Accueil Site Page 1094

“Moi et la suprématie blanche”: un livre de coaching antiraciste et de développement personnel

0

Pour la penseuse Layla F. Saad, votre antiracisme n’est que de façade ou relève du «complexe du sauveur blanc». Heureusement, elle a une méthode pour y remédier, qu’elle partage dans un livre qui vient de sortir en français. Bienvenue chez les fous.


Pour Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, « la suprématie blanche et les mouvements néo-nazis » sont « une menace transnationale ». Pourtant, contrairement à ce que pense M. Guterres, nous souffrons plus actuellement de la profusion de penseurs dénonçant la “suprématie blanche” que de celle des suprémacistes eux-mêmes !

Tous conditionnés

Les rayons des librairies et de Sciences Po débordent de leurs ouvrages édifiants. Parmi ceux-là, Moi et la suprématie blanche, de Layla F. Saad. L’avant-propos est écrit par Robin DiAngelo, dont le livre La fragilité blanche est également recommandé aux étudiants de Sciences Po. La suprématie blanche étant « le système social le plus complexe de ces derniers siècles », le blanc doit réfléchir à sa complicité avec ce système raciste et s’informer sur son racisme et ses conséquences, écrit-elle. Pour cela, Layla F. Saad « nous propose un plan d’action » et nous guide « dans une analyse profonde de [notre] conditionnement racial blanc ». Elle sera en quelque sorte notre coach en développement antiraciste personnel.

A lire ensuite: Suprémacistes blancs: «séparés mais égaux»

Après s’être présentée – femme, noire, musulmane, britannique vivant au Qatar – Layla F. Saad dit avoir écrit ce livre « parce que les personnes de couleur du monde entier méritent d’être considérées avec dignité et respect, ce dont la suprématie blanche les prive. » Selon elle, la suprématie blanche serait une idéologie, « un système institutionnel et une vision du monde dont [nous avons] hérité en vertu de [nos] privilèges blancs. » Et ce système est tellement bien ficelé et retors qu’il nous endort. Nous ne sommes pas conscients des conséquences de nos privilèges en tant que blancs. La coach en développement antiraciste personnel va par conséquent nous ouvrir les yeux.

La ritournelle du privilège blanc

D’abord, mettons-nous bien d’accord : les blancs seraient tous détenteurs de privilèges blancs, ils seraient tous racistes sans le savoir, et ils seraient tous avantagés par le système blanc. Quant aux non-blancs pas suffisamment foncés, les « personnes de couleur au teint clair », ils devront adapter les questions soulevées par notre coach « pour qu’elles correspondent mieux à [leur] vécu en tant que détenteur de privilèges blancs qui n’est pas blanc pour autant. » C’est très très pointu. Souhaitons bon courage aux métis !

Attention, prévient alors Layla F. Saad, « ce travail remuera certainement en vous beaucoup d’émotions contradictoires, y compris de la honte, du désarroi, de la peur, de la colère, des remords, du chagrin et de l’angoisse. » Pour le moment, il provoque surtout mon hilarité. Pédagogue, notre coach propose ensuite un travail de rééducation antiraciste étalé sur quatre semaines :

Semaine 1. Le blanc est appelé à se familiariser avec certaines notions : privilège blanc, fragilité blanche, mutisme blanc, supériorité blanche, exceptionnalisme blanc. Il lui est également demandé de « creuser dans les recoins de [sa] personnalité qu’[il] ne connaît pas encore. » Personnellement, je ne sais pas si la semaine suffira – mais je pressens que pour certains, même étudiant à Sciences Po, ce sera beaucoup trop.

Semaine 2. Le blanc doit se regarder dans le blanc des yeux et s’interroger sur sa « cécité à la couleur », ses « stéréotypes racistes », son racisme envers les femmes, les hommes et les enfants noirs. Avertissement : cette semaine peut être un moment douloureux pour “les personnes de couleur passant pour blanches”: « Votre privilège blanc vous place du côté des oppresseurs et votre identité raciale non blanche vous place du côté des opprimés. » La coach conseille par conséquent de travailler en groupe.

A lire aussi, du même auteur: Le «Bondy Blog» et Edwy Plenel, une histoire d’amour jamais déçu

Semaine 3. En tant que blanc conscient de vos privilèges, vous pouvez vouloir devenir un “allié” antiraciste. Mais, explique Mme Saad, cette solidarité n’est souvent qu’une façade, une manifestation « d’autocentrisme blanc » ou relevant du « complexe du sauveur blanc ». Dans ce cas, « votre impact est plus négatif que positif ». Pour éviter le piège d’une fausse solidarité, il vous faut analyser certains de vos comportements : “l’apathie blanche”, “l’autocentrisme blanc”, “l’instrumentalisation”, la “solidarité factice”. Il y a quoi au-dessus de “mea maxima culpa” ?

Semaine 4. Vous devez maintenant vous confronter aux autres blancs, détenteurs de privilèges blancs mais qui ignorent ou feignent d’ignorer leurs privilèges. Le féminisme blanc, les leaders blancs, les amis blancs et la famille blanche passent à la moulinette. Je comprends mieux maintenant l’expression “laver plus blanc que blanc.”

« Vos réponses vous ont révélé ce que vous deviez voir sur votre complicité et votre relation avec la suprématie blanche », conclut notre coach antiraciste. Le blanc, exténué, a maintenant une « base solide pour avancer dans son combat antiraciste. » Ce qu’il y a de bien avec ce genre d’ouvrages, courts, instructifs, intellectuellement au-dessus du lot (!), c’est qu’on a vraiment l’impression, après lecture, d’être plus intelligent qu’avant. On comprend mieux pourquoi Sciences Po a tenu à promouvoir ce livre auprès des futures élites de ce pays. Notons que pour s’informer sur la crise climatique, Sciences Po recommande également à ses étudiants de potasser l’appel de Greta Thunberg, Notre maison brûle. Et dire qu’il y en a qui pensent que le niveau baisse

Nota Bene: Mme Saad peut être fière de sa méthode. Suivant son exemple et celui des journalistes du New York Times, après seulement quatre semaines de coaching antiraciste, chacun aura noté que je n’écris plus le mot “blanc” qu’avec un petit “b” riquiqui. Plus intelligent qu’avant, vous dis-je.

Trappes filmée par Morandini: honteux village Potemkine pour les uns, pépinière de talents pour les autres…

0

De nombreuses voix à gauche affirment que Trappes est une ville comme les autres. De deux choses l’une, soit ils sont aveugles, soit la situation nationale globale est plus critique encore qu’on ne le pense. L’analyse d’Aurélien Marq.


En pleine polémique sur la notion et le terme d’islamo-gauchisme, un buzz chassant l’autre, il semble que l’on ait oublié Trappes, dont la situation et les réactions qu’elle suscite illustrent pourtant à merveille ce fameux islamo-gauchisme.

Au plan théorique, j’en propose la définition suivante : une hostilité à « l’ordre bourgeois » et/ou à l’Occident qui conduit à affirmer que le monde entier est responsable des crimes commis par des musulmans au nom de l’islam, sauf les musulmans et l’islam.

Au plan expérimental, il suffit d’observer François Burgat, Philippe Marlière, Olivier Roy, Virginie Despentes ou Edwy Plenel pour en avoir des échantillons bien représentatifs. Ou de se souvenir de ce qui s’est passé il y a peu. Ainsi, de bonnes âmes se sont étonnées d’une « rupture » entre Trappes, la ville « follement romanesque » (pour citer Ariane Chemin) qui a fait émerger Jamel Debouzze, Nicolas Anelka et Omar Sy, et Trappes, la ville aux 70 jihadistes, où un enseignant – soutenu par nombre de ses collèges – est menacé de mort parce qu’il dénonce l’islamisation. Et de s’interroger, de se demander ce qui a bien pu se passer… Mais il ne s’est rien passé que de très logique : il n’y a eu aucune rupture, seulement une parfaite continuité.

Jamel, Omar Sy, Anelka…

Car enfin ! Il faut écouter les sketchs de Jamel pour savoir quel monde il décrit, de quoi il s’inspire, de quel contexte, de quelle culture. Il faut suivre les prises de position d’Omar Sy depuis sa résidence de luxe aux USA – car ces si beaux succès de la si merveilleuse ville de Trappes ne restent manifestement pas y vivre, et n’y laissent pas leurs familles. Il faut se souvenir du rôle d’Anelka – devenu Bilal Anelka depuis sa conversion à l’islam – dans le fiasco de Knysna, et de ses propos élogieux sur Kémi Séba, Dieudonné et Tariq Ramadan. Il faut redire qu’ils sont des produits de la discrimination « positive » mise en place localement[tooltips content= »Ainsi que l’expliquent Ariane Chemin et Raphaëlle Bacqué dans leur livre et lors de leur audition parlementaire. Mme Raphaëlle Bacqué: “Ces personnalités ont réussi non seulement par le communisme municipal, mais aussi par des politiques de discrimination positive. C’est important et nous y consacrons un chapitre dans notre livre. Jamel Debbouze, Omar Sy et Nicolas Anelka entrent à Canal+ ou au PSG par les politiques de discrimination positive et par la volonté de Canal+ de développer la diversité. Nadia Hai, qui est aujourd’hui ministre et qui a été députée, est de Trappes. Elle est aussi le produit d’une politique de discrimination positive, qui lui a permis d’entrer dans la banque.” https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/csprincrep/l15csprincrep2021032_compte-rendu# »](1)[/tooltips] : quels brillants résultats, quelles belles contributions à l’idéal républicain et à l’assimilation ! Non ? Ça alors !

A lire aussi, Céline Pina: Il y a quelque chose de pourri dans le département des Yvelines

Aucun n’a jamais été mis en avant ni ne s’est mis en avant comme Français, mais comme « issu de », et toujours profondément « lié à ». À survaloriser la diversité « qui est une chance pour la France » (alors que c’est surtout la France qui est une chance pour la « diversité », sans quoi cette « diversité » ne se presserait pas si nombreuse à nos portes), on crée une catégorie à part, à part des Blancs, à part des Français et à part de la France. On valorise une communauté en tant que communauté distincte de la communauté nationale, et ça alors ! On vient ensuite s’étonner du communautarisme.

L’idéologie diversitaire contre le réel

On laisse l’islam s’installer comme norme – au sens de « ce qui est normal » – et ça alors ! On s’étonne ensuite que des jeunes prennent les armes pour que le même islam devienne la norme – au sens de « ce qui est normatif ». Qui l’eût cru ? Ce n’est après tout que la définition la plus simple de l’islamisme : vouloir que l’islam soit la norme, dans les deux sens du terme, le normal et le normatif.

Et toujours, on s’étonne. Et on ânonne les mantras de l’idéologie diversitaire et ceux de l’Église de Sociologie pour tenter de chasser ce vilain réel si déplaisant. Vade retro, veritas ! Jean-Marc Morandini, qui a pourtant réalisé un reportage courageux, se retrouve face à une ville Potemkine dont le couronnement est ce coiffeur/barbier qui affirme sa mixité alors que son site internet précise encore qu’il est exclusivement pour homme – mais ô surprise, le site a été modifié après que des téléspectateurs vigilants aient signalé l’imposture sur Twitter. Ça alors ! Pour répondre à l’affirmation selon laquelle « les Portugais » auraient fui Trappes, voici une jeune femme d’origine portugaise, convertie à l’islam, voilée, fichée S, qui déclare que tout va bien[tooltips content= »Voir notre vidéo en fin d’article, à partir de la 12ème minute et 30 secondes https://www.cnews.fr/emission/2021-02-12/midi-news-du-12022021-104644″](2)[/tooltips]. Et alors que toute l’équipe de CNews devrait réagir…. rien. Ça alors ! Les Portugais peuvent rester à Trappes, voyez : il leur suffit de se convertir à la religion des nouveaux maîtres, et de la servir au détriment de la France. Quel merveilleux exemple de vivrensemble, quel éclatant triomphe républicain : l’unité nationale sous l’étendard de l’islam et l’inspiration des fichés S.

L’extrême gauche au chevet du maire

Mais ça alors ! Qui l’eût cru : on avait pourtant nourri cette jeune femme d’exemples positifs de réussite, comme Omar Sy qui soutient les Traoré, ou Bilal Anelka – comme lui elle s’est convertie – et sa fidélité envers Tariq Ramadan et Kémi Séba, le fondateur de la Tribu Ka, groupe dissout pour incitation à la haine raciale. Sans oublier la si inspirante discrimination « positive », qui par son existence même martèle sans relâche à tous ceux qui en bénéficient qu’ils sont les pauvres victimes d’incroyables injustices qu’il faut bien compenser.

A lire ensuite: Rencontre avec Didier Lemaire: un hussard de la République aux prises avec l’islamisme

Et Yannick Jadot, Benoît Hamon, Clémentine Autain de s’empresser au chevet du maire de Trappes (maire « en suspens » suite à la décision du tribunal administratif d’invalider son élection, et à son appel suspensif qui lui permet de rester maire jusqu’à la décision finale du Conseil d’État) et chargent à qui mieux mieux l’enseignant lanceur d’alerte. Mais vérifications faites, il y a quand même une rupture concernant Trappes : c’est la rupture de stock des « ça alors ! » et des « qui l’eût cru » face à l’étonnement imbécile des aveugles volontaires.

Silence coupable

Price: 22,70 €

24 used & new available from 3,00 €

Bac 2021 à deux vitesses: Philippe de Villiers est-il dans le vrai?

0

Le bac en proie au coronavirus: une chance pour Blanquer?


Philippe de Villiers porte plainte contre le ministre de l’Éducation qui veut instituer deux bacs, le tout courant,et en contrôle continu, pour l’enseignement public, et un autre, plus relevé, et en épreuves écrites finales, pour les lycées privés. Contrairement à ce qu’il affirme dans Valeurs actuelles (« On pénalise les meilleurs élèves pour garantir dans la durée la médiocrité de l’Education nationale »), il ne s’agit pas d’un projet discriminatoire (sérieusement, vous imaginez Blanquer stigmatiser le privé ?) mais de la conséquence d’une réalité : tandis que le public était autorisé à diviser les classes de lycée en deux, et d’alterner les groupes, le privé a massivement continué à faire cours en classe entière. Les terminales du privé en savent donc deux fois plus que celles du public, où grâce à la vigilance des syndicats qui soignent leur popularité en effrayant un corps professoral où l’on ne compte aucun décès dû directement au covid-19, ni aucun élève, les programmes sont effilochés et divisés en présentiel / distanciel. Le cru 2021 sera aussi faible et dérisoire que le Bac 2020.

Ce qui suit ouvre des pistes de réflexion sur notre examen national, réduit à peu de choses ces vingt dernières années, et à rien depuis deux ans.

Quand Jean-Michel Blanquer est arrivé rue de Grenelle, il avait un immense chantier devant lui : comment gommer, aussi vite que possible, les effets catastrophiques du ministère Vallaud-Belkacem — et plus globalement de cinq ans d’une gauche qui avait offert tous les leviers de commande à des pédagogistes déjà bien installés. Mme Vallaud-Belkacem avait démantibulé ce qui restait d’enseignement. Mais femme, maghrébine, de gauche, elle possédait toutes les vertus qui la rendaient intouchable aux yeux des syndicats. De surcroît, notoirement incompétente, elle illustrait à merveille le fameux mot de Françoise Giroud : « La femme sera vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignera une femme incompétente. » C’était fait et nous nous en réjouissons…

A lire aussi, Benoît Rayski: Où l’on découvre (grâce à Najat Vallaud-Belkacem) qu’un Trump se cache dans la région lyonnaise…

Jean-Michel Blanquer © Lionel GUERICOLAS /MPP/SIPA Numéro de reportage: 00933574_000155
Jean-Michel Blanquer © Lionel GUERICOLAS /MPP/SIPA Numéro de reportage: 00933574_000155

Blanquer a peut-être eu tort de ne pas s’attaquer de front à ces chantiers ouverts par son prédécesseur, de la maternelle au lycée. Il a préféré prendre le problème par les deux bouts, en suggérant que les instituteurs devraient désormais apprendre à lire et à écrire aux enfants — une atteinte insupportable aux droits sacrés de l’autonomie pédagogique — et en réformant le bac.

Avec plus de 95% de réussite, le bac 2020 c’est une parodie d’examen. Le cru 2021, issu d’un enseignement à mi-temps où les enseignants n’auront pas traité la moitié du programme, lui ressemblera comme un frère…

La réforme des cursus était indispensable. La section S était devenue un fourre-tout, la section L un débarras. Il fallait certainement revivifier le système, en orientant les « bons en maths » vers une section où ils en feraient pour de bon, et en proposant aux autres des voies parallèles susceptibles de les séduire sans les accabler sous la trigonométrie. Objectif atteint, l’option Spécialité Maths ne garde presque plus en terminale que ceux qui comprennent, ce qui n’est pas une mauvaise chose.

Réformer le bac était une gageure. L’examen était si dévalué qu’il aurait mieux valu, comme je l’ai proposé inlassablement, le remplacer par un Certificat de fin d’études — en le « secondarisant » complètement. Et laisser l’enseignement supérieur, via Parcoursup, faire le tri. Ou, si l’on me passe la métaphore, opter pour la proportionnelle intégrale, en lieu et place du scrutin nominal à deux tours — l’écrit et l’oral.

Blanquer a préféré injecter une dose de proportionnelle dans un système globalement intouché. Les « E3C », ces épreuves intermédiaires passées en première et en terminale, veulent introduire du contrôle continu tout en gardant l’examen final. Les pourcentages adjugés aux uns et aux autres sont aussi byzantins que les propositions de François Bayrou — par exemple mettre les régions très peuplées en proportionnelle, et garder le scrutin uninominal à deux tours pour le reste de la population. Toute solution bâtarde est en soi une mauvaise idée.

Sur ce vint le virus.

A lire aussi, Didier Desrimais: L’incubateur du Grenelle de l’Éducation, nouvelle machine infernale

On sait ce qu’il est advenu de la cuvée Bac 2020. Avec plus de 95% de réussite, c’est une parodie d’examen. Le cru bac 2021, issu d’un enseignement à mi-temps où les enseignants n’auront pas, en moyenne, traité la moitié du programme, lui ressemblera comme un frère. Il sera peut-être pire, les élèves sont revenus début septembre avec une appétence au travail singulièrement diminuée par des mois de confinement et de maniement des télé-commandes. De surcroît, savoir que l’an dernier des cancres ont obtenu le bac leur fait revendiquer pour juin prochain le même privilège.

Alors, posons la question. Pourquoi ne pas profiter du désastre dans lequel le covid a précipité le système éducatif pour supprimer carrément cette formalité ? Le bac n’est plus un examen — il n’est même plus un rite de passage. Un parchemin de valeur nulle — qui recrute au niveau bac ? Uber, peut-être. Ou Deliveroo.

