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Anouilh, entre le balai mécanique de la Vicomtesse et «Antigone»

Jusqu’au 3 novembre, tous les lundis à 21h au Théâtre de Poche Montparnasse, Jean Anouilh revit dans un spectacle imaginé et interprété par Gaspard Cuillé et Benjamin Romieux sur une mise en scène d’Emmanuel Gaury. Les souvenirs du dramaturge, succès et fours mémorables, histoires d’armée et rencontres pittoresques, sont un hymne aux planches.


Quelle leçon ! D’humilité, de fantaisie, de drôlerie et d’adoration du théâtre, de ses personnages et du jeu pour le jeu. Les hommes qui cessent de jouer sont le poison des sociétés modernes. Ils veulent tout régenter, tout expliquer, tout alourdir pour qu’advienne une pensée magique. Ils ont tué le théâtre à trop réfléchir à leur postérité embryonnaire. Ils ont muré tous les espaces de liberté. Leurs mots sont des entonnoirs. Ils ont une mentalité de sergent-instructeur. Seul le brouhaha de leurs idées a droit de cité. Le reste doit être abattu, combattu. Ils sont si peu sûrs de leur talent qu’ils crachent avant de parler. Et puis, il y a Anouilh, le réformé temporaire, le gamin de la Porte de la Chapelle, le bon élève de Chaptal, l’adorateur de Siegfried de Giraudoux, l’apprenti dramaturge lancé dans la vie parisienne à coups de triomphes juvéniles et de salles vides. Il aura tout connu. Les salles combles et les gadins magistraux. Les travaux alimentaires d’écriture et la promiscuité des plus grands, Jouvet, Fresnay ; l’héritage de Molière et de Dullin. L’Occupation et les bureaux des producteurs de cinéma. Les actrices sans filet et les soirs de générale. La chambre mansardée, une fine tranche de pâté de campagne le soir de la Saint-Sylvestre et les tournées internationales au champagne. Aujourd’hui, Anouilh, c’est du sérieux, du « validé » par l’enseignement, l’une de nos gloires nationales bien que certaines pièces conservent leur fumet d’insoumission. Pauvre Bitos ! Dans certains milieux autorisés, on se méfie d’Anouilh, on lui cherche des poux dans le texte, on aimerait bien qu’il clarifia sa position en son temps. De quel côté, de quel bord parlait-il ? Il est mort en 1987. Il était dans le camp du spectacle vivant et des mystères de Paris, messieurs les censeurs ! Cet été, dans un dossier, nous avons eu l’ambition de définir l’esprit français. Chacun apportant sa pierre à un édifice brinquebalant, chacun y allant de ses tocades. Je me souviens avoir évoqué Guitry, Audiard, Broca, Hardellet, mes classiques et j’ai omis Anouilh. Qu’il m’en soit pardonné ici.

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La Compagnie du Colimaçon, alerte, enjouée, sans boursouflure, à l’économie vitale, comble en ce moment mon oubli au Théâtre de Poche. Elle a décidé de monter Souvenirs d’un jeune homme dans un habile dédoublement, ce ping-pong verbal léger à deux têtes est divertissant (ce n’est pas un crime). Sa modestie et son humilité n’ont rien d’un spectacle janséniste. Les deux comédiens présents sur scène incarnent Anouilh à tour de rôle et nous faufilent derrière le rideau. Sans gravité, avec malice et douce ironie, les géants des tréteaux s’animent. On revisite non pas la tarte tatin mais les années 30/40 avec l’œil d’un auteur plus que prometteur. Anouilh a publié à la Table Ronde ses souvenirs sous le titre La Vicomtesse d’Eristal n’a pas reçu son balai mécanique. La Compagnie s’appuie sur cette bible savoureuse, gorgée d’anecdotes et d’intelligence. Avant Antigone, avant Eurydice, Anouilh bachelier ayant quitté les bancs de l’université de droit débuta sa carrière en qualité d’employé des Grands magasins du Louvre au bureau des réclamations puis il se lança en tant qu’éphémère concepteur-rédacteur dans une maison de publicité. Il y fit alors la connaissance de Neveux, Grimault, Prévert et Aurenche. La pièce enchaîne des saynètes sublimes et dérisoires comme ce jour de gala sur une piste de danse. Jadis, Anouilh avait décroché le Premier prix de Charleston au Casino de Stella-Plage (Pas-de-Calais). Voilà ce qui fait le sel de cette pièce, sa mécanique endiablée, l’on passe d’une garnison de Thionville au bureau de l’amer Jouvet, de l’hôtel particulier de la Princesse Bibesco qui le reçoit « étendue sur une méridienne à col de cygne recouverte de satin blanc » à l’intérieur spartiate de Pitoëff « le seul homme de génie que j’ai rencontré au théâtre ». Petite souris, nous nous glissons dans le compagnonnage avec l’ami de toujours Barsacq « un vrai travail, artisanal et fraternel », nous succombons aux fous-rires de Suzanne Flon et aux débuts de Bruno Cremer et de Michel Bouquet. Paulette Pax (1886-1942) avait bien raison de dire : « Anouilh, le théâtre est une chose inouïe ! ».

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Reconnaître la Palestine le jour du Nouvel An hébraïque, Roch Hachana, le 22 septembre, appose un sombre sceau dans l’Histoire

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Le président Macron fait le pari fort hasardeux de reconnaitre un État pour les Palestiniens avant d’exiger de leur part de refonder leur représentation politique. Grande analyse.


Le Nouvel An hébraïque, Roch Hachana, célébré du 21 au 23 septembre, inclut le 22 : date qu’Emmanuel Macron a choisie pour annoncer, à l’ONU, la reconnaissance de l’État de Palestine. Or, après le pogrom du 7 octobre 2023, la priorité aurait dû être le démantèlement du Hamas et des autres organisations islamistes. Une telle reconnaissance, purement verbale, n’apportera rien de concret sur le terrain ; elle risque au contraire de transformer cette entité en une “Mecque” mondiale de l’antisémitisme, livrée aux islamistes, tout en affaiblissant la diplomatie française.

Ce choix inscrit une date sombre dans l’Histoire. Il s’ajoute à une véritable guerre des mots, où l’on répète un récit tronqué perçu comme une blessure dans la mémoire collective juive. Victor Klemperer le soulignait déjà : « Les mots peuvent agir comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, et leur effet se fait sentir avec le temps. »

Le terme même de “Palestine” illustre cette mécanique. Imposé par l’empereur Hadrien au IIᵉ siècle pour effacer la Judée après la révolte de Bar Kokhba, il reprenait le nom des Philistins, ennemis des Hébreux. Rebaptiser une terre, c’était effacer une mémoire.

Bien plus tard, ce nom fut réactivé pour désigner le territoire placé sous mandat britannique, issu des accords de Sykes-Picot et de la conférence de San Remo. Cette conférence, en avril 1920, consacra le partage des restes de l’Empire ottoman : la Syrie et le Liban furent placés sous mandat français, tandis que la Palestine et l’Irak passèrent sous mandat britannique.

La Société des Nations entérina ces décisions en instituant trois mandats distincts : l’un pour la France sur la Syrie et le Liban, l’autre pour le Royaume-Uni sur la Palestine, et un troisième pour le Royaume-Uni sur l’Irak. Toutefois, le mandat britannique sur la Palestine comportait une clause particulière : les territoires situés à l’est du Jourdain furent exclus de l’application de la Déclaration Balfour. C’est cette disposition qui donna naissance à la Transjordanie, devenue la Jordanie actuelle, conçue dès l’origine comme le foyer arabe distinct du projet national juif prévu à l’ouest du fleuve.

Après l’expulsion de Fayçal de Damas par les troupes du général Gouraud en 1920, son frère Abdallah entra en Transjordanie avec l’appui des tribus du Hedjaz pour venger cette défaite. Les Britanniques reconnurent son autorité en 1921 sur les territoires situés à l’est du Jourdain. Or, dans le même temps, la Palestine mandataire à l’ouest connut, dans les années 1920 et 1930, des violences répétées.

En 1947, la résolution 181 de l’ONU proposa un partage entre un État juif et un État arabe. Israël accepta, les pays arabes refusèrent, et la guerre éclata. Dès lors, la revendication arabe changea de nature : non plus une demande de coexistence, mais une exigence exclusive, concevant l’État palestinien comme instrument contre Israël plutôt que comme partenaire.

Après la guerre de 1947-1948, les régions historiquement connues sous le nom de Judée et de Samarie furent rebaptisées “Cisjordanie”. Restées sous contrôle de la Légion arabe jordanienne, dirigée par des officiers britanniques comme Glubb Pacha, elles furent annexées par la Jordanie en 1950 à la suite de la conférence de Jéricho, au nom de « l’unité des deux rives ».

Cet arrière-plan historique a été totalement occulté dans les déclarations du président de la République. Or, avant de prendre une telle décision, il convient de rappeler que, depuis l’été, la France connaît une recrudescence d’actes antisémites, ainsi que des prises de position hostiles de la part de responsables politiques, en particulier à gauche.

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La décision de la maire écologiste de Strasbourg, Mme Jeanne Barseghian, d’annuler le jumelage avec Ramat Gan, symbole du développement technologique israélien et de sa Silicon Valley, en est un exemple. De même, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a encouragé le pavoisement du drapeau palestinien sur des mairies françaises.

Ce drapeau, dont l’origine est trop souvent oubliée, fut proclamé par le chérif Hussein de La Mecque lors de la révolte arabe de 1916. Il revendiqua ensuite le titre de calife après l’abolition du califat par Mustafa Kemal Atatürk en 1924. Ses couleurs renvoient aux grandes dynasties de l’islam : le blanc pour les Omeyyades de Damas et de Cordoue, le noir pour les Abbassides de Bagdad, le vert pour les Fatimides du Caire et le rouge pour les Hachémites, descendants du Mahomet.

La situation territoriale actuelle illustre les limites du processus d’Oslo. L’Autorité palestinienne, issue des accords de 1993-1995, n’exerce son autorité que sur les zones A et B de Cisjordanie. La zone A, environ 18 % du territoire, est sous contrôle civil et sécuritaire palestinien ; la zone B, environ 22 %, sous administration civile palestinienne mais avec un contrôle sécuritaire conjoint. La zone C, près de 60 %, reste intégralement sous contrôle israélien.

Depuis le début des années 2000, les négociations de paix sont au point mort, et la division politique a renforcé l’impasse. Depuis 2007, la bande de Gaza échappe à l’Autorité palestinienne et demeure sous le contrôle du Hamas, accentuant la fracture entre Cisjordanie et Gaza.

La difficulté n’est pas seulement territoriale mais représentative. Qui parle au nom des Palestiniens ? Depuis près d’un siècle, les structures qui ont prétendu incarner leur voix se sont effondrées : le Haut Comité arabe d’Amin al-Husseini, compromis par ses liens avec le nazisme ; le Haut Conseil arabe, qui proclama en 1948 un « gouvernement de toute la Palestine » fantomatique ; enfin l’OLP, créée en 1964 par Nasser, instrumentalisée par les régimes arabes et vite dominée par Yasser Arafat.

Yitzakh Rabin, Yasser Arafat et Bil Clinton, lors de la signature des accords d’Oslo à Wahsington, 13 septembre 1993. ©J. David Ake

Arafat incarna la duplicité politique. Aux Occidentaux, il se présentait comme partenaire de paix ; aux Arabes, comme chef de guerre ; aux Soviétiques, comme allié révolutionnaire ; aux monarchies du Golfe, comme bénéficiaire d’une rente indispensable. Il abrogea certains articles hostiles mais refusa de reconnaître l’histoire juive de Jérusalem. Il signa Oslo mais entretint les manuels glorifiant le terrorisme. Il parla de réconciliation mais s’appuya sur un appareil sécuritaire fondé sur la corruption et la violence. L’Autorité palestinienne, née de ces accords, devint une bureaucratie autoritaire, dépendante de l’aide internationale et minée par le népotisme.

Mahmoud Abbas, son successeur, verrouilla encore davantage le système. Il multiplia les propos antisémites, entretint un clientélisme paralysant et conserva les réflexes autoritaires. Le désenchantement grandit, ouvrant un espace immense aux islamistes. Hamas et Jihad islamique s’imposèrent à Gaza, nourris par l’échec des institutions. Leur victoire électorale en 2006 puis leur coup de force en 2007 illustrent la faillite de la représentation dite laïque. La corruption nourrit l’islamisme, et l’islamisme prospère sur la faillite du politique.

