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19, bis boulevard Montmartre


Tonie Behar est loin d’être un écrivain débutant. Née à Istanbul dans une famille judéo-espagnole, elle s’installe à Paris et commence une carrière dans le monde du luxe ; elle intègre notamment le service presse de la maison de couture Ungaro.

En 2002, elle crée l’agence de rédaction Plume, spécialisée dans les contenus liés au luxe et la beauté. Parallèlement, elle devient journaliste-pigiste et collabore à Citizen KCosmopolitanBiba, Paris Capitale, Le Huffington Post ou Le Parisien. Elle publie également des comédies romantiques.

Trad wifes

Avec Toutes nos promesses, son dernier roman, elle poursuit sa saga Grand boulevards, une série d’opus qui peuvent se lire indépendamment et qui, tous, se déroulent dans un même immeuble situé au 19 bis du boulevard Montmartre.

Dans ce dernier ouvrage, elle nous invite à suivre les pas de Bettina, une gentille et moderne maman qui ne comprend pas toujours sa fille Capucine, 13 ans, qui se saoule de vidéos TikTok ; ces dernières prônent le retour de l’épouse au foyer à la façon des ménagères des fifties. Bettina s’insurge ; elle déteste ces concepts qu’elle considère réactionnaires, elle, séparée de son mari depuis peu, femme libre, indépendante, dynamique, créatrice de sa marque de bijoux qui cartonne. Pour tenter de raisonner Capucine, Bettina lui fait lire une livre d’Antoinette Dauzat, journaliste de la Belle Epoque, avant-gardiste, féministe qui vécut dans leur immeuble du 19 bis, boulevard de Montmartre.

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Antisémitisme répugnant

Tonie Behar parvient à nous tenir en haleine avec un roman habilement construit, vif et souvent fort amusant. De chapitre en chapitre, on fait des bonds dans le temps en passant de nos jours à 1888 ou/et au début du siècle précédent. Elle nous sert de belles descriptions du Paris de la fin du XIXe siècle, cerne bien l’esprit du féminisme naissant. « Elle m’initia à la littérature, mais me montra aussi les conditions de vie de nos paysans, me conta les difficultés du monde ouvrier, ouvrit mon cœur au sort misérable des animaux, et surtout m’enseigna la fierté d’être une femme », fait-elle dire à l’une de ses narratrices. « Même si les personnes de notre sexe n’ont, aujourd’hui encore, guère plus de droits que des enfants, nous possédons des cerveaux capables de réfléchir aussi vite et bien que les hommes et une force caractère qui leur fait souvent défaut, quoiqu’ils en pensent. » Voilà qui est dit !

À travers les propos ignobles et infâmes de la tante Ursule, elle dresse une peinture sans appel de ce que pouvait être l’antisémitisme le plus répugnant de cette époque ; l’affaire Dreyfus est, bien sûr, dans toutes les conversations.

Les retours dans le présent avec les histoires de Bettina sont tout autant savoureux, notamment quand cette dernière, présente sur le tapis rouge du Festival de Cannes pour défendre sa collection de bijoux, bouscule involontairement une jeune star coréenne, ce qui provoquera un tsunami sur les réseaux sociaux. Grâce à cet événement, Bettina et Capucine parviendront à se rapprocher…

Toutes nos promesses, Tonie Behar ; Charleston ; 382 pages.

Toutes nos promesses

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Assassinat de Charlie Kirk, le point de bascule

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Une tribune libre de Nicolas Conquer


Ils pensaient faire taire le mouvement MAGA en s’attaquant à l’un de ses chefs de file. C’est tout l’inverse qui se produit : c’est désormais une génération entière de Charlie Kirk qui s’apprête à se lever.

Charlie Kirk est tombé en héros, son unique arme à la main : un micro. Avec lui, il affrontait les idéologues installés, les universitaires sûrs d’eux, les experts de plateau prompts à dénigrer. Avec lui, il réveillait une jeunesse endormie. Quand le débat cesse, c’est la violence politique qui commence. Cette mécanique tragique, nous l’avons vue à l’œuvre au plus haut niveau : Donald Trump lui-même a été la cible de tentatives d’assassinat durant sa campagne, signe qu’aux États-Unis comme ailleurs, frapper l’homme devient le moyen d’essayer d’abattre une idée.

Engrenage funeste

L’Amérique traverse une série de drames qui la marquent au fer rouge. Le meurtre d’Iryna, réfugiée ukrainienne de 23 ans, poignardée dans l’indifférence quasi générale, sur fond de motivation raciale anti-blanche et rendu possible par un laxisme judiciaire criminel, avait déjà suscité ce constat glaçant de Kirk : « l’Amérique ne sera plus jamais la même ». Puis la tuerie d’enfants au Minnesota par un terroriste trans avait ajouté un cran d’horreur. Aujourd’hui, l’assassinat de Charlie Kirk marque un nouveau basculement. Sans doute l’attentat politique le plus grave depuis JFK. Et, encore une fois, l’Amérique ne sera plus jamais la même.

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Ces drames ne sont pas des faits divers isolés. Ils dessinent une pente, celle d’un engrenage funeste. Ce n’est pas la guerre culturelle en tant que telle qui tue, mais la violence politique née de la déshumanisation de l’adversaire par un camp du bien autoproclamé. On ne se contente plus de combattre des idées : on veut abattre ceux qui les portent. On ne tue pas seulement des hommes, on cherche à faire taire des voix. Or Kirk incarnait à la fois une voie — un chemin pour la jeunesse conservatrice — et une voix qui portait haut la foi, la patrie et la famille.

Dès ses premiers combats, il avait compris ce que tant d’hommes politiques refusent encore de voir : la jeunesse, la fameuse Génération Z, ne voulait pas qu’on s’occupe d’elle, elle voulait reprendre en main la politique. Là où d’autres voyaient une jeunesse anesthésiée, il a réveillé des milliers d’étudiants,leur rappelant qu’avant d’être conditionnés par une auto-censure nourrie à l’idéologie woke, ils pouvaient être acteurs de leur destinée. Turning Point USA1, l’organisation qu’il a fondée, en est la démonstration éclatante : une machine de guerre culturelle et de mobilisation électorale, pesant des dizaines de millions de dollars et fédérant des milliers de jeunes, partout sur les campus et qui aura joué un rôle décisif dans la réelection de Donald Trump en 2024.

Kirk n’a jamais fui l’échange, y compris avec ses adversaires les plus farouches. Il affrontait les progressistes sur leur propre terrain, les universités. Il fut même le tout premier invité du podcast du gouverneur de Californie, Gavin Newsom2, symbole de la gauche américaine. Là où ses ennemis érigeaient des murs idéologiques, lui tendait un micro. Cette volonté de dialogue contrastait avec le sectarisme de ceux qui, incapables de le réfuter, se réjouissent aujourd’hui de son élimination.

La droite mène la bataille culturelle sur internet

Je l’avoue : moi-même, parfois, j’ai douté. Je me suis demandé si le jeu en valait la chandelle. J’ai songé à me retirer, à abandonner un combat qui use, qui expose, qui fragilise. Mais depuis ce drame, c’est tout l’inverse. Je sens en moi une radicalité nouvelle, une ardeur inextinguible. Le sacrifice de Kirk n’éteint pas la flamme, il la propage. Il a ouvert la voie — et nous a transmis la voix.

Dans mon livre à paraître en janvier chez Fayard, j’ai consacré un chapitre entier à cette « droite numérique » qui a permis à Trump de construire une contre-culture puissante, enracinée, populaire. Charlie Kirk y occupe une place centrale. Il a montré que les réseaux sociaux ne sont pas condamnés à être des machines à endoctrinement progressiste, mais peuvent devenir les tribunes de la foi, de la patrie et de la liberté.

Tertullien, Père de l’Église au IIᵉ siècle, écrivait : « le sang des martyrs est la semence des chrétiens ». Chaque persécution, loin d’éteindre la foi, la faisait croître. Ce paradoxe vieux de deux millénaires se répète aujourd’hui : les martyrs d’hier nourrissaient la foi chrétienne, les martyrs d’aujourd’hui allument le réveil patriotique.

Et que voyons-nous en France ? Les mêmes poisons, les mêmes travers. L’immigration de masse dissout notre cohésion. L’empathie suicidaire nous désarme face à la barbarie. Une élite médiatique justifie toujours, excuse toujours, relativise toujours — sauf quand il s’agit de condamner les conservateurs. Ce que vit l’Amérique, nous le connaissons déjà : notre propre suicide civilisationnel masqué derrière des discours compassionnels.

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Dans le même temps, certaines voix, comme celles de Villepin ou de perroquets du prêt-à-penser, osent prétendre que Trump et les républicains seraient responsables de cette violence. Abject renversement accusatoire ! En désignant les conservateurs comme menace légitime à abattre, ces commentateurs normalisent la violence politique.

L’assassinat de Kirk est un réveil brutal. Turning Point — littéralement, le point de bascule — porte bien son nom. L’Amérique vient de franchir un seuil. Et nous, Français, serons les prochains si nous ne réagissons pas. Nous ne pouvons plus nous contenter d’une communication lisse et sans saveur. Nous devons descendre dans l’arène, occuper l’espace public, provoquer le débat, refuser d’abandonner le moindre pouce de terrain.

La jeunesse n’attend pas des gestionnaires. Elle attend des combattants. L’Amérique nous alerte : si nous restons passifs, si nous continuons à caresser les illusions progressistes, nous mourrons de notre propre empathie suicidaire. Mais si nous acceptons le combat, alors ce qui semblait une fin deviendra un commencement. La droite française n’a pas besoin d’un nouveau slogan. Elle a besoin d’un micro.

Repose en paix, Charlie. Merci de nous avoir ouvert la voie. Merci de nous avoir transmis la voix. Et à ceux qui doutent encore, je n’ai qu’une exhortation : Fight. Fight. Fight.

  1. https://tpusa.com/ ↩︎
  2. https://open.spotify.com/show/1Volbkd8d5r8IpQ2EWZSC4 ↩︎

Armes turques au Soudan: lire entre les lignes du rapport de l’ONU

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Un récent rapport des Nations Unies a confirmé que le conflit en cours au Soudan est alimenté par l’arrivée d’armes de fabrication turque, malgré l’embargo sur les armes qui aurait dû empêcher une telle issue. Cette découverte est plus qu’une simple violation du droit international : elle met en lumière la manière dont des États fragiles deviennent des laboratoires d’essai pour les technologies militaires de pointe et comment des puissances moyennes comme la Turquie remodèlent le commerce mondial des armes.

Ce que l’ONU a découvert

Les experts de l’ONU ont détaillé un ensemble de systèmes turcs actuellement présents au Soudan, notamment :

  • Drones Bayraktar TB2 : Déjà connus pour leur rôle dans les conflits, de la Libye à l’Ukraine, les TB2 sont désormais utilisés au Soudan, offrant aux factions de nouvelles perspectives et des capacités de frappe de précision.
  • Drones Akenji : Un modèle plus récent et moins répandu, suggérant que le Soudan pourrait être un terrain d’essai précoce pour leur déploiement, que ce soit par le biais de ventes clandestines ou de transferts à des tiers.
  • Systèmes de guerre électronique : Ils permettent aux forces de brouiller les communications, de perturber les radars et même de neutraliser les drones adverses. Ces systèmes avancés sont rares dans les conflits africains et représentent un progrès majeur en termes de capacités.
  • Armes légères et véhicules blindés issus de fabricants turcs.

La présence de ce mélange d’armes suggère que le conflit soudanais est en pleine évolution. Ce qui était autrefois une lutte de pouvoir conventionnelle entre les Forces armées soudanaises (FAS) et les Forces de soutien rapide (FSR) est aujourd’hui transformé par les drones et la guerre électronique, des outils capables de faire pencher la balance d’une manière que les armes traditionnelles ne peuvent pas faire.

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Implications sur le conflit soudanais

Pour le Soudan, l’arrivée des systèmes turcs a deux conséquences majeures.

Premièrement, elle accroît les enjeux de la violence. Les drones comme le TB2 facilitent la surveillance et les frappes ciblées, tandis que les systèmes de guerre électronique complexifient les communications sur le champ de bataille. Ensemble, ils permettent des campagnes plus précises et plus durables, mais avec des coûts dévastateurs pour les civils piégés dans les zones de combat urbaines.

Deuxièmement, elle remodèle les rapports de force. Dans les conflits où la légitimité et le contrôle sont déjà fragiles, l’introduction de technologies avancées peut rapidement inverser la tendance. La partie qui a accès à ces systèmes gagne non seulement en influence militaire, mais aussi en pouvoir de négociation politique.

Le rôle croissant de la Turquie dans les flux mondiaux d’armes

Le rapport reflète également une tendance plus large : l’essor de la Turquie comme exportateur mondial de matériel de défense. En développant sa propre industrie de drones et d’armement, Ankara s’est taillé une place de fournisseur de choix dans des régions où les armes occidentales sont soumises à des restrictions et où les chaînes d’approvisionnement russes sont surchargées.

Mais le Soudan soulève des questions délicates. Soit les entreprises turques ignorent les restrictions imposées par l’embargo, soit les armes sont détournées par l’intermédiaire de courtiers et de tiers, Ankara fermant les yeux. Dans les deux cas, la communauté internationale a peu de moyens de faire respecter les responsabilités.

