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Sophia Chikirou la possédée

Dans ce portrait sévère, la députée de Paris LFI Sophia Chikirou est dépeinte comme une jolie poupée russe politique. Mutine et opaque à l’extérieur, mais remplie à craquer d’un bolchévisme prêt à vous sauter à la figure! (Avec M. Mélenchon pour assurer la sécurité). Si la France révolutionnaire se décide demain à organiser un nouveau «feu de joie» citoyen, elle compte jouer les premiers rôles…


On raconte les pires horreurs sur Sophia Chikirou. Son rapport à l’argent. Son autoritarisme. Son goût pour l’empoisonnement de quiconque travaillerait pour elle. Les casseroles que l’on entend tintinnabuler sur son passage. Elle fait un peu peur. Et puis, le chien de garde Mélenchon veille sur elle, quoi qu’il lui arrive. Propriété bolchévique, défense d’approcher ! On aimerait en savoir davantage, tout de même…
Qui est cette très proche conseillère ? Jolie, mutine, aussi habile qu’opaque, et, finalement, nous l’allons voir, dangereuse.

Heureux hasard

La pensée communiste est de nature fractale, ou autosimilaire : prise séparément, chaque partie, même infinitésimale, a exactement la même forme que le tout. Un heureux hasard veut que le meilleur moyen de comprendre ce qu’est une fractale soit d’imaginer des poupées russes: la plus petite est la parfaite reproduction de la plus grande, dimensions mises à part. Seules les couleurs varient. L’utilité de comparer l’idéologie communiste aux fractales est que cela nous permet d’étudier sa structure générale en concentrant notre regard sur un de leurs détails. Le micro peut ainsi nous livrer la définition du macro : étudié avec soin, un simple dazibao placardé en 1968 sur le mur d’une université chinoise nous livre l’essentiel des très volumineuses et fastidieuses œuvres complètes de Mao.
Mais revenons-en à Sophia Chikirou. Car justement, lors d’une rapide interview effectuée par Quotidien, elle nous a récemment gratifiés de quelques phrases permettant de saisir d’un coup, comme en un flash décisif, à la fois la nature du régime communiste chinois et l’âme de la conseillère du camarade Jean-Luc. Soyons tout ouïe, car si une partie de la presse française a relevé ce propos, et s’en est même parfois indignée, personne n’a eu la prudence de le disséquer sous un microscope.

La Chine, pas une dictature ?

« Je ne considère pas que la Chine est une dictature. La Chine est un système politique à parti… (Ici, elle hésite une seconde et se reprend bien vite.) D’ailleurs, il y a huit partis, donc ce n’est même pas un parti unique, mais un parti dominant, qui est le Parti Communiste Chinois. Il y a un système politique où il n’y a pas un seul homme qui dirige la Chine. La critique du Parti Communiste Chinois est impossible, mais après, vous pouvez critiquer des mesures qui sont prises, des propositions politiques qui sont faites. La liberté d’expression en Chine est aussi menacée que celle qu’on a en France. »
Que dit Sophia Chikirou ? Que la Chine n’est pas une dictature. On pourrait s’en tenir là, fermer le ban, éclater de rire ou partir en courant, tant l’assertion relève de la contre-vérité sans vergogne. Mais nous sommes ici d’emblée confrontés à du communisme pur et dur, et comme nous l’a démontré le XXème siècle, la dernière chose à faire est de prendre ce genre de matériau à la légère. Continuons donc.
Sophia Chikirou nous assène donc également que le système politique chinois serait multipartite. Huit partis, rien que ça ! On rappellera, si besoin est, que le Parti communiste compte plus de 100 millions de membres encartés, qu’il dirige d’une main de fer toute la société chinoise du sol au plafond – entreprises prétendument libres incluses -, que le système concentrationnaire local, tentaculaire, esclavagise jusqu’à la dernière goutte de sueur et de sang ses innombrables bagnards – dont il lui arrive plus qu’à son tour de vendre les organes sans leur assentiment – et, pour mémoire, que le même Parti a été l’organisateur du plus grand holocauste jamais vu (le Grand Bond en Avant, 50 millions de morts) et se garde bien d’en éprouver la moindre culpabilité. Et les sept autres partis, donc ? Le journaliste qui interroge Chikirou oublie de lui en demander les noms et les positionnements politiques. Quel dommage. Ces sept plaisanteries sont des pseudo-partis dont la seule utilité est de faire croire aux imbéciles que le PCC n’est pas seul maître à bord. Le PCC est « dominant », dit-elle. Oui, admettons, si l’on considère que la SS est « autoritaire »
Passons sur les deux sinistres galéjades selon lesquelles la Chine ne serait pas dirigée par un autocrate et, surtout, sur l’idée que, si l’on ne peut pas critiquer le Parti, on pourrait néanmoins critiquer ses décisions — au mieux, cela vaudra à la petite Sophia une fessée au tribunal de l’Histoire. Filons à l’essentiel : l’extraordinaire affirmation « La liberté d’expression en Chine est aussi menacée que celle que l’on a en France. » Relisez bien cette phrase et notez l’inversion complète de la logique. Il n’est même pas question d’affirmer que la liberté d’expression est aussi menacée en France, ce qui constituerait déjà un gigantesque mensonge, mais qu’elle l’est autant en Chine qu’en France, ce qui relève du crime contre l’évidence le plus féroce possible. On n’est plus confronté à une intox communiste basique, comparable au « bilan globalement positif » de feu Georges Marchais, mais à une monstruosité idéologique de toute première grandeur, qui déshonore définitivement quiconque la croit. Un gardien de camp nazi, qui avait pour coutume d’appeler chaque juif « chien », avait baptisé son chien « juif ». Là est l’aboutissement de toute idéologie : la signification du monde bascule cul-par-dessus tête et une nuit inexplicable tombe sur le langage.

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Déraison

Alors, pourquoi ? Pourquoi Chikirou outrepasse-t-elle toutes les limites du verbe politique pour s’aventurer ainsi dans le cloaque de l’absurde assumé ? Pourquoi nous dit-elle que la Chine du PCC est presque aussi antidémocratique que la France ? Par provocation ? Par cynisme tactique ? Par immoralisme décadent ? Non. Son cas nous semble plus grave que cela. Il ne relève pas des catégories partisanes traditionnelles. Il tient en un mot : possession.
Le communiste – ou ses cousins en totalitarisme, le nazi et l’islamiste – lorsqu’il se livre totalement au mal idéologique, est comparable aux esprits étudiés par la démonologie chrétienne, et rendus génialement romanesques par Dostoïevski dans son chef-d’œuvre, le bien-nommé Les Possédés. Symptômes de leur dérangement : la raison est complètement déréglée, toute empathie disparaît, une rage d’un genre nouveau surgit.
Sergueï Netchaïev, adolescent terroriste proche de Bakounine, décrit fièrement sa mentalité : « Le révolutionnaire est un homme condamné d’avance : il n’a ni intérêts personnels, ni affaires, ni sentiments ni attachements, ni propriété, ni même de nom. Au fond de lui-même, non seulement en paroles mais en pratique, il a rompu tout lien avec l’ordre public et avec le monde civilisé, avec toute loi, toute convention et condition acceptée, ainsi qu’avec toute moralité. En ce qui concerne ce monde civilisé, il en est un ennemi implacable, et s’il continue à y vivre, ce n’est qu’afin de le détruire plus complètement. »
Voici notre Sophia. Une révolutionnaire, une vraie, exacte et profonde, complète. Une fractale du bolchévisme le plus aveugle, capable de vanter les charmes de la tyrannie chinoise, et de la préférer à notre médiocrité, et de le déclarer face caméra, et de ricaner si l’on s’interroge. « Vous êtes des morts », nous lance-t-elle en substance, comme le milicien de 1984. On a toujours tendance à croire que la nouvelle génération de communistes français, les Insoumis, est une cohorte d’imbéciles et de truqueurs. Loin s’en faut. Il y a parmi eux des hommes nouveaux bien plus désordonnés que de simples punks à chiens, et bien plus contagieux que les bobos lecteurs de Piketty. Structurés comme seuls les leaders révolutionnaires savent l’être. Ils sont les patients zéro de la pandémie à venir. L’islamimo-gauchisme en écharpe tels des maires de la guerre civile, le léninisme pour catéchisme, disposés à toutes les émeutes parce que l’incendie est leur rituel, ils ne te feront, cher lecteur, aucun cadeau, car leurs cerveaux ne fonctionnent pas comme le tien. Ils ne s’embarrassent pas de la crédibilité, pensent vraiment que Xi Jinping vaut mieux que Bruno Retailleau. Admets-le, au lieu de croire que le pire s’écrit au passé. Sophia Chikirou a quelque chose de parfait, la crise porte sa horde.
Un premier mai, à Paris, par curiosité, je me suis glissé dans un cortège de Lutte Ouvrière. J’ai discuté avec une porte-pancarte en me faisant passer pour un des leurs. Je lui ai demandé : « Et serais-tu prête à tuer des riches pour réussir la révolution ? » Elle m’a répondu : « Ils ne nous laisseront pas le choix. Ce sera eux ou nous. »
Cette brave fille inquiète était une fractale de la colère rouge qui monte dans le pays. Elle était la base dont Sophia Chikirou voudrait peut-être être le sommet. Trotskistes, staliniens, maoïstes, anarchistes, black-blocs, anticapitalistes antisémites, et tous leurs casseurs free-lance, néo-sans-culotte de toutes obédiences, attendent leur heure. Et si cette heure ne vient jamais, si Sophia Chikirou n’accède jamais aux commandes de notre pays en ruine, eh bien, l’on pourra dire qu’on l’a échappé belle.
« Je ne baisserai pas les yeux. Pour me les faire baisser, il faudra les crever. » Sophia Chikirou.

À côté d’une France instable et d’une Allemagne entrée en récession, l’Italie se redresse

Giorgia Meloni parviendra-t-elle à transformer l’Italie en élève modèle de l’économie européenne ? Des chiffres encourageants le laissent penser. Mais la botte reste sous la menace des éventuels contrôles surprises appelés «agences de notation»  ou «instabilité politique».


Après trois ans au pouvoir, le gouvernement de Giorgia Meloni affiche des résultats économiques surprenants. La France traverse des changements gouvernementaux imprévisibles et une instabilité croissante, tandis que l’Allemagne s’enfonce dans une récession profonde. L’Italie, elle, se distingue par une trajectoire plus solide, envoyant des signaux positifs tant sur la stabilité politique que sur l’amélioration économique. Les mots d’ordre du gouvernement restent « stabilité », « rigueur » dans la gestion des finances publiques et « relance » de l’économie.

Des résultats économiques solides

En 2024, l’Italie s’impose comme l’exception européenne. Seul pays du G7 à afficher un excédent primaire (+9,6 milliards, 0,44 % du PIB), elle a réduit son déficit de 7,2 % à 3,4 % en un an, avec une nouvelle baisse attendue en 2025. Sur le plan du commerce extérieur, l’excédent commercial a bondi à 54,9 milliards d’euros. Hors énergie, il atteint un record de 104,5 milliards, tandis que les ventes hors UE culminent à 305,3 milliards, un niveau inédit depuis dix ans.

L’amélioration économique italienne résulte d’une combinaison de facteurs : un leadership politique pragmatique et innovant, la résilience et le dynamisme des entreprises italiennes, et l’élan structurel laissé par les politiques et réformes mises en œuvre sous Mario Draghi. Aucun de ces éléments ne peut être considéré isolément comme déterminant ; le succès provient de la synergie entre des politiques publiques efficaces et des initiatives entrepreneuriales concrètes.

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Ces améliorations se reflètent également sur le marché de l’emploi. En juillet 2025, le nombre de personnes en emploi a atteint environ 24,2 millions, avec une augmentation de 218 000 postes par rapport à juillet 2024 (+0,9 %) et 51 000 nouveaux emplois créés seulement au cours du trimestre mai-juillet 2025 (+0,2 %). Le taux d’emploi s’est établi à 62,8 % en juillet 2025, enregistrant une amélioration constante depuis le début du mandat de Mme Meloni.

L’instabilité politique : le talon d’Achille de l’Italie ?

Pendant longtemps, l’instabilité politique a pesé sur la crédibilité financière de l’Italie aux yeux des agences de notation. Cette vulnérabilité s’est traduite par une dégradation progressive du rating souverain italien : après plusieurs déclassements depuis les années 2000, l’Italie a atteint en 2014 le niveau BBB, soit le dernier échelon de l’«investment grade », confirmant en décembre 2021 ce statut fragile. Ce positionnement demeure un signal d’alerte permanent, rappelant que toute instabilité politique ou dérive budgétaire pourrait entraîner une nouvelle perte de crédibilité sur les marchés.

Toutefois, les récentes évaluations marquent un changement significatif : Fitch a récompensé l’Italie pour ses efforts de réduction du déficit et de maîtrise des dépenses publiques, saluant une trajectoire budgétaire plus solide et une confiance accrue des investisseurs. Les spreads souverains italiens ont ainsi atteint leur plus bas niveau depuis quinze ans, soutenus par une forte demande tant étrangère que nationale. Selon une grande banque d’investissement américaine, le déficit devrait tomber durablement sous la barre des 3% du PIB à partir de 2026. Cette reconnaissance souligne qu’une combinaison de discipline fiscale rigoureuse et de stabilité politique renforce la crédibilité de l’Italie sur les marchés internationaux, accroît la confiance des investisseurs et garantit la soutenabilité de la dette à moyen et long terme.

Les défis clés pour l’avenir du pays

Malgré les progrès économiques réalisés ces trois dernières années, les défis pour le gouvernement Meloni restent complexes et structurels. La fuite des jeunes talents à l’étranger, le décalage entre l’offre et la demande dans les secteurs innovants – non compensé ni par la main-d’œuvre italienne ni par l’immigration – et le persistant écart de productivité et de richesse entre le Nord et le Sud demeurent des enjeux cruciaux.

Le succès futur du pays dépendra de sa capacité à traiter ces inégalités par des politiques ciblées et des stratégies de développement équilibrées. Si les résultats obtenus d’ici la fin du mandat sont convaincants, une reconduction pourrait consolider la trajectoire de croissance et apporter une nette amélioration économique et sociale.

Il faut des contradicteurs: c’est dans l’intérêt médiatique…

À l’occasion de l’hommage à Charlie Kirk rendu en Amérique, très commenté chez nous, notre chroniqueur a regretté que le service public confonde pluralisme avec entre-soi, et débats avec récital d’indignations convenues.