Les enseignants, libérés de la perspective d’épreuves peu significatives mais obligatoires, pourraient traiter le programme comme ils l’entendent. Bien sûr, les établissements dominés par les facariens[tooltips content= »Lot-valise composé avec le verlan de cafard et rien, synonyme de pédagogiste NDLR »](1)[/tooltips] n’auraient pas bonne presse. Mais justement, laissons les parents (qui n’auront plus de prétexte pour venir casser la figure des profs) inscrire leurs rejetons où ils le désirent, dans la limite des places disponibles. Ou, comme à Paris, remodelons Affelnet, le logiciel qui dispatche en lycée les élèves de fin troisième, et créons une mixité scolaire en fonction de l’Indice de position sociale du collège d’origine — somme toute plus parlant que la dichotomie boursier / non boursier, surtout dans une capitale peuplée de CSP++.

A lire ensuite, Anne Coffinier: La guerre scolaire est-elle rallumée? La preuve par le bac

Le Bac est un symbole du passé. Le Bac 2021 a autant de rapports avec celui créé par Napoléon, ou avec celui que vous avez passé, que vous-même avec vos ancêtres. Rayons-le d’un trait de plume, et laissons l’enseignement supérieur faire le tri: les meilleurs cursus prendront les meilleurs — comme aujourd’hui —, et les autres modèreront leurs prétentions.

« Ecole à deux vitesses ! » crieront les syndicats. Mais c’est déjà le cas, chers collègues : croyez-vous que les cursus exigeants choisissent les candidats en fonction de leurs notes ? L’établissement d’origine, privé ou public, compte au moins pour la moitié de l’appréciation. J’ai même vu des commentaires déterminants du genre « dans tel lycée, c’est Untel qui enseigne les maths » — parce que nous ne sommes pas tous égaux, figurez-vous.

Il reste un peu plus d’un an à Blanquer pour en finir avec les dépouilles de l’ancien monde. Quitte à être un ministre impopulaire — et c’est très injuste quand on pense au désastre de Vallaud-Belkacem dont personne ne dit mot —, autant imposer une vraie réforme qui permettra d’enseigner sans la menace d’un couperet qui de toute façon n’a plus aucune signification.

En défendant les élèves et etablissements du privé, le brave Villiers mène une fois de plus un combat d’arrière garde. Supprimons le bac!

Vers la sextoys nation


51% des Français ont déjà utilisé un sextoy (contre 7% il y a 30 ans). La pratique régulière grimpe à 30% de la population[tooltips content= »Étude Ifop pour Le Passage du Désir, réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 27 au 30 novembre 2020 auprès d’un échantillon de 2 012 personnes, représentatif de la population âgée de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine. « ](1)[/tooltips]


La pandémie accélère l’artificialisation de notre vie. Nous avons découvert les délices des réunions en visioconférences, des apéros sur Zoom et la culture en boîte de conserve : quel bonheur d’assister au concert de notre chanteur favori sur Facebook, sans être obligé de sortir de chez soi ! 

A lire aussi, l’ouvreuse: Les absents ont toujours raison

Il sera bientôt possible de construire sa vie pratiquement sans interactions sociales en chair et en os. Le désir sensuel suit cette tendance, endormi par la sacro-sainte « distanciation sociale » et par la froideur de plastique et de silicium de notre monde d’écrans. L’IFOP nous apprend, dans une enquête, que la proportion de Français ayant déjà utilisé un sextoy passe un cap symbolique: 51% (contre 7% il y a 30 ans) ; la pratique régulière grimpe à 30% de la population. Leçon amusante de ce sondage, le sextoy vibre ou gigote davantage à la campagne (36% de la population) que dans les grandes villes (27% sur Paris, par exemple). On savait que l’amour était dans le pré, on découvre que le sexe aussi. 

A lire aussi: Une vraie féministe, c’est…

L’enquête révèle également que 61% des jeunes « aimeraient que leur partenaire leur offre un sextoy à un événement comme la Saint-Valentin. » Selon l’IFOP un « tabou » est tombé. Le jouet érotique devient ainsi le dernier ersatz mécanique permettant d’effleurer le monde d’avant, chacun restant chez soi dans des vies absentes et connectées. La start-up nation de M. Macron se transforme en une sextoys nation.

Les principaux résultats de l’étude peuvent être consultés ici.

Cantines de Lyon: le bal des faux-culs

0

La polémique sur un non-événement où les anti-écolos et le maire de Lyon trouvent leur intérêt, révèle surtout une hystérisation grandissante du débat démocratique


Je ne suis pas vegan. Comme beaucoup de gens semble-t-il aujourd’hui, j’ai diminué ma consommation de viande et de charcuterie. Ce n’est pas que je n’aime plus ça, rien ne vaut un onglet saignant ou une côte de bœuf maturée au barbecue et j’espère bien un de ces jours connaître l’expérience paraît-il ultime du bœuf de Kobé. Je n’ai pas renoncé non plus au poisson: la sole, le cabillaud mais aussi le plus rustique hareng avec des pommes à l’huile, font partie de mes plaisirs habituels. Mais il se trouve que mon alimentation change avec l’âge. Les légumes et les fruits de saison m’enchantent et j’ai hâte de voir revenir tomates et gariguettes sur l’étal des maraîchers.

A lire aussi: Les végans, ces pénibles puritains des fourneaux

Et puis il y a vegan et vegan. Quand ça vire à l’idéologie, il est sûr que c’est ennuyeux. L’honnête végétarien, qui existe depuis toujours, et qui est apparu en France au moins depuis le tournant du XIXème et du XXème, avançait des arguments qui se tenaient. Il était déjà question, chez ceux qu’on appelait les « en-dehors », même si on ne nommait pas les choses comme ça, de diététique, d’écologie et d’antispécisme. Comme pour le féminisme, les idées peuvent devenir folles. Le véganisme poussé à l’extrême aujourd’hui, refuse toute exploitation animale et finit par préférer pour s’habiller les fibres synthétiques et le skaï, infiniment plus nuisibles à l’environnement que la laine ou le cuir.

L’ouverture de la chasse aux Verts

Ces précautions d’usages prises, pour en revenir à l’affaire des cantines des écoles lyonnaises, j’ai tout de même l’impression d’un joli bal de faux-culs. Dans une haine rabique des Verts, voilà le maire de Lyon cloué au pilori par la droite, l’extrême droite et même une partie de la macronie. Personne ne semble, de ce côté-là, avoir digéré la prise d’une série de grandes métropoles par des édiles écolos. On les scrute de près, ces islamogauchistes, avec leur écriture inclusive dans les circulaires municipales, leur refus des sapins de Noël, des démonstrations de la Patrouille de France un 14 juillet, du Tour de France et de son empreinte carbone trop importante.

Quand bien même la mesure, explicitement transitoire, peut se justifier d’un point de vue sanitaire, Doucet l’a annoncée à grands coups de clairon pour voir qui sortait du bois

Bref, cette histoire de menus sans viande, c’était du pain béni. Gregory Doucet, le maire de Lyon, pouvait concentrer les foudres de tous ceux qui voient d’un mauvais œil les Verts devenir une force politique importante et enracinée. Peu importe que la même décision, des menus sans viande, aient été prises par Gérard Collomb au début de l’épidémie : « Il y aura un repas sans viande, avec légume et poisson, expliquait ainsi Gérard Collomb en mai 2020 sur l’antenne de BFM Lyon, afin de ne servir qu’un repas unique par jour afin d’accélérer les horaires de passage des élèves à la cantine. »

A relire: Isabelle Saporta: «Les maires EELV devraient être modestes et travailler»

Doucet le pyromane

Barbara Pompili, l’actuelle ministre de l’écologie, a même tenté de montrer le ridicule de la querelle mais elle n’a guère été entendu par Darmanin et d’autres poids lourds, trop heureux de trouver l’occasion de dénoncer « une idéologie scandaleuse » de la part de Doucet. Décidément, chez les macronistes, tout ce qui n’est pas eux les scandalise en ce moment. IL n’y a qu’une seule ligne possible dans les écoles et à l’université: la leur.

Bien entendu, ne soyons pas naïfs, Doucet est aussi faux-cul que ses adversaires pavloviens. Quand bien même sa mesure, explicitement transitoire, peut se justifier d’un point de vue sanitaire, il l’a annoncée à grands coups de clairon pour voir qui sortait du bois et évaluer le rapport de force…

Il est bien triste cependant de voir une telle hystérisation du débat politique, où la politique se mue en choc frontal sur le moindre non-événement. On voudrait finir par « trumpiser » notre démocratie qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Gérald Darmanin, des paroles sans les actes?

0

Mercredi soir face à Gérald Darmanin, Éric Zemmour a directement lié la montée du séparatisme islamiste à l’immigration. Dans son ouvrage médiatisé Le séparatisme islamiste, le ministre n’en dit pas un mot, préférant œuvrer à « réimposer la laïcité ». Causeur l’a lu.


Voilà Darmanin parti en croisade pour sauver la laïcité. Il était temps. Après avoir invoqué Aristide Briand, le premier flic de France nous sert un vibrant plaidoyer. Anaphores, métaphores et autres procédés littéraires faisant les joies des futurs bacheliers confèrent à ce désir de « faire tomber Satan comme l’éclair » une apparente sincérité. À travers cette prise de conscience de « la situation d’urgence que le pays connaît » face à l’islamisme, la plume du ministre est emplie d’une gravité qui n’est pas sans rappeler celle d’un Jaurès. Ce dernier fut un homme d’action. En 1914, cinq jours après son discours de Vaise, il paya de sa vie pour avoir tenté d’empêcher que la France ne sombre dans le chaos.

La laïcité pour les nuls

Sachons gré à Gérald Darmanin d’avoir choisi le prisme de l’histoire pour exposer la laïcité. La laïcité n’est pas tombée du ciel en 1905, ni même lors de la Révolution. De Henri IV à Philippe le Bel, de Grégoire VII aux Lumières, la laïcité est le fruit d’une confrontation entre le religieux et le politique très ancienne. Dès 1806, Napoléon s’attelle à l’assimilation des Juifs, ce que rappelle le ministre. « Une lutte pour l’intégration avant l’heure », glisse-t-il. Conviant Jean-Pierre Obin ou Régis Debray, Darmanin expose tout le bien qu’il pense de la laïcité. « Se battre pour l’application de la laïcité, c’est se battre pour la Nation », lâche-t-il. D’où la dissolution du CCIF et de Barakacity, fort bien.

A lire aussi, Renée Fregosi: Les fronts de l’islamo-gauchisme

L’islamisme « refuse catégoriquement la séparation du religieux et du politique », c’est « une idéologie antimoderne » où « toute altérité est rejetée », rappelle-t-il. Un tacle salutaire aux trop nombreux naïfs qui voient encore dans l’islamisme un combat légitime des laissés pour compte. Se référant aux travaux de Gilles Kepel ou d’Hakim El Karoui, il rappelle à quel point « la contagion islamiste gangrène nos quartiers sous la férule d’élus tantôt résistants, tantôt collaborateurs ». De quoi faire une union sacrée avec Causeur.

Un air de déjà vu

La laïcité est au cœur de la France. Avec pédagogie, le ministre expose en quoi le ciment de notre société dépend de l’application de ce principe législatif. L’islamisme n’est pas l’islam, rappelle-t-il, et le séparatisme n’est pas qu’islamiste. Mais à l’heure actuelle, le séparatisme le plus dangereux pour la survie de notre société est bien le séparatisme islamiste. Et ce n’est pas être antimusulman que de dire que « les musulmans, et la société avec eux, sont pris en otage par des idéologues se parant des habits de la religion pour mieux pousser une vulgate désireuse d’imposer ses normes à la société ».

A lire aussi, Cyril Bennasar: À la «French Pride», on se tient bien

Ttoutefois, Darmanin n’innove pas. Auparavant, d’autres hommes de pouvoir se sont livrés à ce type d’essai: en 2004, déjà, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, signait Les Républiques, les religions, l’espérance. En 2016, François Hollande s’exprimait sans filtre dans Un président ne devrait pas dire ça. Cet ouvrage valu à l’ancien président un bref séjour dans la « fachosphère ». Serait-ce pour éviter cette douloureuse stigmatisation que le ministre de l’Intérieur s’est engagé dans une lutte orageuse face à Génération identitaire? Tout porte à le croire. Mais que l’on partage ou non les méthodes ou les idéaux de « France blanche » de cette association, force est de constater que ses activités ne portent nullement atteinte à la laïcité.

Encore un effort…

À trop craindre d’être lâché par sa gauche, Gérald Darmanin pourrait bien passer à côté des combats qu’il prétend mener, notamment sur le terrain de la toile. Il prédit qu’ « il sera indispensable que les plateformes elles-mêmes se responsabilisent et prennent leur part pour réguler un espace virtuel qui catalyse, trop souvent, la montée des extrêmes ». A l’heure actuelle, un certain nombre de guerriers 2.0 œuvrent à un séparatisme insidieux grâce à internet. S’ils ne représentent pas forcément un risque direct pour notre société, ils embrigadent de nombreuses âmes n’ayant foi ni en nos institutions ni en la classe politico-médiatique.

« L’islamisme a gangrené tous les pays dans lesquels il a pu prendre une once de pouvoir […] Il a laissé derrière lui de la violence, du sang et des morts. Il est là aujourd’hui, en Europe. En France ». Un constat salutaire. Gérald Darmanin semble avoir pris la mesure de l’enjeu, il peut encore rentrer dans l’Histoire mais il doit faire vite. Les Français sont fatigués des beaux mots, les Français veulent des actes. D’après une étude Ipos, 63 % des Français estiment qu’ « il y’a trop d’étrangers en France ». Si les élections présidentielles avaient lieu maintenant, 20% d’entre-eux plébisciteraient le général Pierre de Villiers, 13% Eric Zemmour et 13%… Jean-Marie Bigard, révèle un sondage Ifop. Un grand coup de théâtre n’est donc pas du tout à exclure, Gérald Darmanin ne pourra pas dire qu’il n’a pas été prévenu.

En thérapie, un curieux malentendu

0

On peut se demander, devant cette excellente série, si la psychanalyse n’y est pas vue, malgré elle, comme un conservatisme qui ne dit pas son nom.


Je viens de comprendre ce qui m’avait vraiment plu dans En thérapie, et je ne sais pas si c’est bon signe. Rappelons qu’il s’agit de la série du moment dont les trente cinq épisodes de vingt-cinq minutes mettent en scène un psychanalyste, le docteur Philippe Dayan joué par Frédéric Pierrot et une série de patients. Le dispositif est minimaliste et impressionnant et s’inspire d’une série israélienne qui a déjà eu sa « franchise » américaine, En analyse avec Gabriel Byrne dans le rôle du thérapeute.

La spécificité française est de situer la série au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, dans une période de sidération et de deuil. Parmi les patients, on trouve une chirurgienne (Mélanie Thierry), une ado suicidaire (l’impressionnante Céleste Brunnquell), un flic de la BRI (le tout aussi impressionnant Reda Kateb), qui est entré parmi les premiers dans le Bataclan, un couple en crise (Clémence Poésy et Pio Marmaï) et même une autre psy (Carole Bouquet) qui joue le rôle de « contrôleuse » pour le docteur Dayan.

A lire aussi: «3615 Monique» et «Ovni(s)»: Dis papa, c’était vraiment comme ça la France?

L’excellence des acteurs, la haute tenue de la mise en scène avec des réalisateurs différents qui suivent chaque patient en fait un objet télévisuel haut de gamme. Il est difficile de ne pas être tantôt impressionné, tantôt touché par ce qui se déroule sous nos yeux dans des dialogues ciselés.

Une série «policière»

Mon problème, si problème il y a, est que chaque analyse menée par le docteur Dayan, dans la  série, retrouve les thèmes et les techniques du genre policier. Suspense, retournement, fausse identité, fausse piste, traque d’une victime enlevée dans un territoire hostile (l’inconscient), jeux de miroirs entre le mensonge et de la vérité et, comme dans le roman policier, un retour à l’ordre à la fin, c’est-à-dire à une forme de guérison, sauf pour le policier de la BRI, mais pour des raisons bien particulières.

Avec le docteur Dayan dont la fameuse « neutralité bienveillante » lui permet de jouer à la fois le bon flic et le mauvais flic, on retrouve même ces personnages ambigus du roman noir qui entrent dans une fascination mutuelle (transfert) avec la victime-coupable qu’ils traquent dans ses derniers retranchements pour les forcer à donner ce qu’il faut bien se résoudre à appeler des aveux.

La psychanalyse comme retour à l’ordre ?

Bref, cette excellente série renvoie en même temps à l’idée que la psychanalyse aurait quelque chose, politiquement, d’un dispositif visant au maintien de l’ordre. C’est sans doute ma vieille réticence (marxiste ?)  face à la psychanalyse pour laquelle le mal-être des hommes et des femmes serait à chercher d’abord en eux et pas dans la société injuste, parfois inhumaine, dans laquelle ils vivent. Le docteur Dayan parle lui-même dans un moment de colère vis-à-vis de lui-même de Freud et de Lacan comme de bourgeois conservateurs.

A lire aussi: «The Voice»: Chante mais ferme-la!

Après, je sais aussi, bien sûr, que la psychanalyse obtient des résultats concrets, mesurables et qu’elle est une formidable émancipation, qu’elle a su aussi prendre en compte la critique sociale et même marxiste avec le génie foutraque de Wilhelm Reich ou la rigueur de Marcuse à travers ses analyses sur « l’homme unidimensionnel » dans les société capitaliste. Je sais aussi que la psychanalyse a aussi libéré l’imaginaire et joué un rôle non négligeable dans l’histoire de l’art avec le Surréalisme.

Il n’empêche, dans la France de 2021, l’intérêt et le plaisir que je prends à En Thérapie est du même ordre que celui que j’ai pris, naguère, par exemple, à une série comme Mindhunter. Ce qui fait pour moi d’En thérapie la meilleure série policière du moment. Et quand je vois à quel point elle est célébrée dans les cercles « progressistes », je me demande si elle n’est pas l’objet d’un étrange malentendu.

En thérapie, une série créée par Éric Toledano et Olivier Nakache, les jeudis du 4 février au 25 mars à 20h55, sur arte

Comment l’islamisme chasse les Juifs de nos quartiers

0

L’islamisation de pans entiers du territoire national, ainsi que la radicalité d’une importante part de la jeunesse musulmane, chassent les juifs de quartiers entiers. Ces derniers représentent moins de 1% de la population française, mais polariseraient à eux seuls la moitié des actes racistes. En 2015, le Grand-rabbin de France Haïm Korsia révélait qu’il n’y avait pratiquement plus aucun élève juif dans les écoles du département de la Seine-Saint-Denis. Kevin Bossuet retrace l’histoire de ce petit désastre français.


En octobre dernier, c’est avec effroi et consternation que nous avons appris qu’un professeur d’histoire-géographie, Samuel Paty, avait été lâchement assassiné par un islamiste peu après être sorti de son collège. Oui, c’est avec terreur et écœurement que nous avons appris qu’un enseignant avait été décapité pour avoir tenté de transmettre les valeurs républicaines dans sa salle de classe. A travers ce crime abominable, c’est bien la République dans ses fondements qui a été atteinte, c’est bien la communauté nationale dans son ensemble qui a été poignardée en plein cœur.

A Trappes, les vrais problèmes ont commencé avec l’incendie de la synagogue

Il y a quelques jours, c’était au tour de Didier Lemaire, professeur de philosophie depuis 20 ans à Trappes, d’être la cible des islamistes et de leurs amis, pour avoir osé dénoncer la montée de l’islam politique dans la ville où il enseigne et pour avoir voulu protéger ses élèves de l’emprise du radicalisme religieux. Le témoignage qu’a livré ce hussard noir de la République a permis de comprendre à quel point la question du sort des Juifs en France est au cœur de la problématique inhérente à l’islamisation des banlieues. En effet, comme il l’a très bien expliqué dans les médias, tout aurait commencé à Trappes avec l’incendie d’une synagogue: « J’ai été témoin de la progression d’une emprise communautaire toujours plus forte sur les consciences et sur les corps. L’année de mon arrivée au lycée, la synagogue de Trappes brûlait et les familles juives étaient contraintes de partir. […] Puis ça a été l’exode d’autres populations. Et maintenant, ce sont les musulmans modérés et les athées qui s’en vont. »

Didier Lemaire sur France 3. Image: capture d'écran
Didier Lemaire sur France 3. Image: capture d’écran

Dans leur ouvrage La communauté, publié en 2018 chez Albin Michel, qui retrace l’évolution de la ville de Trappes en proie à une islamisation croissante, Ariane Chemin et Raphaëlle Bacqué font le même constat et racontent de quelle manière les Juifs ont progressivement fui cette commune des Yvelines. Elles l’affirment sans ambages : « Depuis la guerre du Golfe, [la communauté juive] rétrécit. Les Juifs ont commencé à prendre peur.  »A mort les Juifs », dit un tag à Léo-Lagrange. Les Ouaknine eux-mêmes, intouchables pourtant à Trappes tant ils sont connus, ont déménagé à la Villedieu, un quartier d’Elancourt. Les Zemmour, l’une des plus grandes familles de la ville, de celles qui s’installent à trois, quatre, cinq frères, avec femmes, oncles, enfants, cousins, se sont en allés en Israël. » D’après les deux journalistes, après l’incendie de la synagogue tout serait allé très vite : « Une à une, les autres familles juives de Trappes quittent à leur tour la ville pour s’installer dans des communes plus accueillantes. Une partie trouve refuge à Montigny, l’autre à Maurepas. […] Le boucher est parti, monsieur Ben Yedder, le boulanger, aussi. A Trappes, désormais, il ne reste plus aucun Juif ou presque. »

Cet effrayant état des lieux ne concerne malheureusement pas que Trappes. Tous les territoires qui ont connu au cours de ces dernières années une islamisation rampante et qui ont progressivement accueilli une population arabo-musulmane de plus en plus importante ont subi le même sort. La Seine-Saint-Denis est par exemple caractéristique de cette évolution. Alors que l’islam est aujourd’hui devenu la première religion de ce département et que les personnes de confession musulmane y forment la communauté la plus importante, les Juifs y sont de moins en moins présents.

Les musulmans majoritaires dans le 93?

En effet, ce territoire est, au fil des années, devenu une véritable enclave communautaire. Déjà en 2009, les démographes Michèle Tribalat et Bernard Aubry avaient mis en avant que les jeunes mineurs originaires du Maghreb, et donc très largement musulmans, représentaient 39.2% des jeunes de Seine-Saint-Denis. Ce chiffre pour ceux en provenance du reste de l’Afrique était de 28.4%. En 2015, Philippe Galli, alors préfet du 93, avait estimé à 700 000 le nombre de musulmans sur ce territoire, soit 45% de la population totale. Ces chiffres ne sont que des estimations dans la mesure où nous ne possédons pas les outils juridiques et statistiques pour les confirmer ou les infirmer précisément mais ils ont l’avantage de nous offrir une photographie démographique réaliste. D’ailleurs, l’Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis, l’UAM 93, l’atteste : pour elle, cela ne fait aucun doute, la population musulmane serait majoritaire dans le département. Quand on tente d’appréhender le phénomène à travers les lieux de culte, on fait la même observation : alors qu’on estime à 160 le nombre des lieux de culte musulmans, le nombre des lieux de culte chrétiens est estimé quant à lui à 120 environ, et celui des lieux de culte juifs aux alentours de 35.

A lire aussi: « Si j’étais juif, je partirais vers des cieux plus cléments »

Or, au moment où la part de la population musulmane s’est largement accrue, la population juive s’est quant à elle progressivement détournée du 93. En effet, dans son livre L’an prochain à Jérusalem ?, paru en janvier 2016 aux éditions de l’Aube, Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’Ifop l’affirme : « en Ile-de-France, sur une quinzaine d’années, des effectifs de populations ou de familles juives se sont effondrés dans toute une série de communes de Seine-Saint-Denis. » Il ajoute : « À Aulnay-sous-Bois, le nombre de familles de confession juive est ainsi passé de 600 à 100, au Blanc-Mesnil de 300 à 100, à Clichy-sous-Bois de 400 à 80, et à La Courneuve de 300 à 80. » L’historien Georges Bensoussan confirme cette allégation : d’après lui, environ 80% des Juifs ont depuis une dizaine d’années quitté ce département ! Effectivement, beaucoup ont migré dans le 17e arrondissement à Paris (on y trouve aujourd’hui environ 40 000 Juifs) ou dans des communes comme Saint-Maur-des-Fossés, Saint-Mandé ou encore Vincennes. Certains, ont même décidé de rejoindre Israël. En effet, entre 2000 et 2020, 60 000 départs, dont certains concernent des anciens habitants de la Seine-Saint-Denis, ont été enregistrés par l’Agence juive en France, c’est-à-dire plus de 10% de la communauté juive française.

Nous, les Juifs, on les tue ! 

Ces deux évolutions sont évidemment liées. L’une a engendré l’autre. En effet, alors qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Seine-Saint-Denis s’était transformée en terre d’asile pour beaucoup de familles juives en provenance majoritairement du nord de l’Afrique, elle est aujourd’hui devenue un territoire particulièrement hostile, notamment du fait de la présence sur ce dernier d’une partie de la population qui les rejette massivement. En effet, on ne compte plus le nombre d’agressions antisémites commises dans le 93. Par exemple, en avril 2017, à Noisy-le-Grand, une famille juive a découvert dans sa boîte aux lettres deux cartouches de 9 millimètres accompagnées du message suivant : « Allahou akbar, la troisième balle est pour toi ou pour ta famille. » En septembre 2017, à Livry-Gargan, c’était au tour d’une famille juive d’être agressée et séquestrée à son domicile. « Vous êtes Juifs, donc vous avez l’argent ! », voilà ce que les agresseurs ont crié quand ils sont entrés dans le logement avant de violenter, de ligoter et de menacer les occupants avec un couteau et un tournevis. En septembre dernier, à Aubervilliers, ce sont trois inconnus qui s’en sont pris à un jeune juif de 26 ans après avoir reconnu l’étoile de David qu’il portait autour du cou. « Sale Juif ! Donne ton argent ! Nous, les Juifs, on les tue ! », voilà ce qu’ils ont proclamé avant d’agresser très violemment la victime. L’un des agresseurs, Mohamed, 21 ans, a d’ailleurs été condamné à un an de prison ferme.

Cette haine des Juifs qui est exponentielle sur les territoires les plus islamisés puise d’abord ses racines dans la judéophobie présente dans la religion musulmane. En effet, Barbara Lefebvre l’explique très bien dans son livre Génération  »J’ai le droit » : la faillite de notre éducation paru en 2018 chez Albin Michel: « Les défenseurs de  »l’islam de paix » ignorent que l’inconscient musulman à l’égard du peuple juif s’est construit au fil des siècles sur sa représentation de falsificateur de la parole divine. C’est ainsi que la littérature islamique les décrit, racontant qu’Ezra, au IVe siècle avant Jésus-Christ, aurait volontairement falsifié la Torah par le passage de la tradition orale à la tradition écrite. L’élu de Dieu est le musulman (celui qui se soumet à Dieu) et non le Juif qui a trahi la parole divine. C’est ainsi que les prophètes juifs sont islamisés par la langue coranique et qualifiés de musulmans. » Elle ajoute : « La vision coranique du peuple juif falsificateur et hérétique a planté les germes d’un antijudaïsme populaire. Qu’il fut récemment  »enrichi » par l’antisémitisme européen est indéniable, en particulier avec la propagande de la confrérie des Frères musulmans et l’active collaboration du mufti de Jérusalem avec le IIIe Reich, mais ce n’est ni l’impérialisme européen, ni les nazis qui ont fait découvrir l’antisémitisme au monde musulman. »

A lire aussi: L’avenir de la Cisjordanie se joue à Sarcelles et à Brooklyn

Ensuite, c’est bien le conflit israélo-palestinien qui est venu fortifier cette judéophobie pour mieux la transformer en un antisémitisme viscéral. En effet, malgré ce que dit une partie de la gauche qui tente de conserver à tout prix sa clientèle électorale, l’antisionisme n’est que le faux-nez de l’antisémitisme et beaucoup s’abritent derrière leur haine d’Israël pour tenter de dissimuler leur haine du peuple juif. Déjà en 1967, le philosophe Vladimir Jankélévitch, avait très bien établi ce lien direct qui existe entre antisionisme et antisémitisme. En effet, dans L’imprescriptible, il le dit avec force : « L’antisionisme est une incroyable aubaine, car il nous donne la permission – et même le droit, et même le devoir – d’être antisémite au nom de la démocratie ! L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les Juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. »

Pierre-André Taguieff, dans La France soumise, les voix du refus paru chez Albin Michel en 2017, abonde dans le même sens : « Depuis la fin des années 1960, la haine des Juifs est portée par l’antisionisme radical ou absolu, mélange d’hostilité systématique à l’égard d’Israël, quelque que soit la politique du gouvernement en place, et de compassion exclusive pour les Palestiniens, quoi qu’ils puissent faire, actions terroristes comprises. Le propalestinisme inconditionnel, qui est aussi l’un des thèmes mobilisateurs de l’islamisme radical, est désormais le principal vecteur de la haine des Juifs […]. » Il surenchérit : « En France, les manifestations dites pro-palestiniennes de janvier et de juillet 2014 ont réveillé et révélé les passions judéophobes. Le couplage des slogans  »Allahou akbar » et  »morts aux Juifs », observé au cours d’un nombre croissant de manifestations dites pro-palestiniennes ou pro-Gaza, constitue à la fois un résumé et un symbole de la nouvelle synthèse anti-juive mondialement diffusée. Progressivement, le slogan  »Palestine vaincra ! » est devenu un équivalent de  »Allah vaincra !  » »

Les professeurs désarçonnés face à des élèves musulmans provocateurs

Il suffit en effet d’aller dans les collèges et les lycées de certaines banlieues françaises pour s’apercevoir à quel point il est difficile d’enseigner dans certaines classes le conflit israélo-palestinien tant ce dernier est un sujet très sensible qui est devenu au fil du temps un marqueur identitaire et un étendard politique. L’enseignement de la Shoah souffre quant à lui du même problème. Un professeur d’histoire-géographie, dans un collège du 93, me relatait récemment, son expérience à ce sujet. Alors qu’il abordait avec une classe de troisième la question de l’Holocauste, il s’est retrouvé démuni face aux propos choquants de certains de ses élèves. Entre ceux qui mettaient clairement en avant leurs doutes sur l’existence même du génocide, ceux qui proclamaient que « les Juifs l’avaient peut-être un peu cherché » et celui qui lui a narquoisement demandé si « on pouvait encore aujourd’hui brûler des Juifs », il s’est retrouvé complètement désarçonné.

A lire ensuite: Rencontre avec Didier Lemaire: un hussard de la République aux prises avec l’islamisme

Dans son ouvrage Principal de collège ou imam de la République ?, publié en 2017 aux éditions Kero, Bernard Ravet, qui a été principal dans trois des collèges les plus difficiles de Marseille fait le même constat : « L’enseignement de la Shoah devient source de tensions inouïes, les élèves amalgamant les Juifs de 1940 et la politique israélienne contemporaine à l’endroit des Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie pour en conclure que  »la Shoah, ça va bien aux juifs » ou que  »Hitler a bien fait » ». Dans La France soumise, les voix du refus, une enseignante d’histoire-géographie, qui travaille tous les ans avec ses classes sur l’histoire la Shoah, témoigne des difficultés qu’elle rencontre au cours de cet exercice. Citons un extrait : « Pour aborder la Shoah, elle a coutume d’utiliser des témoignages. Et de nouveau, comme chaque année, ont fusé les mêmes réflexions: »Encore les Juifs ! Madame, pourquoi on ne parle pas du génocide des Palestiniens ? […]“Après un rappel de la définition de génocide, les élèves concluent qu’elle donne  »sa » définition du mot  »génocide » qui serait la définition officielle selon eux, mais pas la bonne. Ils continuent en arguant qu’elle ne détient pas les informations justes. Que les Juifs  »sont partout »:  »Coca-Cola, ce sont les Juifs »,  »L’attentat des tours jumelles, ce sont les Juifs » et  »Le dollar aussi, ce sont les Juifs ».

Il n’y a pratiquement plus aucun enfant juif dans les écoles publiques de Seine-Saint-Denis

Il n’est par conséquent pas étonnant que les Juifs fuient, à certains endroits, les établissements scolaires publics comme c’est le cas en Seine-Saint-Denis. En effet, alors qu’il y a environ dix ans, nous ne comptabilisions que trois écoles juives dans ce département, il y en a aujourd’hui huit ! Certaines familles, par manque de place dans ces écoles, en viennent même à inscrire leurs enfants dans les établissements privés catholiques faisant dire au grand rabbin de France Haïm Korsia, le 16 février 2015 sur Europe 1 : « il n’y a pratiquement plus aucun enfant juif dans les écoles publiques de Seine-Saint-Denis. » De manière plus générale, il n’est pas anodin de noter qu’en 1990, en France, il y avait 8000 élèves qui étaient scolarisés dans l’enseignement privé juif. En 2014, il y en avait 32 000 ! Qu’on ne nous dise pas qu’il s’agit d’une tendance qui s’explique par des motifs religieux. En effet, la communauté juive française n’a jamais été aussi laïque et sécularisée qu’aujourd’hui.

Les Juifs qui représentent moins de 1% de la population française polarisent à eux seuls la moitié des actes racistes.

Face à ce terrible constat, qu’attendons-nous pour agir ? Est-il normal que nos compatriotes juifs ne se sentent plus en sécurité sur des pans entiers du territoire français ? Est-il acceptable que des familles juives en soient à devoir inscrire leurs enfants dans des établissements scolaires privés pour des motifs purement sécuritaires ? Est-il admissible que la Seine-Saint-Denis ait perdu 80% de sa population juive en seulement une dizaine d’années ? Non, évidemment !

Une funeste abnégation

A force de vouloir dissimuler les problèmes par peur de stigmatiser la communauté musulmane, nous avons laissé se développer un antisémitisme virulent qui est aux antipodes de ce qu’est la République et de ce qu’est la France. En effet, soyons-en certains, c’est bien dans les zones où l’islamisme progresse le plus que ce nouvel antisémitisme prolifère ! C’est bien la radicalisation d’une partie des musulmans estimant que les Juifs sont d’affreux mécréants à faire fuir et à décimer que la population juive doit affronter. C’est bien le refus catégorique de certains individus islamisés d’adhérer aux valeurs républicaines et celui de l’Etat de lutter vraiment contre ces derniers que paye aujourd’hui en France la communauté juive ! La vérité est que l’Etat français a préféré abandonné les Juifs plutôt que de risquer de déclencher de vives tensions pouvant à terme déboucher sur une guerre civile. De cette funeste abnégation est née, pour la communauté juive, une effroyable persécution !

En effet, d’après une étude publiée en 2017 par la Fondation pour l’innovation politique sur les violences antisémites en Europe, la France comptabilise le plus d’incidents violents, évalués à 4092 sur la période 2005-2015. Les Juifs qui représentent moins de 1% de la population française polarisent à eux seuls la moitié des actes racistes.

L’incapacité de la France à protéger les Juifs sur son territoire est un indicateur pour eux que quelque chose s’est brisé, que ce pays qu’ils aiment et auquel ils ont cru n’est pas à la hauteur de ses principes et de ses valeurs. La lutte contre l’antisémitisme qui s’est, dans les faits, traduite par une démonstration d’impuissance et surtout de renoncement par peur de stigmatiser une communauté contre une autre, n’a pas été à la hauteur de leurs exigences. La France qui a longtemps été pour les Juifs une terre d’asile est progressivement, sur des pans entiers de son territoire, en train de se transformer en terre d’exil. La France a failli, la République a renoncé, les Juifs partent pour mieux fuir un pays dont ils ont le sentiment qu’il les a de nouveau trahis.

Génération «J'ai le droit »: La faillite de notre éducation

Price: 18,00 €

42 used & new available from 2,26 €

Une France soumise - Les voix du refus

Price: 25,90 €

32 used & new available from 2,79 €

Principal de collège ou imam de la république ?

Price: 16,90 €

43 used & new available from 1,86 €

Etats-Unis: Constitution contre Constitution


Pour l’éminent journaliste et écrivain américain, la cancel culture est l’aboutissement du mouvement pour les droits civiques des Noirs. Cette grande cause a eu pour conséquence l’affaiblissement de la Constitution et la montée en puissance des juges. Les nombreuses décisions des tribunaux au cours des ans en faveur des femmes, des homosexuels, des transgenres ont crééune deuxième constitution dont la vague de folie « woke » est le dernier résultat.


Causeur. Dans votre dernier livre[tooltips content= »The Age of Entitlement: America since the Sixties, Simon & Schuster, 2020. »](1)[/tooltips], vous expliquez que toute l’histoire politique et sociale des États-Unis depuis plus de cinquante ans est marquée par le conflit entre deux constitutions. La première est celle que tout le monde connaît et qui date de la fondation du pays, et l’autre celle qui résulte de la législation des droits civiques dans les années 1960.

