subséquente violence qu’elle engendre. Ces derniers sont comme le personnage principal du Soumission de Houellebecq : ils font avec, convaincus en leur for intérieur, comme tout bon libéral qui se respecte, que tout change, évolue, qu’il faut s’adapter, et que l’on n’y peut rien.

Seule la tradition est révolutionnaire, n’est-ce pas. Il ne saurait y avoir de reconquête sans réveil de l’Eglise – n’en déplaise à l’excellent Michel Onfray. Ceux qui, dans notre camp, prétendent que nous pourrons nous en sortir sans sueur et sans larmes sont soit d’une naïveté criminelle, soit des imbéciles, soit des pleutres. Français, combien d’entre vous devront mourir avant que vous le compreniez ?

Guillaume d’Orange, sauveur de la Douce France

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Celui qui inspira Guillaume d'Orange, Guillaume de Gellone, peint par Simon Vouet, vers 1622-1627. Détail. Musée du Louvre

Orange est une fort belle cité. On y croise un majestueux théâtre romain et d’aimables Orangeois au teint ensoleillé. En la foulant, peuple de France, vous songerez à Guillaume d’Orange.


Inspiré par Guillaume de Gellone, Duc d’Aquitaine dès l’an 790, Guillaume d’Orange est l’objet de moult chansons de geste qui relatent ses audaces. Vous plairait-il d’ouïr son histoire? Ni historiquement infaillible, ni fantaisiste, ce joyeux récit n’est guère motivé par quelque leçon belliciste depuis quelque palais. Il nous parle d’un vaillant chevalier qui a sauvé ce qui est maintenant la France.

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Fils du preux Aymeri de Narbonne, Guillaume rechigne dès son jeune âge à garder robes et harnois[tooltips content= »Harnois (n. m.) : armure du chevalier par excellence »]1[/tooltips] du glorieux Charlemagne à Saint-Denis. Fort heureusement, il y apprend que la principauté de Narbonne est assiégée par la gent païenne. L’occasion d’épanouir sa vocation précoce de héros. Munis par Charlemagne d’armes magnifiques et de forts destriers[tooltips content= »Destrier (n. m.) : cheval de guerre associé au Moyen-Âge. « ]2[/tooltips], Guillaume et ses chevaliers apportent mulets, vaisselle d’or et victoire aux Narbonnais. L’épopée ne fait que commencer. En effet, Charlemagne ayant désormais la barbe blanchie par le temps, son fils Louis doit être couronné pour être le nouveau roi vaillant. Mais le perfide Hernaut d’Orléans veut s’arroger sa tutelle pour devenir l’empereur. Du poing gauche, Guillaume assomme alors le lâche, qui tombe raide mort à ses pieds.

Le marquis au court nez

Ainsi, il obtient la permission de Louis Ier d’aller prier sur le tombeau de Saint Pierre. À Rome, Guillaume ne va pas seulement sauver son âme mais toute la chrétienté. Menés par le roi Corsolt, des hordes de païens ne veulent faire qu’une bouchée de la papauté. Pour préserver Rome, le Pape sacrifierait volontiers tout l’or de Carthage. Corsolt refuse les trésors qui lui sont proposés. D’une vaillance sans égal, Guillaume livre alors bataille au roi des Sarrasins. Il y perdra la moitié de son nez mais libérera des milliers de chrétiens qui sans lui, auraient eu la tête tranchée: « désormais, tous ceux qui m’aiment en Douce France m’appelleront Guillaume, le marquis au court nez[tooltips content= »Guillaume d’Orange, M. Tessier, Éditions Fernand Lanore, page 40″]3[/tooltips]».

L’impétueux Guillaume va alors sauver Nîmes, un épisode que moult jongleurs ont chanté[tooltips content= »Le Charroi de Nîmes, Folio Classique, Édition bilingue de Claude Lachet »]4[/tooltips], puis libérer Orange. Un beau matin de mai, dès lors que les bois fleurissent et que les prés reverdissent, il apprend au retour de la messe que vingt-mille païens à lances menés par le puissant émir Aragon tiennent la cité. S’y trouve également dame Orable, une gracieuse reine sarrasine. « Il n’en est pas d’aussi belle jusqu’en Orient, sa peau est blanche comme l’aubépine. Sa beauté est malheureusement vaine puisqu’elle ne croit pas en Dieu, le fils de sainte Marie[tooltips content= »La Prise d’Orange, Honoré Champion, Édition bilingue de Claude Lachet, vers 281« ]5[/tooltips]!», lui confie un prisonnier. Guillaume le marquis au fier visage et ses vaillants chevaliers rencontrent l’émir en se faisant passer pour des païens mais sont démasqués: « Par Mahomet, c’est pour votre malheur que vous avez franchi le Rhône !, lui dit ce dernier. Vous serez tous massacrés, nous disperserons dans les airs vos ossements et vos cendres[tooltips content= »Ibid, vers 794″]6[/tooltips]».

Un formidable homme d’action

Désarmé après avoir été attaqué par des légions de fiers Sarrasins, Guillaume s’en remet à la gente dame Orable : « Dame, donnez-moi une armure, par l’amour du Dieu qui fut supplicié sur la croix car, par Saint Pierre, si je vis longtemps, vous serez très largement récompensée[tooltips content= »Ibid, vers 936″]7[/tooltips] ». À de si belles paroles, la reine ne résiste guère. Pleurant d’émotion, elle fournit de bons hauberts[tooltips content= »Haubert (n. m.) : chemise de maille à manches et à capuchons que portaient les hommes d’armes au Moyen-Âge. »]8[/tooltips], des heaumes aux pierreries serties d’or et de saillantes épées aux nobles chevaliers. Après moult combats, l’émir Aragon est frappé par l’épée à la lame bien tranchante du vaillant Bertrand, compagnon de Guillaume, sans l’épargner. Les païens en perdent force et hardiesse.

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C’est ensuite « dans une église consacrée où l’on invoquait auparavant Mahomet que le comte Guillaume se rend pour épouser Orable[tooltips content= »Ibid, vers 1873« ]9[/tooltips]» après qu’elle a été baptisée par l’évêque de Nîmes et qu’elle a pris le nom chrétien de Guibourc. « Les fêtes nuptiales se prolongèrent huit jours dans la joie et l’allégresse. Harpistes et jongleurs reçurent beaucoup d’habits de soie et de manteaux d’hermine, de mulets d’Espagne et de vigoureux destriers[tooltips content= »Ibid, vers 1884″]10[/tooltips]». Suite à son mariage avec la gente Guibourc, Guillaume au court nez est resté bien trente ans dans Orange sans cesser un seul jour de combattre.