La liberté d’expression de chacun est une source de pensées et de propos qu’on peut approuver, partiellement ou totalement, ou contester. Il ne me viendrait pas à l’idée de discuter ce droit fondamental. Au contraire, c’est parce que j’use de cette liberté dans sa plénitude, notamment sur les plateaux médiatiques, que je reconnais évidemment à quiconque la même faculté. On ne peut se plaindre, dès lors que la courtoisie de la forme est respectée, de voir l’autre s’engager sur des chemins que vous pratiquez vous-même. Ce n’est jamais la liberté qui pose un problème mais son abus ou parfois, quand elle prend un tour infiniment discutable, le fait qu’on ne lui oppose aucune contradiction. Rien de pire, à la télévision, que ces plateaux homogènes qui se félicitent d’être totalement accordés.

La haine

Comment ne pas songer à cette dérive quand, dans l’émission C Politique, animée par Thomas Snégaroff sur France 5[1], on a eu droit à une soirée peu ou prou consacrée à fustiger l’Amérique de Donald Trump et Donald Trump lui-même ?

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Le comble de la partialité médiatique, déguisée en fausse objectivité historique et sociologique, a été atteint lorsqu’il s’est agi de l’immense hommage collectif rendu à Charlie Kirk en présence du président des États-Unis. Après une présentation ironique du public présent par Thomas Snégaroff se demandant si c’était « du beau monde », Judith Perrignon est intervenue pour livrer une analyse selon laquelle le rassemblement pour honorer la mémoire du débatteur conservateur assassiné lui avait fait penser aux réunions américaines nazies des années 30. Cette comparaison est d’une totale absurdité, tant l’objet et les modalités de ce qui a rassemblé il y a peu l’Amérique conservatrice étaient à l’évidence aux antipodes de cette configuration du nazisme américain, sauf à vouloir, à toute force, complaire à une tonalité intellectuelle, politique et médiatique visant à assimiler Donald Trump à un nazi et l’Amérique l’ayant élu à un électorat sans morale et odieux.

Je suis sans doute naïf sur ce sujet mais je n’aurais jamais attendu de cette journaliste infiniment brillante, dans les portraits fins et remarquables qu’elle a publiés dans Le Monde, une telle approche aberrante et trompeuse.

D’autant plus que je sais par Geoffroy Lejeune, dont je n’ai jamais eu à suspecter la sincérité, que les cinq heures de cet hommage n’ont parlé que d’amour, au point que la veuve de la victime est allée jusqu’à déclarer qu’elle pardonnait à son assassin, la seule contradiction émanant évidemment de Donald Trump affirmant que lui  « détestait ses adversaires et qu’il ne voulait pas le meilleur pour eux », tel que c’est rapporté dans un bel article de Laure Mandeville[2].

D’un côté l’amour, et de l’autre, de la part de tous ceux qui crachaient et dégradaient ce rassemblement, la haine. Quoi de commun avec un quelconque nazisme ?

Le manque de pluralisme de France télévisions critiqué

La liberté d’expression de Judith Perrignon et de tous ceux qui participaient à cette émission, d’un même registre réprobateur, était naturellement entière, et comment ne pas s’en féliciter ? Le scandale ne résidait pas dans les analyses et les propos – la liberté charrie le pire et le meilleur – mais dans l’absence absolue de contradiction dans l’ensemble des séquences. On aurait pu attendre, espérer, une ou des voix dissonantes, discordantes, pour venir apporter un autre point de vue, un regard différent, des amendements souhaitables. Non, rien, le déroulement d’une implacable et constante partialité homogène. Comme si l’on cherchait à nous faire croire que cette mutilation du réel pouvait être la réalité tout entière et que nous en serions dupes. Et c’était sur France 5, chaîne de l’audiovisuel public payé par tous pour aboutir à une vision destinée à quelques-uns !

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Je me suis toujours passionné pour la liberté d’expression et, en démocratie, pour la contradiction et les débats antagonistes qu’elle implique, qu’elle doit inclure nécessairement.

Je me sens d’autant plus concerné que, sans me pousser du col, sur CNews je suis amené à me camper parfois en contradicteur, je l’espère utile, par exemple récemment, sur la reconnaissance de l’État palestinien. Au sortir de ces émissions, je reçois des tombereaux d’injures sur X, mais ils m’apparaissent comme la rançon de la liberté d’expression dont j’use et qui ne m’est jamais mégotée sur les plateaux de CNews et, sur un autre plan, à Sud Radio. On me permettra de conclure ainsi : oui, il est d’intérêt médiatique, pour ne pas dire public, qu’il y ait des contradicteurs dans l’audiovisuel public…


[1] https://www.france.tv/france-5/c-politique/saison-17/7500095-emission-du-dimanche-21-septembre-2025.html

[2] https://www.lefigaro.fr/vox/societe/laure-mandeville-quand-le-pardon-chretien-s-oppose-a-la-vengeance-trumpiste-20250922

Intégration: mot piégé

A l’ONU, les propos excessifs de Trump sur le changement climatique, «la plus grande arnaque jamais menée contre le monde», occultent un peu ses réflexions moins faciles à écarter sur l’immigration incontrôlée déferlant en Europe. S’adressant aux nations européennes, le président américain a affirmé: «il est temps de mettre fin à l’expérience ratée des frontières ouvertes. Vous devez y mettre fin dès maintenant (…) Vos pays vont droit en enfer!» Analyse.


Donald Trump vient de lancer un avertissement sans détour à l’Europe : en poursuivant une politique migratoire « délirante », le Vieux Continent court droit vers « l’enfer » et la « destruction de sa civilisation ». Le président américain, fidèle à son style brutal, met des mots simples sur une inquiétude que beaucoup d’Européens ressentent mais n’osent plus formuler. Car derrière l’idéologie de l’accueil illimité, ce sont nos nations qui vacillent. De la Suède à la France, de la Belgique à l’Allemagne, l’expérience démontre que loin de renforcer nos sociétés, l’immigration de masse a ouvert la voie à une sorte de ségrégation, à la criminalité et à la fragmentation culturelle. Le diagnostic est sévère : ce n’est pas l’intégration qui triomphe, mais la désintégration des peuples européens.

Les élites européennes ont cru pouvoir dissoudre les identités nationales dans un grand bain social et multiculturaliste. Mais la réalité, de Malmö à Molenbeek, de Londres à Paris, montre que l’immigration est devenue moins un défi qu’un instrument au service de la désintégration des peuples.

La générosité suédoise comme pari d’universalité

La Suède a longtemps fasciné l’Europe par son modèle social-démocrate, pensé comme la vitrine d’un humanisme appliqué. Dans ce pays qui semblait avoir dépassé les fractures de l’histoire, la conviction dominante était qu’il suffisait de redistribuer équitablement les richesses et de garantir le confort matériel pour que les tensions sociales disparaissent. L’État-providence, étendu à l’extrême, devait agir comme un dissolvant universel des conflits et des crispations identitaires.

C’est dans cet esprit que la Suède a ouvert largement ses portes aux réfugiés du Moyen-Orient, notamment Palestiniens. Les dirigeants suédois ont cru qu’en construisant des logements modernes, en offrant des écoles gratuites et bien dotées, des soins médicaux de haut niveau et des allocations généreuses, l’intégration adviendrait d’elle-même. Le Million Program, gigantesque plan de construction lancé dans les années 1970, traduisait cette ambition : il ne s’agissait pas de reléguer les nouveaux arrivants, mais de leur offrir le meilleur du progrès social-démocrate.

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Mieux encore : l’État a été jusqu’à effacer certains de ses propres repères culturels pour ne pas heurter les sensibilités des nouveaux venus. Symboles chrétiens retirés de certaines écoles, tolérance accrue pour le voile porté par des enfants, menus adaptés aux prescriptions religieuses : tout a été fait pour accueillir. Les contribuables suédois ont accepté une pression fiscale élevée au nom de cet universalisme. Peu de sociétés ont consenti un tel effort.

L’échec d’un modèle et l’illusion sociale

Or, malgré cette générosité sans équivalent, l’intégration n’a pas eu lieu. Non seulement elle a échoué, mais elle a produit son contraire : une auto-ségrégation volontaire. Loin de s’ouvrir à la culture du pays d’accueil, beaucoup de familles immigrées ont choisi de recréer leur univers d’origine. Les mariages sont restés assez largement endogames, les commerces communautaires ont prospéré, les écoles se sont peuplées d’élèves parlant majoritairement arabe à la maison. Même les familles qui n’étaient pas hostiles à la Suède se sont trouvées prises dans la logique du groupe, soumises à la solidarité clanique. On ne s’émancipe pas sans se couper de ses proches, et rares sont ceux qui ont osé franchir cette barrière.

Les conséquences sont aujourd’hui visibles. En vingt ans, les viols signalés ont augmenté de plus de 600%, parfois 700% selon les séries statistiques. Et les études criminologiques montrent une surreprésentation massive des hommes issus du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord dans les crimes violents. La Suède, jadis considérée comme l’un des pays les plus sûrs du monde, figure désormais parmi ceux qui connaissent le plus de fusillades mortelles liées aux gangs ! Malmö, Göteborg, Stockholm ont vu se multiplier les règlements de comptes, les explosions, les assassinats commandités par des réseaux criminels.

Malmö, Suède, 17 avril 2022 © Johan Nilsson/AP/SIPA

Ce constat pulvérise un mythe commode, très répandu en France : celui qui veut que la violence des quartiers vienne avant tout de la relégation sociale, du chômage, de l’absence de moyens publics. C’est un discours confortable, mais démenti par l’expérience suédoise. Là-bas, tout a été donné. Logements modernes, écoles gratuites, soins universels, allocations généreuses : le modèle social-démocrate a offert le meilleur de lui-même. Si le social suffisait, la Suède serait un modèle d’intégration. Elle est devenue un modèle d’auto-ségrégation.

Un phénomène européen

La Suède n’est pas une exception. Elle est simplement le miroir grossissant de ce qui se joue dans d’autres pays européens.

En France, des milliards d’euros ont été engloutis depuis quarante ans dans la politique de la ville. Rénovation urbaine, subventions associatives, programmes de rattrapage éducatif : tout a été tenté. Mais cette dépense colossale s’est révélée un véritable tonneau des Danaïdes, incapable d’enrayer le séparatisme. La preuve est là: selon un sondage IFOP, 57% des jeunes musulmans de moins de 25 ans estiment que la charia est supérieure aux lois de la République. C’est dire que le problème n’est pas social mais culturel et politique, et qu’aucune politique de ravalement urbain ne pourra y répondre.

En Grande-Bretagne, le choix assumé du multiculturalisme a consacré le droit de chaque communauté à vivre selon ses normes. Le résultat est visible : quartiers pakistanais, bangladais ou somaliens où l’anglais recule, où la charia officieuse régit les mariages et les héritages. Mais surtout, le scandale des grooming gangs a révélé l’ampleur du désastre.

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Pendant plus de vingt ans, de jeunes filles britanniques ont été droguées, violées, prostituées par des réseaux de prédateurs composés majoritairement d’hommes pakistanais musulmans. À Rotherham, Rochdale, Oxford, Huddersfield, Newcastle, les autorités locales et la police ont fermé les yeux. Certaines familles qui voulaient porter plainte ont subi des pressions : on craignait qu’exposer ces crimes ne fasse « le jeu de l’extrême droite » et ne jette une mauvaise image sur l’immigration musulmane. Lors des procès, certains agresseurs l’ont dit sans détour : pour eux, les jeunes filles blanches « n’avaient aucune valeur », elles pouvaient être violées impunément.

Posons la question : aurait-on accepté plus de six mois que des adolescentes issues de l’immigration soient violées en masse ? Aurait-on toléré que des filles de quartiers bourgeois soient ainsi offertes à la barbarie ? Non. Mais parce qu’il s’agissait de jeunes filles prolétaires, d’ouvriers, blanches et sans pouvoir, on les a abandonnées. Le prix du multiculturalisme a été payé par les plus vulnérables.

La Belgique offre un tableau encore plus alarmant. Des quartiers de Bruxelles, de Charleroi, de Molenbeek fonctionnent comme des territoires d’extraterritorialité culturelle. C’est de ces enclaves qu’ont émergé plusieurs commandos terroristes, notamment ceux des attentats de 2015-2016 à Paris et Bruxelles. Là encore, les aides sociales sont abondantes, les logements modernes, mais l’État a renoncé à imposer son autorité. Le clientélisme politique a favorisé le séparatisme religieux et criminel.

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Molenbeek, 2015. Sipa. Numéro de reportage : SIPAUSA30138087_000003.

En Allemagne, l’accueil des travailleurs turcs dans les années 1960 puis celui des réfugiés syriens et afghans plus récemment a créé des poches de communautarisme turcophone et arabophone. Duisbourg, Neukölln à Berlin ou certaines villes de la Ruhr connaissent une criminalité endémique et des zones où l’État recule. Même un pays qui avait limité l’accès à la citoyenneté découvre qu’il a nourri, en son sein, des communautés étrangères à sa culture.

La flambée de l’antisémitisme

À ce constat s’ajoute un paradoxe cruel. Ces pays européens – la Suède, la France, la Belgique, l’Allemagne – ont souvent adopté une ligne diplomatique favorable à la cause palestinienne. Ils ont multiplié les aides financières, soutenu les résolutions de l’ONU contre Israël, critiqué publiquement la politique israélienne. Mais en retour, ils n’ont pas reçu la gratitude espérée. Au contraire, une partie non négligeable des populations issues de l’immigration moyen-orientale a développé une hostilité croissante envers ses pays d’accueil, accusés d’incarner l’Occident impie et arrogant.

Cette hostilité a pris dernièrement la forme d’une flambée de l’antisémitisme. Les attaques contre des synagogues, les insultes dans les écoles, les menaces contre des commerçants juifs sont devenues monnaie courante. À Malmö, à Bruxelles, à Paris ou à Berlin, la vie juive est désormais plus compliquée. Dans des pays qui se voulaient protecteurs des Palestiniens, la haine des Juifs s’est doublée d’une haine du pays hôte. L’Europe a cru acheter la paix en soutenant la cause palestinienne : elle a importé sur son sol les conflits et les haines du Moyen-Orient.

Un manifeste pour l’assimilation et la francisation

Ce que l’expérience suédoise met en lumière avec une force implacable, c’est que la redistribution matérielle ne suffit pas. Ce qui échoue aujourd’hui, ce n’est pas un modèle social, c’est un modèle de naïveté : celui qui a cru que l’universalisme abstrait pouvait effacer d’un trait les appartenances claniques, les réflexes religieux et les logiques identitaires.