Reconnaître un État palestinien aujourd’hui, c’est entériner une illusion dangereuse. Trois scénarios sont plausibles : un État failli, rongé par la corruption et les luttes inter-palestiniennes ; un émirat islamique dirigé par le Hamas ou le Jihad islamique, institutionnalisant l’antisémitisme et menaçant Israël ; ou encore un État sous tutelle régionale, dépendant du Qatar, de la Turquie ou de l’Arabie saoudite. Dans tous les cas, il deviendrait un foyer idéologique de l’antisémitisme, catalyseur des haines anciennes et nouvelles.

La déclaration du chef de l’État en faveur d’un “État palestinien” plutôt qu’un “État binational” ne résiste pas à l’examen. Il ne revient pas à Paris, éloigné de la réalité du terrorisme, de décider à la place de ceux qui vivent ce conflit. Les résolutions 242 et 338, fondées sur le chapitre VI de la Charte de l’ONU, appellent à des négociations : la priorité doit être d’établir une représentation palestinienne crédible pour engager de véritables pourparlers.

Un État ne naît pas d’une proclamation, mais d’institutions légitimes, capables de gouverner sans corruption, de résister à l’islam politique et de s’affranchir des manipulations régionales. La paix ne se décrète pas ; elle suppose une culture politique nouvelle. Tant que l’éducation glorifiera la violence et que l’histoire juive sera niée, aucune paix ne sera possible. Tant que le langage officiel restera prisonnier de la haine, la société palestinienne restera prisonnière de la violence.

En annonçant cette reconnaissance, la France confond le mot et la réalité et sacrifie la vérité à une illusion diplomatique. La paix exige au contraire de refonder la représentation palestinienne, de limiter l’ingérence régionale et de conditionner l’aide internationale à de vraies réformes. Sans cela, reconnaître un État palestinien ne serait pas un pas vers l’avenir, mais une marche vers l’abîme.

Ceci n’est pas une fiction

Le festival du film de Toronto a réussi l’exploit de censurer un documentaire sur un héros israélien… parce que demander les droits d’auteur au Hamas, c’était apparemment plus important


La cinquantième édition du Festival du film de Toronto s’est déroulé du 4 au 14 septembre 2025. Devait y être projeté The Road Between Us : The Ultimate Rescue du cinéaste canadien Barry Avrich. Ce documentaire consacré au pogrom du 7-Octobre retrace l’histoire du général à la retraite Noam Tibon, membre du kibboutz Nahal Oz, qui le 7 octobre 2023 a secouru sa famille, ses deux petites-filles, ainsi que des survivants du massacre du festival Nova. Il a également porté secours à des soldats blessés. Tout le documentaire se concentre sur ce sauvetage de la famille durant l’attaque terroriste du Hamas.

Mais les organisateurs du festival ont décidé de déprogrammer la projection de ce documentaire. Pourquoi ? Le motif juridique est hallucinant : le réalisateur ne peut fournir les autorisations d’utilisation des vidéos diffusées par le Hamas. Ben oui ! N’est-ce pas l’organisation terroriste qui est détentrice des droits d’auteur de ces images ? C’est ballot de ne pas leur avoir demandé l’autorisation de diffuser. Et pourquoi pas leur verser des droits d’auteur, tant qu’à faire…

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Certains mauvais esprits ont plutôt expliqué la reculade du festival par la trouille. Comme si c’était une habitude de nos invités du désert de sauter sur toutes les occasions pour créer des émeutes ! Comme s’ils n’étaient pas ouverts au débat contradictoire ! Comme s’ils soutenaient aveuglément la « cause palestinienne » ! Comme s’ils étaient des aficionados du Hamas ! Comme s’ils étaient antisémites !

Le général Tibon, quant à lui, qualifie d’« absurde et démente » l’exigence d’autorisation d’utilisation des images de terroristes. Il y voit « une nouvelle atteinte aux victimes de cette journée terrible ».

On ne meurt que deux fois.

Après l’Angleterre, la grogne anti-immigration tourne à l’émeute aux Pays-Bas

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Des batailles rangées entre la police et des hooligans, venus détourner une manifestation pacifique contre l’immigration, ont marqué le début de la campagne électorale aux Pays-Bas.


Samedi 20 septembre, sous une pluie battante à La Haye, une influenceuse de droite se présentant sous le pseudonyme de Els Rechts (= « de droite ») implorait « le peuple » de ne surtout pas voter pour la gauche aux élections législatives anticipées du 29 octobre. Si, par malheur, son appel n’était pas entendu, affirmait-elle, les demandeurs d’asile et autres migrants finiraient par « grand-remplacer » les Néerlandais.

La militante Els Rechts (vidéo en hollandais)

Un refrain entonné pour la énième fois par cette jeune femme qui a acquis une certaine notoriété sur les réseaux sociaux de droite, où elle chante les louanges du leader anti-immigration Geert Wilders. Celui-ci avait cependant décliné son invitation à s’adresser à la foule, tout comme Thierry Baudet, autre figure de la droite dure néerlandaise.

On ne porte pas le même maillot mais…

Avaient-ils pressenti que ce rassemblement modeste, sur le « Champ-de-Mars » de La Haye, finirait dans la violence et les pleurs d’une Els débordée ? Cette réunion, en apparence anodine, a pourtant attiré, comme l’a constaté la police, un millier d’individus, tous vêtus de noir, qui restaient à l’écart de l’estrade, ignoraient les discours, narguaient les forces de l’ordre et semblaient surtout célébrer leurs retrouvailles. La plupart, selon la police, faisaient partie des noyaux durs de supporters de football venus de tout le pays. Comme quoi la lutte contre l’immigration a le pouvoir de fraterniser des rivaux jurés…

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Une fois finies les embrassades, les hooligans ont pris d’assaut l’autoroute longeant le site de la manifestation, bloquant la circulation et attaquant les policiers venus les déloger. Si ces scènes de violence peuvent à peine surprendre des Français habitués aux agissements des black blocs, elles ont choqué les Néerlandais, peu accoutumés à de tels spectacles.

Chassés de l’autoroute, les jeunes hommes en noir ont manqué de lyncher des policiers en sous-nombre, ont incendié deux voitures de police, malmené des journalistes et photographes et ignoré les appels au calme d’Els Rechts. Sur l’estrade, elle s’était drapée dans un drapeau orné des portraits de deux de ses idoles assassinées : Pim Fortuyn et Charlie Kirk.

Selon certains des émeutiers ayant accepté de répondre aux reporters, la haine de l’immigration non blanche n’était pas leur seule motivation. La colère contre le « dénigrement de notre passé colonial » figurait également parmi leurs griefs. Plusieurs brandissaient ainsi des « drapeaux du prince », ancien drapeau du pays datant de la guerre d’indépendance contre l’Espagne (1568-1648), bannière récupérée par le parti collaborationniste NSB pendant l’Occupation nazie des Pays-Bas.

Saluts fascistes

Certains adeptes du white power, comme l’attestaient les slogans sur leurs T-shirts, ont provoqué les passants avec le salut fasciste, avant de tenter de prendre d’assaut les bâtiments du Parlement tout proche — tentative que la police anti-émeutes a heureusement pu déjouer de justesse. En chemin, des hooligans ont brisé les vitres d’un immeuble abritant un parti politique jugé trop favorable à l’immigration et ont tenté de l’incendier en lançant un conteneur en flammes contre sa porte d’entrée.

Leurs actions étaient souvent rythmées par un même slogan : « AZC weg ermee ! »AZC étant l’acronyme d’Asiel Zoekers Centrum (centres de demandeurs d’asile) et weg ermee signifiant « dehors ! ».

La colère d’une partie de la population hollandaise se concentre aujourd’hui sur ces AZC, d’autant plus après le meurtre, fin août, de Lisa, 17 ans, attaquée alors qu’elle rentrait seule à vélo dans son village d’Abcoude après une soirée à Amsterdam. Elle avait eu le temps d’appeler la police, mais celle-ci est arrivée trop tard. Le pays entier a été bouleversé par le destin de cette lycéenne fraîchement diplômée du bac, sportive et passionnée de l’Ajax, qu’elle suivait régulièrement au stade lors des matchs à domicile avec ses parents. Quelques jours après sa mort, une minute de silence bouleversante lui avait été dédiée à la Johan Cruijff Arena.

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Un suspect a rapidement été arrêté dans l’AZC voisin : un Africain de 22 ans récemment arrivé aux Pays-Bas, également accusé de deux agressions sexuelles à Amsterdam. Est-il Nigérian ou Érythréen ? Pouvait-il aller et venir dans lAZC à sa guise et à toute heure ? Est-il vrai que les femmes y vivent dans une peur constante de violences sexuelles et que de jeunes résidents s’adonnent à toutes sortes de trafics ? Le journal amstellodamois Het Parool l’affirme. La police, redoutant une émeute à l’anglaise contre ce centre qui héberge quelque 800 personnes, communique le moins possible en attendant le procès, prévu en novembre.

Récupération politique

Le politicien Geert Wilders a réagi à la tragédie de Lisa en exigeant la fermeture des quelque trois cents AZC du pays, ce qui lui a valu les reproches de la gauche, l’accusant d’exploiter le drame à des fins électorales. « L’insécurité des femmes est un problème d’hommes, qu’ils soient étrangers ou néerlandais », affirment certains commentateurs progressistes. Un avis contesté par une chroniqueuse du très woke NRC, rappelant que les demandeurs d’asile masculins sont bel et bien surreprésentés dans les statistiques de criminalité, notamment sexuelle.

Le sort de Lisa avait déjà conduit, à la veille des émeutes de La Haye, des centaines d’habitants de Doetinchem, près de la frontière allemande, à prendre d’assaut la mairie où devait être décidé l’ouverture d’un nouvel AZC. Partout dans le pays, ces centres sont désormais considérés comme des foyers potentiels de violeurs et de meurtriers.

Dans cette campagne électorale, débutée dans la violence, la droite (libérale ou dure) ne manquera pas d’accuser le leader de gauche Frans Timmermans de « mollesse » sur l’immigration. Son parti est pour l’instant deuxième dans les sondages, derrière celui de Geert Wilders, lequel avait, en juin dernier, sabordé « sa » coalition gouvernementale sous prétexte qu’elle ne suivait pas ses consignes pour durcir davantage la politique d’immigration1… Ses « discours de haine » ont-ils contribué aux émeutes de La Haye ? M. Timmermans et d’autres responsables de gauche en sont convaincus.


  1. Le 3 juin 2025, le Premier ministre Dick Schoof a présenté la démission de son gouvernement, après que le Parti pour la liberté de M. Wilders a décidé de se retirer de la coalition NDLR. ↩︎

Comment le «progressisme» peut désinformer et attiser les haines

Guerre culturelle: et si le vent était en train de tourner? Dans la bataille, notre chroniqueur n’a aucun problème à mettre mélenchonistes et macronistes dans le même panier…


La gauche robespierriste a ressorti la guillotine. Elle a été installée place de la République, le 18 septembre, par des nostalgiques de la Terreur. Sur la maquette de trois mètres de haut, il était écrit : « Bolloré, Arnault, Stérin : couic ! » ; ou encore : « Si t’es écolo, plante un facho ! ». De l’humour, ont relativisé les médias complaisants.

Hystérie progressiste

Sans doute. Il n’empêche que le goût du sang imprègne de plus en plus le « progressisme », à mesure qu’il enrage face au réveil national de la France naguère silencieuse. Cette intolérance des vendeurs de vertu fait craindre de leur part un retour à la violence physique. L’assassinat de l’influenceur Charlie Kirk, à qui un hommage national a été rendu hier en Arizona en présence de Donald Trump, a été mis sur le compte de son conservatisme, y compris par des figures du macronisme. La pensée mondaine ne supporte pas non plus les succès de CNews. En l’accusant d’être « une chaîne d’extrême droite » (Le Monde, 18 septembre), Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, a placé les journalistes de CNews en situation d’insécurité. L’hystérie gagne les mélenchonistes et les macronistes. Ils sont unis dans la même détestation de ceux qui n’entendent plus se soumettre à la tyrannie des universalistes anti-français d’extrême gauche et des mondialistes post-nationaux du bloc central. Une même dérive totalitaire unit ces deux courants politiques. Ils hurlent à l’unisson contre l’extrême droite et le fascisme, comme aux belles heures du stalinisme et de ses incapacités à admettre la contradiction.