Pourquoi cela compte au-delà du Soudan

Le cas du Soudan illustre plusieurs risques plus vastes.

L’affaiblissement des embargos sur les armes, d’abord. Si les embargos peuvent être contournés aussi facilement, ils perdent leur crédibilité en tant qu’outils de gestion des conflits. La propagation de la guerre par drones dans les États fragiles est également préoccupante : le Soudan pourrait créer un précédent pour d’autres pays en conflit, où drones et systèmes de guerre électronique pourraient devenir monnaie courante.

Conséquences géopolitiques : en fournissant des systèmes avancés, la Turquie renforce ses liens avec des acteurs que l’Occident refuse de soutenir, permettant à Ankara d’étendre son influence dans les régions contestées.

Les conclusions de l’ONU constituent un signal d’alarme. Les drones et les systèmes de guerre électronique de fabrication turque ne constituent pas seulement des violations des sanctions ; ils changent la donne dans un conflit qui se transforme déjà en l’une des pires crises humanitaires au monde.

À moins que la communauté internationale ne dépasse les embargos symboliques et ne mette en place de véritables mécanismes de surveillance et de sanction des violations, le Soudan pourrait devenir le premier d’une longue série de conflits où les exportateurs d’armes de moyenne puissance contribuent à alimenter des guerres aux conséquences régionales dévastatrices.

Emmanuel Carrère: devoir de mémoire

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Emmanuel Carrère avait publié en 2007 Un roman russe dont le grand-père maternel et problématique était la figure principale. On le retrouve dans Kolkhoze, mais, cette fois-ci, le narrateur élargit considérablement le spectre, dans le temps et l’espace puisque voici la famille au complet sur… quatre générations.


Des noms à coucher dehors

Au commencement, on se croirait dans un roman de Dostoïevski. Ayant entrepris de nous narrer l’histoire de sa famille sur quatre générations, Emmanuel Carrère nous plonge dans les aventures de Russes blancs et de Géorgiens ayant dû quitter leur pays, ou en ayant été chassés. Ce qui fait que les fameux noms « à coucher dehors » tant ils sont à la fois peu lisibles et peu prononçables s’égrènent au fur et à mesure qu’on passe par Berlin, l’Italie, l’Allemagne et la France. Heureusement, le narrateur, de manière fort plaisante, tel un GPS, nous prend par la main et, régulièrement, nous rafraîchit la mémoire. Cet oncle, rappelez-vous, c’est celui qui à la page 65 disait etc. Ainsi, nous voici réorientés. Les deux origines donc de la mère, connue sous le nom d’Hélène Carrère d’Encausse, qui s’appelait originellement Hélène Zourabichvili, sont passées au peigne fin et donnent lieu à des portraits de personnages hauts en couleur, qui ont en commun de vivre à la fois dans l’extrême pauvreté et un sentiment perdurant de leur dignité.

Un mariage comme un baptême

La rencontre entre le père, d’origine modeste, et la mère aux ancêtres aristocratiques apparaît, par-delà les sentiments, comme une histoire de noms. Ainsi, en changeant de nom, la mère se francise d’une part, et efface, d’autre part, la tache laissée par son propre père, collaborateur sous Vichy et probablement fusillé par des résistants en 1944. De son côté, le père, qui consacrera une grande partie de sa vie à la généalogie de sa femme, est fasciné par tous ces nobles, et s’octroiera une particule en passant de Dencausse à d’Encausse. Ainsi, de par le mariage, tous les deux gagnent un nouveau nom et renouvellent leur naissance.

À propos de la tache laissée par le grand-père maternel, lequel avait été le sujet d’Un roman russe, on constate les effets dévastateurs du mensonge sur l’oncle Nicolas obligé de croire une version positive à laquelle il ne croit pas, ce qui fait dire à Emmanuel Carrère qu’il y a là un tropisme russe qui sévissait sous l’Union soviétique et qui perdure aujourd’hui : croire autre chose que ce que l’on croit… Il pense lui-même ne pas avoir été épargné par le déni dont ce grand-père fut l’objet, et qui lui vaudra des années de rupture avec sa mère lorsque ce livre paraîtra.

Littérature et transmission

Pour autant, aucun règlement de comptes dans ce récit, juste l’élucidation de l’histoire. Ici, le souci de la vérité n’est en aucun cas passion monomaniaque, mais nécessité profondément morale envers la littérature, et sa propre descendance. On pourrait presque parler de la réécriture de… la réécriture de l’histoire opérée par la mère. Afin d’y voir clair, afin de ne plus être hanté. Le lecteur s’étonne, du reste, qu’une historienne puisse rétorquer à son fils que cette histoire la regarde et lui appartient, comme si elle ignorait que l’histoire, par définition, ça se transmet…

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Mais au-delà de ce noyau dur, ce roman nous offre une belle amplitude. Les récits se succèdent dans une écriture d’une rafraîchissante souplesse et d’une simplicité qui est à elle seule tout un art. Par ailleurs, Emmanuel Carrère, s’il est écrivain, est d’abord un lecteur, et il nous livre, toujours à bon escient, ses références. Ce faisant, il rend hommage à ses aînés : Ionesco, Nina Berberova,  Marguerite Yourcenar, Nabokov, Tolstoï qu’il découvrira sur le tard pour cause d’opprobre familial, et Dostoïevski, et ce, malgré ses propos théologico-poliques qui, dit-il, influenceront Vladimir Poutine de manière catastrophique.

Du présent, ne faisons pas pour autant table rase

Car ce roman familial qui balaie la grande histoire nous plonge aussi dans le présent et, en particulier,  dans la guerre en Ukraine, dont le narrateur dit qu’il l’a suivie et la suit toujours comme il ne l’a jamais fait avec aucun autre évènement. De fait, il donne de sa personne dans les différents voyages qu’il fait à l’est de notre continent. Car ce baroudeur ne ménage pas sa peine et se prête à des rencontres peu orthodoxes mais très instructives. Et, pour la première fois encore, lui qui avoue croire le dernier qui a parlé et tenir aux zones grises et à la complexité des choses, tranche cette fois-ci au détriment d’une Russie pour laquelle il lui semble que tous les clichés, hélas, sont vrais, au point d’affirmer que la troisième Rome n’est jamais qu’un quatrième Reich…

Enfin, si la mère est au centre du roman, avec sa complexité et ses zones grises, qui font apparaître à la fois une femme qui n’hésite pas à transformer l’histoire (voir le passage cocasse où à Radio classique elle dit avoir toujours aimé la musique, alors qu’elle ne l’a jamais aimée…) mais aussi une bru capable de lettres d’une grande délicatesse et d’une affection certaine à sa belle-mère, bref, si la mère prend une place considérable, le père émerge lentement mais sûrement. Et avec lui, un fils obligeant à son égard. Dès lors, l’intime se mêle à l’histoire passée et actuelle, et donne, au bout du compte, un livre foisonnant mais d’une écriture tellement fluide qu’on le lit d’une traite, avec le sentiment d’une épopée à dimension humaine, très humaine.

Kolkhoze d’Emmanuel Carrère, éditions POL, 2025. 560 pages.

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Anti-France tu perds ton sang-froid!

Les drapeaux français ont été mal accueillis dans les cortèges du mouvement « Bloquons tout » du 10 septembre. Un mouvement que notre directrice propose plutôt de rebaptiser « Cassons tout ». Nous vous proposons d’écouter son intervention.


Les drapeaux français n’étaient pas les bienvenus dans le mouvement « Bloquons tout » du 10 septembre. C’est un euphémisme. Plusieurs vidéos montrent des manifestants arborant des drapeaux tricolores pris à partie et traités de « fachos ».

On a observé la même scène à Paris, à Montpellier ou encore à Bordeaux, où une femme très « gilet jaune » première manière s’est fait expulser du défilé. Dans les rues, le seul drapeau massivement présent hier était le drapeau palestinien. C’est désolant pour les défenseurs des Palestiniens qui voudraient le voir rimer avec paix, puisqu’il est désormais associé au désordre, à la casse, aux agressions et à l’antisémitisme. Sans le savoir, ce qu’ils vénèrent, c’est le Hamas. En l’occurrence, il ne s’agit même pas d’un phénomène ethnico-culturel ou lié à une quelconque fracture religieuse. Les quartiers n’étaient pas là. C’étaient des foules très jeunes, blanches. Et très clairsemées. Moins de 200 000 manifestants : c’est misérable. Sans les lycéens, cette journée aurait fait un bide.

Cette haine du Bleu-Blanc-Rouge (comme très souvent celle de la Marseillaise) prouve l’inculture des extrêmes-gauchistes. Ils répudient les symboles de la Révolution française qu’ils prétendent vénérer par ailleurs. Ils se disent internationalistes, mais dans toutes les manifs de gauche on voit désormais des drapeaux algériens ou marocains. Pour cette gauche, la nation est légitime pour les autres, mais la France, elle, serait rassie, étriquée. « Moisie », comme disait Philippe Sollers. Et le tricolore serait fasciste.

Ce rejet du national est-il payant ?

C’est le calcul électoral de Jean-Luc Mélenchon. En 2012, le leader des Insoumis avait mené une campagne républicaine, tricolore, laïque. Résultat : 11 %. En 2017, il a fait une campagne communautariste. Résultat : 19 %. Entre-temps, Éric Coquerel lui a vendu l’idée qu’il gagnerait avec les banlieues.

C’est un calcul absurde – espérons-le. Certes, M. Mélenchon peut capitaliser sur le rejet du macronisme. Cela le mènera peut-être au deuxième tour, mais jamais à la victoire. Cette détestation de ce qui est français lui aliène une grande partie des classes populaires, y compris des millions de descendants d’immigrés qui aiment la France. Les premiers gilets jaunes étaient patriotes. Mélenchon, lui, veut mobiliser ceux qui détestent notre pays, l’Occident, la liberté des femmes etc. C’est une faute morale et politique. Car la patrie, c’est d’abord le bien des petites gens. Les élites mondialisées n’ont pas besoin de frontières ; les ouvriers, les classes populaires et les paysans, eux, oui.

Nonobstant la casse déplorable et les navrantes pertes subies par les commerçants et les riverains, le spectacle donné hier est salutaire car il montre le vrai visage de cette gauche Gaza/Mollah/dégâts. Elle vomit ce qui fait encore vibrer des millions de gens — et pas seulement les soirs de match. Le parti de l’anti-France peut faire du bruit, de la casse, et même avoir des députés. Mais il reste, je crois, ultra-minoritaire. C’est la grande faillite d’une gauche qui a oublié Jaurès. Elle devrait méditer sa formule :
« La patrie, c’est la multiplication de l’âme individuelle par l’âme de tous. »

https://youtu.be/Zp-ZafXJ_sk

Féministes et musulmans de France, parlez!

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Et si, face à l’inhumanité des talibans, leur silence assourdissant posait des questions dérangeantes que nul ne devrait éluder?


Un séisme de magnitude 6 est survenu le 31 août en Afghanistan dans la province de Kounar, à l’est du pays, détruisant la plupart des villages et hameaux disséminés dans ces territoires montagneux.

Les premiers secouristes ne sont arrivés sur zone que trente-six heures après le tremblement de terre. On devait dénombrer par la suite quelque 2200 morts et 3600 blessés. Chiffres communiqués par le gouvernement taliban de Kaboul.

Premier sujet d’étonnement : aucune femme ne se figurait parmi les secouristes. Mais plus étrange encore, nous précise un article du New York Times, une fois les opérations de déblaiement et de sauvetage menées à leur terme, aucune femme non plus ne se trouvait parmi les personnes secourues.

Et pour cause…

La loi des talibans interdit, même en cas d’urgence absolue, tout contact physique entre un homme et une femme, sauf si l’homme est un proche parent de cette femme. Telle est la règle formelle en ce beau pays d’obscurantisme fleurissant.

Ainsi, rapportent les témoins parmi lesquels au moins six médecins arrivés par la suite, les hommes et les enfants ont été secourus, alors que les femmes ont été abandonnées à leur sort, sans secours, sans soins. Blessées ou non, elles avaient été parquées dans un coin et oubliées là.

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Pour celles qui se trouvaient ensevelies sous les décombres, évidemment entre la vie et la mort, elles étaient condamnées à espérer que d’autres femmes, venues d’autres villages, puissent éventuellement tenter de les sortir de là.

Quant aux malheureuses qui avaient perdu la vie, elles étaient tirées par leur vêtement jusqu’à un semblant de sépulture de manière à ce que leurs fossoyeurs improvisés ne courent pas le risque d’entrer en contact ne serait-ce qu’un instant avec leur peau. Le fond du fond de l’inhumanité !

Combien de ces femmes blessées, prisonnières des gravats sont décédées faute de secours ? Le gouvernement taliban se garde bien d’en donner le nombre.

Il n’en reste pas moins que le sort de ces abandonnées ne peut que soulever le cœur et révolter tout être humain digne de ce nom.