Ce ne sont pas des entités désincarnées comme « l’Europe » qui doivent choisir, mais bien les nations, chacune avec son histoire, ses racines et ses lois. Or, depuis des décennies, leurs élites se sont souvent comportées comme si l’immigration pouvait servir de levier, voire de bélier, pour dissoudre les identités nationales et accélérer une construction européenne hors-sol. Au lieu de défendre la continuité des peuples, elles ont fait des citoyens des cobayes sociaux au nom d’un idéal abstrait.

C’est ainsi que s’est installée une forme de préférence diversitaire, où l’Autre avec un grand « A » a été sacralisé au détriment du citoyen concret, de chair et de sang. On a remplacé les droits de l’homme universels par une hiérarchie inversée où les droits de l’homme européen, enraciné dans son propre pays, pèsent moins que les droits proclamés des nouveaux venus.

Il faut donc le dire sans détour : l’intégration est un mot piégé, qui a produit la désintégration de nos nations. Ce n’est pas d’intégration dont nous avons besoin, mais d’assimilation. Et en France, cela a un nom plus clair encore : la francisation. C’est-à-dire l’adhésion sans réserve à notre langue, à nos mœurs, à nos lois, et à ce vouloir-vivre commun qui fait de nous un peuple.

Car au fond, la mécanique est limpide : le bloc élitaire a instrumentalisé le bloc diversitaire pour contenir, fragmenter et neutraliser le bloc populaire historique. Tant que cette logique perdurera, les nations européennes continueront de se dissoudre. Seule l’assimilation, assumée et ferme, peut briser ce cycle et restaurer l’unité nécessaire à toute civilisation durable.

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Podcast: La France reconnaît un Etat palestinien; Etats-Unis, l’hommage à Charlie Kirk

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Avec Céline Pina, Eliott Mamane et Jeremy Stubbs.


Emmanuel Macron annonce que la France reconnaît un Etat palestinien: pour Céline Pina, c’est légitimer et récompenser les atrocités du 7-octobre commises par le Hamas, qui n’a toujours pas rendu tous les otages pris ce jour-là.

Grande cérémonie d’hommage à la mémoire de Charlie Kirk, dimanche, à Glendale dans l’Arizona: sa mort va-t-elle aggraver les tensions qui divisent l’Amérique ou provoquer un sursaut en faveur du dialogue apaisé? L’analyse d’Eliott Mamane.

Vieux démons flamands

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En Belgique, pour faire barrage aux « fachos », on choisit des socialistes… qui savent aussi très bien qui d’autre faire dégager !


En quête d’un partenaire pour former le gouvernement, au niveau fédéral et régional, le parti flamand belge (la NV-A), arrivé en tête des élections, avait le choix entre Vooruit, le parti socialiste flamand, et le Vlaams Belang. Celui-ci étant étiqueté « extrême droite », « facho », « nazi » et autres épithètes du même tonneau, la NV-A a choisi les socialistes, jugés plus fréquentables.

C’est ainsi que l’ancien président des socialistes, Conner Rousseau, est devenu ministre fédéral. Certes, il avait fait l’objet d’une polémique pour avoir, sous l’effet de la boisson, tenu des propos racistes envers la communauté rom en 2023. C’est regrettable, sans doute, mais en revanche il a pesé de tout son poids pour que la Belgique reconnaisse un « État de Palestine ». La Flandre totalise infiniment plus d’électeurs musulmans anti-israéliens que de Roms, et Conner Rousseau sait compter.

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C’est aussi des rangs de Vooruit qu’est issue l’échevine voilée de Molenbeek, Saliha Raïss, qui, fin août, a enjoint à ses concitoyens que la charia incommoderait de « dégager » de leur ancestrale commune.

On pourrait penser que les socialistes flamands s’étaient suffisamment illustrés dans la complaisance coranique. Mais il y a toujours moyen de mieux faire, même dans l’abject. C’est pourquoi la ministre flamande de la Culture, Caroline Gennez, approuve à grands cris l’annulation à Gand d’un concert dirigé par le chef d’orchestre Lahav Shani. Pourquoi ? Est-ce un mauvais chef d’orchestre ? Pas du tout ! Il jouit même d’une enviable réputation internationale. Mais Lahav Shani est Israélien. Et cela constitue une tare suffisante aux yeux du Festival de Flandre de Gand pour le faire « dégager » et à ceux de Vooruit pour applaudir cette décision. Ça valait bien le coup de faire barrage aux fachos.

Claudia, la voix de l’amour

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L’actrice franco-italienne, égérie de Cinecitta et vedette européenne, s’illustra chez Visconti, Zurlini, Monicelli, Sergio Leone ou Philippe de Broca. Elle partagea l’affiche avec Omar, Alain, Jean-Paul ou Brigitte. Elle était une star discrète, pudique et follement aimée par les cinéphiles et le grand public. Elle vient de nous quitter à l’âge de 87 ans


J’hésite. Était-ce une voix ou une peau ? Les deux, assurément. D’abord, il y a cette voix chaude, sensuelle, timide et étonnamment assurée, ambivalente donc séduisante, elle rocaille, elle perle, elle se propagera à travers l’univers durant encore des décennies. Ce matin, vous l’entendez, elle résonne dans nos cœurs. Vous n’êtes pas triste, plutôt heureux. Car, vous aurez reçu cette voix en offrande, en partage, gratuitement ; un don du ciel, un peu irréel comme un songe des années 60, comme si le monde d’avant n’était pas mort. Vous l’aurez captée, un jour, dans un vieux film en noir et blanc ou dans une interview à la télévision. Faites l’expérience de la voix de Claudia à la radio, dans l’intimité du poste, le transport amoureux est garanti, elle est là, près de vous. Vous tremblez, c’est normal.  Cette voix était notre trésor commun, notre bien national. Malgré les malheurs, les défaites, la vie en est remplie, vous vous souviendrez de son timbre, de son lent débit, de sa mélopée, de son érotisme, de sa suspension poétique, de ses pas chassés ; d’abord hésitante, elle se faisait poliment décidée, voire butée, incorrigible et cabotine, avec une pointe de maladresse qui est le signe des déesses. La voix de Claudia vous rappellera que la beauté du monde n’est pas un leurre, qu’elle n’est pas factice, qu’elle peut même avoir le visage d’un humain. Ces derniers temps, vous ne croyez plus en l’être humain, vous ne lui faites plus confiance, il est tellement décevant : je vous comprends. La voix de Claudia nous rattrape, nous sauve, nous donne un léger sursis, nous absout. Et si la vie méritait tout de même d’être vécue ? Elle est un acte de foi, tangible, audible, vibrant qui n’a besoin d’aucune démonstration particulière. Elle touche les hommes et les femmes, indifféremment. Elle émeut. Elle cristallise. Elle enfante. Elle nous laisse même une chance de nous améliorer. Une telle voix nous lie pour l’éternité. Nous serons à jamais ses disciples enamourés et reconnaissants pour son art divinatoire. Avec Claudia, le cinéma était lumière, lustre et entrailles d’une Italie des légendes, notre pays-sœur, des rues sales aux palais de cristal, des mamas et des divas. Sa voix, c’était le soleil de Tunis, l’Afrique, la poussière, le vent, la sécheresse qui irrite la gorge, qui perturbe sa modulation de fréquence, la nostalgie des cités enfouies, des villes détruites, le berceau de la Méditerranée. Notre mère à tous. Sa voix était onde et mirage. Mais Claudia, c’était une peau, une enveloppe soyeuse, donc une âme en colère, un velours chocolaté, un mausolée où l’on entrevoyait l’amour et la haine, la pauvreté et l’espoir. Parmi les actrices italiennes, il y en eut des plus racées, des plus girondes, des plus cérébrales, des plus capricieuses, des plus frivoles. Nous les aimions toutes ; une seule comptait pourtant. Secrètement, nos incantations lui étaient destinées. Claudia était à part. Avec elle, nous ne nous mentions plus. Nous aurions eu trop honte. Nous lui accordions notre tendresse et notre jeunesse. Nous sommes ses éternels débiteurs. Nos rêves étaient pour elle. Nous la respections comme une mère et la vénérions comme une amante inaccessible. Vous me direz : et les films alors ? La filmographie ? Accessoire. Secondaire. Les dates ? Superflues. Les grands réalisateurs, les partenaires d’élite, les montées des marches, l’Histoire dans les dictionnaires, niente, loin derrière Claudia. Loin derrière son éclat, derrière sa féérie, tantôt paysanne, tantôt altière. Au-delà de l’actrice, de son talent et de son humilité, ce sont des images qui resteront. Oui, des vignettes qui composeront une longue tapisserie des temps heureux. Nous la rembobinerons quand la douleur ou la peur nous saisiront… Ce matin, je vois une fille qui porte une valise, sa jupe écossaise vole, ses sandales traînent sur un chemin de terre. Je vois une brune en robe de soirée, une tiare sur les cheveux, elle est l’origine du monde, Alain était beau comme un hussard cette nuit-là. Je la vois aux côtés de BB, un chemisier largement ouvert sur une gorge dorée. Et je suis un homme heureux. J’ai connu Claudia.


Claudia Cardinale avec Alain Delon en Italie pendant le tournage du « Guépard » de Luchino Visconti, 1961 (C) DALMAS/SIPA Numéro de photo : 00390905_000004

Reconnaissance de la Palestine: pari diplomatique ou suicide vertueux?

L’autocritique permanente, loin d’apaiser, peut nourrir la propagande adverse. L’islamisme ne veut pas la repentance, il veut la victoire. Aussi, le progressisme sacrificiel des Occidentaux doit cesser, selon Charles Rojzman.


Le 22 septembre 2025, Emmanuel Macron, seul parmi les dirigeants européens ce jour-là, a annoncé à la tribune des Nations unies la reconnaissance officielle d’un État de Palestine. D’autres pays avaient déjà pris cette décision en amont (Norvège, Irlande, Espagne, Slovénie, Royaume-Uni, Portugal…), mais c’est la France qui, par la voix de son président, a voulu lui donner un retentissement mondial. Or ce geste fut posé sans conditions : ni désarmement du Hamas, ni garanties de sécurité pour Israël, ni libération des otages toujours détenus.

Ce choix, présenté comme un acte de paix, relève en réalité d’un calcul : apparaître comme le champion de l’équilibre au sein d’une ONU dominée par la majorité automatique des pays du Sud, tout en cherchant à répondre à la pression du bloc arabo-musulman. Mais il marque aussi une abdication : en reconnaissant la Palestine dans les conditions actuelles, la France entérine une victoire politique et symbolique du Hamas, et, à travers lui, légitime la montée en puissance d’un islamisme totalitaire.

Erreurs répétées

Israël n’est pas une périphérie dont l’Europe pourrait se détourner pour sauver son image morale. Il est le poste avancé d’un conflit qui concerne directement notre civilisation. En croyant protéger son prestige diplomatique, la France met en péril non seulement l’avenir d’Israël, mais le sien propre.

Il est des moments où les illusions d’une civilisation se révèlent pour ce qu’elles sont : un chemin vers sa propre disparition. L’attitude des élites européennes face à Israël, depuis le 7-Octobre et la riposte contre le Hamas, appartient à cette catégorie. Car il faut appeler les choses par leur nom : exiger un cessez-le-feu inconditionnel, c’est offrir une victoire politique et symbolique au Hamas ; et offrir une victoire au Hamas, c’est consacrer l’essor mondial de l’islamisme. Ce geste, présenté comme humanitaire, n’est rien d’autre qu’un suicide politique pour l’Europe.

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Israël n’est pas engagé dans une guerre périphérique dont l’Europe pourrait se tenir à distance ; il est le poste avancé d’un conflit qui nous concerne tous. Le Hamas n’est pas une simple organisation palestinienne : il est la figure régionale d’un totalitarisme global, l’islamisme, qui combine trois traits déjà connus du XXe siècle. Comme le fascisme, il exalte l’identité et désigne un ennemi absolu à exterminer. Comme le communisme, il promet une rédemption universelle, ici sous la forme de l’instauration d’un ordre divin libérant les peuples de la domination occidentale. Comme les deux, il séduit en empruntant le langage du Bien : dignité des opprimés, justice des humiliés, émancipation des colonisés. Mais il ajoute à ces traits un art redoutable, inédit à cette échelle : retourner contre ses adversaires les valeurs mêmes qui fondent leur civilisation. Les droits de l’homme, l’humanisme, la compassion pour les victimes deviennent l’arme idéologique d’une force qui veut abolir la liberté et la démocratie.

C’est ici qu’il faut être clair : ne pas accepter, dans les conditions actuelles, un cessez-le-feu sans la reddition du Hamas et la libération des otages restants, c’est effectivement continuer la guerre – avec ses destructions, ses victimes, ses horreurs. Mais c’est la loi du tragique : une guerre n’est jamais « propre ». Et pourtant, si comparaison il y a, cette guerre reste plus limitée, plus contrôlée, plus soucieuse de réduire les pertes civiles que la plupart des conflits du Moyen-Orient ou de l’Afrique, où les massacres sont de masse et les vies humaines comptent pour rien. Refuser la guerre, c’est condamner Israël à disparaître ; la poursuivre, c’est préserver au moins la possibilité de sa survie – et avec elle, celle d’un monde encore attaché à la liberté.

Nous avons déjà connu ce mécanisme. Dans les années 1930, l’Europe crut pouvoir désarmer Hitler en lui concédant des territoires ; elle refusa de croire que l’ennemi ne cherchait pas le compromis, mais l’anéantissement. Dans les années 1950, nombre d’intellectuels occidentaux se sont aveuglés sur le goulag au nom de l’espérance révolutionnaire. Aujourd’hui, le même aveuglement se rejoue : une partie de nos élites s’imagine qu’en freinant Israël, en lui imposant la morale humanitaire, on sauvera la paix, alors que l’on consacre en réalité la victoire d’une idéologie totalitaire.

Pourquoi cette répétition obstinée des erreurs ? Parce que l’Europe s’est enfermée dans une religion séculière de la culpabilité. Le christianisme avait inscrit au cœur de notre culture l’idée que le salut passe par l’aveu de la faute et la rédemption par le sacrifice. La modernité a sécularisé cet héritage : il ne s’agit plus de se confesser devant Dieu, mais de s’excuser devant l’humanité. Après 1945, la mémoire de la Shoah a accentué cette tendance en faisant de la reconnaissance de la faute le pivot de la conscience démocratique. Puis vint la décolonisation, et avec elle une nouvelle liturgie : celle du repentir colonial. L’Occident s’est redéfini comme coupable par essence, oppresseur congénital, sommé de s’excuser sans fin.

Ce mécanisme, transposé dans le présent, conduit à un résultat absurde : Israël, qui fut d’abord perçu comme la réparation ultime après Auschwitz, est désormais vu comme la réincarnation du colonisateur européen. La mémoire de la culpabilité européenne s’est projetée sur l’État juif, transformé en coupable de substitution. C’est lui, désormais, qui doit expier pour les crimes de l’Europe. D’où la facilité avec laquelle une partie des élites occidentales, et même juives, bascule dans la condamnation automatique d’Israël : elles rejouent la scène de l’aveu de faute qui leur donne le sentiment d’être du côté du Bien.

Postures

Ce réflexe n’est pas limité à l’Europe. On le retrouve au sein même d’Israël, dans une partie de sa gauche intellectuelle et politique. Depuis Oslo, beaucoup croient qu’en multipliant les gestes d’autocritique et les concessions, on désarmera la haine palestinienne. La diaspora juive, en particulier dans ses élites médiatiques, a prolongé cette disposition : Delphine Horvilleur, Anne Sinclair et d’autres ont fait de l’accusation de leur propre camp le moyen de se maintenir dans une posture morale irréprochable. Mais l’ennemi ne demande pas des excuses, il ne cherche pas un compromis : il exige la disparition. L’autocritique, loin d’apaiser, nourrit la propagande adverse.

Ainsi, de Paris à Tel-Aviv, une même logique sévit : celle du progressisme sacrificiel. Ce nouvel évangile laïc fusionne l’héritage chrétien du péché, la mémoire de la Shoah, la culpabilité coloniale et le manichéisme marxiste. Il en résulte une idéologie totalitaire d’un nouveau genre, qui divise le monde en dominants coupables et dominés innocents, et qui prescrit comme seule conduite légitime l’auto-dénigrement. Israël, condensé symbolique de l’Occident, est condamné à l’expiation : il ne peut être qu’agresseur, quelle que soit la réalité de l’agression qu’il subit.

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Cette religion séculière a cessé d’être un discours marginal : elle structure désormais nos institutions. À l’école, on enseigne davantage la mémoire des fautes que l’histoire des réussites ; à l’université, le paradigme décolonial s’impose comme dogme interprétatif ; dans la justice internationale, Israël est criminalisé avec une rapidité qui contraste avec l’impunité des régimes autoritaires ; dans la diplomatie européenne, la morale humanitaire se substitue à la défense des démocraties. Même les médias et la culture diffusent le récit sacrificiel : Israël comme puissance oppressive, les Palestiniens comme victimes absolues. La culpabilité est devenue norme officielle.

Les conséquences sont prévisibles. Si l’Europe persiste, elle connaîtra la désagrégation sociale, sous la pression de communautés qui ne partagent plus une identité commune. Elle connaîtra une guerre civile diffuse, faite d’émeutes, d’attentats, de zones de non-droit. Elle connaîtra l’effacement géopolitique, marginalisée par les puissances qui assument la dureté de l’histoire. Elle mourra de sa vertu, ou plutôt de sa fausse vertu : une morale qui se retourne en impuissance.

Mais un autre avenir est possible. Il suppose un retournement lucide. L’Europe doit comprendre que l’humanisme ne consiste pas à s’immoler, mais à se défendre. Elle doit retrouver une identité positive, au lieu de se définir uniquement par ses fautes. Elle doit réapprendre à nommer l’ennemi, à réhabiliter le politique contre la morale abstraite, à assumer une puissance qui protège ses valeurs. Israël, petit pays divisé mais qui tient debout face à une haine totale, peut servir de modèle : celui d’une démocratie qui résiste, non pas en dépit de ses principes, mais grâce à eux.

C’est pourquoi ce qui se joue à Gaza n’est pas seulement le destin d’un État lointain : c’est le miroir de notre propre destin. Si nous continuons à condamner Israël pour sauver notre bonne conscience, nous choisissons la désintégration. Si nous acceptons de voir en Israël non un coupable mais un avertissement, alors nous pouvons encore retrouver le sens de l’histoire. Car l’islamisme ne veut pas la repentance, il veut la victoire. Et Israël, en refusant le sacrifice, nous montre la voie du refus du suicide.

Question de vie et de More

François Sureau entame avec Les Enfants perdus un roman-feuilleton dont le héros, détective et poète, traverse le temps et l’espace. Dans ce premier épisode, Thomas More plonge dans le chaos de la défaite de Sedan.


On n’est pas sérieux quand on a 67 ans. Académicien, avocat, conseiller des princes à ses heures, auteur de grands livres – dont le magistral Or du temps, à la fois profond et joyeux –, François Sureau est un aventurier – de la vie, de la pensée, de la littérature. Avec Les Enfants perdus, premier épisode de ce qu’on pourrait appeler un roman-feuilleton policier, il retrouve ses allégresses d’adolescent lecteur de Conan Doyle, Dumas, Christie, Simenon.

Fantasque successeur de Maigret, Holmes, Poirot, évidemment fumeur de pipe comme eux (et comme l’auteur), Thomas More a sur ces illustres personnages l’avantage de la longévité. Ainsi peut-il arpenter toutes les périodes troublées de l’Histoire et citer Apollinaire avant qu’il ait écrit un seul vers. Dans les prochains épisodes, on le retrouvera à Salonique en 1913, en France en 1940 ou en Hongrie en 1989. Cependant, s’il confectionne de saisissants portraits d’époque, Sureau écrit pour traquer l’invariant, la permanence, l’immuable logés dans les coins et recoins de l’âme humaine. Thomas More traverse le temps et l’espace, débusquant partout et toujours la vieille histoire des hommes et de l’hommerie.

Nous voilà donc au bord de la Meuse en 1870. Il fait sombre et glacial, la boue charrie des cadavres et le vent, l’odeur de la mort, du désespoir et de la défaite. Gombrowicz se désolait que la littérature contemporaine manquât de pantalons et de téléphones, de concret en somme (Muray adorait ce passage). En quelques lignes, François Sureau transporte son lecteur avec les vaincus de Sedan, dépenaillés, affamés et gelés tandis que des chevaux ensauvagés s’entre-dévorent. Le chaos s’est emparé de la presqu’île d’Iges, sur la Meuse, où 80 000 soldats de l’Empire sont retenus prisonniers par les Bavarois, les contingents les plus cruels des armées emmenées par la Prusse.

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Dans ce cloaque à ciel ouvert où l’on verra passer un certain Jean Rimbaud de Charleville, surgit un personnage improbable et solaire, prisonnier comme les autres et pourtant infiniment libre. Ancien inspecteur de la sûreté impériale, connu pour son habileté à élucider les crimes les plus mystérieux, le commandant Thomas More va s’employer à rendre leur destin singulier à deux corps sans vie qui n’ont pas été déposés là par la guerre, mais par les entrelacs de la passion et du crime : une jeune carmélite pas très catholique et un capitaine de cuirassier venu de lointaines îles. Il sera question d’une femme éprise de liberté et d’un serial killer inconsolable, d’un scandale qui menace la cour du roi de Prusse Guillaume Ier, d’une fausse accusation de viol, de vengeance et de passion homosexuelle.

Si Sureau a donné à son détective-philosophe le nom de « l’humaniste anglais du xvie siècle », ainsi que le présentent les dictionnaires, ce n’est pas parce que celui-ci est mort en martyr de la foi catholique, mais parce qu’il refusait tout empiétement du pouvoir politique dans les affaires spirituelles. Loyal auxiliaire de la justice des hommes, son Thomas More conserve, comme son créateur, une forme de méfiance envers elle : juger, d’accord, puisqu’il le faut bien, mais sans jamais oublier qu’au bout du compte ce droit n’appartient qu’à Dieu. Aussi est-on pris d’un coupable soulagement quand More et Sureau laissent un criminel s’échapper.

Les Enfants perdus, François Sureau, Gallimard, 2025. 160 pages

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À paraître en février 2026 : Loin de Salonique

Macron a reconnu un État palestinien inexistant: la fracture et le tournant

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La reconnaissance de la Palestine ne consacre qu’une fiction


Le 22 septembre 2025, à la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies, Emmanuel Macron déclara que la France reconnaissait l’État de Palestine. L’Élysée voulut y voir un moment de vérité, une étape historique, une rupture avec l’inertie diplomatique. Mais derrière le faste de la proclamation se dévoile une contradiction essentielle : l’État reconnu n’existe pas. Par un acte de langage, la France tenta de substituer le récit au réel, d’imposer une fiction en lieu et place d’une réalité introuvable, provoquant une fracture où se croisent droit, mémoire, sécurité et cohérence diplomatique.

Ce geste ne s’éclaire qu’à travers le 7 octobre 2023, jour où le Hamas lança l’attaque la plus meurtrière de l’histoire d’Israël : plus de mille deux cents morts, des milliers de blessés, des familles entières anéanties. Le choc fit ressurgir la mémoire de la Shoah et l’angoisse existentielle d’un peuple de nouveau confronté à la menace de son anéantissement. En se dissimulant dans des tunnels creusés sous les habitations, le Hamas transforma la population de Gaza en boucliers humains, inscrivant dans la chair des civils le prix de sa stratégie.

Interactions

Dans ce contexte, Emmanuel Macron, assis aux côtés du prince Fayçal ben Farhane ben Abdallah Al Saoud, ministre saoudien des Affaires étrangères, puis aperçu en interaction avec l’émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al Thani, ainsi qu’avec Abou Mohammed al-Joulani, proclama l’existence d’un État palestinien, adoptant une lecture des événements proche de celle de ses interlocuteurs.

Or la reconnaissance d’un État ne peut relever d’un simple acte de volonté. Depuis la Convention de Montevideo de 1933, quatre critères sont requis : territoire défini, population permanente, gouvernement effectif et capacité de relation internationale. En 1948, Israël les remplissait : institutions représentatives, structures civiles et militaires, légitimité forgée par des décennies d’organisation collective.

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En 2025, la Palestine n’en remplit aucun. Gaza reste sous la domination du Hamas, organisation terroriste dont la charte proclame la destruction d’Israël ; la Cisjordanie demeure administrée par une Autorité palestinienne corrompue, divisée et privée de légitimité. Sans gouvernement effectif ni souveraineté réelle, la reconnaissance ne consacre qu’une fiction.

Et cette fiction porte en elle des effets pervers. Même affaibli, le Hamas peut s’ériger en vainqueur: sa stratégie de terreur semble avoir conduit à une reconnaissance internationale, nourrissant sa propagande. Un État proclamé mais inexistant risque de devenir un foyer de radicalisation, une « Mecque pour les antisémites », un drapeau pour l’islamisme transnational. L’histoire du djihadisme, de l’Afghanistan des talibans à Daech, atteste que la faiblesse institutionnelle peut devenir puissance idéologique. Créer un État sans réalité, c’est donner aux extrêmes une bannière sans contrôle, plus dangereuse encore qu’un territoire réel.

Libération des otages, cessez-le-feu, démilitarisation: des vœux pieux ?

Emmanuel Macron s’est illusionné sur les effets de la guerre et sur la solidité des accords d’Abraham, sans percevoir que les Émirats eux-mêmes envisageaient d’en réviser certains volets, révélant la duplicité de régimes tels que les Émirats, l’Égypte, le Bahreïn ou le Maroc. Ces pays ont multiplié les proclamations, mais les résultats sont restés superficiels : malgré l’octroi de la nationalité à des figures culturelles arabes, les Émirats n’ont produit aucun récit commun, aucun film ou série israélo-arabe. Les comportements antisémites observés lors des matchs de l’équipe du Maroc au Mondial du Qatar rappellent la fragilité persistante du terrain. Là où il fallait donner consistance et crédibilité à ces accords, Macron a laissé s’installer l’apparence.

La décision française rompt aussi avec une tradition diplomatique constante : depuis les résolutions 242 et 338, Paris liait la reconnaissance palestinienne à une négociation avec Israël, ce qui préservait son rôle de médiateur. En agissant unilatéralement, Macron a affaibli cette fonction. Les conditions énoncées — libération des otages, cessez-le-feu, démilitarisation — restent sans mécanismes d’application. Pour Israël, elles sonnent comme une pression illégitime ; pour les Palestiniens, comme une promesse illusoire. La France perd ici en crédibilité, apparaissant à la fois partiale et impuissante.

S’y ajoute une fracture mémorielle. Le 22 septembre 2025 coïncidait avec Roch Hachana, le Nouvel An hébraïque. Choisir ce jour pour proclamer l’existence palestinienne n’est pas anodin. Même sans intention explicite, le symbole fut ressenti comme une provocation : alors que le peuple juif célébrait le renouveau, on consacrait la légitimité d’un projet niant son existence. Ce geste a rouvert une blessure dans une histoire saturée de persécutions. La mémoire de la Shoah, des pogroms et du 7-Octobre ne saurait devenir simple variable diplomatique.

Affirmer qu’un État existe alors qu’il n’existe pas, c’est ériger une fiction politique. Mais la fiction ne fonde pas la paix : elle enferme dans l’illusion, nourrit les extrêmes et déforme le réel. La paix ne naîtra pas d’un décret ; elle suppose le démantèlement du Hamas, la construction d’institutions légitimes et la reprise de négociations sous garantie internationale.

Tant que ces conditions ne seront pas réunies, toute reconnaissance demeurera illusion diplomatique, fracture mémorielle et erreur stratégique. En voulant inscrire son nom dans l’histoire, Emmanuel Macron a reconnu un État inexistant, inaugurant une fracture dont les conséquences pèseront durablement sur la diplomatie française et sur l’avenir du Proche-Orient.

Sophia Chikirou la possédée

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© Stephane Lemouton/SIPA

Dans ce portrait sévère, la députée de Paris LFI Sophia Chikirou est dépeinte comme une jolie poupée russe politique. Mutine et opaque à l’extérieur, mais remplie à craquer d’un bolchévisme prêt à vous sauter à la figure! (Avec M. Mélenchon pour assurer la sécurité). Si la France révolutionnaire se décide demain à organiser un nouveau «feu de joie» citoyen, elle compte jouer les premiers rôles…


On raconte les pires horreurs sur Sophia Chikirou. Son rapport à l’argent. Son autoritarisme. Son goût pour l’empoisonnement de quiconque travaillerait pour elle. Les casseroles que l’on entend tintinnabuler sur son passage. Elle fait un peu peur. Et puis, le chien de garde Mélenchon veille sur elle, quoi qu’il lui arrive. Propriété bolchévique, défense d’approcher ! On aimerait en savoir davantage, tout de même…
Qui est cette très proche conseillère ? Jolie, mutine, aussi habile qu’opaque, et, finalement, nous l’allons voir, dangereuse.

