Sans crampons, boussole, ni oxygène, l’Himalaya, c’est plus compliqué que le massif du Madrès. François Bayrou a dévissé, englouti dans la cascade de glace du Khumbu, avant même d’atteindre le camp I. Les politistes et journalistes naïfs accusent nos institutions, la Ve République, pelée, galeuse, monarchiste, viriliste… Les débats sympas dans l’agora, le parlementarisme à la papa, au bon goût d’autrefois, les compromis salutaires, ont beaucoup déçu. Vers quel sombre et nauséabond recoin de notre histoire, le vent mauvais qui souffle va-t-il ramener Marianne ?
Histoires de nuls pour la France
Chacun ses fantômes, fantasmes, uchronies. Une constante : la technique du coup d’éclat.« Le Français a gardé l’habitude et les traditions de la révolution. Il ne lui manque que l’estomac: il est devenu fonctionnaire, petit-bourgeois et midinette. Le coup de génie est d’en avoir fait un révolutionnaire légal. Il conspire avec l’autorisation officielle. Il refait le monde sans lever le cul de son fauteuil » (Camus).
– 1789. Une nouvelle nuit du 4 août avec les Gueux. « Bloquons Tout », c’est flou, pénible à la longue. « La Liberté ou la mort », c’est vendeur pour les morts de peur et les morts de faim. « Mourir pour des idées », c’est épatant, à condition d’avoir des idées et la fibre du martyr. Personne ne se presse au portillon. Autre maxime pleine de bon sens, « Qu’on f….. la paix aux excellents Français ».
– Octobre 17. Vladimir Mélenchon attaque le Palais d’Hiver de l’Élysée. Fort Saganne est encerclé par les Fédayin fichés S de Rima Hassan. Greta Thunberg va-t-elle s’immoler devant Sciences-Po ? Thomas Legrand et Patrick Cohen sauront-ils « s’occuper » de Sébastien Lecornu ?
– Février 34. Marine Le Pen prend d’assaut l’Assemblée nationale. Les Camelots de Jordan Bardella et Croix-de-Feu d’Éric Zemmour oseront-ils franchir le pont de la Concorde ?
– Mai 68. Sandrine Rousseau, Marine Tondelier, la génération Z, montent des barricades bio pour changer la vie et jouir sans entraves. Sous les pavés Paris Plage. Les berges sont à vous. – Qui suis-je – Où vais-je ? – Qu’est-ce qu’on mange ce midi ?
– Mai 81, le retour, avec la NUG, « Nouvelle Union de la Gauche ». La farce tranquille commence toujours tout feu tout flammes, tout pour tous, avant une rapide marche arrière, le « réalisme de gauche », pour éviter la faillite. Au menu, un plat unique, inique: toujours plus de fonctionnaires et l’impôt sur les os. Les pauvres ont des malheurs, les progressistes ont des principes. Quoi qu’il en coule.
Les politiques, Grands Chambellans, Superintendants, CEO du service public, Fouquet, naufrageurs, qui depuis cinquante ans ont ruiné le pays, restent à la barre, ne regrettent rien, ne rendent aucuns comptes. Une feuille de déroute identique pour cinq Premiers ministres depuis 2022, y compris le bizut, Sébastien Lecornu, Daladier du macronisme : Ne faisons rien, c’est plus prudent. En attendant un Cincinnatus bienveillant qui épongera 3346 milliards de dette publique dans le dialogue, ou un krach à la grecque, c’est Septembre 38 – Munich –, tous les jours.
Au royaume des idées, les faits n’ont pas d’importance
Si Emmanuel Pif de la Mirandole et la chienlit au Palais-Bourbon n’arrangent rien, notre naufrage industriel, éducatif, culturel, la stasis, ne datent pas d’hier. Nous payons des générations d’incurie, de lâchetés, d’aveuglement idéologique. Les Français vivent dans un monde parallèle où cinq moins cinq égal cinq. La paix sociale est achetée avec des mensonges et de la dette. Nous sommes rattrapés par le réel. Les assassins et les créanciers ne connaissent point la pitié.
C’était pire avant, les millionnaires paieront, nous sommes riches de nos différences… Les palinodies d’économistes atterrants, éducateurs défaillants, journalistes affligeants, sont relayées ad nauseam sur France Inter, Libération,Le Monde, la Křetínský-sphère. Les Augustes insoumis, franciscains d’opérette, prébendiers sous perfusion, éructent contre les clowns blancs du pouvoir. Ivres de probité candide, vin rouge et ressentiments, des guérilleros de bac à sable, contre-pitres du monde d’après, pétaradent dans les incendies de bibliothèques, l’angoisse de l’extrême-droite, la surenchère de promesses démagogiques, intenables. On peut s’arrêter quand on monte, jamais quand on descend.
La tartufferie du camp du Bien consiste à jouer à saute-mouton, au bonneteau, avec le réel, les idéaux, la morale, le droit, le possible. Fini le concret, le plan B, l’heure est au gazeux. Contre la « fatigue démocratique », en promo sur France Culture, des crèmes apaisantes, New Age, aux essences d’humanisme, d’en-commun, d’inclusif… Une société désirable. Comment prendre soin du monde (Dominique Méda).
Rome, Athènes, Sparte, c’est fini ! La res publica et la démocratie prennent l’eau. Reste le clientélisme, une fuite en avant dans le macramé, le tissage, le métissage, la diversocratie, les Bourdieuseries, Boucheronades, l’histoire de France sans histoire et sans France. Le temps des rires et des chants, le pays joyeux, des enfants heureux, des monstres gentils, oui, c’est un Piketty ! D’où parlez-vous, camarades ?
Le sociologue Pierre BourdieuL’historien Patrick BoucheronL’économiste Thomas Piketty
Quels horizons, quelles lignes de fuite, résistances opposer à cet alignement des désastres ? Port-Royal et l’immigration intérieure ? Les regrets et les pleurs ? L’abstentionnisme, le poujadisme, la désespérance, ne sont pas les fruits amers d’un discours churchillien – de vérité -, jamais tenu, mais la résultante des mensonges et dénis permanents. Pas de salut sans parrhésie, courage de dire les vérités déplaisantes, sans tempêtes, ni sacrifices. L’exercice d’une lucidité condamnée n’interdit pas d’allumer des pétards et fusées de détresse sous les pieds des Tartuffes.
« Il semble bien que la demande en matière de liberté soit, pour l’humanité prise dans son ensemble, de beaucoup en dessous de l’offre que nous lui en faisons. Il est à craindre que le marché ne soit pas du tout ce que nous avions supposé. Nous risquons fort de rester avec notre stock sur les bras » (Jacques Rivière).
Il n’est pas absolument certain que la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon soit le fiasco annoncé, estime notre contributeur.
L’intérêt des guerres est qu’elles ne font aucune place aux prophètes. La guerre est faite de métal, de sang, d’imprévisibilité, et c’est cette dernière qui mène la danse. Comme le disait un stratège français, « la vraie bataille commence quand le plan de bataille s’effondre ». Quiconque dresse des plans trop précis au commencement d’un conflit devra les remiser par-devers lui une fois ses troupes engagées jusqu’au cou, et se fier au noble art de l’improvisation. La guerre en Ukraine en est un exemple éclatant.
Fiasco
En février 2022, la prophétie du FSB était que l’Ukraine n’était pas un vrai pays, que son peuple, dégénéré comme tout ce qui est occidentalisé, rongé par les idées LGBT, allait bien vite brandir un grand drapeau blanc et que Kiev serait prise comme à la parade. Ensuite, la sainte russification au pas de l’oie ferait son œuvre civilisatrice, et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes poutinien. Il n’en fut rien, bien au contraire. La populace ukrainienne s’est révélée d’une pugnacité jamais vue sur le sol européen depuis bien longtemps. Où l’on attendait des woke gavés de vice, l’on a vu des patriotes préférant mourir, plutôt que de revivre la grande famine stalinienne des années 30 (cinq millions de morts, tous innocents). Le Kremlin pensait avaler le territoire ukrainien en une petite poignée de semaines. Il n’a réussi qu’à le grignoter, et à s’y casser beaucoup de dents, en trois très longues années.
L’Opération Militaire Spéciale est un immense fiasco militaire. Les Russes sont habitués. Ils se sont fait aplatir par Hitler en 1941. Il leur fallut un raz-de-marée de sacrifices humains dans leurs rangs et un tsunami de matériel américain pour renverser la vapeur in extremis. Ils ont été humiliés par les montagnards afghans. Ils se sont enlisés de manière incompréhensible en Tchétchénie, au point qu’il leur a fallu établir un califat à Grozny pour avoir enfin la paix. Et voilà qu’ils se cognent le front, jour après jour, sur la porte fermée de Zelensky. La supposée plus-grande-armée-d-Europe se montre sans grandeur, sans honneur et, surtout, elle ne fait plus tout à fait peur. Elle essaye, pourtant. La semaine dernière, elle nous brandissait sous le nez sa nouvelle arme, le « Tchernobyl volant ». Elle nous fait le coup une fois par mois. On a eu Satan 2, le missile le plus terrifiant jamais vu, on a eu les missiles hypersoniques imparables, on a eu une myriade de petites phrases de Poutine annonçant l’apocalypse nucléaire, et rien ne vient. On s’ennuierait presque. Les chars russes restent désespérément empêchés de prendre l’Ukraine par des Ukrainiens héroïques, des dirigeants européens de moins en moins timides, et des opinions publiques de l’Ouest toujours pas disposées à ramper en sanglotant devant la statue du commandeur Vladimir. L’angoisse continentale qu’il voulait provoquer a fait chou blanc. Le cas français est intéressant.
Guerriers
Nous autres, descendants de l’armée qui s’est fait marcher dessus par la Wehrmacht (avec, notons-le, l’aimable assistance de l’Armée Rouge, son premier et intarissable fournisseur en carburant et en matières premières[1]), nous n’avons pas – ou plus – une réputation de fiers guerriers. On pouvait s’attendre à ce que la déflagration en Ukraine nous inspire un pacifisme tremblant. Il n’en fut rien. À notre propre, grande et excellente surprise, l’opinion publique n’a pas flanché. Depuis l’entrée de l’armada russe en Ukraine, aucun sondage – et il y en a eu beaucoup – n’a indiqué que nos compatriotes étaient terrifiés. Bien sûr, quand on leur demande s’ils veulent la paix, ils répondent « oui » en masse. Cela s’appelle des êtres humains. Toutefois, lorsqu’on les questionne sur la réalité de la menace russe et sur la nécessité d’assister l’Ukraine, la majorité s’est toujours prononcée contre la lâcheté. La toute récente enquête de l’Ifop ne déroge pas à cette règle. Pourtant, elle intervient à un moment critique : des drones russes ont survolé la Pologne, l’Otan se réveille de sa sieste, Macron envoie des chasseurs surveiller l’espace polonais. La fameuse escalade se profile. Ce serait le moment de se mordre un peu les doigts et d’avoir les genoux qui s’entrechoquent. Nenni. L’opinion ne change pas d’opinion : on ne baissera pas les yeux devant Moscou. Pas encore. Voire pas du tout, car rien n’indique que la Russie soit encore en état de terrasser l’Occident et qu’il faille par avance lui livrer les clés de Calais. Que l’on y voie de l’imprudence, de la lucidité ou du courage, les statistiques sont là : la France ne se rend pas.
Où l’affaire devient encore plus intéressante, c’est que François Bayrou a été remplacé par Sébastien Lecornu. La nomination de ce dernier est généralement perçue comme une preuve supplémentaire que Macron est un centriste fade, flasque et répétitif. Rien n’est moins certain. Car, si Lecornu passe pour un clone de Macron, ce qu’il est peut-être, il a aussi un passé récent, et pas n’importe lequel. Avant Matignon, il a été ministre des Armées. Pendant trois ans et bientôt quatre mois. C’est-à-dire : pendant la guerre en Ukraine, justement. À quelques mois près, sa trajectoire colle à celle du conflit. Il faudrait être bien peu curieux pour y voir un hasard. De plus, ce qui renforce le point précédent, M. Lecornu n’a pas la Place Rouge pour tasse de thé. Et c’est bien normal, car il a été le responsable des affaires politico-militaires d’un président qui, s’il a commencé par appeler Poutine une fois par jour en espérant vainement le séduire – ce qui avait fait de lui un personnage risible aux yeux des Ukrainiens -, il a fini par comprendre comment fonctionne le FSB et comment il convient de lui parler : sans amabilité excessive, en se souvenant à chaque instant que le mensonge est son ADN et l’intimidation sa colonne vertébrale.
À la dure
Le ministre russe de la défense Sergueï Choïgou (2012-2024). DR.
Macron est allé à l’école de la négociation face à la Russie, sur le tas, à la dure. Lecornu a appris avec lui, et l’accompagnant sur ce chemin abrupt et semé de vipères. Lecornu a retenu la leçon. Il veut doubler le budget des armées d’ici 2030. Il évoque « l’agressivité » de l’armée russe. Il ne se laisse pas marcher sur les pieds par Sergueï Choïgou. Il se montre indiscutablement favorable à l’aide à l’Ukraine. On sait de quel côté de la ligne de front il se situe. Et, à la réflexion, il est envisageable que ce soit la raison de son accès à Matignon. Macron veut un homme avec lequel il ne sera pas nécessaire de palabrer pendant des heures si la situation militaire grimpe d’un coup en température. Avec Lecornu, on peut imaginer que le dialogue ira vite et droit au but. Avec Bayrou, il y avait le risque que l’accent traîne et que l’embonpoint ralentisse.
Et si Lecornu n’était pas un énième négociateur à la table ronde des partenaires sociaux, ni une énième tentative d’endormir simultanément LR et le PS ? Et si la table était, cette fois, celle du wargame ? Macron a joué au chef de guerre du temps du Covid, mais il est confronté à un virus d’une toute autre nature, contre lequel les masques en papier ne suffiront pas. Et si Lecornu n’était pas un nouveau louvoiement entre petites idéologies électorales, mais une façon pragmatique de se préparer au moment où Poutine voudra enfin vraiment nous broyer psychologiquement ? Viatcheslav Molotov, grand diplomate russe et grand assassin soviétique, disait : « Démoraliser l’adversaire est notre devoir, nous ne serions pas communistes si nous ne le faisions pas. » Notre premier devoir à nous, alors, est de ne pas laisser faire, et il existe une toute petite possibilité que Lecornu soit le Premier ministre idoine. En temps de guerre, faute de mieux, il faut laisser sa chance au produit.
Sur la chaine LCI, on montre la destruction d’une tour de Gaza et le journaliste Gallagher Fenwick dit que ce sera une pièce dans le dossier de génocide contre Israël. «Vous voulez dire crime de guerre», corrige Anne Nivat, qui conduit l’émission. «Non, je dis bien génocide», rétorque Fenwick, «vous n’avez qu’à lire les alinéas a, b, c, d, e de l’article 2 de la Convention de l’ONU sur le génocide du 9 décembre 1948.»
Interloqué, je relis cet article : «On entend par génocide l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel:
Alinéa a: Meurtre de membres du groupe; Alinéa b : Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe Alinéa c: Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle Alinéa d: Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe Alinéa e: Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe»
Si je comprends bien, la destruction de cette tour est un génocide, car elle prive ses habitants, tués ou non, de leurs conditions d’existence en tant que groupe, alinéa c de l’article 2. Les habitants d’un immeuble ne font pas partie des quatre catégories indiquées dans l’article 2, mais je suppose qu’il se réfère au fait qu’ils sont aussi membres du groupe national palestinien, du groupe ethnique arabe et probablement du groupe religieux musulman. Je ne parle pas de groupe racial, cela ne fait pas partie de mon vocabulaire ni, je le pense, de celui de M. Fenwick.
Encore faudrait-il qu’ils aient été visés intentionnellement, alors que les Israéliens préviennent les habitants et leur laissent le temps de partir, une première dans l’histoire des guerres. Je suppose que le journaliste considère que lorsqu’ils bombardent un immeuble, ils le font avec préméditation et que cela suffit pour affirmer l’intentionnalité.
J’en conclus que pour M. Fenwick, bombarder un immeuble habité par une population homogène au point de vue national, ethnique ou religieux, c’est commettre un génocide. Peu importe d’ailleurs que cet immeuble serve, comme les tours de Gaza, de local d’observation pouvant être utilisé à titre militaire.
Je pense à Grozny rasé par les Russes en 1995 et de nouveau entre aout 1999 et mai 2000. Je pense à Alep bombardé par Assad et les Russes entre 2012 et 2016 et détruite à 80%. Je pense à Mossoul bombardé entre octobre 2016 et juillet 2017, puis Raqqa entre juillet et octobre 2017 par une coalition dont la France faisait partie. Je pense aussi à Bizerte, que l’armée française avait pilonnée pendant cinq jours en 1961 en laissant plus de 600 morts et des centaines de bâtiments détruits, parce que Bourguiba voulait mettre un terme à la base navale française.
On avait fabriqué lors de la guerre de Yougoslavie le terme de «urbicide» pour définir les destructions systématiques d’immeubles, terme technique encore utilisé par les spécialistes, mais jamais à ma connaissance une destruction d’immeuble au cours d’une guerre n’a été qualifiée d’acte génocidaire. Pour cela il a fallu attendre M. Gallagher Fenwick, journaliste expert à LCI.
Il avait dans sa manche une déclaration faite par un groupe d’autres experts. Et quels experts! Rien moins que l’Association Internationale des chercheurs sur le génocide, l’IAGS, qui a publié le 1er septembre une résolution suivant laquelle les actions d’Israël à Gaza entrent dans la définition légale de génocide. Le prestige académique de cette Association a été immédiatement souligné par la BBC, le Guardian, le New York Times et la porte-parole de M. Gutteres, secrétaire général de l’ONU. Elle avait poussé le scrupule à faire voter ses membres sur cette grave question et le résultat était sans appel : 85% d’entre eux considéraient qu’Israël commettait un génocide à Gaza.
J’avais honte de ne pas avoir entendu parler de l’IAGS. Mon ami Michel Gurfinkiel m’a déculpabilisé : l’IAGS est une fumisterie.