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Tous les mécanismes de la désinformation et de l’inversion accusatoire ont été réactivés par la gauche. Des journalistes militants, notamment au Monde, ont cherché à falsifier le profil du tueur de Kirk afin de gommer son fascisme « antifasciste ». D’autres dénonciateurs de « fake-news » se sont employés à tordre des propos de la victime pour la faire passer pour un danger nazi ; hier soir, son épouse a « pardonné » au meurtrier au nom du Christ. Le succès de la pétition de Philippe de Villiers contre l’immigration est laborieusement mis en doute. Le service public de l’audiovisuel, ébranlé par les révélations de L’Incorrect sur les compromissions politiques de deux de ses éditorialistes, est venu en renfort avec sa force propagandiste.

Indésirables

Ernotte a aussi déclaré l’autre jour, parlant de France TV : « Nous n’avons pas de problème de pluralisme ». Le comité de la Pravda (« La Vérité », en russe) devait asséner de semblables énormités ! Déjà, en novembre 2022, une campagne de promotion de 14 chevaliers blancs de l’audiovisuel public assurait sans rire : « Info ou intox : on vous aide à faire le tri ».

En 50 ans de journalisme, je n’ai jamais été convié à France Inter. Je ne suis pas le seul indésirable sur ce « service public » qui viole son devoir de neutralité.

Ce lundi, mélenchonistes et macronistes se féliciteront de la décision du chef de l’État de reconnaître, à l’ONU, un État palestinien, alors que le Hamas est toujours en place avec 48 otages. Cette victoire islamiste, parrainée par la gauche perdue, annonce d’autres terreurs.

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Incompréhension radicale

Drôle de timing. Le président Macron s’apprête à reconnaitre un État palestinien à l’ONU, à un moment des plus controversés (le Hamas n’est pas démantelé, détient toujours 48 otages à Gaza, et 47% des citoyens français désapprouvent cette décision, selon un sondage Elabe). Un « pari risqué » pour parvenir à la paix, selon la plupart des journaux imprimés ce matin. Dans une sorte de fuite en avant, M. Netanyahou envisagerait de fermer le consulat français de Jérusalem, voire d’annexer une partie de la Cisjordanie… Dans son texte, notre contributeur rappelle que le Hamas incarne un islamisme totalitaire similaire aux autres mouvements djihadistes, mais que l’Occident peut parfois le relativiser voire le valoriser (notamment à l’extrême gauche) au nom de l’antisionisme, révélant une incohérence morale et une mémoire historique biaisée.


Il est des situations où le bon sens devrait s’imposer sans difficulté, tant les faits semblent clairs, tant l’expérience accumulée nous fournit de précédents. Pourtant, dans le cas du Hamas, nous observons une étrange suspension du jugement. Tout le monde sait qu’il s’agit d’un mouvement islamiste, comparable dans ses fondements idéologiques et ses méthodes aux organisations les plus sinistres de notre temps : Al-Qaïda, Daesh, Boko Haram. Tout le monde sait qu’il recourt à la terreur et à la cruauté comme stratégie politique. Et tout le monde a pu constater, le 7 octobre 2023, l’ampleur de la barbarie dont il est capable.

Mais au lieu d’une condamnation univoque, comme ce fut le cas pour Daesh en Syrie ou en Irak, un discours parallèle s’installe : celui qui présente le Hamas comme un mouvement de résistance légitime, au motif qu’il s’oppose à Israël. Voilà le paradoxe : ce que nous combattons avec acharnement en d’autres lieux se voit excusé, relativisé, voire valorisé, dès lors que l’État juif est en jeu.

Il faut interroger cette exception. Elle n’est pas un accident de perception, mais le symptôme d’une logique profonde : celle d’une incompréhension radicale, révélatrice de notre rapport troublé à l’histoire, à la mémoire et au politique.

Le Hamas : un islamisme parmi d’autres

Le Hamas n’est pas un phénomène singulier dans le monde musulman contemporain. Il appartient à la vaste famille de l’islamisme radical née au XXᵉ siècle, de la matrice des Frères musulmans égyptiens jusqu’aux organisations terroristes transnationales. On y retrouve la même vision : l’instauration d’un ordre religieux total, la négation des libertés individuelles, l’usage de la violence comme instrument légitime.

De ce point de vue, le Hamas se situe dans la continuité directe d’Al-Qaïda ou de Daesh. Les moyens changent, les terrains diffèrent, mais le projet reste identique : gouverner par la terreur et par l’embrigadement idéologique.

Lorsque ces mouvements frappent en Occident, personne ne se méprend. Après les attentats du 11 septembre, après le Bataclan, après Nice, les condamnations furent unanimes. Mais lorsque le Hamas massacre, torture, enlève, les mêmes actes sont réinterprétés sous l’angle de la « résistance ». Comme si l’hostilité à Israël suffisait à effacer la parenté idéologique avec les autres branches de l’islamisme global.

L’exception palestinienne : un révélateur

C’est cette exception qui mérite examen. Pourquoi ce que nous appelons terrorisme à Paris ou à New York devient-il résistance à Gaza ? Pourquoi l’acte le plus barbare peut-il changer de nature en fonction de sa cible ?

La réponse tient à une donnée plus large : la persistance d’une singularité juive dans l’imaginaire occidental. L’État d’Israël n’est pas un État comme un autre dans les consciences. Il concentre, de manière souvent inconsciente, des siècles de représentations liées au destin juif. Le Palestinien devient le « bon opprimé » parce qu’il s’oppose au « mauvais survivant », accusé de trahir son propre passé en exerçant la force.

L’antisionisme radical fonctionne ici comme le relais d’un antisémitisme qui ne peut plus dire son nom, mais qui trouve dans l’exception faite au Hamas une expression indirecte. Ce n’est pas par ignorance que l’on absout un mouvement islamiste : c’est par une logique profonde d’exclusion symbolique.

Les ruines de Gaza et la mémoire sélective

Les images de Gaza détruite suscitent une émotion légitime. Mais leur traitement médiatique révèle une mémoire sélective. Qui se souvient des ruines de Mossoul et de Raqqa, où les armées de la coalition ont éradiqué Daesh ? Qui rappelle les villes allemandes rasées durant la Seconde Guerre mondiale – Dresde, Hambourg, Berlin – ou les cités japonaises détruites avant même Hiroshima et Nagasaki ?

Dans tous ces cas, la logique militaire a conduit à la destruction massive de zones urbaines. Mais seul Gaza est présenté comme la scène d’un crime inédit, comme l’illustration d’un génocide en cours.

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Or les faits contredisent cette accusation. Si Israël avait voulu anéantir Gaza, il en avait les moyens en quarante-huit heures. Les deux millions d’habitants de l’enclave seraient morts. Le simple constat de leur survie invalide la thèse génocidaire. Pourtant, ce mot s’impose, précisément parce qu’il inverse les rôles : il permet d’accuser Israël avec les termes mêmes qui ont servi à désigner l’extermination des Juifs. C’est une revanche symbolique, une manipulation de la mémoire.

La stratégie de la victimisation

Le Hamas, lui, a parfaitement compris la logique médiatique de notre temps. Son objectif n’est pas de protéger sa population, mais de la sacrifier. En se dissimulant parmi les civils, en installant ses infrastructures militaires sous les écoles et les hôpitaux, il fabrique délibérément les conditions de la tragédie. Chaque enfant tué devient une arme de propagande. Chaque image de ruine est une victoire politique.

L’opinion publique occidentale, saturée d’images, se laisse prendre à ce piège. Elle inverse la causalité : ce ne sont plus les islamistes qui causent la mort de leurs propres enfants, mais l’armée israélienne qui les ciblerait volontairement. On entre alors dans un univers de mythes, où la compassion pour la victime l’emporte sur toute analyse des responsabilités.

L’ONU et la légitimité ambiguë

C’est dans ce contexte qu’intervient la reconnaissance de l’État palestinien à l’ONU par certains pays européens, suivis par la France. En soi, l’idée d’un État palestinien n’a rien d’illégitime : elle correspond à la solution des deux États envisagée depuis des décennies.

Mais la situation concrète est tout autre. Le Hamas domine Gaza, il influence profondément l’opinion palestinienne, et il pourrait à nouveau remporter des élections libres. Reconnaître l’État palestinien aujourd’hui, c’est donc conférer indirectement une légitimité à un mouvement que nous qualifions ailleurs de terroriste. C’est vouloir la paix tout en consacrant comme interlocuteur un acteur qui nie jusqu’au droit d’exister de l’État voisin.

Le symptôme d’une crise occidentale

L’« incompréhension radicale » n’est pas un simple aveuglement. Elle révèle une crise plus profonde de nos sociétés. Nous avons perdu la capacité d’appliquer des principes universels sans exception. Nous nous laissons guider par l’image immédiate, par la compassion sélective, par la mauvaise conscience historique.

En refusant de voir dans le Hamas ce qu’il est – un islamisme parmi d’autres – nous trahissons nos propres critères. Nous croyons défendre une cause humanitaire, mais nous légitimons un projet totalitaire. Nous croyons œuvrer pour la paix, mais nous alimentons la guerre.

Il y a là un diagnostic sur notre époque : l’impossibilité d’assumer la singularité d’Israël et, à travers elle, la singularité du destin juif. C’est cette impossibilité qui fait de nous des contemporains aveugles, prisonniers d’une mémoire retournée contre elle-même. L’exception que nous accordons au Hamas nous condamne : elle est le miroir de notre incapacité à penser clairement, donc à agir efficacement, face au retour de la barbarie islamiste.

Ballon d’Or: plus gonflant que gonflé!

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Qui pour succéder à l’Espagnol Rodri au palmarès du Ballon d’Or? Si ce grand raout mondain du football mondialisé vous passionne encore (autrement dit: si vous aimez regarder des millionnaires en costard et leurs femmes sur leur 31 attendre un des trop nombreux trophées dorés sous les lustres du Théâtre du Châtelet) alors sachez qu’on nous vend déjà Ousmane Dembélé comme favori.


Il fut un temps, que les moins de 20 ans n’ont pas connu, où le Ballon d’Or (qui récompensait alors uniquement le meilleur footballeur européen) était un vrai… cadeau de Noël. Créateur en 1956 de ce trophée, l’hebdomadaire France-Football révélait le nom du lauréat dans son dernier numéro avant Noël. Ce jour-là, un mardi, les amateurs de foot, grands et petits, avec l’excitation d’un gamin devant une pochette-surprise, se rendaient au kiosque (échoppe où se vendaient alors des journaux en papier, qu’on récupérait ensuite pour emballer le poisson) pour découvrir quel joueur avait décroché la une, pour connaître le nouveau Ballon d’Or.

Je vous parle d’un temps…

Et ensuite, comme au lendemain d’une élection politique, en pages intérieures ils épluchaient dans le détail le choix des journalistes européens habilités à voter. Le 22 décembre 1958, Raymond Kopa était le premier Français à inscrire son nom au palmarès… Le 24 décembre 1985, Michel Platini remportait son troisième Ballon d’Or… Le 22 décembre 1998, c’est Zinedine Zidane qui triomphait.

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C’était au siècle dernier, à la bonne franquette, la magie de Noël faisait scintiller l’or du ballon et briller le regard des enfants. Aujourd’hui, le scrutin épousant la saison sportive, à cheval sur deux années civiles, le verdict, désignant désormais le meilleur joueur mondial, est rendu à l’automne, à la saison des feuilles mortes.

Ennuyeux tapis rouge

L’occasion d’une soirée de gala à Paris, télévisée sur l’Equipe 21, cette année en direct du Châtelet, c’est au théâtre ce soir, mais la pièce jouée ne vaut pas un clou. Pour faire durer l’ennui, on distribue également un prix au meilleur espoir, au meilleur gardien, au meilleur entraîneur, à la meilleure joueuse, pas encore au meilleur supporteur ou au joueur ayant fait son coming-out, mais cependant un prix pour le footballeur le plus engagé dans l’action sociale et solidaire !

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Les joueurs, avec des compagnes sur leur 31, foulent le tapis rouge, déguisés en stars du show-biz au festival de Cannes, ce qui fait une belle jambe aux amateurs de foot qui les préfèrent en short sur un rectangle vert. Dans la salle, la grande famille du football sourit benoîtement comme celle du cinéma à la cérémonie des César.

Pour apporter un peu d’animation, depuis deux ans la polémique s’invite… En 2024, informés que le trophée serait attribué à Pedri un joueur de Manchester City, les joueurs et les dirigeants du Real Madrid avaient boycotté l’événement. Cette année, pressentant que le lauréat sera Yamal un joueur de Barcelone, ou Dembélé un joueur du PSG, Kylian Mbappé, ancien joueur du PSG mais nouveau joueur du Real, s’est fait porter pâle. Cela dit, les absents n’ont pas toujours forcément tort…


Dernière minute !!
Cela dit, les absents n’ont pas toujours forcément tort, ou peuvent avoir une bonne… excuse, tombée du ciel. Le match Marseille-PSG était programmé hier dimanche soir, mais annulé pour cause de pluies diluviennes sur le Vieux Port, il est reporté ce lundi, à la même heure que la cérémonie du Ballon d’Or, ce qui explique l’absence des joueurs du PSG au Châtelet (à l’exception de Dembélé, actuellement blessé et disponible pour enfiler un smoking). Pareil carambolage n’arriverait pas si la cérémonie se déroulait pendant la trêve des confiseurs, à… Noël.

Quelle connerie la guerre…


 © 2025 The Associated Press et WGBH

Dans une plaine pelée criblée de carcasses et d’arbres fracassés, maculée d’entonnoirs jusqu’à l’horizon, la petite troupe des fantassins lourdement harnachés, le casque bizarrement emmailloté de ruban adhésif bleu ou jaune, « poilus » souvent imberbes, s’enterrent dans des tranchées. Fracas d’artillerie, éclats, tirs sporadiques. Les blessés hurlent de douleur, dont on garrote avec les moyens du bord un bras, une jambe, avant de les évacuer, pourvu que le blindé salvateur arrive à démarrer dans la boue. Des macchabées en treillis gisent çà et là sous le bleu indifférent du ciel, dans le vacarme incessant des armes automatiques. On « bute » d’une brève rafale ou d’une grenade un type pris pour cible à moins de cinquante mètres de distance, en le traitant de « fils de pute ». Ou bien, après avoir froidement abattu son binôme, on déloge de son abri souterrain le dernier gus encore vivant, sous la menace de le liquider comme un chien s’il ne sort pas en rampant à plat ventre – hère hirsute, hébété, doublement captif car, pressé de questions, le mongol avouera ne pas savoir pourquoi on l’a envoyé dans cet enfer. D’un chaton recueilli au fond d’une cave, la brigade se fera une mascotte…

Village fantôme

Nous ne sommes ni dans un film d’archives colorisé de la Grande guerre, ni dans un jeu vidéo. Mais en 2023, sur le front du Donbass, côté ukrainien, capté en live par la caméra numérique HD collée comme une seconde peau à l’opérateur. La troisième brigade d’assaut dispute à l’ennemi le village d’Andriivka, en périphérie de Bakhmout, à deux heures de la ville de Kharkiv.  Comme le territoire est entièrement miné, le seul moyen de reprendre Andriivka à l’adversaire, c’est de se couler dans l’étroit corridor forestier qui reste encore pratiquable.

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Paradoxe de cette guerre de tranchées « archéologique » par bien des traits, en ce que son spectacle visuel renvoie implicitement à l’imagerie de 14-18 tels que restituée par ces innombrables films d’archives vus et revus. Sinon qu’ici la menace des essaims de drones ou les mouvements de troupe sont repérés, en arrière du front, dans une casemate bardée d’informatique dont les servants s’activent devant un mur d’écrans, et informent les combattants de la brigade d’assaut en temps réel, eux-mêmes suréquipés de matériels de haute technologie. Ancien préparateur de commande, Fedya, 24 ans, est à la tête de ce petit commando qui finira par planter le drapeau ukrainien, un peu dérisoirement, dans Andriivka dévasté, village fantôme au cœur d’un paysage de fin du monde. À quoi bon ? En attendant, les mères pleurent leurs fils fauchés de bonne heure, dans une interminable procession de cercueils.

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Hécatombe quotidienne

Tout aussi saisissant que le film 20 jours à Marioupol, prix Pulitzer en 2024, ce deuxième volet, A 2000 mètres d’Andriivka, nous rapproche pas à pas d’un but évanescent, aux côtés de ces guerriers pleins d’une bravoure aussi attachante que dérisoire. De fait, à peu de temps de là, les Russes reprendront cette minuscule parcelle arrachée à l’ennemi au prix d’une hécatombe quotidienne. En quoi le film, sur le fond, semble décidément épouser l’approche américaine dans son appel à déposer les armes coûte que coûte. Car comme dit la chanson, « quelle connerie la guerre » !


À 2000 mètres d’Andriivka. Documentaire de Mstyslav Chernov. Ukraine, États-Unis, couleur, 2025. Durée : 1h51
En salles le 24 septembre 2025.

Au Brésil, l’âme de la Confédération sudiste subsiste

Chaque année, la Festa dos Confederados réunit à Santa Bárbara d’Oeste les descendants des Sudistes installés au Brésil après la guerre de Sécession. Entre folklore revendiqué et héritage esclavagiste évidemment contestable, la fête ravive les tensions sur la mémoire et le racisme au Brésil.


Tous les ans, à Santa Bárbara d’Oeste, au Brésil, une foule bigarrée se presse autour d’un cimetière centenaire. Hommes en bottes et stetsons, femmes en robes à crinoline, jeunes danseurs arborant fièrement le drapeau confédéré : la Festa dos Confederados (fête des Confédérés) a des airs de bal costumé. Mais, derrière les sourires et les barbecues, les odeurs de steaks grillés et les airs de violons et d’accordéons se cache une mémoire lourde, qui divise le Brésil contemporain.

Quand le Brésil était un refuge pour migrants sudistes

En avril 1865, l’armée confédérée est vaincue, contrainte de signer sa reddition. Basé sur le commerce de l’esclavage, c’est tout un mode de vie qui s’écroule pour des milliers de planteurs de coton. Refusant de se soumettre à la Reconstruction et aux ordres humiliants de l’Union, certains vont chercher ailleurs une terre où reproduire leur modèle économique et social. Jeune nation indépendante depuis cinq décennies, l’empire brésilien de Dom Pedro II va alors devenir un refuge pour ces sudistes qui retrouvent toutes leurs privilèges perdus. Non seulement le pays maintient encore l’esclavage, mais il propose des avantages attractifs: terres fertiles achetables à un coût dérisoire, transport facilité, exonérations fiscales.

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C’est ainsi que près de 2 000 Américains, principalement originaires de l’Alabama, du Texas et de la Géorgie, s’installent dans l’État de São Paulo. Dans leurs bagages, des esclaves ramenés de force dans leur nouvel habitat tropical comme en témoignent les archives d’époque qui mentionnent également l’achat de captifs raflés sur les côtes africaines, revendus par les roitelets locaux aux navires européens venus s’approvisionner en marchandise humaine. Cette petite société va rapidement s’organiser et récréer tous les éléments d’un « petit Sud » qui entend survivre aux affres de l’histoire envers et contre tout.

En 1867, cette communauté se dote d’un cimetière au décès du premier de ses membres afin de pouvoir enterrer ses défunts selon le rite protestant toléré dans ce vaste empire catholique. Le « Cemitério do Campo » abrite encore aujourd’hui entre quatre et cinq cents tombes, une chapelle œcuménique et de nombreux objets liés à la Confédération, dont un obélisque dressé afin de rappeler cette épopée qui fait aujourd’hui débat dans la société brésilienne. Bien que l’esclavage ait été aboli en 1888 par la monarchie par la suite, c’est ici que les descendants de ces confédérés continuent encore de se réunir pour entretenir la mémoire de leurs ancêtres, derniers tenants d’un monde disparu où la hiérarchisation raciale et l’économie esclavagiste jouèrent un rôle central encore longtemps.

Une curiosité touristique

Pendant des décennies, la célébration a été localement vue comme une curiosité historique et un attrait touristique. Mais, avec l’apparition du Black Lives Matter (BLM) aux États-Unis, la visibilité publique du drapeau et des symboles confédérés a déclenché des critiques croissantes de la part des mouvements antiracistes, d’élu(e)s et de la société civile brésilienne. Le débat local s’est rapidement durci entre défenseurs d’une « tradition » commémorative et partisans d’une réévaluation critique du passé.

Pour les descendants des Confédérés, cet héritage, qu’ils célèbrent, n’a rien à voir avec l’esclavage. Rogério Seawright, ancien président de Fraternité des Confédérés, affirme que leur apport réside dans « les écoles, les hôpitaux, la pastèque Georgia Rattlesnake », et rejette toute accusation : « Cet héritage d’esclavage appartenait déjà au Brésil. » Il défend aussi le drapeau confédéré, symbole selon lui de leur origine.

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Mais face à ce discours, la contestation est de plus en plus vive. Les détracteurs de cette cérémonie ont réclamé que les rues rappelant ce passé sudiste, telles que Pyles, Crisp, MacKnight et Jones, soient renommées afin d’effacer toute trace de cet américanisme controversé. L’ancienne députée Erica Malunguinho a obtenu l’interdiction de ce drapeau, jugé lié au suprémacisme blanc et au Ku Klux Klan. Les tensions entre les deux communautés se sont accentuées après la visite de l’ancien député Eduardo Bolsonaro, fils du président du même nom accusé de tentative de putsch, à Santa Bárbara, soutenue par la Fraternité. En réaction, la conseillère municipale Esther Moraes (Verts) et des associations ont proposé de bannir avec succès tout symbole « raciste » des événements publics. Pour la militante Silvia Motta, l’enjeu est clair : « Tout ce qui appartient à la population noire est effacé » par les descendants des esclavagistes, d’après elle.

Le changement de gouvernance lors des dernières élections présidentielles dans le pays (2022) ont permis aux associations d’obtenir finalement gain de cause. Depuis janvier 2025, la Festa dos Confederados a décidé de se défaire définitivement de son passé et de s’appeler « Fête des Américains ». Les drapeaux confédérés de la ville ont tous été recouverts de peinture, comme le symbole arborant un obélisque au centre-ville, portant les noms de famille des soldats sudistes. Interrogés, le nouveau dirigeant de la Fête, Marcelo Sans Dodson, explique que la fête sera désormais axée sur la célébration de l’immigration américaine dans son ensemble, et non plus seulement de leur passé lié à la guerre de Sécession… Même si on peut encore y entendre Dixie, l’hymne confédéré, entonné par les descendants de ces colons, grimés tel qu’on peut le voir dans le film Autant en emporte le vent. Un peu comme en avril dernier où les Américains ont commémoré le 160e anniversaire de la reddition sudiste, à Appomattox. La Festa dos Confederados illustre parfaitement la persistance des tensions raciales au Brésil à l’heure où les États-Unis réhabilitent les noms et statues confédérées déboulonnées: sous couvert de folklore et de costumes pittoresques, elle recycle un imaginaire qui glorifie l’ordre ségrégationniste d’hier. Quoiqu’on en pense, elle reste plus que jamais le miroir de l’histoire brésilienne: une société qui, aujourd’hui encore, peine à regarder en face ses propres fondations et son histoire avec le recul que cela impose.

L’Intelligence artificielle, ou le réenchantement du monde pour les nuls

On savait notre chroniqueur farouche détracteur de l’Intelligence Artificielle qui permet à tant de journalistes d’écrire des articles bien informés et vides de sens. Le voici qui craint désormais une déculturation massive, une perte sans précédent de compétences. N’exagère-t-il pas ?


Dans un article récent du Figaro, Luc Ferry explique que l’utilisation massive de l’IA entraîne déjà chez les étudiants un « Deskilling », une perte de compétences et de savoir-faire (« skills »). À quoi bon apprendre, estiment-ils, si une machine est « plus performante qu’eux dans tous les domaines de l’intelligence et du savoir ? » 

Et d’ajouter, dans un style exclamatif assez peu philosophique :
« 88 % des étudiants font faire leurs devoirs par ChatGPT ! Les derniers modèles d’IA permettent en outre de contourner l’interdiction de tricher: il suffit d’une oreillette et d’un smartphone bien cachés pour soumettre discrètement les sujets de l’examen à une IA et obtenir les réponses tout aussi discrètement en quelques secondes. Cette situation est désormais réelle. Elle a été constatée lors d’un examen de l’ULB, l’université de Bruxelles, le professeur ayant demandé à ses étudiants, pour défendre le principe de l’égalité pour tous, de découvrir leurs oreilles afin d’éviter la triche que permet l’usage d’oreillettes dissimulées. Sa demande, bien légitime, a suscité une incroyable polémique, les étudiantes voilées ayant déposé un recours contre lui au nom de la liberté religieuse ! »

Un joli prétexte pour rester voilées et tricher.

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Mais l’ancien ministre reste au seuil de la compréhension du problème. L’IA n’est pas seulement un outil. C’est une divinité.

On se souvient que Max Weber, dans L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme (1904-1905), avait théorisé le « désenchantement du monde » : après une phase primitive où tout est signe divin (fétichisme), l’humanité est passée par une phase polythéiste, avec des dieux spécialisés, puis monothéiste, avec un Dieu tout-puissant, et enfin une phase athée, où l’homme est son propre dieu. Nous en sommes aujourd’hui, depuis que l’informatique domine nos vies, à une phase égothéiste, où nous pensons être grands ordonnateurs de la pensée, alors que nous sommes les esclaves des ordinateurs auxquels nous demandons humblement des réponses à nos questions. La servitude volontaire dont parlait La Boétie nous tend ses bras et ses micro-processeurs.

Les médecins déjà avouent que l’IA est bien plus forte qu’eux pour diagnostiquer des maladies non encore perceptibles par les outils ordinaires. Les étudiants se confient aux machines pour étudier à leur place. Les journalistes, subventionnés ou non par les fabricants de merveilles, chantent les louanges de ChatGPT dans des articles écrits… par ChatGPT.

J’ai déjà tenté d’expliquer qu’il s’agit là d’une illusion extrêmement dangereuse — et d’autant plus dangereuses que la « Gen Z », ou génération Z, arrive aux manettes — et dans les salles de profs, où elle prépare ses cours avec l’IA, pense avec l’IA, et corrige avec l’IA des copies écrites avec l’IA. Mal formés par des enseignants qui ont baissé les bras devant des politiques de médiocrité généralisée, ces nouveaux boomers confondent compétences et savoirs. L’IA est sans égale dans le domaine des compétences. Elle est nulle dans le domaine du savoir. Au point que Raphaël Enthoven, qui n’est pas exactement Aristote ni Kant, a enfoncé ChatGPT il y a deux ans en proposant une dissertation de baccalauréat infiniment plus élaborée que ce que proposait la machine, réglée pour se limiter à une médiocrité de bon ton. Inintelligence artificielle, disais-je…

La fin du facteur humain

Ah oui, les médecins s’en remettent à l’IA ? Et les futurs docteurs se fient aux machines pour élaborer des diagnostics ? Demandez-leur donc comment elles annoncent à un patient atteint d’un cancer du pancréas qu’il va mourir dans un délai de six à neuf mois. Avec quelle délicatesse elles lui fourniront immédiatement des modèles de testaments.

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Sans compter que la machine, à laquelle on a intégré nécessairement la question du coût des traitements, vous abandonnera en rase campagne si elle estime votre survie trop onéreuse pour la société. Déjà que sans IA on a multiplié les déserts médicaux…

L’IA signe la fin du facteur humain. Jadis les dieux (ou le dieu) trônaient au-dessus des homes. Désormais c’est un outil de plastique qui est installé dans les foyers comme une divinité tutélaire, disponible dans la poche des pantalons comme autrefois les dieux lares. C’est le totem du New Age.

Les machines ont leur utilité — elles sont les Pic de la Mirandole de la modernité. Monsieur-Madame Je-sais-tout. Des machines dégenrées, un rêve de jobards LG-hébétés. Pas de quoi briser les ordinateurs, les smartphones, les montres connectées et autres merveilles auxquelles nous soumettons notre humanité. Mais il est essentiel d’expliquer que notre humanité ne sera jamais réductible à une mémoire artificielle — parce qu’elle est par définition dépourvue d’émotions. Et c’est ce qui fonde notre humanité.

L'école sous emprise

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Anouilh, entre le balai mécanique de la Vicomtesse et «Antigone»

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© Alejandro Guerrero

Jusqu’au 3 novembre, tous les lundis à 21h au Théâtre de Poche Montparnasse, Jean Anouilh revit dans un spectacle imaginé et interprété par Gaspard Cuillé et Benjamin Romieux sur une mise en scène d’Emmanuel Gaury. Les souvenirs du dramaturge, succès et fours mémorables, histoires d’armée et rencontres pittoresques, sont un hymne aux planches.


Quelle leçon ! D’humilité, de fantaisie, de drôlerie et d’adoration du théâtre, de ses personnages et du jeu pour le jeu. Les hommes qui cessent de jouer sont le poison des sociétés modernes. Ils veulent tout régenter, tout expliquer, tout alourdir pour qu’advienne une pensée magique. Ils ont tué le théâtre à trop réfléchir à leur postérité embryonnaire. Ils ont muré tous les espaces de liberté. Leurs mots sont des entonnoirs. Ils ont une mentalité de sergent-instructeur. Seul le brouhaha de leurs idées a droit de cité. Le reste doit être abattu, combattu. Ils sont si peu sûrs de leur talent qu’ils crachent avant de parler. Et puis, il y a Anouilh, le réformé temporaire, le gamin de la Porte de la Chapelle, le bon élève de Chaptal, l’adorateur de Siegfried de Giraudoux, l’apprenti dramaturge lancé dans la vie parisienne à coups de triomphes juvéniles et de salles vides. Il aura tout connu. Les salles combles et les gadins magistraux. Les travaux alimentaires d’écriture et la promiscuité des plus grands, Jouvet, Fresnay ; l’héritage de Molière et de Dullin. L’Occupation et les bureaux des producteurs de cinéma. Les actrices sans filet et les soirs de générale. La chambre mansardée, une fine tranche de pâté de campagne le soir de la Saint-Sylvestre et les tournées internationales au champagne. Aujourd’hui, Anouilh, c’est du sérieux, du « validé » par l’enseignement, l’une de nos gloires nationales bien que certaines pièces conservent leur fumet d’insoumission. Pauvre Bitos ! Dans certains milieux autorisés, on se méfie d’Anouilh, on lui cherche des poux dans le texte, on aimerait bien qu’il clarifia sa position en son temps. De quel côté, de quel bord parlait-il ? Il est mort en 1987. Il était dans le camp du spectacle vivant et des mystères de Paris, messieurs les censeurs ! Cet été, dans un dossier, nous avons eu l’ambition de définir l’esprit français. Chacun apportant sa pierre à un édifice brinquebalant, chacun y allant de ses tocades. Je me souviens avoir évoqué Guitry, Audiard, Broca, Hardellet, mes classiques et j’ai omis Anouilh. Qu’il m’en soit pardonné ici.

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La Compagnie du Colimaçon, alerte, enjouée, sans boursouflure, à l’économie vitale, comble en ce moment mon oubli au Théâtre de Poche. Elle a décidé de monter Souvenirs d’un jeune homme dans un habile dédoublement, ce ping-pong verbal léger à deux têtes est divertissant (ce n’est pas un crime). Sa modestie et son humilité n’ont rien d’un spectacle janséniste. Les deux comédiens présents sur scène incarnent Anouilh à tour de rôle et nous faufilent derrière le rideau. Sans gravité, avec malice et douce ironie, les géants des tréteaux s’animent. On revisite non pas la tarte tatin mais les années 30/40 avec l’œil d’un auteur plus que prometteur. Anouilh a publié à la Table Ronde ses souvenirs sous le titre La Vicomtesse d’Eristal n’a pas reçu son balai mécanique. La Compagnie s’appuie sur cette bible savoureuse, gorgée d’anecdotes et d’intelligence. Avant Antigone, avant Eurydice, Anouilh bachelier ayant quitté les bancs de l’université de droit débuta sa carrière en qualité d’employé des Grands magasins du Louvre au bureau des réclamations puis il se lança en tant qu’éphémère concepteur-rédacteur dans une maison de publicité. Il y fit alors la connaissance de Neveux, Grimault, Prévert et Aurenche. La pièce enchaîne des saynètes sublimes et dérisoires comme ce jour de gala sur une piste de danse. Jadis, Anouilh avait décroché le Premier prix de Charleston au Casino de Stella-Plage (Pas-de-Calais). Voilà ce qui fait le sel de cette pièce, sa mécanique endiablée, l’on passe d’une garnison de Thionville au bureau de l’amer Jouvet, de l’hôtel particulier de la Princesse Bibesco qui le reçoit « étendue sur une méridienne à col de cygne recouverte de satin blanc » à l’intérieur spartiate de Pitoëff « le seul homme de génie que j’ai rencontré au théâtre ». Petite souris, nous nous glissons dans le compagnonnage avec l’ami de toujours Barsacq « un vrai travail, artisanal et fraternel », nous succombons aux fous-rires de Suzanne Flon et aux débuts de Bruno Cremer et de Michel Bouquet. Paulette Pax (1886-1942) avait bien raison de dire : « Anouilh, le théâtre est une chose inouïe ! ».

Informations et réservations ici.

Reconnaître la Palestine le jour du Nouvel An hébraïque, Roch Hachana, le 22 septembre, appose un sombre sceau dans l’Histoire

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Malgré l'interdiction préfectorale, des élus de gauche déploient un drapeau palestinien devant l'Hotel de ville de Saint-Denis (93), 22 septembre 2025 © LIONEL URMAN/SIPA

Le président Macron fait le pari fort hasardeux de reconnaitre un État pour les Palestiniens avant d’exiger de leur part de refonder leur représentation politique. Grande analyse.


Le Nouvel An hébraïque, Roch Hachana, célébré du 21 au 23 septembre, inclut le 22 : date qu’Emmanuel Macron a choisie pour annoncer, à l’ONU, la reconnaissance de l’État de Palestine. Or, après le pogrom du 7 octobre 2023, la priorité aurait dû être le démantèlement du Hamas et des autres organisations islamistes. Une telle reconnaissance, purement verbale, n’apportera rien de concret sur le terrain ; elle risque au contraire de transformer cette entité en une “Mecque” mondiale de l’antisémitisme, livrée aux islamistes, tout en affaiblissant la diplomatie française.

Ce choix inscrit une date sombre dans l’Histoire. Il s’ajoute à une véritable guerre des mots, où l’on répète un récit tronqué perçu comme une blessure dans la mémoire collective juive. Victor Klemperer le soulignait déjà : « Les mots peuvent agir comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, et leur effet se fait sentir avec le temps. »

Le terme même de “Palestine” illustre cette mécanique. Imposé par l’empereur Hadrien au IIᵉ siècle pour effacer la Judée après la révolte de Bar Kokhba, il reprenait le nom des Philistins, ennemis des Hébreux. Rebaptiser une terre, c’était effacer une mémoire.

Bien plus tard, ce nom fut réactivé pour désigner le territoire placé sous mandat britannique, issu des accords de Sykes-Picot et de la conférence de San Remo. Cette conférence, en avril 1920, consacra le partage des restes de l’Empire ottoman : la Syrie et le Liban furent placés sous mandat français, tandis que la Palestine et l’Irak passèrent sous mandat britannique.

La Société des Nations entérina ces décisions en instituant trois mandats distincts : l’un pour la France sur la Syrie et le Liban, l’autre pour le Royaume-Uni sur la Palestine, et un troisième pour le Royaume-Uni sur l’Irak. Toutefois, le mandat britannique sur la Palestine comportait une clause particulière : les territoires situés à l’est du Jourdain furent exclus de l’application de la Déclaration Balfour. C’est cette disposition qui donna naissance à la Transjordanie, devenue la Jordanie actuelle, conçue dès l’origine comme le foyer arabe distinct du projet national juif prévu à l’ouest du fleuve.

Après l’expulsion de Fayçal de Damas par les troupes du général Gouraud en 1920, son frère Abdallah entra en Transjordanie avec l’appui des tribus du Hedjaz pour venger cette défaite. Les Britanniques reconnurent son autorité en 1921 sur les territoires situés à l’est du Jourdain. Or, dans le même temps, la Palestine mandataire à l’ouest connut, dans les années 1920 et 1930, des violences répétées.

En 1947, la résolution 181 de l’ONU proposa un partage entre un État juif et un État arabe. Israël accepta, les pays arabes refusèrent, et la guerre éclata. Dès lors, la revendication arabe changea de nature : non plus une demande de coexistence, mais une exigence exclusive, concevant l’État palestinien comme instrument contre Israël plutôt que comme partenaire.

Après la guerre de 1947-1948, les régions historiquement connues sous le nom de Judée et de Samarie furent rebaptisées “Cisjordanie”. Restées sous contrôle de la Légion arabe jordanienne, dirigée par des officiers britanniques comme Glubb Pacha, elles furent annexées par la Jordanie en 1950 à la suite de la conférence de Jéricho, au nom de « l’unité des deux rives ».

Cet arrière-plan historique a été totalement occulté dans les déclarations du président de la République. Or, avant de prendre une telle décision, il convient de rappeler que, depuis l’été, la France connaît une recrudescence d’actes antisémites, ainsi que des prises de position hostiles de la part de responsables politiques, en particulier à gauche.

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La décision de la maire écologiste de Strasbourg, Mme Jeanne Barseghian, d’annuler le jumelage avec Ramat Gan, symbole du développement technologique israélien et de sa Silicon Valley, en est un exemple. De même, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a encouragé le pavoisement du drapeau palestinien sur des mairies françaises.

Ce drapeau, dont l’origine est trop souvent oubliée, fut proclamé par le chérif Hussein de La Mecque lors de la révolte arabe de 1916. Il revendiqua ensuite le titre de calife après l’abolition du califat par Mustafa Kemal Atatürk en 1924. Ses couleurs renvoient aux grandes dynasties de l’islam : le blanc pour les Omeyyades de Damas et de Cordoue, le noir pour les Abbassides de Bagdad, le vert pour les Fatimides du Caire et le rouge pour les Hachémites, descendants du Mahomet.

La situation territoriale actuelle illustre les limites du processus d’Oslo. L’Autorité palestinienne, issue des accords de 1993-1995, n’exerce son autorité que sur les zones A et B de Cisjordanie. La zone A, environ 18 % du territoire, est sous contrôle civil et sécuritaire palestinien ; la zone B, environ 22 %, sous administration civile palestinienne mais avec un contrôle sécuritaire conjoint. La zone C, près de 60 %, reste intégralement sous contrôle israélien.

Depuis le début des années 2000, les négociations de paix sont au point mort, et la division politique a renforcé l’impasse. Depuis 2007, la bande de Gaza échappe à l’Autorité palestinienne et demeure sous le contrôle du Hamas, accentuant la fracture entre Cisjordanie et Gaza.

La difficulté n’est pas seulement territoriale mais représentative. Qui parle au nom des Palestiniens ? Depuis près d’un siècle, les structures qui ont prétendu incarner leur voix se sont effondrées : le Haut Comité arabe d’Amin al-Husseini, compromis par ses liens avec le nazisme ; le Haut Conseil arabe, qui proclama en 1948 un « gouvernement de toute la Palestine » fantomatique ; enfin l’OLP, créée en 1964 par Nasser, instrumentalisée par les régimes arabes et vite dominée par Yasser Arafat.

Yitzakh Rabin, Yasser Arafat et Bil Clinton, lors de la signature des accords d’Oslo à Wahsington, 13 septembre 1993. ©J. David Ake

Arafat incarna la duplicité politique. Aux Occidentaux, il se présentait comme partenaire de paix ; aux Arabes, comme chef de guerre ; aux Soviétiques, comme allié révolutionnaire ; aux monarchies du Golfe, comme bénéficiaire d’une rente indispensable. Il abrogea certains articles hostiles mais refusa de reconnaître l’histoire juive de Jérusalem. Il signa Oslo mais entretint les manuels glorifiant le terrorisme. Il parla de réconciliation mais s’appuya sur un appareil sécuritaire fondé sur la corruption et la violence. L’Autorité palestinienne, née de ces accords, devint une bureaucratie autoritaire, dépendante de l’aide internationale et minée par le népotisme.

Mahmoud Abbas, son successeur, verrouilla encore davantage le système. Il multiplia les propos antisémites, entretint un clientélisme paralysant et conserva les réflexes autoritaires. Le désenchantement grandit, ouvrant un espace immense aux islamistes. Hamas et Jihad islamique s’imposèrent à Gaza, nourris par l’échec des institutions. Leur victoire électorale en 2006 puis leur coup de force en 2007 illustrent la faillite de la représentation dite laïque. La corruption nourrit l’islamisme, et l’islamisme prospère sur la faillite du politique.

Reconnaître un État palestinien aujourd’hui, c’est entériner une illusion dangereuse. Trois scénarios sont plausibles : un État failli, rongé par la corruption et les luttes inter-palestiniennes ; un émirat islamique dirigé par le Hamas ou le Jihad islamique, institutionnalisant l’antisémitisme et menaçant Israël ; ou encore un État sous tutelle régionale, dépendant du Qatar, de la Turquie ou de l’Arabie saoudite. Dans tous les cas, il deviendrait un foyer idéologique de l’antisémitisme, catalyseur des haines anciennes et nouvelles.

La déclaration du chef de l’État en faveur d’un “État palestinien” plutôt qu’un “État binational” ne résiste pas à l’examen. Il ne revient pas à Paris, éloigné de la réalité du terrorisme, de décider à la place de ceux qui vivent ce conflit. Les résolutions 242 et 338, fondées sur le chapitre VI de la Charte de l’ONU, appellent à des négociations : la priorité doit être d’établir une représentation palestinienne crédible pour engager de véritables pourparlers.

Un État ne naît pas d’une proclamation, mais d’institutions légitimes, capables de gouverner sans corruption, de résister à l’islam politique et de s’affranchir des manipulations régionales. La paix ne se décrète pas ; elle suppose une culture politique nouvelle. Tant que l’éducation glorifiera la violence et que l’histoire juive sera niée, aucune paix ne sera possible. Tant que le langage officiel restera prisonnier de la haine, la société palestinienne restera prisonnière de la violence.

En annonçant cette reconnaissance, la France confond le mot et la réalité et sacrifie la vérité à une illusion diplomatique. La paix exige au contraire de refonder la représentation palestinienne, de limiter l’ingérence régionale et de conditionner l’aide internationale à de vraies réformes. Sans cela, reconnaître un État palestinien ne serait pas un pas vers l’avenir, mais une marche vers l’abîme.

Ceci n’est pas une fiction

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DR

Le festival du film de Toronto a réussi l’exploit de censurer un documentaire sur un héros israélien… parce que demander les droits d’auteur au Hamas, c’était apparemment plus important


La cinquantième édition du Festival du film de Toronto s’est déroulé du 4 au 14 septembre 2025. Devait y être projeté The Road Between Us : The Ultimate Rescue du cinéaste canadien Barry Avrich. Ce documentaire consacré au pogrom du 7-Octobre retrace l’histoire du général à la retraite Noam Tibon, membre du kibboutz Nahal Oz, qui le 7 octobre 2023 a secouru sa famille, ses deux petites-filles, ainsi que des survivants du massacre du festival Nova. Il a également porté secours à des soldats blessés. Tout le documentaire se concentre sur ce sauvetage de la famille durant l’attaque terroriste du Hamas.

Mais les organisateurs du festival ont décidé de déprogrammer la projection de ce documentaire. Pourquoi ? Le motif juridique est hallucinant : le réalisateur ne peut fournir les autorisations d’utilisation des vidéos diffusées par le Hamas. Ben oui ! N’est-ce pas l’organisation terroriste qui est détentrice des droits d’auteur de ces images ? C’est ballot de ne pas leur avoir demandé l’autorisation de diffuser. Et pourquoi pas leur verser des droits d’auteur, tant qu’à faire…

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Certains mauvais esprits ont plutôt expliqué la reculade du festival par la trouille. Comme si c’était une habitude de nos invités du désert de sauter sur toutes les occasions pour créer des émeutes ! Comme s’ils n’étaient pas ouverts au débat contradictoire ! Comme s’ils soutenaient aveuglément la « cause palestinienne » ! Comme s’ils étaient des aficionados du Hamas ! Comme s’ils étaient antisémites !

Le général Tibon, quant à lui, qualifie d’« absurde et démente » l’exigence d’autorisation d’utilisation des images de terroristes. Il y voit « une nouvelle atteinte aux victimes de cette journée terrible ».

On ne meurt que deux fois.

Après l’Angleterre, la grogne anti-immigration tourne à l’émeute aux Pays-Bas

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Des manifestants d’extrême droite s’affrontent avec la police à La Haye, aux Pays-Bas, 20 septembre 2025 © James Petermeier/ZUMA/SIPA

Des batailles rangées entre la police et des hooligans, venus détourner une manifestation pacifique contre l’immigration, ont marqué le début de la campagne électorale aux Pays-Bas.


Samedi 20 septembre, sous une pluie battante à La Haye, une influenceuse de droite se présentant sous le pseudonyme de Els Rechts (= « de droite ») implorait « le peuple » de ne surtout pas voter pour la gauche aux élections législatives anticipées du 29 octobre. Si, par malheur, son appel n’était pas entendu, affirmait-elle, les demandeurs d’asile et autres migrants finiraient par « grand-remplacer » les Néerlandais.

La militante Els Rechts (vidéo en hollandais)

Un refrain entonné pour la énième fois par cette jeune femme qui a acquis une certaine notoriété sur les réseaux sociaux de droite, où elle chante les louanges du leader anti-immigration Geert Wilders. Celui-ci avait cependant décliné son invitation à s’adresser à la foule, tout comme Thierry Baudet, autre figure de la droite dure néerlandaise.

On ne porte pas le même maillot mais…

Avaient-ils pressenti que ce rassemblement modeste, sur le « Champ-de-Mars » de La Haye, finirait dans la violence et les pleurs d’une Els débordée ? Cette réunion, en apparence anodine, a pourtant attiré, comme l’a constaté la police, un millier d’individus, tous vêtus de noir, qui restaient à l’écart de l’estrade, ignoraient les discours, narguaient les forces de l’ordre et semblaient surtout célébrer leurs retrouvailles. La plupart, selon la police, faisaient partie des noyaux durs de supporters de football venus de tout le pays. Comme quoi la lutte contre l’immigration a le pouvoir de fraterniser des rivaux jurés…

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Une fois finies les embrassades, les hooligans ont pris d’assaut l’autoroute longeant le site de la manifestation, bloquant la circulation et attaquant les policiers venus les déloger. Si ces scènes de violence peuvent à peine surprendre des Français habitués aux agissements des black blocs, elles ont choqué les Néerlandais, peu accoutumés à de tels spectacles.

Chassés de l’autoroute, les jeunes hommes en noir ont manqué de lyncher des policiers en sous-nombre, ont incendié deux voitures de police, malmené des journalistes et photographes et ignoré les appels au calme d’Els Rechts. Sur l’estrade, elle s’était drapée dans un drapeau orné des portraits de deux de ses idoles assassinées : Pim Fortuyn et Charlie Kirk.

Selon certains des émeutiers ayant accepté de répondre aux reporters, la haine de l’immigration non blanche n’était pas leur seule motivation. La colère contre le « dénigrement de notre passé colonial » figurait également parmi leurs griefs. Plusieurs brandissaient ainsi des « drapeaux du prince », ancien drapeau du pays datant de la guerre d’indépendance contre l’Espagne (1568-1648), bannière récupérée par le parti collaborationniste NSB pendant l’Occupation nazie des Pays-Bas.

Saluts fascistes

Certains adeptes du white power, comme l’attestaient les slogans sur leurs T-shirts, ont provoqué les passants avec le salut fasciste, avant de tenter de prendre d’assaut les bâtiments du Parlement tout proche — tentative que la police anti-émeutes a heureusement pu déjouer de justesse. En chemin, des hooligans ont brisé les vitres d’un immeuble abritant un parti politique jugé trop favorable à l’immigration et ont tenté de l’incendier en lançant un conteneur en flammes contre sa porte d’entrée.

Leurs actions étaient souvent rythmées par un même slogan : « AZC weg ermee ! »AZC étant l’acronyme d’Asiel Zoekers Centrum (centres de demandeurs d’asile) et weg ermee signifiant « dehors ! ».

La colère d’une partie de la population hollandaise se concentre aujourd’hui sur ces AZC, d’autant plus après le meurtre, fin août, de Lisa, 17 ans, attaquée alors qu’elle rentrait seule à vélo dans son village d’Abcoude après une soirée à Amsterdam. Elle avait eu le temps d’appeler la police, mais celle-ci est arrivée trop tard. Le pays entier a été bouleversé par le destin de cette lycéenne fraîchement diplômée du bac, sportive et passionnée de l’Ajax, qu’elle suivait régulièrement au stade lors des matchs à domicile avec ses parents. Quelques jours après sa mort, une minute de silence bouleversante lui avait été dédiée à la Johan Cruijff Arena.

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Un suspect a rapidement été arrêté dans l’AZC voisin : un Africain de 22 ans récemment arrivé aux Pays-Bas, également accusé de deux agressions sexuelles à Amsterdam. Est-il Nigérian ou Érythréen ? Pouvait-il aller et venir dans lAZC à sa guise et à toute heure ? Est-il vrai que les femmes y vivent dans une peur constante de violences sexuelles et que de jeunes résidents s’adonnent à toutes sortes de trafics ? Le journal amstellodamois Het Parool l’affirme. La police, redoutant une émeute à l’anglaise contre ce centre qui héberge quelque 800 personnes, communique le moins possible en attendant le procès, prévu en novembre.

Récupération politique

Le politicien Geert Wilders a réagi à la tragédie de Lisa en exigeant la fermeture des quelque trois cents AZC du pays, ce qui lui a valu les reproches de la gauche, l’accusant d’exploiter le drame à des fins électorales. « L’insécurité des femmes est un problème d’hommes, qu’ils soient étrangers ou néerlandais », affirment certains commentateurs progressistes. Un avis contesté par une chroniqueuse du très woke NRC, rappelant que les demandeurs d’asile masculins sont bel et bien surreprésentés dans les statistiques de criminalité, notamment sexuelle.

Le sort de Lisa avait déjà conduit, à la veille des émeutes de La Haye, des centaines d’habitants de Doetinchem, près de la frontière allemande, à prendre d’assaut la mairie où devait être décidé l’ouverture d’un nouvel AZC. Partout dans le pays, ces centres sont désormais considérés comme des foyers potentiels de violeurs et de meurtriers.

Dans cette campagne électorale, débutée dans la violence, la droite (libérale ou dure) ne manquera pas d’accuser le leader de gauche Frans Timmermans de « mollesse » sur l’immigration. Son parti est pour l’instant deuxième dans les sondages, derrière celui de Geert Wilders, lequel avait, en juin dernier, sabordé « sa » coalition gouvernementale sous prétexte qu’elle ne suivait pas ses consignes pour durcir davantage la politique d’immigration1… Ses « discours de haine » ont-ils contribué aux émeutes de La Haye ? M. Timmermans et d’autres responsables de gauche en sont convaincus.


  1. Le 3 juin 2025, le Premier ministre Dick Schoof a présenté la démission de son gouvernement, après que le Parti pour la liberté de M. Wilders a décidé de se retirer de la coalition NDLR. ↩︎

Comment le «progressisme» peut désinformer et attiser les haines

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Le président Donald Trump enlace Erika Kirk à la fin d’une cérémonie en mémoire de son mari, l’activiste conservateur Charlie Kirk, le dimanche 21 septembre 2025, au State Farm Stadium de Glendale, en Arizona © Julia Demaree Nikhinson/AP/SIPA

Guerre culturelle: et si le vent était en train de tourner? Dans la bataille, notre chroniqueur n’a aucun problème à mettre mélenchonistes et macronistes dans le même panier…


La gauche robespierriste a ressorti la guillotine. Elle a été installée place de la République, le 18 septembre, par des nostalgiques de la Terreur. Sur la maquette de trois mètres de haut, il était écrit : « Bolloré, Arnault, Stérin : couic ! » ; ou encore : « Si t’es écolo, plante un facho ! ». De l’humour, ont relativisé les médias complaisants.

Hystérie progressiste

Sans doute. Il n’empêche que le goût du sang imprègne de plus en plus le « progressisme », à mesure qu’il enrage face au réveil national de la France naguère silencieuse. Cette intolérance des vendeurs de vertu fait craindre de leur part un retour à la violence physique. L’assassinat de l’influenceur Charlie Kirk, à qui un hommage national a été rendu hier en Arizona en présence de Donald Trump, a été mis sur le compte de son conservatisme, y compris par des figures du macronisme. La pensée mondaine ne supporte pas non plus les succès de CNews. En l’accusant d’être « une chaîne d’extrême droite » (Le Monde, 18 septembre), Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, a placé les journalistes de CNews en situation d’insécurité. L’hystérie gagne les mélenchonistes et les macronistes. Ils sont unis dans la même détestation de ceux qui n’entendent plus se soumettre à la tyrannie des universalistes anti-français d’extrême gauche et des mondialistes post-nationaux du bloc central. Une même dérive totalitaire unit ces deux courants politiques. Ils hurlent à l’unisson contre l’extrême droite et le fascisme, comme aux belles heures du stalinisme et de ses incapacités à admettre la contradiction.

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Tous les mécanismes de la désinformation et de l’inversion accusatoire ont été réactivés par la gauche. Des journalistes militants, notamment au Monde, ont cherché à falsifier le profil du tueur de Kirk afin de gommer son fascisme « antifasciste ». D’autres dénonciateurs de « fake-news » se sont employés à tordre des propos de la victime pour la faire passer pour un danger nazi ; hier soir, son épouse a « pardonné » au meurtrier au nom du Christ. Le succès de la pétition de Philippe de Villiers contre l’immigration est laborieusement mis en doute. Le service public de l’audiovisuel, ébranlé par les révélations de L’Incorrect sur les compromissions politiques de deux de ses éditorialistes, est venu en renfort avec sa force propagandiste.

Indésirables

Ernotte a aussi déclaré l’autre jour, parlant de France TV : « Nous n’avons pas de problème de pluralisme ». Le comité de la Pravda (« La Vérité », en russe) devait asséner de semblables énormités ! Déjà, en novembre 2022, une campagne de promotion de 14 chevaliers blancs de l’audiovisuel public assurait sans rire : « Info ou intox : on vous aide à faire le tri ».

En 50 ans de journalisme, je n’ai jamais été convié à France Inter. Je ne suis pas le seul indésirable sur ce « service public » qui viole son devoir de neutralité.

Ce lundi, mélenchonistes et macronistes se féliciteront de la décision du chef de l’État de reconnaître, à l’ONU, un État palestinien, alors que le Hamas est toujours en place avec 48 otages. Cette victoire islamiste, parrainée par la gauche perdue, annonce d’autres terreurs.

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Incompréhension radicale

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Rassemblement propalestinien, en face du siège de l’ONU, New York, États-Unis ,18 septembre 2025 © Lev Radin/Shutterstock/SIPA

Drôle de timing. Le président Macron s’apprête à reconnaitre un État palestinien à l’ONU, à un moment des plus controversés (le Hamas n’est pas démantelé, détient toujours 48 otages à Gaza, et 47% des citoyens français désapprouvent cette décision, selon un sondage Elabe). Un « pari risqué » pour parvenir à la paix, selon la plupart des journaux imprimés ce matin. Dans une sorte de fuite en avant, M. Netanyahou envisagerait de fermer le consulat français de Jérusalem, voire d’annexer une partie de la Cisjordanie… Dans son texte, notre contributeur rappelle que le Hamas incarne un islamisme totalitaire similaire aux autres mouvements djihadistes, mais que l’Occident peut parfois le relativiser voire le valoriser (notamment à l’extrême gauche) au nom de l’antisionisme, révélant une incohérence morale et une mémoire historique biaisée.


Il est des situations où le bon sens devrait s’imposer sans difficulté, tant les faits semblent clairs, tant l’expérience accumulée nous fournit de précédents. Pourtant, dans le cas du Hamas, nous observons une étrange suspension du jugement. Tout le monde sait qu’il s’agit d’un mouvement islamiste, comparable dans ses fondements idéologiques et ses méthodes aux organisations les plus sinistres de notre temps : Al-Qaïda, Daesh, Boko Haram. Tout le monde sait qu’il recourt à la terreur et à la cruauté comme stratégie politique. Et tout le monde a pu constater, le 7 octobre 2023, l’ampleur de la barbarie dont il est capable.

Mais au lieu d’une condamnation univoque, comme ce fut le cas pour Daesh en Syrie ou en Irak, un discours parallèle s’installe : celui qui présente le Hamas comme un mouvement de résistance légitime, au motif qu’il s’oppose à Israël. Voilà le paradoxe : ce que nous combattons avec acharnement en d’autres lieux se voit excusé, relativisé, voire valorisé, dès lors que l’État juif est en jeu.

Il faut interroger cette exception. Elle n’est pas un accident de perception, mais le symptôme d’une logique profonde : celle d’une incompréhension radicale, révélatrice de notre rapport troublé à l’histoire, à la mémoire et au politique.

Le Hamas : un islamisme parmi d’autres

Le Hamas n’est pas un phénomène singulier dans le monde musulman contemporain. Il appartient à la vaste famille de l’islamisme radical née au XXᵉ siècle, de la matrice des Frères musulmans égyptiens jusqu’aux organisations terroristes transnationales. On y retrouve la même vision : l’instauration d’un ordre religieux total, la négation des libertés individuelles, l’usage de la violence comme instrument légitime.

De ce point de vue, le Hamas se situe dans la continuité directe d’Al-Qaïda ou de Daesh. Les moyens changent, les terrains diffèrent, mais le projet reste identique : gouverner par la terreur et par l’embrigadement idéologique.

Lorsque ces mouvements frappent en Occident, personne ne se méprend. Après les attentats du 11 septembre, après le Bataclan, après Nice, les condamnations furent unanimes. Mais lorsque le Hamas massacre, torture, enlève, les mêmes actes sont réinterprétés sous l’angle de la « résistance ». Comme si l’hostilité à Israël suffisait à effacer la parenté idéologique avec les autres branches de l’islamisme global.

L’exception palestinienne : un révélateur

C’est cette exception qui mérite examen. Pourquoi ce que nous appelons terrorisme à Paris ou à New York devient-il résistance à Gaza ? Pourquoi l’acte le plus barbare peut-il changer de nature en fonction de sa cible ?

La réponse tient à une donnée plus large : la persistance d’une singularité juive dans l’imaginaire occidental. L’État d’Israël n’est pas un État comme un autre dans les consciences. Il concentre, de manière souvent inconsciente, des siècles de représentations liées au destin juif. Le Palestinien devient le « bon opprimé » parce qu’il s’oppose au « mauvais survivant », accusé de trahir son propre passé en exerçant la force.

L’antisionisme radical fonctionne ici comme le relais d’un antisémitisme qui ne peut plus dire son nom, mais qui trouve dans l’exception faite au Hamas une expression indirecte. Ce n’est pas par ignorance que l’on absout un mouvement islamiste : c’est par une logique profonde d’exclusion symbolique.

Les ruines de Gaza et la mémoire sélective

Les images de Gaza détruite suscitent une émotion légitime. Mais leur traitement médiatique révèle une mémoire sélective. Qui se souvient des ruines de Mossoul et de Raqqa, où les armées de la coalition ont éradiqué Daesh ? Qui rappelle les villes allemandes rasées durant la Seconde Guerre mondiale – Dresde, Hambourg, Berlin – ou les cités japonaises détruites avant même Hiroshima et Nagasaki ?

Dans tous ces cas, la logique militaire a conduit à la destruction massive de zones urbaines. Mais seul Gaza est présenté comme la scène d’un crime inédit, comme l’illustration d’un génocide en cours.

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Or les faits contredisent cette accusation. Si Israël avait voulu anéantir Gaza, il en avait les moyens en quarante-huit heures. Les deux millions d’habitants de l’enclave seraient morts. Le simple constat de leur survie invalide la thèse génocidaire. Pourtant, ce mot s’impose, précisément parce qu’il inverse les rôles : il permet d’accuser Israël avec les termes mêmes qui ont servi à désigner l’extermination des Juifs. C’est une revanche symbolique, une manipulation de la mémoire.