Ni saint homme, ni brigand, Guillaume fut simplement un héros de son temps. Bien qu’il sût, selon des sources que nul clerc ne contredira, lire et chanter, Guillaume n’avait ni le temps de jacasser sur Twitter depuis une confortable chambrée, ni celui de se chamailler sur l’actualité depuis les plateaux télé. À travers ses multiples chevauchées, voilà un formidable homme d’action que la France devrait retrouver.

Bruno Carette: le génie des Nuls

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Bruno Carette dans le film de Gérard Jugnot, "Sans peur et sans reproche" (1988). © Sofimage / Arturo Productions Photos / AFP

Disparu à 33 ans, Bruno Carette (1956-1989) était le membre le plus prometteur de la troupe des Nuls. Pour la première fois, son frère Didier ouvre la boîte à souvenirs, de l’enfance en Algérie à ses débuts au cinéma en passant par leur jeunesse militante nationaliste-révolutionnaire.


Trente ans de trop. Fin 1989, le comédien Bruno Carette nous quittait à 33 ans. Membre de la troupe des Nuls, il laissait à ses acolytes comiques Chantal Lauby, Alain Chabat et Dominique Farrugia le souvenir d’un acteur surdoué. Nul ne le raconte mieux que son frère aîné Didier Carette, comédien et ex-directeur de théâtre aujourd’hui conseiller régional (RN) d’Occitanie.

Histoire méditerranéenne

Avec sa voix de basse et ses yeux rieurs, Didier passerait facilement pour une réincarnation de Bruno. Son histoire est en grande partie la sienne. Elle débute dans les années 1950 en Algérie. Un ingénieur métropolitain électrifiant la Kabylie rencontre une institutrice d’origine espagnole enracinée depuis cinq générations dans la wilaya de Tipaza. De leur union naissent Didier (né en 1950), Bruno (1956-1989) et leur sœur, qui grandissent à Alger jusqu’à leur départ pour la métropole en mai 1962. « Nous sommes partis persuadés de revenir. Nous ne pouvions imaginer l’indépendance de l’Algérie », se souvient Didier avec émotion. Une certaine France moisie les accueille en intrus. Un jour, dans un hôtel miteux, quelques Palois réunis au petit-déjeuner commentent ainsi un reportage télévisé sur l’arrivée des pieds-noirs : « Putain, ils pouvaient pas rester chez eux ces cons-là ! »

Bien que l’œuvre des Nuls ne s’y réduise pas, les blagues scato finissent par le lasser

En réaction, les frères Carette héroïsent « les quelques personnes qui s’étaient battues pour nous », l’OAS et Bastien-Thiry dont Bruno a toujours conservé la photo. « Lorsque ma sœur a été présentée aux membres de sa belle-famille, ils attendaient une voilée ! » en glousse encore Didier. Le temps d’une escale de trois ans au Maroc, où leur ingénieur de père est affecté, la famille retrouve les joies du Maghreb. Retour à Toulouse en 1966. Par nostalgie de l’Algérie française, Didier adhère à Occident. Son cadet Bruno entre au Mouvement jeune révolution, qui deviendra le Mouvement solidariste français, avant de passer à Ordre nouveau. Les frères ont alors les cheveux longs jusqu’aux épaules. Mai 68 étant passé par là, même à la droite de la droite, « on exprimait un rejet très fort du conservatisme » et des sympathies anarchistes. Leur esthétisme les pousse aussi bien vers « un vieil anar espagnol qui avait des livres jusque dans son frigidaire » qu’aux côtés du gudard Jack Marchal, créateur du fameux rat noir et auteur du tube alternatif Les nazis font des bêtises. Une fibre méditerranéenne les conduit régulièrement en Italie aux réunions du parti néofasciste MSI dont ils apprécient le chef charismatique Giorgio Almirante (1914-1988). « Bruno l’avait rencontré par hasard dans un train », raconte Didier. Un éditeur d’essais traditionalistes, ami de jeunesse de Bruno qu’il accompagnait régulièrement dans les couscous toulousains ou autour d’un joint, confie : «Bruno n’avait pas une once de début de commencement de racisme. La dernière fois que je l’ai vu, à la fin des années 1970, il était monté à Paris voir Almirante. » De l’autre côté des Alpes, l’aura du patriarche sicilien va bien au-delà de son propre camp puisque à sa mort, le président de la République italienne, le dirigeant du Parti socialiste et même l’ancien chef des partisans communistes se recueilleront sur sa dépouille.

Repéré par Canal + : « Objectif Nul »

Pour Bruno Carette, la décennie 1970 s’achève à Paris. Pendant que Didier pratique l’art dramatique, Bruno intègre l’École française des attachés de presse (EFAP) et signe son dernier coup d’éclat politique. Lorsque la justice menace d’expulsion les cathos tradis qui occupent Saint-Nicolas-du-Chardonnet, il dort dans l’église en soutien à monseigneur Lefebvre. À la sortie de l’EFAP, faute d’emploi, Bruno descend chez ses parents installés à Cannes. Après six mois à vendre des assurances, il répond à une annonce de FR3 Méditerranée. La station recherche des animateurs radio. C’est là, au début des années 1980, qu’il fait la connaissance de Chantal Lauby, avec laquelle il présente des programmes radio puis l’émission « Bzzz ». À coups de sketches, Lauby et Carette moquent le téléphone rose, la publicité, les journalistes, les Français, les Arabes, les juifs, les antisémites… Gros succès local. Repérés par Canal +, Chantal et Bruno montent à Paris sur invitation de la chaîne cryptée qui leur adjoint l’animateur météo Alain Chabat puis Dominique Farrugia. Dans la série « Objectif nul », Carette campe naturellement le cuisiner Zeitoun, à l’accent aussi piquant que les merguez.