Cette association, présidée par une juriste australienne qui avait déjà publiquement accusé les Israéliens de commettre un génocide à Gaza, a été créée il y a trente ans par des historiens et des politistes, parfois survivants eux-mêmes de la Shoah, soucieux d’analyser les génocides de façon comparative pour y déceler des mécanismes communs. Puis les générations passant, ils furent remplacés par des activistes moins axés sur le passé que sur la dénonciation du présent. On a découvert qu’il n’y a rien de plus facile que de devenir un membre de l’IAGS, y compris sous une identité farfelue et que les membres ayant accusé Israël de génocide ne représentaient que 120 membres environ sur les 500, inconnus d’ailleurs, que revendique cette Association.
D’un journaliste professionnel on exige qu’il vérifie ses sources. M. Fenwick ne l’a pas fait, les journalistes du Guardian (qui qualifiait l’IAGS de «top scholars)», de la BBC («leading scholars»), du New York Times («leading group of academic experts”) et consorts ne l’ont pas fait non plus. Les uns se sont reposés sur la déclaration des autres et ils s’en sont contentés parce que cela venait conforter leurs propres préjugés.
L’IAGS prend pour argent comptant les déclarations les plus outrancières de Amnesty International qui a réécrit les critères de génocide pour mieux accuser Israël et de Francesca Albanese dont l’antisémitisme est patent. Dans son long rapport, l’IAGS accuse Israël de tous les crimes, y compris des calomnies de caniveau, viols et crimes sexuels, mais elle ne cite qu’une seule fois et de façon absolument anodine le Hamas et les otages.
Le 5 septembre, un collectif nommé Scholars for Truth about Genocide a publié un texte réfutant point par point les allégations de l’IAGS. C’est une très remarquable et très rapide réaction, qui porte plus de signatures, et des signatures vérifiées que l’IAGS, mais le mal est fait et je ne vois pas M. Gallagher Fenwick faire son mea culpa.
Cette histoire est emblématique, la captation d’une organisation scientifique par des militants idéologisés, le rebond en tremplin d’une fausse assertion servant de justification à une autre fausse assertion, la mise à l’écart par ceux dont c’est le métier d’informer, d’informations qui contreviennent à leur vision du monde et la décision de ne jamais s’excuser de ses erreurs, car on oublie l’erreur, mais on n’oublie pas les excuses.
En un mois on a démontré que les accusations portées par un ex-agent du Fonds Humanitaire de Gaza sur les assassinats de civils gazaouis par les soldats israéliens à proximité des centres de distribution de nourriture étaient un mensonge, que les photos d’enfants gazaouis mourant de faim étaient des mensonges, que les données sur lesquelles l’IPC s’appuyait pour déclarer la famine à Gaza étaient extrêmement problématiques. Rien n’y fait. « La calomnia è un venticello», dit don Basilio dans l’air célèbre du Barbier de Séville, la calomnie est une petite brise, mais elle prend de la force; peu à peu, elle vire à la tempête et la victime infortunée finit par mourir.
Quand l’Afrique du Sud accusa Israël de génocide devant la CIJ, on pensait à une mauvaise plaisanterie, tellement les arguments, notamment ceux sur l’intentionnalité, étaient minables. Lorsque la Cour rendit sa décision, on prétendit qu’elle avait avalisé le génocide, alors que ce n’était pas le cas. Sa Présidente d’alors, Ms Joan Donaghue, s’en est récemment expliquée. Ce que la Cour a voulu dire était que les Palestiniens avaient des droits «plausibles», au sens anglais, autrement dit des droits défendables, à prétendre qu’ils étaient victimes d’un génocide mais en aucun cas elle n’a déclaré qu’il était plausible (au sens français) qu’un génocide fût effectué contre eux. Mais ceux qui accusent Israël n’ont que faire de ces distinctions.
Aujourd’hui, la perception s’étend dans le public, et notamment chez les jeunes, qu’Israël commet un génocide et que ceux qui le soutiennent sont complices. Certains Juifs eux-mêmes en sont tourmentés. Des organisations israéliennes d’extrême gauche comme Betselem et Israeli Physiciens for Human Rights, l’historien de la guerre Omer Bartov et le grand écrivain David Grossman ont accusé Israël. Il n’est pas question de nier la tragédie qui frappe la population de Gaza, mais il ne peut pas être oublié que le grand responsable en est le Hamas et que comme on l’a vu une grande partie des accusations qu’on porte contre Israël sont tout simplement des mensonges.
Ceux qui par méticulosité intellectuelle considèrent que certains comportements des Israéliens entrent dans une définition juridiquement élargie de génocide ne devraient cependant pas oublier que Israël est aujourd’hui en proie à une tempête de calomnies et que leur parole sera exploitée. Quelles que soient leurs critiques sur tel ou tel aspect de la politique israélienne, il est indécent d’alimenter une telle curée mensongère qui fait dire sans honte à certains que Gaza, c’est Auschwitz…
Avec Ivan Rioufol, Eliott Mamane et Jeremy Stubbs.
Pour Ivan Rioufol, celui qui bloque véritablement le pays, c’est Emmanuel Macron, qui refuse de tenir des élections législatives anticipées et qui refuse de démissionner. Au fond, le macronisme et l’extrême-gauche partagent la même idéologie mondialiste et sont unis dans une même lutte contre l’existence de la nation française. On a vu la même idéologie à l’œuvre au niveau européen lorsque, mercredi, Madame Von der Leyen, la présidente de la Commission, a fait son grand discours devant le Parlement européen. Enfin, pour finir, Elliot Mamane nous éclaire sur le contexte de l’assassinat ignoble de l’influenceur conservateur américain, Charlie Kirk, à la mémoire de qui nous rendons hommage.
Littérature. Notre chroniqueur Cyril Bennasar nous invite à découvrir un extrait de son premier roman L’Affranchi et à faire la connaissance de son personnage principal, Pierre Schwab…
Anne est morte. Elle n’était ni riche ni célèbre ni bien née ni notable. Elle n’a aucune raison de figurer dans Le Figaro à la rubrique décès, celle qu’on lisait à l’antenne de Radio Libertaire quand on allait ensemble à l’émission « De la pente du Carmel, la vue est magnifique ». La famille Hampin de la Roche de Broglie a le regret de vous annoncer que le baron Louis Charles de machin chose a été rappelé à Dieu l’année de ses 93 ans. Suivait un bruit de guillotine enregistré et la revue de presse continuait. Ça nous faisait rire. On était voisins d’enfance et amis, puis amants. Un père allemand, une mère japonaise, une intelligence rare, une culture littéraire qui mettait à toute notre bande de copains des années dans la vue. Elle me disait qu’on vivrait tout ce qu’on a à vivre et qu’à cinquante ans, on se retrouverait pour se marier. Elle me disait aussi que quand j’aurais eu ma dose de gonzesses, je deviendrais pédé. Dans sa bouche, ça voulait dire qu’elle plaçait en moi tous ses espoirs. À présent, je me ferais volontiers enculer si ça pouvait la faire revenir. Je n’imaginais pas que la vie serait aussi dure avec elle, mais même si je l’avais su, je n’aurais pas pu faire grand-chose. On peut faire le bonheur des cons, pas le bonheur des dingues. Et Anne était dingue. Betty dans 37°2.
C’est elle qui m’avait amené à Radio Libertaire après avoir contacté une bande d’anars qui se retrouvaient tous les mardis soir tout à fait gratuitement pour se moquer du monde. On épluchait la presse et on écrivait des textes qu’on lisait à l’antenne. Sans elle, je n’aurais jamais osé ni écrire, ni téléphoner à ces mecs pour me placer, ni à qui que ce soit d’ailleurs. Mais Anne avait une audace folle qui lui ouvrait toutes les portes, même celles de l’enfer. Un jour elle m’avait dit Viens, on y va. Alors j’ai écrit deux trois trucs et on s’est pointés au studio un soir à Montmartre. Je lui avais lu mon texte sur la mort de Lady Di sous le pont de l’Alma, que toute la presse appelait sur un ton obséquieux « la princesse Diana ». Il finissait par «Il n’y a plus que les piliers de pont qui sont républicains dans ce pays». À la fin de ma lecture, le visage d’Anne s’était illuminé. Putain j’en étais sûre que t’étais un écrivain! Je lui avais répondu Arrête tes conneries.
En apprenant sa mort, je sens mon cœur et ma gorge se serrer. On s’est perdus de vue avant mon virage islamophobe et c’est tant mieux, avant que nos copains anars n’informent les auditeurs de Radio libertaire, dans une émission consacrée aux « libertraitres », que j’étais devenu « une figure de proue du racisme en France » et qu’il ne fallait plus me causer. Avec Anne, on se serait affrontés violemment. Elle avait une putain de belle intolérance dans un monde où on transige sur tout mais on n’avait plus la même. Elle ne laissait rien passer et elle m’aurait fait payer la moindre blague raciste. J’ai bien entendu là ? T’as prévu de te branler ce soir ? Jamais je n’aurais pu me douter qu’elle claquerait à cinquante-sept ans d’on ne sait quoi. Suicide, overdose, meurtre? Rien ne me surprendrait. Elle était plus ou moins schizo, elle était sortie abimée, désenchantée, écœurée d’un passage par la prostitution, même de luxe, et elle tombait dans toutes les addictions. Et parce que son grand cœur et son antiracisme abolissaient chez elle tout discernement, elle avait une fâcheuse tendance à traîner avec de la racaille de n’importe quelle couleur. Elle m’avait raconté qu’une nuit dans un squat, un Arabe l’avait violée. Putain de bougnoule! aurait dit mon père. Elle ne parlait pas comme ça. Moi si. Quand je me revois à 14 ans dans les manifs avec la petite main jaune d’SOS racisme, je me demande parfois comment j’en suis arrivé là. Elle ne voyait pas le rapport entre un viol et un Arabe. Moi si. Celui-là était du genre à casquette, en survêtement et en surpoids. Il avait son adresse et revenait certaines nuits frapper à sa porte.
Elle en avait peur mais ne portait pas plainte parce qu’il y avait entre eux une histoire de drogue. Son copain de l’époque était impuissant à neutraliser le nuisible par des moyens légaux et encore plus par des moyens illégaux parce qu’étant avocat, il craignait pour sa carrière. Alors j’avais emprunté à mon frère un flingue, un pistolet à billes qui ne tue pas mais qui à bout touchant troue la peau durablement, et j’avais passé dans sa chambre à Bastille trois jours et trois nuits à attendre Mouloud. Je n’ai jamais vu la trogne du défavorablement connu des services de police qui s’est fait descendre pour de bon par quelqu’un d’autre quelques mois plus tard dans un règlement de comptes lié au trafic de stupéfiants, comme on dit à la télé. Inch Allah!
Sa mort me hante. Pas celle de Mouloud, celle d’Anne. J’aurais voulu lui demander pardon et je n’ai pas eu le temps. Je n’avais pas encore trouvé les mots, les bons, et j’ai été pris de court. On s’est aimés et désaimés pendant les trente premières années de nos vies et j’ai compris trop tard que j’avais passé mon temps à jouer et à me venger. Je l’aurais aimée follement si elle n’avait pas été follement dingue et c’est ce que j’avais commencé à faire à quinze ans jusqu’au jour où elle m’avait annoncé qu’elle avait revu Jean-Marc et qu’elle était encore amoureuse de lui. C’était un mec de la DASS, un sale type, un voyou plus âgé que nous d’une dizaine d’années et qui proposait de faire croquer1 quand il sortait avec ses potes, peut-être par fidélité́ à une promesse de taulards de tout partager une fois dehors. J’avais morflé deux ou trois jours et puis je m’étais remis de mes émotions, jurant qu’on ne m’y prendrait plus, et je suis resté fidèle à mon serment autant que j’ai pu, au grand dam de ces dames.
En amour, il y en a toujours un qui souffre, l’autre joue. Si pour toi l’amour n’est qu’un jeu, alors peu importe, je tends l’autre joue. Ce n’est ni du Joey Star, ni du Big Flo et Olie ni du Abd el Malik ni du Stromae. La rime la plus riche de la chanson française ne vient pas d’une star de la discrimination positive, mais d’une chanson de Lio. Même genre de beauté, de culot, de grâce, de courage que ma chère Anne. Et même féminisme énervé voire hystérique. En amour, je ne suis pas chrétien, je ne tends pas l’autre joue. Plutôt crever mais jusque-là, j’ai survécu. Alors comme ce qui ne tue pas rend plus fort, j’ai joué́ avec Anne au chat et à la souris sans voir qu’elle en souffrait. Je la croyais beaucoup plus forte que moi alors j’ai passé des années à lui rendre la monnaie de sa pièce de boulevard. Je la sautais, la trompais, disparaissais, et je me repointais. Je voyais bien que ce n’était pas du jeu mais je me disais que c’était de bonne guerre. Je ne voyais pas que je la blessais vraiment. Le jour où sa mère a pris son téléphone pour me dire Pierre, si vous revoyez Anne, je vous tue. J’ai compris d’un coup et ça m’a glacé. J’ai décidé́ de disparaitre définitivement, sans penser au sens le plus tragique du mot « définitif ».
Elle était vraiment cinglée. En fouillant dans son inconscient, un psy à la con l’avait persuadée que son père, parti vivre à Berlin avec une deuxième femme, l’avait amenée, quand elle était enfant, chez un dentiste sadique qui la torturait avec ses instruments. Le dangereux freudien avait même réussi à la convaincre que son paternel l’avait violée quand elle était petite. Enfin c’est ce qu’elle m’avait raconté́. Elle était sortie de ces séances avec la ferme intention de partir en Allemagne demander des comptes à son vieux, et, au cas où il lui mentirait, selon son expression, de « lui prendre sa bite ». Je ne connais pas la suite de l’histoire. Le Boche soupçonné d’inceste doit être mort à présent, en emportant son secret dans sa tombe. Et sa bite aussi? Allez savoir!
Entre deux histoires avec moi, elle avait eu un paquet de mecs. Des tas d’histoires qui avaient toutes fini violemment. Immanquablement, le gars se faisait jeter sans ménagement. Trop mesuré, trop juste, trop raisonnable, trop prudent, trop gentil, trop normal. Celui qui ne la suivait pas dans ses excès, ses outrances, ses indignations, ses colères, ses délits était éconduit comme une chiffe molle, dégagé́ sans ménagement. Elle partait en claquant la porte, se montait le bourrichon et revenait plus tard avec sa clef et un marteau pour ruiner l’appart de l’amant décevant. Comme beaucoup, l’avocat y a eu droit, jusqu’aux poignées de portes en porcelaine dans son trois ou quatre pièces haussmannien de l’avenue René Coty. Plus d’un gars a regretté d’avoir croisé sa route, maté son cul et tâté́ ses miches.
J’ai bien failli avoir droit moi aussi à des représailles. Deux fois. La première fois, alors que marié, je la ramenais après un week-end de va-et-vient sauvages et de promenades en forêt, elle me conseillait dans un sursaut de charité́ de vérifier dans les plis de mon canapé si elle n’y avait pas perdu sa culotte. La deuxième fois, c’est grâce à l’arrivée inopinée de mon copain Jean-Louis, qui l’avait trouvée chez moi avec son fameux marteau et sa copine Fouzia, que j’ai encore une télé, un lavabo et des chiottes. Elle n’avait pas de clef : n’ayant rien qui puisse attirer les cambrioleurs, je ne ferme jamais ma porte. Elle était quand même repartie avec tous mes disques dans deux gros sacs en jurant de les jeter dans un lac à deux pas de chez sa mère où elle retournait régulièrement pour une cure de désintox. J’ai repris mes CD le soir — même en douceur mais sans la rebaiser. Il y avait des limites à ne pas franchir, il ne fallait pas toucher à mes Beatles et à mes Motörhead. J’ai tout récupéré́ sauf The River de Springsteen. En plus de toutes ses qualités, elle avait bon goût.
Elle avait même pourri la vie de mon ami Jean-François qui couchait avec elle la semaine à Paris avant de rentrer le week-end chez sa femme en Provence. Un vendredi soir, en montant en voiture sur le parking de la gare d’Avignon où sa régulière venait le chercher, il l’avait vue surgir de la banquette arrière et s’écrier Surprise! Elle avait traversé́ la France quelques jours plus tôt pour ne pas laisser plus longtemps dans l’ignorance une épouse abusée, s’était installée au domicile conjugal et avait tout raconté dans les détails. Sa femme n’avait pas pardonné mais lui, si, et après son divorce, il s’était remis à la colle avec cette beauté́ empoisonnée. Une nuit j’ai vu Jean-François débarquer chez moi en poussant sa moto. La selle était lacérée, les pneus étaient crevés et il était au bord des larmes. Parce qu’il était parti à Lyon avec une autre fille, croyant former avec Anne un couple libre, elle l’avait reçu avec un couteau de cuisine pour lui faire payer sa trahison, et tandis qu’il détalait, elle lardait sa bécane.
Je l’avais prévenu. Elle est folle ! À sauter uniquement si tu aimes vivre dangereusement. Il ne m’avait pas cru et on peut le comprendre. Le début d’une histoire avec Anne avait de quoi déboussoler n’importe quel mec. C’était une lune de miel avec un canon qui avait de l’esprit, des lettres et de l’humour, le tout dans des vapeurs de joints. Ma mise en garde avait bien failli nous brouiller mais on est restes amis jusqu’à ce que la mort de Jean-François nous sépare. Une forme de leucémie dont 95 % des malades sortent vivants mais qui avait tué́ mon copain parce que le crack avait laissé des lésions qui avaient empêché́ sa guérison. Après Anne, il était tombé sur une Arabe qui l’avait dépouillé́ d’une dizaine de milliers d’euros. Je l’avais prévenu aussi, mais Jean-François était incapable de résister à une bonne chatte. Je n’avais pas sauté la fille que j’avais deviné́ fourbe et venimeuse mais sa sœur. Pas la sœur de Jean-François, la sœur de l’Arabe, que j’avais baisée chez elle et rebaisée chez moi après lui avoir dit que j’étais juif, donc en prenant le risque de laisser filer un bon coup. Ce dont je suis resté assez fier. En fait, si, j’ai aussi baisé la sœur de Jean-François, mais ça, c’est une autre histoire.
Je ne sais rien de sa mort. J’espère ne pas apprendre un jour qu’elle a été́ assassinée et que son meurtrier est vivant et libre, faute de preuves ou de places en prison. Si c’est le cas, je comprends d’où̀ me vient cette intuition qu’avant de clamser à mon tour, je deviendrai un assassin, en envoyant six pieds sous terre une racaille nuisible et impunie, à coups de marteau et sans sourciller. À présent, je frémis en repensant à son rire, et je pleure en l’entendant se marrer.