Heureux hasard

La pensée communiste est de nature fractale, ou autosimilaire : prise séparément, chaque partie, même infinitésimale, a exactement la même forme que le tout. Un heureux hasard veut que le meilleur moyen de comprendre ce qu’est une fractale soit d’imaginer des poupées russes: la plus petite est la parfaite reproduction de la plus grande, dimensions mises à part. Seules les couleurs varient. L’utilité de comparer l’idéologie communiste aux fractales est que cela nous permet d’étudier sa structure générale en concentrant notre regard sur un de leurs détails. Le micro peut ainsi nous livrer la définition du macro : étudié avec soin, un simple dazibao placardé en 1968 sur le mur d’une université chinoise nous livre l’essentiel des très volumineuses et fastidieuses œuvres complètes de Mao.
Mais revenons-en à Sophia Chikirou. Car justement, lors d’une rapide interview effectuée par Quotidien, elle nous a récemment gratifiés de quelques phrases permettant de saisir d’un coup, comme en un flash décisif, à la fois la nature du régime communiste chinois et l’âme de la conseillère du camarade Jean-Luc. Soyons tout ouïe, car si une partie de la presse française a relevé ce propos, et s’en est même parfois indignée, personne n’a eu la prudence de le disséquer sous un microscope.

La Chine, pas une dictature ?

« Je ne considère pas que la Chine est une dictature. La Chine est un système politique à parti… (Ici, elle hésite une seconde et se reprend bien vite.) D’ailleurs, il y a huit partis, donc ce n’est même pas un parti unique, mais un parti dominant, qui est le Parti Communiste Chinois. Il y a un système politique où il n’y a pas un seul homme qui dirige la Chine. La critique du Parti Communiste Chinois est impossible, mais après, vous pouvez critiquer des mesures qui sont prises, des propositions politiques qui sont faites. La liberté d’expression en Chine est aussi menacée que celle qu’on a en France. »
Que dit Sophia Chikirou ? Que la Chine n’est pas une dictature. On pourrait s’en tenir là, fermer le ban, éclater de rire ou partir en courant, tant l’assertion relève de la contre-vérité sans vergogne. Mais nous sommes ici d’emblée confrontés à du communisme pur et dur, et comme nous l’a démontré le XXème siècle, la dernière chose à faire est de prendre ce genre de matériau à la légère. Continuons donc.
Sophia Chikirou nous assène donc également que le système politique chinois serait multipartite. Huit partis, rien que ça ! On rappellera, si besoin est, que le Parti communiste compte plus de 100 millions de membres encartés, qu’il dirige d’une main de fer toute la société chinoise du sol au plafond – entreprises prétendument libres incluses -, que le système concentrationnaire local, tentaculaire, esclavagise jusqu’à la dernière goutte de sueur et de sang ses innombrables bagnards – dont il lui arrive plus qu’à son tour de vendre les organes sans leur assentiment – et, pour mémoire, que le même Parti a été l’organisateur du plus grand holocauste jamais vu (le Grand Bond en Avant, 50 millions de morts) et se garde bien d’en éprouver la moindre culpabilité. Et les sept autres partis, donc ? Le journaliste qui interroge Chikirou oublie de lui en demander les noms et les positionnements politiques. Quel dommage. Ces sept plaisanteries sont des pseudo-partis dont la seule utilité est de faire croire aux imbéciles que le PCC n’est pas seul maître à bord. Le PCC est « dominant », dit-elle. Oui, admettons, si l’on considère que la SS est « autoritaire »
Passons sur les deux sinistres galéjades selon lesquelles la Chine ne serait pas dirigée par un autocrate et, surtout, sur l’idée que, si l’on ne peut pas critiquer le Parti, on pourrait néanmoins critiquer ses décisions — au mieux, cela vaudra à la petite Sophia une fessée au tribunal de l’Histoire. Filons à l’essentiel : l’extraordinaire affirmation « La liberté d’expression en Chine est aussi menacée que celle que l’on a en France. » Relisez bien cette phrase et notez l’inversion complète de la logique. Il n’est même pas question d’affirmer que la liberté d’expression est aussi menacée en France, ce qui constituerait déjà un gigantesque mensonge, mais qu’elle l’est autant en Chine qu’en France, ce qui relève du crime contre l’évidence le plus féroce possible. On n’est plus confronté à une intox communiste basique, comparable au « bilan globalement positif » de feu Georges Marchais, mais à une monstruosité idéologique de toute première grandeur, qui déshonore définitivement quiconque la croit. Un gardien de camp nazi, qui avait pour coutume d’appeler chaque juif « chien », avait baptisé son chien « juif ». Là est l’aboutissement de toute idéologie : la signification du monde bascule cul-par-dessus tête et une nuit inexplicable tombe sur le langage.

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Déraison

Alors, pourquoi ? Pourquoi Chikirou outrepasse-t-elle toutes les limites du verbe politique pour s’aventurer ainsi dans le cloaque de l’absurde assumé ? Pourquoi nous dit-elle que la Chine du PCC est presque aussi antidémocratique que la France ? Par provocation ? Par cynisme tactique ? Par immoralisme décadent ? Non. Son cas nous semble plus grave que cela. Il ne relève pas des catégories partisanes traditionnelles. Il tient en un mot : possession.
Le communiste – ou ses cousins en totalitarisme, le nazi et l’islamiste – lorsqu’il se livre totalement au mal idéologique, est comparable aux esprits étudiés par la démonologie chrétienne, et rendus génialement romanesques par Dostoïevski dans son chef-d’œuvre, le bien-nommé Les Possédés. Symptômes de leur dérangement : la raison est complètement déréglée, toute empathie disparaît, une rage d’un genre nouveau surgit.
Sergueï Netchaïev, adolescent terroriste proche de Bakounine, décrit fièrement sa mentalité : « Le révolutionnaire est un homme condamné d’avance : il n’a ni intérêts personnels, ni affaires, ni sentiments ni attachements, ni propriété, ni même de nom. Au fond de lui-même, non seulement en paroles mais en pratique, il a rompu tout lien avec l’ordre public et avec le monde civilisé, avec toute loi, toute convention et condition acceptée, ainsi qu’avec toute moralité. En ce qui concerne ce monde civilisé, il en est un ennemi implacable, et s’il continue à y vivre, ce n’est qu’afin de le détruire plus complètement. »
Voici notre Sophia. Une révolutionnaire, une vraie, exacte et profonde, complète. Une fractale du bolchévisme le plus aveugle, capable de vanter les charmes de la tyrannie chinoise, et de la préférer à notre médiocrité, et de le déclarer face caméra, et de ricaner si l’on s’interroge. « Vous êtes des morts », nous lance-t-elle en substance, comme le milicien de 1984. On a toujours tendance à croire que la nouvelle génération de communistes français, les Insoumis, est une cohorte d’imbéciles et de truqueurs. Loin s’en faut. Il y a parmi eux des hommes nouveaux bien plus désordonnés que de simples punks à chiens, et bien plus contagieux que les bobos lecteurs de Piketty. Structurés comme seuls les leaders révolutionnaires savent l’être. Ils sont les patients zéro de la pandémie à venir. L’islamimo-gauchisme en écharpe tels des maires de la guerre civile, le léninisme pour catéchisme, disposés à toutes les émeutes parce que l’incendie est leur rituel, ils ne te feront, cher lecteur, aucun cadeau, car leurs cerveaux ne fonctionnent pas comme le tien. Ils ne s’embarrassent pas de la crédibilité, pensent vraiment que Xi Jinping vaut mieux que Bruno Retailleau. Admets-le, au lieu de croire que le pire s’écrit au passé. Sophia Chikirou a quelque chose de parfait, la crise porte sa horde.
Un premier mai, à Paris, par curiosité, je me suis glissé dans un cortège de Lutte Ouvrière. J’ai discuté avec une porte-pancarte en me faisant passer pour un des leurs. Je lui ai demandé : « Et serais-tu prête à tuer des riches pour réussir la révolution ? » Elle m’a répondu : « Ils ne nous laisseront pas le choix. Ce sera eux ou nous. »
Cette brave fille inquiète était une fractale de la colère rouge qui monte dans le pays. Elle était la base dont Sophia Chikirou voudrait peut-être être le sommet. Trotskistes, staliniens, maoïstes, anarchistes, black-blocs, anticapitalistes antisémites, et tous leurs casseurs free-lance, néo-sans-culotte de toutes obédiences, attendent leur heure. Et si cette heure ne vient jamais, si Sophia Chikirou n’accède jamais aux commandes de notre pays en ruine, eh bien, l’on pourra dire qu’on l’a échappé belle.
« Je ne baisserai pas les yeux. Pour me les faire baisser, il faudra les crever. » Sophia Chikirou.

À côté d’une France instable et d’une Allemagne entrée en récession, l’Italie se redresse

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Rome, 4 septembre 2025 © Filippo Attili/Palazzo Chigi/AP/SIPA

Giorgia Meloni parviendra-t-elle à transformer l’Italie en élève modèle de l’économie européenne ? Des chiffres encourageants le laissent penser. Mais la botte reste sous la menace des éventuels contrôles surprises appelés «agences de notation»  ou «instabilité politique».


Après trois ans au pouvoir, le gouvernement de Giorgia Meloni affiche des résultats économiques surprenants. La France traverse des changements gouvernementaux imprévisibles et une instabilité croissante, tandis que l’Allemagne s’enfonce dans une récession profonde. L’Italie, elle, se distingue par une trajectoire plus solide, envoyant des signaux positifs tant sur la stabilité politique que sur l’amélioration économique. Les mots d’ordre du gouvernement restent « stabilité », « rigueur » dans la gestion des finances publiques et « relance » de l’économie.

Des résultats économiques solides

En 2024, l’Italie s’impose comme l’exception européenne. Seul pays du G7 à afficher un excédent primaire (+9,6 milliards, 0,44 % du PIB), elle a réduit son déficit de 7,2 % à 3,4 % en un an, avec une nouvelle baisse attendue en 2025. Sur le plan du commerce extérieur, l’excédent commercial a bondi à 54,9 milliards d’euros. Hors énergie, il atteint un record de 104,5 milliards, tandis que les ventes hors UE culminent à 305,3 milliards, un niveau inédit depuis dix ans.

L’amélioration économique italienne résulte d’une combinaison de facteurs : un leadership politique pragmatique et innovant, la résilience et le dynamisme des entreprises italiennes, et l’élan structurel laissé par les politiques et réformes mises en œuvre sous Mario Draghi. Aucun de ces éléments ne peut être considéré isolément comme déterminant ; le succès provient de la synergie entre des politiques publiques efficaces et des initiatives entrepreneuriales concrètes.

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Ces améliorations se reflètent également sur le marché de l’emploi. En juillet 2025, le nombre de personnes en emploi a atteint environ 24,2 millions, avec une augmentation de 218 000 postes par rapport à juillet 2024 (+0,9 %) et 51 000 nouveaux emplois créés seulement au cours du trimestre mai-juillet 2025 (+0,2 %). Le taux d’emploi s’est établi à 62,8 % en juillet 2025, enregistrant une amélioration constante depuis le début du mandat de Mme Meloni.

L’instabilité politique : le talon d’Achille de l’Italie ?

Pendant longtemps, l’instabilité politique a pesé sur la crédibilité financière de l’Italie aux yeux des agences de notation. Cette vulnérabilité s’est traduite par une dégradation progressive du rating souverain italien : après plusieurs déclassements depuis les années 2000, l’Italie a atteint en 2014 le niveau BBB, soit le dernier échelon de l’«investment grade », confirmant en décembre 2021 ce statut fragile. Ce positionnement demeure un signal d’alerte permanent, rappelant que toute instabilité politique ou dérive budgétaire pourrait entraîner une nouvelle perte de crédibilité sur les marchés.

Toutefois, les récentes évaluations marquent un changement significatif : Fitch a récompensé l’Italie pour ses efforts de réduction du déficit et de maîtrise des dépenses publiques, saluant une trajectoire budgétaire plus solide et une confiance accrue des investisseurs. Les spreads souverains italiens ont ainsi atteint leur plus bas niveau depuis quinze ans, soutenus par une forte demande tant étrangère que nationale. Selon une grande banque d’investissement américaine, le déficit devrait tomber durablement sous la barre des 3% du PIB à partir de 2026. Cette reconnaissance souligne qu’une combinaison de discipline fiscale rigoureuse et de stabilité politique renforce la crédibilité de l’Italie sur les marchés internationaux, accroît la confiance des investisseurs et garantit la soutenabilité de la dette à moyen et long terme.

Les défis clés pour l’avenir du pays

Malgré les progrès économiques réalisés ces trois dernières années, les défis pour le gouvernement Meloni restent complexes et structurels. La fuite des jeunes talents à l’étranger, le décalage entre l’offre et la demande dans les secteurs innovants – non compensé ni par la main-d’œuvre italienne ni par l’immigration – et le persistant écart de productivité et de richesse entre le Nord et le Sud demeurent des enjeux cruciaux.

Le succès futur du pays dépendra de sa capacité à traiter ces inégalités par des politiques ciblées et des stratégies de développement équilibrées. Si les résultats obtenus d’ici la fin du mandat sont convaincants, une reconduction pourrait consolider la trajectoire de croissance et apporter une nette amélioration économique et sociale.

Il faut des contradicteurs: c’est dans l’intérêt médiatique…

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Le journaliste Thomas Snégaroff, ici photographié en 2024, anime actuellement l'émission C politique sur France 5 © Laurent VU/SIPA

À l’occasion de l’hommage à Charlie Kirk rendu en Amérique, très commenté chez nous, notre chroniqueur a regretté que le service public confonde pluralisme avec entre-soi, et débats avec récital d’indignations convenues.