Certains s’étonneront du passé droitier de Bruno Carette tant les Nuls incarnent la gauche culturelle version Canal +. Des fausses pubs telles que le diptyque épicier Hassan Céhef (« C’est pôssible ! ») / Robert Tripoux (« La maison ne fait pas crédit ! ») semblent défendre la préférence immigrée en pleine vague SOS racisme. Avait-il tourné casaque ? Non, songeons au petit pied-noir méprisé à son arrivée sur le continent. « Ça peut paraître paradoxal pour des gens qui se situent à l’extrême droite, mais la France rance de l’épicier Robert Tripoux avec le portrait encadré de Raymond Barre ne nous convenait en aucune façon. Aujourd’hui, la chose ne serait certainement pas présentée de la même façon parce que le contexte a totalement changé », décrypte Didier Carette.

Vers le cinéma

De la galerie de personnages créés par Bruno émergent deux héros récurrents devenus cultes : Jean Meyrand et Mizou-Mizou. Avec sa tignasse bouclée et son bandana autour du cou, le premier est un Léo Ferré de sous-préfecture qui entonne inlassablement : « 68 c’était hier pour moi aussi / Et puis y’a eu la rue Lepic / On bouffait du riz cantonais / Et puis soudain ils ont chargé, les flics… » Sa source d’inspiration ? Un chanteur à textes toulousain ami de Didier. Après avoir assisté à son tour de chant dans un cabaret, Bruno reçoit une illumination comique. Quant au pétomane espagnol Mizou-Mizou, interprète des tubes du top 50, Bruno Carette en a un jour conçu l’idée à la plage. « Ma mère était totalement retournée en disant “Mais tu ne vas pas faire ça ! Enfin, c’est pas possible !” Et Bruno a persisté et signé », en sourit Didier.

Bien que l’œuvre des Nuls ne s’y réduise pas, les blagues scato finissent par le lasser. Au cours de ses derniers mois, Bruno Carette s’émancipe de plus en plus du groupe. Admirateur de Peter Sellers, Youssef Chahine et Vittorio Gassman, lecteur de Nimier et Blondin, il se destine au grand écran. Après une comédie de cape et d’épée signée Gérard Jugnot, Bruno trouve un emploi à sa mesure dans Milou en mai. Louis Malle lui offre le rôle de Grimaldi, un chauffeur routier fort en gueule et avide de sexe. « Moi les communistes, je les emmerde ! » tonne ce prolo en plein Mai 68. À Michel Piccoli qui le prend avec mépris pour une starlette du petit écran, Carette répond ironiquement : « Vous avez totalement raison Docteur Teyran ! [NDLR : du nom du héros de série B que Piccoli jouait quelques années plus tôt sur TF1] » Sorti en salles peu après sa mort, Milou en mai lui est dédié. Comme cet article.

Milou en mai

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L’Éducation nationale a tué le bachelier. Vive le Bachelor!

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Lycée Loiselet de Bourgoin-Jallieu, le 7 juillet 2020 © ALLILI MOURAD/SIPA Numéro de reportage: 00971434_000010

63,5% des reçus ont obtenu une mention au baccalauréat cette année. Selon notre contributeur, on peut faire encore « mieux » l’année prochaine…


L’école n’instruit plus. L’Éducation nationale éduque et dresse. L’école n’apprend pas à nos enfants à penser. L’Éducation nationale leur apprend ce qu’il faut penser. Elle est devenue en quarante ans la plus parfaite machine propagandiste des progressismes qui ne font pas des citoyens mais des individus individualistes, hargneux, bêtes, ignorants.

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L’espoir Blanquer s’essouffle

Certains ont pu croire que Monsieur Blanquer allait changer la donne. Le discours était beau. On allait voir ce qu’on allait voir. L’instruction allait avoir à nouveau droit de cité. Nos enfants sortiraient de plus de quinze ans de scolarité obligatoire en sachant lire, écrire, compter, en connaissant le minimum vital de leur histoire de France, en ayant lu et en ayant pris goût à la lecture de quelques livres considérés comme le trésor intemporel de la littérature française. C’était compter sans la résistance des « scientifiques de l’éducation » et de certains syndicats enseignants, appliqués depuis des décennies à déconstruire l’école, à déboulonner le professeur, à monter au pinacle des « apprenants » apprenant de moins en moins l’essentiel, mais de plus en plus encouragés à s’engager dans les pseudo-révolutions genrées, féministes, écologistes ou antiracistes.

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Les résultats soviétiques du baccalauréat 2020 confirment ce mouvement de désinstruction. Les ministères successifs de l’Éducation nationale en rêvaient, le Covid-19 l’a permis. Ce ne sont plus seulement 80% des enfants qui doivent passer le bachot, mais 100% qui doivent l’obtenir. Nous serons tout près de ce résultat après la session de rattrapage de septembre. 63,5% des reçus ont obtenu une mention. C’est trop peu !

Gageons que l’année prochaine verra ce score gonfler à la hauteur inversement proportionnelle des connaissances de nos lycéens. Notre président de la République pourra à nouveau se répandre en dégoulinantes félicitations sur l’application chinoise de « réseautage social » TikTok.

Les plus incultes déboulonnent et détruisent les livres

Il y a quelques mois, après que la déesse Greta a fait entendre son courroux, Monsieur Blanquer a demandé que soit désigné au moins un « éco-délégué » dans chaque classe ! Nos élèves, privés d’heures de cours de français, d’histoire, de mathématiques, doivent, d’une manière ou d’une autre, se mettre au vert. Incapables de trier les idées, ils deviendront imbattables quand il s’agira de trier les poubelles domestiques ou de fouiller dans celles de l’histoire pour la condamner d’un bloc.

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Ministres, professeurs et parents, (presque) tous regardent les murs de l’école tomber sans broncher depuis quatre décennies. Conviction idéologique, pusillanimité ou épuisement auront contribué au déclin que certains ne veulent toujours pas voir. Ce sont souvent les mêmes qui ne voient rien de l’ensauvagement de notre société. La main sur le cœur et de larges œillères au bord des yeux, ils ne parlent plus que la langue des belles âmes qui croient sauver le monde en prônant les orthodoxies totalitaires à la mode égalitariste. Les plus incultes déboulonnent, détruisent les livres, révisent les films, chassent la « masculinité », dénoncent le « privilège blanc » ou la domination « cisgenre » hétérosexuelle. Certains de nos adolescents, repus d’une oisive jeunesse sans obstacle et sans frustration, fiers d’un baccalauréat sans valeur, idolâtrés par de lâches politiques, baignent aujourd’hui dans cette sauce idéologique, jusque dans les universités. Ils en remontrent à leurs parents avec le peu de mots qu’ils apprennent sur les réseaux sociaux ou en écoutant des podcasts militants animés par des avant-gardistes progressistes, spécialistes en import-export des thèses universitaires américaines.

Le grand remplacement de la dictée par la théorie du genre

Si on évite de soumettre les élèves au « fasciste » exercice de la dictée, on n’hésite jamais à commencer de plus en plus tôt le travail « d’éducation citoyenne », comme le préconisait Najat Vallaud-Belkacem dans sa lettre de mission à l’IGAS, à propos « d’études du genre » inventées pour la bonne cause : « Le féminin et le masculin sont avant tout des constructions sociales.[…] La cible des enfants de moins de trois ans se doit d’être au cœur des préoccupations des politiques publiques dans la mesure où les assignations à des identités sexuées se jouent très précocement. » Ce qui est au « cœur des préoccupations publiques » n’est donc pas d’apprendre l’écriture et la lecture à nos très jeunes enfants, mais de leur désapprendre les « stéréotypes de genre » dès qu’ils sont sortis du berceau.

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Aujourd’hui, une troupe de théâtre (ES3-Théâtre) peut circuler aux frais du contribuable dans nos collèges et nos lycées et présenter un spectacle intitulé Femelles, (seul.e en scène joué par une femme ou par un homme), sans que notre ministre n’y trouve rien à redire.

La plaquette de présentation, écrite en écriture inclusive, annonce clairement la couleur : « Le.la comédien.ne se sert du rouge à lèvres aussi bien pour se peindre la bouche, telle Marilyn Monroe, que pour inscrire ‘’Salope’’ sur son corps comme le faisaient les chanteuses du groupe Bikini Kill durant leurs concerts ; le niqab […] se métamorphose lors d’une danse paradoxalement lascive et sensuelle ; les cheveux (objets de revendications politiques, surtout chez les femmes noires) sont ici voilés, perruqués, coiffés ; la soi-disant hystérie féminine est mêlée à des discours politiques ; l’excision devient une performance artistique, le personnage de Blanche-Neige une représentante de la maltraitance conjugale, le simple dessin schématique d’une vulve un véritable acte artistique militant et le consentement l’objet d’un questionnaire intime adressé au public. » En complément, la troupe propose des ateliers à réaliser dans l’enceinte scolaire, exemple en « ART PLASTIQUE – Confection de pancartes à partir des slogans des luttes féministes à travers le monde. » (sic)

Une jeunesse décervelée

Cette propagande néo-féministe, néo-antiraciste, néo-anti-domination masculine, entrera comme dans du beurre dans les cerveaux d’élèves auxquels ont été retirées les possibilités de s’instruire, et donc de comprendre, comparer, apprécier ou critiquer ce genre de tracts. Nos ministres successifs auront tous participé à cette opération de décervelage. Ils auront été soutenus par les plus éminents murmureurs à l’oreille des ministres, directeurs de Sciences-Po ou scientifiques des pédagogies mortifères qui ruinent l’instruction publique depuis au moins quarante ans. Le prochain Grand Oral [tooltips content= »A partir de 2021, un Grand oral sera proposé à la fin de l’année de terminale. Cette épreuve fera partie des cinq épreuves finales du baccalauréat (60% de la note finale) et comptera avec un coefficient 10 en voie générale ou 14 en voie technologique. Cette épreuve durera 20 minutes, précédée de 20 minutes de préparation. »](1)[/tooltips] – ou comment devenir bachelier en étant le Roi de la Tchatche – servira le même but que les réformes précédentes : fabriquer des crétins, et leur remettre un diplôme en crétinerie certifiée par l’État.

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Cet examen dévoyé pourra alors porter le nom d’une émission de télé-réalité sans que personne ne trouve cela risible. Le ministère annoncera avec roulements de tambours et sonneries de trompettes que 100% de nos lycéens sont devenus des Bachelor et que 97% d’entre eux ont obtenu la mention super-méga-hyper bien. Les 3% manquants auront droit à une session de rattrapage durant des « vacances apprenantes ». Le monde continuera ainsi sa course folle vers le Grand N’importe Quoi.

Inrocks around the bunker

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© D.R.

Les Inrocks ont tranché : internet doit penser clair et marcher droit!


N’écoutant que son courage, début juin, dans une grande enquête au ton indigné, l’hebdo de la gauche culturelle les Inrocks a révélé l’existence d’une communauté virtuelle de 22 000 réacs osant prendre en dérision « des militant·es pour des causes progressistes comme le féminisme, l’antiracisme, ou encore les droits LGBTQI ». Sur Facebook, le groupe « Neurchi de Social justice warriors » (traduisez littéralement : « chineurs de justiciers du Net ») brocarde en effet les lubies postmodernes comme l’écriture inclusive, la « non-mixité choisie » ou les hommes enceintes. Usant de tous les procédés à la mode (à commencer par les « mèmes », ces images détournées façon roman-photo), ces chineurs se sont attiré les foudres de militants diversitaires peu amateurs de second degré.

A relire: Réseaux sociaux: Big Brother, c’est nous !

Ces belles âmes ont transmis aux Inrocks une anthologie des commentaires glanés sur le groupe Facebook incriminé : « enculé de chauve », « bougnoule infiltré », « niakoué », « ta gueule la grosse », « baise ta mère salope »… Les mêmes précisent que l’écrasante majorité de ce sous-groupe droitard serait masculine et blanche, ce que réfute leur porte-parole Adam : « Rien qu’au sein de l’équipe de modération, sur huit, un·e est non binaire et polyamoureuse, un homosexuel, et moi je suis juif. » Il s’y trouverait même des esprits progressistes tellement las des excès de leur propre camp qu’ils préfèrent se payer une bonne tranche de rire plutôt que de prêcher la bonne parole. Voilà bien trop de mauvais esprit au goût de certaines féministes ! Après la publication de l’enquête des Inrocks, les plus zélées ont enjoint à leurs ouailles de signaler le groupe Facebook pour « discours haineux ». Résultat : il n’a pas fallu longtemps aux équipes du réseau social pour fermer définitivement le groupe privé. La morale de cette histoire, c’est que la Toile n’a pas besoin de la loi Avia pour censurer les déviants.

Les « révélations » de nos confrères des Inrocks.

A lire ensuite: Indécise et couarde, voilà la gauche Laurent Joffrin!