Christopher Caldwell. Au début des années 1960, le grand défi politique était de trouver un moyen d’en finir avec la subordination des Noirs, surtout dans le sud des États-Unis. Il s’agissait spécifiquement des Noirs, pas des minorités en général. Cependant, on n’avait pas attendu la législation sur les droits civiques pour condamner moralement ces injustices historiques et pour chercher à les corriger. D’ailleurs, le livre récent de Robert Putnam[tooltips content= »Robert D. Putnam (avec Shaylyn Romney Garrett), The Upswing, Swift, 2020. »](2)[/tooltips] montre que, pendant toute la première moitié du XXe siècle, les Noirs avaient plus progressé que les Blancs en termes économiques et sociaux. Ce qui change, avec le Civil Rights Act de 1964, c’est que, pour améliorer la condition des Noirs, on a attenté à la Constitution, en particulier aux libertés inscrites dans le premier amendement : liberté de religion, d’expression, d’association et de pétition.

De quelle façon ?

Certes, le Civil Rights Act a obligé tous les lieux recevant du public à s’ouvrir à tous, indépendamment de la race. En dehors de certaines parties des États du Sud, cette mesure n’était pas du tout controversée. Mais la loi a aussi créé de nouveaux délits de discrimination privée, autorisant des associations à poursuivre en justice des particuliers. Des dizaines de milliers de bureaucrates fédéraux ont ainsi été habilités à évaluer toutes les activités du gouvernement et des entreprises qui lui sont liées au regard de l’égalité raciale et à intenter des procès aux contrevenants. Petit à petit, les tribunaux se sont arrogé de plus en plus de pouvoirs sur les interactions entre particuliers ; ils ont élargi la gamme des infractions qualifiées de « discriminations » et assoupli les normes de preuve, moins exigeantes. En 1971, un jugement célèbre contre une société d’électricité (Griggs v. Duke Power Co.) a montré que l’on pouvait être tenu pour responsable de discrimination même pour une action de caractère non racial. Très rapidement, le délit de discrimination s’est appliqué à n’importe quel environnement considéré comme « hostile », voire à l’expression d’une opinion non conformiste. Ainsi en sommes-nous arrivés à cette culture de dénonciation et d’inquisition, bref à cette « cancel culture », que nous connaissons aujourd’hui.

Mais comment ces lois en sont-elles arrivées à concurrencer la Constitution ?

Avec l’accélération de l’immigration et la révolution sexuelle, d’autres groupes ont exigé une protection législative semblable à celle dont avaient bénéficié les Noirs. Désormais, pour changer la loi, on n’a plus besoin d’emprunter la procédure traditionnelle et de convaincre une majorité d’élus : il suffit qu’un juge affirme qu’un groupe souffre d’une injustice pour que la loi soit de facto modifiée. Ainsi, des militants hispaniques se sont appuyés sur la loi de 1964 pour revendiquer et obtenir le droit à l’enseignement en langue espagnole. Des raisonnements similaires ont abouti à accorder des droits spécifiques aux homosexuels, puis en 2020 aux transgenres, à travers une décision de la Cour suprême rédigée par un juge nommé par Trump. De plus en plus de groupes – les minorités ethniques, les femmes, les gays… – ont contribué à transférer des pouvoirs de la vieille Constitution, démocratique et représentative, ratifiée en 1788, à cette cryptoconstitution plus bureaucratique et judiciaire. Mécaniquement, une catégorie de citoyens s’est retrouvée sous-représentée et exclue de la protection des droits civiques : les hommes blancs hétérosexuels, surtout les plus pauvres et les moins diplômés – car les riches trouvent toujours le moyen de s’en sortir. C’est ce groupe qui a voté majoritairement pour Trump en 2016.

Avant d’aborder la présidence de Trump, quel est le lien entre ce conflit des constitutions et la mondialisation, qui a appauvri ce même groupe d’électeurs ?

Le Civil Rights Act de 1964 a eu un coût économique très important, l’égalité des chances exigée par la loi ayant été rapidement interprétée comme une égalité de résultats. Pour égaliser les conditions sociales entre Noirs et Blancs, le président Lyndon B. Johnson a lancé un programme massif de dépenses publiques appelé la « Grande Société ». Des sommes colossales ont été dépensées en prestations sociales, s’ajoutant aux allocations chômage, et à la construction de logements sociaux. Louable intention, mais beaucoup de ces projets immobiliers, comportant des tours d’habitation, se sont révélés moins durables que les HLM françaises. L’exemple classique est celui du quartier Pruitt-Igoe, à Saint-Louis, construit dans les années 1950 et démoli entre 1972 et 1976. Des chercheurs de The Heritage Foundation, un think tank conservateur, ont calculé que, entre 1964 et 2014, la grande campagne contre la pauvreté et l’inégalité a coûté au contribuable américain 22 000 milliards de dollars, trois fois plus que le coût total de toutes les guerres de l’histoire des États-Unis[tooltips content= »Rachel Sheffield, Robert Rector, « The War on Poverty after 50 Years », The Heritage Foundation, 2014. »](3)[/tooltips]. Ces dépenses, qui servaient à acheter la paix sociale, ont favorisé le clientélisme politique. Seulement, les électeurs étaient de moins en moins disposés à payer les impôts nécessaires au financement de ces dépenses. L’aboutissement de cette évolution, c’est l’élection de Ronald Reagan qui, dans les années 1980, réforme la fiscalité et accepte que l’État soit en déficit quasi permanent. Pour maintenir ses finances à flot, le pays ouvre grand ses portes à des ouvriers du tiers-monde, qui travaillent pour moins cher, et permet la délocalisation des usines. Le coût de l’égalité des droits civiques est en partie responsable de la situation où nous sommes aujourd’hui.

Signature du Civil Rights Act par Lyndon B. Johnson, en présence de Martin Luther King et de militants des droits civiques, Maison-Blanche, 2 juillet 1964. © Wikimedia
Signature du Civil Rights Act par Lyndon B. Johnson, en présence de Martin Luther King et de militants des droits civiques, Maison-Blanche, 2 juillet 1964. © Wikimedia

Peut-être, mais ces mesures sont difficilement contestables sur le plan politique, sinon moral.

Le problème est précisément qu’elles inhibent toute possibilité de contestation. Les textes législatifs ne limitent pas explicitement la liberté d’expression, mais leur mise en œuvre concrète a inéluctablement conduit à la restreindre. D’ailleurs, le but de mon livre est de mettre au jour la généalogie qui va de la marche sur Washington de Martin Luther King de 1963 à la cancel culture de notre époque. Il est significatif que vous souleviez côte à côte le « politique » et le « moral » : ce sont deux sphères distinctes, mais les droits civiques les confondent à tel point qu’il est impossible de les démêler. Encore une fois, le Civil Rights Act représentait une révolution bien plus politique que morale. Les prémisses morales étaient déjà acquises : tout le monde était d’accord sur le fait que l’inégalité raciale tolérée par le gouvernement violait les principes constitutionnels et chrétiens des États-Unis. Reste que, jusqu’à la loi de 1964, quand les autres principes constitutionnels que sont la liberté d’expression et d’association entraient en contradiction avec le principe d’égalité, les premiers prévalaient. Après un demi-siècle de jurisprudence, c’est le contraire : tout l’édifice normatif est soumis à l’antiracisme, et, au-delà, au féminisme, à l’immigrationnisme… Toute institution, tout groupe organisé dont la composition démographique ne reflète pas celle du pays peut être sanctionnée par un juge. Par conséquent, la cancel culture n’est pas un dévoiement des droits civiques, mais l’aboutissement de leur application.

Si l’élection de Donald Trump en 2016 s’explique largement par le sentiment d’aliénation des classes ouvrières blanches dans la mondialisation, a-t-il apporté des solutions ?

Je ne parle pas des événements post-2016 dans mon livre, qui n’est ni un manifeste ni une polémique, mais un essai historique. Cependant, à la lumière de mon analyse, on peut dire que le programme électoral de Trump était conçu pour parler à ces laissés-pour-compte. Chaque fois qu’il a dû faire un choix, il a choisi moins de mondialisation au lieu de plus. Ses mesures économiques ont eu un effet positif à partir de 2017 : à rebours de la tendance générale depuis trente ou quarante ans, les revenus des 10 % les plus riches ont stagné tandis que ceux des 25 % les moins riches ont progressé rapidement. Tout s’est effondré avec l’arrivée du coronavirus. En revanche, Trump n’a pas du tout démantelé les structures juridiques et bureaucratiques qui mettent en œuvre la deuxième constitution.

De quelles structures s’agit-il ?

De nos jours, l’aspect le plus visible de la législation des droits civiques est le politiquement correct. La plupart des Américains pensent qu’il s’agit d’une transformation culturelle initiée par des courants intellectuels comme le poststructuralisme français. En réalité, c’est bien plus un ensemble très complexe de règles, de décisions et de précédents juridiques qui s’appliquent aux institutions publiques comme aux entreprises privées, régissant la façon dont elles traitent les minorités pour lesquelles elles doivent créer un environnement accueillant. Chaque fois qu’il faut statuer sur une question – par exemple, une école a-t-elle le droit de ne pas embaucher une institutrice transgenre ? –, l’affaire est toujours réglée dans le sens progressiste. Il est facile de se plaindre des résultats, mais il est très difficile de comprendre les subtilités légales du système et de défaire l’édifice juridique. Trump n’a jamais eu la patience ou la finesse nécessaires pour aborder cette tâche. Sous sa présidence, le politiquement correct a fait des progrès immenses, beaucoup plus même que sous Obama. On n’a qu’à considérer le mouvement #Metoo, la réaction des entreprises et des universités aux manifestations BLM, ainsi que l’intégration des droits des transgenres à l’ensemble de ceux que le gouvernement fédéral fait respecter de manière inflexible.

Pourtant, Trump a nommé un grand nombre de juges…

Certes, il a nommé trois juges à la Cour suprême, mais leurs noms figuraient sur une liste préparée par un institut regroupant des magistrats et avocats conservateurs, The Federalist Society, et The Heritage Foundation. Leur conservatisme vieux jeu, antérieur à Trump, est plus préoccupé des libertés des hommes d’affaires que du droit d’une féministe radicale de faire virer de son université un historien de l’armée des États confédérés. Trump a nommé aussi des juges aux tribunaux fédéraux inférieurs, ce qui pourrait avoir un plus grand impact sur le système. Cependant, il importe moins de changer les personnes qui interprètent la loi que de changer la loi elle-même. Depuis vingt ans, l’administration américaine fonctionne avec des ordres exécutifs de la Maison-Blanche (équivalents de nos décrets), car le Congrès est tellement divisé qu’il est très difficile d’adopter de nouvelles lois. Trump n’a pas fait de tentative pour modifier la législation sur les droits civiques.

Christopher Caldwell © HANNAH ASSOULINE
Christopher Caldwell © HANNAH ASSOULINE

Donc Donald Trump n’a pas été le grand défenseur de la Constitution. Mais diriez-vous, comme beaucoup de commentateurs, que la fin de son mandat a causé du tort à la Constitution ?

La procédure d’impeachment lancée contre lui (qui pourrait, si elle aboutissait, l’empêcher de se présenter à nouveau) est en effet prévue quand le président est accusé de commettre des actes portant atteinte à la Constitution. Ce n’était pas le cas pour les tentatives précédentes de destituer Trump, à propos de la prétendue collusion avec la Russie et du coup de téléphone ukrainien, tentatives peu convaincantes au demeurant. L’assaut contre le Capitole est plus ambivalent. Les événements eux-mêmes ont été indubitablement choquants. Mais l’important est de savoir si les paroles prononcées par Trump à l’intention de ses supporteurs traduisaient une volonté de les pousser à commettre des actions criminelles. Si cette affaire était jugée devant un tribunal normal, les membres du jury seraient probablement divisés. Reste que, cette fois, l’accusation est à prendre au sérieux. Encore plus inquiétant sur le plan constitutionnel est le coup de fil du 2 janvier au cours duquel Trump a essayé de faire pression sur le secrétaire d’État de Géorgie pour qu’il révise le résultat des élections présidentielles dans son État. Qu’il croie que l’élection ait été volée ou non, un président ne doit pas tenter de pervertir le processus électoral. Loin d’être un héros de la Constitution, Trump s’est avéré une vraie menace pour elle !

Peut-être Trump a-t-il attenté à la vieille Constitution. Biden va-t-il se mettre au service de la constitution rivale, celle des droits civiques ?

Dans le contexte de la pandémie et des divisions de l’électorat de Trump, Joe Biden n’a pas eu besoin de faire campagne sur un programme très détaillé. Son programme, c’est qu’il n’est pas Trump. Ce flou idéologique a permis de masquer une contradiction réelle au sein du Parti démocrate, qui est à la fois le parti des maîtres de l’économie mondialisée et celui des gens qui voudraient exproprier ces maîtres. Biden a lancé un appel rhétorique à l’unité nationale, qui est parfaitement adapté à la situation. Cependant, étant donné les circonstances dans lesquelles la présidence de Trump s’est effondrée, de nombreux membres de son administration vont se comporter comme s’ils appartenaient à un gouvernement d’urgence nationale. Je m’attends à ce qu’ils promulguent et appliquent toute une foule de lois et d’ordres exécutifs avec un zèle redoublé.

Responsabilité des juges: on entrevoit enfin la lumière dans la politique judiciaire de Macron

0

Le président de la République « lance le chantier de la responsabilité des magistrats ». Il a raison de le faire. Même tardive, c’est enfin une avancée importante.


Cela fait des années que magistrat puis citoyen, je plaide en faveur d’une nouvelle responsabilité des magistrats. Le moins qu’on puisse dire est que cette obsession, centrale dans ma vision de la Justice, n’a jamais été bien accueillie. Comme si je portais atteinte à une sorte d’impunité.

Pourtant, j’ai toujours été persuadé que, loin de diminuer la confiance des citoyens à l’égard des magistrats, une responsabilité élargie mettant en cause défaillances professionnelles et faiblesses éthiques serait le meilleur moyen pour restaurer un lien fort entre la société et les juges. Plutôt que de pourfendre en général la Justice sans la connaître, on saurait alors précisément qui, quel magistrat a fauté. La médiocrité ne serait plus noyée dans une masse qui l’occulterait.

La mission de réflexion demandée par le président de la République n’a que le tort d’avoir été confiée au Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Comme il est absurde de réclamer aux technocrates qu’ils réforment la technocratie, aux universitaires l’Université, il est peu efficient de solliciter d’un organe comme le CSM des avancées dans ce domaine de la responsabilité pourtant capital.

A lire aussi: Justice: Non, chers amis réacs, l’emprise n’est pas forcément une tarte à la crème!

J’apprécie que le président ne se soit pas arrêté à la volonté « de rendre plus efficace le dispositif de plaintes de justiciables » puisqu’en six ans, le filtre mis en place a tellement bien fonctionné que « seules trois plaintes de justiciables ont donné lieu à un renvoi devant la formation disciplinaire ». Cette rareté était prévisible à cause du manque d’enthousiasme évident de la magistrature face à cette obligation démocratique. Sa mission essentielle sera, en effet, d’examiner « la possibilité de mieux appréhender l’insuffisance professionnelle du magistrat dans son office juridictionnel, dans le respect du principe d’indépendance ».

Pour la première fois, on ne semble pas exclure certaines pratiques judiciaires de la définition d’une responsabilité approfondie, en dépit des arguments fallacieux souvent évoqués sur la liberté du juge et les voies de recours. Par ailleurs la collégialité sera sans doute abordée par le CSM. Mais elle n’est pas invoquée d’emblée comme une impossibilité. En effet, il me semble que la responsabilité collective qu’implique la collégialité n’est pas forcément contradictoire avec la recherche d’une défaillance particulière en son sein.

Rien ne me paraît plus riche de sens que cette tentative de rechercher et d’identifier une responsabilité à portée disciplinaire au cœur d’une indépendance trop souvent perçue tel un bouclier absolu et vécue comme le droit de faire, dans une interprétation extensive ou malicieuse de la loi, à peu près n’importe quoi.

J’ai souvenir, par exemple, de l’arrêt d’une chambre d’accusation présidée par Gilbert Azibert, remettant en liberté « le Chinois », malgré une double condamnation criminelle à son casier judiciaire. Ce tueur a perpétré six mois plus tard, à nouveau, plusieurs crimes au Plessis-Trévise. Le président de cette juridiction n’est évidemment pas directement responsable de ces tueries, mais l’élargissement qu’il a permis, en dépit d’éléments objectifs qui auraient dû l’interdire, pourrait être soumis au regard disciplinaire. Prenons un exemple plus basique. Le juge des libertés et de la détention qui décide un simple contrôle judiciaire ou, pire, une liberté pure et simple pour un mis en examen sans véritable domicile et grevé d’un passif judiciaire lourd, commet à mon sens un acte qui malgré la voie de recours à venir constitue intrinsèquement une aberration procédurale, une démarche partisane ou un aveuglement humain. J’espère que le CSM aura le courage d’affronter les multiples problématiques qui peuvent être examinées même en tenant compte de la normalité de la liberté des juges et des voies de recours.

A lire aussi, du même auteur: Assa Traoré nage en plein délire!

Si pour une fois le président disposait d’un rapport audacieux et consistant – on a le droit de rêver -, que de grâce il ne l’enterre pas en vertu de cette tradition qui fait que plus les conclusions sont pertinentes, moins on les met en œuvre !

Qu’on ne proteste pas non plus en se plaignant de voir la seule magistrature ciblée ! Le Barreau ne nous concerne pas, mais mon expérience de magistrat et de citoyen me permet d’affirmer que le corporatisme des avocats dépasse celui des juges et que les Conseils de l’ordre sont d’une extrême indulgence sur le plan disciplinaire. Selon que vous serez connu ou non, puissant ou non … La Fontaine toujours d’actualité !

En tout cas le président, avec cette responsabilité à amplifier, a ouvert un chantier capital. Bonheur de pouvoir mettre enfin une pierre positive dans la politique judiciaire d’Emmanuel Macron !

Le Mur des cons

Price: 18,90 €

48 used & new available from 2,57 €

“Moi et la suprématie blanche”: un livre de coaching antiraciste et de développement personnel

0
L'auteur britannique Layla Saad publie "Moi et la suprématie blanche" (Marabout, 2021). Image: capture d'écran YouTube.

Pour la penseuse Layla F. Saad, votre antiracisme n’est que de façade ou relève du «complexe du sauveur blanc». Heureusement, elle a une méthode pour y remédier, qu’elle partage dans un livre qui vient de sortir en français. Bienvenue chez les fous.


Pour Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, « la suprématie blanche et les mouvements néo-nazis » sont « une menace transnationale ». Pourtant, contrairement à ce que pense M. Guterres, nous souffrons plus actuellement de la profusion de penseurs dénonçant la “suprématie blanche” que de celle des suprémacistes eux-mêmes !