La liberté d’expression de chacun est une source de pensées et de propos qu’on peut approuver, partiellement ou totalement, ou contester. Il ne me viendrait pas à l’idée de discuter ce droit fondamental. Au contraire, c’est parce que j’use de cette liberté dans sa plénitude, notamment sur les plateaux médiatiques, que je reconnais évidemment à quiconque la même faculté. On ne peut se plaindre, dès lors que la courtoisie de la forme est respectée, de voir l’autre s’engager sur des chemins que vous pratiquez vous-même. Ce n’est jamais la liberté qui pose un problème mais son abus ou parfois, quand elle prend un tour infiniment discutable, le fait qu’on ne lui oppose aucune contradiction. Rien de pire, à la télévision, que ces plateaux homogènes qui se félicitent d’être totalement accordés.

La haine

Comment ne pas songer à cette dérive quand, dans l’émission C Politique, animée par Thomas Snégaroff sur France 5[1], on a eu droit à une soirée peu ou prou consacrée à fustiger l’Amérique de Donald Trump et Donald Trump lui-même ?

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Le comble de la partialité médiatique, déguisée en fausse objectivité historique et sociologique, a été atteint lorsqu’il s’est agi de l’immense hommage collectif rendu à Charlie Kirk en présence du président des États-Unis. Après une présentation ironique du public présent par Thomas Snégaroff se demandant si c’était « du beau monde », Judith Perrignon est intervenue pour livrer une analyse selon laquelle le rassemblement pour honorer la mémoire du débatteur conservateur assassiné lui avait fait penser aux réunions américaines nazies des années 30. Cette comparaison est d’une totale absurdité, tant l’objet et les modalités de ce qui a rassemblé il y a peu l’Amérique conservatrice étaient à l’évidence aux antipodes de cette configuration du nazisme américain, sauf à vouloir, à toute force, complaire à une tonalité intellectuelle, politique et médiatique visant à assimiler Donald Trump à un nazi et l’Amérique l’ayant élu à un électorat sans morale et odieux.

Je suis sans doute naïf sur ce sujet mais je n’aurais jamais attendu de cette journaliste infiniment brillante, dans les portraits fins et remarquables qu’elle a publiés dans Le Monde, une telle approche aberrante et trompeuse.

D’autant plus que je sais par Geoffroy Lejeune, dont je n’ai jamais eu à suspecter la sincérité, que les cinq heures de cet hommage n’ont parlé que d’amour, au point que la veuve de la victime est allée jusqu’à déclarer qu’elle pardonnait à son assassin, la seule contradiction émanant évidemment de Donald Trump affirmant que lui  « détestait ses adversaires et qu’il ne voulait pas le meilleur pour eux », tel que c’est rapporté dans un bel article de Laure Mandeville[2].

D’un côté l’amour, et de l’autre, de la part de tous ceux qui crachaient et dégradaient ce rassemblement, la haine. Quoi de commun avec un quelconque nazisme ?

Le manque de pluralisme de France télévisions critiqué

La liberté d’expression de Judith Perrignon et de tous ceux qui participaient à cette émission, d’un même registre réprobateur, était naturellement entière, et comment ne pas s’en féliciter ? Le scandale ne résidait pas dans les analyses et les propos – la liberté charrie le pire et le meilleur – mais dans l’absence absolue de contradiction dans l’ensemble des séquences. On aurait pu attendre, espérer, une ou des voix dissonantes, discordantes, pour venir apporter un autre point de vue, un regard différent, des amendements souhaitables. Non, rien, le déroulement d’une implacable et constante partialité homogène. Comme si l’on cherchait à nous faire croire que cette mutilation du réel pouvait être la réalité tout entière et que nous en serions dupes. Et c’était sur France 5, chaîne de l’audiovisuel public payé par tous pour aboutir à une vision destinée à quelques-uns !

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Je me suis toujours passionné pour la liberté d’expression et, en démocratie, pour la contradiction et les débats antagonistes qu’elle implique, qu’elle doit inclure nécessairement.

Je me sens d’autant plus concerné que, sans me pousser du col, sur CNews je suis amené à me camper parfois en contradicteur, je l’espère utile, par exemple récemment, sur la reconnaissance de l’État palestinien. Au sortir de ces émissions, je reçois des tombereaux d’injures sur X, mais ils m’apparaissent comme la rançon de la liberté d’expression dont j’use et qui ne m’est jamais mégotée sur les plateaux de CNews et, sur un autre plan, à Sud Radio. On me permettra de conclure ainsi : oui, il est d’intérêt médiatique, pour ne pas dire public, qu’il y ait des contradicteurs dans l’audiovisuel public…


[1] https://www.france.tv/france-5/c-politique/saison-17/7500095-emission-du-dimanche-21-septembre-2025.html

[2] https://www.lefigaro.fr/vox/societe/laure-mandeville-quand-le-pardon-chretien-s-oppose-a-la-vengeance-trumpiste-20250922

Intégration: mot piégé

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New York, 23 septembre 2025 © Sipa USA/SIPA

A l’ONU, les propos excessifs de Trump sur le changement climatique, «la plus grande arnaque jamais menée contre le monde», occultent un peu ses réflexions moins faciles à écarter sur l’immigration incontrôlée déferlant en Europe. S’adressant aux nations européennes, le président américain a affirmé: «il est temps de mettre fin à l’expérience ratée des frontières ouvertes. Vous devez y mettre fin dès maintenant (…) Vos pays vont droit en enfer!» Analyse.


Donald Trump vient de lancer un avertissement sans détour à l’Europe : en poursuivant une politique migratoire « délirante », le Vieux Continent court droit vers « l’enfer » et la « destruction de sa civilisation ». Le président américain, fidèle à son style brutal, met des mots simples sur une inquiétude que beaucoup d’Européens ressentent mais n’osent plus formuler. Car derrière l’idéologie de l’accueil illimité, ce sont nos nations qui vacillent. De la Suède à la France, de la Belgique à l’Allemagne, l’expérience démontre que loin de renforcer nos sociétés, l’immigration de masse a ouvert la voie à une sorte de ségrégation, à la criminalité et à la fragmentation culturelle. Le diagnostic est sévère : ce n’est pas l’intégration qui triomphe, mais la désintégration des peuples européens.

Les élites européennes ont cru pouvoir dissoudre les identités nationales dans un grand bain social et multiculturaliste. Mais la réalité, de Malmö à Molenbeek, de Londres à Paris, montre que l’immigration est devenue moins un défi qu’un instrument au service de la désintégration des peuples.

La générosité suédoise comme pari d’universalité

La Suède a longtemps fasciné l’Europe par son modèle social-démocrate, pensé comme la vitrine d’un humanisme appliqué. Dans ce pays qui semblait avoir dépassé les fractures de l’histoire, la conviction dominante était qu’il suffisait de redistribuer équitablement les richesses et de garantir le confort matériel pour que les tensions sociales disparaissent. L’État-providence, étendu à l’extrême, devait agir comme un dissolvant universel des conflits et des crispations identitaires.

C’est dans cet esprit que la Suède a ouvert largement ses portes aux réfugiés du Moyen-Orient, notamment Palestiniens. Les dirigeants suédois ont cru qu’en construisant des logements modernes, en offrant des écoles gratuites et bien dotées, des soins médicaux de haut niveau et des allocations généreuses, l’intégration adviendrait d’elle-même. Le Million Program, gigantesque plan de construction lancé dans les années 1970, traduisait cette ambition : il ne s’agissait pas de reléguer les nouveaux arrivants, mais de leur offrir le meilleur du progrès social-démocrate.

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Mieux encore : l’État a été jusqu’à effacer certains de ses propres repères culturels pour ne pas heurter les sensibilités des nouveaux venus. Symboles chrétiens retirés de certaines écoles, tolérance accrue pour le voile porté par des enfants, menus adaptés aux prescriptions religieuses : tout a été fait pour accueillir. Les contribuables suédois ont accepté une pression fiscale élevée au nom de cet universalisme. Peu de sociétés ont consenti un tel effort.

L’échec d’un modèle et l’illusion sociale

Or, malgré cette générosité sans équivalent, l’intégration n’a pas eu lieu. Non seulement elle a échoué, mais elle a produit son contraire : une auto-ségrégation volontaire. Loin de s’ouvrir à la culture du pays d’accueil, beaucoup de familles immigrées ont choisi de recréer leur univers d’origine. Les mariages sont restés assez largement endogames, les commerces communautaires ont prospéré, les écoles se sont peuplées d’élèves parlant majoritairement arabe à la maison. Même les familles qui n’étaient pas hostiles à la Suède se sont trouvées prises dans la logique du groupe, soumises à la solidarité clanique. On ne s’émancipe pas sans se couper de ses proches, et rares sont ceux qui ont osé franchir cette barrière.

Les conséquences sont aujourd’hui visibles. En vingt ans, les viols signalés ont augmenté de plus de 600%, parfois 700% selon les séries statistiques. Et les études criminologiques montrent une surreprésentation massive des hommes issus du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord dans les crimes violents. La Suède, jadis considérée comme l’un des pays les plus sûrs du monde, figure désormais parmi ceux qui connaissent le plus de fusillades mortelles liées aux gangs ! Malmö, Göteborg, Stockholm ont vu se multiplier les règlements de comptes, les explosions, les assassinats commandités par des réseaux criminels.

Malmö, Suède, 17 avril 2022 © Johan Nilsson/AP/SIPA

Ce constat pulvérise un mythe commode, très répandu en France : celui qui veut que la violence des quartiers vienne avant tout de la relégation sociale, du chômage, de l’absence de moyens publics. C’est un discours confortable, mais démenti par l’expérience suédoise. Là-bas, tout a été donné. Logements modernes, écoles gratuites, soins universels, allocations généreuses : le modèle social-démocrate a offert le meilleur de lui-même. Si le social suffisait, la Suède serait un modèle d’intégration. Elle est devenue un modèle d’auto-ségrégation.

Un phénomène européen

La Suède n’est pas une exception. Elle est simplement le miroir grossissant de ce qui se joue dans d’autres pays européens.

En France, des milliards d’euros ont été engloutis depuis quarante ans dans la politique de la ville. Rénovation urbaine, subventions associatives, programmes de rattrapage éducatif : tout a été tenté. Mais cette dépense colossale s’est révélée un véritable tonneau des Danaïdes, incapable d’enrayer le séparatisme. La preuve est là: selon un sondage IFOP, 57% des jeunes musulmans de moins de 25 ans estiment que la charia est supérieure aux lois de la République. C’est dire que le problème n’est pas social mais culturel et politique, et qu’aucune politique de ravalement urbain ne pourra y répondre.

En Grande-Bretagne, le choix assumé du multiculturalisme a consacré le droit de chaque communauté à vivre selon ses normes. Le résultat est visible : quartiers pakistanais, bangladais ou somaliens où l’anglais recule, où la charia officieuse régit les mariages et les héritages. Mais surtout, le scandale des grooming gangs a révélé l’ampleur du désastre.

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Pendant plus de vingt ans, de jeunes filles britanniques ont été droguées, violées, prostituées par des réseaux de prédateurs composés majoritairement d’hommes pakistanais musulmans. À Rotherham, Rochdale, Oxford, Huddersfield, Newcastle, les autorités locales et la police ont fermé les yeux. Certaines familles qui voulaient porter plainte ont subi des pressions : on craignait qu’exposer ces crimes ne fasse « le jeu de l’extrême droite » et ne jette une mauvaise image sur l’immigration musulmane. Lors des procès, certains agresseurs l’ont dit sans détour : pour eux, les jeunes filles blanches « n’avaient aucune valeur », elles pouvaient être violées impunément.

Posons la question : aurait-on accepté plus de six mois que des adolescentes issues de l’immigration soient violées en masse ? Aurait-on toléré que des filles de quartiers bourgeois soient ainsi offertes à la barbarie ? Non. Mais parce qu’il s’agissait de jeunes filles prolétaires, d’ouvriers, blanches et sans pouvoir, on les a abandonnées. Le prix du multiculturalisme a été payé par les plus vulnérables.

La Belgique offre un tableau encore plus alarmant. Des quartiers de Bruxelles, de Charleroi, de Molenbeek fonctionnent comme des territoires d’extraterritorialité culturelle. C’est de ces enclaves qu’ont émergé plusieurs commandos terroristes, notamment ceux des attentats de 2015-2016 à Paris et Bruxelles. Là encore, les aides sociales sont abondantes, les logements modernes, mais l’État a renoncé à imposer son autorité. Le clientélisme politique a favorisé le séparatisme religieux et criminel.

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Molenbeek, 2015. Sipa. Numéro de reportage : SIPAUSA30138087_000003.

En Allemagne, l’accueil des travailleurs turcs dans les années 1960 puis celui des réfugiés syriens et afghans plus récemment a créé des poches de communautarisme turcophone et arabophone. Duisbourg, Neukölln à Berlin ou certaines villes de la Ruhr connaissent une criminalité endémique et des zones où l’État recule. Même un pays qui avait limité l’accès à la citoyenneté découvre qu’il a nourri, en son sein, des communautés étrangères à sa culture.

La flambée de l’antisémitisme

À ce constat s’ajoute un paradoxe cruel. Ces pays européens – la Suède, la France, la Belgique, l’Allemagne – ont souvent adopté une ligne diplomatique favorable à la cause palestinienne. Ils ont multiplié les aides financières, soutenu les résolutions de l’ONU contre Israël, critiqué publiquement la politique israélienne. Mais en retour, ils n’ont pas reçu la gratitude espérée. Au contraire, une partie non négligeable des populations issues de l’immigration moyen-orientale a développé une hostilité croissante envers ses pays d’accueil, accusés d’incarner l’Occident impie et arrogant.

Cette hostilité a pris dernièrement la forme d’une flambée de l’antisémitisme. Les attaques contre des synagogues, les insultes dans les écoles, les menaces contre des commerçants juifs sont devenues monnaie courante. À Malmö, à Bruxelles, à Paris ou à Berlin, la vie juive est désormais plus compliquée. Dans des pays qui se voulaient protecteurs des Palestiniens, la haine des Juifs s’est doublée d’une haine du pays hôte. L’Europe a cru acheter la paix en soutenant la cause palestinienne : elle a importé sur son sol les conflits et les haines du Moyen-Orient.

Un manifeste pour l’assimilation et la francisation

Ce que l’expérience suédoise met en lumière avec une force implacable, c’est que la redistribution matérielle ne suffit pas. Ce qui échoue aujourd’hui, ce n’est pas un modèle social, c’est un modèle de naïveté : celui qui a cru que l’universalisme abstrait pouvait effacer d’un trait les appartenances claniques, les réflexes religieux et les logiques identitaires.

