
Tonie Behar est loin d’être un écrivain débutant. Née à Istanbul dans une famille judéo-espagnole, elle s’installe à Paris et commence une carrière dans le monde du luxe ; elle intègre notamment le service presse de la maison de couture Ungaro.
En 2002, elle crée l’agence de rédaction Plume, spécialisée dans les contenus liés au luxe et la beauté. Parallèlement, elle devient journaliste-pigiste et collabore à Citizen K, Cosmopolitan, Biba, Paris Capitale, Le Huffington Post ou Le Parisien. Elle publie également des comédies romantiques.
Trad wifes
Avec Toutes nos promesses, son dernier roman, elle poursuit sa saga Grand boulevards, une série d’opus qui peuvent se lire indépendamment et qui, tous, se déroulent dans un même immeuble situé au 19 bis du boulevard Montmartre.
Dans ce dernier ouvrage, elle nous invite à suivre les pas de Bettina, une gentille et moderne maman qui ne comprend pas toujours sa fille Capucine, 13 ans, qui se saoule de vidéos TikTok ; ces dernières prônent le retour de l’épouse au foyer à la façon des ménagères des fifties. Bettina s’insurge ; elle déteste ces concepts qu’elle considère réactionnaires, elle, séparée de son mari depuis peu, femme libre, indépendante, dynamique, créatrice de sa marque de bijoux qui cartonne. Pour tenter de raisonner Capucine, Bettina lui fait lire une livre d’Antoinette Dauzat, journaliste de la Belle Epoque, avant-gardiste, féministe qui vécut dans leur immeuble du 19 bis, boulevard de Montmartre.
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Antisémitisme répugnant
Tonie Behar parvient à nous tenir en haleine avec un roman habilement construit, vif et souvent fort amusant. De chapitre en chapitre, on fait des bonds dans le temps en passant de nos jours à 1888 ou/et au début du siècle précédent. Elle nous sert de belles descriptions du Paris de la fin du XIXe siècle, cerne bien l’esprit du féminisme naissant. « Elle m’initia à la littérature, mais me montra aussi les conditions de vie de nos paysans, me conta les difficultés du monde ouvrier, ouvrit mon cœur au sort misérable des animaux, et surtout m’enseigna la fierté d’être une femme », fait-elle dire à l’une de ses narratrices. « Même si les personnes de notre sexe n’ont, aujourd’hui encore, guère plus de droits que des enfants, nous possédons des cerveaux capables de réfléchir aussi vite et bien que les hommes et une force caractère qui leur fait souvent défaut, quoiqu’ils en pensent. » Voilà qui est dit !
À travers les propos ignobles et infâmes de la tante Ursule, elle dresse une peinture sans appel de ce que pouvait être l’antisémitisme le plus répugnant de cette époque ; l’affaire Dreyfus est, bien sûr, dans toutes les conversations.
Les retours dans le présent avec les histoires de Bettina sont tout autant savoureux, notamment quand cette dernière, présente sur le tapis rouge du Festival de Cannes pour défendre sa collection de bijoux, bouscule involontairement une jeune star coréenne, ce qui provoquera un tsunami sur les réseaux sociaux. Grâce à cet événement, Bettina et Capucine parviendront à se rapprocher…
Toutes nos promesses, Tonie Behar ; Charleston ; 382 pages.