Tous conditionnés

Les rayons des librairies et de Sciences Po débordent de leurs ouvrages édifiants. Parmi ceux-là, Moi et la suprématie blanche, de Layla F. Saad. L’avant-propos est écrit par Robin DiAngelo, dont le livre La fragilité blanche est également recommandé aux étudiants de Sciences Po. La suprématie blanche étant « le système social le plus complexe de ces derniers siècles », le blanc doit réfléchir à sa complicité avec ce système raciste et s’informer sur son racisme et ses conséquences, écrit-elle. Pour cela, Layla F. Saad « nous propose un plan d’action » et nous guide « dans une analyse profonde de [notre] conditionnement racial blanc ». Elle sera en quelque sorte notre coach en développement antiraciste personnel.

A lire ensuite: Suprémacistes blancs: «séparés mais égaux»

Après s’être présentée – femme, noire, musulmane, britannique vivant au Qatar – Layla F. Saad dit avoir écrit ce livre « parce que les personnes de couleur du monde entier méritent d’être considérées avec dignité et respect, ce dont la suprématie blanche les prive. » Selon elle, la suprématie blanche serait une idéologie, « un système institutionnel et une vision du monde dont [nous avons] hérité en vertu de [nos] privilèges blancs. » Et ce système est tellement bien ficelé et retors qu’il nous endort. Nous ne sommes pas conscients des conséquences de nos privilèges en tant que blancs. La coach en développement antiraciste personnel va par conséquent nous ouvrir les yeux.

La ritournelle du privilège blanc

D’abord, mettons-nous bien d’accord : les blancs seraient tous détenteurs de privilèges blancs, ils seraient tous racistes sans le savoir, et ils seraient tous avantagés par le système blanc. Quant aux non-blancs pas suffisamment foncés, les « personnes de couleur au teint clair », ils devront adapter les questions soulevées par notre coach « pour qu’elles correspondent mieux à [leur] vécu en tant que détenteur de privilèges blancs qui n’est pas blanc pour autant. » C’est très très pointu. Souhaitons bon courage aux métis !

Attention, prévient alors Layla F. Saad, « ce travail remuera certainement en vous beaucoup d’émotions contradictoires, y compris de la honte, du désarroi, de la peur, de la colère, des remords, du chagrin et de l’angoisse. » Pour le moment, il provoque surtout mon hilarité. Pédagogue, notre coach propose ensuite un travail de rééducation antiraciste étalé sur quatre semaines :

Semaine 1. Le blanc est appelé à se familiariser avec certaines notions : privilège blanc, fragilité blanche, mutisme blanc, supériorité blanche, exceptionnalisme blanc. Il lui est également demandé de « creuser dans les recoins de [sa] personnalité qu’[il] ne connaît pas encore. » Personnellement, je ne sais pas si la semaine suffira – mais je pressens que pour certains, même étudiant à Sciences Po, ce sera beaucoup trop.

Semaine 2. Le blanc doit se regarder dans le blanc des yeux et s’interroger sur sa « cécité à la couleur », ses « stéréotypes racistes », son racisme envers les femmes, les hommes et les enfants noirs. Avertissement : cette semaine peut être un moment douloureux pour “les personnes de couleur passant pour blanches”: « Votre privilège blanc vous place du côté des oppresseurs et votre identité raciale non blanche vous place du côté des opprimés. » La coach conseille par conséquent de travailler en groupe.

A lire aussi, du même auteur: Le «Bondy Blog» et Edwy Plenel, une histoire d’amour jamais déçu

Semaine 3. En tant que blanc conscient de vos privilèges, vous pouvez vouloir devenir un “allié” antiraciste. Mais, explique Mme Saad, cette solidarité n’est souvent qu’une façade, une manifestation « d’autocentrisme blanc » ou relevant du « complexe du sauveur blanc ». Dans ce cas, « votre impact est plus négatif que positif ». Pour éviter le piège d’une fausse solidarité, il vous faut analyser certains de vos comportements : “l’apathie blanche”, “l’autocentrisme blanc”, “l’instrumentalisation”, la “solidarité factice”. Il y a quoi au-dessus de “mea maxima culpa” ?

Semaine 4. Vous devez maintenant vous confronter aux autres blancs, détenteurs de privilèges blancs mais qui ignorent ou feignent d’ignorer leurs privilèges. Le féminisme blanc, les leaders blancs, les amis blancs et la famille blanche passent à la moulinette. Je comprends mieux maintenant l’expression “laver plus blanc que blanc.”

« Vos réponses vous ont révélé ce que vous deviez voir sur votre complicité et votre relation avec la suprématie blanche », conclut notre coach antiraciste. Le blanc, exténué, a maintenant une « base solide pour avancer dans son combat antiraciste. » Ce qu’il y a de bien avec ce genre d’ouvrages, courts, instructifs, intellectuellement au-dessus du lot (!), c’est qu’on a vraiment l’impression, après lecture, d’être plus intelligent qu’avant. On comprend mieux pourquoi Sciences Po a tenu à promouvoir ce livre auprès des futures élites de ce pays. Notons que pour s’informer sur la crise climatique, Sciences Po recommande également à ses étudiants de potasser l’appel de Greta Thunberg, Notre maison brûle. Et dire qu’il y en a qui pensent que le niveau baisse

Nota Bene: Mme Saad peut être fière de sa méthode. Suivant son exemple et celui des journalistes du New York Times, après seulement quatre semaines de coaching antiraciste, chacun aura noté que je n’écris plus le mot “blanc” qu’avec un petit “b” riquiqui. Plus intelligent qu’avant, vous dis-je.

Trappes filmée par Morandini: honteux village Potemkine pour les uns, pépinière de talents pour les autres…

0
Le journaliste Jean-Marc Morandini (photo) s'est rendu en reportage à Trappes le 12 février où il a rencontré le maire et des habitants dans le déni © BALTEL/SIPA Numéro de reportage : 00591012_000043

De nombreuses voix à gauche affirment que Trappes est une ville comme les autres. De deux choses l’une, soit ils sont aveugles, soit la situation nationale globale est plus critique encore qu’on ne le pense. L’analyse d’Aurélien Marq.


En pleine polémique sur la notion et le terme d’islamo-gauchisme, un buzz chassant l’autre, il semble que l’on ait oublié Trappes, dont la situation et les réactions qu’elle suscite illustrent pourtant à merveille ce fameux islamo-gauchisme.

Au plan théorique, j’en propose la définition suivante : une hostilité à « l’ordre bourgeois » et/ou à l’Occident qui conduit à affirmer que le monde entier est responsable des crimes commis par des musulmans au nom de l’islam, sauf les musulmans et l’islam.

Au plan expérimental, il suffit d’observer François Burgat, Philippe Marlière, Olivier Roy, Virginie Despentes ou Edwy Plenel pour en avoir des échantillons bien représentatifs. Ou de se souvenir de ce qui s’est passé il y a peu. Ainsi, de bonnes âmes se sont étonnées d’une « rupture » entre Trappes, la ville « follement romanesque » (pour citer Ariane Chemin) qui a fait émerger Jamel Debouzze, Nicolas Anelka et Omar Sy, et Trappes, la ville aux 70 jihadistes, où un enseignant – soutenu par nombre de ses collèges – est menacé de mort parce qu’il dénonce l’islamisation. Et de s’interroger, de se demander ce qui a bien pu se passer… Mais il ne s’est rien passé que de très logique : il n’y a eu aucune rupture, seulement une parfaite continuité.

Jamel, Omar Sy, Anelka…

Car enfin ! Il faut écouter les sketchs de Jamel pour savoir quel monde il décrit, de quoi il s’inspire, de quel contexte, de quelle culture. Il faut suivre les prises de position d’Omar Sy depuis sa résidence de luxe aux USA – car ces si beaux succès de la si merveilleuse ville de Trappes ne restent manifestement pas y vivre, et n’y laissent pas leurs familles. Il faut se souvenir du rôle d’Anelka – devenu Bilal Anelka depuis sa conversion à l’islam – dans le fiasco de Knysna, et de ses propos élogieux sur Kémi Séba, Dieudonné et Tariq Ramadan. Il faut redire qu’ils sont des produits de la discrimination « positive » mise en place localement[tooltips content= »Ainsi que l’expliquent Ariane Chemin et Raphaëlle Bacqué dans leur livre et lors de leur audition parlementaire. Mme Raphaëlle Bacqué: “Ces personnalités ont réussi non seulement par le communisme municipal, mais aussi par des politiques de discrimination positive. C’est important et nous y consacrons un chapitre dans notre livre. Jamel Debbouze, Omar Sy et Nicolas Anelka entrent à Canal+ ou au PSG par les politiques de discrimination positive et par la volonté de Canal+ de développer la diversité. Nadia Hai, qui est aujourd’hui ministre et qui a été députée, est de Trappes. Elle est aussi le produit d’une politique de discrimination positive, qui lui a permis d’entrer dans la banque.” https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/csprincrep/l15csprincrep2021032_compte-rendu# »](1)[/tooltips] : quels brillants résultats, quelles belles contributions à l’idéal républicain et à l’assimilation ! Non ? Ça alors !

A lire aussi, Céline Pina: Il y a quelque chose de pourri dans le département des Yvelines

Aucun n’a jamais été mis en avant ni ne s’est mis en avant comme Français, mais comme « issu de », et toujours profondément « lié à ». À survaloriser la diversité « qui est une chance pour la France » (alors que c’est surtout la France qui est une chance pour la « diversité », sans quoi cette « diversité » ne se presserait pas si nombreuse à nos portes), on crée une catégorie à part, à part des Blancs, à part des Français et à part de la France. On valorise une communauté en tant que communauté distincte de la communauté nationale, et ça alors ! On vient ensuite s’étonner du communautarisme.

L’idéologie diversitaire contre le réel

On laisse l’islam s’installer comme norme – au sens de « ce qui est normal » – et ça alors ! On s’étonne ensuite que des jeunes prennent les armes pour que le même islam devienne la norme – au sens de « ce qui est normatif ». Qui l’eût cru ? Ce n’est après tout que la définition la plus simple de l’islamisme : vouloir que l’islam soit la norme, dans les deux sens du terme, le normal et le normatif.

Et toujours, on s’étonne. Et on ânonne les mantras de l’idéologie diversitaire et ceux de l’Église de Sociologie pour tenter de chasser ce vilain réel si déplaisant. Vade retro, veritas ! Jean-Marc Morandini, qui a pourtant réalisé un reportage courageux, se retrouve face à une ville Potemkine dont le couronnement est ce coiffeur/barbier qui affirme sa mixité alors que son site internet précise encore qu’il est exclusivement pour homme – mais ô surprise, le site a été modifié après que des téléspectateurs vigilants aient signalé l’imposture sur Twitter. Ça alors ! Pour répondre à l’affirmation selon laquelle « les Portugais » auraient fui Trappes, voici une jeune femme d’origine portugaise, convertie à l’islam, voilée, fichée S, qui déclare que tout va bien[tooltips content= »Voir notre vidéo en fin d’article, à partir de la 12ème minute et 30 secondes https://www.cnews.fr/emission/2021-02-12/midi-news-du-12022021-104644″](2)[/tooltips]. Et alors que toute l’équipe de CNews devrait réagir…. rien. Ça alors ! Les Portugais peuvent rester à Trappes, voyez : il leur suffit de se convertir à la religion des nouveaux maîtres, et de la servir au détriment de la France. Quel merveilleux exemple de vivrensemble, quel éclatant triomphe républicain : l’unité nationale sous l’étendard de l’islam et l’inspiration des fichés S.

L’extrême gauche au chevet du maire

Mais ça alors ! Qui l’eût cru : on avait pourtant nourri cette jeune femme d’exemples positifs de réussite, comme Omar Sy qui soutient les Traoré, ou Bilal Anelka – comme lui elle s’est convertie – et sa fidélité envers Tariq Ramadan et Kémi Séba, le fondateur de la Tribu Ka, groupe dissout pour incitation à la haine raciale. Sans oublier la si inspirante discrimination « positive », qui par son existence même martèle sans relâche à tous ceux qui en bénéficient qu’ils sont les pauvres victimes d’incroyables injustices qu’il faut bien compenser.

A lire ensuite: Rencontre avec Didier Lemaire: un hussard de la République aux prises avec l’islamisme

Et Yannick Jadot, Benoît Hamon, Clémentine Autain de s’empresser au chevet du maire de Trappes (maire « en suspens » suite à la décision du tribunal administratif d’invalider son élection, et à son appel suspensif qui lui permet de rester maire jusqu’à la décision finale du Conseil d’État) et chargent à qui mieux mieux l’enseignant lanceur d’alerte. Mais vérifications faites, il y a quand même une rupture concernant Trappes : c’est la rupture de stock des « ça alors ! » et des « qui l’eût cru » face à l’étonnement imbécile des aveugles volontaires.

Silence coupable

Price: 22,70 €

24 used & new available from 3,00 €

Bac 2021 à deux vitesses: Philippe de Villiers est-il dans le vrai?

0
Philippe de Villiers © Hannah Assouline

Le bac en proie au coronavirus: une chance pour Blanquer?


Philippe de Villiers porte plainte contre le ministre de l’Éducation qui veut instituer deux bacs, le tout courant,et en contrôle continu, pour l’enseignement public, et un autre, plus relevé, et en épreuves écrites finales, pour les lycées privés. Contrairement à ce qu’il affirme dans Valeurs actuelles (« On pénalise les meilleurs élèves pour garantir dans la durée la médiocrité de l’Education nationale »), il ne s’agit pas d’un projet discriminatoire (sérieusement, vous imaginez Blanquer stigmatiser le privé ?) mais de la conséquence d’une réalité : tandis que le public était autorisé à diviser les classes de lycée en deux, et d’alterner les groupes, le privé a massivement continué à faire cours en classe entière. Les terminales du privé en savent donc deux fois plus que celles du public, où grâce à la vigilance des syndicats qui soignent leur popularité en effrayant un corps professoral où l’on ne compte aucun décès dû directement au covid-19, ni aucun élève, les programmes sont effilochés et divisés en présentiel / distanciel. Le cru 2021 sera aussi faible et dérisoire que le Bac 2020.

Ce qui suit ouvre des pistes de réflexion sur notre examen national, réduit à peu de choses ces vingt dernières années, et à rien depuis deux ans.

Quand Jean-Michel Blanquer est arrivé rue de Grenelle, il avait un immense chantier devant lui : comment gommer, aussi vite que possible, les effets catastrophiques du ministère Vallaud-Belkacem — et plus globalement de cinq ans d’une gauche qui avait offert tous les leviers de commande à des pédagogistes déjà bien installés. Mme Vallaud-Belkacem avait démantibulé ce qui restait d’enseignement. Mais femme, maghrébine, de gauche, elle possédait toutes les vertus qui la rendaient intouchable aux yeux des syndicats. De surcroît, notoirement incompétente, elle illustrait à merveille le fameux mot de Françoise Giroud : « La femme sera vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignera une femme incompétente. » C’était fait et nous nous en réjouissons…

A lire aussi, Benoît Rayski: Où l’on découvre (grâce à Najat Vallaud-Belkacem) qu’un Trump se cache dans la région lyonnaise…

Jean-Michel Blanquer © Lionel GUERICOLAS /MPP/SIPA Numéro de reportage: 00933574_000155
Jean-Michel Blanquer © Lionel GUERICOLAS /MPP/SIPA Numéro de reportage: 00933574_000155

Blanquer a peut-être eu tort de ne pas s’attaquer de front à ces chantiers ouverts par son prédécesseur, de la maternelle au lycée. Il a préféré prendre le problème par les deux bouts, en suggérant que les instituteurs devraient désormais apprendre à lire et à écrire aux enfants — une atteinte insupportable aux droits sacrés de l’autonomie pédagogique — et en réformant le bac.

Avec plus de 95% de réussite, le bac 2020 c’est une parodie d’examen. Le cru 2021, issu d’un enseignement à mi-temps où les enseignants n’auront pas traité la moitié du programme, lui ressemblera comme un frère…

La réforme des cursus était indispensable. La section S était devenue un fourre-tout, la section L un débarras. Il fallait certainement revivifier le système, en orientant les « bons en maths » vers une section où ils en feraient pour de bon, et en proposant aux autres des voies parallèles susceptibles de les séduire sans les accabler sous la trigonométrie. Objectif atteint, l’option Spécialité Maths ne garde presque plus en terminale que ceux qui comprennent, ce qui n’est pas une mauvaise chose.

Réformer le bac était une gageure. L’examen était si dévalué qu’il aurait mieux valu, comme je l’ai proposé inlassablement, le remplacer par un Certificat de fin d’études — en le « secondarisant » complètement. Et laisser l’enseignement supérieur, via Parcoursup, faire le tri. Ou, si l’on me passe la métaphore, opter pour la proportionnelle intégrale, en lieu et place du scrutin nominal à deux tours — l’écrit et l’oral.

Blanquer a préféré injecter une dose de proportionnelle dans un système globalement intouché. Les « E3C », ces épreuves intermédiaires passées en première et en terminale, veulent introduire du contrôle continu tout en gardant l’examen final. Les pourcentages adjugés aux uns et aux autres sont aussi byzantins que les propositions de François Bayrou — par exemple mettre les régions très peuplées en proportionnelle, et garder le scrutin uninominal à deux tours pour le reste de la population. Toute solution bâtarde est en soi une mauvaise idée.

Sur ce vint le virus.

A lire aussi, Didier Desrimais: L’incubateur du Grenelle de l’Éducation, nouvelle machine infernale

On sait ce qu’il est advenu de la cuvée Bac 2020. Avec plus de 95% de réussite, c’est une parodie d’examen. Le cru bac 2021, issu d’un enseignement à mi-temps où les enseignants n’auront pas, en moyenne, traité la moitié du programme, lui ressemblera comme un frère. Il sera peut-être pire, les élèves sont revenus début septembre avec une appétence au travail singulièrement diminuée par des mois de confinement et de maniement des télé-commandes. De surcroît, savoir que l’an dernier des cancres ont obtenu le bac leur fait revendiquer pour juin prochain le même privilège.

Alors, posons la question. Pourquoi ne pas profiter du désastre dans lequel le covid a précipité le système éducatif pour supprimer carrément cette formalité ? Le bac n’est plus un examen — il n’est même plus un rite de passage. Un parchemin de valeur nulle — qui recrute au niveau bac ? Uber, peut-être. Ou Deliveroo.