Ce ne sont pas des entités désincarnées comme « l’Europe » qui doivent choisir, mais bien les nations, chacune avec son histoire, ses racines et ses lois. Or, depuis des décennies, leurs élites se sont souvent comportées comme si l’immigration pouvait servir de levier, voire de bélier, pour dissoudre les identités nationales et accélérer une construction européenne hors-sol. Au lieu de défendre la continuité des peuples, elles ont fait des citoyens des cobayes sociaux au nom d’un idéal abstrait.

C’est ainsi que s’est installée une forme de préférence diversitaire, où l’Autre avec un grand « A » a été sacralisé au détriment du citoyen concret, de chair et de sang. On a remplacé les droits de l’homme universels par une hiérarchie inversée où les droits de l’homme européen, enraciné dans son propre pays, pèsent moins que les droits proclamés des nouveaux venus.

Il faut donc le dire sans détour : l’intégration est un mot piégé, qui a produit la désintégration de nos nations. Ce n’est pas d’intégration dont nous avons besoin, mais d’assimilation. Et en France, cela a un nom plus clair encore : la francisation. C’est-à-dire l’adhésion sans réserve à notre langue, à nos mœurs, à nos lois, et à ce vouloir-vivre commun qui fait de nous un peuple.

Car au fond, la mécanique est limpide : le bloc élitaire a instrumentalisé le bloc diversitaire pour contenir, fragmenter et neutraliser le bloc populaire historique. Tant que cette logique perdurera, les nations européennes continueront de se dissoudre. Seule l’assimilation, assumée et ferme, peut briser ce cycle et restaurer l’unité nécessaire à toute civilisation durable.

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Podcast: La France reconnaît un Etat palestinien; Etats-Unis, l’hommage à Charlie Kirk

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Dimanche 21 septembre, à la veille de la reconnaissance de l’Etat de Palestine par la France, le drapeau palestinien pavoise au fronton de l'hotel de ville de Malakoff, dans les Hauts-de-Seine, malgré l'interdiction prononcée par le tribunal administratif. HOUPLINE-RENARD/SIPA

Avec Céline Pina, Eliott Mamane et Jeremy Stubbs.


Emmanuel Macron annonce que la France reconnaît un Etat palestinien: pour Céline Pina, c’est légitimer et récompenser les atrocités du 7-octobre commises par le Hamas, qui n’a toujours pas rendu tous les otages pris ce jour-là.

Grande cérémonie d’hommage à la mémoire de Charlie Kirk, dimanche, à Glendale dans l’Arizona: sa mort va-t-elle aggraver les tensions qui divisent l’Amérique ou provoquer un sursaut en faveur du dialogue apaisé? L’analyse d’Eliott Mamane.

Vieux démons flamands

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Caroline Gennez et Conner Rousseau, Bruxelles, 9 juillet 2024 © Shutterstock/SIPA

En Belgique, pour faire barrage aux « fachos », on choisit des socialistes… qui savent aussi très bien qui d’autre faire dégager !


En quête d’un partenaire pour former le gouvernement, au niveau fédéral et régional, le parti flamand belge (la NV-A), arrivé en tête des élections, avait le choix entre Vooruit, le parti socialiste flamand, et le Vlaams Belang. Celui-ci étant étiqueté « extrême droite », « facho », « nazi » et autres épithètes du même tonneau, la NV-A a choisi les socialistes, jugés plus fréquentables.

C’est ainsi que l’ancien président des socialistes, Conner Rousseau, est devenu ministre fédéral. Certes, il avait fait l’objet d’une polémique pour avoir, sous l’effet de la boisson, tenu des propos racistes envers la communauté rom en 2023. C’est regrettable, sans doute, mais en revanche il a pesé de tout son poids pour que la Belgique reconnaisse un « État de Palestine ». La Flandre totalise infiniment plus d’électeurs musulmans anti-israéliens que de Roms, et Conner Rousseau sait compter.

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C’est aussi des rangs de Vooruit qu’est issue l’échevine voilée de Molenbeek, Saliha Raïss, qui, fin août, a enjoint à ses concitoyens que la charia incommoderait de « dégager » de leur ancestrale commune.

On pourrait penser que les socialistes flamands s’étaient suffisamment illustrés dans la complaisance coranique. Mais il y a toujours moyen de mieux faire, même dans l’abject. C’est pourquoi la ministre flamande de la Culture, Caroline Gennez, approuve à grands cris l’annulation à Gand d’un concert dirigé par le chef d’orchestre Lahav Shani. Pourquoi ? Est-ce un mauvais chef d’orchestre ? Pas du tout ! Il jouit même d’une enviable réputation internationale. Mais Lahav Shani est Israélien. Et cela constitue une tare suffisante aux yeux du Festival de Flandre de Gand pour le faire « dégager » et à ceux de Vooruit pour applaudir cette décision. Ça valait bien le coup de faire barrage aux fachos.

Claudia, la voix de l’amour

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Claudia Cardinale pose devant les affiches de ses films, le 8 octobre 1998 © Ginies / Sipa

L’actrice franco-italienne, égérie de Cinecitta et vedette européenne, s’illustra chez Visconti, Zurlini, Monicelli, Sergio Leone ou Philippe de Broca. Elle partagea l’affiche avec Omar, Alain, Jean-Paul ou Brigitte. Elle était une star discrète, pudique et follement aimée par les cinéphiles et le grand public. Elle vient de nous quitter à l’âge de 87 ans


J’hésite. Était-ce une voix ou une peau ? Les deux, assurément. D’abord, il y a cette voix chaude, sensuelle, timide et étonnamment assurée, ambivalente donc séduisante, elle rocaille, elle perle, elle se propagera à travers l’univers durant encore des décennies. Ce matin, vous l’entendez, elle résonne dans nos cœurs. Vous n’êtes pas triste, plutôt heureux. Car, vous aurez reçu cette voix en offrande, en partage, gratuitement ; un don du ciel, un peu irréel comme un songe des années 60, comme si le monde d’avant n’était pas mort. Vous l’aurez captée, un jour, dans un vieux film en noir et blanc ou dans une interview à la télévision. Faites l’expérience de la voix de Claudia à la radio, dans l’intimité du poste, le transport amoureux est garanti, elle est là, près de vous. Vous tremblez, c’est normal.  Cette voix était notre trésor commun, notre bien national. Malgré les malheurs, les défaites, la vie en est remplie, vous vous souviendrez de son timbre, de son lent débit, de sa mélopée, de son érotisme, de sa suspension poétique, de ses pas chassés ; d’abord hésitante, elle se faisait poliment décidée, voire butée, incorrigible et cabotine, avec une pointe de maladresse qui est le signe des déesses. La voix de Claudia vous rappellera que la beauté du monde n’est pas un leurre, qu’elle n’est pas factice, qu’elle peut même avoir le visage d’un humain. Ces derniers temps, vous ne croyez plus en l’être humain, vous ne lui faites plus confiance, il est tellement décevant : je vous comprends. La voix de Claudia nous rattrape, nous sauve, nous donne un léger sursis, nous absout. Et si la vie méritait tout de même d’être vécue ? Elle est un acte de foi, tangible, audible, vibrant qui n’a besoin d’aucune démonstration particulière. Elle touche les hommes et les femmes, indifféremment. Elle émeut. Elle cristallise. Elle enfante. Elle nous laisse même une chance de nous améliorer. Une telle voix nous lie pour l’éternité. Nous serons à jamais ses disciples enamourés et reconnaissants pour son art divinatoire. Avec Claudia, le cinéma était lumière, lustre et entrailles d’une Italie des légendes, notre pays-sœur, des rues sales aux palais de cristal, des mamas et des divas. Sa voix, c’était le soleil de Tunis, l’Afrique, la poussière, le vent, la sécheresse qui irrite la gorge, qui perturbe sa modulation de fréquence, la nostalgie des cités enfouies, des villes détruites, le berceau de la Méditerranée. Notre mère à tous. Sa voix était onde et mirage. Mais Claudia, c’était une peau, une enveloppe soyeuse, donc une âme en colère, un velours chocolaté, un mausolée où l’on entrevoyait l’amour et la haine, la pauvreté et l’espoir. Parmi les actrices italiennes, il y en eut des plus racées, des plus girondes, des plus cérébrales, des plus capricieuses, des plus frivoles. Nous les aimions toutes ; une seule comptait pourtant. Secrètement, nos incantations lui étaient destinées. Claudia était à part. Avec elle, nous ne nous mentions plus. Nous aurions eu trop honte. Nous lui accordions notre tendresse et notre jeunesse. Nous sommes ses éternels débiteurs. Nos rêves étaient pour elle. Nous la respections comme une mère et la vénérions comme une amante inaccessible. Vous me direz : et les films alors ? La filmographie ? Accessoire. Secondaire. Les dates ? Superflues. Les grands réalisateurs, les partenaires d’élite, les montées des marches, l’Histoire dans les dictionnaires, niente, loin derrière Claudia. Loin derrière son éclat, derrière sa féérie, tantôt paysanne, tantôt altière. Au-delà de l’actrice, de son talent et de son humilité, ce sont des images qui resteront. Oui, des vignettes qui composeront une longue tapisserie des temps heureux. Nous la rembobinerons quand la douleur ou la peur nous saisiront… Ce matin, je vois une fille qui porte une valise, sa jupe écossaise vole, ses sandales traînent sur un chemin de terre. Je vois une brune en robe de soirée, une tiare sur les cheveux, elle est l’origine du monde, Alain était beau comme un hussard cette nuit-là. Je la vois aux côtés de BB, un chemisier largement ouvert sur une gorge dorée. Et je suis un homme heureux. J’ai connu Claudia.


Claudia Cardinale avec Alain Delon en Italie pendant le tournage du « Guépard » de Luchino Visconti, 1961 (C) DALMAS/SIPA Numéro de photo : 00390905_000004

Reconnaissance de la Palestine: pari diplomatique ou suicide vertueux?

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New-York, 22 septembre 2025 © CHINE NOUVELLE/SIPA

L’autocritique permanente, loin d’apaiser, peut nourrir la propagande adverse. L’islamisme ne veut pas la repentance, il veut la victoire. Aussi, le progressisme sacrificiel des Occidentaux doit cesser, selon Charles Rojzman.


Le 22 septembre 2025, Emmanuel Macron, seul parmi les dirigeants européens ce jour-là, a annoncé à la tribune des Nations unies la reconnaissance officielle d’un État de Palestine. D’autres pays avaient déjà pris cette décision en amont (Norvège, Irlande, Espagne, Slovénie, Royaume-Uni, Portugal…), mais c’est la France qui, par la voix de son président, a voulu lui donner un retentissement mondial. Or ce geste fut posé sans conditions : ni désarmement du Hamas, ni garanties de sécurité pour Israël, ni libération des otages toujours détenus.

Ce choix, présenté comme un acte de paix, relève en réalité d’un calcul : apparaître comme le champion de l’équilibre au sein d’une ONU dominée par la majorité automatique des pays du Sud, tout en cherchant à répondre à la pression du bloc arabo-musulman. Mais il marque aussi une abdication : en reconnaissant la Palestine dans les conditions actuelles, la France entérine une victoire politique et symbolique du Hamas, et, à travers lui, légitime la montée en puissance d’un islamisme totalitaire.

Erreurs répétées

Israël n’est pas une périphérie dont l’Europe pourrait se détourner pour sauver son image morale. Il est le poste avancé d’un conflit qui concerne directement notre civilisation. En croyant protéger son prestige diplomatique, la France met en péril non seulement l’avenir d’Israël, mais le sien propre.

Il est des moments où les illusions d’une civilisation se révèlent pour ce qu’elles sont : un chemin vers sa propre disparition. L’attitude des élites européennes face à Israël, depuis le 7-Octobre et la riposte contre le Hamas, appartient à cette catégorie. Car il faut appeler les choses par leur nom : exiger un cessez-le-feu inconditionnel, c’est offrir une victoire politique et symbolique au Hamas ; et offrir une victoire au Hamas, c’est consacrer l’essor mondial de l’islamisme. Ce geste, présenté comme humanitaire, n’est rien d’autre qu’un suicide politique pour l’Europe.

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Israël n’est pas engagé dans une guerre périphérique dont l’Europe pourrait se tenir à distance ; il est le poste avancé d’un conflit qui nous concerne tous. Le Hamas n’est pas une simple organisation palestinienne : il est la figure régionale d’un totalitarisme global, l’islamisme, qui combine trois traits déjà connus du XXe siècle. Comme le fascisme, il exalte l’identité et désigne un ennemi absolu à exterminer. Comme le communisme, il promet une rédemption universelle, ici sous la forme de l’instauration d’un ordre divin libérant les peuples de la domination occidentale. Comme les deux, il séduit en empruntant le langage du Bien : dignité des opprimés, justice des humiliés, émancipation des colonisés. Mais il ajoute à ces traits un art redoutable, inédit à cette échelle : retourner contre ses adversaires les valeurs mêmes qui fondent leur civilisation. Les droits de l’homme, l’humanisme, la compassion pour les victimes deviennent l’arme idéologique d’une force qui veut abolir la liberté et la démocratie.

C’est ici qu’il faut être clair : ne pas accepter, dans les conditions actuelles, un cessez-le-feu sans la reddition du Hamas et la libération des otages restants, c’est effectivement continuer la guerre – avec ses destructions, ses victimes, ses horreurs. Mais c’est la loi du tragique : une guerre n’est jamais « propre ». Et pourtant, si comparaison il y a, cette guerre reste plus limitée, plus contrôlée, plus soucieuse de réduire les pertes civiles que la plupart des conflits du Moyen-Orient ou de l’Afrique, où les massacres sont de masse et les vies humaines comptent pour rien. Refuser la guerre, c’est condamner Israël à disparaître ; la poursuivre, c’est préserver au moins la possibilité de sa survie – et avec elle, celle d’un monde encore attaché à la liberté.

Nous avons déjà connu ce mécanisme. Dans les années 1930, l’Europe crut pouvoir désarmer Hitler en lui concédant des territoires ; elle refusa de croire que l’ennemi ne cherchait pas le compromis, mais l’anéantissement. Dans les années 1950, nombre d’intellectuels occidentaux se sont aveuglés sur le goulag au nom de l’espérance révolutionnaire. Aujourd’hui, le même aveuglement se rejoue : une partie de nos élites s’imagine qu’en freinant Israël, en lui imposant la morale humanitaire, on sauvera la paix, alors que l’on consacre en réalité la victoire d’une idéologie totalitaire.