Le 22 août dernier, Iryna Zarutska, 23 ans, a été tuée dans le tramway de Charlotte, en Caroline du Nord, dans l’est des États-Unis. Le principal suspect, Decarlos Brown, est un multirécidiviste déjà condamné à plusieurs reprises. L’affaire a rapidement pris une ampleur nationale, Donald Trump et d’autres figures conservatrices critiquant l’indifférence médiatique, la gestion des villes dirigées par les démocrates, le laxisme des autorités judiciaires, et réclamant la peine de mort. Souffrant de schizophrénie, le meurtrier avait revendiqué avoir tué « une femme blanche ». Avant d’être à son tour tué, par balle en pleine réunion publique dans l’Utah, l’influenceur conservateur Charlie Kirk avait déclaré : « si une personne blanche lambda s’approchait tout simplement et poignardait une gentille et honnête personne noire, ce serait une histoire absolument énorme à l’échelle nationale, utilisée pour imposer des changements politiques radicaux à l’ensemble du pays. » Analyse.
Les images de la vidéosurveillance diffusée sur les réseaux sociaux sont particulièrement choquantes. Une jeune femme ukrainienne, Iryna Zarutska a été égorgée, à Charlotte aux États-Unis, par un homme noir qui s’est vanté, sans honte, d’avoir tué une blanche.
L’événement pourrait passer pour un fait divers, noyé dans la rumeur quotidienne des violences, mais il vaut comme signe. Non pas celui d’un déséquilibre individuel, mais celui d’une époque où tuer n’est plus seulement un crime : c’est un geste idéologique, une liturgie profane. La victime n’était rien d’autre qu’un symbole : la blancheur, l’Occident, ce monde que l’on veut expier par le sang.
Maison-Blanche, 9 septembre 2025.
Paradoxes
Depuis George Floyd, la religion séculière de l’antiracisme s’est imposée comme orthodoxie universelle. Partout, les foules acclament leur catéchisme : l’homme blanc est coupable. Il est l’oppresseur, le colon, l’esclavagiste, le policier, le patriarche, l’ennemi absolu. À Paris, des foules criant justice pour Adama Traoré ont importé ce récit d’outre-Atlantique, récit qui ne demande pas réparation mais immolation. On abat des statues, on réécrit l’histoire, on rejoue la Passion avec de nouveaux Judas : le Blanc, et avec lui le Juif.
Car le Juif est toujours là, éternel bouc émissaire. Les nazis le voyaient comme anti-race corruptrice, ennemi biologique à exterminer. Aujourd’hui, il est haï sous le nom de sioniste, figure suprême de la blancheur coloniale, accusé de concentrer en lui tous les crimes de l’Occident. Le paradoxe n’en est pas un : la haine ne change pas de nature, elle recycle ses mythes, inverse ses justifications, change de masque pour mieux survivre. Le Blanc et le Juif ne sont plus deux figures distinctes : ils sont désormais confondus dans une même condamnation. Deux visages d’un même mal imaginaire.
Ce qui est visé à travers eux, c’est l’Occident lui-même, avec son héritage chrétien porteur de l’idée d’universel, son héritage juif qui incarne la mémoire irréductible d’un peuple revenu à sa terre, son héritage gréco-romain fondé sur la raison et la cité, son héritage des Lumières affirmant la liberté de conscience, et enfin son héritage démocratique défendant l’égalité des droits.
Indifférence générale
Tout cela est désormais jugé criminel. Tout cela doit être effacé. Et c’est pourquoi une jeune femme blanche peut être égorgée dans l’indifférence générale, comme un Juif peut être insulté, frappé, lynché dans les rues d’Europe, sans que le monde s’en émeuve.
Pourquoi cet aveuglement des élites occidentales, à l’exception notable de Donald Trump et Elon Musk aujourd’hui qui réagissent fortement et justement au meurtre de la jeune Ukrainienne ? Parce qu’elles ont choisi la trahison sous plusieurs formes :
– La culpabilité historique érigée en dogme. Obsédées par le péché originel – colonisation, esclavage, impérialisme –, elles se sentent redevables d’une dette infinie. Elles croient conjurer la haine par l’auto-flagellation et nourrissent ainsi l’idéologie de la vengeance en lui offrant sa légitimité morale.
– Le confort du déni. Reconnaître que les pogroms anti-blancs et anti-juifs réapparaissent, ce serait admettre la guerre civile larvée. Nommer l’ennemi, assumer le tragique : elles n’en ont pas le courage. Alors elles détournent les yeux, se réfugient dans des statistiques, s’endorment dans l’illusion.
– La religion du progressisme. Antiracisme, multiculturalisme, repentance sont devenus les dogmes d’une liturgie séculière. Dire la vérité sur la haine anti-blanche ou l’antisémitisme contemporain, ce serait commettre un blasphème. Elles ne gouvernent plus : elles administrent la liquidation morale de leur civilisation.
– La peur d’être accusées. Celui qui nomme la réalité – violences anti-blanches, nouvel antisémitisme, islamisme conquérant – est aussitôt déclaré fasciste, raciste, haineux. Les élites redoutent davantage le tribunal médiatique que l’effondrement de leurs peuples.
– L’illusion du contrôle. Elles croient gérer la haine comme une crise budgétaire, utiliser les minorités comme réservoir électoral. Elles ne comprennent pas que la haine a sa propre logique : elle se nourrit des concessions, elle ne s’apaise jamais.
Ère tragique
À cette matrice occidentale s’ajoute l’islamisme, qui n’a cessé d’attiser et d’amplifier la haine. L’islamisme donne à ce ressentiment un horizon religieux, une justification divine, un récit global. Pour lui, le Juif est l’ennemi absolu depuis Khaybar ; le Blanc est le croisé à abattre ; l’Occident est la civilisation impure qui doit s’effondrer. L’islamisme n’invente pas la haine : il la structure, il lui donne une armée, il l’adosse à une théologie de la conquête. Là où l’antiracisme parle de réparation, l’islamisme parle d’extermination. Et les deux se rejoignent : dans la haine de l’Occident, dans la désignation du Juif et du Blanc comme cibles sacrificielles.
Les nouveaux pogroms ne sont pas encore des foules hurlantes armées de gourdins : ils prennent la forme de lynchages médiatiques, d’agressions banalisées, de meurtres accomplis dans la certitude d’exercer une justice. Mais leur logique est identique : purifier le monde en immolant un coupable désigné. Le sang devient une réponse, le meurtre une liturgie, l’innocent une victime expiatoire.
Nous entrons dans une ère tragique. L’Occident, qui croyait avoir conjuré ses démons, se découvre haïssable à ses propres yeux. Le Juif et le Blanc, désormais confondus dans l’imaginaire de la haine, incarnent ensemble le visage honni d’une civilisation qu’on veut abolir. Le meurtre de la jeune Ukrainienne est une annonce : celle d’un futur où l’on ne tuera plus seulement des individus, mais des symboles, où l’on réglera ses comptes avec l’Histoire par le sang versé dans les rues.
Ce n’est pas un retour en arrière, mais la continuité de la haine. Le pogrom n’a jamais cessé : il change seulement de formes, de justifications, de victimes. Il revient aujourd’hui sous les habits d’une croisade morale, d’une justice vengeresse, d’une pureté fantasmée. Nourri par l’antiracisme occidental, exalté par l’islamisme global, il transforme nos métropoles en nouveaux shtetls promis aux flammes, et nos innocents en victimes expiatoires d’une haine qui se croit juste.
La présidente du mouvement patronal Ethic et chroniqueuse Sophie de Menthon s’emploie jour après jour à réhabiliter l’image du patronat auprès des Français. Elle publie un livre.
À la lecture du titre, la tentation serait grande de considérer le dernier livre de Sophie de Menthon comme un simple florilège de sucess stories d’entrepreneurs. Ce serait non seulement sous-estimer la portée de l’ouvrage mais aussi passer à côté des nombreux messages que celui-ci véhicule. Le terme de sucess story lui-même serait déplacé puisque Sophie de Menthon fait le choix audacieux de parler exclusivement de chefs d’entreprise français. Qui mieux qu’une chef d’entreprise pour parler de ses pairs ? D’autant que l’engagement de Sophie de Menthon à leurs côtés n’est plus à prouver, tant la présidente du mouvement Ethic est devenue ces dernières années une figure incontournable de la défense des entreprises de toutes tailles, ne limitant pas l’économie au CAC40 et accordant aux PME la place qu’elles méritent dans le paysage économique français.
« Patron », un joli mot devenu bêtement péjoratif
Il est d’usage actuellement de parler de « dirigeants », de « chefs d’entreprise » ou encore d’« entrepreneurs » mais c’est malicieusement que Sophie de Menthon choisit d’employer le mot « patron », dont la mauvaise presse dans notre pays ne date malheureusement pas d’hier. Il y a les petits, que l’on tolère, surtout quand ils ne sont le patron de personne d’autre que d’eux-mêmes et il y a les grands patrons, surtout ceux de l’honni CAC40, qu’il est d’usage de mépriser. Peu s’insurgent de les voir régulièrement convoqués et sommés de se justifier devant des commissions à l’Assemblée nationale car si la mauvaise réputation du patron n’est pas une spécificité franco-française, force est de constater qu’elle est solidement ancrée dans notre société.
Qui n’a pas entendu l’été dernier des enfants dire que, plus tard, ils souhaitaient être Léon Marchand ou Thomas Pesquet ? Pour peu que l’un d’eux aurait déclamé vouloir être Alain Afflelou, la scène se serait révélée beaucoup plus cocasse et incongrue. Et pourtant. Alain Afflelou ne connaît personne dans le secteur de l’optique lorsqu’il ouvre sa première boutique à Bordeaux en 1972. Le leader de la franchise optique et audio compte désormais 1 468 points de vente et est présent dans 19 pays. Que sait-on vraiment de ces hommes et femmes dans l’ombre des marques françaises que l’on connaît tous et qui font partie de notre histoire ? Peu, ou pas assez. Sophie de Menthon le déplore : « On ne s’autorise pas à s’étendre sur le talent de ceux qui créent, qui dirigent, qui inventent les produits ou services à succès, le labo qui trouve le vaccin, la marque qui cartonne, le restaurant étoilé qui régale, la voiture qui fait rêver, la haute joaillerie qui fait briller les femmes, etc. »
42 confidences
Persuadée que c’est la méconnaissance qui engendre la haine ou la jalousie, Sophie de Menthon choisit de lever le voile sur ceux qui font l’économie française et s’emploie à leur donner la parole, les invitant dans cet ouvrage à parler de leur parcours. Derrière les marques emblématiques du paysage français, l’entrepreneur est souvent dans l’ombre, caché derrière le nom de l’entreprise, quand bien même celle-ci est éponyme.
Ne nous méprenons pas : il n’est pas question ici de marketing camouflé derrière du storytelling, mais bel et bien d’histoires d’hommes et de femmes avec leurs rêves, leurs ambitions, leurs peurs, leurs aventures entrepreneuriales, mais aussi les doutes et échecs qui ont souvent pavé la route de leur réussite. Sophie de Menthon relève ainsi le défi de parler d’économie sans parler de chiffres ! Il fallait le faire ! Fidèle à sa volonté de casser l’image d’une économie réservée aux seuls initiés, elle signe ici un livre accessible à tous, instructif, utile et inspirant.
Au total, ce sont quarante-deux patrons qui se confient à Sophie de Menthon, et c’est peu dire que leurs secteurs d’activité sont variés ! L’optique, l’art, l’immobilier, la santé, ou même l’agriculture, des marques connues de tous comme Mousline ou Mauboussin à celles plus confidentielles : l’économie française est partout et fait partie de nos vies. Il ne s’agit pas cependant de faire l’éloge d’une époque révolue et prospère mais de prouver que le monde actuel recèle d’opportunités pour peu que l’on ose les saisir ! La détermination, la persévérance, la passion et l’audace, si elles ne sont pas les ingrédients miracle de la réussite, se retrouvent souvent dans les parcours de ceux qui réussissent. Ceux-ci n’hésitent d’ailleurs pas à confier à l’autrice leurs analyses et leur ressenti quant aux mutations et nouvelles donnes du monde actuel, notamment la nécessité d’intégrer une démarche responsable et éthique au sein des entreprises.
Le livre de Sophie de Menthon s’inscrit particulièrement dans une actualité ponctuée par de profondes crises sociales, politiques et économiques. Oui, nous avons plus que jamais besoin de modèles, de personnes inspirantes dans un monde où le sens de l’effort et la valeur travail sont devenus sous-cotés voire has been. L’un des enseignements de ce livre est que si la réussite est possible, elle n’en est pas moins parfois difficile et semée d’embûches !
Dans ce contexte, la réhabilitation de l’image du chef d’entreprise ne devient pas seulement souhaitable mais nécessaire. Soyons fiers de nos entrepreneurs nationaux et changeons enfin le regard que l’on porte sur la réussite et l’ambition ! Notre pays regorge de talents et de succès en devenir : telle est la vision que Sophie de Menthon souhaite transmettre pour inspirer les générations actuelles et à venir. Si réussir est possible, remettre l’humain au cœur de l’économie l’est aussi. Ce livre nous le prouve.
La France a connu cet été une série de violences gratuites provoquées par des bandes de jeunes souvent mineurs. Petites villes et zones rurales ont été le théâtre de débordements dignes du 9-3, comme si les codes de la banlieue étaient un moyen pour la jeunesse de s’affirmer. Un phénomène inquiétant qui prospère sur fond de trafic de drogue.
Difficile de ne pas penser à La France Orange mécanique de Laurent Obertone – et aux cris d’orfraie que l’ouvrage avait suscités. Cet été, la France a été le théâtre d’une série inédite et inquiétante de violences collectives impliquant des bandes d’adolescents souvent mineurs. Des scènes de chaos ont été rapportées aux quatre coins du pays, dans des localités d’habitude plutôt calmes comme Limoges, Béziers, Charleville-Mézières, Arnage (Sarthe), Dausse (Lot-et-Garonne), Arsac (Gironde), Mornant (Rhône), Jullouville (Manche), etc. D’une nature généralement éruptive et gratuite, ces multiples faits divers – si nombreux qu’ils constituent ensemble un fait de société – dessinent le portrait d’une jeunesse désorientée, déculturée et peu apte à se contrôler.
Souviens-toi l’été dernier…
Le 8 juillet, à Dausse, petite commune située non loin de Villeneuve-sur-Lot et réputée pour sa tranquillité, un marché nocturne a été pris d’assaut par environ 200 jeunes venus des environs. La horde a déboulé en voiture ou deux-roues, proféré des insultes, bousculé les visiteurs, renversé des étals, lancé des projectiles sur des commerçants, multiplié les échauffourées et effrayé les familles présentes. Une femme enceinte a même dû être évacuée d’urgence par les secours. Sous le choc, la municipalité a annulé le marché suivant. Interrogé dans la presse peu de temps après, le maire a invoqué un problème de manque d’équipement pour les jeunes du cru, tandis que sur les réseaux sociaux, bon nombre d’internautes ont été prompts à établir un lien avec l’immigration, sans preuve ni confirmation. Qu’ils soient de droite ou de gauche, ces réflexes interprétatifs peinent à cerner le problème dans toutes ses dimensions.
Lausanne (Prélaz), 25 août 2025. Capture d’une vidéo amateur relayée sur Snapchat : deuxième nuit de violences après la mort d’un adolescent en scooter.Arnage (Sarthe), aquaparc du lac de la Gèmerie, 2 juillet 2025.
Les jours suivants, entre le 14 et le 21 juillet, Limoges a connu plusieurs nuits d’affrontements dans deux de ses faubourgs. À Beaubreuil, une patrouille de police a été encerclée et visée par des mortiers d’artifice. Au Val de l’Aurence, des groupes de jeunes, parfois masqués, ont incendié des poubelles, lancé des projectiles contre des abribus et attaqué des agents municipaux. Une vidéo montre un homme isolé poursuivi par une dizaine d’agresseurs qui le frappent à terre, dans la jubilation du groupe. Submergées par le nombre et la mobilité des assaillants, les forces de l’ordre, bien qu’intervenues rapidement, ont parfois dû battre en retraite.
Les nageurs français pas bienvenus en Suisse
D’autres manifestations de saccages en meute ont eu pour cadre diverses bases de loisirs estivales du pays, où de multiples bagarres, harcèlements, jets d’objets dans les bassins et refus d’obtempérer ont été signalés. Le fléau a même traversé les frontières puisque certaines municipalités de Suisse romande, comme Porrentruy, non loin de Montbéliard, mais aussi Lausanne, ont été carrément obligées de restreindre l’accès des piscines publiques à leurs seuls administrés suite à des incidents répétés de la part de groupes d’adolescents qui se sont révélés être pour la plupart des résidents de communes limitrophes françaises.
Scénario identique à Arnage, une agréable bourgade jouxtant le circuit automobile du Mans, le 16 juillet, jour d’inauguration d’un parc aquatique. Dès l’ouverture, des dizaines de jeunes forcent les tourniquets, refusent de faire la queue pour les attractions, déclenchent des altercations dans les vestiaires, agressent verbalement le personnel et initient des rixes sur le plan d’eau. Des images montrent des bousculades sciemment provoquées, des enfants recevant des coups et des vacanciers paniqués tentant de quitter les lieux. L’établissement, qui a dû fermer ses portes au bout de quelques heures seulement, a repris une activité normale deux jours plus tard grâce à un dispositif de sécurité redoublé et un filtrage drastique des entrées.
Ce qui frappe dans chacune de ces affaires, c’est le très jeune âge des protagonistes. Beaucoup n’ont que 13 ou 14 ans. En 2023, lors des émeutes de banlieue faisant suite à la mort de Nahel Merzouk, les observateurs avaient aussi été surpris par le profil de certains casseurs arrêtés. À côté du type classique de fauteur de trouble « professionnel », la police avait recensé quantité d’émeutiers à peine sortis de l’enfance et généralement sans antécédents judiciaires. Dans les procès-verbaux de leurs auditions transparaît une forme de colère sourde, indistincte, mêlée d’ennui et de ressentiment diffus. Certains de ces délinquants en herbe disent ainsi avoir voulu « se venger », sans pourtant savoir de quoi ni de qui. D’autres affirment leur désir de « se faire entendre » à travers la violence, tout en se montrant incapables de verbaliser une quelconque revendication. L’hostilité envers la police, vue comme un corps étranger, injuste et humiliant, est constante quoique fréquemment inspirée par une simple expérience indirecte, nourrie des rumeurs du quartier.