Pourtant, on n’entend guère de protestations, de cris d’indignation justement. On ne voit guère d’occupation de rues, de pancartes vengeresses brandies par nos féministes militantes d’habitude si promptes à jouer les boutefeus à la première atteinte – réelle ou supposée – à la dignité et aux droits de leurs congénères. Là, rien. Peut-être une telle horreur, une telle barbarie d’un autre âge les laisse-t-elles sans voix ? Allons, accordons-leur le bénéfice du doute…

Il n’y a pas que leur silence pour nous choquer, pour nous écœurer. Il y a aussi celui des musulmanes et musulmans de ce pays dont on serait en droit d’exiger qu’ils se prononcent sur de tels agissements, qu’ils disent clairement s’ils les condamnent avec la plus grande fermeté ou, finalement, les admettent comme relevant d’une tradition ancestrale, religieuse, proprement respectable et surtout inattaquable ? Et donc comme une réalité dont on pourrait finalement s’accommoder, une aberration culturelle, civilisationnelle qu’on se contenterait de couvrir du sombre voile de la pudeur, comme le visage et le corps des femmes de là-bas, ensevelies vivantes dans ce prêt-à-porter carcéral imposé par la dictature du mâle…

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Aux armes, lycéens!

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Ils voulaient “tout bloquer” mais Retailleau avait donné des consignes de fermeté aux forces de l’ordre. Résultat: pas de révolution, juste un peu de pagaille dans les rues et quelques poubelles carbonisées. Dans les cortèges du 10 septembre, on croisait beaucoup de jeunes bourgeois, déjà angoissés par les fins de mois difficiles. Rencontre.


Il a dix-sept ans, il est au lycée, il se sent concerné par la politique. Pour lui, c’est le grand jour : et pourtant, même ce matin, il a hésité à émerger du lit ; il faut dire que la veille, il a binge watché sur Netflix la dernière série à la mode. Il bâille, s’étire, se rendort ; sauvé par le snooze, il se lève, à contrecœur ; et, après une bonne heure de toilette matinale, il sort enfin, paire de Nike et jean Levis, airpods aux oreilles et smartphone en poche, prêt à larmoyer devant les caméras sur son pouvoir d’achat. Certes, il n’a encore jamais vraiment travaillé, il vit comme un prince chez ses parents, qu’il déteste : mais rien que de songer qu’un jour, il ira lui aussi à l’usine deux mois l’été pour payer sa caisse, entre deux années d’HEC — ou de Sciences-po… il en a des boutons !

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Cheveux fluos et looks androgynes

Il retrouve ses potes à l’entrée du lycée : Gabriel, Noah, Elvis et Kendji, et Jean (ou Jade ? il a un doute) ; teintures bleues et pantalons troués, look mi-androgyne, mi-années 90, ils se checkent sans se faire la bise, par un vieux reste de terreur covidique. Un grand dadet tout maigre, les cheveux gras, qui mue, gueule des paroles inaudibles dans un mégaphone. Une enceinte Bluetooth, accrochée au portail, crache un métal enfiévré qui s’entend dans les fumées des cigarettes. On échange trois mots, « wesh », « wallah », avant que tous retombent dans une sorte de torpeur, les yeux mi-clos.

Paris, 13e arrondissement, hier © HENRI WELSCHINGER/OLA NEW/SIPA

Des mecs avec des sweats à capuche, des filles habillées comme des gars, par terre, écrivent des slogans vulgaires sur des pancartes en carton : « Zbeul général », « Manu Ciao ». Soudain, du bruit : c’est un groupe d’excités, qui traînent derrière eux de grosses poubelles ; ils arrivent au milieu des applaudissements, hilares. Quand la cloche de l’établissement se met à sonner, un petit frémissement court dans l’assistance : ça y est, pour la première fois, on bloque le lycée ! Les plus cultivés se prennent pour des Communards de 1871 ; les autres, pêle-mêle, pour des Robins des bois contre les voleurs, pour des communistes contre la fachosphère capitaliste, pour des révolutionnaires contre les agents du pouvoir.

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Taxez les riches (ou papa-maman) !

Aux journalistes qui vont pour les interroger, ils se plaignent, ils expliquent que les lycées manquent de moyens. Ils s’imaginent déjà gestionnaires de budget, et tant pis pour les chiffres officiels des dépenses dans l’Éducation nationale. D’ailleurs, la contradiction ne leur fait pas peur : vent debout contre le grand capitalisme libéral, ils croient à la vertu de la consommation pour relancer l’économie ; ils frémissent aux discours de Greta Thunberg, mais honnissent le protectionnisme et prônent la grande globalisation ; ils en veulent à ce système scolaire qui les oppresse, mais de concert avec les rectorats, écrivent leurs manifestes en écriture inclusive. À l’école, on leur a appris que la police tue, que l’homme est toxique, qu’un riche est méchant : forts de ces quelques maximes insufflées par l’Éducation nationale, fortifiées par la bien-pensance médiatique, exaltées enfin par la grande gaucherie, ils insultent les flics et déversent des poubelles sur les trottoirs. Quoi ? Ce n’est pas eux qui ramasseront les déchets.

Les plus excités, d’une voix tremblante d’émotion, parlent de génération sacrifiée, de répression criminelle, d’État totalitaire ; ils voudraient ne rien faire que ce qui leur plaît, et être payés pour cela, par cet État qu’ils abhorrent ; qu’on les lance un peu, ils invoquent Robespierre avec la liberté, confondent fascisme et libéralisme, justifient le voile par la laïcité et s’offusquent des liens entre immigration et délinquance, comme Jourdain devant sa propre ignorance ; de temps à autre, ils crient des formules toutes faites, qu’ils répètent comme des mantras : « Tout le monde déteste la police ! » Puis, ils scrollent frénétiquement sur leurs téléphones, les yeux exorbités.

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L’éducation gratuite, les bibliothèques gratuites, les musées gratuits ne les empêchent nullement de citer Bourdieu, qu’ils n’ont jamais lu, et de parler d’héritage culturel. Il ne faut pas leur dire que l’élitisme républicain, c’est justement le pur produit de l’égalité ; que sous la Troisième République où on était cinquante par classes et sans pupitres (lire l’enfance de Flaubert chez Henri Troyat), à une époque où rien n’était gratuit et tout bien plus précaire qu’aujourd’hui, l’école fonctionnait à merveille, les hussards noirs formaient des générations de grands esprits ; qu’un jour, ils recevront leur premier relevé d’imposition, et qu’alors ils changeront d’avis et crieront au matraquage fiscal. Non, il ne faut pas leur dire cela ; il faut les protéger : pensez donc ! Choyés par leurs professeurs, choyés par leurs parents, ils n’ont jamais connu la frustration. Pour l’instant, la rage au ventre, ils ne veulent que moins d’heures de cours, plus de semaines de vacances, l’abolition des notes, des devoirs et des concours, le revenu universel. En un mot, — âge oblige —, ils ne veulent… rien branler.

Flaubert

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Charlie Kirk: mort pour avoir ouvert le dialogue

Aux États-Unis, la « guerre culturelle » fait une victime réelle. L’influenceur conservateur MAGA populaire Charlie Kirk a été abattu dans l’Utah en pleine conférence hier. «Personne ne comprenait ou n’avait à cœur la jeunesse des États-Unis d’Amérique mieux que Charlie», a écrit Donald Trump


Hier, dans les années 1960-1970 (on pense évidemment aux frères Kennedy et à Martin Luther King Jr.), les martyrs de la liberté d’expression en Amérique étaient classés à gauche ; aujourd’hui, ils sont classés à droite. Considérons cela dorénavant comme une réalité historique.

Charlie Kirk était certes un activiste et une personnalité politique mais c’était avant tout un homme d’une grande tolérance, ouvert à toutes les opinions pour peu qu’elles acceptent de se frotter à l’exercice de la raison. Il combattait l’extrême gauche sur le terrain des idées, en les affrontant sur le terrain et dans le cadre du débat civilisé. Il n’a jamais été haineux à l’égard de qui que ce soit. Il faut rappeler, de nos jours, puisque cela semble nécessaire, qu’on peut combattre sans haïr. Qu’on peut vouloir battre une idéologie à plate couture sans en vouloir personnellement à quiconque. Il semble que cette règle de bon sens ne soit pas partagée par les ennemis de Charlie Kirk.

On vous dira (on vous le dit déjà, me dit-on) que Charlie Kirk était un militant d’extrême droite. N’en croyez rien. Charlie Kirk était un chrétien conservateur de droite. Il ne voulait censurer personne ; bien au contraire : il voulait avoir un dialogue ouvert avec tous ceux qui ne pensaient pas comme lui. L’exact opposé d’un fanatique. Il s’est fait connaître du grand public de cette manière, en débattant ouvertement et sans montage avec des étudiants sur les campus américains qui nourrissaient des opinions bien différentes des siennes. Tellement différentes qu’ils l’insultaient abondamment alors qu’il venait discuter avec eux. Tellement différentes que Charlie Kirk se fit finalement abattre sur l’un de ces campus. Se faire abattre dans une université… Un lieu censé être le terrain sacré de l’échange d’idées. Réalisez-vous bien à quel point l’Occident s’est éloigné de ses fondations ?

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Charlie Kirk a eu le tort d’avoir trop de succès. Ses échanges retors avec certains étudiants sont vite devenus viraux sur Internet. Il n’est jamais bon d’avoir un interlocuteur intelligent : il déboulonne votre argumentaire bancal en deux trois coups de clé anglaise. Charlie Kirk était de ces orateurs hors pair, avec une capacité de raisonnement rapide comme l’éclair. Américain, ses positions pouvaient différer de notre sensibilité européenne, mais les Européens ne comprendront jamais les priorités de l’Amérique, autant se le dire une fois pour toutes. C’est un pays trop vaste et encore trop sauvage pour que nous y comprenions quelque chose. Charlie Kirk était un modèle de gentleman civilisé pour sa génération, qui allait jusqu’à faire taire ses soutiens pour laisser parler ses opposants. Agé de 31 ans, il laisse une épouse, une fille de trois ans et un fils d’un an.

Ceux qui voulaient sa peau ou ceux qui appelaient encore hier matin à le faire taire (une pétition circulait pour l’interdire de s’exprimer sur le campus) n’auront eu aucune compassion pour cette famille. Alors ne laissez plus ces gens vous convaincre qu’ils sont les gentils. Qu’ils défendent un monde meilleur dont vous ne pouvez pas comprendre les critères de sélection. La liberté de ton de Charlie Kirk dérangeait une certaine gauche. Ne vous laissez donc plus jamais dire que la gauche est toujours du côté du camp du Bien. C’est faux. Tout camp nourrit en son sein ou dans ses franges une pensée totalitaire, intolérante, inhumaine et meurtrière. Il est grand temps que notre pays aussi prenne conscience de ce danger. Charlie Kirk, 31 ans, est mort pour que les gens prennent conscience de ce danger.

Paumé comme un jeune en France

La longue et méthodique déconstruction qui a cassé l’école, brisé le monde du travail, délégitimé la famille et enlaidi l’environnement urbain a marginalisé toute une partie de la jeunesse. Réfugiée dans la drogue, la délinquance et la violence, elle refuse même de faire des enfants.


Les émeutes qui ont frappé le territoire français de manière tournante cet été sont le fait de jeunes hommes des « classes populaires », adolescents le plus fréquemment, à ce qu’en disent les policiers. On peut ajouter d’autres symptômes à cette triste litanie. De sordides agressions de personnes très âgées, dépouillées à leur domicile ou dans la rue par deux ou trois hommes masqués pour une poignée de bijoux ou quelques euros ; certainement pour acheter leur drogue. La déshumanisation de vieillards réduits à l’état de butin me semble pire, anthropologiquement, que les meutes agressives et destructrices. Prolongeons par l’effondrement de la natalité en cours, initié par une génération désinsérée dépourvue d’avenir ; au point que des millions de jeunes mâles sont incapables d’élever leur enfant plus de quelques semaines ou mois, laissant la charge de ce travail de toute humanité à leur compagne esseulée.

Efforts constants et décomposition linguistique généralisée

Pour parvenir à cette brillante séquence, il a fallu beaucoup d’efforts de notre société en paix – des efforts aussi constants que durables – pour désintégrer et broyer des pans entiers de nos classes populaires.

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Il a d’abord fallu casser l’école. Ce chef-d’œuvre collectif a été concocté durant un demi-siècle dans les salons de la Rue de Grenelle. On a désappris aux maîtres, puis aux élèves, la transmission minimale du savoir nécessaire à un citoyen éclairé. On a commencé par enlever les accents circonflexes ; on a fini par déconstruire la phrase (majuscule-sujet-verbe-complément-point), structure de base du langage. Un nombre important des néobacheliers ne sait pas écrire une phrase cohérente en français. En saupoudrant dans les classes un nombre croissant d’élèves allogènes, non pris en charge de manière spécifique, on a accéléré la décomposition linguistique collective.

Il a fallu ensuite briser le monde du travail. La France peut s’honorer d’avoir un taux exceptionnellement élevé de chômage chez ses jeunes, et l’une des pires insertions dans le monde du travail en Europe. Trois millions de jeunes désœuvrés (euphémisés en NEET) entre 15 et 34 ans y végètent, soit près d’un jeune Français sur cinq, dont 40 % issus de l’immigration. Transformation de l’enseignement professionnel en voie de garage proposée aux illettrés et aux a-chiffrés, désindustrialisation sans retour et destruction de l’agriculture paysanne ayant détruit des millions d’emplois, culture de la fête et de la défonce, bas salaires et précarisation de masse (dite aussi ubérisation), tout concourt à ce résultat : des millions d’emplois décemment payés manquent à l’appel en France.