Pourquoi cette répétition obstinée des erreurs ? Parce que l’Europe s’est enfermée dans une religion séculière de la culpabilité. Le christianisme avait inscrit au cœur de notre culture l’idée que le salut passe par l’aveu de la faute et la rédemption par le sacrifice. La modernité a sécularisé cet héritage : il ne s’agit plus de se confesser devant Dieu, mais de s’excuser devant l’humanité. Après 1945, la mémoire de la Shoah a accentué cette tendance en faisant de la reconnaissance de la faute le pivot de la conscience démocratique. Puis vint la décolonisation, et avec elle une nouvelle liturgie : celle du repentir colonial. L’Occident s’est redéfini comme coupable par essence, oppresseur congénital, sommé de s’excuser sans fin.

Ce mécanisme, transposé dans le présent, conduit à un résultat absurde : Israël, qui fut d’abord perçu comme la réparation ultime après Auschwitz, est désormais vu comme la réincarnation du colonisateur européen. La mémoire de la culpabilité européenne s’est projetée sur l’État juif, transformé en coupable de substitution. C’est lui, désormais, qui doit expier pour les crimes de l’Europe. D’où la facilité avec laquelle une partie des élites occidentales, et même juives, bascule dans la condamnation automatique d’Israël : elles rejouent la scène de l’aveu de faute qui leur donne le sentiment d’être du côté du Bien.

Postures

Ce réflexe n’est pas limité à l’Europe. On le retrouve au sein même d’Israël, dans une partie de sa gauche intellectuelle et politique. Depuis Oslo, beaucoup croient qu’en multipliant les gestes d’autocritique et les concessions, on désarmera la haine palestinienne. La diaspora juive, en particulier dans ses élites médiatiques, a prolongé cette disposition : Delphine Horvilleur, Anne Sinclair et d’autres ont fait de l’accusation de leur propre camp le moyen de se maintenir dans une posture morale irréprochable. Mais l’ennemi ne demande pas des excuses, il ne cherche pas un compromis : il exige la disparition. L’autocritique, loin d’apaiser, nourrit la propagande adverse.

Ainsi, de Paris à Tel-Aviv, une même logique sévit : celle du progressisme sacrificiel. Ce nouvel évangile laïc fusionne l’héritage chrétien du péché, la mémoire de la Shoah, la culpabilité coloniale et le manichéisme marxiste. Il en résulte une idéologie totalitaire d’un nouveau genre, qui divise le monde en dominants coupables et dominés innocents, et qui prescrit comme seule conduite légitime l’auto-dénigrement. Israël, condensé symbolique de l’Occident, est condamné à l’expiation : il ne peut être qu’agresseur, quelle que soit la réalité de l’agression qu’il subit.

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Cette religion séculière a cessé d’être un discours marginal : elle structure désormais nos institutions. À l’école, on enseigne davantage la mémoire des fautes que l’histoire des réussites ; à l’université, le paradigme décolonial s’impose comme dogme interprétatif ; dans la justice internationale, Israël est criminalisé avec une rapidité qui contraste avec l’impunité des régimes autoritaires ; dans la diplomatie européenne, la morale humanitaire se substitue à la défense des démocraties. Même les médias et la culture diffusent le récit sacrificiel : Israël comme puissance oppressive, les Palestiniens comme victimes absolues. La culpabilité est devenue norme officielle.

Les conséquences sont prévisibles. Si l’Europe persiste, elle connaîtra la désagrégation sociale, sous la pression de communautés qui ne partagent plus une identité commune. Elle connaîtra une guerre civile diffuse, faite d’émeutes, d’attentats, de zones de non-droit. Elle connaîtra l’effacement géopolitique, marginalisée par les puissances qui assument la dureté de l’histoire. Elle mourra de sa vertu, ou plutôt de sa fausse vertu : une morale qui se retourne en impuissance.

Mais un autre avenir est possible. Il suppose un retournement lucide. L’Europe doit comprendre que l’humanisme ne consiste pas à s’immoler, mais à se défendre. Elle doit retrouver une identité positive, au lieu de se définir uniquement par ses fautes. Elle doit réapprendre à nommer l’ennemi, à réhabiliter le politique contre la morale abstraite, à assumer une puissance qui protège ses valeurs. Israël, petit pays divisé mais qui tient debout face à une haine totale, peut servir de modèle : celui d’une démocratie qui résiste, non pas en dépit de ses principes, mais grâce à eux.

C’est pourquoi ce qui se joue à Gaza n’est pas seulement le destin d’un État lointain : c’est le miroir de notre propre destin. Si nous continuons à condamner Israël pour sauver notre bonne conscience, nous choisissons la désintégration. Si nous acceptons de voir en Israël non un coupable mais un avertissement, alors nous pouvons encore retrouver le sens de l’histoire. Car l’islamisme ne veut pas la repentance, il veut la victoire. Et Israël, en refusant le sacrifice, nous montre la voie du refus du suicide.

Question de vie et de More

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François Sureau © Hannah Assouline

François Sureau entame avec Les Enfants perdus un roman-feuilleton dont le héros, détective et poète, traverse le temps et l’espace. Dans ce premier épisode, Thomas More plonge dans le chaos de la défaite de Sedan.


On n’est pas sérieux quand on a 67 ans. Académicien, avocat, conseiller des princes à ses heures, auteur de grands livres – dont le magistral Or du temps, à la fois profond et joyeux –, François Sureau est un aventurier – de la vie, de la pensée, de la littérature. Avec Les Enfants perdus, premier épisode de ce qu’on pourrait appeler un roman-feuilleton policier, il retrouve ses allégresses d’adolescent lecteur de Conan Doyle, Dumas, Christie, Simenon.

Fantasque successeur de Maigret, Holmes, Poirot, évidemment fumeur de pipe comme eux (et comme l’auteur), Thomas More a sur ces illustres personnages l’avantage de la longévité. Ainsi peut-il arpenter toutes les périodes troublées de l’Histoire et citer Apollinaire avant qu’il ait écrit un seul vers. Dans les prochains épisodes, on le retrouvera à Salonique en 1913, en France en 1940 ou en Hongrie en 1989. Cependant, s’il confectionne de saisissants portraits d’époque, Sureau écrit pour traquer l’invariant, la permanence, l’immuable logés dans les coins et recoins de l’âme humaine. Thomas More traverse le temps et l’espace, débusquant partout et toujours la vieille histoire des hommes et de l’hommerie.

Nous voilà donc au bord de la Meuse en 1870. Il fait sombre et glacial, la boue charrie des cadavres et le vent, l’odeur de la mort, du désespoir et de la défaite. Gombrowicz se désolait que la littérature contemporaine manquât de pantalons et de téléphones, de concret en somme (Muray adorait ce passage). En quelques lignes, François Sureau transporte son lecteur avec les vaincus de Sedan, dépenaillés, affamés et gelés tandis que des chevaux ensauvagés s’entre-dévorent. Le chaos s’est emparé de la presqu’île d’Iges, sur la Meuse, où 80 000 soldats de l’Empire sont retenus prisonniers par les Bavarois, les contingents les plus cruels des armées emmenées par la Prusse.

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Dans ce cloaque à ciel ouvert où l’on verra passer un certain Jean Rimbaud de Charleville, surgit un personnage improbable et solaire, prisonnier comme les autres et pourtant infiniment libre. Ancien inspecteur de la sûreté impériale, connu pour son habileté à élucider les crimes les plus mystérieux, le commandant Thomas More va s’employer à rendre leur destin singulier à deux corps sans vie qui n’ont pas été déposés là par la guerre, mais par les entrelacs de la passion et du crime : une jeune carmélite pas très catholique et un capitaine de cuirassier venu de lointaines îles. Il sera question d’une femme éprise de liberté et d’un serial killer inconsolable, d’un scandale qui menace la cour du roi de Prusse Guillaume Ier, d’une fausse accusation de viol, de vengeance et de passion homosexuelle.

Si Sureau a donné à son détective-philosophe le nom de « l’humaniste anglais du xvie siècle », ainsi que le présentent les dictionnaires, ce n’est pas parce que celui-ci est mort en martyr de la foi catholique, mais parce qu’il refusait tout empiétement du pouvoir politique dans les affaires spirituelles. Loyal auxiliaire de la justice des hommes, son Thomas More conserve, comme son créateur, une forme de méfiance envers elle : juger, d’accord, puisqu’il le faut bien, mais sans jamais oublier qu’au bout du compte ce droit n’appartient qu’à Dieu. Aussi est-on pris d’un coupable soulagement quand More et Sureau laissent un criminel s’échapper.

Les Enfants perdus, François Sureau, Gallimard, 2025. 160 pages

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À paraître en février 2026 : Loin de Salonique

Macron a reconnu un État palestinien inexistant: la fracture et le tournant

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Le président français Emmanuel Macron fait un signe de pouce levé lors de la conférence sur la solution à deux États au Moyen-Orient, en amont du débat général à l’Assemblée générale de l’ONU, 22 septembre 2025 © Kay Nietfeld/DPA/SIPA

La reconnaissance de la Palestine ne consacre qu’une fiction


Le 22 septembre 2025, à la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies, Emmanuel Macron déclara que la France reconnaissait l’État de Palestine. L’Élysée voulut y voir un moment de vérité, une étape historique, une rupture avec l’inertie diplomatique. Mais derrière le faste de la proclamation se dévoile une contradiction essentielle : l’État reconnu n’existe pas. Par un acte de langage, la France tenta de substituer le récit au réel, d’imposer une fiction en lieu et place d’une réalité introuvable, provoquant une fracture où se croisent droit, mémoire, sécurité et cohérence diplomatique.

Ce geste ne s’éclaire qu’à travers le 7 octobre 2023, jour où le Hamas lança l’attaque la plus meurtrière de l’histoire d’Israël : plus de mille deux cents morts, des milliers de blessés, des familles entières anéanties. Le choc fit ressurgir la mémoire de la Shoah et l’angoisse existentielle d’un peuple de nouveau confronté à la menace de son anéantissement. En se dissimulant dans des tunnels creusés sous les habitations, le Hamas transforma la population de Gaza en boucliers humains, inscrivant dans la chair des civils le prix de sa stratégie.

Interactions

Dans ce contexte, Emmanuel Macron, assis aux côtés du prince Fayçal ben Farhane ben Abdallah Al Saoud, ministre saoudien des Affaires étrangères, puis aperçu en interaction avec l’émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al Thani, ainsi qu’avec Abou Mohammed al-Joulani, proclama l’existence d’un État palestinien, adoptant une lecture des événements proche de celle de ses interlocuteurs.

Or la reconnaissance d’un État ne peut relever d’un simple acte de volonté. Depuis la Convention de Montevideo de 1933, quatre critères sont requis : territoire défini, population permanente, gouvernement effectif et capacité de relation internationale. En 1948, Israël les remplissait : institutions représentatives, structures civiles et militaires, légitimité forgée par des décennies d’organisation collective.

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En 2025, la Palestine n’en remplit aucun. Gaza reste sous la domination du Hamas, organisation terroriste dont la charte proclame la destruction d’Israël ; la Cisjordanie demeure administrée par une Autorité palestinienne corrompue, divisée et privée de légitimité. Sans gouvernement effectif ni souveraineté réelle, la reconnaissance ne consacre qu’une fiction.

Et cette fiction porte en elle des effets pervers. Même affaibli, le Hamas peut s’ériger en vainqueur: sa stratégie de terreur semble avoir conduit à une reconnaissance internationale, nourrissant sa propagande. Un État proclamé mais inexistant risque de devenir un foyer de radicalisation, une « Mecque pour les antisémites », un drapeau pour l’islamisme transnational. L’histoire du djihadisme, de l’Afghanistan des talibans à Daech, atteste que la faiblesse institutionnelle peut devenir puissance idéologique. Créer un État sans réalité, c’est donner aux extrêmes une bannière sans contrôle, plus dangereuse encore qu’un territoire réel.

Libération des otages, cessez-le-feu, démilitarisation: des vœux pieux ?

Emmanuel Macron s’est illusionné sur les effets de la guerre et sur la solidité des accords d’Abraham, sans percevoir que les Émirats eux-mêmes envisageaient d’en réviser certains volets, révélant la duplicité de régimes tels que les Émirats, l’Égypte, le Bahreïn ou le Maroc. Ces pays ont multiplié les proclamations, mais les résultats sont restés superficiels : malgré l’octroi de la nationalité à des figures culturelles arabes, les Émirats n’ont produit aucun récit commun, aucun film ou série israélo-arabe. Les comportements antisémites observés lors des matchs de l’équipe du Maroc au Mondial du Qatar rappellent la fragilité persistante du terrain. Là où il fallait donner consistance et crédibilité à ces accords, Macron a laissé s’installer l’apparence.

La décision française rompt aussi avec une tradition diplomatique constante : depuis les résolutions 242 et 338, Paris liait la reconnaissance palestinienne à une négociation avec Israël, ce qui préservait son rôle de médiateur. En agissant unilatéralement, Macron a affaibli cette fonction. Les conditions énoncées — libération des otages, cessez-le-feu, démilitarisation — restent sans mécanismes d’application. Pour Israël, elles sonnent comme une pression illégitime ; pour les Palestiniens, comme une promesse illusoire. La France perd ici en crédibilité, apparaissant à la fois partiale et impuissante.

S’y ajoute une fracture mémorielle. Le 22 septembre 2025 coïncidait avec Roch Hachana, le Nouvel An hébraïque. Choisir ce jour pour proclamer l’existence palestinienne n’est pas anodin. Même sans intention explicite, le symbole fut ressenti comme une provocation : alors que le peuple juif célébrait le renouveau, on consacrait la légitimité d’un projet niant son existence. Ce geste a rouvert une blessure dans une histoire saturée de persécutions. La mémoire de la Shoah, des pogroms et du 7-Octobre ne saurait devenir simple variable diplomatique.

Affirmer qu’un État existe alors qu’il n’existe pas, c’est ériger une fiction politique. Mais la fiction ne fonde pas la paix : elle enferme dans l’illusion, nourrit les extrêmes et déforme le réel. La paix ne naîtra pas d’un décret ; elle suppose le démantèlement du Hamas, la construction d’institutions légitimes et la reprise de négociations sous garantie internationale.

Tant que ces conditions ne seront pas réunies, toute reconnaissance demeurera illusion diplomatique, fracture mémorielle et erreur stratégique. En voulant inscrire son nom dans l’histoire, Emmanuel Macron a reconnu un État inexistant, inaugurant une fracture dont les conséquences pèseront durablement sur la diplomatie française et sur l’avenir du Proche-Orient.