Quant aux origines sociales, elles confirment un ancrage dans les classes populaires périurbaines. Nahel Merzouk lui-même représente un portrait-robot de cette jeunesse peu encline au civisme. Citoyen franco-algérien né d’une mère algérienne et d’un père d’origine marocaine avec lequel il n’entretenait quasiment aucun lien, le jeune homme a grandi en région parisienne, habitant Nanterre et fréquentant un collège puis un lycée à Suresnes, où il a entamé une formation en électricité en vue d’un CAP, avant de se réorienter brièvement vers la mécanique et de finir par quitter le système scolaire au bout de six mois, contraint dès lors de gagner sa vie comme livreur de pizzas.
Une bonne part des auteurs de violences évoqués jusqu’ici viennent comme lui de familles monoparentales, où le plus souvent la mère, largement dépassée par la situation, a la garde de sa progéniture. Une majorité de ces jeunes sont plus ou moins déscolarisés. Mais on relève aussi des cas d’adolescents davantage insérés, avec des parcours de formation plus solides, certains s’avérant même être des lycéens sans histoire, qui ont basculé l’espace de quelques heures dans des actions de destruction ou de pillage comme si les barrières morales s’étaient dissoutes à la faveur de l’élan collectif.
Intégration à l’envers
Il faut aussi noter que cette jeunesse n’est plus seulement issue des cités sensibles de Paris ou des métropoles françaises. En 2023, des villes moyennes ou petites, comme Montargis, ont connu leur lot de débordements, digne de ce qu’on a pu voir en Seine-Saint-Denis. Imiter les codes de la banlieue est-il devenu de nos jours un moyen pour la jeunesse française de s’affirmer ? Assiste-t-on à ce que l’on pourrait qualifier d’intégration « à rebours », comme l’affirme le responsable de la sécurité d’une ville moyenne que nous avons interrogé ? De nombreux indices rendent cette lecture des faits très convaincante.
Enfin, les témoignages des éducateurs, avocats ou magistrats en charge de dossiers mettant en cause des jeunes délinquants ayant agi en bande plus ou moins organisée convergent sur un point : une grande partie des accusés ont exprimé, une fois calmés, du regret. Cette disproportion entre leurs actes violents et leur attitude quand ils sont isolés et confrontés à l’autorité judiciaire révèle le décalage entre la puissance du groupe et la fragilité de l’individu revenu à lui-même. Bref, ce ne sont ni des caïds ni des membres de gang endurcis. Cependant un certain contexte pourrait jouer un rôle déterminant dans leur comportement : le bouleversement en cours du marché français de la drogue.
Depuis une dizaine d’années, sous l’effet de la saturation de l’offre et de la recherche de nouvelles clientèles, le trafic de stupéfiants, autrefois concentré dans les grandes agglomérations, s’est progressivement étendu aux petites villes et aux campagnes. Ce phénomène de « ruralisation de la drogue » s’étend jusqu’à des départements comme la Creuse, l’Indre ou la Haute-Loire, où les élus et les forces de l’ordre constatent l’émergence de réseaux structurés. L’expansion est particulièrement visible depuis le milieu des années 2010, avec des exemples emblématiques à Alençon, Châteauroux ou dans certains cantons d’Ardèche.
Cette mutation du trafic de drogue s’est nettement intensifiée pendant, et surtout après, la pandémie de coronavirus. Le confinement a d’abord perturbé les circuits traditionnels, obligeant les mafias à s’adapter en développant des méthodes plus discrètes, telles que les livraisons à domicile ou les points de contact temporaires. Mais c’est surtout la période post-Covid qui a connu une accélération du développement de la distribution périphérique. Profitant de la désorganisation des forces de l’ordre, de la fragilisation sociale dans certaines zones rurales et de l’essor du télétravail ayant vidé certains centres-villes, les trafiquants ont identifié de nouveaux territoires à exploiter.
Dès 2021–2022, des cas sont documentés à Figeac, Aurillac ou encore dans les Alpes-de-Haute-Provence, où les autorités locales ont vu émerger de jeunes dealers venus d’Île-de-France, du Rhône ou des Bouches-du-Rhône. Même constat dans les grands ensembles du Val de l’Aurence et de Beaubreuil à Limoges, récemment touchés par les violences urbaines. Ce phénomène marque un tournant durable dans l’économie souterraine française. Le « nouveau péril jeune », qui se caractérise par sa violence plus diffuse, plus erratique et plus provinciale, ne survient peut-être pas par hasard au même moment.
Ces phénomènes disparates finissent par s’agréger. Ils apparaissent comme les symptômes d’une même réalité qui se développe à l’échelle au moins nationale : une jeunesse qui agit en groupe, dans une défiance ouverte envers l’autorité, et cela sans déclencheur extérieur immédiat, à la différence des émeutes urbaines de 2005 ou 2023, causées par la mort brutale de jeunes gens.
L’introduction du trafic de drogue, avec son cortège d’accès facilité aux stupéfiants, à l’argent rapide et à une certaine forme d’agressivité banalisée, conjuguée aux liens tissés avec des réseaux plus anciens et structurés venus des grandes villes, ces « grands frères » du crime, a – telle est notre thèse – constitué le point de bascule. La dynamique de meute devient dès lors un mode de socialisation, marqué par l’effet de nombre, la recherche de la confrontation et l’effacement des limites. Ce ne sont plus des jeunes livrés à eux-mêmes, mais des groupes qui cherchent dans le chaos et dans l’irruption violente une forme de reconnaissance.
Le lien avec l’immigration, souvent convoqué dans ces analyses, reste en revanche à ce stade à la fois omniprésent et mal établi car les incidents les plus récents n’ont pas donné lieu à une identification claire. Il en va de même s’agissant du rôle joué par les téléphones mobiles : la quasi-totalité des adolescents violents en possède un, bien sûr, dont ils se servent pour se regrouper avec leur bande, puis pour filmer leurs « exploits » avant de les diffuser sur les réseaux sociaux. Une mécanique infernale, aussi efficace que grisante… Mais la démocratisation des portables est-elle la cause principale des nouvelles formes de violence juvénile ? Difficile de l’affirmer.
Que de changements depuis vingt ans ! En 2005, la mort à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, de Zyed Benna et Bouna Traoré, électrocutés dans un transformateur alors qu’ils fuyaient la police, a engendré une gigantesque vague de violences à travers le pays, très préoccupante, mais relativement homogène. Les affrontements se sont alors concentrés au sein d’une géographie bien identifiée, celle des quartiers à forte composante immigrée et visaient clairement l’État, les forces de l’ordre, les symboles comme les écoles et les équipements publics. Le discours des jeunes, même confus, était politique. Il s’agissait de se révolter contre les discriminations, le chômage, le mépris social et le harcèlement policier. En 2025, la violence surgit dans des contextes imprévus : un marché rural dans le midi, une piscine en Suisse, un parc aquatique dans l’Ouest. Ce qui s’est effondré entre 2005 et aujourd’hui, ce n’est pas seulement l’autorité de l’État, c’est la capacité de certains jeunes à se penser et à exister autrement que par des pulsions exprimées en meutes.
Chaque mois, le vice-président de l’Institut des libertés décode l’actualité économique. Et le compte n’y est pas.
Le 12 mars 2020, en pleine crise du Covid, Olivier Blanchard, ancien économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI), déclarait dans L’Express :« La récession pourrait être contrée en laissant filer les déficits publics et la dette. Il serait irresponsable de ne pas le faire. » Ce raisonnement lunaire, hélas pris au sérieux par nos décideurs, est en train de nous conduire vers une crise majeure de la dette. Le désastre ressemblera à ce qu’il s’est passé en Grèce en 2010, quand les marchés ont retiré d’un coup leur confiance au pays. Il s’en est suivi plusieurs années d’émeutes et d’effondrement des retraites et des salaires. Les Français, qui n’ont pas connu de baisse réelle de leurs revenus depuis la guerre, auront énormément de mal à supporter la double tutelle de la Banque centrale européenne (BCE) et… du FMI.
International Monetary Fund’s Economic Counsellor Olivier Blanchard presents the World Economic Outlook September 20, 2011 at the IMF Headquarters in Washington, DC. IMF Photograph/Stephen Jaffe
Deux mouvements pourraient précipiter notre pays dans la crise sociale. Celui des « Gueux », incarné par Alexandre Jardin, en lutte contre « l’écolo-technocratie qui appauvrit le peuple ». Et celui des contribuables de la classe moyenne, incarnés par le mème « Nicolas qui paye », qui met en scène un jeune cadre dynamique ponctionné par le fisc et assurant ce faisant, dans l’ingratitude générale, le train de vie des retraités et des assistés sociaux.
Le nombre de faillites d’entreprise ne cesse de s’accroître en France. Les anciennes gloires du prêt-à-porter ferment boutique les unes après les autres : Comptoir des Cotonniers, Princesse tam.tam et Naf Naf (qui ne conservera que la moitié de ses 600 salariés). Dans les nouvelles technologies, la société Aqualines, spécialisée dans les bateaux volants à Bayonne, va également cesser son activité. Il y aura beaucoup d’autres mauvaises nouvelles de ce type dans les mois à venir. Le retour masqué de l’impôt sur la fortune (via une « taxe différentielle sur le patrimoine », à laquelle travaille Bercy) risque d’accélérer les départs de capitaux, de talents et surtout d’entrepreneurs…
Les levées de fonds dans les start-up ont subi une baisse de 30 % en 2024, selon le dernier décompte de la société de conseil EY. La « start-up nation » d’Emmanuel Macron n’est guère en forme… Heureusement, il existe quelques exceptions comme l’entreprise Mirakl, un éditeur de logiciels français, qui vient d’atteindre une valorisation de 3,5 milliards d’euros. Fondée par Adrien Nussenbaum et Philippe Corrot, elle propose une solution de marketplace qui permet d’intégrer des vendeurs externes.
L’Élysée a enregistré une baisse de 2,2 % de ses dépenses en 2024. Quand on entre dans les détails de ce budget (de 123,3 millions d’euros), on voit que le coût des déplacements du président a reculé de 13 %. Il faut saluer cette publication de comptes car, sous Emmanuel Macron, rares sont les économies réalisées au sein de l’État. En revanche, les frais liés à Brigitte Macron, d’un montant annuel de 316 980 euros, ont progressé de 2,4 %. Rappelons que Madame de Gaulle payait ses billets de train de sa poche quand elle accompagnait son mari en voyage officiel.
Les Canadair promis par Emmanuel Macron en 2022 ne sont toujours pas là. Après les très gros incendies en Gironde, il avait pourtant annoncé à l’époque « un plan de réarmement aérien d’urgence » doté d’une enveloppe de 250 millions d’euros. Problème : les nouveaux avions bombardiers d’eau, de modèle DHC-515, commandés au constructeur canadien De Havilland ne seront pas livrés avant 2028. L’Union européenne, chargée de conclure le contrat, a pris, comme on pouvait s’y attendre, un considérable retard. Il existait pourtant une façon de hâter la négociation : menacer le fournisseur d’acheter à la place des Airbus A400M pompier, des Falcon Fire Fighter de chez Dassault Aviation ou des Hynaero, conçus par une start-up française à partir de Frégate F-100 recyclées. En attendant, il faudra continuer de jongler, comme cet été dans le Gard, avec des avions en fin de course, des hélicoptères et des drones… Cas typique de l’écart abyssal entre l’annonce et l’exécution. Une fois de plus, on peut constater la mauvaise capacité de nos pouvoirs publics à gérer des dossiers complexes sur les plans industriels et financiers.
Emmanuel Macron aime bien récompenser ses amis en les recasant dans des postes bien payés de la République. Il n’a rien inventé, mais il est particulièrement actif en la matière. Derniers exemples en date : Richard Ferrand a été nommé président du Conseil constitutionnel, Najat Vallaud-Belkacem a été propulsée – sans concours ! – conseillère-maître à la Cour des comptes (que Pierre Moscovici est en train de transformer en annexe du Parti socialiste), Dominique Voynet a intégré le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), Jean-Marc Ayrault a obtenu la présidence de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, Jack Lang a été confirmé à la tête de l’Institut du monde arabe. On pourrait allonger cette liste avec Pap Ndiaye, Christophe Castaner, Emmanuelle Wargon, Amélie Oudéa-Castéra, Stéphane Séjourné, puis la compléter avec tous les anciens membres des cabinets ministériels qui bénéficient, une fois de retour dans l’administration, de promotions éclair sans que cela choque outre mesure la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Le Conseil constitutionnel se prononce de plus en plus selon des préférences idéologiques. Depuis le début de l’année, il a complètement désamorcé la loi immigration (malgré un avis favorable du Conseil d’État), la loi sur le narcotrafic (six articles censurés à la grande tristesse de la Sécurité intérieure, qui attendait ce texte depuis longtemps), la loi sur la justice des mineurs (cinq articles censurés, dont celui sur la comparution immédiate), la loi sur les nouvelles formes de l’antisémitisme, la réforme de la nationalité à Mayotte, la réforme du scrutin municipal à Paris, Lyon et Marseille et, bien sûr, la loi Duplomb. L’instabilité parlementaire renforce comme jamais le gouvernement des juges.
Monsieur Nostalgie insiste sur la ligne éditoriale à adopter. Il n’en démord pas, son mantra demeure: « Sans style, point de salut ! ». Il en profite pour évoquer l’essai de Denis Grozdanovitch paru chez Grasset en début d’année et quelques illustres stylistes oubliés…
Le style n’est pas la pelisse élimée, mitée, douteuse qu’enfilait en été Proust et qui amusait Paul Morand, ce n’est pas un vêtement d’apparat de la littérature, un habit de lumière pour parader à la foire aux bestiaux, mais son ossature, sa trame, ses minutes judiciaires. Partant de ce principe, le lecteur de cette rentrée 2025 peut être surpris de sa quasi-disparition. De son occultation à son mépris de classe, le fondement d’une écriture est une chose sans intérêt de nos jours. L’écriture serait accessoire, vaguement obsolète. Dépassée car inopérante, car ne répondant pas aux aspirations profondes des lecteurs. Seul le sujet compte, seule la plaidoirie a valeur littéraire, seule l’émotion grossière, déversée en vrac, à la lumière aveuglante, est estimable. C’est le cri qui fait l’écrivain et non ses soupirs. Nos contemporains seraient-ils incapables d’apprécier le tintinnabulement des mots, leur miroitement et leur écrasement sur notre imaginaire ? Des histoires salaces, meurtrissures familiales montées en épingle qui finissent par tourner à vide, il y en a beaucoup trop en septembre. Des filiations honteuses aux plaies d’enfance grinçantes, un peu lancinantes et mal trafiquées, les librairies en débordent. L’écume l’a emporté sur l’agencement, sur la vague indélébile du texte ; sa mystérieuse trace serait seulement une affaire de « privilégiés ». Nous vivons une époque de l’ersatz. On croit lire un livre alors que souvent, nous n’avons droit qu’à l’hallali sans consistance, sans matière féconde, rancunier et mal fagoté, une laborieuse rédaction d’écoliers bavards. Le pitch se suffit à lui-même. L’idée même du pitch remplace l’harmonie narrative. On se contentera donc des épluchures sous peine de passer pour un schnock. Qualité que je revendique, oui, je suis benêt, attardé, confiné dans mes lectures, dans mes vieilleries, j’attends de la phrase qu’elle produise son effet magique, qu’elle me sorte de l’ordinaire, de ma torpeur du quotidien, que la formule espiègle pleine de soubassement me harponne à la veillée. Je crois que je peux attendre encore longtemps l’éclat délirant ou le désespoir cosmique poindre entre les pages. Ce n’est plus d’actualité. À l’heure où les romans s’entassent, avec un retard coupable, Une affaire de style de Denis Grozdanovitch, paru en janvier dernier, m’a semblé un bon point de départ à cette chronique. Parce qu’en dehors du style, de quoi la littérature peut-elle bien être le substrat ? L’essayiste a un rudement bon jeu de fond de court, les références pleuvent dans son recueil, les appuis sont solides, de Bergson à Henry James, de Montaigne à Magris, il connaît la mécanique des relances, un coup droit propre sans emphase conjugué à un revers académique assez redoutable, cet adversaire est coriace. On aime Grozda, l’ex-tennisman, pour son brio, son « french flair », ses montées intempestives au filet, sa création d’un plan de bataille qui désoriente, c’est la marque des mélancoliques enjoués. Grozda est surtout un lecteur à l’oreille tendue qui décortique, par exemple, les ruses de Montherlant, en évoquant son « enthousiasme mêlé de gêne devant les envolées trop pompeuses ». Ce voyage en érudition, saute-moutons gracieux et caustique, est à la fois une déclaration d’amour à certains auteurs et une démarche esthétique. Et puis, quand Grozda s’arrête sur le cas de Vialatte, on est entre amis, entre frères. « D’ailleurs, mon admiration a toujours été telle à son égard que, pendant bien longtemps, elle m’a empêché d’écrire en vue d’une quelconque publication » souligne-t-il. Se mesurer au maître auvergnat en dissidence, il fallait en effet une part d’inconscience et de bravoure. Nous avons tous été à son école buissonnière de la chronique désarticulée, métaphysique et ménagère. Grozda sait pertinemment que nous tournons tous autour de cette histoire style, qu’elle nous accapare l’esprit, nous fascine et nous chagrine, car le style est l’expression de nos fermentations. Le style n’est pas la succession de masques interchangeables, une ornementation de la pensée, stuc ou finasserie, il est roc, il est socle, tutelle essentielle. Écoutons Félicien Marceau nous dire sa vérité : « le style n’est pas seulement une manière d’écrire, je crois que c’est une manière d’exister, une manière d’être. Ce n’est pas quelque chose qu’on ajoute ». « C’est rare un style ! », Monsieur Céline, vous aviez raison. Peut-être qu’Audiberti s’est approché le plus près de ce suc : « le grand écrivain, le vrai écrivain est celui qui est capable de formuler par écrit la masse poétique qui traîne dans la tête et le cœur des hommes quelconques ». Tant qu’il existera des livres et des Hommes pour s’intéresser au style, le combat ne sera pas perdu.