Les enseignants, libérés de la perspective d’épreuves peu significatives mais obligatoires, pourraient traiter le programme comme ils l’entendent. Bien sûr, les établissements dominés par les facariens[tooltips content= »Lot-valise composé avec le verlan de cafard et rien, synonyme de pédagogiste NDLR »](1)[/tooltips] n’auraient pas bonne presse. Mais justement, laissons les parents (qui n’auront plus de prétexte pour venir casser la figure des profs) inscrire leurs rejetons où ils le désirent, dans la limite des places disponibles. Ou, comme à Paris, remodelons Affelnet, le logiciel qui dispatche en lycée les élèves de fin troisième, et créons une mixité scolaire en fonction de l’Indice de position sociale du collège d’origine — somme toute plus parlant que la dichotomie boursier / non boursier, surtout dans une capitale peuplée de CSP++.

A lire ensuite, Anne Coffinier: La guerre scolaire est-elle rallumée? La preuve par le bac

Le Bac est un symbole du passé. Le Bac 2021 a autant de rapports avec celui créé par Napoléon, ou avec celui que vous avez passé, que vous-même avec vos ancêtres. Rayons-le d’un trait de plume, et laissons l’enseignement supérieur faire le tri: les meilleurs cursus prendront les meilleurs — comme aujourd’hui —, et les autres modèreront leurs prétentions.

« Ecole à deux vitesses ! » crieront les syndicats. Mais c’est déjà le cas, chers collègues : croyez-vous que les cursus exigeants choisissent les candidats en fonction de leurs notes ? L’établissement d’origine, privé ou public, compte au moins pour la moitié de l’appréciation. J’ai même vu des commentaires déterminants du genre « dans tel lycée, c’est Untel qui enseigne les maths » — parce que nous ne sommes pas tous égaux, figurez-vous.

Il reste un peu plus d’un an à Blanquer pour en finir avec les dépouilles de l’ancien monde. Quitte à être un ministre impopulaire — et c’est très injuste quand on pense au désastre de Vallaud-Belkacem dont personne ne dit mot —, autant imposer une vraie réforme qui permettra d’enseigner sans la menace d’un couperet qui de toute façon n’a plus aucune signification.

En défendant les élèves et etablissements du privé, le brave Villiers mène une fois de plus un combat d’arrière garde. Supprimons le bac!

Vers la sextoys nation

0
Image d'illustration Unsplash

51% des Français ont déjà utilisé un sextoy (contre 7% il y a 30 ans). La pratique régulière grimpe à 30% de la population[tooltips content= »Étude Ifop pour Le Passage du Désir, réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 27 au 30 novembre 2020 auprès d’un échantillon de 2 012 personnes, représentatif de la population âgée de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine. « ](1)[/tooltips]


La pandémie accélère l’artificialisation de notre vie. Nous avons découvert les délices des réunions en visioconférences, des apéros sur Zoom et la culture en boîte de conserve : quel bonheur d’assister au concert de notre chanteur favori sur Facebook, sans être obligé de sortir de chez soi ! 

A lire aussi, l’ouvreuse: Les absents ont toujours raison

Il sera bientôt possible de construire sa vie pratiquement sans interactions sociales en chair et en os. Le désir sensuel suit cette tendance, endormi par la sacro-sainte « distanciation sociale » et par la froideur de plastique et de silicium de notre monde d’écrans. L’IFOP nous apprend, dans une enquête, que la proportion de Français ayant déjà utilisé un sextoy passe un cap symbolique: 51% (contre 7% il y a 30 ans) ; la pratique régulière grimpe à 30% de la population. Leçon amusante de ce sondage, le sextoy vibre ou gigote davantage à la campagne (36% de la population) que dans les grandes villes (27% sur Paris, par exemple). On savait que l’amour était dans le pré, on découvre que le sexe aussi. 

A lire aussi: Une vraie féministe, c’est…

L’enquête révèle également que 61% des jeunes « aimeraient que leur partenaire leur offre un sextoy à un événement comme la Saint-Valentin. » Selon l’IFOP un « tabou » est tombé. Le jouet érotique devient ainsi le dernier ersatz mécanique permettant d’effleurer le monde d’avant, chacun restant chez soi dans des vies absentes et connectées. La start-up nation de M. Macron se transforme en une sextoys nation.

Les principaux résultats de l’étude peuvent être consultés ici.

Cantines de Lyon: le bal des faux-culs

0
Mobilisation des éleveurs du Rhône devant l'Hôtel de Ville de Lyon lundi 22 février 2021. Sous couvert de crise sanitaire, le maire de Lyon impose dans toutes les cantines de la ville un repas sans viande pour les 7 semaines a venir... © Bony/SIPA Numéro de reportage : 01005552_000022

La polémique sur un non-événement où les anti-écolos et le maire de Lyon trouvent leur intérêt, révèle surtout une hystérisation grandissante du débat démocratique


Je ne suis pas vegan. Comme beaucoup de gens semble-t-il aujourd’hui, j’ai diminué ma consommation de viande et de charcuterie. Ce n’est pas que je n’aime plus ça, rien ne vaut un onglet saignant ou une côte de bœuf maturée au barbecue et j’espère bien un de ces jours connaître l’expérience paraît-il ultime du bœuf de Kobé. Je n’ai pas renoncé non plus au poisson: la sole, le cabillaud mais aussi le plus rustique hareng avec des pommes à l’huile, font partie de mes plaisirs habituels. Mais il se trouve que mon alimentation change avec l’âge. Les légumes et les fruits de saison m’enchantent et j’ai hâte de voir revenir tomates et gariguettes sur l’étal des maraîchers.

A lire aussi: Les végans, ces pénibles puritains des fourneaux

Et puis il y a vegan et vegan. Quand ça vire à l’idéologie, il est sûr que c’est ennuyeux. L’honnête végétarien, qui existe depuis toujours, et qui est apparu en France au moins depuis le tournant du XIXème et du XXème, avançait des arguments qui se tenaient. Il était déjà question, chez ceux qu’on appelait les « en-dehors », même si on ne nommait pas les choses comme ça, de diététique, d’écologie et d’antispécisme. Comme pour le féminisme, les idées peuvent devenir folles. Le véganisme poussé à l’extrême aujourd’hui, refuse toute exploitation animale et finit par préférer pour s’habiller les fibres synthétiques et le skaï, infiniment plus nuisibles à l’environnement que la laine ou le cuir.

L’ouverture de la chasse aux Verts

Ces précautions d’usages prises, pour en revenir à l’affaire des cantines des écoles lyonnaises, j’ai tout de même l’impression d’un joli bal de faux-culs. Dans une haine rabique des Verts, voilà le maire de Lyon cloué au pilori par la droite, l’extrême droite et même une partie de la macronie. Personne ne semble, de ce côté-là, avoir digéré la prise d’une série de grandes métropoles par des édiles écolos. On les scrute de près, ces islamogauchistes, avec leur écriture inclusive dans les circulaires municipales, leur refus des sapins de Noël, des démonstrations de la Patrouille de France un 14 juillet, du Tour de France et de son empreinte carbone trop importante.

Quand bien même la mesure, explicitement transitoire, peut se justifier d’un point de vue sanitaire, Doucet l’a annoncée à grands coups de clairon pour voir qui sortait du bois

Bref, cette histoire de menus sans viande, c’était du pain béni. Gregory Doucet, le maire de Lyon, pouvait concentrer les foudres de tous ceux qui voient d’un mauvais œil les Verts devenir une force politique importante et enracinée. Peu importe que la même décision, des menus sans viande, aient été prises par Gérard Collomb au début de l’épidémie : « Il y aura un repas sans viande, avec légume et poisson, expliquait ainsi Gérard Collomb en mai 2020 sur l’antenne de BFM Lyon, afin de ne servir qu’un repas unique par jour afin d’accélérer les horaires de passage des élèves à la cantine. »

A relire: Isabelle Saporta: «Les maires EELV devraient être modestes et travailler»

Doucet le pyromane

Barbara Pompili, l’actuelle ministre de l’écologie, a même tenté de montrer le ridicule de la querelle mais elle n’a guère été entendu par Darmanin et d’autres poids lourds, trop heureux de trouver l’occasion de dénoncer « une idéologie scandaleuse » de la part de Doucet. Décidément, chez les macronistes, tout ce qui n’est pas eux les scandalise en ce moment. IL n’y a qu’une seule ligne possible dans les écoles et à l’université: la leur.

Bien entendu, ne soyons pas naïfs, Doucet est aussi faux-cul que ses adversaires pavloviens. Quand bien même sa mesure, explicitement transitoire, peut se justifier d’un point de vue sanitaire, il l’a annoncée à grands coups de clairon pour voir qui sortait du bois et évaluer le rapport de force…

Il est bien triste cependant de voir une telle hystérisation du débat politique, où la politique se mue en choc frontal sur le moindre non-événement. On voudrait finir par « trumpiser » notre démocratie qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Gérald Darmanin, des paroles sans les actes?

0
© ELIOT BLONDET-POOL/SIPA Numéro de reportage : 01002501_000030

Mercredi soir face à Gérald Darmanin, Éric Zemmour a directement lié la montée du séparatisme islamiste à l’immigration. Dans son ouvrage médiatisé Le séparatisme islamiste, le ministre n’en dit pas un mot, préférant œuvrer à « réimposer la laïcité ». Causeur l’a lu.


Voilà Darmanin parti en croisade pour sauver la laïcité. Il était temps. Après avoir invoqué Aristide Briand, le premier flic de France nous sert un vibrant plaidoyer. Anaphores, métaphores et autres procédés littéraires faisant les joies des futurs bacheliers confèrent à ce désir de « faire tomber Satan comme l’éclair » une apparente sincérité. À travers cette prise de conscience de « la situation d’urgence que le pays connaît » face à l’islamisme, la plume du ministre est emplie d’une gravité qui n’est pas sans rappeler celle d’un Jaurès. Ce dernier fut un homme d’action. En 1914, cinq jours après son discours de Vaise, il paya de sa vie pour avoir tenté d’empêcher que la France ne sombre dans le chaos.

La laïcité pour les nuls

Sachons gré à Gérald Darmanin d’avoir choisi le prisme de l’histoire pour exposer la laïcité. La laïcité n’est pas tombée du ciel en 1905, ni même lors de la Révolution. De Henri IV à Philippe le Bel, de Grégoire VII aux Lumières, la laïcité est le fruit d’une confrontation entre le religieux et le politique très ancienne. Dès 1806, Napoléon s’attelle à l’assimilation des Juifs, ce que rappelle le ministre. « Une lutte pour l’intégration avant l’heure », glisse-t-il. Conviant Jean-Pierre Obin ou Régis Debray, Darmanin expose tout le bien qu’il pense de la laïcité. « Se battre pour l’application de la laïcité, c’est se battre pour la Nation », lâche-t-il. D’où la dissolution du CCIF et de Barakacity, fort bien.

A lire aussi, Renée Fregosi: Les fronts de l’islamo-gauchisme

L’islamisme « refuse catégoriquement la séparation du religieux et du politique », c’est « une idéologie antimoderne » où « toute altérité est rejetée », rappelle-t-il. Un tacle salutaire aux trop nombreux naïfs qui voient encore dans l’islamisme un combat légitime des laissés pour compte. Se référant aux travaux de Gilles Kepel ou d’Hakim El Karoui, il rappelle à quel point « la contagion islamiste gangrène nos quartiers sous la férule d’élus tantôt résistants, tantôt collaborateurs ». De quoi faire une union sacrée avec Causeur.

Un air de déjà vu

La laïcité est au cœur de la France. Avec pédagogie, le ministre expose en quoi le ciment de notre société dépend de l’application de ce principe législatif. L’islamisme n’est pas l’islam, rappelle-t-il, et le séparatisme n’est pas qu’islamiste. Mais à l’heure actuelle, le séparatisme le plus dangereux pour la survie de notre société est bien le séparatisme islamiste. Et ce n’est pas être antimusulman que de dire que « les musulmans, et la société avec eux, sont pris en otage par des idéologues se parant des habits de la religion pour mieux pousser une vulgate désireuse d’imposer ses normes à la société ».

A lire aussi, Cyril Bennasar: À la «French Pride», on se tient bien

Ttoutefois, Darmanin n’innove pas. Auparavant, d’autres hommes de pouvoir se sont livrés à ce type d’essai: en 2004, déjà, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, signait Les Républiques, les religions, l’espérance. En 2016, François Hollande s’exprimait sans filtre dans Un président ne devrait pas dire ça. Cet ouvrage valu à l’ancien président un bref séjour dans la « fachosphère ». Serait-ce pour éviter cette douloureuse stigmatisation que le ministre de l’Intérieur s’est engagé dans une lutte orageuse face à Génération identitaire? Tout porte à le croire. Mais que l’on partage ou non les méthodes ou les idéaux de « France blanche » de cette association, force est de constater que ses activités ne portent nullement atteinte à la laïcité.

Encore un effort…

À trop craindre d’être lâché par sa gauche, Gérald Darmanin pourrait bien passer à côté des combats qu’il prétend mener, notamment sur le terrain de la toile. Il prédit qu’ « il sera indispensable que les plateformes elles-mêmes se responsabilisent et prennent leur part pour réguler un espace virtuel qui catalyse, trop souvent, la montée des extrêmes ». A l’heure actuelle, un certain nombre de guerriers 2.0 œuvrent à un séparatisme insidieux grâce à internet. S’ils ne représentent pas forcément un risque direct pour notre société, ils embrigadent de nombreuses âmes n’ayant foi ni en nos institutions ni en la classe politico-médiatique.

« L’islamisme a gangrené tous les pays dans lesquels il a pu prendre une once de pouvoir […] Il a laissé derrière lui de la violence, du sang et des morts. Il est là aujourd’hui, en Europe. En France ». Un constat salutaire. Gérald Darmanin semble avoir pris la mesure de l’enjeu, il peut encore rentrer dans l’Histoire mais il doit faire vite. Les Français sont fatigués des beaux mots, les Français veulent des actes. D’après une étude Ipos, 63 % des Français estiment qu’ « il y’a trop d’étrangers en France ». Si les élections présidentielles avaient lieu maintenant, 20% d’entre-eux plébisciteraient le général Pierre de Villiers, 13% Eric Zemmour et 13%… Jean-Marie Bigard, révèle un sondage Ifop. Un grand coup de théâtre n’est donc pas du tout à exclure, Gérald Darmanin ne pourra pas dire qu’il n’a pas été prévenu.

En thérapie, un curieux malentendu

0
Mélanie Thierry dans "En thérapie". Image: Capture d'écran YouTube.

On peut se demander, devant cette excellente série, si la psychanalyse n’y est pas vue, malgré elle, comme un conservatisme qui ne dit pas son nom.


Je viens de comprendre ce qui m’avait vraiment plu dans En thérapie, et je ne sais pas si c’est bon signe. Rappelons qu’il s’agit de la série du moment dont les trente cinq épisodes de vingt-cinq minutes mettent en scène un psychanalyste, le docteur Philippe Dayan joué par Frédéric Pierrot et une série de patients. Le dispositif est minimaliste et impressionnant et s’inspire d’une série israélienne qui a déjà eu sa « franchise » américaine, En analyse avec Gabriel Byrne dans le rôle du thérapeute.

La spécificité française est de situer la série au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, dans une période de sidération et de deuil. Parmi les patients, on trouve une chirurgienne (Mélanie Thierry), une ado suicidaire (l’impressionnante Céleste Brunnquell), un flic de la BRI (le tout aussi impressionnant Reda Kateb), qui est entré parmi les premiers dans le Bataclan, un couple en crise (Clémence Poésy et Pio Marmaï) et même une autre psy (Carole Bouquet) qui joue le rôle de « contrôleuse » pour le docteur Dayan.

A lire aussi: «3615 Monique» et «Ovni(s)»: Dis papa, c’était vraiment comme ça la France?

L’excellence des acteurs, la haute tenue de la mise en scène avec des réalisateurs différents qui suivent chaque patient en fait un objet télévisuel haut de gamme. Il est difficile de ne pas être tantôt impressionné, tantôt touché par ce qui se déroule sous nos yeux dans des dialogues ciselés.

Une série «policière»

Mon problème, si problème il y a, est que chaque analyse menée par le docteur Dayan, dans la  série, retrouve les thèmes et les techniques du genre policier. Suspense, retournement, fausse identité, fausse piste, traque d’une victime enlevée dans un territoire hostile (l’inconscient), jeux de miroirs entre le mensonge et de la vérité et, comme dans le roman policier, un retour à l’ordre à la fin, c’est-à-dire à une forme de guérison, sauf pour le policier de la BRI, mais pour des raisons bien particulières.

Avec le docteur Dayan dont la fameuse « neutralité bienveillante » lui permet de jouer à la fois le bon flic et le mauvais flic, on retrouve même ces personnages ambigus du roman noir qui entrent dans une fascination mutuelle (transfert) avec la victime-coupable qu’ils traquent dans ses derniers retranchements pour les forcer à donner ce qu’il faut bien se résoudre à appeler des aveux.

La psychanalyse comme retour à l’ordre ?

Bref, cette excellente série renvoie en même temps à l’idée que la psychanalyse aurait quelque chose, politiquement, d’un dispositif visant au maintien de l’ordre. C’est sans doute ma vieille réticence (marxiste ?)  face à la psychanalyse pour laquelle le mal-être des hommes et des femmes serait à chercher d’abord en eux et pas dans la société injuste, parfois inhumaine, dans laquelle ils vivent. Le docteur Dayan parle lui-même dans un moment de colère vis-à-vis de lui-même de Freud et de Lacan comme de bourgeois conservateurs.

A lire aussi: «The Voice»: Chante mais ferme-la!

Après, je sais aussi, bien sûr, que la psychanalyse obtient des résultats concrets, mesurables et qu’elle est une formidable émancipation, qu’elle a su aussi prendre en compte la critique sociale et même marxiste avec le génie foutraque de Wilhelm Reich ou la rigueur de Marcuse à travers ses analyses sur « l’homme unidimensionnel » dans les société capitaliste. Je sais aussi que la psychanalyse a aussi libéré l’imaginaire et joué un rôle non négligeable dans l’histoire de l’art avec le Surréalisme.

Il n’empêche, dans la France de 2021, l’intérêt et le plaisir que je prends à En Thérapie est du même ordre que celui que j’ai pris, naguère, par exemple, à une série comme Mindhunter. Ce qui fait pour moi d’En thérapie la meilleure série policière du moment. Et quand je vois à quel point elle est célébrée dans les cercles « progressistes », je me demande si elle n’est pas l’objet d’un étrange malentendu.

En thérapie, une série créée par Éric Toledano et Olivier Nakache, les jeudis du 4 février au 25 mars à 20h55, sur arte

Comment l’islamisme chasse les Juifs de nos quartiers

0
Émeutes à Sarcelles, lors de la manifestation pro-Gaza interdite, le 20 juillet 2014 © Thibault Camus/AP/SIPA Numéro de reportage : AP21600034_000001

L’islamisation de pans entiers du territoire national, ainsi que la radicalité d’une importante part de la jeunesse musulmane, chassent les juifs de quartiers entiers. Ces derniers représentent moins de 1% de la population française, mais polariseraient à eux seuls la moitié des actes racistes. En 2015, le Grand-rabbin de France Haïm Korsia révélait qu’il n’y avait pratiquement plus aucun élève juif dans les écoles du département de la Seine-Saint-Denis. Kevin Bossuet retrace l’histoire de ce petit désastre français.