C’était écrit: urinoirs, l’envie en rose

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Si la réalité dépasse parfois la fiction, c’est que la fiction précède souvent la réalité. La littérature prévoit l’avenir. Cette chronique le prouve.


 

L’été dernier à Rennes, l’installation d’urinoirs uniquement masculins dans la ville avait indigné les victimes privées de pause-pipi à l’air libre. L’injustice est désormais réparée.

Un des principaux obstacles à l’égalité homme-femme reste la manière de faire pipi, notamment en milieu urbain. Les femmes ne peuvent même pas se consoler en pensant à Vespasien qui a laissé son nom à une invention que tout le monde connaît et en avait fait une source de revenus en imposant les mictions masculines comme nous le rappelle Suétone : « Son fils Titus lui reprochait d’avoir mis un impôt sur les urines. Il lui mit sous le nez le premier argent qu’il perçut de cet impôt, et lui demanda s’il sentait mauvais. Titus lui ayant répondu que non : “C’est pourtant de l’urine”, dit Vespasien. » Mais malgré tout, cela reste une maigre consolation quand l’envie se fait vraiment pressante. Soucieuse d’en finir avec cette injustice, la ville de Rennes, apprend-on par Ouest France et France 3 Bretagne, a décidé d’expérimenter des urinoirs féminins collectifs. Les dames pourront s’asseoir presque face à face et côte à côte à la fois dans un prototype en forme d’hélice, « récompensé d’une médaille d’or au concours Lépine de 2019 »

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L’installation est hélas d’une couleur rose bonbon, ce qui est, on en conviendra, scandaleusement genré. L’inventeure (-trice ? ; -teuse ?) Gina Perier fait contre mauvaise fortune féministe bon cœur commercial : « On sait que c’est un cliché, c’est la couleur des femmes. Mais quand on met une innovation sur le marché et qu’il faut communiquer le fait que c’est destiné aux femmes, c’est utile de se servir des clichés. » Sans compter que le comble du sexisme est ailleurs sur cette question, si l’on y songe. Pourquoi, en effet, alors qu’elles ont tant de mal à faire leurs besoins dans l’espace public, ce sont elles qui forment le gros du contingent des dames pipi, comme l’indique le nom de cette profession qui n’a pas son pendant masculin ? Et on se souviendra, chez Proust, de la dame pipi des Champs-Élysées, ancienne marquise, qui a des bontés pour le narrateur enfant : « Cette marquise me conseilla de ne pas rester au frais et m’ouvrit même un cabinet en me disant : “Vous ne voulez pas entrer ? En voici un tout propre, pour vous ce sera gratis.” »

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Au moins, grâce à la ville de Rennes, ces dames pourront parler ensemble pendant ce moment de soulagement, comme le font les hommes qui échangent souvent à cette occasion des informations capitales. Et bientôt, elles aussi pourront connaître la véritable émancipation entrevue par Bardamu, dans Voyage au bout de la nuit, quand il découvre New York et ses toilettes publiques : « Entre hommes, comme ça, sans façons, aux rires de tous ceux qui étaient autour, accompagnés des encouragements qu’ils se donnaient comme au football. […] Découverte du joyeux communisme du caca. » On a hâte…

Bruxelles, capitale de l’illusion

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Le président français (photographié ici le 20/07 à Bruxelles), aidé par les Allemandes Angela Merkel et Ursula von der Leyen et le Belge Charles Michel, a obtenu gain de cause auprès des pays "frugaux". © Olivier Matthys/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22474711_000002

Après un très long et pénible sommet européen, les vingt-sept pays partenaires sont parvenus à s’entendre. Une relance commune ambitieuse de 750 milliards d’euros va être mise en place. Mais en l’absence d’un fléchage précis et souverain des nouveaux investissements, et en délaissant la création monétaire aux banques commerciales, le succès de ce plan demeure incertain.


Quatre jours, il a fallu quatre jours pour que les 27 accouchent au forceps d’un accord sur les modalités d’un plan de relance dont chacun s’accorde à dire, du côté des euromaniaques comme des eurosceptiques, qu’il est le plan de la dernière chance pour sauver l’euro et l’Europe.

L’affaire prête à l’ironie. Comment se fait-il que l’euro et l’Europe qui devaient nous conduire sur les chemins de la prospérité et de la puissance doivent être une fois de plus sauvegardés ? Comment se fait-il que les entreprises qui « créent la richesse » doivent être soutenues à bout de bras par l’argent public ? Il y a là comme l’ombre d’une contradiction.Mais la consternation l’emporte sur l’ironie. Si l’on s’abstrait du tohu-bohu médiatique qui a entouré l’opération, c’est le sentiment de l’impuissance tragique de l’Europe qui l’emporte. Atteinte dans ses œuvres vives par la crise sanitaire qui ravage les comptes publics et l’emploi, elle pare au plus pressé, sans s’être donnée la peine d’un diagnostic préalable. Cela dit, que penser du nouveau bébé européen ?

Deux erreurs

Je l’ai dit dans ces colonnes et je le répète. Les sommes inouïes qui ont déjà été consenties pour éviter le naufrage des économies membres l’ont été sur fonds d’emprunt. Et c’est là encore une contradiction. Les « libéraux », qui font le procès constant de l’excès des dépenses, des déficits et des dettes publiques, ont embrassé sans états d’âme des programmes de dépenses qui font exploser les limites anciennes. Un personnage résume la contradiction : Pierre Moscovici. Sa tâche consistait, durant les cinq années où il officiait à Bruxelles, à morigéner les gouvernements qui transgressaient les règles de la rigueur budgétaire telle que définie par la doctrine européenne. Nommé récemment à la tête de la Cour des comptes, il juge en ces termes la dette publique française qui atteint 120% du PIB : « ce n’est pas une catastrophe en soi ». Or, son propos désinvolte évacue la question cruciale du financement par l’emprunt. La crise sanitaire offrait la chance providentielle de s’affranchir de cette contrainte. D’une part, parce que l’importance des sommes en jeu rend douteuse l’hypothèse de leur remboursement. D’autre part, parce que le risque d’inflation, argument constant mis en avant pour écarter l’hypothèse d’un financement par création monétaire à partir des guichets de la banque centrale, relève du fantasme quand les secteurs économiques travaillent à 30%, 50 ou 60% de leurs capacités…De surcroît, la chose reste dissimulée aux regards, le financement des États auprès des banques signifie que c’est une autre forme de création monétaire, issue des banques commerciales, qui assure la couverture des emprunts. Ce financement ne met à contribution, ni l’épargne des particuliers, évincée du financement de l’économie, ni les fonds propres des banques. 

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Mon lecteur se demandera pourquoi c’est la création monétaire par la BNP ou la Société Générale qui est privilégiée plutôt que celle de la banque centrale, institution présumée publique. La chose est la plus simple du monde. Ainsi, les banques ont pris en otages les États et les fantoches qui les gouvernent. La deuxième erreur n’est pas la moindre. Cela vaut pour les plans de soutien des États nationaux comme pour le plan de relance européen. L’argent public a été accordé sans contrepartie des bénéficiaires. C’était pourtant encore une occasion providentielle d’exiger des managers qu’ils relocalisent au moins certaines productions conçues sur le sol national et européen. Mais l’idée n’a pas effleuré ceux dont Emmanuel Todd a dit « qu’ils avaient été connifiés par l’expérience de l’euro et l’expérience de la mondialisation ».

L’écologie et le numérique, et ensuite?

Le contenu exact du plan recèle des inconnues de taille. Première inconnue : dans les sommes allouées aux États membres, quelle sera la part qui servira à couvrir les dépenses déjà budgétées et quelle sera la part qui financera les dépenses nouvelles ? La première part allégera le déficit acquis, sans effet de relance, la seconde pourrait, sous certaines conditions, exercer un effet stimulant. Si la première part l’emportait sur la seconde, le plan serait moins un plan de relance qu’un plan de colmatage.

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Plaçons-nous dans le cas inverse d’un effort financier largement consacré à stimuler les économies en forte récession. Quels sont les investissements susceptibles de procurer le meilleur effet ? On avance l’écologie et le numérique. Mais où sont les opportunités d’investissement dans ces domaines qui n’ont pas déjà été exploitées ? On imagine mal une multiplication des éoliennes et des panneaux solaires, on ne voit pas quels seraient les investissements numériques nouveaux alors que les entreprises sont déjà lourdement engagées dans ce sens. Et les subventions, ruineuses pour les États, déjà accordées à la voiture électrique, ne font que déplacer la demande d’un type de véhicules à un autre.

Je ne vois guère que deux aspects cruciaux de la transition énergétique, la conversion des centrales à charbon, principalement situées en Allemagne et en Pologne, en centrales à gaz, et les dépenses de R&D sur la voiture, le camion et le train à hydrogène. Dans le meilleur des cas, rien qui permette de produire une vraie croissance créatrice d’emplois, de revenus et des recettes publiques qui sont le vrai gage économique des dettes nouvelles.

Je persiste et je signe : seule une relocalisation méthodique, portant sur l’ensemble des secteurs économiques concernés, aurait permis d’atteindre ou d’approcher l’objectif de relance. Mais on attend encore que la souveraineté économique soit plus qu’un slogan de circonstance.

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« C’est la France qu’on déboulonne »

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La philosophe Bérénice Levet Photo: Hannah Assouline

Plus encore que la rage destructrice des manifestants identitaires, c’est notre incapacité à y répondre qui inquiète. Nous devons mobiliser notre héritage pour promouvoir le modèle universaliste français. Emmanuel Macron aura-t-il le courage de le faire?


Nous avions quitté un monde où les féministes assiégeaient les salles de cinéma qui avaient l’audace de programmer le J’accuse de Roman Polanski et battaient le pavé contre une France qui, en honorant le cinéaste d’un César, confirmait, selon eux, sa complaisance envers les violeurs et les assassins de femmes ; et à peine sortons-nous du confinement que nous assistons à une nouvelle salve d’offensives contre la France, sa police, ses statues, ses noms de rues et d’institutions. Parmi ces cibles, Colbert, véritable abcès de fixation des associations antiracistes et indigénistes, déjà visé en 2017 dans le sillage des événements de Charlottesville, dont les militants ne savent et ne veulent savoir qu’une chose : qu’il fut l’instigateur du Code noir, et d’un Code noir lui-même réduit à sa plus sommaire expression.

Procureurs et fossoyeurs

J’aurais pu consacrer cet article à l’ignorance crasse dont font montre ces activistes, déboulonneurs et taggeurs de statues, à leur anachronisme, leur pathos de la table rase, leur refus de compter avec l’essentielle ambivalence de l’Histoire. J’aurais pu développer leur impuissance à admettre la vérité énoncée par l’historienne d’art, Anne Pingeot, dans un texte consacré à Paul Gauguin (autre abcès de fixation des indigénistes) et au travail de sauvetage par un colon des mythes et légendes du peuple maori : « La civilisation occidentale qui détruit est aussi celle qui recueille, sauvegarde et recrée. » J’aurais pu évoquer leur rébellion contre ce donné de la condition humaine qui fait que, par la naissance, nous entrons dans un monde qui nous précède, et que, par conséquent, nous sommes « toujours, bon gré mal gré, les héritiers des actes d’autres hommes » (H. Arendt).

Je préfère m’attacher à la réplique que nous opposons, ou non, à ces procureurs et fossoyeurs de la France. Ce qui frappe en effet dans ce nouvel épisode, mais plus largement dans toutes les offensives identitaires, qu’elles viennent des rangs des féministes, des LGBT-istes, des Noirs ou des musulmans, c’est l’inconsistance de notre réponse. Jusqu’à quand, jusqu’où allons-nous consentir à ce réquisitoire perpétuel et toujours plus véhément contre notre histoire, notre singularité, notre identité ?

Les fièvres identitaires sont destructrices partout, mais en France, elles portent atteinte à un élément constitutif de l’identité française, du génie français

Sans doute, dans ce cas précis, lors de son allocution du 14 juin, le président a-t-il eu le verbe haut : « La République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire, a-t-il déclaré. Elle ne déboulonnera pas de statues. » Cependant, quel crédit accorder à ces énergiques paroles ? Emmanuel Macron a donné trop de preuves de ce qu’il était acquis à l’idéologie identitaire et diversitaire pour que l’on puisse être véritablement rassuré. Et puis, quelle que soit la foi du président, que d’oreilles politiques et journalistiques compatissantes, que de génuflexions – au sens propre comme figuré –, que de gravité face à ces contempteurs de la France.