Sans crampons, boussole, ni oxygène, l’Himalaya, c’est plus compliqué que le massif du Madrès. François Bayrou a dévissé, englouti dans la cascade de glace du Khumbu, avant même d’atteindre le camp I. Les politistes et journalistes naïfs accusent nos institutions, la Ve République, pelée, galeuse, monarchiste, viriliste… Les débats sympas dans l’agora, le parlementarisme à la papa, au bon goût d’autrefois, les compromis salutaires, ont beaucoup déçu. Vers quel sombre et nauséabond recoin de notre histoire, le vent mauvais qui souffle va-t-il ramener Marianne ?
Histoires de nuls pour la France
Chacun ses fantômes, fantasmes, uchronies. Une constante : la technique du coup d’éclat.« Le Français a gardé l’habitude et les traditions de la révolution. Il ne lui manque que l’estomac: il est devenu fonctionnaire, petit-bourgeois et midinette. Le coup de génie est d’en avoir fait un révolutionnaire légal. Il conspire avec l’autorisation officielle. Il refait le monde sans lever le cul de son fauteuil » (Camus).
– 1789. Une nouvelle nuit du 4 août avec les Gueux. « Bloquons Tout », c’est flou, pénible à la longue. « La Liberté ou la mort », c’est vendeur pour les morts de peur et les morts de faim. « Mourir pour des idées », c’est épatant, à condition d’avoir des idées et la fibre du martyr. Personne ne se presse au portillon. Autre maxime pleine de bon sens, « Qu’on f….. la paix aux excellents Français ».
– Octobre 17. Vladimir Mélenchon attaque le Palais d’Hiver de l’Élysée. Fort Saganne est encerclé par les Fédayin fichés S de Rima Hassan. Greta Thunberg va-t-elle s’immoler devant Sciences-Po ? Thomas Legrand et Patrick Cohen sauront-ils « s’occuper » de Sébastien Lecornu ?
– Février 34. Marine Le Pen prend d’assaut l’Assemblée nationale. Les Camelots de Jordan Bardella et Croix-de-Feu d’Éric Zemmour oseront-ils franchir le pont de la Concorde ?
– Mai 68. Sandrine Rousseau, Marine Tondelier, la génération Z, montent des barricades bio pour changer la vie et jouir sans entraves. Sous les pavés Paris Plage. Les berges sont à vous. – Qui suis-je – Où vais-je ? – Qu’est-ce qu’on mange ce midi ?
– Mai 81, le retour, avec la NUG, « Nouvelle Union de la Gauche ». La farce tranquille commence toujours tout feu tout flammes, tout pour tous, avant une rapide marche arrière, le « réalisme de gauche », pour éviter la faillite. Au menu, un plat unique, inique: toujours plus de fonctionnaires et l’impôt sur les os. Les pauvres ont des malheurs, les progressistes ont des principes. Quoi qu’il en coule.
Les politiques, Grands Chambellans, Superintendants, CEO du service public, Fouquet, naufrageurs, qui depuis cinquante ans ont ruiné le pays, restent à la barre, ne regrettent rien, ne rendent aucuns comptes. Une feuille de déroute identique pour cinq Premiers ministres depuis 2022, y compris le bizut, Sébastien Lecornu, Daladier du macronisme : Ne faisons rien, c’est plus prudent. En attendant un Cincinnatus bienveillant qui épongera 3346 milliards de dette publique dans le dialogue, ou un krach à la grecque, c’est Septembre 38 – Munich –, tous les jours.
Au royaume des idées, les faits n’ont pas d’importance
Si Emmanuel Pif de la Mirandole et la chienlit au Palais-Bourbon n’arrangent rien, notre naufrage industriel, éducatif, culturel, la stasis, ne datent pas d’hier. Nous payons des générations d’incurie, de lâchetés, d’aveuglement idéologique. Les Français vivent dans un monde parallèle où cinq moins cinq égal cinq. La paix sociale est achetée avec des mensonges et de la dette. Nous sommes rattrapés par le réel. Les assassins et les créanciers ne connaissent point la pitié.
C’était pire avant, les millionnaires paieront, nous sommes riches de nos différences… Les palinodies d’économistes atterrants, éducateurs défaillants, journalistes affligeants, sont relayées ad nauseam sur France Inter, Libération,Le Monde, la Křetínský-sphère. Les Augustes insoumis, franciscains d’opérette, prébendiers sous perfusion, éructent contre les clowns blancs du pouvoir. Ivres de probité candide, vin rouge et ressentiments, des guérilleros de bac à sable, contre-pitres du monde d’après, pétaradent dans les incendies de bibliothèques, l’angoisse de l’extrême-droite, la surenchère de promesses démagogiques, intenables. On peut s’arrêter quand on monte, jamais quand on descend.
La tartufferie du camp du Bien consiste à jouer à saute-mouton, au bonneteau, avec le réel, les idéaux, la morale, le droit, le possible. Fini le concret, le plan B, l’heure est au gazeux. Contre la « fatigue démocratique », en promo sur France Culture, des crèmes apaisantes, New Age, aux essences d’humanisme, d’en-commun, d’inclusif… Une société désirable. Comment prendre soin du monde (Dominique Méda).
Rome, Athènes, Sparte, c’est fini ! La res publica et la démocratie prennent l’eau. Reste le clientélisme, une fuite en avant dans le macramé, le tissage, le métissage, la diversocratie, les Bourdieuseries, Boucheronades, l’histoire de France sans histoire et sans France. Le temps des rires et des chants, le pays joyeux, des enfants heureux, des monstres gentils, oui, c’est un Piketty ! D’où parlez-vous, camarades ?
Le sociologue Pierre BourdieuL’historien Patrick BoucheronL’économiste Thomas Piketty
Quels horizons, quelles lignes de fuite, résistances opposer à cet alignement des désastres ? Port-Royal et l’immigration intérieure ? Les regrets et les pleurs ? L’abstentionnisme, le poujadisme, la désespérance, ne sont pas les fruits amers d’un discours churchillien – de vérité -, jamais tenu, mais la résultante des mensonges et dénis permanents. Pas de salut sans parrhésie, courage de dire les vérités déplaisantes, sans tempêtes, ni sacrifices. L’exercice d’une lucidité condamnée n’interdit pas d’allumer des pétards et fusées de détresse sous les pieds des Tartuffes.
« Il semble bien que la demande en matière de liberté soit, pour l’humanité prise dans son ensemble, de beaucoup en dessous de l’offre que nous lui en faisons. Il est à craindre que le marché ne soit pas du tout ce que nous avions supposé. Nous risquons fort de rester avec notre stock sur les bras » (Jacques Rivière).
Il n’est pas absolument certain que la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon soit le fiasco annoncé, estime notre contributeur.
L’intérêt des guerres est qu’elles ne font aucune place aux prophètes. La guerre est faite de métal, de sang, d’imprévisibilité, et c’est cette dernière qui mène la danse. Comme le disait un stratège français, « la vraie bataille commence quand le plan de bataille s’effondre ». Quiconque dresse des plans trop précis au commencement d’un conflit devra les remiser par-devers lui une fois ses troupes engagées jusqu’au cou, et se fier au noble art de l’improvisation. La guerre en Ukraine en est un exemple éclatant.
Fiasco
En février 2022, la prophétie du FSB était que l’Ukraine n’était pas un vrai pays, que son peuple, dégénéré comme tout ce qui est occidentalisé, rongé par les idées LGBT, allait bien vite brandir un grand drapeau blanc et que Kiev serait prise comme à la parade. Ensuite, la sainte russification au pas de l’oie ferait son œuvre civilisatrice, et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes poutinien. Il n’en fut rien, bien au contraire. La populace ukrainienne s’est révélée d’une pugnacité jamais vue sur le sol européen depuis bien longtemps. Où l’on attendait des woke gavés de vice, l’on a vu des patriotes préférant mourir, plutôt que de revivre la grande famine stalinienne des années 30 (cinq millions de morts, tous innocents). Le Kremlin pensait avaler le territoire ukrainien en une petite poignée de semaines. Il n’a réussi qu’à le grignoter, et à s’y casser beaucoup de dents, en trois très longues années.
L’Opération Militaire Spéciale est un immense fiasco militaire. Les Russes sont habitués. Ils se sont fait aplatir par Hitler en 1941. Il leur fallut un raz-de-marée de sacrifices humains dans leurs rangs et un tsunami de matériel américain pour renverser la vapeur in extremis. Ils ont été humiliés par les montagnards afghans. Ils se sont enlisés de manière incompréhensible en Tchétchénie, au point qu’il leur a fallu établir un califat à Grozny pour avoir enfin la paix. Et voilà qu’ils se cognent le front, jour après jour, sur la porte fermée de Zelensky. La supposée plus-grande-armée-d-Europe se montre sans grandeur, sans honneur et, surtout, elle ne fait plus tout à fait peur. Elle essaye, pourtant. La semaine dernière, elle nous brandissait sous le nez sa nouvelle arme, le « Tchernobyl volant ». Elle nous fait le coup une fois par mois. On a eu Satan 2, le missile le plus terrifiant jamais vu, on a eu les missiles hypersoniques imparables, on a eu une myriade de petites phrases de Poutine annonçant l’apocalypse nucléaire, et rien ne vient. On s’ennuierait presque. Les chars russes restent désespérément empêchés de prendre l’Ukraine par des Ukrainiens héroïques, des dirigeants européens de moins en moins timides, et des opinions publiques de l’Ouest toujours pas disposées à ramper en sanglotant devant la statue du commandeur Vladimir. L’angoisse continentale qu’il voulait provoquer a fait chou blanc. Le cas français est intéressant.
Guerriers
Nous autres, descendants de l’armée qui s’est fait marcher dessus par la Wehrmacht (avec, notons-le, l’aimable assistance de l’Armée Rouge, son premier et intarissable fournisseur en carburant et en matières premières[1]), nous n’avons pas – ou plus – une réputation de fiers guerriers. On pouvait s’attendre à ce que la déflagration en Ukraine nous inspire un pacifisme tremblant. Il n’en fut rien. À notre propre, grande et excellente surprise, l’opinion publique n’a pas flanché. Depuis l’entrée de l’armada russe en Ukraine, aucun sondage – et il y en a eu beaucoup – n’a indiqué que nos compatriotes étaient terrifiés. Bien sûr, quand on leur demande s’ils veulent la paix, ils répondent « oui » en masse. Cela s’appelle des êtres humains. Toutefois, lorsqu’on les questionne sur la réalité de la menace russe et sur la nécessité d’assister l’Ukraine, la majorité s’est toujours prononcée contre la lâcheté. La toute récente enquête de l’Ifop ne déroge pas à cette règle. Pourtant, elle intervient à un moment critique : des drones russes ont survolé la Pologne, l’Otan se réveille de sa sieste, Macron envoie des chasseurs surveiller l’espace polonais. La fameuse escalade se profile. Ce serait le moment de se mordre un peu les doigts et d’avoir les genoux qui s’entrechoquent. Nenni. L’opinion ne change pas d’opinion : on ne baissera pas les yeux devant Moscou. Pas encore. Voire pas du tout, car rien n’indique que la Russie soit encore en état de terrasser l’Occident et qu’il faille par avance lui livrer les clés de Calais. Que l’on y voie de l’imprudence, de la lucidité ou du courage, les statistiques sont là : la France ne se rend pas.
Où l’affaire devient encore plus intéressante, c’est que François Bayrou a été remplacé par Sébastien Lecornu. La nomination de ce dernier est généralement perçue comme une preuve supplémentaire que Macron est un centriste fade, flasque et répétitif. Rien n’est moins certain. Car, si Lecornu passe pour un clone de Macron, ce qu’il est peut-être, il a aussi un passé récent, et pas n’importe lequel. Avant Matignon, il a été ministre des Armées. Pendant trois ans et bientôt quatre mois. C’est-à-dire : pendant la guerre en Ukraine, justement. À quelques mois près, sa trajectoire colle à celle du conflit. Il faudrait être bien peu curieux pour y voir un hasard. De plus, ce qui renforce le point précédent, M. Lecornu n’a pas la Place Rouge pour tasse de thé. Et c’est bien normal, car il a été le responsable des affaires politico-militaires d’un président qui, s’il a commencé par appeler Poutine une fois par jour en espérant vainement le séduire – ce qui avait fait de lui un personnage risible aux yeux des Ukrainiens -, il a fini par comprendre comment fonctionne le FSB et comment il convient de lui parler : sans amabilité excessive, en se souvenant à chaque instant que le mensonge est son ADN et l’intimidation sa colonne vertébrale.
À la dure
Le ministre russe de la défense Sergueï Choïgou (2012-2024). DR.
Macron est allé à l’école de la négociation face à la Russie, sur le tas, à la dure. Lecornu a appris avec lui, et l’accompagnant sur ce chemin abrupt et semé de vipères. Lecornu a retenu la leçon. Il veut doubler le budget des armées d’ici 2030. Il évoque « l’agressivité » de l’armée russe. Il ne se laisse pas marcher sur les pieds par Sergueï Choïgou. Il se montre indiscutablement favorable à l’aide à l’Ukraine. On sait de quel côté de la ligne de front il se situe. Et, à la réflexion, il est envisageable que ce soit la raison de son accès à Matignon. Macron veut un homme avec lequel il ne sera pas nécessaire de palabrer pendant des heures si la situation militaire grimpe d’un coup en température. Avec Lecornu, on peut imaginer que le dialogue ira vite et droit au but. Avec Bayrou, il y avait le risque que l’accent traîne et que l’embonpoint ralentisse.
Et si Lecornu n’était pas un énième négociateur à la table ronde des partenaires sociaux, ni une énième tentative d’endormir simultanément LR et le PS ? Et si la table était, cette fois, celle du wargame ? Macron a joué au chef de guerre du temps du Covid, mais il est confronté à un virus d’une toute autre nature, contre lequel les masques en papier ne suffiront pas. Et si Lecornu n’était pas un nouveau louvoiement entre petites idéologies électorales, mais une façon pragmatique de se préparer au moment où Poutine voudra enfin vraiment nous broyer psychologiquement ? Viatcheslav Molotov, grand diplomate russe et grand assassin soviétique, disait : « Démoraliser l’adversaire est notre devoir, nous ne serions pas communistes si nous ne le faisions pas. » Notre premier devoir à nous, alors, est de ne pas laisser faire, et il existe une toute petite possibilité que Lecornu soit le Premier ministre idoine. En temps de guerre, faute de mieux, il faut laisser sa chance au produit.
Sur la chaine LCI, on montre la destruction d’une tour de Gaza et le journaliste Gallagher Fenwick dit que ce sera une pièce dans le dossier de génocide contre Israël. «Vous voulez dire crime de guerre», corrige Anne Nivat, qui conduit l’émission. «Non, je dis bien génocide», rétorque Fenwick, «vous n’avez qu’à lire les alinéas a, b, c, d, e de l’article 2 de la Convention de l’ONU sur le génocide du 9 décembre 1948.»
Interloqué, je relis cet article : «On entend par génocide l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel:
Alinéa a: Meurtre de membres du groupe; Alinéa b : Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe Alinéa c: Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle Alinéa d: Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe Alinéa e: Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe»
Si je comprends bien, la destruction de cette tour est un génocide, car elle prive ses habitants, tués ou non, de leurs conditions d’existence en tant que groupe, alinéa c de l’article 2. Les habitants d’un immeuble ne font pas partie des quatre catégories indiquées dans l’article 2, mais je suppose qu’il se réfère au fait qu’ils sont aussi membres du groupe national palestinien, du groupe ethnique arabe et probablement du groupe religieux musulman. Je ne parle pas de groupe racial, cela ne fait pas partie de mon vocabulaire ni, je le pense, de celui de M. Fenwick.
Encore faudrait-il qu’ils aient été visés intentionnellement, alors que les Israéliens préviennent les habitants et leur laissent le temps de partir, une première dans l’histoire des guerres. Je suppose que le journaliste considère que lorsqu’ils bombardent un immeuble, ils le font avec préméditation et que cela suffit pour affirmer l’intentionnalité.
J’en conclus que pour M. Fenwick, bombarder un immeuble habité par une population homogène au point de vue national, ethnique ou religieux, c’est commettre un génocide. Peu importe d’ailleurs que cet immeuble serve, comme les tours de Gaza, de local d’observation pouvant être utilisé à titre militaire.
Je pense à Grozny rasé par les Russes en 1995 et de nouveau entre aout 1999 et mai 2000. Je pense à Alep bombardé par Assad et les Russes entre 2012 et 2016 et détruite à 80%. Je pense à Mossoul bombardé entre octobre 2016 et juillet 2017, puis Raqqa entre juillet et octobre 2017 par une coalition dont la France faisait partie. Je pense aussi à Bizerte, que l’armée française avait pilonnée pendant cinq jours en 1961 en laissant plus de 600 morts et des centaines de bâtiments détruits, parce que Bourguiba voulait mettre un terme à la base navale française.
On avait fabriqué lors de la guerre de Yougoslavie le terme de «urbicide» pour définir les destructions systématiques d’immeubles, terme technique encore utilisé par les spécialistes, mais jamais à ma connaissance une destruction d’immeuble au cours d’une guerre n’a été qualifiée d’acte génocidaire. Pour cela il a fallu attendre M. Gallagher Fenwick, journaliste expert à LCI.
Il avait dans sa manche une déclaration faite par un groupe d’autres experts. Et quels experts! Rien moins que l’Association Internationale des chercheurs sur le génocide, l’IAGS, qui a publié le 1er septembre une résolution suivant laquelle les actions d’Israël à Gaza entrent dans la définition légale de génocide. Le prestige académique de cette Association a été immédiatement souligné par la BBC, le Guardian, le New York Times et la porte-parole de M. Gutteres, secrétaire général de l’ONU. Elle avait poussé le scrupule à faire voter ses membres sur cette grave question et le résultat était sans appel : 85% d’entre eux considéraient qu’Israël commettait un génocide à Gaza.
J’avais honte de ne pas avoir entendu parler de l’IAGS. Mon ami Michel Gurfinkiel m’a déculpabilisé : l’IAGS est une fumisterie.