Campagne sociétale contre la famille « traditionnelle »

Les élites culturelles et médiatiques se sont ensuite abattues sur la famille, qualifiée de « traditionnelle » pour la délégitimer. Cette campagne sociétale au long cours a eu ses effets les plus destructeurs dans les classes populaires. La garde partagée ou alternée (13 % des enfants de parents séparés) est un privilège bourgeois, qui ne descend guère dans la société. La plupart des pères défaillants – déresponsabilisés par l’idéologie dominante – abandonnent femme et enfants. 22 enfants dont les parents sont séparés vivent au foyer de leur mère, contre un seul chez leur père. Cette caraïbisation partielle du modèle familial français débouche sur le phénomène devenu massif des enfants en familles monoparentales (2,8 millions). Psychiatres et policiers sont confrontés au quotidien à la faction la plus violente qui en est issue.

Ajoutons à cette descente aux enfers la ville, dûment touchée par une forme de désagrégation. Un univers périurbain inédit a été (dé)construit depuis les années 1980. Après les cités HLM des Trente Glorieuses, la décentralisation a libéralisé le foncier et transféré aux maires les permis de construire : la « France moche » est advenue, qui ne cesse de s’étendre et de coloniser bourgs et villages. Un bon tiers des Français, dont la majorité des pauvres et des immigrés, y habitent ou y travaillent. Elle se caractérise par l’absence de toute réflexion esthétique et harmonie d’ensemble, par la concurrence sauvage du bâti commercial, par une américanisation clinquante au rabais, par la fast-foodisation de l’alimentation et par une parkinguisation omniprésente. Cet univers laid et décivilisé ne porte ni à la paix ni au repos de l’âme : la nature, la beauté et l’art (qu’une simple corniche de pierre donnait à voir) en sont bannis. Les Enrico Macias de ce temps ne chantent plus « Paris, tu m’as pris dans tes bras ! », mais écrivent un rap amer et vengeur, aux couleurs de leur non-ville.

Choc des cultures importées

En définitive, pour une fraction importante de la jeunesse populaire, le sens de la vie s’est dérobé. Le travail ne paye pas. L’école les instruit mal. L’État n’a plus besoin d’eux, ni comme paysans, ni comme ouvriers, ni comme soldats. La bourgeoisie n’attend même plus d’eux qu’ils fassent des enfants, car elle peut importer des consommateurs, et qu’elle fait fabriquer ses produits par des pauvres d’ailleurs (textiles) ou par des robots (électronique). Les familles, trop souvent déstructurées et sursollicitées par un consumérisme bas de gamme, ont perdu la connaissance du beau (l’environnement), du bon (la cuisine familiale) et parfois du sens de la vie (l’habitus familial ou l’amour du pays). Le choc des cultures importées par l’immigration, la déprise de l’assimilation culturelle et la valse des modèles culturels (consumérisme américain versus hallalisation islamique) accentuent les effets de cette désagrégation, sauf à se structurer en communautés culturelles soudées, homogènes et fermées. C’est la carte des frères musulmans et des salafistes, qui enferment les leurs avec le moins d’interactions externes possible. C’est la carte des évangélistes ou de certains groupes chrétiens afro-caribéens ou roms qui prospèrent non loin des précédents.

Pour les autres, mais sans exclusive, la culture du rap, la consommation et l’économie de la drogue, le caïdat et les effets des bandes constituent d’autres agrégateurs d’énergies juvéniles à la dérive. L’école et la réussite scolaire et professionnelle demeurent l’autre option ouverte, mais que la régression scolaire rend extrêmement difficile pour les garçons non aidés par leurs familles.

Prenons l’exemple des stupéfiants. Les pouvoirs publics et sanitaires ont consciencieusement lutté depuis des décennies contre la culture ancestrale du vin, tout en rendant le tabac taxé prohibitif pour les classes populaires. Or ces deux produits étaient l’échappatoire des hommes des classes populaires françaises depuis le xixe siècle. Les autorités sont ainsi devenues à leur corps défendant les promoteurs de nouvelles drogues plus dangereuses. En effet, la lutte contre les psychotropes légalement vendus et taxés en France a dopé l’économie criminelle des drogues. Le haschisch, associé au tabac de contrebande (dont la France importe la moitié de toutes les ventes réalisées dans l’Union européenne), est devenu le « vin rouge » de la jeune génération (dans tous les milieux sociaux d’ailleurs). La destruction des emplois légaux de la viticulture est compensée par la nouvelle économie criminelle ; un autre effet est de remplir les cabinets des psychiatres et les hôpitaux psychiatriques de jeunes malades mentaux ayant décompensé leur maladie sous l’effet du cannabis.

A relire, du même auteur: 60 millions de consommateurs

À croiser les données suivantes – le malaise d’une jeunesse dépossédée et déculturée qui n’a souvent aucun espoir d’insertion ; la mise en place de réseaux criminels importateurs facilités par l’immigration et le tourisme international ; la création d’un secteur d’activité qui emploie 200 à 300 000 jeunes désœuvrés avec des perspectives d’enrichissement rapide (même si la mort est au bout du chemin pour des centaines d’entre eux chaque année) ; la fuite dans les paradis artificiels qui permet d’oublier un quotidien morose et un avenir opaque –, tout a été réuni pour que le caïdat de la drogue, porté par les jeunes hommes issus du Maghreb où il est produit, s’impose comme un modèle de référence dans un lumpenprolétariat abandonné par la société. Générateur de délinquance, de violences, mais aussi d’enrichissement et de risque, il s’érige en contre-modèle social et culturel pour toute une jeunesse qui le chante dans ses tubes de rap, écoutés en boucle dans la moindre campagne.

Priorité

François Hollande puis Emmanuel Macron avaient affirmé faire de la « jeunesse » leur priorité politique. Ils n’ont apparemment pas fait le lien entre l’instruction, l’insertion par le travail et le bien-être de la jeunesse ; à moins que la pratique du pouvoir les ait ramenés vers les préoccupations de leurs électeurs boomers. Toujours est-il que notre société est malade de ses jeunes, et que son avenir en est en partie obéré. Une des réponses des jeunes Français à ce drame est de cesser de se reproduire, ce qui ne va rien arranger, mais a le mérite de tirer la sonnette d’alarme à son maximum. Car c’est tout le mécano de notre État social qui menace de s’effondrer.

Drogue qui abêtit et désocialise, pornographie qui animalise les femmes pour la vie dès la petite adolescence, caïdat qui impose sa loi meurtrière, fuite en avant dans la marginalité ou la délinquance des bandes, chômage et vie en rétréci dans l’assistanat ou la fraude sociale, refuge dans le religieux (pour le meilleur et pour le pire) ou les paradis artificiels, émigration croissante à l’étranger, toute une partie de la jeunesse est malade de la place qui ne lui a pas été préparée par notre société. La violence des meutes est un symptôme, mais la crise est bien plus large. Elle ne dispense pas d’une justice qui punisse les crimes à leur juste mesure, sans faillir pour prévenir leur inévitable répétition ad nauseam. Pour le reste, les remèdes sont connus mais de long terme ; plus le temps passe, plus la récupération sera difficile. Si on commençait par instruire sérieusement la jeunesse de demain, et par recréer des emplois de production et de service décemment payés ?

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11-Septembre: la blessure et la veille

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Il y a 24 ans, l’islamisme replongeait l’Occident dans l’incertitude


Il y a des dates qui ne s’effacent pas, même lorsque le temps croit avoir le pouvoir d’apaiser. Le 11 septembre 2001 appartient à ces jours où l’histoire a pris feu sous nos yeux, où un matin de ciel bleu s’est transformé en crépuscule planétaire. À New York, des avions ont traversé les tours jumelles comme des poignards dans la chair d’un monde qui se croyait invincible. En quelques minutes, ce ne sont pas seulement des vies qui furent fauchées, ce fut une civilisation tout entière qui comprit qu’elle n’était plus à l’abri, que la barbarie frappait désormais au cœur même de sa modernité.

Mais pour moi, cet effondrement ne fut pas seulement celui de deux géants de verre et d’acier. J’y vis ressurgir les spectres de ma propre mémoire. Alger avait déjà connu la morsure de la haine, les cris étouffés sous le vacarme des bombes, les rues vidées de leurs passants, les bibliothèques incendiées comme des bûchers modernes. Le 11-Septembre ne m’apprit rien de neuf : il confirma seulement que ce que nous avions enduré dans l’ombre allait, tôt ou tard, engloutir la lumière du monde. L’Algérie avait été un laboratoire sanglant ; New York devint la vitrine tragique de ce que nous n’avions cessé d’annoncer.

Et pourtant, à mesure que les années passent, je vois l’oubli tisser sa toile. Vingt-quatre ans plus tard, combien de consciences se rappellent vraiment ce jour ? Combien ont remplacé l’effroi par une indulgence coupable, un relativisme confortable, une volonté de banaliser ce qui fut une déclaration de guerre à l’humanité ? On préfère parler de « diversité culturelle », on maquille le fanatisme en folklore, on confond la tolérance avec l’abdication. L’oubli n’est pas seulement une faute morale : il est une complicité.

Je sais ce que signifie cet effacement. J’ai vu, en Algérie, les premières concessions faites au nom de la paix. On a laissé les islamistes imposer leurs codes dans les quartiers, leurs dogmes dans les écoles, leurs menaces dans les foyers. On a cédé des mots, puis des gestes, puis des vies. On a pensé qu’en fermant les yeux, la bête s’assagirait. Mais le ventre restait fécond, et il l’est encore.

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Voilà pourquoi je ne peux me taire. Voilà pourquoi je répète, avec une obstination que certains me reprochent, que la laïcité n’est pas une option française, mais une condition universelle de survie. Elle n’est pas un luxe pour pays apaisés, elle est le socle sur lequel se construit une société adulte. Elle protège la foi en la préservant de l’instrumentalisation. Elle protège l’incroyance en lui donnant droit de cité. Elle protège la République en la tenant à distance des cléricatures de tous bords. Elle est ce garde-fou fragile, mais vital, contre la tentation du retour au sacré meurtrier.

Se souvenir du 11-Septembre, ce n’est pas nourrir un ressentiment. Ce n’est pas appeler à la revanche. C’est refuser la complaisance, refuser la naïveté, refuser la fatigue de penser. Car la haine, elle, ne se fatigue pas. Elle guette les faiblesses, les silences, les dérobades. Elle s’avance masquée, avec le sourire des compromis, avant de révéler le couteau qu’elle tenait dans son dos.

Je me souviens d’Alger, où un rire pouvait devenir une provocation, où une chanson à la radio pouvait valoir une condamnation, où des jeunes femmes furent égorgées pour avoir osé garder leurs cheveux libres. Je me souviens de ces amis disparus, assassinés pour avoir écrit, pour avoir enseigné, pour avoir simplement refusé de se taire. Alors quand je vois aujourd’hui certains expliquer qu’il faut « comprendre » les fanatiques, qu’il faut « contextualiser » leur violence, je sens monter la colère froide de celui qui a déjà vécu la descente aux enfers et qui sait que le prix du silence est toujours payé en sang.

Le 11-Septembre est une cicatrice mondiale. Mais une cicatrice ne signifie pas guérison : elle rappelle la blessure, elle exige la vigilance. Si nous baissons la garde, elle se rouvrira. Les flammes qui ont consumé New York peuvent renaître ailleurs, sous d’autres formes, avec d’autres visages.

C’est pourquoi j’écris, non pour ressasser, mais pour veiller. Comme on garde une flamme vacillante dans la tempête, comme on tient une veilleuse dans une chambre obscure. Les peuples n’ont pas besoin de discours rassurants, ils ont besoin de vérité. Et la vérité, c’est que la liberté n’est jamais acquise. Elle est un combat quotidien, un acte de résistance à l’endormissement général.

Je parle ici en exilé qui a dû quitter sa terre pour sauver sa voix. En poète qui croit encore que les mots peuvent tenir tête aux armes quand ils sont justes et courageux. En citoyen qui sait que la République n’est pas un mot d’histoire, mais un horizon à réinventer chaque jour.

Le 11-Septembre n’est pas seulement une date à commémorer. C’est un avertissement à ne jamais oublier. La barbarie est patiente. L’humanité, elle, n’a qu’une arme : la mémoire.

L'islamisme ou la crucifixion de l'Occident

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19, bis boulevard Montmartre

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La romancière française Tonie Behar photographiée en septembre 2025. DR.

Tonie Behar est loin d’être un écrivain débutant. Née à Istanbul dans une famille judéo-espagnole, elle s’installe à Paris et commence une carrière dans le monde du luxe ; elle intègre notamment le service presse de la maison de couture Ungaro.

En 2002, elle crée l’agence de rédaction Plume, spécialisée dans les contenus liés au luxe et la beauté. Parallèlement, elle devient journaliste-pigiste et collabore à Citizen KCosmopolitanBiba, Paris Capitale, Le Huffington Post ou Le Parisien. Elle publie également des comédies romantiques.