Vikash Dhorasoo et une vingtaine de militants antiracistes recouvrent d'un voile noir la statue du maréchal galliéni, héros de la Première Guerre mondiale et administrateur colonial français, Paris, 18 juin 2020. © J. Radcliffe/Getty Images/AFP
Vikash Dhorasoo et une vingtaine de militants antiracistes recouvrent d’un voile noir la statue du maréchal galliéni, héros de la Première Guerre mondiale et administrateur colonial français, Paris, 18 juin 2020.
© J Radcliffe/Getty Images/AFP
La statue de Colbert devant le Palais Bourbon, siège de l'assemblée nationale. © Hannah Assouline
La statue de Colbert devant le Palais Bourbon, siège de l’assemblée nationale.
© Hannah Assouline

« Il ne faut jamais résister aux gens qui sont les plus forts. » De toute évidence, nos élites ont fait leur la devise par laquelle le comte de Bréville, dans la nouvelle de Maupassant, escompte fléchir la farouche et patriotique Boule de suif. Or les forts aujourd’hui, ce sont les femmes, les Noirs, les musulmans, bref les minorités, la diversité. Et ils le savent.

Ils savent que le fruit est mûr et ne demande qu’à tomber, d’où ces assauts de plus en plus réguliers et violents. Or, si, collectivement, nous nous souvenions encore de qui nous sommes, la réponse ne manquerait pas de fuser : Colbert n’est peut-être pas le grand homme des Noirs, mais en France il n’y a ni noirs, ni musulmans, ni juifs, ni catholiques, ni protestants, ni hommes, ni femmes, il n’y a que des Français. Et Colbert est un grand homme pour la France. Il est de ceux qui l’ont faite, et qui l’ont faite éclatante et glorieuse. Et c’est la raison pour laquelle la patrie lui est infiniment reconnaissante et le célèbre au travers de ses statues. Ironie de l’Histoire d’ailleurs, c’est au moment où Colbert aurait pu redevenir une figure exemplaire pour la France post-Covid-19 redécouvrant les vertus de l’État stratège, du protectionnisme économique et promettant de s’engager sur la voie de la réindustrialisation, qu’il est de nouveau pris pour cible. Mais c’est précisément cette transcendance de la patrie que ces captifs volontaires de leur « race » récusent.

Notre reddition

Nous sommes mis à l’épreuve et ce ne sont pas quelques biens qui nous sont ravis, mais un modèle de civilisation. Les fièvres identitaires sont destructrices partout, mais en France, elles portent atteinte à un élément constitutif de l’identité française, du génie français. Ce qu’on pourrait appeler la passion du monde commun, notre répugnance à voir les parties qui composent la France coexister, vivre les unes à côté des autres, superposées comme l’huile et l’eau, selon l’image de Renan. Par notre histoire, nous étions mieux armés que tout autre pays pour faire rentrer dans leur lit ces fleuves identitaires, féministes, indigénistes, LGBT-istes qui sont en train d’engloutir sous leurs eaux notre civilisation. Sauf que nous ne mobilisons pas cet héritage.

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Trois facteurs éclairent la reddition que nous ne cessons de signer avec nous-mêmes. 1. Nous ne connaissons plus notre histoire, et pour le peu que nous en connaissons, nous la tenons pour coupable ; 2. Nous ne la comprenons plus, nous ne la jugeons donc plus légitime ; et 3. Conséquence fatale, nous ne l’aimons plus suffisamment pour la défendre.

Ces activistes, féministes, antiracistes, LGBT-istes, mais on pourrait ajouter antispécistes, se nourrissent d’abord de notre ignorance et de notre amnésie. Les maîtres de l’heure avancent en terrain d’autant plus sûrement conquis qu’il leur a été préparé par cinquante années d’éducation dite progressiste qui, depuis les années 1970, a fait de la liberté de l’enfant, de son génie originellement créateur, un alibi pour se dispenser de la tâche de transmettre l’héritage.  « D’autant que l’âme est plus vide et sans contrepoids, écrivait Montaigne, elle se baisse plus facilement sous la charge de la première persuasion. » Que savent de la France les moins de 50 ans – ce qui commence à faire du monde – sinon qu’elle a été et demeure raciste, patriarcale, sexiste, misogyne, islamophobe, homophobe, transphobe, cruelle aux bêtes ? À un Colbert réduit au Code noir, que seraient en mesure de riposter un écolier ou un adulte né dans les années 1970 ? On eût d’ailleurs aimé, dans ce contexte, entendre le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, car ce n’est pas sur des cartels escortant des statues que l’on apprend l’histoire de la France, mais sur les bancs de l’école.

Ces militants de toute espèce se fortifient également de notre mauvaise conscience. Là encore, des décennies de tyrannie de la repentance ont fini par produire leurs effets. Il nous arrive ce qui arriva à l’instituteur interprété par Bernard Fresson dans Les Feux de la Chandeleur du cinéaste Serge Korber. Revenant sur ses années de jeunesse militante et interrogé sur l’identité d’une jeune femme noire qui figure parmi ses archives, il a cette réponse extraordinaire : « C’était Monica, mon époque noire. Je faisais du racisme à l’envers. Je ne parlais que de négritude, de pouvoir noir. Résultat : Monica, tellement acquise à mes idées, les a appliquées au pied de la lettre : un jour elle n’a plus supporté la vue d’un Blanc, moi le premier ! »

Tirer sans fin sur notre capital civilisationnel

Ils prospèrent enfin, et c’est à mon sens le point majeur, sur le sentiment d’illégitimité que nous inspire le modèle universaliste qui est le nôtre. Toute notre faiblesse vient de l’évidence que l’approche identitaire, diversitaire, communautaire a acquise au fil des années dans notre pays. Nous sommes en effet les héritiers d’une République qui, plus que toute autre, ne veut rien savoir des identités particulières, qui n’en demande pas le sacrifice, mais leur impose la discrétion dans l’espace public. Or, nous ne saisissons plus le magnifique pari sur la liberté que, au travers de cette exigence de neutralisation des appartenances privées, la République française fait sur l’homme. Elle postule l’existence en chacun d’une enclave de liberté, elle mise sur la capacité de tout individu, quel qu’il soit et d’où qu’il vienne, de faire un pas de côté par rapport aux déterminismes et aux appartenances. Non pas pour être jeté dans un vide identitaire, une abstraction prétendument libératrice, mais afin de prendre part à cette réalité supérieure, haute en couleur et en intrigues qu’est la nation.