En octobre dernier, c’est avec effroi et consternation que nous avons appris qu’un professeur d’histoire-géographie, Samuel Paty, avait été lâchement assassiné par un islamiste peu après être sorti de son collège. Oui, c’est avec terreur et écœurement que nous avons appris qu’un enseignant avait été décapité pour avoir tenté de transmettre les valeurs républicaines dans sa salle de classe. A travers ce crime abominable, c’est bien la République dans ses fondements qui a été atteinte, c’est bien la communauté nationale dans son ensemble qui a été poignardée en plein cœur.

A Trappes, les vrais problèmes ont commencé avec l’incendie de la synagogue

Il y a quelques jours, c’était au tour de Didier Lemaire, professeur de philosophie depuis 20 ans à Trappes, d’être la cible des islamistes et de leurs amis, pour avoir osé dénoncer la montée de l’islam politique dans la ville où il enseigne et pour avoir voulu protéger ses élèves de l’emprise du radicalisme religieux. Le témoignage qu’a livré ce hussard noir de la République a permis de comprendre à quel point la question du sort des Juifs en France est au cœur de la problématique inhérente à l’islamisation des banlieues. En effet, comme il l’a très bien expliqué dans les médias, tout aurait commencé à Trappes avec l’incendie d’une synagogue: « J’ai été témoin de la progression d’une emprise communautaire toujours plus forte sur les consciences et sur les corps. L’année de mon arrivée au lycée, la synagogue de Trappes brûlait et les familles juives étaient contraintes de partir. […] Puis ça a été l’exode d’autres populations. Et maintenant, ce sont les musulmans modérés et les athées qui s’en vont. »

Didier Lemaire sur France 3. Image: capture d'écran
Didier Lemaire sur France 3. Image: capture d’écran

Dans leur ouvrage La communauté, publié en 2018 chez Albin Michel, qui retrace l’évolution de la ville de Trappes en proie à une islamisation croissante, Ariane Chemin et Raphaëlle Bacqué font le même constat et racontent de quelle manière les Juifs ont progressivement fui cette commune des Yvelines. Elles l’affirment sans ambages : « Depuis la guerre du Golfe, [la communauté juive] rétrécit. Les Juifs ont commencé à prendre peur.  »A mort les Juifs », dit un tag à Léo-Lagrange. Les Ouaknine eux-mêmes, intouchables pourtant à Trappes tant ils sont connus, ont déménagé à la Villedieu, un quartier d’Elancourt. Les Zemmour, l’une des plus grandes familles de la ville, de celles qui s’installent à trois, quatre, cinq frères, avec femmes, oncles, enfants, cousins, se sont en allés en Israël. » D’après les deux journalistes, après l’incendie de la synagogue tout serait allé très vite : « Une à une, les autres familles juives de Trappes quittent à leur tour la ville pour s’installer dans des communes plus accueillantes. Une partie trouve refuge à Montigny, l’autre à Maurepas. […] Le boucher est parti, monsieur Ben Yedder, le boulanger, aussi. A Trappes, désormais, il ne reste plus aucun Juif ou presque. »

Cet effrayant état des lieux ne concerne malheureusement pas que Trappes. Tous les territoires qui ont connu au cours de ces dernières années une islamisation rampante et qui ont progressivement accueilli une population arabo-musulmane de plus en plus importante ont subi le même sort. La Seine-Saint-Denis est par exemple caractéristique de cette évolution. Alors que l’islam est aujourd’hui devenu la première religion de ce département et que les personnes de confession musulmane y forment la communauté la plus importante, les Juifs y sont de moins en moins présents.

Les musulmans majoritaires dans le 93?

En effet, ce territoire est, au fil des années, devenu une véritable enclave communautaire. Déjà en 2009, les démographes Michèle Tribalat et Bernard Aubry avaient mis en avant que les jeunes mineurs originaires du Maghreb, et donc très largement musulmans, représentaient 39.2% des jeunes de Seine-Saint-Denis. Ce chiffre pour ceux en provenance du reste de l’Afrique était de 28.4%. En 2015, Philippe Galli, alors préfet du 93, avait estimé à 700 000 le nombre de musulmans sur ce territoire, soit 45% de la population totale. Ces chiffres ne sont que des estimations dans la mesure où nous ne possédons pas les outils juridiques et statistiques pour les confirmer ou les infirmer précisément mais ils ont l’avantage de nous offrir une photographie démographique réaliste. D’ailleurs, l’Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis, l’UAM 93, l’atteste : pour elle, cela ne fait aucun doute, la population musulmane serait majoritaire dans le département. Quand on tente d’appréhender le phénomène à travers les lieux de culte, on fait la même observation : alors qu’on estime à 160 le nombre des lieux de culte musulmans, le nombre des lieux de culte chrétiens est estimé quant à lui à 120 environ, et celui des lieux de culte juifs aux alentours de 35.

A lire aussi: « Si j’étais juif, je partirais vers des cieux plus cléments »

Or, au moment où la part de la population musulmane s’est largement accrue, la population juive s’est quant à elle progressivement détournée du 93. En effet, dans son livre L’an prochain à Jérusalem ?, paru en janvier 2016 aux éditions de l’Aube, Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’Ifop l’affirme : « en Ile-de-France, sur une quinzaine d’années, des effectifs de populations ou de familles juives se sont effondrés dans toute une série de communes de Seine-Saint-Denis. » Il ajoute : « À Aulnay-sous-Bois, le nombre de familles de confession juive est ainsi passé de 600 à 100, au Blanc-Mesnil de 300 à 100, à Clichy-sous-Bois de 400 à 80, et à La Courneuve de 300 à 80. » L’historien Georges Bensoussan confirme cette allégation : d’après lui, environ 80% des Juifs ont depuis une dizaine d’années quitté ce département ! Effectivement, beaucoup ont migré dans le 17e arrondissement à Paris (on y trouve aujourd’hui environ 40 000 Juifs) ou dans des communes comme Saint-Maur-des-Fossés, Saint-Mandé ou encore Vincennes. Certains, ont même décidé de rejoindre Israël. En effet, entre 2000 et 2020, 60 000 départs, dont certains concernent des anciens habitants de la Seine-Saint-Denis, ont été enregistrés par l’Agence juive en France, c’est-à-dire plus de 10% de la communauté juive française.

Nous, les Juifs, on les tue ! 

Ces deux évolutions sont évidemment liées. L’une a engendré l’autre. En effet, alors qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Seine-Saint-Denis s’était transformée en terre d’asile pour beaucoup de familles juives en provenance majoritairement du nord de l’Afrique, elle est aujourd’hui devenue un territoire particulièrement hostile, notamment du fait de la présence sur ce dernier d’une partie de la population qui les rejette massivement. En effet, on ne compte plus le nombre d’agressions antisémites commises dans le 93. Par exemple, en avril 2017, à Noisy-le-Grand, une famille juive a découvert dans sa boîte aux lettres deux cartouches de 9 millimètres accompagnées du message suivant : « Allahou akbar, la troisième balle est pour toi ou pour ta famille. » En septembre 2017, à Livry-Gargan, c’était au tour d’une famille juive d’être agressée et séquestrée à son domicile. « Vous êtes Juifs, donc vous avez l’argent ! », voilà ce que les agresseurs ont crié quand ils sont entrés dans le logement avant de violenter, de ligoter et de menacer les occupants avec un couteau et un tournevis. En septembre dernier, à Aubervilliers, ce sont trois inconnus qui s’en sont pris à un jeune juif de 26 ans après avoir reconnu l’étoile de David qu’il portait autour du cou. « Sale Juif ! Donne ton argent ! Nous, les Juifs, on les tue ! », voilà ce qu’ils ont proclamé avant d’agresser très violemment la victime. L’un des agresseurs, Mohamed, 21 ans, a d’ailleurs été condamné à un an de prison ferme.

Cette haine des Juifs qui est exponentielle sur les territoires les plus islamisés puise d’abord ses racines dans la judéophobie présente dans la religion musulmane. En effet, Barbara Lefebvre l’explique très bien dans son livre Génération  »J’ai le droit » : la faillite de notre éducation paru en 2018 chez Albin Michel: « Les défenseurs de  »l’islam de paix » ignorent que l’inconscient musulman à l’égard du peuple juif s’est construit au fil des siècles sur sa représentation de falsificateur de la parole divine. C’est ainsi que la littérature islamique les décrit, racontant qu’Ezra, au IVe siècle avant Jésus-Christ, aurait volontairement falsifié la Torah par le passage de la tradition orale à la tradition écrite. L’élu de Dieu est le musulman (celui qui se soumet à Dieu) et non le Juif qui a trahi la parole divine. C’est ainsi que les prophètes juifs sont islamisés par la langue coranique et qualifiés de musulmans. » Elle ajoute : « La vision coranique du peuple juif falsificateur et hérétique a planté les germes d’un antijudaïsme populaire. Qu’il fut récemment  »enrichi » par l’antisémitisme européen est indéniable, en particulier avec la propagande de la confrérie des Frères musulmans et l’active collaboration du mufti de Jérusalem avec le IIIe Reich, mais ce n’est ni l’impérialisme européen, ni les nazis qui ont fait découvrir l’antisémitisme au monde musulman. »

A lire aussi: L’avenir de la Cisjordanie se joue à Sarcelles et à Brooklyn

Ensuite, c’est bien le conflit israélo-palestinien qui est venu fortifier cette judéophobie pour mieux la transformer en un antisémitisme viscéral. En effet, malgré ce que dit une partie de la gauche qui tente de conserver à tout prix sa clientèle électorale, l’antisionisme n’est que le faux-nez de l’antisémitisme et beaucoup s’abritent derrière leur haine d’Israël pour tenter de dissimuler leur haine du peuple juif. Déjà en 1967, le philosophe Vladimir Jankélévitch, avait très bien établi ce lien direct qui existe entre antisionisme et antisémitisme. En effet, dans L’imprescriptible, il le dit avec force : « L’antisionisme est une incroyable aubaine, car il nous donne la permission – et même le droit, et même le devoir – d’être antisémite au nom de la démocratie ! L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les Juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. »

Pierre-André Taguieff, dans La France soumise, les voix du refus paru chez Albin Michel en 2017, abonde dans le même sens : « Depuis la fin des années 1960, la haine des Juifs est portée par l’antisionisme radical ou absolu, mélange d’hostilité systématique à l’égard d’Israël, quelque que soit la politique du gouvernement en place, et de compassion exclusive pour les Palestiniens, quoi qu’ils puissent faire, actions terroristes comprises. Le propalestinisme inconditionnel, qui est aussi l’un des thèmes mobilisateurs de l’islamisme radical, est désormais le principal vecteur de la haine des Juifs […]. » Il surenchérit : « En France, les manifestations dites pro-palestiniennes de janvier et de juillet 2014 ont réveillé et révélé les passions judéophobes. Le couplage des slogans  »Allahou akbar » et  »morts aux Juifs », observé au cours d’un nombre croissant de manifestations dites pro-palestiniennes ou pro-Gaza, constitue à la fois un résumé et un symbole de la nouvelle synthèse anti-juive mondialement diffusée. Progressivement, le slogan  »Palestine vaincra ! » est devenu un équivalent de  »Allah vaincra !  » »

Les professeurs désarçonnés face à des élèves musulmans provocateurs

Il suffit en effet d’aller dans les collèges et les lycées de certaines banlieues françaises pour s’apercevoir à quel point il est difficile d’enseigner dans certaines classes le conflit israélo-palestinien tant ce dernier est un sujet très sensible qui est devenu au fil du temps un marqueur identitaire et un étendard politique. L’enseignement de la Shoah souffre quant à lui du même problème. Un professeur d’histoire-géographie, dans un collège du 93, me relatait récemment, son expérience à ce sujet. Alors qu’il abordait avec une classe de troisième la question de l’Holocauste, il s’est retrouvé démuni face aux propos choquants de certains de ses élèves. Entre ceux qui mettaient clairement en avant leurs doutes sur l’existence même du génocide, ceux qui proclamaient que « les Juifs l’avaient peut-être un peu cherché » et celui qui lui a narquoisement demandé si « on pouvait encore aujourd’hui brûler des Juifs », il s’est retrouvé complètement désarçonné.

A lire ensuite: Rencontre avec Didier Lemaire: un hussard de la République aux prises avec l’islamisme

Dans son ouvrage Principal de collège ou imam de la République ?, publié en 2017 aux éditions Kero, Bernard Ravet, qui a été principal dans trois des collèges les plus difficiles de Marseille fait le même constat : « L’enseignement de la Shoah devient source de tensions inouïes, les élèves amalgamant les Juifs de 1940 et la politique israélienne contemporaine à l’endroit des Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie pour en conclure que  »la Shoah, ça va bien aux juifs » ou que  »Hitler a bien fait » ». Dans La France soumise, les voix du refus, une enseignante d’histoire-géographie, qui travaille tous les ans avec ses classes sur l’histoire la Shoah, témoigne des difficultés qu’elle rencontre au cours de cet exercice. Citons un extrait : « Pour aborder la Shoah, elle a coutume d’utiliser des témoignages. Et de nouveau, comme chaque année, ont fusé les mêmes réflexions: »Encore les Juifs ! Madame, pourquoi on ne parle pas du génocide des Palestiniens ? […]“Après un rappel de la définition de génocide, les élèves concluent qu’elle donne  »sa » définition du mot  »génocide » qui serait la définition officielle selon eux, mais pas la bonne. Ils continuent en arguant qu’elle ne détient pas les informations justes. Que les Juifs  »sont partout »:  »Coca-Cola, ce sont les Juifs »,  »L’attentat des tours jumelles, ce sont les Juifs » et  »Le dollar aussi, ce sont les Juifs ».

Il n’y a pratiquement plus aucun enfant juif dans les écoles publiques de Seine-Saint-Denis

Il n’est par conséquent pas étonnant que les Juifs fuient, à certains endroits, les établissements scolaires publics comme c’est le cas en Seine-Saint-Denis. En effet, alors qu’il y a environ dix ans, nous ne comptabilisions que trois écoles juives dans ce département, il y en a aujourd’hui huit ! Certaines familles, par manque de place dans ces écoles, en viennent même à inscrire leurs enfants dans les établissements privés catholiques faisant dire au grand rabbin de France Haïm Korsia, le 16 février 2015 sur Europe 1 : « il n’y a pratiquement plus aucun enfant juif dans les écoles publiques de Seine-Saint-Denis. » De manière plus générale, il n’est pas anodin de noter qu’en 1990, en France, il y avait 8000 élèves qui étaient scolarisés dans l’enseignement privé juif. En 2014, il y en avait 32 000 ! Qu’on ne nous dise pas qu’il s’agit d’une tendance qui s’explique par des motifs religieux. En effet, la communauté juive française n’a jamais été aussi laïque et sécularisée qu’aujourd’hui.

Les Juifs qui représentent moins de 1% de la population française polarisent à eux seuls la moitié des actes racistes.

Face à ce terrible constat, qu’attendons-nous pour agir ? Est-il normal que nos compatriotes juifs ne se sentent plus en sécurité sur des pans entiers du territoire français ? Est-il acceptable que des familles juives en soient à devoir inscrire leurs enfants dans des établissements scolaires privés pour des motifs purement sécuritaires ? Est-il admissible que la Seine-Saint-Denis ait perdu 80% de sa population juive en seulement une dizaine d’années ? Non, évidemment !

Une funeste abnégation

A force de vouloir dissimuler les problèmes par peur de stigmatiser la communauté musulmane, nous avons laissé se développer un antisémitisme virulent qui est aux antipodes de ce qu’est la République et de ce qu’est la France. En effet, soyons-en certains, c’est bien dans les zones où l’islamisme progresse le plus que ce nouvel antisémitisme prolifère ! C’est bien la radicalisation d’une partie des musulmans estimant que les Juifs sont d’affreux mécréants à faire fuir et à décimer que la population juive doit affronter. C’est bien le refus catégorique de certains individus islamisés d’adhérer aux valeurs républicaines et celui de l’Etat de lutter vraiment contre ces derniers que paye aujourd’hui en France la communauté juive ! La vérité est que l’Etat français a préféré abandonné les Juifs plutôt que de risquer de déclencher de vives tensions pouvant à terme déboucher sur une guerre civile. De cette funeste abnégation est née, pour la communauté juive, une effroyable persécution !

En effet, d’après une étude publiée en 2017 par la Fondation pour l’innovation politique sur les violences antisémites en Europe, la France comptabilise le plus d’incidents violents, évalués à 4092 sur la période 2005-2015. Les Juifs qui représentent moins de 1% de la population française polarisent à eux seuls la moitié des actes racistes.

L’incapacité de la France à protéger les Juifs sur son territoire est un indicateur pour eux que quelque chose s’est brisé, que ce pays qu’ils aiment et auquel ils ont cru n’est pas à la hauteur de ses principes et de ses valeurs. La lutte contre l’antisémitisme qui s’est, dans les faits, traduite par une démonstration d’impuissance et surtout de renoncement par peur de stigmatiser une communauté contre une autre, n’a pas été à la hauteur de leurs exigences. La France qui a longtemps été pour les Juifs une terre d’asile est progressivement, sur des pans entiers de son territoire, en train de se transformer en terre d’exil. La France a failli, la République a renoncé, les Juifs partent pour mieux fuir un pays dont ils ont le sentiment qu’il les a de nouveau trahis.

Génération «J'ai le droit »: La faillite de notre éducation

Price: 18,00 €

42 used & new available from 2,26 €

Une France soumise - Les voix du refus

Price: 25,90 €

32 used & new available from 2,79 €

Principal de collège ou imam de la république ?

Price: 16,90 €

43 used & new available from 1,86 €

Etats-Unis: Constitution contre Constitution

0
Christopher Caldwell est journaliste (Claremont Review of Books, New York Times, Commentary), membre du comité de rédaction de Commentaire et l’auteur d’Une révolution sous nos yeux (L’Artilleur) et The Age of Entitlement (Simon & Schuster). © HANNAH ASSOULINE

Pour l’éminent journaliste et écrivain américain, la cancel culture est l’aboutissement du mouvement pour les droits civiques des Noirs. Cette grande cause a eu pour conséquence l’affaiblissement de la Constitution et la montée en puissance des juges. Les nombreuses décisions des tribunaux au cours des ans en faveur des femmes, des homosexuels, des transgenres ont crééune deuxième constitution dont la vague de folie « woke » est le dernier résultat.


Causeur. Dans votre dernier livre[tooltips content= »The Age of Entitlement: America since the Sixties, Simon & Schuster, 2020. »](1)[/tooltips], vous expliquez que toute l’histoire politique et sociale des États-Unis depuis plus de cinquante ans est marquée par le conflit entre deux constitutions. La première est celle que tout le monde connaît et qui date de la fondation du pays, et l’autre celle qui résulte de la législation des droits civiques dans les années 1960.

Christopher Caldwell. Au début des années 1960, le grand défi politique était de trouver un moyen d’en finir avec la subordination des Noirs, surtout dans le sud des États-Unis. Il s’agissait spécifiquement des Noirs, pas des minorités en général. Cependant, on n’avait pas attendu la législation sur les droits civiques pour condamner moralement ces injustices historiques et pour chercher à les corriger. D’ailleurs, le livre récent de Robert Putnam[tooltips content= »Robert D. Putnam (avec Shaylyn Romney Garrett), The Upswing, Swift, 2020. »](2)[/tooltips] montre que, pendant toute la première moitié du XXe siècle, les Noirs avaient plus progressé que les Blancs en termes économiques et sociaux. Ce qui change, avec le Civil Rights Act de 1964, c’est que, pour améliorer la condition des Noirs, on a attenté à la Constitution, en particulier aux libertés inscrites dans le premier amendement : liberté de religion, d’expression, d’association et de pétition.

De quelle façon ?

Certes, le Civil Rights Act a obligé tous les lieux recevant du public à s’ouvrir à tous, indépendamment de la race. En dehors de certaines parties des États du Sud, cette mesure n’était pas du tout controversée. Mais la loi a aussi créé de nouveaux délits de discrimination privée, autorisant des associations à poursuivre en justice des particuliers. Des dizaines de milliers de bureaucrates fédéraux ont ainsi été habilités à évaluer toutes les activités du gouvernement et des entreprises qui lui sont liées au regard de l’égalité raciale et à intenter des procès aux contrevenants. Petit à petit, les tribunaux se sont arrogé de plus en plus de pouvoirs sur les interactions entre particuliers ; ils ont élargi la gamme des infractions qualifiées de « discriminations » et assoupli les normes de preuve, moins exigeantes. En 1971, un jugement célèbre contre une société d’électricité (Griggs v. Duke Power Co.) a montré que l’on pouvait être tenu pour responsable de discrimination même pour une action de caractère non racial. Très rapidement, le délit de discrimination s’est appliqué à n’importe quel environnement considéré comme « hostile », voire à l’expression d’une opinion non conformiste. Ainsi en sommes-nous arrivés à cette culture de dénonciation et d’inquisition, bref à cette « cancel culture », que nous connaissons aujourd’hui.

Mais comment ces lois en sont-elles arrivées à concurrencer la Constitution ?

Avec l’accélération de l’immigration et la révolution sexuelle, d’autres groupes ont exigé une protection législative semblable à celle dont avaient bénéficié les Noirs. Désormais, pour changer la loi, on n’a plus besoin d’emprunter la procédure traditionnelle et de convaincre une majorité d’élus : il suffit qu’un juge affirme qu’un groupe souffre d’une injustice pour que la loi soit de facto modifiée. Ainsi, des militants hispaniques se sont appuyés sur la loi de 1964 pour revendiquer et obtenir le droit à l’enseignement en langue espagnole. Des raisonnements similaires ont abouti à accorder des droits spécifiques aux homosexuels, puis en 2020 aux transgenres, à travers une décision de la Cour suprême rédigée par un juge nommé par Trump. De plus en plus de groupes – les minorités ethniques, les femmes, les gays… – ont contribué à transférer des pouvoirs de la vieille Constitution, démocratique et représentative, ratifiée en 1788, à cette cryptoconstitution plus bureaucratique et judiciaire. Mécaniquement, une catégorie de citoyens s’est retrouvée sous-représentée et exclue de la protection des droits civiques : les hommes blancs hétérosexuels, surtout les plus pauvres et les moins diplômés – car les riches trouvent toujours le moyen de s’en sortir. C’est ce groupe qui a voté majoritairement pour Trump en 2016.

Avant d’aborder la présidence de Trump, quel est le lien entre ce conflit des constitutions et la mondialisation, qui a appauvri ce même groupe d’électeurs ?

Le Civil Rights Act de 1964 a eu un coût économique très important, l’égalité des chances exigée par la loi ayant été rapidement interprétée comme une égalité de résultats. Pour égaliser les conditions sociales entre Noirs et Blancs, le président Lyndon B. Johnson a lancé un programme massif de dépenses publiques appelé la « Grande Société ». Des sommes colossales ont été dépensées en prestations sociales, s’ajoutant aux allocations chômage, et à la construction de logements sociaux. Louable intention, mais beaucoup de ces projets immobiliers, comportant des tours d’habitation, se sont révélés moins durables que les HLM françaises. L’exemple classique est celui du quartier Pruitt-Igoe, à Saint-Louis, construit dans les années 1950 et démoli entre 1972 et 1976. Des chercheurs de The Heritage Foundation, un think tank conservateur, ont calculé que, entre 1964 et 2014, la grande campagne contre la pauvreté et l’inégalité a coûté au contribuable américain 22 000 milliards de dollars, trois fois plus que le coût total de toutes les guerres de l’histoire des États-Unis[tooltips content= »Rachel Sheffield, Robert Rector, « The War on Poverty after 50 Years », The Heritage Foundation, 2014. »](3)[/tooltips]. Ces dépenses, qui servaient à acheter la paix sociale, ont favorisé le clientélisme politique. Seulement, les électeurs étaient de moins en moins disposés à payer les impôts nécessaires au financement de ces dépenses. L’aboutissement de cette évolution, c’est l’élection de Ronald Reagan qui, dans les années 1980, réforme la fiscalité et accepte que l’État soit en déficit quasi permanent. Pour maintenir ses finances à flot, le pays ouvre grand ses portes à des ouvriers du tiers-monde, qui travaillent pour moins cher, et permet la délocalisation des usines. Le coût de l’égalité des droits civiques est en partie responsable de la situation où nous sommes aujourd’hui.

Signature du Civil Rights Act par Lyndon B. Johnson, en présence de Martin Luther King et de militants des droits civiques, Maison-Blanche, 2 juillet 1964. © Wikimedia
Signature du Civil Rights Act par Lyndon B. Johnson, en présence de Martin Luther King et de militants des droits civiques, Maison-Blanche, 2 juillet 1964. © Wikimedia

Peut-être, mais ces mesures sont difficilement contestables sur le plan politique, sinon moral.

Le problème est précisément qu’elles inhibent toute possibilité de contestation. Les textes législatifs ne limitent pas explicitement la liberté d’expression, mais leur mise en œuvre concrète a inéluctablement conduit à la restreindre. D’ailleurs, le but de mon livre est de mettre au jour la généalogie qui va de la marche sur Washington de Martin Luther King de 1963 à la cancel culture de notre époque. Il est significatif que vous souleviez côte à côte le « politique » et le « moral » : ce sont deux sphères distinctes, mais les droits civiques les confondent à tel point qu’il est impossible de les démêler. Encore une fois, le Civil Rights Act représentait une révolution bien plus politique que morale. Les prémisses morales étaient déjà acquises : tout le monde était d’accord sur le fait que l’inégalité raciale tolérée par le gouvernement violait les principes constitutionnels et chrétiens des États-Unis. Reste que, jusqu’à la loi de 1964, quand les autres principes constitutionnels que sont la liberté d’expression et d’association entraient en contradiction avec le principe d’égalité, les premiers prévalaient. Après un demi-siècle de jurisprudence, c’est le contraire : tout l’édifice normatif est soumis à l’antiracisme, et, au-delà, au féminisme, à l’immigrationnisme… Toute institution, tout groupe organisé dont la composition démographique ne reflète pas celle du pays peut être sanctionnée par un juge. Par conséquent, la cancel culture n’est pas un dévoiement des droits civiques, mais l’aboutissement de leur application.

Si l’élection de Donald Trump en 2016 s’explique largement par le sentiment d’aliénation des classes ouvrières blanches dans la mondialisation, a-t-il apporté des solutions ?

Je ne parle pas des événements post-2016 dans mon livre, qui n’est ni un manifeste ni une polémique, mais un essai historique. Cependant, à la lumière de mon analyse, on peut dire que le programme électoral de Trump était conçu pour parler à ces laissés-pour-compte. Chaque fois qu’il a dû faire un choix, il a choisi moins de mondialisation au lieu de plus. Ses mesures économiques ont eu un effet positif à partir de 2017 : à rebours de la tendance générale depuis trente ou quarante ans, les revenus des 10 % les plus riches ont stagné tandis que ceux des 25 % les moins riches ont progressé rapidement. Tout s’est effondré avec l’arrivée du coronavirus. En revanche, Trump n’a pas du tout démantelé les structures juridiques et bureaucratiques qui mettent en œuvre la deuxième constitution.

De quelles structures s’agit-il ?

De nos jours, l’aspect le plus visible de la législation des droits civiques est le politiquement correct. La plupart des Américains pensent qu’il s’agit d’une transformation culturelle initiée par des courants intellectuels comme le poststructuralisme français. En réalité, c’est bien plus un ensemble très complexe de règles, de décisions et de précédents juridiques qui s’appliquent aux institutions publiques comme aux entreprises privées, régissant la façon dont elles traitent les minorités pour lesquelles elles doivent créer un environnement accueillant. Chaque fois qu’il faut statuer sur une question – par exemple, une école a-t-elle le droit de ne pas embaucher une institutrice transgenre ? –, l’affaire est toujours réglée dans le sens progressiste. Il est facile de se plaindre des résultats, mais il est très difficile de comprendre les subtilités légales du système et de défaire l’édifice juridique. Trump n’a jamais eu la patience ou la finesse nécessaires pour aborder cette tâche. Sous sa présidence, le politiquement correct a fait des progrès immenses, beaucoup plus même que sous Obama. On n’a qu’à considérer le mouvement #Metoo, la réaction des entreprises et des universités aux manifestations BLM, ainsi que l’intégration des droits des transgenres à l’ensemble de ceux que le gouvernement fédéral fait respecter de manière inflexible.

Pourtant, Trump a nommé un grand nombre de juges…

Certes, il a nommé trois juges à la Cour suprême, mais leurs noms figuraient sur une liste préparée par un institut regroupant des magistrats et avocats conservateurs, The Federalist Society, et The Heritage Foundation. Leur conservatisme vieux jeu, antérieur à Trump, est plus préoccupé des libertés des hommes d’affaires que du droit d’une féministe radicale de faire virer de son université un historien de l’armée des États confédérés. Trump a nommé aussi des juges aux tribunaux fédéraux inférieurs, ce qui pourrait avoir un plus grand impact sur le système. Cependant, il importe moins de changer les personnes qui interprètent la loi que de changer la loi elle-même. Depuis vingt ans, l’administration américaine fonctionne avec des ordres exécutifs de la Maison-Blanche (équivalents de nos décrets), car le Congrès est tellement divisé qu’il est très difficile d’adopter de nouvelles lois. Trump n’a pas fait de tentative pour modifier la législation sur les droits civiques.

Christopher Caldwell © HANNAH ASSOULINE
Christopher Caldwell © HANNAH ASSOULINE

Donc Donald Trump n’a pas été le grand défenseur de la Constitution. Mais diriez-vous, comme beaucoup de commentateurs, que la fin de son mandat a causé du tort à la Constitution ?

La procédure d’impeachment lancée contre lui (qui pourrait, si elle aboutissait, l’empêcher de se présenter à nouveau) est en effet prévue quand le président est accusé de commettre des actes portant atteinte à la Constitution. Ce n’était pas le cas pour les tentatives précédentes de destituer Trump, à propos de la prétendue collusion avec la Russie et du coup de téléphone ukrainien, tentatives peu convaincantes au demeurant. L’assaut contre le Capitole est plus ambivalent. Les événements eux-mêmes ont été indubitablement choquants. Mais l’important est de savoir si les paroles prononcées par Trump à l’intention de ses supporteurs traduisaient une volonté de les pousser à commettre des actions criminelles. Si cette affaire était jugée devant un tribunal normal, les membres du jury seraient probablement divisés. Reste que, cette fois, l’accusation est à prendre au sérieux. Encore plus inquiétant sur le plan constitutionnel est le coup de fil du 2 janvier au cours duquel Trump a essayé de faire pression sur le secrétaire d’État de Géorgie pour qu’il révise le résultat des élections présidentielles dans son État. Qu’il croie que l’élection ait été volée ou non, un président ne doit pas tenter de pervertir le processus électoral. Loin d’être un héros de la Constitution, Trump s’est avéré une vraie menace pour elle !

Peut-être Trump a-t-il attenté à la vieille Constitution. Biden va-t-il se mettre au service de la constitution rivale, celle des droits civiques ?

Dans le contexte de la pandémie et des divisions de l’électorat de Trump, Joe Biden n’a pas eu besoin de faire campagne sur un programme très détaillé. Son programme, c’est qu’il n’est pas Trump. Ce flou idéologique a permis de masquer une contradiction réelle au sein du Parti démocrate, qui est à la fois le parti des maîtres de l’économie mondialisée et celui des gens qui voudraient exproprier ces maîtres. Biden a lancé un appel rhétorique à l’unité nationale, qui est parfaitement adapté à la situation. Cependant, étant donné les circonstances dans lesquelles la présidence de Trump s’est effondrée, de nombreux membres de son administration vont se comporter comme s’ils appartenaient à un gouvernement d’urgence nationale. Je m’attends à ce qu’ils promulguent et appliquent toute une foule de lois et d’ordres exécutifs avec un zèle redoublé.

Responsabilité des juges: on entrevoit enfin la lumière dans la politique judiciaire de Macron

0
Francois Molins et Chantal Arens, présidents du Conseil supérieur de la magistrature, organe garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire, septembre 2019 © Jacques Witt/SIPA Numéro de reportage : 00922491_000041

Le président de la République « lance le chantier de la responsabilité des magistrats ». Il a raison de le faire. Même tardive, c’est enfin une avancée importante.


Cela fait des années que magistrat puis citoyen, je plaide en faveur d’une nouvelle responsabilité des magistrats. Le moins qu’on puisse dire est que cette obsession, centrale dans ma vision de la Justice, n’a jamais été bien accueillie. Comme si je portais atteinte à une sorte d’impunité.

Pourtant, j’ai toujours été persuadé que, loin de diminuer la confiance des citoyens à l’égard des magistrats, une responsabilité élargie mettant en cause défaillances professionnelles et faiblesses éthiques serait le meilleur moyen pour restaurer un lien fort entre la société et les juges. Plutôt que de pourfendre en général la Justice sans la connaître, on saurait alors précisément qui, quel magistrat a fauté. La médiocrité ne serait plus noyée dans une masse qui l’occulterait.

La mission de réflexion demandée par le président de la République n’a que le tort d’avoir été confiée au Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Comme il est absurde de réclamer aux technocrates qu’ils réforment la technocratie, aux universitaires l’Université, il est peu efficient de solliciter d’un organe comme le CSM des avancées dans ce domaine de la responsabilité pourtant capital.

A lire aussi: Justice: Non, chers amis réacs, l’emprise n’est pas forcément une tarte à la crème!

J’apprécie que le président ne se soit pas arrêté à la volonté « de rendre plus efficace le dispositif de plaintes de justiciables » puisqu’en six ans, le filtre mis en place a tellement bien fonctionné que « seules trois plaintes de justiciables ont donné lieu à un renvoi devant la formation disciplinaire ». Cette rareté était prévisible à cause du manque d’enthousiasme évident de la magistrature face à cette obligation démocratique. Sa mission essentielle sera, en effet, d’examiner « la possibilité de mieux appréhender l’insuffisance professionnelle du magistrat dans son office juridictionnel, dans le respect du principe d’indépendance ».

Pour la première fois, on ne semble pas exclure certaines pratiques judiciaires de la définition d’une responsabilité approfondie, en dépit des arguments fallacieux souvent évoqués sur la liberté du juge et les voies de recours. Par ailleurs la collégialité sera sans doute abordée par le CSM. Mais elle n’est pas invoquée d’emblée comme une impossibilité. En effet, il me semble que la responsabilité collective qu’implique la collégialité n’est pas forcément contradictoire avec la recherche d’une défaillance particulière en son sein.

Rien ne me paraît plus riche de sens que cette tentative de rechercher et d’identifier une responsabilité à portée disciplinaire au cœur d’une indépendance trop souvent perçue tel un bouclier absolu et vécue comme le droit de faire, dans une interprétation extensive ou malicieuse de la loi, à peu près n’importe quoi.

J’ai souvenir, par exemple, de l’arrêt d’une chambre d’accusation présidée par Gilbert Azibert, remettant en liberté « le Chinois », malgré une double condamnation criminelle à son casier judiciaire. Ce tueur a perpétré six mois plus tard, à nouveau, plusieurs crimes au Plessis-Trévise. Le président de cette juridiction n’est évidemment pas directement responsable de ces tueries, mais l’élargissement qu’il a permis, en dépit d’éléments objectifs qui auraient dû l’interdire, pourrait être soumis au regard disciplinaire. Prenons un exemple plus basique. Le juge des libertés et de la détention qui décide un simple contrôle judiciaire ou, pire, une liberté pure et simple pour un mis en examen sans véritable domicile et grevé d’un passif judiciaire lourd, commet à mon sens un acte qui malgré la voie de recours à venir constitue intrinsèquement une aberration procédurale, une démarche partisane ou un aveuglement humain. J’espère que le CSM aura le courage d’affronter les multiples problématiques qui peuvent être examinées même en tenant compte de la normalité de la liberté des juges et des voies de recours.

A lire aussi, du même auteur: Assa Traoré nage en plein délire!

Si pour une fois le président disposait d’un rapport audacieux et consistant – on a le droit de rêver -, que de grâce il ne l’enterre pas en vertu de cette tradition qui fait que plus les conclusions sont pertinentes, moins on les met en œuvre !

Qu’on ne proteste pas non plus en se plaignant de voir la seule magistrature ciblée ! Le Barreau ne nous concerne pas, mais mon expérience de magistrat et de citoyen me permet d’affirmer que le corporatisme des avocats dépasse celui des juges et que les Conseils de l’ordre sont d’une extrême indulgence sur le plan disciplinaire. Selon que vous serez connu ou non, puissant ou non … La Fontaine toujours d’actualité !

En tout cas le président, avec cette responsabilité à amplifier, a ouvert un chantier capital. Bonheur de pouvoir mettre enfin une pierre positive dans la politique judiciaire d’Emmanuel Macron !

Le Mur des cons

Price: 18,90 €

48 used & new available from 2,57 €