Trad wifes

Avec Toutes nos promesses, son dernier roman, elle poursuit sa saga Grand boulevards, une série d’opus qui peuvent se lire indépendamment et qui, tous, se déroulent dans un même immeuble situé au 19 bis du boulevard Montmartre.

Dans ce dernier ouvrage, elle nous invite à suivre les pas de Bettina, une gentille et moderne maman qui ne comprend pas toujours sa fille Capucine, 13 ans, qui se saoule de vidéos TikTok ; ces dernières prônent le retour de l’épouse au foyer à la façon des ménagères des fifties. Bettina s’insurge ; elle déteste ces concepts qu’elle considère réactionnaires, elle, séparée de son mari depuis peu, femme libre, indépendante, dynamique, créatrice de sa marque de bijoux qui cartonne. Pour tenter de raisonner Capucine, Bettina lui fait lire une livre d’Antoinette Dauzat, journaliste de la Belle Epoque, avant-gardiste, féministe qui vécut dans leur immeuble du 19 bis, boulevard de Montmartre.

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Antisémitisme répugnant

Tonie Behar parvient à nous tenir en haleine avec un roman habilement construit, vif et souvent fort amusant. De chapitre en chapitre, on fait des bonds dans le temps en passant de nos jours à 1888 ou/et au début du siècle précédent. Elle nous sert de belles descriptions du Paris de la fin du XIXe siècle, cerne bien l’esprit du féminisme naissant. « Elle m’initia à la littérature, mais me montra aussi les conditions de vie de nos paysans, me conta les difficultés du monde ouvrier, ouvrit mon cœur au sort misérable des animaux, et surtout m’enseigna la fierté d’être une femme », fait-elle dire à l’une de ses narratrices. « Même si les personnes de notre sexe n’ont, aujourd’hui encore, guère plus de droits que des enfants, nous possédons des cerveaux capables de réfléchir aussi vite et bien que les hommes et une force caractère qui leur fait souvent défaut, quoiqu’ils en pensent. » Voilà qui est dit !

À travers les propos ignobles et infâmes de la tante Ursule, elle dresse une peinture sans appel de ce que pouvait être l’antisémitisme le plus répugnant de cette époque ; l’affaire Dreyfus est, bien sûr, dans toutes les conversations.

Les retours dans le présent avec les histoires de Bettina sont tout autant savoureux, notamment quand cette dernière, présente sur le tapis rouge du Festival de Cannes pour défendre sa collection de bijoux, bouscule involontairement une jeune star coréenne, ce qui provoquera un tsunami sur les réseaux sociaux. Grâce à cet événement, Bettina et Capucine parviendront à se rapprocher…

Toutes nos promesses, Tonie Behar ; Charleston ; 382 pages.

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Assassinat de Charlie Kirk, le point de bascule

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Le militant politique américain Charlie Kirk photographié au Texas en avril 2025 © Meredith Seaver/AP/SIPA

Une tribune libre de Nicolas Conquer


Ils pensaient faire taire le mouvement MAGA en s’attaquant à l’un de ses chefs de file. C’est tout l’inverse qui se produit : c’est désormais une génération entière de Charlie Kirk qui s’apprête à se lever.

Charlie Kirk est tombé en héros, son unique arme à la main : un micro. Avec lui, il affrontait les idéologues installés, les universitaires sûrs d’eux, les experts de plateau prompts à dénigrer. Avec lui, il réveillait une jeunesse endormie. Quand le débat cesse, c’est la violence politique qui commence. Cette mécanique tragique, nous l’avons vue à l’œuvre au plus haut niveau : Donald Trump lui-même a été la cible de tentatives d’assassinat durant sa campagne, signe qu’aux États-Unis comme ailleurs, frapper l’homme devient le moyen d’essayer d’abattre une idée.

Engrenage funeste

L’Amérique traverse une série de drames qui la marquent au fer rouge. Le meurtre d’Iryna, réfugiée ukrainienne de 23 ans, poignardée dans l’indifférence quasi générale, sur fond de motivation raciale anti-blanche et rendu possible par un laxisme judiciaire criminel, avait déjà suscité ce constat glaçant de Kirk : « l’Amérique ne sera plus jamais la même ». Puis la tuerie d’enfants au Minnesota par un terroriste trans avait ajouté un cran d’horreur. Aujourd’hui, l’assassinat de Charlie Kirk marque un nouveau basculement. Sans doute l’attentat politique le plus grave depuis JFK. Et, encore une fois, l’Amérique ne sera plus jamais la même.

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Ces drames ne sont pas des faits divers isolés. Ils dessinent une pente, celle d’un engrenage funeste. Ce n’est pas la guerre culturelle en tant que telle qui tue, mais la violence politique née de la déshumanisation de l’adversaire par un camp du bien autoproclamé. On ne se contente plus de combattre des idées : on veut abattre ceux qui les portent. On ne tue pas seulement des hommes, on cherche à faire taire des voix. Or Kirk incarnait à la fois une voie — un chemin pour la jeunesse conservatrice — et une voix qui portait haut la foi, la patrie et la famille.

Dès ses premiers combats, il avait compris ce que tant d’hommes politiques refusent encore de voir : la jeunesse, la fameuse Génération Z, ne voulait pas qu’on s’occupe d’elle, elle voulait reprendre en main la politique. Là où d’autres voyaient une jeunesse anesthésiée, il a réveillé des milliers d’étudiants,leur rappelant qu’avant d’être conditionnés par une auto-censure nourrie à l’idéologie woke, ils pouvaient être acteurs de leur destinée. Turning Point USA1, l’organisation qu’il a fondée, en est la démonstration éclatante : une machine de guerre culturelle et de mobilisation électorale, pesant des dizaines de millions de dollars et fédérant des milliers de jeunes, partout sur les campus et qui aura joué un rôle décisif dans la réelection de Donald Trump en 2024.

Kirk n’a jamais fui l’échange, y compris avec ses adversaires les plus farouches. Il affrontait les progressistes sur leur propre terrain, les universités. Il fut même le tout premier invité du podcast du gouverneur de Californie, Gavin Newsom2, symbole de la gauche américaine. Là où ses ennemis érigeaient des murs idéologiques, lui tendait un micro. Cette volonté de dialogue contrastait avec le sectarisme de ceux qui, incapables de le réfuter, se réjouissent aujourd’hui de son élimination.

La droite mène la bataille culturelle sur internet

Je l’avoue : moi-même, parfois, j’ai douté. Je me suis demandé si le jeu en valait la chandelle. J’ai songé à me retirer, à abandonner un combat qui use, qui expose, qui fragilise. Mais depuis ce drame, c’est tout l’inverse. Je sens en moi une radicalité nouvelle, une ardeur inextinguible. Le sacrifice de Kirk n’éteint pas la flamme, il la propage. Il a ouvert la voie — et nous a transmis la voix.

Dans mon livre à paraître en janvier chez Fayard, j’ai consacré un chapitre entier à cette « droite numérique » qui a permis à Trump de construire une contre-culture puissante, enracinée, populaire. Charlie Kirk y occupe une place centrale. Il a montré que les réseaux sociaux ne sont pas condamnés à être des machines à endoctrinement progressiste, mais peuvent devenir les tribunes de la foi, de la patrie et de la liberté.

Tertullien, Père de l’Église au IIᵉ siècle, écrivait : « le sang des martyrs est la semence des chrétiens ». Chaque persécution, loin d’éteindre la foi, la faisait croître. Ce paradoxe vieux de deux millénaires se répète aujourd’hui : les martyrs d’hier nourrissaient la foi chrétienne, les martyrs d’aujourd’hui allument le réveil patriotique.

Et que voyons-nous en France ? Les mêmes poisons, les mêmes travers. L’immigration de masse dissout notre cohésion. L’empathie suicidaire nous désarme face à la barbarie. Une élite médiatique justifie toujours, excuse toujours, relativise toujours — sauf quand il s’agit de condamner les conservateurs. Ce que vit l’Amérique, nous le connaissons déjà : notre propre suicide civilisationnel masqué derrière des discours compassionnels.

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Dans le même temps, certaines voix, comme celles de Villepin ou de perroquets du prêt-à-penser, osent prétendre que Trump et les républicains seraient responsables de cette violence. Abject renversement accusatoire ! En désignant les conservateurs comme menace légitime à abattre, ces commentateurs normalisent la violence politique.

L’assassinat de Kirk est un réveil brutal. Turning Point — littéralement, le point de bascule — porte bien son nom. L’Amérique vient de franchir un seuil. Et nous, Français, serons les prochains si nous ne réagissons pas. Nous ne pouvons plus nous contenter d’une communication lisse et sans saveur. Nous devons descendre dans l’arène, occuper l’espace public, provoquer le débat, refuser d’abandonner le moindre pouce de terrain.

La jeunesse n’attend pas des gestionnaires. Elle attend des combattants. L’Amérique nous alerte : si nous restons passifs, si nous continuons à caresser les illusions progressistes, nous mourrons de notre propre empathie suicidaire. Mais si nous acceptons le combat, alors ce qui semblait une fin deviendra un commencement. La droite française n’a pas besoin d’un nouveau slogan. Elle a besoin d’un micro.

Repose en paix, Charlie. Merci de nous avoir ouvert la voie. Merci de nous avoir transmis la voix. Et à ceux qui doutent encore, je n’ai qu’une exhortation : Fight. Fight. Fight.

  1. https://tpusa.com/ ↩︎
  2. https://open.spotify.com/show/1Volbkd8d5r8IpQ2EWZSC4 ↩︎

Armes turques au Soudan: lire entre les lignes du rapport de l’ONU

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« De la fumée s’élève après des frappes de drones menées par les Forces de soutien rapide (FSR), une milice paramilitaire, qui ont visé le port nord de la ville de Port-Soudan, sur la mer Rouge, au Soudan, le 6 mai 2025 © AP/SIPA

Un récent rapport des Nations Unies a confirmé que le conflit en cours au Soudan est alimenté par l’arrivée d’armes de fabrication turque, malgré l’embargo sur les armes qui aurait dû empêcher une telle issue. Cette découverte est plus qu’une simple violation du droit international : elle met en lumière la manière dont des États fragiles deviennent des laboratoires d’essai pour les technologies militaires de pointe et comment des puissances moyennes comme la Turquie remodèlent le commerce mondial des armes.

Ce que l’ONU a découvert

Les experts de l’ONU ont détaillé un ensemble de systèmes turcs actuellement présents au Soudan, notamment :

  • Drones Bayraktar TB2 : Déjà connus pour leur rôle dans les conflits, de la Libye à l’Ukraine, les TB2 sont désormais utilisés au Soudan, offrant aux factions de nouvelles perspectives et des capacités de frappe de précision.
  • Drones Akenji : Un modèle plus récent et moins répandu, suggérant que le Soudan pourrait être un terrain d’essai précoce pour leur déploiement, que ce soit par le biais de ventes clandestines ou de transferts à des tiers.
  • Systèmes de guerre électronique : Ils permettent aux forces de brouiller les communications, de perturber les radars et même de neutraliser les drones adverses. Ces systèmes avancés sont rares dans les conflits africains et représentent un progrès majeur en termes de capacités.
  • Armes légères et véhicules blindés issus de fabricants turcs.

La présence de ce mélange d’armes suggère que le conflit soudanais est en pleine évolution. Ce qui était autrefois une lutte de pouvoir conventionnelle entre les Forces armées soudanaises (FAS) et les Forces de soutien rapide (FSR) est aujourd’hui transformé par les drones et la guerre électronique, des outils capables de faire pencher la balance d’une manière que les armes traditionnelles ne peuvent pas faire.

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Implications sur le conflit soudanais

Pour le Soudan, l’arrivée des systèmes turcs a deux conséquences majeures.

Premièrement, elle accroît les enjeux de la violence. Les drones comme le TB2 facilitent la surveillance et les frappes ciblées, tandis que les systèmes de guerre électronique complexifient les communications sur le champ de bataille. Ensemble, ils permettent des campagnes plus précises et plus durables, mais avec des coûts dévastateurs pour les civils piégés dans les zones de combat urbaines.

Deuxièmement, elle remodèle les rapports de force. Dans les conflits où la légitimité et le contrôle sont déjà fragiles, l’introduction de technologies avancées peut rapidement inverser la tendance. La partie qui a accès à ces systèmes gagne non seulement en influence militaire, mais aussi en pouvoir de négociation politique.

Le rôle croissant de la Turquie dans les flux mondiaux d’armes

Le rapport reflète également une tendance plus large : l’essor de la Turquie comme exportateur mondial de matériel de défense. En développant sa propre industrie de drones et d’armement, Ankara s’est taillé une place de fournisseur de choix dans des régions où les armes occidentales sont soumises à des restrictions et où les chaînes d’approvisionnement russes sont surchargées.

Mais le Soudan soulève des questions délicates. Soit les entreprises turques ignorent les restrictions imposées par l’embargo, soit les armes sont détournées par l’intermédiaire de courtiers et de tiers, Ankara fermant les yeux. Dans les deux cas, la communauté internationale a peu de moyens de faire respecter les responsabilités.

Pourquoi cela compte au-delà du Soudan

Le cas du Soudan illustre plusieurs risques plus vastes.

L’affaiblissement des embargos sur les armes, d’abord. Si les embargos peuvent être contournés aussi facilement, ils perdent leur crédibilité en tant qu’outils de gestion des conflits. La propagation de la guerre par drones dans les États fragiles est également préoccupante : le Soudan pourrait créer un précédent pour d’autres pays en conflit, où drones et systèmes de guerre électronique pourraient devenir monnaie courante.

Conséquences géopolitiques : en fournissant des systèmes avancés, la Turquie renforce ses liens avec des acteurs que l’Occident refuse de soutenir, permettant à Ankara d’étendre son influence dans les régions contestées.

Les conclusions de l’ONU constituent un signal d’alarme. Les drones et les systèmes de guerre électronique de fabrication turque ne constituent pas seulement des violations des sanctions ; ils changent la donne dans un conflit qui se transforme déjà en l’une des pires crises humanitaires au monde.

À moins que la communauté internationale ne dépasse les embargos symboliques et ne mette en place de véritables mécanismes de surveillance et de sanction des violations, le Soudan pourrait devenir le premier d’une longue série de conflits où les exportateurs d’armes de moyenne puissance contribuent à alimenter des guerres aux conséquences régionales dévastatrices.

Emmanuel Carrère: devoir de mémoire

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Emmanuel Carrère et sa mère Photos : Hannah Assouline / DR.

Emmanuel Carrère avait publié en 2007 Un roman russe dont le grand-père maternel et problématique était la figure principale. On le retrouve dans Kolkhoze, mais, cette fois-ci, le narrateur élargit considérablement le spectre, dans le temps et l’espace puisque voici la famille au complet sur… quatre générations.


Des noms à coucher dehors

Au commencement, on se croirait dans un roman de Dostoïevski. Ayant entrepris de nous narrer l’histoire de sa famille sur quatre générations, Emmanuel Carrère nous plonge dans les aventures de Russes blancs et de Géorgiens ayant dû quitter leur pays, ou en ayant été chassés. Ce qui fait que les fameux noms « à coucher dehors » tant ils sont à la fois peu lisibles et peu prononçables s’égrènent au fur et à mesure qu’on passe par Berlin, l’Italie, l’Allemagne et la France. Heureusement, le narrateur, de manière fort plaisante, tel un GPS, nous prend par la main et, régulièrement, nous rafraîchit la mémoire. Cet oncle, rappelez-vous, c’est celui qui à la page 65 disait etc. Ainsi, nous voici réorientés. Les deux origines donc de la mère, connue sous le nom d’Hélène Carrère d’Encausse, qui s’appelait originellement Hélène Zourabichvili, sont passées au peigne fin et donnent lieu à des portraits de personnages hauts en couleur, qui ont en commun de vivre à la fois dans l’extrême pauvreté et un sentiment perdurant de leur dignité.

Un mariage comme un baptême

La rencontre entre le père, d’origine modeste, et la mère aux ancêtres aristocratiques apparaît, par-delà les sentiments, comme une histoire de noms. Ainsi, en changeant de nom, la mère se francise d’une part, et efface, d’autre part, la tache laissée par son propre père, collaborateur sous Vichy et probablement fusillé par des résistants en 1944. De son côté, le père, qui consacrera une grande partie de sa vie à la généalogie de sa femme, est fasciné par tous ces nobles, et s’octroiera une particule en passant de Dencausse à d’Encausse. Ainsi, de par le mariage, tous les deux gagnent un nouveau nom et renouvellent leur naissance.

À propos de la tache laissée par le grand-père maternel, lequel avait été le sujet d’Un roman russe, on constate les effets dévastateurs du mensonge sur l’oncle Nicolas obligé de croire une version positive à laquelle il ne croit pas, ce qui fait dire à Emmanuel Carrère qu’il y a là un tropisme russe qui sévissait sous l’Union soviétique et qui perdure aujourd’hui : croire autre chose que ce que l’on croit… Il pense lui-même ne pas avoir été épargné par le déni dont ce grand-père fut l’objet, et qui lui vaudra des années de rupture avec sa mère lorsque ce livre paraîtra.

Littérature et transmission

Pour autant, aucun règlement de comptes dans ce récit, juste l’élucidation de l’histoire. Ici, le souci de la vérité n’est en aucun cas passion monomaniaque, mais nécessité profondément morale envers la littérature, et sa propre descendance. On pourrait presque parler de la réécriture de… la réécriture de l’histoire opérée par la mère. Afin d’y voir clair, afin de ne plus être hanté. Le lecteur s’étonne, du reste, qu’une historienne puisse rétorquer à son fils que cette histoire la regarde et lui appartient, comme si elle ignorait que l’histoire, par définition, ça se transmet…

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Mais au-delà de ce noyau dur, ce roman nous offre une belle amplitude. Les récits se succèdent dans une écriture d’une rafraîchissante souplesse et d’une simplicité qui est à elle seule tout un art. Par ailleurs, Emmanuel Carrère, s’il est écrivain, est d’abord un lecteur, et il nous livre, toujours à bon escient, ses références. Ce faisant, il rend hommage à ses aînés : Ionesco, Nina Berberova,  Marguerite Yourcenar, Nabokov, Tolstoï qu’il découvrira sur le tard pour cause d’opprobre familial, et Dostoïevski, et ce, malgré ses propos théologico-poliques qui, dit-il, influenceront Vladimir Poutine de manière catastrophique.

Du présent, ne faisons pas pour autant table rase

Car ce roman familial qui balaie la grande histoire nous plonge aussi dans le présent et, en particulier,  dans la guerre en Ukraine, dont le narrateur dit qu’il l’a suivie et la suit toujours comme il ne l’a jamais fait avec aucun autre évènement. De fait, il donne de sa personne dans les différents voyages qu’il fait à l’est de notre continent. Car ce baroudeur ne ménage pas sa peine et se prête à des rencontres peu orthodoxes mais très instructives. Et, pour la première fois encore, lui qui avoue croire le dernier qui a parlé et tenir aux zones grises et à la complexité des choses, tranche cette fois-ci au détriment d’une Russie pour laquelle il lui semble que tous les clichés, hélas, sont vrais, au point d’affirmer que la troisième Rome n’est jamais qu’un quatrième Reich…

Enfin, si la mère est au centre du roman, avec sa complexité et ses zones grises, qui font apparaître à la fois une femme qui n’hésite pas à transformer l’histoire (voir le passage cocasse où à Radio classique elle dit avoir toujours aimé la musique, alors qu’elle ne l’a jamais aimée…) mais aussi une bru capable de lettres d’une grande délicatesse et d’une affection certaine à sa belle-mère, bref, si la mère prend une place considérable, le père émerge lentement mais sûrement. Et avec lui, un fils obligeant à son égard. Dès lors, l’intime se mêle à l’histoire passée et actuelle, et donne, au bout du compte, un livre foisonnant mais d’une écriture tellement fluide qu’on le lit d’une traite, avec le sentiment d’une épopée à dimension humaine, très humaine.

Kolkhoze d’Emmanuel Carrère, éditions POL, 2025. 560 pages.

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Anti-France tu perds ton sang-froid!

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Place de la République à Paris, hier © JEANNE ACCORSINI/SIPA

Les drapeaux français ont été mal accueillis dans les cortèges du mouvement « Bloquons tout » du 10 septembre. Un mouvement que notre directrice propose plutôt de rebaptiser « Cassons tout ». Nous vous proposons d’écouter son intervention.


Les drapeaux français n’étaient pas les bienvenus dans le mouvement « Bloquons tout » du 10 septembre. C’est un euphémisme. Plusieurs vidéos montrent des manifestants arborant des drapeaux tricolores pris à partie et traités de « fachos ».

On a observé la même scène à Paris, à Montpellier ou encore à Bordeaux, où une femme très « gilet jaune » première manière s’est fait expulser du défilé. Dans les rues, le seul drapeau massivement présent hier était le drapeau palestinien. C’est désolant pour les défenseurs des Palestiniens qui voudraient le voir rimer avec paix, puisqu’il est désormais associé au désordre, à la casse, aux agressions et à l’antisémitisme. Sans le savoir, ce qu’ils vénèrent, c’est le Hamas. En l’occurrence, il ne s’agit même pas d’un phénomène ethnico-culturel ou lié à une quelconque fracture religieuse. Les quartiers n’étaient pas là. C’étaient des foules très jeunes, blanches. Et très clairsemées. Moins de 200 000 manifestants : c’est misérable. Sans les lycéens, cette journée aurait fait un bide.

Cette haine du Bleu-Blanc-Rouge (comme très souvent celle de la Marseillaise) prouve l’inculture des extrêmes-gauchistes. Ils répudient les symboles de la Révolution française qu’ils prétendent vénérer par ailleurs. Ils se disent internationalistes, mais dans toutes les manifs de gauche on voit désormais des drapeaux algériens ou marocains. Pour cette gauche, la nation est légitime pour les autres, mais la France, elle, serait rassie, étriquée. « Moisie », comme disait Philippe Sollers. Et le tricolore serait fasciste.

Ce rejet du national est-il payant ?

C’est le calcul électoral de Jean-Luc Mélenchon. En 2012, le leader des Insoumis avait mené une campagne républicaine, tricolore, laïque. Résultat : 11 %. En 2017, il a fait une campagne communautariste. Résultat : 19 %. Entre-temps, Éric Coquerel lui a vendu l’idée qu’il gagnerait avec les banlieues.

C’est un calcul absurde – espérons-le. Certes, M. Mélenchon peut capitaliser sur le rejet du macronisme. Cela le mènera peut-être au deuxième tour, mais jamais à la victoire. Cette détestation de ce qui est français lui aliène une grande partie des classes populaires, y compris des millions de descendants d’immigrés qui aiment la France. Les premiers gilets jaunes étaient patriotes. Mélenchon, lui, veut mobiliser ceux qui détestent notre pays, l’Occident, la liberté des femmes etc. C’est une faute morale et politique. Car la patrie, c’est d’abord le bien des petites gens. Les élites mondialisées n’ont pas besoin de frontières ; les ouvriers, les classes populaires et les paysans, eux, oui.

Nonobstant la casse déplorable et les navrantes pertes subies par les commerçants et les riverains, le spectacle donné hier est salutaire car il montre le vrai visage de cette gauche Gaza/Mollah/dégâts. Elle vomit ce qui fait encore vibrer des millions de gens — et pas seulement les soirs de match. Le parti de l’anti-France peut faire du bruit, de la casse, et même avoir des députés. Mais il reste, je crois, ultra-minoritaire. C’est la grande faillite d’une gauche qui a oublié Jaurès. Elle devrait méditer sa formule :
« La patrie, c’est la multiplication de l’âme individuelle par l’âme de tous. »

https://youtu.be/Zp-ZafXJ_sk

Féministes et musulmans de France, parlez!

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Mazar Dara, Afghanistan, 1er septembre 2025 © Wahidullah Kakar/AP/SIPA

Et si, face à l’inhumanité des talibans, leur silence assourdissant posait des questions dérangeantes que nul ne devrait éluder?


Un séisme de magnitude 6 est survenu le 31 août en Afghanistan dans la province de Kounar, à l’est du pays, détruisant la plupart des villages et hameaux disséminés dans ces territoires montagneux.

Les premiers secouristes ne sont arrivés sur zone que trente-six heures après le tremblement de terre. On devait dénombrer par la suite quelque 2200 morts et 3600 blessés. Chiffres communiqués par le gouvernement taliban de Kaboul.

Premier sujet d’étonnement : aucune femme ne se figurait parmi les secouristes. Mais plus étrange encore, nous précise un article du New York Times, une fois les opérations de déblaiement et de sauvetage menées à leur terme, aucune femme non plus ne se trouvait parmi les personnes secourues.

Et pour cause…

La loi des talibans interdit, même en cas d’urgence absolue, tout contact physique entre un homme et une femme, sauf si l’homme est un proche parent de cette femme. Telle est la règle formelle en ce beau pays d’obscurantisme fleurissant.

Ainsi, rapportent les témoins parmi lesquels au moins six médecins arrivés par la suite, les hommes et les enfants ont été secourus, alors que les femmes ont été abandonnées à leur sort, sans secours, sans soins. Blessées ou non, elles avaient été parquées dans un coin et oubliées là.

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Pour celles qui se trouvaient ensevelies sous les décombres, évidemment entre la vie et la mort, elles étaient condamnées à espérer que d’autres femmes, venues d’autres villages, puissent éventuellement tenter de les sortir de là.

Quant aux malheureuses qui avaient perdu la vie, elles étaient tirées par leur vêtement jusqu’à un semblant de sépulture de manière à ce que leurs fossoyeurs improvisés ne courent pas le risque d’entrer en contact ne serait-ce qu’un instant avec leur peau. Le fond du fond de l’inhumanité !

Combien de ces femmes blessées, prisonnières des gravats sont décédées faute de secours ? Le gouvernement taliban se garde bien d’en donner le nombre.

Il n’en reste pas moins que le sort de ces abandonnées ne peut que soulever le cœur et révolter tout être humain digne de ce nom.