Cessons donc d’être les dupes de toutes ces victimes autoproclamées de la civilisation française et recouvrons la fierté de nous-mêmes. Leur objet n’est ni la vérité ni la justice, mais une volonté opiniâtre de faire rendre gorge à la civilisation occidentale et singulièrement à la France. Leur « logique » est la suivante : nous aurions contracté, historiquement, une telle dette à leur endroit qu’ils seraient comme autorisés à tirer des traites sans fin sur notre capital civilisationnel. Et c’est là que la généalogie victimaire joue un rôle essentiel, se présenter comme des « fils et filles » d’esclaves ou de colonisés, du simple fait de leur couleur de peau, permet des demandes exorbitantes. Verra-t-on un jour sortir des rangs des indigénistes ou des décoloniaux un esprit digne du courage et de la lucidité d’un Finkielkraut et capable d’écrire « L’Esclave ou le Colonisé imaginaire » ?

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« Soyez cools »

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Image: Pixabay

Quand Macron nous colle la honte et renvoie notre chroniqueur Cyril Bennasar des années en arrière…


Une nuit, alors que je traversais la dalle du quartier de la Défense avec une « Juliette » qui se reconnaîtra, plutôt court vêtue, en sortant d’une méga fête techno de ouf comme on disait alors et comme on dit encore sur Radio Nova, j’ai été insulté de façon obscène, enfin plutôt la fille, mais en l’occurrence nous ne faisions qu’un, par une dizaine de petits Arabo-Français qui trônaient sur des marches avec l’audace et l’assurance d’une bande de hyènes. Au lieu de faire celui qui n’entendait pas, je les ai regardés fixement en continuant de marcher pour montrer que je n’étais pas effrayé, ou plutôt pour tenter de le faire croire, parce qu’en réalité je l’étais et parce que ces petites racailles menaçantes sont comme ces chiens qui mordent quand ils sentent que l’on a peur.

Il faisait nuit, nous étions seuls, et quand bien même nous aurions été dans une foule et en plein jour, j’aurais été à peine plus rassuré par la présence de Français blancs dans leur majorité désarmés moralement par des décennies d’excusisme et d’antiracisme et qui face à l’explosion d’une délinquance minoritaire et visible, semblent s’accommoder de défaites comme de déshonneurs.

Chuck Norris appelé à la rescousse aux Quatre Temps

Mon choix tactique du « même pas peur » n’a pas eu l’effet escompté puisque les stigmatisés se sont levés et se sont rapprochés de nous dangereusement. J’ai craint alors qu’une posture trop agressivement défensive ne leur donne le prétexte qui leur manquait pour une agression physique. J’ai craint que l’échange ne tourne à la bagarre et peut-être à un viol à cause de l’allure de la demoiselle et de la misère sexuelle dans laquelle végètent ces petits branleurs.

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Moi qui exècre le pacifisme (qui n’est pas la recherche de la paix mais la recherche de la paix à tout prix), j’ai choisi de jouer l’apaisement, de faire profil bas, de me dégonfler, et pour tenter d’éviter le pire je leur ai dit : « C’est pas cool ce que vous faites les gars ». Comme disait François Truffaut, « La vie, ce n’est pas comme dans les films ». J’ajouterais que ce n’est pas comme dans les films de karaté quand Jason Statham ou Jean-Claude Van Damme rendent la justice à un contre dix à coups de pieds et à coups de poings. Et encore, je me souviens d’un film ou Chuck Norris se fait éclater la gueule dans un bar par une bonne vingtaine de types malgré son coup de coude légendaire et jubilatoire.

Macron, Bennasar: même combat

J’avais oublié cet épisode honteux qui s’est quand même bien terminé pour la fille mais pas pour mon amour-propre, jusqu’à ce qu’un autre épisode tout aussi honteux vienne me le rappeler. C’est à peu près dans les mêmes termes que le président s’est sorti d’affaire et d’un échange houleux avec des gilets jaunes tandis qu’il se promenait il y a quelques jours avec son épouse aux Tuileries. Ce n’est pas par choix que ce président est mon président mais il l’est, et à ce titre, j’aurais préféré qu’il appelle la Garde républicaine à cheval pour faire sabrer les gueux les plus vindicatifs et faire disperser les autres à coups de bâton comme il devrait le faire avec les « Traoré » ou comme son prédécesseur mollasson aurait dû agir avec la famille de « Léonarda ». Je n’ai voté pour lui ni au premier ni au deuxième tour en 2017, mais en bon démocrate je reste un bon perdant.

Il y a deux sortes de gilets jaunes : ceux qui ont voté Marine le Pen à la dernière élection présidentielle et qui ont perdu, et ceux qui n’ont pas voté Marine le Pen et qui ont perdu aussi. Voilà donc deux ans qu’une foule de mauvais perdants braille, bloque, défile, brûle, casse et pour finir enquiquine notre chef d’Etat quand il prend le frais avec sa Dame.

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« Soyez cools », leur a-t-il dit, comme moi il y a trente ans à la Défense. Mais il y a une différence entre Emmanuel et moi : il est le chef de la Nation, des armées, et le détenteur de la violence légitime. Quand je me dégonfle, je n’engage que moi, je ne salis que mon honneur. Quand c’est lui, il nous engage tous et la honte descend en cascade du premier des premiers de cordée jusqu’au dernier des derniers.

Alternance

Manifestement, les « mutilations » n’ont pas servi de leçon aux gilets jaunes persistants ou « radicalisés ». Un président aurait dû en tirer la leçon, et, au lieu de réveiller ma honte, faire rougir le trottoir modérément mais fermement pour apprendre au peuple renégat à respecter le choix du peuple votant. Certains me diront qu’on ne peut pas parler de peuple votant quand le premier parti de France est celui des abstentionnistes. Je répondrai qu’un ramassis de Jean-Foutre, de paresseux et d’indécis ne fait pas un parti, et si l’on me demandait ce que l’on doit faire de tous ces gens qui s’abstiennent de donner leur voix dans la discrétion des isoloirs puis viennent donner de la voix dans les rues, je répondrais : « qu’ils crèvent ! ».

Mais comme personne ne me demande rien, en bon républicain je vote et j’attends un président que le recours à la répression n’intimiderait pas, quelqu’un qui aurait ce qu’il faut là où il faut. Dans l’offre politique actuelle, je ne vois qu’une présidente.