Chaque mois, le vice-président de l’Institut des libertés décode l’actualité économique. Et le compte n’y est pas.
Le 12 mars 2020, en pleine crise du Covid, Olivier Blanchard, ancien économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI), déclarait dans L’Express : « La récession pourrait être contrée en laissant filer les déficits publics et la dette. Il serait irresponsable de ne pas le faire. » Ce raisonnement lunaire, hélas pris au sérieux par nos décideurs, est en train de nous conduire vers une crise majeure de la dette. Le désastre ressemblera à ce qu’il s’est passé en Grèce en 2010, quand les marchés ont retiré d’un coup leur confiance au pays. Il s’en est suivi plusieurs années d’émeutes et d’effondrement des retraites et des salaires. Les Français, qui n’ont pas connu de baisse réelle de leurs revenus depuis la guerre, auront énormément de mal à supporter la double tutelle de la Banque centrale européenne (BCE) et… du FMI.

Deux mouvements pourraient précipiter notre pays dans la crise sociale. Celui des « Gueux », incarné par Alexandre Jardin, en lutte contre « l’écolo-technocratie qui appauvrit le peuple ». Et celui des contribuables de la classe moyenne, incarnés par le mème « Nicolas qui paye », qui met en scène un jeune cadre dynamique ponctionné par le fisc et assurant ce faisant, dans l’ingratitude générale, le train de vie des retraités et des assistés sociaux.
Le nombre de faillites d’entreprise ne cesse de s’accroître en France. Les anciennes gloires du prêt-à-porter ferment boutique les unes après les autres : Comptoir des Cotonniers, Princesse tam.tam et Naf Naf (qui ne conservera que la moitié de ses 600 salariés). Dans les nouvelles technologies, la société Aqualines, spécialisée dans les bateaux volants à Bayonne, va également cesser son activité. Il y aura beaucoup d’autres mauvaises nouvelles de ce type dans les mois à venir. Le retour masqué de l’impôt sur la fortune (via une « taxe différentielle sur le patrimoine », à laquelle travaille Bercy) risque d’accélérer les départs de capitaux, de talents et surtout d’entrepreneurs…
Les levées de fonds dans les start-up ont subi une baisse de 30 % en 2024, selon le dernier décompte de la société de conseil EY. La « start-up nation » d’Emmanuel Macron n’est guère en forme… Heureusement, il existe quelques exceptions comme l’entreprise Mirakl, un éditeur de logiciels français, qui vient d’atteindre une valorisation de 3,5 milliards d’euros. Fondée par Adrien Nussenbaum et Philippe Corrot, elle propose une solution de marketplace qui permet d’intégrer des vendeurs externes.

L’Élysée a enregistré une baisse de 2,2 % de ses dépenses en 2024. Quand on entre dans les détails de ce budget (de 123,3 millions d’euros), on voit que le coût des déplacements du président a reculé de 13 %. Il faut saluer cette publication de comptes car, sous Emmanuel Macron, rares sont les économies réalisées au sein de l’État. En revanche, les frais liés à Brigitte Macron, d’un montant annuel de 316 980 euros, ont progressé de 2,4 %. Rappelons que Madame de Gaulle payait ses billets de train de sa poche quand elle accompagnait son mari en voyage officiel.
Les Canadair promis par Emmanuel Macron en 2022 ne sont toujours pas là. Après les très gros incendies en Gironde, il avait pourtant annoncé à l’époque « un plan de réarmement aérien d’urgence » doté d’une enveloppe de 250 millions d’euros. Problème : les nouveaux avions bombardiers d’eau, de modèle DHC-515, commandés au constructeur canadien De Havilland ne seront pas livrés avant 2028. L’Union européenne, chargée de conclure le contrat, a pris, comme on pouvait s’y attendre, un considérable retard. Il existait pourtant une façon de hâter la négociation : menacer le fournisseur d’acheter à la place des Airbus A400M pompier, des Falcon Fire Fighter de chez Dassault Aviation ou des Hynaero, conçus par une start-up française à partir de Frégate F-100 recyclées. En attendant, il faudra continuer de jongler, comme cet été dans le Gard, avec des avions en fin de course, des hélicoptères et des drones… Cas typique de l’écart abyssal entre l’annonce et l’exécution. Une fois de plus, on peut constater la mauvaise capacité de nos pouvoirs publics à gérer des dossiers complexes sur les plans industriels et financiers.
Emmanuel Macron aime bien récompenser ses amis en les recasant dans des postes bien payés de la République. Il n’a rien inventé, mais il est particulièrement actif en la matière. Derniers exemples en date : Richard Ferrand a été nommé président du Conseil constitutionnel, Najat Vallaud-Belkacem a été propulsée – sans concours ! – conseillère-maître à la Cour des comptes (que Pierre Moscovici est en train de transformer en annexe du Parti socialiste), Dominique Voynet a intégré le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), Jean-Marc Ayrault a obtenu la présidence de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, Jack Lang a été confirmé à la tête de l’Institut du monde arabe. On pourrait allonger cette liste avec Pap Ndiaye, Christophe Castaner, Emmanuelle Wargon, Amélie Oudéa-Castéra, Stéphane Séjourné, puis la compléter avec tous les anciens membres des cabinets ministériels qui bénéficient, une fois de retour dans l’administration, de promotions éclair sans que cela choque outre mesure la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Le Conseil constitutionnel se prononce de plus en plus selon des préférences idéologiques. Depuis le début de l’année, il a complètement désamorcé la loi immigration (malgré un avis favorable du Conseil d’État), la loi sur le narcotrafic (six articles censurés à la grande tristesse de la Sécurité intérieure, qui attendait ce texte depuis longtemps), la loi sur la justice des mineurs (cinq articles censurés, dont celui sur la comparution immédiate), la loi sur les nouvelles formes de l’antisémitisme, la réforme de la nationalité à Mayotte, la réforme du scrutin municipal à Paris, Lyon et Marseille et, bien sûr, la loi Duplomb. L’instabilité parlementaire renforce comme jamais le gouvernement des juges.