Pourtant, on n’entend guère de protestations, de cris d’indignation justement. On ne voit guère d’occupation de rues, de pancartes vengeresses brandies par nos féministes militantes d’habitude si promptes à jouer les boutefeus à la première atteinte – réelle ou supposée – à la dignité et aux droits de leurs congénères. Là, rien. Peut-être une telle horreur, une telle barbarie d’un autre âge les laisse-t-elles sans voix ? Allons, accordons-leur le bénéfice du doute…

Il n’y a pas que leur silence pour nous choquer, pour nous écœurer. Il y a aussi celui des musulmanes et musulmans de ce pays dont on serait en droit d’exiger qu’ils se prononcent sur de tels agissements, qu’ils disent clairement s’ils les condamnent avec la plus grande fermeté ou, finalement, les admettent comme relevant d’une tradition ancestrale, religieuse, proprement respectable et surtout inattaquable ? Et donc comme une réalité dont on pourrait finalement s’accommoder, une aberration culturelle, civilisationnelle qu’on se contenterait de couvrir du sombre voile de la pudeur, comme le visage et le corps des femmes de là-bas, ensevelies vivantes dans ce prêt-à-porter carcéral imposé par la dictature du mâle…

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Aux armes, lycéens!

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Bordeaux, 10 septembre 2025 © UGO AMEZ/SIPA

Ils voulaient “tout bloquer” mais Retailleau avait donné des consignes de fermeté aux forces de l’ordre. Résultat: pas de révolution, juste un peu de pagaille dans les rues et quelques poubelles carbonisées. Dans les cortèges du 10 septembre, on croisait beaucoup de jeunes bourgeois, déjà angoissés par les fins de mois difficiles. Rencontre.


Il a dix-sept ans, il est au lycée, il se sent concerné par la politique. Pour lui, c’est le grand jour : et pourtant, même ce matin, il a hésité à émerger du lit ; il faut dire que la veille, il a binge watché sur Netflix la dernière série à la mode. Il bâille, s’étire, se rendort ; sauvé par le snooze, il se lève, à contrecœur ; et, après une bonne heure de toilette matinale, il sort enfin, paire de Nike et jean Levis, airpods aux oreilles et smartphone en poche, prêt à larmoyer devant les caméras sur son pouvoir d’achat. Certes, il n’a encore jamais vraiment travaillé, il vit comme un prince chez ses parents, qu’il déteste : mais rien que de songer qu’un jour, il ira lui aussi à l’usine deux mois l’été pour payer sa caisse, entre deux années d’HEC — ou de Sciences-po… il en a des boutons !

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Cheveux fluos et looks androgynes

Il retrouve ses potes à l’entrée du lycée : Gabriel, Noah, Elvis et Kendji, et Jean (ou Jade ? il a un doute) ; teintures bleues et pantalons troués, look mi-androgyne, mi-années 90, ils se checkent sans se faire la bise, par un vieux reste de terreur covidique. Un grand dadet tout maigre, les cheveux gras, qui mue, gueule des paroles inaudibles dans un mégaphone. Une enceinte Bluetooth, accrochée au portail, crache un métal enfiévré qui s’entend dans les fumées des cigarettes. On échange trois mots, « wesh », « wallah », avant que tous retombent dans une sorte de torpeur, les yeux mi-clos.

Paris, 13e arrondissement, hier © HENRI WELSCHINGER/OLA NEW/SIPA

Des mecs avec des sweats à capuche, des filles habillées comme des gars, par terre, écrivent des slogans vulgaires sur des pancartes en carton : « Zbeul général », « Manu Ciao ». Soudain, du bruit : c’est un groupe d’excités, qui traînent derrière eux de grosses poubelles ; ils arrivent au milieu des applaudissements, hilares. Quand la cloche de l’établissement se met à sonner, un petit frémissement court dans l’assistance : ça y est, pour la première fois, on bloque le lycée ! Les plus cultivés se prennent pour des Communards de 1871 ; les autres, pêle-mêle, pour des Robins des bois contre les voleurs, pour des communistes contre la fachosphère capitaliste, pour des révolutionnaires contre les agents du pouvoir.

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Taxez les riches (ou papa-maman) !

Aux journalistes qui vont pour les interroger, ils se plaignent, ils expliquent que les lycées manquent de moyens. Ils s’imaginent déjà gestionnaires de budget, et tant pis pour les chiffres officiels des dépenses dans l’Éducation nationale. D’ailleurs, la contradiction ne leur fait pas peur : vent debout contre le grand capitalisme libéral, ils croient à la vertu de la consommation pour relancer l’économie ; ils frémissent aux discours de Greta Thunberg, mais honnissent le protectionnisme et prônent la grande globalisation ; ils en veulent à ce système scolaire qui les oppresse, mais de concert avec les rectorats, écrivent leurs manifestes en écriture inclusive. À l’école, on leur a appris que la police tue, que l’homme est toxique, qu’un riche est méchant : forts de ces quelques maximes insufflées par l’Éducation nationale, fortifiées par la bien-pensance médiatique, exaltées enfin par la grande gaucherie, ils insultent les flics et déversent des poubelles sur les trottoirs. Quoi ? Ce n’est pas eux qui ramasseront les déchets.

Les plus excités, d’une voix tremblante d’émotion, parlent de génération sacrifiée, de répression criminelle, d’État totalitaire ; ils voudraient ne rien faire que ce qui leur plaît, et être payés pour cela, par cet État qu’ils abhorrent ; qu’on les lance un peu, ils invoquent Robespierre avec la liberté, confondent fascisme et libéralisme, justifient le voile par la laïcité et s’offusquent des liens entre immigration et délinquance, comme Jourdain devant sa propre ignorance ; de temps à autre, ils crient des formules toutes faites, qu’ils répètent comme des mantras : « Tout le monde déteste la police ! » Puis, ils scrollent frénétiquement sur leurs téléphones, les yeux exorbités.

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L’éducation gratuite, les bibliothèques gratuites, les musées gratuits ne les empêchent nullement de citer Bourdieu, qu’ils n’ont jamais lu, et de parler d’héritage culturel. Il ne faut pas leur dire que l’élitisme républicain, c’est justement le pur produit de l’égalité ; que sous la Troisième République où on était cinquante par classes et sans pupitres (lire l’enfance de Flaubert chez Henri Troyat), à une époque où rien n’était gratuit et tout bien plus précaire qu’aujourd’hui, l’école fonctionnait à merveille, les hussards noirs formaient des générations de grands esprits ; qu’un jour, ils recevront leur premier relevé d’imposition, et qu’alors ils changeront d’avis et crieront au matraquage fiscal. Non, il ne faut pas leur dire cela ; il faut les protéger : pensez donc ! Choyés par leurs professeurs, choyés par leurs parents, ils n’ont jamais connu la frustration. Pour l’instant, la rage au ventre, ils ne veulent que moins d’heures de cours, plus de semaines de vacances, l’abolition des notes, des devoirs et des concours, le revenu universel. En un mot, — âge oblige —, ils ne veulent… rien branler.

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Charlie Kirk: mort pour avoir ouvert le dialogue

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Charlie Kirk distribue des casquettes MAGA avant de prendre la parole à l’Université de la Vallée de l’Utah, à Orem, le mercredi 10 septembre 2025. Il sera abattu peu de temps après © Tess Crowley/AP/SIPA

Aux États-Unis, la « guerre culturelle » fait une victime réelle. L’influenceur conservateur MAGA populaire Charlie Kirk a été abattu dans l’Utah en pleine conférence hier. «Personne ne comprenait ou n’avait à cœur la jeunesse des États-Unis d’Amérique mieux que Charlie», a écrit Donald Trump


Hier, dans les années 1960-1970 (on pense évidemment aux frères Kennedy et à Martin Luther King Jr.), les martyrs de la liberté d’expression en Amérique étaient classés à gauche ; aujourd’hui, ils sont classés à droite. Considérons cela dorénavant comme une réalité historique.

Charlie Kirk était certes un activiste et une personnalité politique mais c’était avant tout un homme d’une grande tolérance, ouvert à toutes les opinions pour peu qu’elles acceptent de se frotter à l’exercice de la raison. Il combattait l’extrême gauche sur le terrain des idées, en les affrontant sur le terrain et dans le cadre du débat civilisé. Il n’a jamais été haineux à l’égard de qui que ce soit. Il faut rappeler, de nos jours, puisque cela semble nécessaire, qu’on peut combattre sans haïr. Qu’on peut vouloir battre une idéologie à plate couture sans en vouloir personnellement à quiconque. Il semble que cette règle de bon sens ne soit pas partagée par les ennemis de Charlie Kirk.

On vous dira (on vous le dit déjà, me dit-on) que Charlie Kirk était un militant d’extrême droite. N’en croyez rien. Charlie Kirk était un chrétien conservateur de droite. Il ne voulait censurer personne ; bien au contraire : il voulait avoir un dialogue ouvert avec tous ceux qui ne pensaient pas comme lui. L’exact opposé d’un fanatique. Il s’est fait connaître du grand public de cette manière, en débattant ouvertement et sans montage avec des étudiants sur les campus américains qui nourrissaient des opinions bien différentes des siennes. Tellement différentes qu’ils l’insultaient abondamment alors qu’il venait discuter avec eux. Tellement différentes que Charlie Kirk se fit finalement abattre sur l’un de ces campus. Se faire abattre dans une université… Un lieu censé être le terrain sacré de l’échange d’idées. Réalisez-vous bien à quel point l’Occident s’est éloigné de ses fondations ?

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Charlie Kirk a eu le tort d’avoir trop de succès. Ses échanges retors avec certains étudiants sont vite devenus viraux sur Internet. Il n’est jamais bon d’avoir un interlocuteur intelligent : il déboulonne votre argumentaire bancal en deux trois coups de clé anglaise. Charlie Kirk était de ces orateurs hors pair, avec une capacité de raisonnement rapide comme l’éclair. Américain, ses positions pouvaient différer de notre sensibilité européenne, mais les Européens ne comprendront jamais les priorités de l’Amérique, autant se le dire une fois pour toutes. C’est un pays trop vaste et encore trop sauvage pour que nous y comprenions quelque chose. Charlie Kirk était un modèle de gentleman civilisé pour sa génération, qui allait jusqu’à faire taire ses soutiens pour laisser parler ses opposants. Agé de 31 ans, il laisse une épouse, une fille de trois ans et un fils d’un an.

Ceux qui voulaient sa peau ou ceux qui appelaient encore hier matin à le faire taire (une pétition circulait pour l’interdire de s’exprimer sur le campus) n’auront eu aucune compassion pour cette famille. Alors ne laissez plus ces gens vous convaincre qu’ils sont les gentils. Qu’ils défendent un monde meilleur dont vous ne pouvez pas comprendre les critères de sélection. La liberté de ton de Charlie Kirk dérangeait une certaine gauche. Ne vous laissez donc plus jamais dire que la gauche est toujours du côté du camp du Bien. C’est faux. Tout camp nourrit en son sein ou dans ses franges une pensée totalitaire, intolérante, inhumaine et meurtrière. Il est grand temps que notre pays aussi prenne conscience de ce danger. Charlie Kirk, 31 ans, est mort pour que les gens prennent conscience de ce danger.

Paumé comme un jeune en France

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La cité Félix-Pyat, dans les quartiers nord de Marseille, novembre 2017. Rap vengeur, caïdat et drogue : contre-modèle social et culturel d’une jeunesse déculturée © Adlan Mansri/SIPA

La longue et méthodique déconstruction qui a cassé l’école, brisé le monde du travail, délégitimé la famille et enlaidi l’environnement urbain a marginalisé toute une partie de la jeunesse. Réfugiée dans la drogue, la délinquance et la violence, elle refuse même de faire des enfants.


Les émeutes qui ont frappé le territoire français de manière tournante cet été sont le fait de jeunes hommes des « classes populaires », adolescents le plus fréquemment, à ce qu’en disent les policiers. On peut ajouter d’autres symptômes à cette triste litanie. De sordides agressions de personnes très âgées, dépouillées à leur domicile ou dans la rue par deux ou trois hommes masqués pour une poignée de bijoux ou quelques euros ; certainement pour acheter leur drogue. La déshumanisation de vieillards réduits à l’état de butin me semble pire, anthropologiquement, que les meutes agressives et destructrices. Prolongeons par l’effondrement de la natalité en cours, initié par une génération désinsérée dépourvue d’avenir ; au point que des millions de jeunes mâles sont incapables d’élever leur enfant plus de quelques semaines ou mois, laissant la charge de ce travail de toute humanité à leur compagne esseulée.

Efforts constants et décomposition linguistique généralisée

Pour parvenir à cette brillante séquence, il a fallu beaucoup d’efforts de notre société en paix – des efforts aussi constants que durables – pour désintégrer et broyer des pans entiers de nos classes populaires.

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Il a d’abord fallu casser l’école. Ce chef-d’œuvre collectif a été concocté durant un demi-siècle dans les salons de la Rue de Grenelle. On a désappris aux maîtres, puis aux élèves, la transmission minimale du savoir nécessaire à un citoyen éclairé. On a commencé par enlever les accents circonflexes ; on a fini par déconstruire la phrase (majuscule-sujet-verbe-complément-point), structure de base du langage. Un nombre important des néobacheliers ne sait pas écrire une phrase cohérente en français. En saupoudrant dans les classes un nombre croissant d’élèves allogènes, non pris en charge de manière spécifique, on a accéléré la décomposition linguistique collective.