Cette association, présidée par une juriste australienne qui avait déjà publiquement accusé les Israéliens de commettre un génocide à Gaza, a été créée il y a trente ans par des historiens et des politistes, parfois survivants eux-mêmes de la Shoah, soucieux d’analyser les génocides de façon comparative pour y déceler des mécanismes communs. Puis les générations passant, ils furent remplacés par des activistes moins axés sur le passé que sur la dénonciation du présent. On a découvert qu’il n’y a rien de plus facile que de devenir un membre de l’IAGS, y compris sous une identité farfelue et que les membres ayant accusé Israël de génocide ne représentaient que 120 membres environ sur les 500, inconnus d’ailleurs, que revendique cette Association.
D’un journaliste professionnel on exige qu’il vérifie ses sources. M. Fenwick ne l’a pas fait, les journalistes du Guardian (qui qualifiait l’IAGS de «top scholars)», de la BBC («leading scholars»), du New York Times («leading group of academic experts”) et consorts ne l’ont pas fait non plus. Les uns se sont reposés sur la déclaration des autres et ils s’en sont contentés parce que cela venait conforter leurs propres préjugés.
L’IAGS prend pour argent comptant les déclarations les plus outrancières de Amnesty International qui a réécrit les critères de génocide pour mieux accuser Israël et de Francesca Albanese dont l’antisémitisme est patent. Dans son long rapport, l’IAGS accuse Israël de tous les crimes, y compris des calomnies de caniveau, viols et crimes sexuels, mais elle ne cite qu’une seule fois et de façon absolument anodine le Hamas et les otages.
Le 5 septembre, un collectif nommé Scholars for Truth about Genocide a publié un texte réfutant point par point les allégations de l’IAGS. C’est une très remarquable et très rapide réaction, qui porte plus de signatures, et des signatures vérifiées que l’IAGS, mais le mal est fait et je ne vois pas M. Gallagher Fenwick faire son mea culpa.
Cette histoire est emblématique, la captation d’une organisation scientifique par des militants idéologisés, le rebond en tremplin d’une fausse assertion servant de justification à une autre fausse assertion, la mise à l’écart par ceux dont c’est le métier d’informer, d’informations qui contreviennent à leur vision du monde et la décision de ne jamais s’excuser de ses erreurs, car on oublie l’erreur, mais on n’oublie pas les excuses.
En un mois on a démontré que les accusations portées par un ex-agent du Fonds Humanitaire de Gaza sur les assassinats de civils gazaouis par les soldats israéliens à proximité des centres de distribution de nourriture étaient un mensonge, que les photos d’enfants gazaouis mourant de faim étaient des mensonges, que les données sur lesquelles l’IPC s’appuyait pour déclarer la famine à Gaza étaient extrêmement problématiques. Rien n’y fait. « La calomnia è un venticello», dit don Basilio dans l’air célèbre du Barbier de Séville, la calomnie est une petite brise, mais elle prend de la force; peu à peu, elle vire à la tempête et la victime infortunée finit par mourir.
Quand l’Afrique du Sud accusa Israël de génocide devant la CIJ, on pensait à une mauvaise plaisanterie, tellement les arguments, notamment ceux sur l’intentionnalité, étaient minables. Lorsque la Cour rendit sa décision, on prétendit qu’elle avait avalisé le génocide, alors que ce n’était pas le cas. Sa Présidente d’alors, Ms Joan Donaghue, s’en est récemment expliquée. Ce que la Cour a voulu dire était que les Palestiniens avaient des droits «plausibles», au sens anglais, autrement dit des droits défendables, à prétendre qu’ils étaient victimes d’un génocide mais en aucun cas elle n’a déclaré qu’il était plausible (au sens français) qu’un génocide fût effectué contre eux. Mais ceux qui accusent Israël n’ont que faire de ces distinctions.
Aujourd’hui, la perception s’étend dans le public, et notamment chez les jeunes, qu’Israël commet un génocide et que ceux qui le soutiennent sont complices. Certains Juifs eux-mêmes en sont tourmentés. Des organisations israéliennes d’extrême gauche comme Betselem et Israeli Physiciens for Human Rights, l’historien de la guerre Omer Bartov et le grand écrivain David Grossman ont accusé Israël. Il n’est pas question de nier la tragédie qui frappe la population de Gaza, mais il ne peut pas être oublié que le grand responsable en est le Hamas et que comme on l’a vu une grande partie des accusations qu’on porte contre Israël sont tout simplement des mensonges.
Ceux qui par méticulosité intellectuelle considèrent que certains comportements des Israéliens entrent dans une définition juridiquement élargie de génocide ne devraient cependant pas oublier que Israël est aujourd’hui en proie à une tempête de calomnies et que leur parole sera exploitée. Quelles que soient leurs critiques sur tel ou tel aspect de la politique israélienne, il est indécent d’alimenter une telle curée mensongère qui fait dire sans honte à certains que Gaza, c’est Auschwitz…
Avec Ivan Rioufol, Eliott Mamane et Jeremy Stubbs.
Pour Ivan Rioufol, celui qui bloque véritablement le pays, c’est Emmanuel Macron, qui refuse de tenir des élections législatives anticipées et qui refuse de démissionner. Au fond, le macronisme et l’extrême-gauche partagent la même idéologie mondialiste et sont unis dans une même lutte contre l’existence de la nation française. On a vu la même idéologie à l’œuvre au niveau européen lorsque, mercredi, Madame Von der Leyen, la présidente de la Commission, a fait son grand discours devant le Parlement européen. Enfin, pour finir, Elliot Mamane nous éclaire sur le contexte de l’assassinat ignoble de l’influenceur conservateur américain, Charlie Kirk, à la mémoire de qui nous rendons hommage.
Littérature. Notre chroniqueur Cyril Bennasar nous invite à découvrir un extrait de son premier roman L’Affranchi et à faire la connaissance de son personnage principal, Pierre Schwab…
Anne est morte. Elle n’était ni riche ni célèbre ni bien née ni notable. Elle n’a aucune raison de figurer dans Le Figaro à la rubrique décès, celle qu’on lisait à l’antenne de Radio Libertaire quand on allait ensemble à l’émission « De la pente du Carmel, la vue est magnifique ». La famille Hampin de la Roche de Broglie a le regret de vous annoncer que le baron Louis Charles de machin chose a été rappelé à Dieu l’année de ses 93 ans. Suivait un bruit de guillotine enregistré et la revue de presse continuait. Ça nous faisait rire. On était voisins d’enfance et amis, puis amants. Un père allemand, une mère japonaise, une intelligence rare, une culture littéraire qui mettait à toute notre bande de copains des années dans la vue. Elle me disait qu’on vivrait tout ce qu’on a à vivre et qu’à cinquante ans, on se retrouverait pour se marier. Elle me disait aussi que quand j’aurais eu ma dose de gonzesses, je deviendrais pédé. Dans sa bouche, ça voulait dire qu’elle plaçait en moi tous ses espoirs. À présent, je me ferais volontiers enculer si ça pouvait la faire revenir. Je n’imaginais pas que la vie serait aussi dure avec elle, mais même si je l’avais su, je n’aurais pas pu faire grand-chose. On peut faire le bonheur des cons, pas le bonheur des dingues. Et Anne était dingue. Betty dans 37°2.
C’est elle qui m’avait amené à Radio Libertaire après avoir contacté une bande d’anars qui se retrouvaient tous les mardis soir tout à fait gratuitement pour se moquer du monde. On épluchait la presse et on écrivait des textes qu’on lisait à l’antenne. Sans elle, je n’aurais jamais osé ni écrire, ni téléphoner à ces mecs pour me placer, ni à qui que ce soit d’ailleurs. Mais Anne avait une audace folle qui lui ouvrait toutes les portes, même celles de l’enfer. Un jour elle m’avait dit Viens, on y va. Alors j’ai écrit deux trois trucs et on s’est pointés au studio un soir à Montmartre. Je lui avais lu mon texte sur la mort de Lady Di sous le pont de l’Alma, que toute la presse appelait sur un ton obséquieux « la princesse Diana ». Il finissait par «Il n’y a plus que les piliers de pont qui sont républicains dans ce pays». À la fin de ma lecture, le visage d’Anne s’était illuminé. Putain j’en étais sûre que t’étais un écrivain! Je lui avais répondu Arrête tes conneries.
En apprenant sa mort, je sens mon cœur et ma gorge se serrer. On s’est perdus de vue avant mon virage islamophobe et c’est tant mieux, avant que nos copains anars n’informent les auditeurs de Radio libertaire, dans une émission consacrée aux « libertraitres », que j’étais devenu « une figure de proue du racisme en France » et qu’il ne fallait plus me causer. Avec Anne, on se serait affrontés violemment. Elle avait une putain de belle intolérance dans un monde où on transige sur tout mais on n’avait plus la même. Elle ne laissait rien passer et elle m’aurait fait payer la moindre blague raciste. J’ai bien entendu là ? T’as prévu de te branler ce soir ? Jamais je n’aurais pu me douter qu’elle claquerait à cinquante-sept ans d’on ne sait quoi. Suicide, overdose, meurtre? Rien ne me surprendrait. Elle était plus ou moins schizo, elle était sortie abimée, désenchantée, écœurée d’un passage par la prostitution, même de luxe, et elle tombait dans toutes les addictions. Et parce que son grand cœur et son antiracisme abolissaient chez elle tout discernement, elle avait une fâcheuse tendance à traîner avec de la racaille de n’importe quelle couleur. Elle m’avait raconté qu’une nuit dans un squat, un Arabe l’avait violée. Putain de bougnoule! aurait dit mon père. Elle ne parlait pas comme ça. Moi si. Quand je me revois à 14 ans dans les manifs avec la petite main jaune d’SOS racisme, je me demande parfois comment j’en suis arrivé là. Elle ne voyait pas le rapport entre un viol et un Arabe. Moi si. Celui-là était du genre à casquette, en survêtement et en surpoids. Il avait son adresse et revenait certaines nuits frapper à sa porte.
Elle en avait peur mais ne portait pas plainte parce qu’il y avait entre eux une histoire de drogue. Son copain de l’époque était impuissant à neutraliser le nuisible par des moyens légaux et encore plus par des moyens illégaux parce qu’étant avocat, il craignait pour sa carrière. Alors j’avais emprunté à mon frère un flingue, un pistolet à billes qui ne tue pas mais qui à bout touchant troue la peau durablement, et j’avais passé dans sa chambre à Bastille trois jours et trois nuits à attendre Mouloud. Je n’ai jamais vu la trogne du défavorablement connu des services de police qui s’est fait descendre pour de bon par quelqu’un d’autre quelques mois plus tard dans un règlement de comptes lié au trafic de stupéfiants, comme on dit à la télé. Inch Allah!
Sa mort me hante. Pas celle de Mouloud, celle d’Anne. J’aurais voulu lui demander pardon et je n’ai pas eu le temps. Je n’avais pas encore trouvé les mots, les bons, et j’ai été pris de court. On s’est aimés et désaimés pendant les trente premières années de nos vies et j’ai compris trop tard que j’avais passé mon temps à jouer et à me venger. Je l’aurais aimée follement si elle n’avait pas été follement dingue et c’est ce que j’avais commencé à faire à quinze ans jusqu’au jour où elle m’avait annoncé qu’elle avait revu Jean-Marc et qu’elle était encore amoureuse de lui. C’était un mec de la DASS, un sale type, un voyou plus âgé que nous d’une dizaine d’années et qui proposait de faire croquer1 quand il sortait avec ses potes, peut-être par fidélité́ à une promesse de taulards de tout partager une fois dehors. J’avais morflé deux ou trois jours et puis je m’étais remis de mes émotions, jurant qu’on ne m’y prendrait plus, et je suis resté fidèle à mon serment autant que j’ai pu, au grand dam de ces dames.
En amour, il y en a toujours un qui souffre, l’autre joue. Si pour toi l’amour n’est qu’un jeu, alors peu importe, je tends l’autre joue. Ce n’est ni du Joey Star, ni du Big Flo et Olie ni du Abd el Malik ni du Stromae. La rime la plus riche de la chanson française ne vient pas d’une star de la discrimination positive, mais d’une chanson de Lio. Même genre de beauté, de culot, de grâce, de courage que ma chère Anne. Et même féminisme énervé voire hystérique. En amour, je ne suis pas chrétien, je ne tends pas l’autre joue. Plutôt crever mais jusque-là, j’ai survécu. Alors comme ce qui ne tue pas rend plus fort, j’ai joué́ avec Anne au chat et à la souris sans voir qu’elle en souffrait. Je la croyais beaucoup plus forte que moi alors j’ai passé des années à lui rendre la monnaie de sa pièce de boulevard. Je la sautais, la trompais, disparaissais, et je me repointais. Je voyais bien que ce n’était pas du jeu mais je me disais que c’était de bonne guerre. Je ne voyais pas que je la blessais vraiment. Le jour où sa mère a pris son téléphone pour me dire Pierre, si vous revoyez Anne, je vous tue. J’ai compris d’un coup et ça m’a glacé. J’ai décidé́ de disparaitre définitivement, sans penser au sens le plus tragique du mot « définitif ».
Elle était vraiment cinglée. En fouillant dans son inconscient, un psy à la con l’avait persuadée que son père, parti vivre à Berlin avec une deuxième femme, l’avait amenée, quand elle était enfant, chez un dentiste sadique qui la torturait avec ses instruments. Le dangereux freudien avait même réussi à la convaincre que son paternel l’avait violée quand elle était petite. Enfin c’est ce qu’elle m’avait raconté́. Elle était sortie de ces séances avec la ferme intention de partir en Allemagne demander des comptes à son vieux, et, au cas où il lui mentirait, selon son expression, de « lui prendre sa bite ». Je ne connais pas la suite de l’histoire. Le Boche soupçonné d’inceste doit être mort à présent, en emportant son secret dans sa tombe. Et sa bite aussi? Allez savoir!
Entre deux histoires avec moi, elle avait eu un paquet de mecs. Des tas d’histoires qui avaient toutes fini violemment. Immanquablement, le gars se faisait jeter sans ménagement. Trop mesuré, trop juste, trop raisonnable, trop prudent, trop gentil, trop normal. Celui qui ne la suivait pas dans ses excès, ses outrances, ses indignations, ses colères, ses délits était éconduit comme une chiffe molle, dégagé́ sans ménagement. Elle partait en claquant la porte, se montait le bourrichon et revenait plus tard avec sa clef et un marteau pour ruiner l’appart de l’amant décevant. Comme beaucoup, l’avocat y a eu droit, jusqu’aux poignées de portes en porcelaine dans son trois ou quatre pièces haussmannien de l’avenue René Coty. Plus d’un gars a regretté d’avoir croisé sa route, maté son cul et tâté́ ses miches.
J’ai bien failli avoir droit moi aussi à des représailles. Deux fois. La première fois, alors que marié, je la ramenais après un week-end de va-et-vient sauvages et de promenades en forêt, elle me conseillait dans un sursaut de charité́ de vérifier dans les plis de mon canapé si elle n’y avait pas perdu sa culotte. La deuxième fois, c’est grâce à l’arrivée inopinée de mon copain Jean-Louis, qui l’avait trouvée chez moi avec son fameux marteau et sa copine Fouzia, que j’ai encore une télé, un lavabo et des chiottes. Elle n’avait pas de clef : n’ayant rien qui puisse attirer les cambrioleurs, je ne ferme jamais ma porte. Elle était quand même repartie avec tous mes disques dans deux gros sacs en jurant de les jeter dans un lac à deux pas de chez sa mère où elle retournait régulièrement pour une cure de désintox. J’ai repris mes CD le soir — même en douceur mais sans la rebaiser. Il y avait des limites à ne pas franchir, il ne fallait pas toucher à mes Beatles et à mes Motörhead. J’ai tout récupéré́ sauf The River de Springsteen. En plus de toutes ses qualités, elle avait bon goût.
Elle avait même pourri la vie de mon ami Jean-François qui couchait avec elle la semaine à Paris avant de rentrer le week-end chez sa femme en Provence. Un vendredi soir, en montant en voiture sur le parking de la gare d’Avignon où sa régulière venait le chercher, il l’avait vue surgir de la banquette arrière et s’écrier Surprise! Elle avait traversé́ la France quelques jours plus tôt pour ne pas laisser plus longtemps dans l’ignorance une épouse abusée, s’était installée au domicile conjugal et avait tout raconté dans les détails. Sa femme n’avait pas pardonné mais lui, si, et après son divorce, il s’était remis à la colle avec cette beauté́ empoisonnée. Une nuit j’ai vu Jean-François débarquer chez moi en poussant sa moto. La selle était lacérée, les pneus étaient crevés et il était au bord des larmes. Parce qu’il était parti à Lyon avec une autre fille, croyant former avec Anne un couple libre, elle l’avait reçu avec un couteau de cuisine pour lui faire payer sa trahison, et tandis qu’il détalait, elle lardait sa bécane.
Je l’avais prévenu. Elle est folle ! À sauter uniquement si tu aimes vivre dangereusement. Il ne m’avait pas cru et on peut le comprendre. Le début d’une histoire avec Anne avait de quoi déboussoler n’importe quel mec. C’était une lune de miel avec un canon qui avait de l’esprit, des lettres et de l’humour, le tout dans des vapeurs de joints. Ma mise en garde avait bien failli nous brouiller mais on est restes amis jusqu’à ce que la mort de Jean-François nous sépare. Une forme de leucémie dont 95 % des malades sortent vivants mais qui avait tué́ mon copain parce que le crack avait laissé des lésions qui avaient empêché́ sa guérison. Après Anne, il était tombé sur une Arabe qui l’avait dépouillé́ d’une dizaine de milliers d’euros. Je l’avais prévenu aussi, mais Jean-François était incapable de résister à une bonne chatte. Je n’avais pas sauté la fille que j’avais deviné́ fourbe et venimeuse mais sa sœur. Pas la sœur de Jean-François, la sœur de l’Arabe, que j’avais baisée chez elle et rebaisée chez moi après lui avoir dit que j’étais juif, donc en prenant le risque de laisser filer un bon coup. Ce dont je suis resté assez fier. En fait, si, j’ai aussi baisé la sœur de Jean-François, mais ça, c’est une autre histoire.
Je ne sais rien de sa mort. J’espère ne pas apprendre un jour qu’elle a été́ assassinée et que son meurtrier est vivant et libre, faute de preuves ou de places en prison. Si c’est le cas, je comprends d’où̀ me vient cette intuition qu’avant de clamser à mon tour, je deviendrai un assassin, en envoyant six pieds sous terre une racaille nuisible et impunie, à coups de marteau et sans sourciller. À présent, je frémis en repensant à son rire, et je pleure en l’entendant se marrer.
