Accueil Culture « 3615 Monique » et « Ovni(s) »: Dis papa, c’était vraiment comme ça la France?

« 3615 Monique » et « Ovni(s) »: Dis papa, c’était vraiment comme ça la France?

Deux comédies françaises réussies à retrouver en feuilleton sur Canal+


« 3615 Monique » et « Ovni(s) »: Dis papa, c’était vraiment comme ça la France?
Ovni(s) © NICOLAS VELTER / MONTEBELLO PRODUCTIONS / CANAL+

Canal+. Deux excellentes séries comiques, en nous faisant replonger entre 1978 et le début des années 80, suscitent une mélancolie paradoxale.


3615 Monique et Ovni(s) sont deux séries françaises actuellement disponibles sur la plateforme de Canal. Elles sont, chacune à leur manière, très bien faites, très bien écrites et très bien jouées. Elles ont pour point commun de se dérouler il y a une quarantaine d’années. En 1978 pour Ovni(s) et au tout début des années 80 pour 3615 Monique.

Nos années Minitel

3615 Monique raconte les débuts du Minitel à travers trois étudiants d’une fac de science de la ville de Jouy (!). Il y a Stéphanie – toutes les filles s’appelaient Stéphanie à l’époque, issue d’une bonne famille et qui vient de rater Polytechnique. Elle est jouée par la délicieuse Noémie Schmidt qui parvient à faire oublier sa trentaine et reste parfaitement crédible, avec sa frange délicieuse, dans un rôle où elle a 19 ans. Elle est entourée de deux garçons. Simon (Arthur Mazet) est un peu complexé par son pucelage mais se montre particulièrement doué dans ce qu’on appelait encore avec une révérence teintée d’inquiétude, l’électronique. Quant à Toni (Paul Scarfoglio), il est franchement plus dessalé et déconneur. Assez vite, ces trois-là unissent leur compétences et voient les possibilités qu’offre ce Minitel qui leur est présenté comme objet d’étude et preuve de l’avancée décisive de la France dans les technologies de la communication. Et l’idée de détourner l’usage du Minitel pour le transformer en messagerie érotique, facturée à la minute leur vient assez vite. On n’appelait pas encore cela une start-up, mais ça y ressemblait déjà et le jeune Simon apprécie assez peu que la messagerie soit appelée 3615 Monique, du nom de sa mère qui provoque chez Toni ce qu’on pourrait appeler le « syndrome du Lauréat ».

Qui se souvient du Gepan?

Ovni(s) se passe un peu plus tôt. En 1978, le projet Ariane est encore dans les cartons mais ne va pas tarder à en sortir. Comme le dit un des personnages, « la France est la troisième puissance spatiale ». Un ingénieur plutôt brillant, Didier Mathure (Melvil Poupaud) rate le lancement d’une fusée qu’il a conçue. On le placardise plus au moins au Gepan (Groupe d’études des phénomènes aérospatiaux non identifiés). Le Gepan a réellement existé, créé en 1977 alors que les OVNI étaient vus un peu partout dans l’Hexagone et que Jean-Claude Bourret en faisait des best-seller. La série, créée par Clémence Dargent et Martin Douaire, réalisée par Antony Cordier, est une déclinaison comique, mais pas parodique, de X-Files ou des Envahisseurs. L’ingénieur Mathure a des problèmes conjugaux, il est divorcé de son épouse et collaboratrice Elise (la trop rare Géraldine Pailhas). Au Gepan, il est entouré d’une équipe un peu foutraque où l’on retrouve le génial Michel Vuillermoz.

A lire aussi, Thomas Morales: Voyage dans la galaxie Mitterrand

Mais au-delà d’un scénario qui rappellera à certains les meilleurs volumes de la collection Anticipation du Fleuve Noir qu’on trouvait alors dans les tourniquets des gares, ce qui plaira ici, c’est la reconstitution très colorée de la fin des années 70, les costumes verts pomme et les cravates orange qui font mal aux yeux, les DS break, les Simca 1100, la musique planante du générique de Folon qui signalait la fin des programmes sur la deuxième chaine.

À regarder ces deux séries qui se concentrent sur la même période, une curieuse mélancolie vient peu à peu envahir ceux qui ont connu cette époque adolescents. Il semble que la France s’aimait en ce temps-là, qu’elle avait confiance en son destin de grande nation, que son Etat stratège développait des technologies qui devaient servir à tous gratuitement (le Minitel) ou qui faisaient rêver (la conquête spatiale). Et finalement, elles prouvent que la nostalgie n’est pas une posture passive mais le meilleur moyen d’explorer le passé et de comprendre tout ce que nous avons perdu en quarante ans.

Ovni(s), série créée par Clémence Dargent et Martin Douaire, réalisée par Antony Cordier. Avec Melvil Poupaud, Géraldine Pailhas, Michel Vuillermoz, Daphné Patakia, Quentin Dolmaire (Fr.-Bel., 2020, 12 × 30 min.) Le lundi soir. En intégralité sur MyCanal.

3615 Monique, série créée par Emmanuel Poulain-Arnaud et Armand Robin. Avec Noémie Schmidt, Arthur Mazet, Paul Scarfoglio (Fr., 2020, 10 × 25 min). Deux épisodes le jeudi soir. En intégralité sur MyCanal.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Lumières du Nord
Article suivant Monolithes mystérieux: humains, trop humains

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération