Au Japon, le très original parti ultraconservateur Sanseito a trouvé la recette du succès: se hisser sur l’échiquier politique en agitant le pion préféré de tous les populistes, la peur des étrangers.
On croyait le Japon figé dans son éternel consensus, insensible aux tumultes qui traversent l’Occident. Or, avec le Sanseitō, un parti encore marginal, l’archipel semble découvrir les vertus explosives du populisme identitaire. À ceux qui l’accusent de démagogie, le Sanseitō, fondé en 2000 par Sōhei Kamiya, oppose un constat brut : sans réaction, le Japon sera avalé par le mondialisme au prix de sa culture millénaire.
Cette montée du nationalisme s’explique. Le Parti libéral-démocrate (PLD), au pouvoir depuis des décennies, est pointé du doigt par les Japonais, excédés de voir leurs élus compromis dans divers scandales. Dans un pays qui doit également faire face au vieillissement démographique, les gouvernements successifs ont été contraints d’accepter l’arrivée de davantage de migrants afin de pallier la pénurie de main-d’œuvre.
Or, pour une société façonnée par l’idée d’unité ethnique et culturelle, cette relance de l’immigration a été ressentie comme une véritable déflagration. Le Japon a été dernièrement secoué par des manifestations, inédites dans leur virulence, accusant l’immigration, d’où qu’elle vienne, de tous les maux du Soleil-Levant.
Le Sanseitō ne cache pas sa peur du complot mondial, recrachée à chaque meeting sous forme de slogans délirants, ni le révisionnisme qui anime ses dirigeants à la rhétorique antisémite étonnante. Mais réduire ce parti à une secte d’extrémistes serait une erreur. Car derrière la caricature, il incarne un malaise réel : celui d’un peuple qui refuse de se transformer en satrapie de l’imperium universaliste. En donnant une voix aux colères silencieuses, le Sanseitō a envoyé 14 élus sur les bancs de la Diète lors de la dernière élection législative. Demain, qui sait si cette fissure ne deviendra pas un tsunami (géo-)politique qui pourrait bouleverser l’harmonie séculaire d’un pays qui entend préserver la pureté de ses traditions séculaires ?
Alessandro Bertoldi, directeur exécutif de l’Institut Milton Friedman à Rome, nous dit ce qu’il a vu en Israël et en Cisjordanie.
Je suis allé à Kerem Shalom, le poste de passage au sud de la bande de Gaza qui représente la principale porte d’entrée pour l’aide humanitaire et les marchandises destinées à ce territoire, aussi bien depuis Israël que depuis l’Égypte. C’est un endroit qui vibre d’activité et de tensions: des camions vont et viennent.
Hier, me dit-on, ce fut une journée intense: environ 7 000 Palestiniens ont quitté Gaza en une seule journée, pour des soins médicaux ou des raisons humanitaires. Depuis le début de la guerre, des centaines de milliers de personnes ont reçu une assistance hospitalière ou ont été évacuées à l’étranger grâce à Israël. Ce n’est pas rien, surtout si l’on considère les difficultés logistiques et le fait que de nombreux pays arabes, comme l’Égypte, hésitent à ouvrir leurs portes aux habitants de Gaza, craignant des infiltrations terroristes. Quiconque veut entrer ou sortir doit, à juste titre, passer d’abord par les stricts contrôles de sécurité israéliens. Le vrai défi, cependant, est de trouver un équilibre : faire entrer le plus d’aide possible sans baisser la garde, afin d’éviter que ne se répètent des tragédies comme celle du 7-Octobre.
80% de l’aide finit dans les mains du Hamas
Pour cela, comme auparavant, les camions (environ 300 par jour) passent sous des scanners qui vérifient l’absence d’armes ou de marchandises à usage militaire. J’ai vu de mes propres yeux à quel point Israël s’efforce de maintenir le flux d’aide. Mais une fois à l’intérieur de Gaza, la situation se complique. Même l’ONU a dû suspendre les distributions pour des problèmes logistiques et par crainte d’attaques lors du transport, qui ne peut avoir lieu dans les zones intérieures de la bande et à Gaza-Ville qu’avec le consentement du Hamas.
Le plus choquant ? Environ 80% de l’aide finit entre les mains du Hamas, qui la revend ou, pire encore, l’utilise pour faire pression sur la population et la pousser à soutenir ses actions. C’est une réalité rarement perceptible en lisant la presse occidentale, d’autant plus que les ONG elles-mêmes ne peuvent qu’accuser Israël si elles veulent continuer à opérer à Gaza.
Pourtant, dans le sud de Gaza, la réalité est visible de tous : après la frontière, des centaines de tonnes de nourriture sont entassées au soleil, que l’ONU et les ONG n’ont jamais prélevées ni distribuées. Seule la Gaza Humanitarian Foundation a réussi, avec beaucoup de difficultés et d’obstacles, à créer dans la bande de Gaza des points de distribution qui livrent directement les colis aux familles, sans intermédiaire, mais même ce système ne fonctionne qu’un jour sur deux.
Les destructions à Gaza sont visibles même à des kilomètres de distance, car ce sont précisément les bâtiments civils les plus hauts, utilisés par le Hamas pour lancer des missiles ou contrôler le territoire, qui ont été détruits lors des bombardements malheureusement nécessaires. Les victimes collatérales sont nombreuses, bien qu’au moins dix fois moins nombreuses que celles de la guerre en cours au Soudan, dont personne ne parle. Surtout, ce sont des victimes voulues par le Hamas, afin d’augmenter le bilan et, par conséquent, l’agressivité de la communauté internationale contre Israël : tandis que l’armée israélienne (IDF) invite les civils à quitter les bâtiments visés avant les bombardements, le Hamas agit en sens contraire, faisant croire qu’il s’agit d’une fausse alerte ou, dans les pires cas, en menaçant de mort ceux qui quitteraient leur logement. À Gaza, le Hamas a utilisé des écoles et des hôpitaux comme bases opérationnelles, creusé 600 km de tunnels jamais ouverts aux civils comme abris durant les bombardements — préférant utiliser ces mêmes civils comme boucliers humains —, transformé l’aide humanitaire en instrument de coercition et utilisé le nombre de victimes à des fins de propagande. Il aurait suffi d’ouvrir les tunnels pour sauver des dizaines de milliers de vies.
Coexistence pacifique inenvisageable
L’attaque du Hamas du 7-Octobre a laissé une marque profonde dans la société israélienne, surtout à cause de la brutalité avec laquelle elle a été menée. Les Israéliens, de toutes origines, sont convaincus qu’il n’est plus possible de négocier avec les terroristes. Au cours des deux dernières années, des dizaines de milliers de missiles lancés par le Hamas et ses supplétifs iraniens auraient pu détruire Israël, sans sa technologie et sa préparation militaire. C’est une situation qui rend impossible d’imaginer une coexistence pacifique et la fin de la guerre sans l’élimination du Hamas. De plus, les dirigeants du Hamas savent bien que s’ils acceptaient un accord et libéraient les otages, ils seraient éliminés ou perdraient rapidement toute influence. En effet, malgré de nombreuses tentatives d’accords — trois presque abouties —, à la dernière minute les jihadistes les ont toujours sabotées par des demandes inacceptables, comme l’ont confirmé les médiateurs qataris et américains.
Béthléem, un autre monde
De Kerem Shalom, je me suis rendu à Bethléem. Entrer dans cette ville, c’est comme plonger dans un autre monde. Il y a trente ans, lorsqu’Israël a quitté la zone, Bethléem était une ville à majorité chrétienne, avec 80% de la population appartenant à cette communauté. Aujourd’hui, les chrétiens ne représentent plus que 20%. La ville est calme, sous le contrôle de l’Autorité palestinienne, et l’on n’y respire pas l’air de protestation que l’on sent en Europe et auquel on pourrait s’attendre. Pas de manifestations contre Israël ou en faveur de Gaza, pas de paroles excessives et encore moins de banderoles. Ici, les gens semblent craindre le passé, désirer la normalité et redouter seulement le retour des groupes jihadistes. Beaucoup de Palestiniens de Bethléem ont vécu à la fois sous l’administration israélienne et sous la pression des groupes terroristes, et leur plus grande peur est que le chaos reprenne le dessus. Tant et si bien qu’ils disent ouvertement préférer la présence israélienne au retour des groupes radicaux. La ville semble rêver d’un avenir différent, peut-être comme une sorte de cité-État dotée d’une large autonomie, plutôt que d’adhérer à un véritable État palestinien national. Chaque coin de Cisjordanie a parfois des particularités très différentes : le pouvoir est fragmenté, souvent entre les mains de familles ou de groupes locaux qui, dans de nombreux cas, dialoguent avec Israël pour garantir la sécurité de tous, comme le fait presque toujours aussi l’AP et sa police. Les chrétiens luttent chaque jour pour préserver leur identité et aimeraient que la ville de la Nativité devienne une attraction pour les fidèles du monde entier.
Un chiffre m’a frappé : un demi-million de Palestiniens de Cisjordanie travaillent chaque jour en Israël. Ils savent bien que la coopération entre l’Autorité palestinienne et Israël est le seul moyen de contenir le risque de voir des mouvements jihadistes arriver au pouvoir. Parmi les deux millions d’Arabes israéliens, la majorité veut continuer à vivre en paix dans l’État hébreu, avec les mêmes droits que leurs concitoyens juifs. En effet, dans aucun des deux groupes il n’y a eu de manifestations significatives en faveur du Hamas ; en Israël comme à Ramallah, les Arabes savent bien que contre le Hamas il n’y a pas d’alternative à la guerre. Par ailleurs, dans le nord d’Israël vivent les Druzes, une communauté arabe non musulmane parfaitement intégrée. Beaucoup d’entre eux servent dans l’armée, certains même à des postes de commandement.
Après l’intervention terrestre, la fin de la guerre semble proche, et avec elle la possibilité d’une région plus stable à la suite de tous les changements intervenus ces deux dernières années, beaucoup grâce aux États-Unis et à Israël. La solution à deux États, cependant, paraît de plus en plus lointaine : ni l’Égypte ni la Jordanie ne veulent assumer la responsabilité de Gaza, de la Cisjordanie ou des réfugiés. Personne ne semble croire encore au mirage de « deux États pour deux peuples ».
Une autre idée se fait jour : la création d’émirats locaux palestiniens, confédérés ou non, dirigés par des leaders respectés, qui administreraient les territoires en paix et en coordination avec Israël, garantissant sécurité, respect et reconnaissance mutuelle. Un modèle proposé précisément par un leader palestinien, le cheikh d’Hébron. Une idée qui pourrait aussi séduire certains pays arabes, sans revenir à un modèle traditionnel d’État-nation que les Palestiniens eux-mêmes n’ont jamais voulu, afin de ne pas reconnaître Israël, et qui aujourd’hui semble n’exister que dans les têtes des dirigeants occidentaux.
Le drapeau palestinien est devenu l’objet d’innombrables récupérations, échappant aux militants sincères qui rêvent d’un peuple palestinien vivant enfin en paix aux côtés d’Israël.
Il est brandi partout, dans les manifestations politiques, culturelles et sportives ; il se dresse au fronton de bâtiments officiels et pend aux fenêtres des appartements ; il est collé sur les mâts des réverbères, les sièges des transports publics et les vitrines des commerces ; il flotte sur les embarcations de fortune de Greta Thunberg, de Rima Hassan et de… Thomas Guénolé. Par-delà le soutien aux habitants de Gaza, le drapeau palestinien revête une autre signification qui devrait en tout cas nous questionner.
Signifié et signifiant
Bien sûr, nul ne devrait jamais souiller, piétiner, brûler un drapeau national, régional ou même clanique dès qu’un homme s’émeut, s’agenouille, se prosterne devant lui. L’étendard palestinien, rappelant par sa quadrichromie panarabe les héritages abasside, fatimide, omeyyade et hachémite, ne fait évidemment pas exception à la règle. Cette précaution, indispensable en ces temps de grande sensiblerie et d’encore plus grande victimisation, ne doit pas nous empêcher de comprendre le signifié derrière le signifiant lorsqu’il est affiché dans les villes européennes.
Comme avant lui le drapeau soviétique frappé du marteau et de la faucille ou la photo iconique de Che Guevara, désormais rangés dans le placard des militants de gauche, et cohabitant dans un étrange paradoxe avec le drapeau LGBT(QIA+++), il est alors le pavillon des faux rebelles en keffieh qui pensent résister contre un prétendu génocide, mais qui feignent de ne pas comprendre que le vrai courage serait d’arborer le drapeau israélien, ou le ruban jaune, dans certains quartiers de Londres, à Molenbeek, ou dans un meeting de la gauche hassano-mélenchoniste.
Bonne conscience
Il est la bannière des islamistes qui entendent imposer la charia dans les quartiers et celui de leurs idiots utiles, issus des rangs de la gauche et de son extrême ; il est l’emblème des antisémites qui se drapent dans l’antisionisme sans être capables de le définir et, en manifestation, il forme une marée qui accompagne les slogans parmi les plus infâmes de l’époque : « From the river to the sea »… ; il est le vêtement qui habille les bourgeois tiers-mondistes d’une bonne conscience en leur permettant, pour paraphraser Rousseau, de ne pas avoir à se soucier des problèmes de leur voisin qui peine à boucler ses fins de mois ; il est l’étendard des ambitions présidentielles d’un ancien Premier ministre français atrabilaire croyant pouvoir rejouer son moment de gloire à l’ONU.
Pour toutes ces raisons, le drapeau palestinien est le signe de ralliement facile de toutes les causes qui entendent culpabiliser l’Occidental et détruire sa culture millénaire pour la remplacer par une islamisation teintée de nihilisme ; il est le signe de notre effacement au profit d’un nouveau monde dont nous, Européens de civilisation, n’aurions qu’à disparaître ; en un mot comme en cent, il est la bannière des islamo-gauchistes.
«Le temps est venu». Le 22 septembre 2025 à New York, par la voix d’Emmanuel Macron, la France a reconnu l’existence de l’État de Palestine. La France pourra «décider d’établir une ambassade auprès de l’État de Palestine, dès lors que tous les otages détenus à Gaza auront été libérés, et qu’un cessez-le-feu aura été établi», a-t-il ajouté. « J’attends aussi de nos partenaires arabes et musulmans qui ne l’ont pas encore fait, qu’ils tiennent leurs engagements de reconnaître l’État d’Israël et d’avoir avec lui des relations normales » a-t-il également précisé. Les opposants au président français ont dénoncé une démarche diplomatique symbolique ne permettant en rien une paix à Gaza, ou, pire, une prime au terrorisme palestinien. L’avis d’Elisabeth Lévy.
C’est fait : la France a reconnu la Palestine. Beaucoup de bruit pour rien. Le discours d’Emmanuel Macron devant l’Assemblée générale des Nations Unies, hier, s’inscrivait dans une initiative franco-saoudienne prévoyant aussi la reconnaissance par Ryad d’Israël. Sauf que cette reconnaissance n’a pas eu lieu, et que MBS avait semble-t-il piscine. C’est donc de l’étalage de vertu diplomatique. Reconnaître la Palestine, ça ne mange pas de pain et ça vous rend populaire dans une grande partie du monde. Emmanuel Macron songerait-il au Secrétariat général de l’ONU ?
Blessure vive
Cependant, ce n’est pas non plus le blanc-seing au Hamas que beaucoup (dont votre servante) redoutaient et dénonçaient. Les premiers mots du président français ont été pour les 48 otages encore détenus à Gaza. Il a condamné sans ambiguïté le 7-Octobre et le Hamas. «La barbarie du Hamas et de ceux qui ont collaboré à ce massacre a stupéfait Israël et le monde. Le 7-Octobre est une blessure encore vive pour l’âme israélienne comme pour la conscience universelle.»
Est-ce à dire que finalement je l’approuve ? Non, mais peut-être a-t-il moins péché par cynisme que par angélisme et légèreté. Comme tous les partisans de la solution à deux Etats, peut-être y croit-il vraiment encore. Un territoire, deux États, c’est évident sur le papier ; mais ça n’arrivera pas, en tout cas pas avant une génération. Le 7-Octobre est irréparable. Pour nombre d’Israéliens, l’assassinat et la torture de kibboutzniks épris de paix prouvent que c’est nous ou eux, et que s’ils ont un État demain les Palestiniens recommenceront. Et tous les islamo-gauchistes occidentaux qui veulent libérer la Palestine « de la mer au Jourdain » leur donnent raison. De plus, en Israël aussi, l’extrémisme religieux a prospéré sur le désastre.
Polémique autour des drapeaux palestiniens sur quelques mairies françaises
Cependant, j’ai changé d’avis sur les drapeaux. Le président de la République reconnait la Palestine à New York, et le ministre de l’Intérieur interdit les drapeaux palestiniens en France. Sans faire une thèse de droit, il y avait quelque chose d’incompréhensible. Retailleau voulait peut-être prendre position sur la question, sans s’opposer frontalement au président – mais au-delà de quelques petites sanctions judiciaires, il n’a pas vraiment le pouvoir d’interdire. Personne n’avait râlé pour les drapeaux ukrainiens ou tibétains.
Dans la rue, le drapeau palestinien est souvent l’alibi de la violence, de la haine des juifs, de la police et de la France. Mais, je veux croire qu’au fronton des mairies, il traduit un vrai désir de paix. En particulier quand il est mis à côté du drapeau israélien. Certains maires pavoiseurs ont certainement des arrière-pensées dégoûtantes, mais on ne va pas faire la police des arrière-pensées. La liberté d’expression doit profiter à ceux avec qui on n’est pas d’accord.
Beaucoup de juifs sont évidemment heurtés par la décision d’Emmanuel Macron et inquiets du climat. Mais dire qu’ils vivent dans la peur est exagéré. Hier, ils ont fêté le Nouvel an et aujourd’hui comme chaque samedi, ils prieront pour la France et pour la République dans toutes les synagogues du pays.
Jusqu’au 3 novembre, tous les lundis à 21h au Théâtre de Poche Montparnasse, Jean Anouilh revit dans un spectacle imaginé et interprété par Gaspard Cuillé et Benjamin Romieux sur une mise en scène d’Emmanuel Gaury. Les souvenirs du dramaturge, succès et fours mémorables, histoires d’armée et rencontres pittoresques, sont un hymne aux planches.
Quelle leçon ! D’humilité, de fantaisie, de drôlerie et d’adoration du théâtre, de ses personnages et du jeu pour le jeu. Les hommes qui cessent de jouer sont le poison des sociétés modernes. Ils veulent tout régenter, tout expliquer, tout alourdir pour qu’advienne une pensée magique. Ils ont tué le théâtre à trop réfléchir à leur postérité embryonnaire. Ils ont muré tous les espaces de liberté. Leurs mots sont des entonnoirs. Ils ont une mentalité de sergent-instructeur. Seul le brouhaha de leurs idées a droit de cité. Le reste doit être abattu, combattu. Ils sont si peu sûrs de leur talent qu’ils crachent avant de parler. Et puis, il y a Anouilh, le réformé temporaire, le gamin de la Porte de la Chapelle, le bon élève de Chaptal, l’adorateur de Siegfried de Giraudoux, l’apprenti dramaturge lancé dans la vie parisienne à coups de triomphes juvéniles et de salles vides. Il aura tout connu. Les salles combles et les gadins magistraux. Les travaux alimentaires d’écriture et la promiscuité des plus grands, Jouvet, Fresnay ; l’héritage de Molière et de Dullin. L’Occupation et les bureaux des producteurs de cinéma. Les actrices sans filet et les soirs de générale. La chambre mansardée, une fine tranche de pâté de campagne le soir de la Saint-Sylvestre et les tournées internationales au champagne. Aujourd’hui, Anouilh, c’est du sérieux, du « validé » par l’enseignement, l’une de nos gloires nationales bien que certaines pièces conservent leur fumet d’insoumission. Pauvre Bitos ! Dans certains milieux autorisés, on se méfie d’Anouilh, on lui cherche des poux dans le texte, on aimerait bien qu’il clarifia sa position en son temps. De quel côté, de quel bord parlait-il ? Il est mort en 1987. Il était dans le camp du spectacle vivant et des mystères de Paris, messieurs les censeurs ! Cet été, dans un dossier, nous avons eu l’ambition de définir l’esprit français. Chacun apportant sa pierre à un édifice brinquebalant, chacun y allant de ses tocades. Je me souviens avoir évoqué Guitry, Audiard, Broca, Hardellet, mes classiques et j’ai omis Anouilh. Qu’il m’en soit pardonné ici.
La Compagnie du Colimaçon, alerte, enjouée, sans boursouflure, à l’économie vitale, comble en ce moment mon oubli au Théâtre de Poche. Elle a décidé de monter Souvenirs d’un jeune homme dans un habile dédoublement, ce ping-pong verbal léger à deux têtes est divertissant (ce n’est pas un crime). Sa modestie et son humilité n’ont rien d’un spectacle janséniste. Les deux comédiens présents sur scène incarnent Anouilh à tour de rôle et nous faufilent derrière le rideau. Sans gravité, avec malice et douce ironie, les géants des tréteaux s’animent. On revisite non pas la tarte tatin mais les années 30/40 avec l’œil d’un auteur plus que prometteur. Anouilh a publié à la Table Ronde ses souvenirs sous le titre La Vicomtesse d’Eristal n’a pas reçu son balai mécanique. La Compagnie s’appuie sur cette bible savoureuse, gorgée d’anecdotes et d’intelligence. Avant Antigone, avant Eurydice, Anouilh bachelier ayant quitté les bancs de l’université de droit débuta sa carrière en qualité d’employé des Grands magasins du Louvre au bureau des réclamations puis il se lança en tant qu’éphémère concepteur-rédacteur dans une maison de publicité. Il y fit alors la connaissance de Neveux, Grimault, Prévert et Aurenche. La pièce enchaîne des saynètes sublimes et dérisoires comme ce jour de gala sur une piste de danse. Jadis, Anouilh avait décroché le Premier prix de Charleston au Casino de Stella-Plage (Pas-de-Calais). Voilà ce qui fait le sel de cette pièce, sa mécanique endiablée, l’on passe d’une garnison de Thionville au bureau de l’amer Jouvet, de l’hôtel particulier de la Princesse Bibesco qui le reçoit « étendue sur une méridienne à col de cygne recouverte de satin blanc » à l’intérieur spartiate de Pitoëff « le seul homme de génie que j’ai rencontré au théâtre ». Petite souris, nous nous glissons dans le compagnonnage avec l’ami de toujours Barsacq « un vrai travail, artisanal et fraternel », nous succombons aux fous-rires de Suzanne Flon et aux débuts de Bruno Cremer et de Michel Bouquet. Paulette Pax (1886-1942) avait bien raison de dire : « Anouilh, le théâtre est une chose inouïe ! ».
Le président Macron fait le pari fort hasardeux de reconnaitre un État pour les Palestiniens avant d’exiger de leur part de refonder leur représentation politique. Grande analyse.
Le Nouvel An hébraïque, Roch Hachana, célébré du 21 au 23 septembre, inclut le 22 : date qu’Emmanuel Macron a choisie pour annoncer, à l’ONU, la reconnaissance de l’État de Palestine. Or, après le pogrom du 7 octobre 2023, la priorité aurait dû être le démantèlement du Hamas et des autres organisations islamistes. Une telle reconnaissance, purement verbale, n’apportera rien de concret sur le terrain ; elle risque au contraire de transformer cette entité en une “Mecque” mondiale de l’antisémitisme, livrée aux islamistes, tout en affaiblissant la diplomatie française.
Ce choix inscrit une date sombre dans l’Histoire. Il s’ajoute à une véritable guerre des mots, où l’on répète un récit tronqué perçu comme une blessure dans la mémoire collective juive. Victor Klemperer le soulignait déjà : « Les mots peuvent agir comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, et leur effet se fait sentir avec le temps. »
Le terme même de “Palestine” illustre cette mécanique. Imposé par l’empereur Hadrien au IIᵉ siècle pour effacer la Judée après la révolte de Bar Kokhba, il reprenait le nom des Philistins, ennemis des Hébreux. Rebaptiser une terre, c’était effacer une mémoire.
Bien plus tard, ce nom fut réactivé pour désigner le territoire placé sous mandat britannique, issu des accords de Sykes-Picot et de la conférence de San Remo. Cette conférence, en avril 1920, consacra le partage des restes de l’Empire ottoman : la Syrie et le Liban furent placés sous mandat français, tandis que la Palestine et l’Irak passèrent sous mandat britannique.
La Société des Nations entérina ces décisions en instituant trois mandats distincts : l’un pour la France sur la Syrie et le Liban, l’autre pour le Royaume-Uni sur la Palestine, et un troisième pour le Royaume-Uni sur l’Irak. Toutefois, le mandat britannique sur la Palestine comportait une clause particulière : les territoires situés à l’est du Jourdain furent exclus de l’application de la Déclaration Balfour. C’est cette disposition qui donna naissance à la Transjordanie, devenue la Jordanie actuelle, conçue dès l’origine comme le foyer arabe distinct du projet national juif prévu à l’ouest du fleuve.
Après l’expulsion de Fayçal de Damas par les troupes du général Gouraud en 1920, son frère Abdallah entra en Transjordanie avec l’appui des tribus du Hedjaz pour venger cette défaite. Les Britanniques reconnurent son autorité en 1921 sur les territoires situés à l’est du Jourdain. Or, dans le même temps, la Palestine mandataire à l’ouest connut, dans les années 1920 et 1930, des violences répétées.
En 1947, la résolution 181 de l’ONU proposa un partage entre un État juif et un État arabe. Israël accepta, les pays arabes refusèrent, et la guerre éclata. Dès lors, la revendication arabe changea de nature : non plus une demande de coexistence, mais une exigence exclusive, concevant l’État palestinien comme instrument contre Israël plutôt que comme partenaire.
Après la guerre de 1947-1948, les régions historiquement connues sous le nom de Judée et de Samarie furent rebaptisées “Cisjordanie”. Restées sous contrôle de la Légion arabe jordanienne, dirigée par des officiers britanniques comme Glubb Pacha, elles furent annexées par la Jordanie en 1950 à la suite de la conférence de Jéricho, au nom de « l’unité des deux rives ».
Cet arrière-plan historique a été totalement occulté dans les déclarations du président de la République. Or, avant de prendre une telle décision, il convient de rappeler que, depuis l’été, la France connaît une recrudescence d’actes antisémites, ainsi que des prises de position hostiles de la part de responsables politiques, en particulier à gauche.
La décision de la maire écologiste de Strasbourg, Mme Jeanne Barseghian, d’annuler le jumelage avec Ramat Gan, symbole du développement technologique israélien et de sa Silicon Valley, en est un exemple. De même, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a encouragé le pavoisement du drapeau palestinien sur des mairies françaises.
Ce drapeau, dont l’origine est trop souvent oubliée, fut proclamé par le chérif Hussein de La Mecque lors de la révolte arabe de 1916. Il revendiqua ensuite le titre de calife après l’abolition du califat par Mustafa Kemal Atatürk en 1924. Ses couleurs renvoient aux grandes dynasties de l’islam : le blanc pour les Omeyyades de Damas et de Cordoue, le noir pour les Abbassides de Bagdad, le vert pour les Fatimides du Caire et le rouge pour les Hachémites, descendants du Mahomet.
La situation territoriale actuelle illustre les limites du processus d’Oslo. L’Autorité palestinienne, issue des accords de 1993-1995, n’exerce son autorité que sur les zones A et B de Cisjordanie. La zone A, environ 18 % du territoire, est sous contrôle civil et sécuritaire palestinien ; la zone B, environ 22 %, sous administration civile palestinienne mais avec un contrôle sécuritaire conjoint. La zone C, près de 60 %, reste intégralement sous contrôle israélien.
Depuis le début des années 2000, les négociations de paix sont au point mort, et la division politique a renforcé l’impasse. Depuis 2007, la bande de Gaza échappe à l’Autorité palestinienne et demeure sous le contrôle du Hamas, accentuant la fracture entre Cisjordanie et Gaza.
La difficulté n’est pas seulement territoriale mais représentative. Qui parle au nom des Palestiniens ? Depuis près d’un siècle, les structures qui ont prétendu incarner leur voix se sont effondrées : le Haut Comité arabe d’Amin al-Husseini, compromis par ses liens avec le nazisme ; le Haut Conseil arabe, qui proclama en 1948 un « gouvernement de toute la Palestine » fantomatique ; enfin l’OLP, créée en 1964 par Nasser, instrumentalisée par les régimes arabes et vite dominée par Yasser Arafat.
Arafat incarna la duplicité politique. Aux Occidentaux, il se présentait comme partenaire de paix ; aux Arabes, comme chef de guerre ; aux Soviétiques, comme allié révolutionnaire ; aux monarchies du Golfe, comme bénéficiaire d’une rente indispensable. Il abrogea certains articles hostiles mais refusa de reconnaître l’histoire juive de Jérusalem. Il signa Oslo mais entretint les manuels glorifiant le terrorisme. Il parla de réconciliation mais s’appuya sur un appareil sécuritaire fondé sur la corruption et la violence. L’Autorité palestinienne, née de ces accords, devint une bureaucratie autoritaire, dépendante de l’aide internationale et minée par le népotisme.
Mahmoud Abbas, son successeur, verrouilla encore davantage le système. Il multiplia les propos antisémites, entretint un clientélisme paralysant et conserva les réflexes autoritaires. Le désenchantement grandit, ouvrant un espace immense aux islamistes. Hamas et Jihad islamique s’imposèrent à Gaza, nourris par l’échec des institutions. Leur victoire électorale en 2006 puis leur coup de force en 2007 illustrent la faillite de la représentation dite laïque. La corruption nourrit l’islamisme, et l’islamisme prospère sur la faillite du politique.
Reconnaître un État palestinien aujourd’hui, c’est entériner une illusion dangereuse. Trois scénarios sont plausibles : un État failli, rongé par la corruption et les luttes inter-palestiniennes ; un émirat islamique dirigé par le Hamas ou le Jihad islamique, institutionnalisant l’antisémitisme et menaçant Israël ; ou encore un État sous tutelle régionale, dépendant du Qatar, de la Turquie ou de l’Arabie saoudite. Dans tous les cas, il deviendrait un foyer idéologique de l’antisémitisme, catalyseur des haines anciennes et nouvelles.
La déclaration du chef de l’État en faveur d’un “État palestinien” plutôt qu’un “État binational” ne résiste pas à l’examen. Il ne revient pas à Paris, éloigné de la réalité du terrorisme, de décider à la place de ceux qui vivent ce conflit. Les résolutions 242 et 338, fondées sur le chapitre VI de la Charte de l’ONU, appellent à des négociations : la priorité doit être d’établir une représentation palestinienne crédible pour engager de véritables pourparlers.
Un État ne naît pas d’une proclamation, mais d’institutions légitimes, capables de gouverner sans corruption, de résister à l’islam politique et de s’affranchir des manipulations régionales. La paix ne se décrète pas ; elle suppose une culture politique nouvelle. Tant que l’éducation glorifiera la violence et que l’histoire juive sera niée, aucune paix ne sera possible. Tant que le langage officiel restera prisonnier de la haine, la société palestinienne restera prisonnière de la violence.
En annonçant cette reconnaissance, la France confond le mot et la réalité et sacrifie la vérité à une illusion diplomatique. La paix exige au contraire de refonder la représentation palestinienne, de limiter l’ingérence régionale et de conditionner l’aide internationale à de vraies réformes. Sans cela, reconnaître un État palestinien ne serait pas un pas vers l’avenir, mais une marche vers l’abîme.
Le festival du film de Toronto a réussi l’exploit de censurer un documentaire sur un héros israélien… parce que demander les droits d’auteur au Hamas, c’était apparemment plus important
La cinquantième édition du Festival du film de Toronto s’est déroulé du 4 au 14 septembre 2025. Devait y être projeté The Road Between Us : The Ultimate Rescue du cinéaste canadien Barry Avrich. Ce documentaire consacré au pogrom du 7-Octobre retrace l’histoire du général à la retraite Noam Tibon, membre du kibboutz Nahal Oz, qui le 7 octobre 2023 a secouru sa famille, ses deux petites-filles, ainsi que des survivants du massacre du festival Nova. Il a également porté secours à des soldats blessés. Tout le documentaire se concentre sur ce sauvetage de la famille durant l’attaque terroriste du Hamas.
Mais les organisateurs du festival ont décidé de déprogrammer la projection de ce documentaire. Pourquoi ? Le motif juridique est hallucinant : le réalisateur ne peut fournir les autorisations d’utilisation des vidéos diffusées par le Hamas. Ben oui ! N’est-ce pas l’organisation terroriste qui est détentrice des droits d’auteur de ces images ? C’est ballot de ne pas leur avoir demandé l’autorisation de diffuser. Et pourquoi pas leur verser des droits d’auteur, tant qu’à faire…
Certains mauvais esprits ont plutôt expliqué la reculade du festival par la trouille. Comme si c’était une habitude de nos invités du désert de sauter sur toutes les occasions pour créer des émeutes ! Comme s’ils n’étaient pas ouverts au débat contradictoire ! Comme s’ils soutenaient aveuglément la « cause palestinienne » ! Comme s’ils étaient des aficionados du Hamas ! Comme s’ils étaient antisémites !
Le général Tibon, quant à lui, qualifie d’« absurde et démente » l’exigence d’autorisation d’utilisation des images de terroristes. Il y voit « une nouvelle atteinte aux victimes de cette journée terrible ».
Des batailles rangées entre la police et des hooligans, venus détourner une manifestation pacifique contre l’immigration, ont marqué le début de la campagne électorale aux Pays-Bas.
Samedi 20 septembre, sous une pluie battante à La Haye, une influenceuse de droite se présentant sous le pseudonyme de Els Rechts (= « de droite ») implorait « le peuple » de ne surtout pas voter pour la gauche aux élections législatives anticipées du 29 octobre. Si, par malheur, son appel n’était pas entendu, affirmait-elle, les demandeurs d’asile et autres migrants finiraient par « grand-remplacer » les Néerlandais.
La militante Els Rechts (vidéo en hollandais)
Un refrain entonné pour la énième fois par cette jeune femme qui a acquis une certaine notoriété sur les réseaux sociaux de droite, où elle chante les louanges du leader anti-immigration Geert Wilders. Celui-ci avait cependant décliné son invitation à s’adresser à la foule, tout comme Thierry Baudet, autre figure de la droite dure néerlandaise.
On ne porte pas le même maillot mais…
Avaient-ils pressenti que ce rassemblement modeste, sur le « Champ-de-Mars » de La Haye, finirait dans la violence et les pleurs d’une Els débordée ? Cette réunion, en apparence anodine, a pourtant attiré, comme l’a constaté la police, un millier d’individus, tous vêtus de noir, qui restaient à l’écart de l’estrade, ignoraient les discours, narguaient les forces de l’ordre et semblaient surtout célébrer leurs retrouvailles. La plupart, selon la police, faisaient partie des noyaux durs de supporters de football venus de tout le pays. Comme quoi la lutte contre l’immigration a le pouvoir de fraterniser des rivaux jurés…
Une fois finies les embrassades, les hooligans ont pris d’assaut l’autoroute longeant le site de la manifestation, bloquant la circulation et attaquant les policiers venus les déloger. Si ces scènes de violence peuvent à peine surprendre des Français habitués aux agissements des black blocs, elles ont choqué les Néerlandais, peu accoutumés à de tels spectacles.
Chassés de l’autoroute, les jeunes hommes en noir ont manqué de lyncher des policiers en sous-nombre, ont incendié deux voitures de police, malmené des journalistes et photographes et ignoré les appels au calme d’Els Rechts. Sur l’estrade, elle s’était drapée dans un drapeau orné des portraits de deux de ses idoles assassinées : Pim Fortuyn et Charlie Kirk.
Selon certains des émeutiers ayant accepté de répondre aux reporters, la haine de l’immigration non blanche n’était pas leur seule motivation. La colère contre le « dénigrement de notre passé colonial » figurait également parmi leurs griefs. Plusieurs brandissaient ainsi des « drapeaux du prince », ancien drapeau du pays datant de la guerre d’indépendance contre l’Espagne (1568-1648), bannière récupérée par le parti collaborationniste NSB pendant l’Occupation nazie des Pays-Bas.
Saluts fascistes
Certains adeptes du white power, comme l’attestaient les slogans sur leurs T-shirts, ont provoqué les passants avec le salut fasciste, avant de tenter de prendre d’assaut les bâtiments du Parlement tout proche — tentative que la police anti-émeutes a heureusement pu déjouer de justesse. En chemin, des hooligans ont brisé les vitres d’un immeuble abritant un parti politique jugé trop favorable à l’immigration et ont tenté de l’incendier en lançant un conteneur en flammes contre sa porte d’entrée.
Leurs actions étaient souvent rythmées par un même slogan : « AZC weg ermee ! » — AZC étant l’acronyme d’Asiel Zoekers Centrum (centres de demandeurs d’asile) et weg ermee signifiant « dehors ! ».
La colère d’une partie de la population hollandaise se concentre aujourd’hui sur ces AZC, d’autant plus après le meurtre, fin août, de Lisa, 17 ans, attaquée alors qu’elle rentrait seule à vélo dans son village d’Abcoude après une soirée à Amsterdam. Elle avait eu le temps d’appeler la police, mais celle-ci est arrivée trop tard. Le pays entier a été bouleversé par le destin de cette lycéenne fraîchement diplômée du bac, sportive et passionnée de l’Ajax, qu’elle suivait régulièrement au stade lors des matchs à domicile avec ses parents. Quelques jours après sa mort, une minute de silence bouleversante lui avait été dédiée à la Johan Cruijff Arena.
Un suspect a rapidement été arrêté dans l’AZC voisin : un Africain de 22 ans récemment arrivé aux Pays-Bas, également accusé de deux agressions sexuelles à Amsterdam. Est-il Nigérian ou Érythréen ? Pouvait-il aller et venir dans l’AZC à sa guise et à toute heure ? Est-il vrai que les femmes y vivent dans une peur constante de violences sexuelles et que de jeunes résidents s’adonnent à toutes sortes de trafics ? Le journal amstellodamois Het Parool l’affirme. La police, redoutant une émeute à l’anglaise contre ce centre qui héberge quelque 800 personnes, communique le moins possible en attendant le procès, prévu en novembre.
Récupération politique
Le politicien Geert Wilders a réagi à la tragédie de Lisa en exigeant la fermeture des quelque trois cents AZC du pays, ce qui lui a valu les reproches de la gauche, l’accusant d’exploiter le drame à des fins électorales. « L’insécurité des femmes est un problème d’hommes, qu’ils soient étrangers ou néerlandais », affirment certains commentateurs progressistes. Un avis contesté par une chroniqueuse du très wokeNRC, rappelant que les demandeurs d’asile masculins sont bel et bien surreprésentés dans les statistiques de criminalité, notamment sexuelle.
Le sort de Lisa avait déjà conduit, à la veille des émeutes de La Haye, des centaines d’habitants de Doetinchem, près de la frontière allemande, à prendre d’assaut la mairie où devait être décidé l’ouverture d’un nouvel AZC. Partout dans le pays, ces centres sont désormais considérés comme des foyers potentiels de violeurs et de meurtriers.
Dans cette campagne électorale, débutée dans la violence, la droite (libérale ou dure) ne manquera pas d’accuser le leader de gauche Frans Timmermans de « mollesse » sur l’immigration. Son parti est pour l’instant deuxième dans les sondages, derrière celui de Geert Wilders, lequel avait, en juin dernier, sabordé « sa » coalition gouvernementale sous prétexte qu’elle ne suivait pas ses consignes pour durcir davantage la politique d’immigration1… Ses « discours de haine » ont-ils contribué aux émeutes de La Haye ? M. Timmermans et d’autres responsables de gauche en sont convaincus.
Le 3 juin 2025, le Premier ministre Dick Schoof a présenté la démission de son gouvernement, après que le Parti pour la liberté de M. Wilders a décidé de se retirer de la coalition NDLR. ↩︎
Guerre culturelle: et si le vent était en train de tourner? Dans la bataille, notre chroniqueur n’a aucun problème à mettre mélenchonistes et macronistes dans le même panier…
La gauche robespierriste a ressorti la guillotine. Elle a été installée place de la République, le 18 septembre, par des nostalgiques de la Terreur. Sur la maquette de trois mètres de haut, il était écrit : « Bolloré, Arnault, Stérin : couic ! » ; ou encore : « Si t’es écolo, plante un facho ! ». De l’humour, ont relativisé les médias complaisants.
Hystérie progressiste
Sans doute. Il n’empêche que le goût du sang imprègne de plus en plus le « progressisme », à mesure qu’il enrage face au réveil national de la France naguère silencieuse. Cette intolérance des vendeurs de vertu fait craindre de leur part un retour à la violence physique. L’assassinat de l’influenceur Charlie Kirk, à qui un hommage national a été rendu hier en Arizona en présence de Donald Trump, a été mis sur le compte de son conservatisme, y compris par des figures du macronisme. La pensée mondaine ne supporte pas non plus les succès de CNews. En l’accusant d’être « une chaîne d’extrême droite » (Le Monde, 18 septembre), Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, a placé les journalistes de CNews en situation d’insécurité. L’hystérie gagne les mélenchonistes et les macronistes. Ils sont unis dans la même détestation de ceux qui n’entendent plus se soumettre à la tyrannie des universalistes anti-français d’extrême gauche et des mondialistes post-nationaux du bloc central. Une même dérive totalitaire unit ces deux courants politiques. Ils hurlent à l’unisson contre l’extrême droite et le fascisme, comme aux belles heures du stalinisme et de ses incapacités à admettre la contradiction.
Tous les mécanismes de la désinformation et de l’inversion accusatoire ont été réactivés par la gauche. Des journalistes militants, notamment au Monde, ont cherché à falsifier le profil du tueur de Kirk afin de gommer son fascisme « antifasciste ». D’autres dénonciateurs de « fake-news » se sont employés à tordre des propos de la victime pour la faire passer pour un danger nazi ; hier soir, son épouse a « pardonné » au meurtrier au nom du Christ. Le succès de la pétition de Philippe de Villiers contre l’immigration est laborieusement mis en doute. Le service public de l’audiovisuel, ébranlé par les révélations de L’Incorrect sur les compromissions politiques de deux de ses éditorialistes, est venu en renfort avec sa force propagandiste.
Indésirables
Ernotte a aussi déclaré l’autre jour, parlant de France TV : « Nous n’avons pas de problème de pluralisme ». Le comité de la Pravda (« La Vérité », en russe) devait asséner de semblables énormités ! Déjà, en novembre 2022, une campagne de promotion de 14 chevaliers blancs de l’audiovisuel public assurait sans rire : « Info ou intox : on vous aide à faire le tri ».
En 50 ans de journalisme, je n’ai jamais été convié à France Inter. Je ne suis pas le seul indésirable sur ce « service public » qui viole son devoir de neutralité.
Ce lundi, mélenchonistes et macronistes se féliciteront de la décision du chef de l’État de reconnaître, à l’ONU, un État palestinien, alors que le Hamas est toujours en place avec 48 otages. Cette victoire islamiste, parrainée par la gauche perdue, annonce d’autres terreurs.
Drôle de timing. Le président Macron s’apprête à reconnaitre un État palestinien à l’ONU, à un moment des plus controversés (le Hamas n’est pas démantelé, détient toujours 48 otages à Gaza, et 47% des citoyens français désapprouvent cette décision, selon un sondage Elabe). Un « pari risqué » pour parvenir à la paix, selon la plupart des journaux imprimés ce matin. Dans une sorte de fuite en avant, M. Netanyahou envisagerait de fermer le consulat français de Jérusalem, voire d’annexer une partie de la Cisjordanie… Dans son texte, notre contributeur rappelle que le Hamas incarne un islamisme totalitaire similaire aux autres mouvements djihadistes, mais que l’Occident peut parfois le relativiser voire le valoriser (notamment à l’extrême gauche) au nom de l’antisionisme, révélant une incohérence morale et une mémoire historique biaisée.
Il est des situations où le bon sens devrait s’imposer sans difficulté, tant les faits semblent clairs, tant l’expérience accumulée nous fournit de précédents. Pourtant, dans le cas du Hamas, nous observons une étrange suspension du jugement. Tout le monde sait qu’il s’agit d’un mouvement islamiste, comparable dans ses fondements idéologiques et ses méthodes aux organisations les plus sinistres de notre temps : Al-Qaïda, Daesh, Boko Haram. Tout le monde sait qu’il recourt à la terreur et à la cruauté comme stratégie politique. Et tout le monde a pu constater, le 7 octobre 2023, l’ampleur de la barbarie dont il est capable.
Mais au lieu d’une condamnation univoque, comme ce fut le cas pour Daesh en Syrie ou en Irak, un discours parallèle s’installe : celui qui présente le Hamas comme un mouvement de résistance légitime, au motif qu’il s’oppose à Israël. Voilà le paradoxe : ce que nous combattons avec acharnement en d’autres lieux se voit excusé, relativisé, voire valorisé, dès lors que l’État juif est en jeu.
Il faut interroger cette exception. Elle n’est pas un accident de perception, mais le symptôme d’une logique profonde : celle d’une incompréhension radicale, révélatrice de notre rapport troublé à l’histoire, à la mémoire et au politique.
Le Hamas : un islamisme parmi d’autres
Le Hamas n’est pas un phénomène singulier dans le monde musulman contemporain. Il appartient à la vaste famille de l’islamisme radical née au XXᵉ siècle, de la matrice des Frères musulmans égyptiens jusqu’aux organisations terroristes transnationales. On y retrouve la même vision : l’instauration d’un ordre religieux total, la négation des libertés individuelles, l’usage de la violence comme instrument légitime.
De ce point de vue, le Hamas se situe dans la continuité directe d’Al-Qaïda ou de Daesh. Les moyens changent, les terrains diffèrent, mais le projet reste identique : gouverner par la terreur et par l’embrigadement idéologique.
Lorsque ces mouvements frappent en Occident, personne ne se méprend. Après les attentats du 11 septembre, après le Bataclan, après Nice, les condamnations furent unanimes. Mais lorsque le Hamas massacre, torture, enlève, les mêmes actes sont réinterprétés sous l’angle de la « résistance ». Comme si l’hostilité à Israël suffisait à effacer la parenté idéologique avec les autres branches de l’islamisme global.
L’exception palestinienne : un révélateur
C’est cette exception qui mérite examen. Pourquoi ce que nous appelons terrorisme à Paris ou à New York devient-il résistance à Gaza ? Pourquoi l’acte le plus barbare peut-il changer de nature en fonction de sa cible ?
La réponse tient à une donnée plus large : la persistance d’une singularité juive dans l’imaginaire occidental. L’État d’Israël n’est pas un État comme un autre dans les consciences. Il concentre, de manière souvent inconsciente, des siècles de représentations liées au destin juif. Le Palestinien devient le « bon opprimé » parce qu’il s’oppose au « mauvais survivant », accusé de trahir son propre passé en exerçant la force.
L’antisionisme radical fonctionne ici comme le relais d’un antisémitisme qui ne peut plus dire son nom, mais qui trouve dans l’exception faite au Hamas une expression indirecte. Ce n’est pas par ignorance que l’on absout un mouvement islamiste : c’est par une logique profonde d’exclusion symbolique.
Les ruines de Gaza et la mémoire sélective
Les images de Gaza détruite suscitent une émotion légitime. Mais leur traitement médiatique révèle une mémoire sélective. Qui se souvient des ruines de Mossoul et de Raqqa, où les armées de la coalition ont éradiqué Daesh ? Qui rappelle les villes allemandes rasées durant la Seconde Guerre mondiale – Dresde, Hambourg, Berlin – ou les cités japonaises détruites avant même Hiroshima et Nagasaki ?
Dans tous ces cas, la logique militaire a conduit à la destruction massive de zones urbaines. Mais seul Gaza est présenté comme la scène d’un crime inédit, comme l’illustration d’un génocide en cours.
Or les faits contredisent cette accusation. Si Israël avait voulu anéantir Gaza, il en avait les moyens en quarante-huit heures. Les deux millions d’habitants de l’enclave seraient morts. Le simple constat de leur survie invalide la thèse génocidaire. Pourtant, ce mot s’impose, précisément parce qu’il inverse les rôles : il permet d’accuser Israël avec les termes mêmes qui ont servi à désigner l’extermination des Juifs. C’est une revanche symbolique, une manipulation de la mémoire.
La stratégie de la victimisation
Le Hamas, lui, a parfaitement compris la logique médiatique de notre temps. Son objectif n’est pas de protéger sa population, mais de la sacrifier. En se dissimulant parmi les civils, en installant ses infrastructures militaires sous les écoles et les hôpitaux, il fabrique délibérément les conditions de la tragédie. Chaque enfant tué devient une arme de propagande. Chaque image de ruine est une victoire politique.
L’opinion publique occidentale, saturée d’images, se laisse prendre à ce piège. Elle inverse la causalité : ce ne sont plus les islamistes qui causent la mort de leurs propres enfants, mais l’armée israélienne qui les ciblerait volontairement. On entre alors dans un univers de mythes, où la compassion pour la victime l’emporte sur toute analyse des responsabilités.
L’ONU et la légitimité ambiguë
C’est dans ce contexte qu’intervient la reconnaissance de l’État palestinien à l’ONU par certains pays européens, suivis par la France. En soi, l’idée d’un État palestinien n’a rien d’illégitime : elle correspond à la solution des deux États envisagée depuis des décennies.
Mais la situation concrète est tout autre. Le Hamas domine Gaza, il influence profondément l’opinion palestinienne, et il pourrait à nouveau remporter des élections libres. Reconnaître l’État palestinien aujourd’hui, c’est donc conférer indirectement une légitimité à un mouvement que nous qualifions ailleurs de terroriste. C’est vouloir la paix tout en consacrant comme interlocuteur un acteur qui nie jusqu’au droit d’exister de l’État voisin.
Le symptôme d’une crise occidentale
L’« incompréhension radicale » n’est pas un simple aveuglement. Elle révèle une crise plus profonde de nos sociétés. Nous avons perdu la capacité d’appliquer des principes universels sans exception. Nous nous laissons guider par l’image immédiate, par la compassion sélective, par la mauvaise conscience historique.
En refusant de voir dans le Hamas ce qu’il est – un islamisme parmi d’autres – nous trahissons nos propres critères. Nous croyons défendre une cause humanitaire, mais nous légitimons un projet totalitaire. Nous croyons œuvrer pour la paix, mais nous alimentons la guerre.
Il y a là un diagnostic sur notre époque : l’impossibilité d’assumer la singularité d’Israël et, à travers elle, la singularité du destin juif. C’est cette impossibilité qui fait de nous des contemporains aveugles, prisonniers d’une mémoire retournée contre elle-même. L’exception que nous accordons au Hamas nous condamne : elle est le miroir de notre incapacité à penser clairement, donc à agir efficacement, face au retour de la barbarie islamiste.
Au Japon, le très original parti ultraconservateur Sanseito a trouvé la recette du succès: se hisser sur l’échiquier politique en agitant le pion préféré de tous les populistes, la peur des étrangers.
On croyait le Japon figé dans son éternel consensus, insensible aux tumultes qui traversent l’Occident. Or, avec le Sanseitō, un parti encore marginal, l’archipel semble découvrir les vertus explosives du populisme identitaire. À ceux qui l’accusent de démagogie, le Sanseitō, fondé en 2000 par Sōhei Kamiya, oppose un constat brut : sans réaction, le Japon sera avalé par le mondialisme au prix de sa culture millénaire.
Cette montée du nationalisme s’explique. Le Parti libéral-démocrate (PLD), au pouvoir depuis des décennies, est pointé du doigt par les Japonais, excédés de voir leurs élus compromis dans divers scandales. Dans un pays qui doit également faire face au vieillissement démographique, les gouvernements successifs ont été contraints d’accepter l’arrivée de davantage de migrants afin de pallier la pénurie de main-d’œuvre.
Or, pour une société façonnée par l’idée d’unité ethnique et culturelle, cette relance de l’immigration a été ressentie comme une véritable déflagration. Le Japon a été dernièrement secoué par des manifestations, inédites dans leur virulence, accusant l’immigration, d’où qu’elle vienne, de tous les maux du Soleil-Levant.
Le Sanseitō ne cache pas sa peur du complot mondial, recrachée à chaque meeting sous forme de slogans délirants, ni le révisionnisme qui anime ses dirigeants à la rhétorique antisémite étonnante. Mais réduire ce parti à une secte d’extrémistes serait une erreur. Car derrière la caricature, il incarne un malaise réel : celui d’un peuple qui refuse de se transformer en satrapie de l’imperium universaliste. En donnant une voix aux colères silencieuses, le Sanseitō a envoyé 14 élus sur les bancs de la Diète lors de la dernière élection législative. Demain, qui sait si cette fissure ne deviendra pas un tsunami (géo-)politique qui pourrait bouleverser l’harmonie séculaire d’un pays qui entend préserver la pureté de ses traditions séculaires ?
Alessandro Bertoldi, directeur exécutif de l’Institut Milton Friedman à Rome, nous dit ce qu’il a vu en Israël et en Cisjordanie.
Je suis allé à Kerem Shalom, le poste de passage au sud de la bande de Gaza qui représente la principale porte d’entrée pour l’aide humanitaire et les marchandises destinées à ce territoire, aussi bien depuis Israël que depuis l’Égypte. C’est un endroit qui vibre d’activité et de tensions: des camions vont et viennent.
Hier, me dit-on, ce fut une journée intense: environ 7 000 Palestiniens ont quitté Gaza en une seule journée, pour des soins médicaux ou des raisons humanitaires. Depuis le début de la guerre, des centaines de milliers de personnes ont reçu une assistance hospitalière ou ont été évacuées à l’étranger grâce à Israël. Ce n’est pas rien, surtout si l’on considère les difficultés logistiques et le fait que de nombreux pays arabes, comme l’Égypte, hésitent à ouvrir leurs portes aux habitants de Gaza, craignant des infiltrations terroristes. Quiconque veut entrer ou sortir doit, à juste titre, passer d’abord par les stricts contrôles de sécurité israéliens. Le vrai défi, cependant, est de trouver un équilibre : faire entrer le plus d’aide possible sans baisser la garde, afin d’éviter que ne se répètent des tragédies comme celle du 7-Octobre.
80% de l’aide finit dans les mains du Hamas
Pour cela, comme auparavant, les camions (environ 300 par jour) passent sous des scanners qui vérifient l’absence d’armes ou de marchandises à usage militaire. J’ai vu de mes propres yeux à quel point Israël s’efforce de maintenir le flux d’aide. Mais une fois à l’intérieur de Gaza, la situation se complique. Même l’ONU a dû suspendre les distributions pour des problèmes logistiques et par crainte d’attaques lors du transport, qui ne peut avoir lieu dans les zones intérieures de la bande et à Gaza-Ville qu’avec le consentement du Hamas.
Le plus choquant ? Environ 80% de l’aide finit entre les mains du Hamas, qui la revend ou, pire encore, l’utilise pour faire pression sur la population et la pousser à soutenir ses actions. C’est une réalité rarement perceptible en lisant la presse occidentale, d’autant plus que les ONG elles-mêmes ne peuvent qu’accuser Israël si elles veulent continuer à opérer à Gaza.
Pourtant, dans le sud de Gaza, la réalité est visible de tous : après la frontière, des centaines de tonnes de nourriture sont entassées au soleil, que l’ONU et les ONG n’ont jamais prélevées ni distribuées. Seule la Gaza Humanitarian Foundation a réussi, avec beaucoup de difficultés et d’obstacles, à créer dans la bande de Gaza des points de distribution qui livrent directement les colis aux familles, sans intermédiaire, mais même ce système ne fonctionne qu’un jour sur deux.
Les destructions à Gaza sont visibles même à des kilomètres de distance, car ce sont précisément les bâtiments civils les plus hauts, utilisés par le Hamas pour lancer des missiles ou contrôler le territoire, qui ont été détruits lors des bombardements malheureusement nécessaires. Les victimes collatérales sont nombreuses, bien qu’au moins dix fois moins nombreuses que celles de la guerre en cours au Soudan, dont personne ne parle. Surtout, ce sont des victimes voulues par le Hamas, afin d’augmenter le bilan et, par conséquent, l’agressivité de la communauté internationale contre Israël : tandis que l’armée israélienne (IDF) invite les civils à quitter les bâtiments visés avant les bombardements, le Hamas agit en sens contraire, faisant croire qu’il s’agit d’une fausse alerte ou, dans les pires cas, en menaçant de mort ceux qui quitteraient leur logement. À Gaza, le Hamas a utilisé des écoles et des hôpitaux comme bases opérationnelles, creusé 600 km de tunnels jamais ouverts aux civils comme abris durant les bombardements — préférant utiliser ces mêmes civils comme boucliers humains —, transformé l’aide humanitaire en instrument de coercition et utilisé le nombre de victimes à des fins de propagande. Il aurait suffi d’ouvrir les tunnels pour sauver des dizaines de milliers de vies.
Coexistence pacifique inenvisageable
L’attaque du Hamas du 7-Octobre a laissé une marque profonde dans la société israélienne, surtout à cause de la brutalité avec laquelle elle a été menée. Les Israéliens, de toutes origines, sont convaincus qu’il n’est plus possible de négocier avec les terroristes. Au cours des deux dernières années, des dizaines de milliers de missiles lancés par le Hamas et ses supplétifs iraniens auraient pu détruire Israël, sans sa technologie et sa préparation militaire. C’est une situation qui rend impossible d’imaginer une coexistence pacifique et la fin de la guerre sans l’élimination du Hamas. De plus, les dirigeants du Hamas savent bien que s’ils acceptaient un accord et libéraient les otages, ils seraient éliminés ou perdraient rapidement toute influence. En effet, malgré de nombreuses tentatives d’accords — trois presque abouties —, à la dernière minute les jihadistes les ont toujours sabotées par des demandes inacceptables, comme l’ont confirmé les médiateurs qataris et américains.
Béthléem, un autre monde
De Kerem Shalom, je me suis rendu à Bethléem. Entrer dans cette ville, c’est comme plonger dans un autre monde. Il y a trente ans, lorsqu’Israël a quitté la zone, Bethléem était une ville à majorité chrétienne, avec 80% de la population appartenant à cette communauté. Aujourd’hui, les chrétiens ne représentent plus que 20%. La ville est calme, sous le contrôle de l’Autorité palestinienne, et l’on n’y respire pas l’air de protestation que l’on sent en Europe et auquel on pourrait s’attendre. Pas de manifestations contre Israël ou en faveur de Gaza, pas de paroles excessives et encore moins de banderoles. Ici, les gens semblent craindre le passé, désirer la normalité et redouter seulement le retour des groupes jihadistes. Beaucoup de Palestiniens de Bethléem ont vécu à la fois sous l’administration israélienne et sous la pression des groupes terroristes, et leur plus grande peur est que le chaos reprenne le dessus. Tant et si bien qu’ils disent ouvertement préférer la présence israélienne au retour des groupes radicaux. La ville semble rêver d’un avenir différent, peut-être comme une sorte de cité-État dotée d’une large autonomie, plutôt que d’adhérer à un véritable État palestinien national. Chaque coin de Cisjordanie a parfois des particularités très différentes : le pouvoir est fragmenté, souvent entre les mains de familles ou de groupes locaux qui, dans de nombreux cas, dialoguent avec Israël pour garantir la sécurité de tous, comme le fait presque toujours aussi l’AP et sa police. Les chrétiens luttent chaque jour pour préserver leur identité et aimeraient que la ville de la Nativité devienne une attraction pour les fidèles du monde entier.
Un chiffre m’a frappé : un demi-million de Palestiniens de Cisjordanie travaillent chaque jour en Israël. Ils savent bien que la coopération entre l’Autorité palestinienne et Israël est le seul moyen de contenir le risque de voir des mouvements jihadistes arriver au pouvoir. Parmi les deux millions d’Arabes israéliens, la majorité veut continuer à vivre en paix dans l’État hébreu, avec les mêmes droits que leurs concitoyens juifs. En effet, dans aucun des deux groupes il n’y a eu de manifestations significatives en faveur du Hamas ; en Israël comme à Ramallah, les Arabes savent bien que contre le Hamas il n’y a pas d’alternative à la guerre. Par ailleurs, dans le nord d’Israël vivent les Druzes, une communauté arabe non musulmane parfaitement intégrée. Beaucoup d’entre eux servent dans l’armée, certains même à des postes de commandement.
Après l’intervention terrestre, la fin de la guerre semble proche, et avec elle la possibilité d’une région plus stable à la suite de tous les changements intervenus ces deux dernières années, beaucoup grâce aux États-Unis et à Israël. La solution à deux États, cependant, paraît de plus en plus lointaine : ni l’Égypte ni la Jordanie ne veulent assumer la responsabilité de Gaza, de la Cisjordanie ou des réfugiés. Personne ne semble croire encore au mirage de « deux États pour deux peuples ».
Une autre idée se fait jour : la création d’émirats locaux palestiniens, confédérés ou non, dirigés par des leaders respectés, qui administreraient les territoires en paix et en coordination avec Israël, garantissant sécurité, respect et reconnaissance mutuelle. Un modèle proposé précisément par un leader palestinien, le cheikh d’Hébron. Une idée qui pourrait aussi séduire certains pays arabes, sans revenir à un modèle traditionnel d’État-nation que les Palestiniens eux-mêmes n’ont jamais voulu, afin de ne pas reconnaître Israël, et qui aujourd’hui semble n’exister que dans les têtes des dirigeants occidentaux.
Le drapeau palestinien est devenu l’objet d’innombrables récupérations, échappant aux militants sincères qui rêvent d’un peuple palestinien vivant enfin en paix aux côtés d’Israël.
Il est brandi partout, dans les manifestations politiques, culturelles et sportives ; il se dresse au fronton de bâtiments officiels et pend aux fenêtres des appartements ; il est collé sur les mâts des réverbères, les sièges des transports publics et les vitrines des commerces ; il flotte sur les embarcations de fortune de Greta Thunberg, de Rima Hassan et de… Thomas Guénolé. Par-delà le soutien aux habitants de Gaza, le drapeau palestinien revête une autre signification qui devrait en tout cas nous questionner.
Signifié et signifiant
Bien sûr, nul ne devrait jamais souiller, piétiner, brûler un drapeau national, régional ou même clanique dès qu’un homme s’émeut, s’agenouille, se prosterne devant lui. L’étendard palestinien, rappelant par sa quadrichromie panarabe les héritages abasside, fatimide, omeyyade et hachémite, ne fait évidemment pas exception à la règle. Cette précaution, indispensable en ces temps de grande sensiblerie et d’encore plus grande victimisation, ne doit pas nous empêcher de comprendre le signifié derrière le signifiant lorsqu’il est affiché dans les villes européennes.
Comme avant lui le drapeau soviétique frappé du marteau et de la faucille ou la photo iconique de Che Guevara, désormais rangés dans le placard des militants de gauche, et cohabitant dans un étrange paradoxe avec le drapeau LGBT(QIA+++), il est alors le pavillon des faux rebelles en keffieh qui pensent résister contre un prétendu génocide, mais qui feignent de ne pas comprendre que le vrai courage serait d’arborer le drapeau israélien, ou le ruban jaune, dans certains quartiers de Londres, à Molenbeek, ou dans un meeting de la gauche hassano-mélenchoniste.
Bonne conscience
Il est la bannière des islamistes qui entendent imposer la charia dans les quartiers et celui de leurs idiots utiles, issus des rangs de la gauche et de son extrême ; il est l’emblème des antisémites qui se drapent dans l’antisionisme sans être capables de le définir et, en manifestation, il forme une marée qui accompagne les slogans parmi les plus infâmes de l’époque : « From the river to the sea »… ; il est le vêtement qui habille les bourgeois tiers-mondistes d’une bonne conscience en leur permettant, pour paraphraser Rousseau, de ne pas avoir à se soucier des problèmes de leur voisin qui peine à boucler ses fins de mois ; il est l’étendard des ambitions présidentielles d’un ancien Premier ministre français atrabilaire croyant pouvoir rejouer son moment de gloire à l’ONU.
Pour toutes ces raisons, le drapeau palestinien est le signe de ralliement facile de toutes les causes qui entendent culpabiliser l’Occidental et détruire sa culture millénaire pour la remplacer par une islamisation teintée de nihilisme ; il est le signe de notre effacement au profit d’un nouveau monde dont nous, Européens de civilisation, n’aurions qu’à disparaître ; en un mot comme en cent, il est la bannière des islamo-gauchistes.
«Le temps est venu». Le 22 septembre 2025 à New York, par la voix d’Emmanuel Macron, la France a reconnu l’existence de l’État de Palestine. La France pourra «décider d’établir une ambassade auprès de l’État de Palestine, dès lors que tous les otages détenus à Gaza auront été libérés, et qu’un cessez-le-feu aura été établi», a-t-il ajouté. « J’attends aussi de nos partenaires arabes et musulmans qui ne l’ont pas encore fait, qu’ils tiennent leurs engagements de reconnaître l’État d’Israël et d’avoir avec lui des relations normales » a-t-il également précisé. Les opposants au président français ont dénoncé une démarche diplomatique symbolique ne permettant en rien une paix à Gaza, ou, pire, une prime au terrorisme palestinien. L’avis d’Elisabeth Lévy.
C’est fait : la France a reconnu la Palestine. Beaucoup de bruit pour rien. Le discours d’Emmanuel Macron devant l’Assemblée générale des Nations Unies, hier, s’inscrivait dans une initiative franco-saoudienne prévoyant aussi la reconnaissance par Ryad d’Israël. Sauf que cette reconnaissance n’a pas eu lieu, et que MBS avait semble-t-il piscine. C’est donc de l’étalage de vertu diplomatique. Reconnaître la Palestine, ça ne mange pas de pain et ça vous rend populaire dans une grande partie du monde. Emmanuel Macron songerait-il au Secrétariat général de l’ONU ?
Blessure vive
Cependant, ce n’est pas non plus le blanc-seing au Hamas que beaucoup (dont votre servante) redoutaient et dénonçaient. Les premiers mots du président français ont été pour les 48 otages encore détenus à Gaza. Il a condamné sans ambiguïté le 7-Octobre et le Hamas. «La barbarie du Hamas et de ceux qui ont collaboré à ce massacre a stupéfait Israël et le monde. Le 7-Octobre est une blessure encore vive pour l’âme israélienne comme pour la conscience universelle.»
Est-ce à dire que finalement je l’approuve ? Non, mais peut-être a-t-il moins péché par cynisme que par angélisme et légèreté. Comme tous les partisans de la solution à deux Etats, peut-être y croit-il vraiment encore. Un territoire, deux États, c’est évident sur le papier ; mais ça n’arrivera pas, en tout cas pas avant une génération. Le 7-Octobre est irréparable. Pour nombre d’Israéliens, l’assassinat et la torture de kibboutzniks épris de paix prouvent que c’est nous ou eux, et que s’ils ont un État demain les Palestiniens recommenceront. Et tous les islamo-gauchistes occidentaux qui veulent libérer la Palestine « de la mer au Jourdain » leur donnent raison. De plus, en Israël aussi, l’extrémisme religieux a prospéré sur le désastre.
Polémique autour des drapeaux palestiniens sur quelques mairies françaises
Cependant, j’ai changé d’avis sur les drapeaux. Le président de la République reconnait la Palestine à New York, et le ministre de l’Intérieur interdit les drapeaux palestiniens en France. Sans faire une thèse de droit, il y avait quelque chose d’incompréhensible. Retailleau voulait peut-être prendre position sur la question, sans s’opposer frontalement au président – mais au-delà de quelques petites sanctions judiciaires, il n’a pas vraiment le pouvoir d’interdire. Personne n’avait râlé pour les drapeaux ukrainiens ou tibétains.
Dans la rue, le drapeau palestinien est souvent l’alibi de la violence, de la haine des juifs, de la police et de la France. Mais, je veux croire qu’au fronton des mairies, il traduit un vrai désir de paix. En particulier quand il est mis à côté du drapeau israélien. Certains maires pavoiseurs ont certainement des arrière-pensées dégoûtantes, mais on ne va pas faire la police des arrière-pensées. La liberté d’expression doit profiter à ceux avec qui on n’est pas d’accord.
Beaucoup de juifs sont évidemment heurtés par la décision d’Emmanuel Macron et inquiets du climat. Mais dire qu’ils vivent dans la peur est exagéré. Hier, ils ont fêté le Nouvel an et aujourd’hui comme chaque samedi, ils prieront pour la France et pour la République dans toutes les synagogues du pays.
Jusqu’au 3 novembre, tous les lundis à 21h au Théâtre de Poche Montparnasse, Jean Anouilh revit dans un spectacle imaginé et interprété par Gaspard Cuillé et Benjamin Romieux sur une mise en scène d’Emmanuel Gaury. Les souvenirs du dramaturge, succès et fours mémorables, histoires d’armée et rencontres pittoresques, sont un hymne aux planches.
Quelle leçon ! D’humilité, de fantaisie, de drôlerie et d’adoration du théâtre, de ses personnages et du jeu pour le jeu. Les hommes qui cessent de jouer sont le poison des sociétés modernes. Ils veulent tout régenter, tout expliquer, tout alourdir pour qu’advienne une pensée magique. Ils ont tué le théâtre à trop réfléchir à leur postérité embryonnaire. Ils ont muré tous les espaces de liberté. Leurs mots sont des entonnoirs. Ils ont une mentalité de sergent-instructeur. Seul le brouhaha de leurs idées a droit de cité. Le reste doit être abattu, combattu. Ils sont si peu sûrs de leur talent qu’ils crachent avant de parler. Et puis, il y a Anouilh, le réformé temporaire, le gamin de la Porte de la Chapelle, le bon élève de Chaptal, l’adorateur de Siegfried de Giraudoux, l’apprenti dramaturge lancé dans la vie parisienne à coups de triomphes juvéniles et de salles vides. Il aura tout connu. Les salles combles et les gadins magistraux. Les travaux alimentaires d’écriture et la promiscuité des plus grands, Jouvet, Fresnay ; l’héritage de Molière et de Dullin. L’Occupation et les bureaux des producteurs de cinéma. Les actrices sans filet et les soirs de générale. La chambre mansardée, une fine tranche de pâté de campagne le soir de la Saint-Sylvestre et les tournées internationales au champagne. Aujourd’hui, Anouilh, c’est du sérieux, du « validé » par l’enseignement, l’une de nos gloires nationales bien que certaines pièces conservent leur fumet d’insoumission. Pauvre Bitos ! Dans certains milieux autorisés, on se méfie d’Anouilh, on lui cherche des poux dans le texte, on aimerait bien qu’il clarifia sa position en son temps. De quel côté, de quel bord parlait-il ? Il est mort en 1987. Il était dans le camp du spectacle vivant et des mystères de Paris, messieurs les censeurs ! Cet été, dans un dossier, nous avons eu l’ambition de définir l’esprit français. Chacun apportant sa pierre à un édifice brinquebalant, chacun y allant de ses tocades. Je me souviens avoir évoqué Guitry, Audiard, Broca, Hardellet, mes classiques et j’ai omis Anouilh. Qu’il m’en soit pardonné ici.
La Compagnie du Colimaçon, alerte, enjouée, sans boursouflure, à l’économie vitale, comble en ce moment mon oubli au Théâtre de Poche. Elle a décidé de monter Souvenirs d’un jeune homme dans un habile dédoublement, ce ping-pong verbal léger à deux têtes est divertissant (ce n’est pas un crime). Sa modestie et son humilité n’ont rien d’un spectacle janséniste. Les deux comédiens présents sur scène incarnent Anouilh à tour de rôle et nous faufilent derrière le rideau. Sans gravité, avec malice et douce ironie, les géants des tréteaux s’animent. On revisite non pas la tarte tatin mais les années 30/40 avec l’œil d’un auteur plus que prometteur. Anouilh a publié à la Table Ronde ses souvenirs sous le titre La Vicomtesse d’Eristal n’a pas reçu son balai mécanique. La Compagnie s’appuie sur cette bible savoureuse, gorgée d’anecdotes et d’intelligence. Avant Antigone, avant Eurydice, Anouilh bachelier ayant quitté les bancs de l’université de droit débuta sa carrière en qualité d’employé des Grands magasins du Louvre au bureau des réclamations puis il se lança en tant qu’éphémère concepteur-rédacteur dans une maison de publicité. Il y fit alors la connaissance de Neveux, Grimault, Prévert et Aurenche. La pièce enchaîne des saynètes sublimes et dérisoires comme ce jour de gala sur une piste de danse. Jadis, Anouilh avait décroché le Premier prix de Charleston au Casino de Stella-Plage (Pas-de-Calais). Voilà ce qui fait le sel de cette pièce, sa mécanique endiablée, l’on passe d’une garnison de Thionville au bureau de l’amer Jouvet, de l’hôtel particulier de la Princesse Bibesco qui le reçoit « étendue sur une méridienne à col de cygne recouverte de satin blanc » à l’intérieur spartiate de Pitoëff « le seul homme de génie que j’ai rencontré au théâtre ». Petite souris, nous nous glissons dans le compagnonnage avec l’ami de toujours Barsacq « un vrai travail, artisanal et fraternel », nous succombons aux fous-rires de Suzanne Flon et aux débuts de Bruno Cremer et de Michel Bouquet. Paulette Pax (1886-1942) avait bien raison de dire : « Anouilh, le théâtre est une chose inouïe ! ».
Le président Macron fait le pari fort hasardeux de reconnaitre un État pour les Palestiniens avant d’exiger de leur part de refonder leur représentation politique. Grande analyse.
Le Nouvel An hébraïque, Roch Hachana, célébré du 21 au 23 septembre, inclut le 22 : date qu’Emmanuel Macron a choisie pour annoncer, à l’ONU, la reconnaissance de l’État de Palestine. Or, après le pogrom du 7 octobre 2023, la priorité aurait dû être le démantèlement du Hamas et des autres organisations islamistes. Une telle reconnaissance, purement verbale, n’apportera rien de concret sur le terrain ; elle risque au contraire de transformer cette entité en une “Mecque” mondiale de l’antisémitisme, livrée aux islamistes, tout en affaiblissant la diplomatie française.
Ce choix inscrit une date sombre dans l’Histoire. Il s’ajoute à une véritable guerre des mots, où l’on répète un récit tronqué perçu comme une blessure dans la mémoire collective juive. Victor Klemperer le soulignait déjà : « Les mots peuvent agir comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, et leur effet se fait sentir avec le temps. »
Le terme même de “Palestine” illustre cette mécanique. Imposé par l’empereur Hadrien au IIᵉ siècle pour effacer la Judée après la révolte de Bar Kokhba, il reprenait le nom des Philistins, ennemis des Hébreux. Rebaptiser une terre, c’était effacer une mémoire.
Bien plus tard, ce nom fut réactivé pour désigner le territoire placé sous mandat britannique, issu des accords de Sykes-Picot et de la conférence de San Remo. Cette conférence, en avril 1920, consacra le partage des restes de l’Empire ottoman : la Syrie et le Liban furent placés sous mandat français, tandis que la Palestine et l’Irak passèrent sous mandat britannique.
La Société des Nations entérina ces décisions en instituant trois mandats distincts : l’un pour la France sur la Syrie et le Liban, l’autre pour le Royaume-Uni sur la Palestine, et un troisième pour le Royaume-Uni sur l’Irak. Toutefois, le mandat britannique sur la Palestine comportait une clause particulière : les territoires situés à l’est du Jourdain furent exclus de l’application de la Déclaration Balfour. C’est cette disposition qui donna naissance à la Transjordanie, devenue la Jordanie actuelle, conçue dès l’origine comme le foyer arabe distinct du projet national juif prévu à l’ouest du fleuve.
Après l’expulsion de Fayçal de Damas par les troupes du général Gouraud en 1920, son frère Abdallah entra en Transjordanie avec l’appui des tribus du Hedjaz pour venger cette défaite. Les Britanniques reconnurent son autorité en 1921 sur les territoires situés à l’est du Jourdain. Or, dans le même temps, la Palestine mandataire à l’ouest connut, dans les années 1920 et 1930, des violences répétées.
En 1947, la résolution 181 de l’ONU proposa un partage entre un État juif et un État arabe. Israël accepta, les pays arabes refusèrent, et la guerre éclata. Dès lors, la revendication arabe changea de nature : non plus une demande de coexistence, mais une exigence exclusive, concevant l’État palestinien comme instrument contre Israël plutôt que comme partenaire.
Après la guerre de 1947-1948, les régions historiquement connues sous le nom de Judée et de Samarie furent rebaptisées “Cisjordanie”. Restées sous contrôle de la Légion arabe jordanienne, dirigée par des officiers britanniques comme Glubb Pacha, elles furent annexées par la Jordanie en 1950 à la suite de la conférence de Jéricho, au nom de « l’unité des deux rives ».
Cet arrière-plan historique a été totalement occulté dans les déclarations du président de la République. Or, avant de prendre une telle décision, il convient de rappeler que, depuis l’été, la France connaît une recrudescence d’actes antisémites, ainsi que des prises de position hostiles de la part de responsables politiques, en particulier à gauche.
La décision de la maire écologiste de Strasbourg, Mme Jeanne Barseghian, d’annuler le jumelage avec Ramat Gan, symbole du développement technologique israélien et de sa Silicon Valley, en est un exemple. De même, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a encouragé le pavoisement du drapeau palestinien sur des mairies françaises.
Ce drapeau, dont l’origine est trop souvent oubliée, fut proclamé par le chérif Hussein de La Mecque lors de la révolte arabe de 1916. Il revendiqua ensuite le titre de calife après l’abolition du califat par Mustafa Kemal Atatürk en 1924. Ses couleurs renvoient aux grandes dynasties de l’islam : le blanc pour les Omeyyades de Damas et de Cordoue, le noir pour les Abbassides de Bagdad, le vert pour les Fatimides du Caire et le rouge pour les Hachémites, descendants du Mahomet.
La situation territoriale actuelle illustre les limites du processus d’Oslo. L’Autorité palestinienne, issue des accords de 1993-1995, n’exerce son autorité que sur les zones A et B de Cisjordanie. La zone A, environ 18 % du territoire, est sous contrôle civil et sécuritaire palestinien ; la zone B, environ 22 %, sous administration civile palestinienne mais avec un contrôle sécuritaire conjoint. La zone C, près de 60 %, reste intégralement sous contrôle israélien.
Depuis le début des années 2000, les négociations de paix sont au point mort, et la division politique a renforcé l’impasse. Depuis 2007, la bande de Gaza échappe à l’Autorité palestinienne et demeure sous le contrôle du Hamas, accentuant la fracture entre Cisjordanie et Gaza.
La difficulté n’est pas seulement territoriale mais représentative. Qui parle au nom des Palestiniens ? Depuis près d’un siècle, les structures qui ont prétendu incarner leur voix se sont effondrées : le Haut Comité arabe d’Amin al-Husseini, compromis par ses liens avec le nazisme ; le Haut Conseil arabe, qui proclama en 1948 un « gouvernement de toute la Palestine » fantomatique ; enfin l’OLP, créée en 1964 par Nasser, instrumentalisée par les régimes arabes et vite dominée par Yasser Arafat.
Arafat incarna la duplicité politique. Aux Occidentaux, il se présentait comme partenaire de paix ; aux Arabes, comme chef de guerre ; aux Soviétiques, comme allié révolutionnaire ; aux monarchies du Golfe, comme bénéficiaire d’une rente indispensable. Il abrogea certains articles hostiles mais refusa de reconnaître l’histoire juive de Jérusalem. Il signa Oslo mais entretint les manuels glorifiant le terrorisme. Il parla de réconciliation mais s’appuya sur un appareil sécuritaire fondé sur la corruption et la violence. L’Autorité palestinienne, née de ces accords, devint une bureaucratie autoritaire, dépendante de l’aide internationale et minée par le népotisme.
Mahmoud Abbas, son successeur, verrouilla encore davantage le système. Il multiplia les propos antisémites, entretint un clientélisme paralysant et conserva les réflexes autoritaires. Le désenchantement grandit, ouvrant un espace immense aux islamistes. Hamas et Jihad islamique s’imposèrent à Gaza, nourris par l’échec des institutions. Leur victoire électorale en 2006 puis leur coup de force en 2007 illustrent la faillite de la représentation dite laïque. La corruption nourrit l’islamisme, et l’islamisme prospère sur la faillite du politique.
Reconnaître un État palestinien aujourd’hui, c’est entériner une illusion dangereuse. Trois scénarios sont plausibles : un État failli, rongé par la corruption et les luttes inter-palestiniennes ; un émirat islamique dirigé par le Hamas ou le Jihad islamique, institutionnalisant l’antisémitisme et menaçant Israël ; ou encore un État sous tutelle régionale, dépendant du Qatar, de la Turquie ou de l’Arabie saoudite. Dans tous les cas, il deviendrait un foyer idéologique de l’antisémitisme, catalyseur des haines anciennes et nouvelles.
La déclaration du chef de l’État en faveur d’un “État palestinien” plutôt qu’un “État binational” ne résiste pas à l’examen. Il ne revient pas à Paris, éloigné de la réalité du terrorisme, de décider à la place de ceux qui vivent ce conflit. Les résolutions 242 et 338, fondées sur le chapitre VI de la Charte de l’ONU, appellent à des négociations : la priorité doit être d’établir une représentation palestinienne crédible pour engager de véritables pourparlers.
Un État ne naît pas d’une proclamation, mais d’institutions légitimes, capables de gouverner sans corruption, de résister à l’islam politique et de s’affranchir des manipulations régionales. La paix ne se décrète pas ; elle suppose une culture politique nouvelle. Tant que l’éducation glorifiera la violence et que l’histoire juive sera niée, aucune paix ne sera possible. Tant que le langage officiel restera prisonnier de la haine, la société palestinienne restera prisonnière de la violence.
En annonçant cette reconnaissance, la France confond le mot et la réalité et sacrifie la vérité à une illusion diplomatique. La paix exige au contraire de refonder la représentation palestinienne, de limiter l’ingérence régionale et de conditionner l’aide internationale à de vraies réformes. Sans cela, reconnaître un État palestinien ne serait pas un pas vers l’avenir, mais une marche vers l’abîme.
Le festival du film de Toronto a réussi l’exploit de censurer un documentaire sur un héros israélien… parce que demander les droits d’auteur au Hamas, c’était apparemment plus important
La cinquantième édition du Festival du film de Toronto s’est déroulé du 4 au 14 septembre 2025. Devait y être projeté The Road Between Us : The Ultimate Rescue du cinéaste canadien Barry Avrich. Ce documentaire consacré au pogrom du 7-Octobre retrace l’histoire du général à la retraite Noam Tibon, membre du kibboutz Nahal Oz, qui le 7 octobre 2023 a secouru sa famille, ses deux petites-filles, ainsi que des survivants du massacre du festival Nova. Il a également porté secours à des soldats blessés. Tout le documentaire se concentre sur ce sauvetage de la famille durant l’attaque terroriste du Hamas.
Mais les organisateurs du festival ont décidé de déprogrammer la projection de ce documentaire. Pourquoi ? Le motif juridique est hallucinant : le réalisateur ne peut fournir les autorisations d’utilisation des vidéos diffusées par le Hamas. Ben oui ! N’est-ce pas l’organisation terroriste qui est détentrice des droits d’auteur de ces images ? C’est ballot de ne pas leur avoir demandé l’autorisation de diffuser. Et pourquoi pas leur verser des droits d’auteur, tant qu’à faire…
Certains mauvais esprits ont plutôt expliqué la reculade du festival par la trouille. Comme si c’était une habitude de nos invités du désert de sauter sur toutes les occasions pour créer des émeutes ! Comme s’ils n’étaient pas ouverts au débat contradictoire ! Comme s’ils soutenaient aveuglément la « cause palestinienne » ! Comme s’ils étaient des aficionados du Hamas ! Comme s’ils étaient antisémites !
Le général Tibon, quant à lui, qualifie d’« absurde et démente » l’exigence d’autorisation d’utilisation des images de terroristes. Il y voit « une nouvelle atteinte aux victimes de cette journée terrible ».
Des batailles rangées entre la police et des hooligans, venus détourner une manifestation pacifique contre l’immigration, ont marqué le début de la campagne électorale aux Pays-Bas.
Samedi 20 septembre, sous une pluie battante à La Haye, une influenceuse de droite se présentant sous le pseudonyme de Els Rechts (= « de droite ») implorait « le peuple » de ne surtout pas voter pour la gauche aux élections législatives anticipées du 29 octobre. Si, par malheur, son appel n’était pas entendu, affirmait-elle, les demandeurs d’asile et autres migrants finiraient par « grand-remplacer » les Néerlandais.
La militante Els Rechts (vidéo en hollandais)
Un refrain entonné pour la énième fois par cette jeune femme qui a acquis une certaine notoriété sur les réseaux sociaux de droite, où elle chante les louanges du leader anti-immigration Geert Wilders. Celui-ci avait cependant décliné son invitation à s’adresser à la foule, tout comme Thierry Baudet, autre figure de la droite dure néerlandaise.
On ne porte pas le même maillot mais…
Avaient-ils pressenti que ce rassemblement modeste, sur le « Champ-de-Mars » de La Haye, finirait dans la violence et les pleurs d’une Els débordée ? Cette réunion, en apparence anodine, a pourtant attiré, comme l’a constaté la police, un millier d’individus, tous vêtus de noir, qui restaient à l’écart de l’estrade, ignoraient les discours, narguaient les forces de l’ordre et semblaient surtout célébrer leurs retrouvailles. La plupart, selon la police, faisaient partie des noyaux durs de supporters de football venus de tout le pays. Comme quoi la lutte contre l’immigration a le pouvoir de fraterniser des rivaux jurés…
Une fois finies les embrassades, les hooligans ont pris d’assaut l’autoroute longeant le site de la manifestation, bloquant la circulation et attaquant les policiers venus les déloger. Si ces scènes de violence peuvent à peine surprendre des Français habitués aux agissements des black blocs, elles ont choqué les Néerlandais, peu accoutumés à de tels spectacles.
Chassés de l’autoroute, les jeunes hommes en noir ont manqué de lyncher des policiers en sous-nombre, ont incendié deux voitures de police, malmené des journalistes et photographes et ignoré les appels au calme d’Els Rechts. Sur l’estrade, elle s’était drapée dans un drapeau orné des portraits de deux de ses idoles assassinées : Pim Fortuyn et Charlie Kirk.
Selon certains des émeutiers ayant accepté de répondre aux reporters, la haine de l’immigration non blanche n’était pas leur seule motivation. La colère contre le « dénigrement de notre passé colonial » figurait également parmi leurs griefs. Plusieurs brandissaient ainsi des « drapeaux du prince », ancien drapeau du pays datant de la guerre d’indépendance contre l’Espagne (1568-1648), bannière récupérée par le parti collaborationniste NSB pendant l’Occupation nazie des Pays-Bas.
Saluts fascistes
Certains adeptes du white power, comme l’attestaient les slogans sur leurs T-shirts, ont provoqué les passants avec le salut fasciste, avant de tenter de prendre d’assaut les bâtiments du Parlement tout proche — tentative que la police anti-émeutes a heureusement pu déjouer de justesse. En chemin, des hooligans ont brisé les vitres d’un immeuble abritant un parti politique jugé trop favorable à l’immigration et ont tenté de l’incendier en lançant un conteneur en flammes contre sa porte d’entrée.
Leurs actions étaient souvent rythmées par un même slogan : « AZC weg ermee ! » — AZC étant l’acronyme d’Asiel Zoekers Centrum (centres de demandeurs d’asile) et weg ermee signifiant « dehors ! ».
La colère d’une partie de la population hollandaise se concentre aujourd’hui sur ces AZC, d’autant plus après le meurtre, fin août, de Lisa, 17 ans, attaquée alors qu’elle rentrait seule à vélo dans son village d’Abcoude après une soirée à Amsterdam. Elle avait eu le temps d’appeler la police, mais celle-ci est arrivée trop tard. Le pays entier a été bouleversé par le destin de cette lycéenne fraîchement diplômée du bac, sportive et passionnée de l’Ajax, qu’elle suivait régulièrement au stade lors des matchs à domicile avec ses parents. Quelques jours après sa mort, une minute de silence bouleversante lui avait été dédiée à la Johan Cruijff Arena.
Un suspect a rapidement été arrêté dans l’AZC voisin : un Africain de 22 ans récemment arrivé aux Pays-Bas, également accusé de deux agressions sexuelles à Amsterdam. Est-il Nigérian ou Érythréen ? Pouvait-il aller et venir dans l’AZC à sa guise et à toute heure ? Est-il vrai que les femmes y vivent dans une peur constante de violences sexuelles et que de jeunes résidents s’adonnent à toutes sortes de trafics ? Le journal amstellodamois Het Parool l’affirme. La police, redoutant une émeute à l’anglaise contre ce centre qui héberge quelque 800 personnes, communique le moins possible en attendant le procès, prévu en novembre.
Récupération politique
Le politicien Geert Wilders a réagi à la tragédie de Lisa en exigeant la fermeture des quelque trois cents AZC du pays, ce qui lui a valu les reproches de la gauche, l’accusant d’exploiter le drame à des fins électorales. « L’insécurité des femmes est un problème d’hommes, qu’ils soient étrangers ou néerlandais », affirment certains commentateurs progressistes. Un avis contesté par une chroniqueuse du très wokeNRC, rappelant que les demandeurs d’asile masculins sont bel et bien surreprésentés dans les statistiques de criminalité, notamment sexuelle.
Le sort de Lisa avait déjà conduit, à la veille des émeutes de La Haye, des centaines d’habitants de Doetinchem, près de la frontière allemande, à prendre d’assaut la mairie où devait être décidé l’ouverture d’un nouvel AZC. Partout dans le pays, ces centres sont désormais considérés comme des foyers potentiels de violeurs et de meurtriers.
Dans cette campagne électorale, débutée dans la violence, la droite (libérale ou dure) ne manquera pas d’accuser le leader de gauche Frans Timmermans de « mollesse » sur l’immigration. Son parti est pour l’instant deuxième dans les sondages, derrière celui de Geert Wilders, lequel avait, en juin dernier, sabordé « sa » coalition gouvernementale sous prétexte qu’elle ne suivait pas ses consignes pour durcir davantage la politique d’immigration1… Ses « discours de haine » ont-ils contribué aux émeutes de La Haye ? M. Timmermans et d’autres responsables de gauche en sont convaincus.
Le 3 juin 2025, le Premier ministre Dick Schoof a présenté la démission de son gouvernement, après que le Parti pour la liberté de M. Wilders a décidé de se retirer de la coalition NDLR. ↩︎
Guerre culturelle: et si le vent était en train de tourner? Dans la bataille, notre chroniqueur n’a aucun problème à mettre mélenchonistes et macronistes dans le même panier…
La gauche robespierriste a ressorti la guillotine. Elle a été installée place de la République, le 18 septembre, par des nostalgiques de la Terreur. Sur la maquette de trois mètres de haut, il était écrit : « Bolloré, Arnault, Stérin : couic ! » ; ou encore : « Si t’es écolo, plante un facho ! ». De l’humour, ont relativisé les médias complaisants.
Hystérie progressiste
Sans doute. Il n’empêche que le goût du sang imprègne de plus en plus le « progressisme », à mesure qu’il enrage face au réveil national de la France naguère silencieuse. Cette intolérance des vendeurs de vertu fait craindre de leur part un retour à la violence physique. L’assassinat de l’influenceur Charlie Kirk, à qui un hommage national a été rendu hier en Arizona en présence de Donald Trump, a été mis sur le compte de son conservatisme, y compris par des figures du macronisme. La pensée mondaine ne supporte pas non plus les succès de CNews. En l’accusant d’être « une chaîne d’extrême droite » (Le Monde, 18 septembre), Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, a placé les journalistes de CNews en situation d’insécurité. L’hystérie gagne les mélenchonistes et les macronistes. Ils sont unis dans la même détestation de ceux qui n’entendent plus se soumettre à la tyrannie des universalistes anti-français d’extrême gauche et des mondialistes post-nationaux du bloc central. Une même dérive totalitaire unit ces deux courants politiques. Ils hurlent à l’unisson contre l’extrême droite et le fascisme, comme aux belles heures du stalinisme et de ses incapacités à admettre la contradiction.
Tous les mécanismes de la désinformation et de l’inversion accusatoire ont été réactivés par la gauche. Des journalistes militants, notamment au Monde, ont cherché à falsifier le profil du tueur de Kirk afin de gommer son fascisme « antifasciste ». D’autres dénonciateurs de « fake-news » se sont employés à tordre des propos de la victime pour la faire passer pour un danger nazi ; hier soir, son épouse a « pardonné » au meurtrier au nom du Christ. Le succès de la pétition de Philippe de Villiers contre l’immigration est laborieusement mis en doute. Le service public de l’audiovisuel, ébranlé par les révélations de L’Incorrect sur les compromissions politiques de deux de ses éditorialistes, est venu en renfort avec sa force propagandiste.
Indésirables
Ernotte a aussi déclaré l’autre jour, parlant de France TV : « Nous n’avons pas de problème de pluralisme ». Le comité de la Pravda (« La Vérité », en russe) devait asséner de semblables énormités ! Déjà, en novembre 2022, une campagne de promotion de 14 chevaliers blancs de l’audiovisuel public assurait sans rire : « Info ou intox : on vous aide à faire le tri ».
En 50 ans de journalisme, je n’ai jamais été convié à France Inter. Je ne suis pas le seul indésirable sur ce « service public » qui viole son devoir de neutralité.
Ce lundi, mélenchonistes et macronistes se féliciteront de la décision du chef de l’État de reconnaître, à l’ONU, un État palestinien, alors que le Hamas est toujours en place avec 48 otages. Cette victoire islamiste, parrainée par la gauche perdue, annonce d’autres terreurs.
Drôle de timing. Le président Macron s’apprête à reconnaitre un État palestinien à l’ONU, à un moment des plus controversés (le Hamas n’est pas démantelé, détient toujours 48 otages à Gaza, et 47% des citoyens français désapprouvent cette décision, selon un sondage Elabe). Un « pari risqué » pour parvenir à la paix, selon la plupart des journaux imprimés ce matin. Dans une sorte de fuite en avant, M. Netanyahou envisagerait de fermer le consulat français de Jérusalem, voire d’annexer une partie de la Cisjordanie… Dans son texte, notre contributeur rappelle que le Hamas incarne un islamisme totalitaire similaire aux autres mouvements djihadistes, mais que l’Occident peut parfois le relativiser voire le valoriser (notamment à l’extrême gauche) au nom de l’antisionisme, révélant une incohérence morale et une mémoire historique biaisée.
Il est des situations où le bon sens devrait s’imposer sans difficulté, tant les faits semblent clairs, tant l’expérience accumulée nous fournit de précédents. Pourtant, dans le cas du Hamas, nous observons une étrange suspension du jugement. Tout le monde sait qu’il s’agit d’un mouvement islamiste, comparable dans ses fondements idéologiques et ses méthodes aux organisations les plus sinistres de notre temps : Al-Qaïda, Daesh, Boko Haram. Tout le monde sait qu’il recourt à la terreur et à la cruauté comme stratégie politique. Et tout le monde a pu constater, le 7 octobre 2023, l’ampleur de la barbarie dont il est capable.
Mais au lieu d’une condamnation univoque, comme ce fut le cas pour Daesh en Syrie ou en Irak, un discours parallèle s’installe : celui qui présente le Hamas comme un mouvement de résistance légitime, au motif qu’il s’oppose à Israël. Voilà le paradoxe : ce que nous combattons avec acharnement en d’autres lieux se voit excusé, relativisé, voire valorisé, dès lors que l’État juif est en jeu.
Il faut interroger cette exception. Elle n’est pas un accident de perception, mais le symptôme d’une logique profonde : celle d’une incompréhension radicale, révélatrice de notre rapport troublé à l’histoire, à la mémoire et au politique.
Le Hamas : un islamisme parmi d’autres
Le Hamas n’est pas un phénomène singulier dans le monde musulman contemporain. Il appartient à la vaste famille de l’islamisme radical née au XXᵉ siècle, de la matrice des Frères musulmans égyptiens jusqu’aux organisations terroristes transnationales. On y retrouve la même vision : l’instauration d’un ordre religieux total, la négation des libertés individuelles, l’usage de la violence comme instrument légitime.
De ce point de vue, le Hamas se situe dans la continuité directe d’Al-Qaïda ou de Daesh. Les moyens changent, les terrains diffèrent, mais le projet reste identique : gouverner par la terreur et par l’embrigadement idéologique.
Lorsque ces mouvements frappent en Occident, personne ne se méprend. Après les attentats du 11 septembre, après le Bataclan, après Nice, les condamnations furent unanimes. Mais lorsque le Hamas massacre, torture, enlève, les mêmes actes sont réinterprétés sous l’angle de la « résistance ». Comme si l’hostilité à Israël suffisait à effacer la parenté idéologique avec les autres branches de l’islamisme global.
L’exception palestinienne : un révélateur
C’est cette exception qui mérite examen. Pourquoi ce que nous appelons terrorisme à Paris ou à New York devient-il résistance à Gaza ? Pourquoi l’acte le plus barbare peut-il changer de nature en fonction de sa cible ?
La réponse tient à une donnée plus large : la persistance d’une singularité juive dans l’imaginaire occidental. L’État d’Israël n’est pas un État comme un autre dans les consciences. Il concentre, de manière souvent inconsciente, des siècles de représentations liées au destin juif. Le Palestinien devient le « bon opprimé » parce qu’il s’oppose au « mauvais survivant », accusé de trahir son propre passé en exerçant la force.
L’antisionisme radical fonctionne ici comme le relais d’un antisémitisme qui ne peut plus dire son nom, mais qui trouve dans l’exception faite au Hamas une expression indirecte. Ce n’est pas par ignorance que l’on absout un mouvement islamiste : c’est par une logique profonde d’exclusion symbolique.
Les ruines de Gaza et la mémoire sélective
Les images de Gaza détruite suscitent une émotion légitime. Mais leur traitement médiatique révèle une mémoire sélective. Qui se souvient des ruines de Mossoul et de Raqqa, où les armées de la coalition ont éradiqué Daesh ? Qui rappelle les villes allemandes rasées durant la Seconde Guerre mondiale – Dresde, Hambourg, Berlin – ou les cités japonaises détruites avant même Hiroshima et Nagasaki ?
Dans tous ces cas, la logique militaire a conduit à la destruction massive de zones urbaines. Mais seul Gaza est présenté comme la scène d’un crime inédit, comme l’illustration d’un génocide en cours.
Or les faits contredisent cette accusation. Si Israël avait voulu anéantir Gaza, il en avait les moyens en quarante-huit heures. Les deux millions d’habitants de l’enclave seraient morts. Le simple constat de leur survie invalide la thèse génocidaire. Pourtant, ce mot s’impose, précisément parce qu’il inverse les rôles : il permet d’accuser Israël avec les termes mêmes qui ont servi à désigner l’extermination des Juifs. C’est une revanche symbolique, une manipulation de la mémoire.
La stratégie de la victimisation
Le Hamas, lui, a parfaitement compris la logique médiatique de notre temps. Son objectif n’est pas de protéger sa population, mais de la sacrifier. En se dissimulant parmi les civils, en installant ses infrastructures militaires sous les écoles et les hôpitaux, il fabrique délibérément les conditions de la tragédie. Chaque enfant tué devient une arme de propagande. Chaque image de ruine est une victoire politique.
L’opinion publique occidentale, saturée d’images, se laisse prendre à ce piège. Elle inverse la causalité : ce ne sont plus les islamistes qui causent la mort de leurs propres enfants, mais l’armée israélienne qui les ciblerait volontairement. On entre alors dans un univers de mythes, où la compassion pour la victime l’emporte sur toute analyse des responsabilités.
L’ONU et la légitimité ambiguë
C’est dans ce contexte qu’intervient la reconnaissance de l’État palestinien à l’ONU par certains pays européens, suivis par la France. En soi, l’idée d’un État palestinien n’a rien d’illégitime : elle correspond à la solution des deux États envisagée depuis des décennies.
Mais la situation concrète est tout autre. Le Hamas domine Gaza, il influence profondément l’opinion palestinienne, et il pourrait à nouveau remporter des élections libres. Reconnaître l’État palestinien aujourd’hui, c’est donc conférer indirectement une légitimité à un mouvement que nous qualifions ailleurs de terroriste. C’est vouloir la paix tout en consacrant comme interlocuteur un acteur qui nie jusqu’au droit d’exister de l’État voisin.
Le symptôme d’une crise occidentale
L’« incompréhension radicale » n’est pas un simple aveuglement. Elle révèle une crise plus profonde de nos sociétés. Nous avons perdu la capacité d’appliquer des principes universels sans exception. Nous nous laissons guider par l’image immédiate, par la compassion sélective, par la mauvaise conscience historique.
En refusant de voir dans le Hamas ce qu’il est – un islamisme parmi d’autres – nous trahissons nos propres critères. Nous croyons défendre une cause humanitaire, mais nous légitimons un projet totalitaire. Nous croyons œuvrer pour la paix, mais nous alimentons la guerre.
Il y a là un diagnostic sur notre époque : l’impossibilité d’assumer la singularité d’Israël et, à travers elle, la singularité du destin juif. C’est cette impossibilité qui fait de nous des contemporains aveugles, prisonniers d’une mémoire retournée contre elle-même. L’exception que nous accordons au Hamas nous condamne : elle est le miroir de notre incapacité à penser clairement, donc à agir efficacement, face au retour de la barbarie islamiste.