Le 22 août dernier, Iryna Zarutska, 23 ans, a été tuée dans le tramway de Charlotte, en Caroline du Nord, dans l’est des États-Unis. Le principal suspect, Decarlos Brown, est un multirécidiviste déjà condamné à plusieurs reprises. L’affaire a rapidement pris une ampleur nationale, Donald Trump et d’autres figures conservatrices critiquant l’indifférence médiatique, la gestion des villes dirigées par les démocrates, le laxisme des autorités judiciaires, et réclamant la peine de mort. Souffrant de schizophrénie, le meurtrier avait revendiqué avoir tué « une femme blanche ». Avant d’être à son tour tué, par balle en pleine réunion publique dans l’Utah, l’influenceur conservateur Charlie Kirk avait déclaré : « si une personne blanche lambda s’approchait tout simplement et poignardait une gentille et honnête personne noire, ce serait une histoire absolument énorme à l’échelle nationale, utilisée pour imposer des changements politiques radicaux à l’ensemble du pays. » Analyse.
Les images de la vidéosurveillance diffusée sur les réseaux sociaux sont particulièrement choquantes. Une jeune femme ukrainienne, Iryna Zarutska a été égorgée, à Charlotte aux États-Unis, par un homme noir qui s’est vanté, sans honte, d’avoir tué une blanche.
L’événement pourrait passer pour un fait divers, noyé dans la rumeur quotidienne des violences, mais il vaut comme signe. Non pas celui d’un déséquilibre individuel, mais celui d’une époque où tuer n’est plus seulement un crime : c’est un geste idéologique, une liturgie profane. La victime n’était rien d’autre qu’un symbole : la blancheur, l’Occident, ce monde que l’on veut expier par le sang.
Maison-Blanche, 9 septembre 2025.
Paradoxes
Depuis George Floyd, la religion séculière de l’antiracisme s’est imposée comme orthodoxie universelle. Partout, les foules acclament leur catéchisme : l’homme blanc est coupable. Il est l’oppresseur, le colon, l’esclavagiste, le policier, le patriarche, l’ennemi absolu. À Paris, des foules criant justice pour Adama Traoré ont importé ce récit d’outre-Atlantique, récit qui ne demande pas réparation mais immolation. On abat des statues, on réécrit l’histoire, on rejoue la Passion avec de nouveaux Judas : le Blanc, et avec lui le Juif.
Car le Juif est toujours là, éternel bouc émissaire. Les nazis le voyaient comme anti-race corruptrice, ennemi biologique à exterminer. Aujourd’hui, il est haï sous le nom de sioniste, figure suprême de la blancheur coloniale, accusé de concentrer en lui tous les crimes de l’Occident. Le paradoxe n’en est pas un : la haine ne change pas de nature, elle recycle ses mythes, inverse ses justifications, change de masque pour mieux survivre. Le Blanc et le Juif ne sont plus deux figures distinctes : ils sont désormais confondus dans une même condamnation. Deux visages d’un même mal imaginaire.
Ce qui est visé à travers eux, c’est l’Occident lui-même, avec son héritage chrétien porteur de l’idée d’universel, son héritage juif qui incarne la mémoire irréductible d’un peuple revenu à sa terre, son héritage gréco-romain fondé sur la raison et la cité, son héritage des Lumières affirmant la liberté de conscience, et enfin son héritage démocratique défendant l’égalité des droits.
Indifférence générale
Tout cela est désormais jugé criminel. Tout cela doit être effacé. Et c’est pourquoi une jeune femme blanche peut être égorgée dans l’indifférence générale, comme un Juif peut être insulté, frappé, lynché dans les rues d’Europe, sans que le monde s’en émeuve.
Pourquoi cet aveuglement des élites occidentales, à l’exception notable de Donald Trump et Elon Musk aujourd’hui qui réagissent fortement et justement au meurtre de la jeune Ukrainienne ? Parce qu’elles ont choisi la trahison sous plusieurs formes :
– La culpabilité historique érigée en dogme. Obsédées par le péché originel – colonisation, esclavage, impérialisme –, elles se sentent redevables d’une dette infinie. Elles croient conjurer la haine par l’auto-flagellation et nourrissent ainsi l’idéologie de la vengeance en lui offrant sa légitimité morale.
– Le confort du déni. Reconnaître que les pogroms anti-blancs et anti-juifs réapparaissent, ce serait admettre la guerre civile larvée. Nommer l’ennemi, assumer le tragique : elles n’en ont pas le courage. Alors elles détournent les yeux, se réfugient dans des statistiques, s’endorment dans l’illusion.
– La religion du progressisme. Antiracisme, multiculturalisme, repentance sont devenus les dogmes d’une liturgie séculière. Dire la vérité sur la haine anti-blanche ou l’antisémitisme contemporain, ce serait commettre un blasphème. Elles ne gouvernent plus : elles administrent la liquidation morale de leur civilisation.
– La peur d’être accusées. Celui qui nomme la réalité – violences anti-blanches, nouvel antisémitisme, islamisme conquérant – est aussitôt déclaré fasciste, raciste, haineux. Les élites redoutent davantage le tribunal médiatique que l’effondrement de leurs peuples.
– L’illusion du contrôle. Elles croient gérer la haine comme une crise budgétaire, utiliser les minorités comme réservoir électoral. Elles ne comprennent pas que la haine a sa propre logique : elle se nourrit des concessions, elle ne s’apaise jamais.
Ère tragique
À cette matrice occidentale s’ajoute l’islamisme, qui n’a cessé d’attiser et d’amplifier la haine. L’islamisme donne à ce ressentiment un horizon religieux, une justification divine, un récit global. Pour lui, le Juif est l’ennemi absolu depuis Khaybar ; le Blanc est le croisé à abattre ; l’Occident est la civilisation impure qui doit s’effondrer. L’islamisme n’invente pas la haine : il la structure, il lui donne une armée, il l’adosse à une théologie de la conquête. Là où l’antiracisme parle de réparation, l’islamisme parle d’extermination. Et les deux se rejoignent : dans la haine de l’Occident, dans la désignation du Juif et du Blanc comme cibles sacrificielles.
Les nouveaux pogroms ne sont pas encore des foules hurlantes armées de gourdins : ils prennent la forme de lynchages médiatiques, d’agressions banalisées, de meurtres accomplis dans la certitude d’exercer une justice. Mais leur logique est identique : purifier le monde en immolant un coupable désigné. Le sang devient une réponse, le meurtre une liturgie, l’innocent une victime expiatoire.
Nous entrons dans une ère tragique. L’Occident, qui croyait avoir conjuré ses démons, se découvre haïssable à ses propres yeux. Le Juif et le Blanc, désormais confondus dans l’imaginaire de la haine, incarnent ensemble le visage honni d’une civilisation qu’on veut abolir. Le meurtre de la jeune Ukrainienne est une annonce : celle d’un futur où l’on ne tuera plus seulement des individus, mais des symboles, où l’on réglera ses comptes avec l’Histoire par le sang versé dans les rues.
Ce n’est pas un retour en arrière, mais la continuité de la haine. Le pogrom n’a jamais cessé : il change seulement de formes, de justifications, de victimes. Il revient aujourd’hui sous les habits d’une croisade morale, d’une justice vengeresse, d’une pureté fantasmée. Nourri par l’antiracisme occidental, exalté par l’islamisme global, il transforme nos métropoles en nouveaux shtetls promis aux flammes, et nos innocents en victimes expiatoires d’une haine qui se croit juste.
La présidente du mouvement patronal Ethic et chroniqueuse Sophie de Menthon s’emploie jour après jour à réhabiliter l’image du patronat auprès des Français. Elle publie un livre.
À la lecture du titre, la tentation serait grande de considérer le dernier livre de Sophie de Menthon comme un simple florilège de sucess stories d’entrepreneurs. Ce serait non seulement sous-estimer la portée de l’ouvrage mais aussi passer à côté des nombreux messages que celui-ci véhicule. Le terme de sucess story lui-même serait déplacé puisque Sophie de Menthon fait le choix audacieux de parler exclusivement de chefs d’entreprise français. Qui mieux qu’une chef d’entreprise pour parler de ses pairs ? D’autant que l’engagement de Sophie de Menthon à leurs côtés n’est plus à prouver, tant la présidente du mouvement Ethic est devenue ces dernières années une figure incontournable de la défense des entreprises de toutes tailles, ne limitant pas l’économie au CAC40 et accordant aux PME la place qu’elles méritent dans le paysage économique français.
« Patron », un joli mot devenu bêtement péjoratif
Il est d’usage actuellement de parler de « dirigeants », de « chefs d’entreprise » ou encore d’« entrepreneurs » mais c’est malicieusement que Sophie de Menthon choisit d’employer le mot « patron », dont la mauvaise presse dans notre pays ne date malheureusement pas d’hier. Il y a les petits, que l’on tolère, surtout quand ils ne sont le patron de personne d’autre que d’eux-mêmes et il y a les grands patrons, surtout ceux de l’honni CAC40, qu’il est d’usage de mépriser. Peu s’insurgent de les voir régulièrement convoqués et sommés de se justifier devant des commissions à l’Assemblée nationale car si la mauvaise réputation du patron n’est pas une spécificité franco-française, force est de constater qu’elle est solidement ancrée dans notre société.
Qui n’a pas entendu l’été dernier des enfants dire que, plus tard, ils souhaitaient être Léon Marchand ou Thomas Pesquet ? Pour peu que l’un d’eux aurait déclamé vouloir être Alain Afflelou, la scène se serait révélée beaucoup plus cocasse et incongrue. Et pourtant. Alain Afflelou ne connaît personne dans le secteur de l’optique lorsqu’il ouvre sa première boutique à Bordeaux en 1972. Le leader de la franchise optique et audio compte désormais 1 468 points de vente et est présent dans 19 pays. Que sait-on vraiment de ces hommes et femmes dans l’ombre des marques françaises que l’on connaît tous et qui font partie de notre histoire ? Peu, ou pas assez. Sophie de Menthon le déplore : « On ne s’autorise pas à s’étendre sur le talent de ceux qui créent, qui dirigent, qui inventent les produits ou services à succès, le labo qui trouve le vaccin, la marque qui cartonne, le restaurant étoilé qui régale, la voiture qui fait rêver, la haute joaillerie qui fait briller les femmes, etc. »
42 confidences
Persuadée que c’est la méconnaissance qui engendre la haine ou la jalousie, Sophie de Menthon choisit de lever le voile sur ceux qui font l’économie française et s’emploie à leur donner la parole, les invitant dans cet ouvrage à parler de leur parcours. Derrière les marques emblématiques du paysage français, l’entrepreneur est souvent dans l’ombre, caché derrière le nom de l’entreprise, quand bien même celle-ci est éponyme.
Ne nous méprenons pas : il n’est pas question ici de marketing camouflé derrière du storytelling, mais bel et bien d’histoires d’hommes et de femmes avec leurs rêves, leurs ambitions, leurs peurs, leurs aventures entrepreneuriales, mais aussi les doutes et échecs qui ont souvent pavé la route de leur réussite. Sophie de Menthon relève ainsi le défi de parler d’économie sans parler de chiffres ! Il fallait le faire ! Fidèle à sa volonté de casser l’image d’une économie réservée aux seuls initiés, elle signe ici un livre accessible à tous, instructif, utile et inspirant.
Au total, ce sont quarante-deux patrons qui se confient à Sophie de Menthon, et c’est peu dire que leurs secteurs d’activité sont variés ! L’optique, l’art, l’immobilier, la santé, ou même l’agriculture, des marques connues de tous comme Mousline ou Mauboussin à celles plus confidentielles : l’économie française est partout et fait partie de nos vies. Il ne s’agit pas cependant de faire l’éloge d’une époque révolue et prospère mais de prouver que le monde actuel recèle d’opportunités pour peu que l’on ose les saisir ! La détermination, la persévérance, la passion et l’audace, si elles ne sont pas les ingrédients miracle de la réussite, se retrouvent souvent dans les parcours de ceux qui réussissent. Ceux-ci n’hésitent d’ailleurs pas à confier à l’autrice leurs analyses et leur ressenti quant aux mutations et nouvelles donnes du monde actuel, notamment la nécessité d’intégrer une démarche responsable et éthique au sein des entreprises.
Le livre de Sophie de Menthon s’inscrit particulièrement dans une actualité ponctuée par de profondes crises sociales, politiques et économiques. Oui, nous avons plus que jamais besoin de modèles, de personnes inspirantes dans un monde où le sens de l’effort et la valeur travail sont devenus sous-cotés voire has been. L’un des enseignements de ce livre est que si la réussite est possible, elle n’en est pas moins parfois difficile et semée d’embûches !
Dans ce contexte, la réhabilitation de l’image du chef d’entreprise ne devient pas seulement souhaitable mais nécessaire. Soyons fiers de nos entrepreneurs nationaux et changeons enfin le regard que l’on porte sur la réussite et l’ambition ! Notre pays regorge de talents et de succès en devenir : telle est la vision que Sophie de Menthon souhaite transmettre pour inspirer les générations actuelles et à venir. Si réussir est possible, remettre l’humain au cœur de l’économie l’est aussi. Ce livre nous le prouve.
La France a connu cet été une série de violences gratuites provoquées par des bandes de jeunes souvent mineurs. Petites villes et zones rurales ont été le théâtre de débordements dignes du 9-3, comme si les codes de la banlieue étaient un moyen pour la jeunesse de s’affirmer. Un phénomène inquiétant qui prospère sur fond de trafic de drogue.
Difficile de ne pas penser à La France Orange mécanique de Laurent Obertone – et aux cris d’orfraie que l’ouvrage avait suscités. Cet été, la France a été le théâtre d’une série inédite et inquiétante de violences collectives impliquant des bandes d’adolescents souvent mineurs. Des scènes de chaos ont été rapportées aux quatre coins du pays, dans des localités d’habitude plutôt calmes comme Limoges, Béziers, Charleville-Mézières, Arnage (Sarthe), Dausse (Lot-et-Garonne), Arsac (Gironde), Mornant (Rhône), Jullouville (Manche), etc. D’une nature généralement éruptive et gratuite, ces multiples faits divers – si nombreux qu’ils constituent ensemble un fait de société – dessinent le portrait d’une jeunesse désorientée, déculturée et peu apte à se contrôler.
Souviens-toi l’été dernier…
Le 8 juillet, à Dausse, petite commune située non loin de Villeneuve-sur-Lot et réputée pour sa tranquillité, un marché nocturne a été pris d’assaut par environ 200 jeunes venus des environs. La horde a déboulé en voiture ou deux-roues, proféré des insultes, bousculé les visiteurs, renversé des étals, lancé des projectiles sur des commerçants, multiplié les échauffourées et effrayé les familles présentes. Une femme enceinte a même dû être évacuée d’urgence par les secours. Sous le choc, la municipalité a annulé le marché suivant. Interrogé dans la presse peu de temps après, le maire a invoqué un problème de manque d’équipement pour les jeunes du cru, tandis que sur les réseaux sociaux, bon nombre d’internautes ont été prompts à établir un lien avec l’immigration, sans preuve ni confirmation. Qu’ils soient de droite ou de gauche, ces réflexes interprétatifs peinent à cerner le problème dans toutes ses dimensions.
Lausanne (Prélaz), 25 août 2025. Capture d’une vidéo amateur relayée sur Snapchat : deuxième nuit de violences après la mort d’un adolescent en scooter.Arnage (Sarthe), aquaparc du lac de la Gèmerie, 2 juillet 2025.
Les jours suivants, entre le 14 et le 21 juillet, Limoges a connu plusieurs nuits d’affrontements dans deux de ses faubourgs. À Beaubreuil, une patrouille de police a été encerclée et visée par des mortiers d’artifice. Au Val de l’Aurence, des groupes de jeunes, parfois masqués, ont incendié des poubelles, lancé des projectiles contre des abribus et attaqué des agents municipaux. Une vidéo montre un homme isolé poursuivi par une dizaine d’agresseurs qui le frappent à terre, dans la jubilation du groupe. Submergées par le nombre et la mobilité des assaillants, les forces de l’ordre, bien qu’intervenues rapidement, ont parfois dû battre en retraite.
Les nageurs français pas bienvenus en Suisse
D’autres manifestations de saccages en meute ont eu pour cadre diverses bases de loisirs estivales du pays, où de multiples bagarres, harcèlements, jets d’objets dans les bassins et refus d’obtempérer ont été signalés. Le fléau a même traversé les frontières puisque certaines municipalités de Suisse romande, comme Porrentruy, non loin de Montbéliard, mais aussi Lausanne, ont été carrément obligées de restreindre l’accès des piscines publiques à leurs seuls administrés suite à des incidents répétés de la part de groupes d’adolescents qui se sont révélés être pour la plupart des résidents de communes limitrophes françaises.
Scénario identique à Arnage, une agréable bourgade jouxtant le circuit automobile du Mans, le 16 juillet, jour d’inauguration d’un parc aquatique. Dès l’ouverture, des dizaines de jeunes forcent les tourniquets, refusent de faire la queue pour les attractions, déclenchent des altercations dans les vestiaires, agressent verbalement le personnel et initient des rixes sur le plan d’eau. Des images montrent des bousculades sciemment provoquées, des enfants recevant des coups et des vacanciers paniqués tentant de quitter les lieux. L’établissement, qui a dû fermer ses portes au bout de quelques heures seulement, a repris une activité normale deux jours plus tard grâce à un dispositif de sécurité redoublé et un filtrage drastique des entrées.
Ce qui frappe dans chacune de ces affaires, c’est le très jeune âge des protagonistes. Beaucoup n’ont que 13 ou 14 ans. En 2023, lors des émeutes de banlieue faisant suite à la mort de Nahel Merzouk, les observateurs avaient aussi été surpris par le profil de certains casseurs arrêtés. À côté du type classique de fauteur de trouble « professionnel », la police avait recensé quantité d’émeutiers à peine sortis de l’enfance et généralement sans antécédents judiciaires. Dans les procès-verbaux de leurs auditions transparaît une forme de colère sourde, indistincte, mêlée d’ennui et de ressentiment diffus. Certains de ces délinquants en herbe disent ainsi avoir voulu « se venger », sans pourtant savoir de quoi ni de qui. D’autres affirment leur désir de « se faire entendre » à travers la violence, tout en se montrant incapables de verbaliser une quelconque revendication. L’hostilité envers la police, vue comme un corps étranger, injuste et humiliant, est constante quoique fréquemment inspirée par une simple expérience indirecte, nourrie des rumeurs du quartier.