Il a fallu ensuite briser le monde du travail. La France peut s’honorer d’avoir un taux exceptionnellement élevé de chômage chez ses jeunes, et l’une des pires insertions dans le monde du travail en Europe. Trois millions de jeunes désœuvrés (euphémisés en NEET) entre 15 et 34 ans y végètent, soit près d’un jeune Français sur cinq, dont 40 % issus de l’immigration. Transformation de l’enseignement professionnel en voie de garage proposée aux illettrés et aux a-chiffrés, désindustrialisation sans retour et destruction de l’agriculture paysanne ayant détruit des millions d’emplois, culture de la fête et de la défonce, bas salaires et précarisation de masse (dite aussi ubérisation), tout concourt à ce résultat : des millions d’emplois décemment payés manquent à l’appel en France.

Campagne sociétale contre la famille « traditionnelle »

Les élites culturelles et médiatiques se sont ensuite abattues sur la famille, qualifiée de « traditionnelle » pour la délégitimer. Cette campagne sociétale au long cours a eu ses effets les plus destructeurs dans les classes populaires. La garde partagée ou alternée (13 % des enfants de parents séparés) est un privilège bourgeois, qui ne descend guère dans la société. La plupart des pères défaillants – déresponsabilisés par l’idéologie dominante – abandonnent femme et enfants. 22 enfants dont les parents sont séparés vivent au foyer de leur mère, contre un seul chez leur père. Cette caraïbisation partielle du modèle familial français débouche sur le phénomène devenu massif des enfants en familles monoparentales (2,8 millions). Psychiatres et policiers sont confrontés au quotidien à la faction la plus violente qui en est issue.

Ajoutons à cette descente aux enfers la ville, dûment touchée par une forme de désagrégation. Un univers périurbain inédit a été (dé)construit depuis les années 1980. Après les cités HLM des Trente Glorieuses, la décentralisation a libéralisé le foncier et transféré aux maires les permis de construire : la « France moche » est advenue, qui ne cesse de s’étendre et de coloniser bourgs et villages. Un bon tiers des Français, dont la majorité des pauvres et des immigrés, y habitent ou y travaillent. Elle se caractérise par l’absence de toute réflexion esthétique et harmonie d’ensemble, par la concurrence sauvage du bâti commercial, par une américanisation clinquante au rabais, par la fast-foodisation de l’alimentation et par une parkinguisation omniprésente. Cet univers laid et décivilisé ne porte ni à la paix ni au repos de l’âme : la nature, la beauté et l’art (qu’une simple corniche de pierre donnait à voir) en sont bannis. Les Enrico Macias de ce temps ne chantent plus « Paris, tu m’as pris dans tes bras ! », mais écrivent un rap amer et vengeur, aux couleurs de leur non-ville.

Choc des cultures importées

En définitive, pour une fraction importante de la jeunesse populaire, le sens de la vie s’est dérobé. Le travail ne paye pas. L’école les instruit mal. L’État n’a plus besoin d’eux, ni comme paysans, ni comme ouvriers, ni comme soldats. La bourgeoisie n’attend même plus d’eux qu’ils fassent des enfants, car elle peut importer des consommateurs, et qu’elle fait fabriquer ses produits par des pauvres d’ailleurs (textiles) ou par des robots (électronique). Les familles, trop souvent déstructurées et sursollicitées par un consumérisme bas de gamme, ont perdu la connaissance du beau (l’environnement), du bon (la cuisine familiale) et parfois du sens de la vie (l’habitus familial ou l’amour du pays). Le choc des cultures importées par l’immigration, la déprise de l’assimilation culturelle et la valse des modèles culturels (consumérisme américain versus hallalisation islamique) accentuent les effets de cette désagrégation, sauf à se structurer en communautés culturelles soudées, homogènes et fermées. C’est la carte des frères musulmans et des salafistes, qui enferment les leurs avec le moins d’interactions externes possible. C’est la carte des évangélistes ou de certains groupes chrétiens afro-caribéens ou roms qui prospèrent non loin des précédents.

Pour les autres, mais sans exclusive, la culture du rap, la consommation et l’économie de la drogue, le caïdat et les effets des bandes constituent d’autres agrégateurs d’énergies juvéniles à la dérive. L’école et la réussite scolaire et professionnelle demeurent l’autre option ouverte, mais que la régression scolaire rend extrêmement difficile pour les garçons non aidés par leurs familles.

Prenons l’exemple des stupéfiants. Les pouvoirs publics et sanitaires ont consciencieusement lutté depuis des décennies contre la culture ancestrale du vin, tout en rendant le tabac taxé prohibitif pour les classes populaires. Or ces deux produits étaient l’échappatoire des hommes des classes populaires françaises depuis le xixe siècle. Les autorités sont ainsi devenues à leur corps défendant les promoteurs de nouvelles drogues plus dangereuses. En effet, la lutte contre les psychotropes légalement vendus et taxés en France a dopé l’économie criminelle des drogues. Le haschisch, associé au tabac de contrebande (dont la France importe la moitié de toutes les ventes réalisées dans l’Union européenne), est devenu le « vin rouge » de la jeune génération (dans tous les milieux sociaux d’ailleurs). La destruction des emplois légaux de la viticulture est compensée par la nouvelle économie criminelle ; un autre effet est de remplir les cabinets des psychiatres et les hôpitaux psychiatriques de jeunes malades mentaux ayant décompensé leur maladie sous l’effet du cannabis.

A relire, du même auteur: 60 millions de consommateurs

À croiser les données suivantes – le malaise d’une jeunesse dépossédée et déculturée qui n’a souvent aucun espoir d’insertion ; la mise en place de réseaux criminels importateurs facilités par l’immigration et le tourisme international ; la création d’un secteur d’activité qui emploie 200 à 300 000 jeunes désœuvrés avec des perspectives d’enrichissement rapide (même si la mort est au bout du chemin pour des centaines d’entre eux chaque année) ; la fuite dans les paradis artificiels qui permet d’oublier un quotidien morose et un avenir opaque –, tout a été réuni pour que le caïdat de la drogue, porté par les jeunes hommes issus du Maghreb où il est produit, s’impose comme un modèle de référence dans un lumpenprolétariat abandonné par la société. Générateur de délinquance, de violences, mais aussi d’enrichissement et de risque, il s’érige en contre-modèle social et culturel pour toute une jeunesse qui le chante dans ses tubes de rap, écoutés en boucle dans la moindre campagne.

Priorité

François Hollande puis Emmanuel Macron avaient affirmé faire de la « jeunesse » leur priorité politique. Ils n’ont apparemment pas fait le lien entre l’instruction, l’insertion par le travail et le bien-être de la jeunesse ; à moins que la pratique du pouvoir les ait ramenés vers les préoccupations de leurs électeurs boomers. Toujours est-il que notre société est malade de ses jeunes, et que son avenir en est en partie obéré. Une des réponses des jeunes Français à ce drame est de cesser de se reproduire, ce qui ne va rien arranger, mais a le mérite de tirer la sonnette d’alarme à son maximum. Car c’est tout le mécano de notre État social qui menace de s’effondrer.

Drogue qui abêtit et désocialise, pornographie qui animalise les femmes pour la vie dès la petite adolescence, caïdat qui impose sa loi meurtrière, fuite en avant dans la marginalité ou la délinquance des bandes, chômage et vie en rétréci dans l’assistanat ou la fraude sociale, refuge dans le religieux (pour le meilleur et pour le pire) ou les paradis artificiels, émigration croissante à l’étranger, toute une partie de la jeunesse est malade de la place qui ne lui a pas été préparée par notre société. La violence des meutes est un symptôme, mais la crise est bien plus large. Elle ne dispense pas d’une justice qui punisse les crimes à leur juste mesure, sans faillir pour prévenir leur inévitable répétition ad nauseam. Pour le reste, les remèdes sont connus mais de long terme ; plus le temps passe, plus la récupération sera difficile. Si on commençait par instruire sérieusement la jeunesse de demain, et par recréer des emplois de production et de service décemment payés ?

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11-Septembre: la blessure et la veille

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© FRANCES M. ROBERTS/NEWSCOM/SIPA

Il y a 24 ans, l’islamisme replongeait l’Occident dans l’incertitude


Il y a des dates qui ne s’effacent pas, même lorsque le temps croit avoir le pouvoir d’apaiser. Le 11 septembre 2001 appartient à ces jours où l’histoire a pris feu sous nos yeux, où un matin de ciel bleu s’est transformé en crépuscule planétaire. À New York, des avions ont traversé les tours jumelles comme des poignards dans la chair d’un monde qui se croyait invincible. En quelques minutes, ce ne sont pas seulement des vies qui furent fauchées, ce fut une civilisation tout entière qui comprit qu’elle n’était plus à l’abri, que la barbarie frappait désormais au cœur même de sa modernité.

Mais pour moi, cet effondrement ne fut pas seulement celui de deux géants de verre et d’acier. J’y vis ressurgir les spectres de ma propre mémoire. Alger avait déjà connu la morsure de la haine, les cris étouffés sous le vacarme des bombes, les rues vidées de leurs passants, les bibliothèques incendiées comme des bûchers modernes. Le 11-Septembre ne m’apprit rien de neuf : il confirma seulement que ce que nous avions enduré dans l’ombre allait, tôt ou tard, engloutir la lumière du monde. L’Algérie avait été un laboratoire sanglant ; New York devint la vitrine tragique de ce que nous n’avions cessé d’annoncer.

Et pourtant, à mesure que les années passent, je vois l’oubli tisser sa toile. Vingt-quatre ans plus tard, combien de consciences se rappellent vraiment ce jour ? Combien ont remplacé l’effroi par une indulgence coupable, un relativisme confortable, une volonté de banaliser ce qui fut une déclaration de guerre à l’humanité ? On préfère parler de « diversité culturelle », on maquille le fanatisme en folklore, on confond la tolérance avec l’abdication. L’oubli n’est pas seulement une faute morale : il est une complicité.

Je sais ce que signifie cet effacement. J’ai vu, en Algérie, les premières concessions faites au nom de la paix. On a laissé les islamistes imposer leurs codes dans les quartiers, leurs dogmes dans les écoles, leurs menaces dans les foyers. On a cédé des mots, puis des gestes, puis des vies. On a pensé qu’en fermant les yeux, la bête s’assagirait. Mais le ventre restait fécond, et il l’est encore.

A lire aussi, Charles Rojzman: La culpabilité des enfants gâtés de la gauche et la fabrication de l’ennemi

Voilà pourquoi je ne peux me taire. Voilà pourquoi je répète, avec une obstination que certains me reprochent, que la laïcité n’est pas une option française, mais une condition universelle de survie. Elle n’est pas un luxe pour pays apaisés, elle est le socle sur lequel se construit une société adulte. Elle protège la foi en la préservant de l’instrumentalisation. Elle protège l’incroyance en lui donnant droit de cité. Elle protège la République en la tenant à distance des cléricatures de tous bords. Elle est ce garde-fou fragile, mais vital, contre la tentation du retour au sacré meurtrier.

Se souvenir du 11-Septembre, ce n’est pas nourrir un ressentiment. Ce n’est pas appeler à la revanche. C’est refuser la complaisance, refuser la naïveté, refuser la fatigue de penser. Car la haine, elle, ne se fatigue pas. Elle guette les faiblesses, les silences, les dérobades. Elle s’avance masquée, avec le sourire des compromis, avant de révéler le couteau qu’elle tenait dans son dos.

Je me souviens d’Alger, où un rire pouvait devenir une provocation, où une chanson à la radio pouvait valoir une condamnation, où des jeunes femmes furent égorgées pour avoir osé garder leurs cheveux libres. Je me souviens de ces amis disparus, assassinés pour avoir écrit, pour avoir enseigné, pour avoir simplement refusé de se taire. Alors quand je vois aujourd’hui certains expliquer qu’il faut « comprendre » les fanatiques, qu’il faut « contextualiser » leur violence, je sens monter la colère froide de celui qui a déjà vécu la descente aux enfers et qui sait que le prix du silence est toujours payé en sang.

Le 11-Septembre est une cicatrice mondiale. Mais une cicatrice ne signifie pas guérison : elle rappelle la blessure, elle exige la vigilance. Si nous baissons la garde, elle se rouvrira. Les flammes qui ont consumé New York peuvent renaître ailleurs, sous d’autres formes, avec d’autres visages.

C’est pourquoi j’écris, non pour ressasser, mais pour veiller. Comme on garde une flamme vacillante dans la tempête, comme on tient une veilleuse dans une chambre obscure. Les peuples n’ont pas besoin de discours rassurants, ils ont besoin de vérité. Et la vérité, c’est que la liberté n’est jamais acquise. Elle est un combat quotidien, un acte de résistance à l’endormissement général.

Je parle ici en exilé qui a dû quitter sa terre pour sauver sa voix. En poète qui croit encore que les mots peuvent tenir tête aux armes quand ils sont justes et courageux. En citoyen qui sait que la République n’est pas un mot d’histoire, mais un horizon à réinventer chaque jour.

Le 11-Septembre n’est pas seulement une date à commémorer. C’est un avertissement à ne jamais oublier. La barbarie est patiente. L’humanité, elle, n’a qu’une arme : la mémoire.

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