Quant aux origines sociales, elles confirment un ancrage dans les classes populaires périurbaines. Nahel Merzouk lui-même représente un portrait-robot de cette jeunesse peu encline au civisme. Citoyen franco-algérien né d’une mère algérienne et d’un père d’origine marocaine avec lequel il n’entretenait quasiment aucun lien, le jeune homme a grandi en région parisienne, habitant Nanterre et fréquentant un collège puis un lycée à Suresnes, où il a entamé une formation en électricité en vue d’un CAP, avant de se réorienter brièvement vers la mécanique et de finir par quitter le système scolaire au bout de six mois, contraint dès lors de gagner sa vie comme livreur de pizzas.
Une bonne part des auteurs de violences évoqués jusqu’ici viennent comme lui de familles monoparentales, où le plus souvent la mère, largement dépassée par la situation, a la garde de sa progéniture. Une majorité de ces jeunes sont plus ou moins déscolarisés. Mais on relève aussi des cas d’adolescents davantage insérés, avec des parcours de formation plus solides, certains s’avérant même être des lycéens sans histoire, qui ont basculé l’espace de quelques heures dans des actions de destruction ou de pillage comme si les barrières morales s’étaient dissoutes à la faveur de l’élan collectif.
Intégration à l’envers
Il faut aussi noter que cette jeunesse n’est plus seulement issue des cités sensibles de Paris ou des métropoles françaises. En 2023, des villes moyennes ou petites, comme Montargis, ont connu leur lot de débordements, digne de ce qu’on a pu voir en Seine-Saint-Denis. Imiter les codes de la banlieue est-il devenu de nos jours un moyen pour la jeunesse française de s’affirmer ? Assiste-t-on à ce que l’on pourrait qualifier d’intégration « à rebours », comme l’affirme le responsable de la sécurité d’une ville moyenne que nous avons interrogé ? De nombreux indices rendent cette lecture des faits très convaincante.
Enfin, les témoignages des éducateurs, avocats ou magistrats en charge de dossiers mettant en cause des jeunes délinquants ayant agi en bande plus ou moins organisée convergent sur un point : une grande partie des accusés ont exprimé, une fois calmés, du regret. Cette disproportion entre leurs actes violents et leur attitude quand ils sont isolés et confrontés à l’autorité judiciaire révèle le décalage entre la puissance du groupe et la fragilité de l’individu revenu à lui-même. Bref, ce ne sont ni des caïds ni des membres de gang endurcis. Cependant un certain contexte pourrait jouer un rôle déterminant dans leur comportement : le bouleversement en cours du marché français de la drogue.
Depuis une dizaine d’années, sous l’effet de la saturation de l’offre et de la recherche de nouvelles clientèles, le trafic de stupéfiants, autrefois concentré dans les grandes agglomérations, s’est progressivement étendu aux petites villes et aux campagnes. Ce phénomène de « ruralisation de la drogue » s’étend jusqu’à des départements comme la Creuse, l’Indre ou la Haute-Loire, où les élus et les forces de l’ordre constatent l’émergence de réseaux structurés. L’expansion est particulièrement visible depuis le milieu des années 2010, avec des exemples emblématiques à Alençon, Châteauroux ou dans certains cantons d’Ardèche.
Cette mutation du trafic de drogue s’est nettement intensifiée pendant, et surtout après, la pandémie de coronavirus. Le confinement a d’abord perturbé les circuits traditionnels, obligeant les mafias à s’adapter en développant des méthodes plus discrètes, telles que les livraisons à domicile ou les points de contact temporaires. Mais c’est surtout la période post-Covid qui a connu une accélération du développement de la distribution périphérique. Profitant de la désorganisation des forces de l’ordre, de la fragilisation sociale dans certaines zones rurales et de l’essor du télétravail ayant vidé certains centres-villes, les trafiquants ont identifié de nouveaux territoires à exploiter.
Dès 2021–2022, des cas sont documentés à Figeac, Aurillac ou encore dans les Alpes-de-Haute-Provence, où les autorités locales ont vu émerger de jeunes dealers venus d’Île-de-France, du Rhône ou des Bouches-du-Rhône. Même constat dans les grands ensembles du Val de l’Aurence et de Beaubreuil à Limoges, récemment touchés par les violences urbaines. Ce phénomène marque un tournant durable dans l’économie souterraine française. Le « nouveau péril jeune », qui se caractérise par sa violence plus diffuse, plus erratique et plus provinciale, ne survient peut-être pas par hasard au même moment.
Ces phénomènes disparates finissent par s’agréger. Ils apparaissent comme les symptômes d’une même réalité qui se développe à l’échelle au moins nationale : une jeunesse qui agit en groupe, dans une défiance ouverte envers l’autorité, et cela sans déclencheur extérieur immédiat, à la différence des émeutes urbaines de 2005 ou 2023, causées par la mort brutale de jeunes gens.
L’introduction du trafic de drogue, avec son cortège d’accès facilité aux stupéfiants, à l’argent rapide et à une certaine forme d’agressivité banalisée, conjuguée aux liens tissés avec des réseaux plus anciens et structurés venus des grandes villes, ces « grands frères » du crime, a – telle est notre thèse – constitué le point de bascule. La dynamique de meute devient dès lors un mode de socialisation, marqué par l’effet de nombre, la recherche de la confrontation et l’effacement des limites. Ce ne sont plus des jeunes livrés à eux-mêmes, mais des groupes qui cherchent dans le chaos et dans l’irruption violente une forme de reconnaissance.
Le lien avec l’immigration, souvent convoqué dans ces analyses, reste en revanche à ce stade à la fois omniprésent et mal établi car les incidents les plus récents n’ont pas donné lieu à une identification claire. Il en va de même s’agissant du rôle joué par les téléphones mobiles : la quasi-totalité des adolescents violents en possède un, bien sûr, dont ils se servent pour se regrouper avec leur bande, puis pour filmer leurs « exploits » avant de les diffuser sur les réseaux sociaux. Une mécanique infernale, aussi efficace que grisante… Mais la démocratisation des portables est-elle la cause principale des nouvelles formes de violence juvénile ? Difficile de l’affirmer.
Que de changements depuis vingt ans ! En 2005, la mort à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, de Zyed Benna et Bouna Traoré, électrocutés dans un transformateur alors qu’ils fuyaient la police, a engendré une gigantesque vague de violences à travers le pays, très préoccupante, mais relativement homogène. Les affrontements se sont alors concentrés au sein d’une géographie bien identifiée, celle des quartiers à forte composante immigrée et visaient clairement l’État, les forces de l’ordre, les symboles comme les écoles et les équipements publics. Le discours des jeunes, même confus, était politique. Il s’agissait de se révolter contre les discriminations, le chômage, le mépris social et le harcèlement policier. En 2025, la violence surgit dans des contextes imprévus : un marché rural dans le midi, une piscine en Suisse, un parc aquatique dans l’Ouest. Ce qui s’est effondré entre 2005 et aujourd’hui, ce n’est pas seulement l’autorité de l’État, c’est la capacité de certains jeunes à se penser et à exister autrement que par des pulsions exprimées en meutes.
Chaque mois, le vice-président de l’Institut des libertés décode l’actualité économique. Et le compte n’y est pas.
Le 12 mars 2020, en pleine crise du Covid, Olivier Blanchard, ancien économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI), déclarait dans L’Express :« La récession pourrait être contrée en laissant filer les déficits publics et la dette. Il serait irresponsable de ne pas le faire. » Ce raisonnement lunaire, hélas pris au sérieux par nos décideurs, est en train de nous conduire vers une crise majeure de la dette. Le désastre ressemblera à ce qu’il s’est passé en Grèce en 2010, quand les marchés ont retiré d’un coup leur confiance au pays. Il s’en est suivi plusieurs années d’émeutes et d’effondrement des retraites et des salaires. Les Français, qui n’ont pas connu de baisse réelle de leurs revenus depuis la guerre, auront énormément de mal à supporter la double tutelle de la Banque centrale européenne (BCE) et… du FMI.
International Monetary Fund’s Economic Counsellor Olivier Blanchard presents the World Economic Outlook September 20, 2011 at the IMF Headquarters in Washington, DC. IMF Photograph/Stephen Jaffe
Deux mouvements pourraient précipiter notre pays dans la crise sociale. Celui des « Gueux », incarné par Alexandre Jardin, en lutte contre « l’écolo-technocratie qui appauvrit le peuple ». Et celui des contribuables de la classe moyenne, incarnés par le mème « Nicolas qui paye », qui met en scène un jeune cadre dynamique ponctionné par le fisc et assurant ce faisant, dans l’ingratitude générale, le train de vie des retraités et des assistés sociaux.
Le nombre de faillites d’entreprise ne cesse de s’accroître en France. Les anciennes gloires du prêt-à-porter ferment boutique les unes après les autres : Comptoir des Cotonniers, Princesse tam.tam et Naf Naf (qui ne conservera que la moitié de ses 600 salariés). Dans les nouvelles technologies, la société Aqualines, spécialisée dans les bateaux volants à Bayonne, va également cesser son activité. Il y aura beaucoup d’autres mauvaises nouvelles de ce type dans les mois à venir. Le retour masqué de l’impôt sur la fortune (via une « taxe différentielle sur le patrimoine », à laquelle travaille Bercy) risque d’accélérer les départs de capitaux, de talents et surtout d’entrepreneurs…
Les levées de fonds dans les start-up ont subi une baisse de 30 % en 2024, selon le dernier décompte de la société de conseil EY. La « start-up nation » d’Emmanuel Macron n’est guère en forme… Heureusement, il existe quelques exceptions comme l’entreprise Mirakl, un éditeur de logiciels français, qui vient d’atteindre une valorisation de 3,5 milliards d’euros. Fondée par Adrien Nussenbaum et Philippe Corrot, elle propose une solution de marketplace qui permet d’intégrer des vendeurs externes.
L’Élysée a enregistré une baisse de 2,2 % de ses dépenses en 2024. Quand on entre dans les détails de ce budget (de 123,3 millions d’euros), on voit que le coût des déplacements du président a reculé de 13 %. Il faut saluer cette publication de comptes car, sous Emmanuel Macron, rares sont les économies réalisées au sein de l’État. En revanche, les frais liés à Brigitte Macron, d’un montant annuel de 316 980 euros, ont progressé de 2,4 %. Rappelons que Madame de Gaulle payait ses billets de train de sa poche quand elle accompagnait son mari en voyage officiel.
Les Canadair promis par Emmanuel Macron en 2022 ne sont toujours pas là. Après les très gros incendies en Gironde, il avait pourtant annoncé à l’époque « un plan de réarmement aérien d’urgence » doté d’une enveloppe de 250 millions d’euros. Problème : les nouveaux avions bombardiers d’eau, de modèle DHC-515, commandés au constructeur canadien De Havilland ne seront pas livrés avant 2028. L’Union européenne, chargée de conclure le contrat, a pris, comme on pouvait s’y attendre, un considérable retard. Il existait pourtant une façon de hâter la négociation : menacer le fournisseur d’acheter à la place des Airbus A400M pompier, des Falcon Fire Fighter de chez Dassault Aviation ou des Hynaero, conçus par une start-up française à partir de Frégate F-100 recyclées. En attendant, il faudra continuer de jongler, comme cet été dans le Gard, avec des avions en fin de course, des hélicoptères et des drones… Cas typique de l’écart abyssal entre l’annonce et l’exécution. Une fois de plus, on peut constater la mauvaise capacité de nos pouvoirs publics à gérer des dossiers complexes sur les plans industriels et financiers.
Emmanuel Macron aime bien récompenser ses amis en les recasant dans des postes bien payés de la République. Il n’a rien inventé, mais il est particulièrement actif en la matière. Derniers exemples en date : Richard Ferrand a été nommé président du Conseil constitutionnel, Najat Vallaud-Belkacem a été propulsée – sans concours ! – conseillère-maître à la Cour des comptes (que Pierre Moscovici est en train de transformer en annexe du Parti socialiste), Dominique Voynet a intégré le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), Jean-Marc Ayrault a obtenu la présidence de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, Jack Lang a été confirmé à la tête de l’Institut du monde arabe. On pourrait allonger cette liste avec Pap Ndiaye, Christophe Castaner, Emmanuelle Wargon, Amélie Oudéa-Castéra, Stéphane Séjourné, puis la compléter avec tous les anciens membres des cabinets ministériels qui bénéficient, une fois de retour dans l’administration, de promotions éclair sans que cela choque outre mesure la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Le Conseil constitutionnel se prononce de plus en plus selon des préférences idéologiques. Depuis le début de l’année, il a complètement désamorcé la loi immigration (malgré un avis favorable du Conseil d’État), la loi sur le narcotrafic (six articles censurés à la grande tristesse de la Sécurité intérieure, qui attendait ce texte depuis longtemps), la loi sur la justice des mineurs (cinq articles censurés, dont celui sur la comparution immédiate), la loi sur les nouvelles formes de l’antisémitisme, la réforme de la nationalité à Mayotte, la réforme du scrutin municipal à Paris, Lyon et Marseille et, bien sûr, la loi Duplomb. L’instabilité parlementaire renforce comme jamais le gouvernement des juges.
Monsieur Nostalgie insiste sur la ligne éditoriale à adopter. Il n’en démord pas, son mantra demeure: « Sans style, point de salut ! ». Il en profite pour évoquer l’essai de Denis Grozdanovitch paru chez Grasset en début d’année et quelques illustres stylistes oubliés…
Le style n’est pas la pelisse élimée, mitée, douteuse qu’enfilait en été Proust et qui amusait Paul Morand, ce n’est pas un vêtement d’apparat de la littérature, un habit de lumière pour parader à la foire aux bestiaux, mais son ossature, sa trame, ses minutes judiciaires. Partant de ce principe, le lecteur de cette rentrée 2025 peut être surpris de sa quasi-disparition. De son occultation à son mépris de classe, le fondement d’une écriture est une chose sans intérêt de nos jours. L’écriture serait accessoire, vaguement obsolète. Dépassée car inopérante, car ne répondant pas aux aspirations profondes des lecteurs. Seul le sujet compte, seule la plaidoirie a valeur littéraire, seule l’émotion grossière, déversée en vrac, à la lumière aveuglante, est estimable. C’est le cri qui fait l’écrivain et non ses soupirs. Nos contemporains seraient-ils incapables d’apprécier le tintinnabulement des mots, leur miroitement et leur écrasement sur notre imaginaire ? Des histoires salaces, meurtrissures familiales montées en épingle qui finissent par tourner à vide, il y en a beaucoup trop en septembre. Des filiations honteuses aux plaies d’enfance grinçantes, un peu lancinantes et mal trafiquées, les librairies en débordent. L’écume l’a emporté sur l’agencement, sur la vague indélébile du texte ; sa mystérieuse trace serait seulement une affaire de « privilégiés ». Nous vivons une époque de l’ersatz. On croit lire un livre alors que souvent, nous n’avons droit qu’à l’hallali sans consistance, sans matière féconde, rancunier et mal fagoté, une laborieuse rédaction d’écoliers bavards. Le pitch se suffit à lui-même. L’idée même du pitch remplace l’harmonie narrative. On se contentera donc des épluchures sous peine de passer pour un schnock. Qualité que je revendique, oui, je suis benêt, attardé, confiné dans mes lectures, dans mes vieilleries, j’attends de la phrase qu’elle produise son effet magique, qu’elle me sorte de l’ordinaire, de ma torpeur du quotidien, que la formule espiègle pleine de soubassement me harponne à la veillée. Je crois que je peux attendre encore longtemps l’éclat délirant ou le désespoir cosmique poindre entre les pages. Ce n’est plus d’actualité. À l’heure où les romans s’entassent, avec un retard coupable, Une affaire de style de Denis Grozdanovitch, paru en janvier dernier, m’a semblé un bon point de départ à cette chronique. Parce qu’en dehors du style, de quoi la littérature peut-elle bien être le substrat ? L’essayiste a un rudement bon jeu de fond de court, les références pleuvent dans son recueil, les appuis sont solides, de Bergson à Henry James, de Montaigne à Magris, il connaît la mécanique des relances, un coup droit propre sans emphase conjugué à un revers académique assez redoutable, cet adversaire est coriace. On aime Grozda, l’ex-tennisman, pour son brio, son « french flair », ses montées intempestives au filet, sa création d’un plan de bataille qui désoriente, c’est la marque des mélancoliques enjoués. Grozda est surtout un lecteur à l’oreille tendue qui décortique, par exemple, les ruses de Montherlant, en évoquant son « enthousiasme mêlé de gêne devant les envolées trop pompeuses ». Ce voyage en érudition, saute-moutons gracieux et caustique, est à la fois une déclaration d’amour à certains auteurs et une démarche esthétique. Et puis, quand Grozda s’arrête sur le cas de Vialatte, on est entre amis, entre frères. « D’ailleurs, mon admiration a toujours été telle à son égard que, pendant bien longtemps, elle m’a empêché d’écrire en vue d’une quelconque publication » souligne-t-il. Se mesurer au maître auvergnat en dissidence, il fallait en effet une part d’inconscience et de bravoure. Nous avons tous été à son école buissonnière de la chronique désarticulée, métaphysique et ménagère. Grozda sait pertinemment que nous tournons tous autour de cette histoire style, qu’elle nous accapare l’esprit, nous fascine et nous chagrine, car le style est l’expression de nos fermentations. Le style n’est pas la succession de masques interchangeables, une ornementation de la pensée, stuc ou finasserie, il est roc, il est socle, tutelle essentielle. Écoutons Félicien Marceau nous dire sa vérité : « le style n’est pas seulement une manière d’écrire, je crois que c’est une manière d’exister, une manière d’être. Ce n’est pas quelque chose qu’on ajoute ». « C’est rare un style ! », Monsieur Céline, vous aviez raison. Peut-être qu’Audiberti s’est approché le plus près de ce suc : « le grand écrivain, le vrai écrivain est celui qui est capable de formuler par écrit la masse poétique qui traîne dans la tête et le cœur des hommes quelconques ». Tant qu’il existera des livres et des Hommes pour s’intéresser au style, le combat ne sera pas perdu.