La stratégie de la victimisation

Le Hamas, lui, a parfaitement compris la logique médiatique de notre temps. Son objectif n’est pas de protéger sa population, mais de la sacrifier. En se dissimulant parmi les civils, en installant ses infrastructures militaires sous les écoles et les hôpitaux, il fabrique délibérément les conditions de la tragédie. Chaque enfant tué devient une arme de propagande. Chaque image de ruine est une victoire politique.

L’opinion publique occidentale, saturée d’images, se laisse prendre à ce piège. Elle inverse la causalité : ce ne sont plus les islamistes qui causent la mort de leurs propres enfants, mais l’armée israélienne qui les ciblerait volontairement. On entre alors dans un univers de mythes, où la compassion pour la victime l’emporte sur toute analyse des responsabilités.

L’ONU et la légitimité ambiguë

C’est dans ce contexte qu’intervient la reconnaissance de l’État palestinien à l’ONU par certains pays européens, suivis par la France. En soi, l’idée d’un État palestinien n’a rien d’illégitime : elle correspond à la solution des deux États envisagée depuis des décennies.

Mais la situation concrète est tout autre. Le Hamas domine Gaza, il influence profondément l’opinion palestinienne, et il pourrait à nouveau remporter des élections libres. Reconnaître l’État palestinien aujourd’hui, c’est donc conférer indirectement une légitimité à un mouvement que nous qualifions ailleurs de terroriste. C’est vouloir la paix tout en consacrant comme interlocuteur un acteur qui nie jusqu’au droit d’exister de l’État voisin.

Le symptôme d’une crise occidentale

L’« incompréhension radicale » n’est pas un simple aveuglement. Elle révèle une crise plus profonde de nos sociétés. Nous avons perdu la capacité d’appliquer des principes universels sans exception. Nous nous laissons guider par l’image immédiate, par la compassion sélective, par la mauvaise conscience historique.

En refusant de voir dans le Hamas ce qu’il est – un islamisme parmi d’autres – nous trahissons nos propres critères. Nous croyons défendre une cause humanitaire, mais nous légitimons un projet totalitaire. Nous croyons œuvrer pour la paix, mais nous alimentons la guerre.

Il y a là un diagnostic sur notre époque : l’impossibilité d’assumer la singularité d’Israël et, à travers elle, la singularité du destin juif. C’est cette impossibilité qui fait de nous des contemporains aveugles, prisonniers d’une mémoire retournée contre elle-même. L’exception que nous accordons au Hamas nous condamne : elle est le miroir de notre incapacité à penser clairement, donc à agir efficacement, face au retour de la barbarie islamiste.

Ballon d’Or: plus gonflant que gonflé!

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L’attaquant du Paris Saint-Germain Ousmane Dembélé content après son but lors de la demi-finale de la Coupe du monde des clubs face au Real Madrid, disputée dans le New Jersey le 7 août 2025 © Pamela Smith/AP/SIPA

Qui pour succéder à l’Espagnol Rodri au palmarès du Ballon d’Or? Si ce grand raout mondain du football mondialisé vous passionne encore (autrement dit: si vous aimez regarder des millionnaires en costard et leurs femmes sur leur 31 attendre un des trop nombreux trophées dorés sous les lustres du Théâtre du Châtelet) alors sachez qu’on nous vend déjà Ousmane Dembélé comme favori.


Il fut un temps, que les moins de 20 ans n’ont pas connu, où le Ballon d’Or (qui récompensait alors uniquement le meilleur footballeur européen) était un vrai… cadeau de Noël. Créateur en 1956 de ce trophée, l’hebdomadaire France-Football révélait le nom du lauréat dans son dernier numéro avant Noël. Ce jour-là, un mardi, les amateurs de foot, grands et petits, avec l’excitation d’un gamin devant une pochette-surprise, se rendaient au kiosque (échoppe où se vendaient alors des journaux en papier, qu’on récupérait ensuite pour emballer le poisson) pour découvrir quel joueur avait décroché la une, pour connaître le nouveau Ballon d’Or.

Je vous parle d’un temps…

Et ensuite, comme au lendemain d’une élection politique, en pages intérieures ils épluchaient dans le détail le choix des journalistes européens habilités à voter. Le 22 décembre 1958, Raymond Kopa était le premier Français à inscrire son nom au palmarès… Le 24 décembre 1985, Michel Platini remportait son troisième Ballon d’Or… Le 22 décembre 1998, c’est Zinedine Zidane qui triomphait.

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C’était au siècle dernier, à la bonne franquette, la magie de Noël faisait scintiller l’or du ballon et briller le regard des enfants. Aujourd’hui, le scrutin épousant la saison sportive, à cheval sur deux années civiles, le verdict, désignant désormais le meilleur joueur mondial, est rendu à l’automne, à la saison des feuilles mortes.

Ennuyeux tapis rouge

L’occasion d’une soirée de gala à Paris, télévisée sur l’Equipe 21, cette année en direct du Châtelet, c’est au théâtre ce soir, mais la pièce jouée ne vaut pas un clou. Pour faire durer l’ennui, on distribue également un prix au meilleur espoir, au meilleur gardien, au meilleur entraîneur, à la meilleure joueuse, pas encore au meilleur supporteur ou au joueur ayant fait son coming-out, mais cependant un prix pour le footballeur le plus engagé dans l’action sociale et solidaire !

A lire ensuite: Jeunes hommes: tous tueurs nés, vraiment?

Les joueurs, avec des compagnes sur leur 31, foulent le tapis rouge, déguisés en stars du show-biz au festival de Cannes, ce qui fait une belle jambe aux amateurs de foot qui les préfèrent en short sur un rectangle vert. Dans la salle, la grande famille du football sourit benoîtement comme celle du cinéma à la cérémonie des César.

Pour apporter un peu d’animation, depuis deux ans la polémique s’invite… En 2024, informés que le trophée serait attribué à Pedri un joueur de Manchester City, les joueurs et les dirigeants du Real Madrid avaient boycotté l’événement. Cette année, pressentant que le lauréat sera Yamal un joueur de Barcelone, ou Dembélé un joueur du PSG, Kylian Mbappé, ancien joueur du PSG mais nouveau joueur du Real, s’est fait porter pâle. Cela dit, les absents n’ont pas toujours forcément tort…


Dernière minute !!
Cela dit, les absents n’ont pas toujours forcément tort, ou peuvent avoir une bonne… excuse, tombée du ciel. Le match Marseille-PSG était programmé hier dimanche soir, mais annulé pour cause de pluies diluviennes sur le Vieux Port, il est reporté ce lundi, à la même heure que la cérémonie du Ballon d’Or, ce qui explique l’absence des joueurs du PSG au Châtelet (à l’exception de Dembélé, actuellement blessé et disponible pour enfiler un smoking). Pareil carambolage n’arriverait pas si la cérémonie se déroulait pendant la trêve des confiseurs, à… Noël.

Quelle connerie la guerre…

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Dans une plaine pelée criblée de carcasses et d’arbres fracassés, maculée d’entonnoirs jusqu’à l’horizon, la petite troupe des fantassins lourdement harnachés, le casque bizarrement emmailloté de ruban adhésif bleu ou jaune, « poilus » souvent imberbes, s’enterrent dans des tranchées. Fracas d’artillerie, éclats, tirs sporadiques. Les blessés hurlent de douleur, dont on garrote avec les moyens du bord un bras, une jambe, avant de les évacuer, pourvu que le blindé salvateur arrive à démarrer dans la boue. Des macchabées en treillis gisent çà et là sous le bleu indifférent du ciel, dans le vacarme incessant des armes automatiques. On « bute » d’une brève rafale ou d’une grenade un type pris pour cible à moins de cinquante mètres de distance, en le traitant de « fils de pute ». Ou bien, après avoir froidement abattu son binôme, on déloge de son abri souterrain le dernier gus encore vivant, sous la menace de le liquider comme un chien s’il ne sort pas en rampant à plat ventre – hère hirsute, hébété, doublement captif car, pressé de questions, le mongol avouera ne pas savoir pourquoi on l’a envoyé dans cet enfer. D’un chaton recueilli au fond d’une cave, la brigade se fera une mascotte…

Village fantôme

Nous ne sommes ni dans un film d’archives colorisé de la Grande guerre, ni dans un jeu vidéo. Mais en 2023, sur le front du Donbass, côté ukrainien, capté en live par la caméra numérique HD collée comme une seconde peau à l’opérateur. La troisième brigade d’assaut dispute à l’ennemi le village d’Andriivka, en périphérie de Bakhmout, à deux heures de la ville de Kharkiv.  Comme le territoire est entièrement miné, le seul moyen de reprendre Andriivka à l’adversaire, c’est de se couler dans l’étroit corridor forestier qui reste encore pratiquable.

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Paradoxe de cette guerre de tranchées « archéologique » par bien des traits, en ce que son spectacle visuel renvoie implicitement à l’imagerie de 14-18 tels que restituée par ces innombrables films d’archives vus et revus. Sinon qu’ici la menace des essaims de drones ou les mouvements de troupe sont repérés, en arrière du front, dans une casemate bardée d’informatique dont les servants s’activent devant un mur d’écrans, et informent les combattants de la brigade d’assaut en temps réel, eux-mêmes suréquipés de matériels de haute technologie. Ancien préparateur de commande, Fedya, 24 ans, est à la tête de ce petit commando qui finira par planter le drapeau ukrainien, un peu dérisoirement, dans Andriivka dévasté, village fantôme au cœur d’un paysage de fin du monde. À quoi bon ? En attendant, les mères pleurent leurs fils fauchés de bonne heure, dans une interminable procession de cercueils.

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Hécatombe quotidienne

Tout aussi saisissant que le film 20 jours à Marioupol, prix Pulitzer en 2024, ce deuxième volet, A 2000 mètres d’Andriivka, nous rapproche pas à pas d’un but évanescent, aux côtés de ces guerriers pleins d’une bravoure aussi attachante que dérisoire. De fait, à peu de temps de là, les Russes reprendront cette minuscule parcelle arrachée à l’ennemi au prix d’une hécatombe quotidienne. En quoi le film, sur le fond, semble décidément épouser l’approche américaine dans son appel à déposer les armes coûte que coûte. Car comme dit la chanson, « quelle connerie la guerre » !


À 2000 mètres d’Andriivka. Documentaire de Mstyslav Chernov. Ukraine, États-Unis, couleur, 2025. Durée : 1h51
En salles le 24 septembre 2025.

Au Brésil, l’âme de la Confédération sudiste subsiste

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Sur cette photo prise le dimanche 26 avril 2015, des descendants des Américains du Sud Philip Logan et de son épouse Eloiza Logan posent pour des photos lors d’une fête célébrant le 150ᵉ anniversaire de la fin de la guerre de Sécession, à Santa Bárbara d’Oeste, au Brésil. Chaque année, des milliers de personnes participent à l’événement, notamment de nombreux descendants des dizaines de familles qui, attirées par les offres de concessions de terres du gouvernement brésilien, se sont installées ici entre 1865 et environ 1875, ainsi que des amateurs de musique country, des passionnés d’histoire et des habitants ayant une envie de biscuits étasuniens... © Andre Penner/AP/SIPA

Chaque année, la Festa dos Confederados réunit à Santa Bárbara d’Oeste les descendants des Sudistes installés au Brésil après la guerre de Sécession. Entre folklore revendiqué et héritage esclavagiste évidemment contestable, la fête ravive les tensions sur la mémoire et le racisme au Brésil.


Tous les ans, à Santa Bárbara d’Oeste, au Brésil, une foule bigarrée se presse autour d’un cimetière centenaire. Hommes en bottes et stetsons, femmes en robes à crinoline, jeunes danseurs arborant fièrement le drapeau confédéré : la Festa dos Confederados (fête des Confédérés) a des airs de bal costumé. Mais, derrière les sourires et les barbecues, les odeurs de steaks grillés et les airs de violons et d’accordéons se cache une mémoire lourde, qui divise le Brésil contemporain.

Quand le Brésil était un refuge pour migrants sudistes

En avril 1865, l’armée confédérée est vaincue, contrainte de signer sa reddition. Basé sur le commerce de l’esclavage, c’est tout un mode de vie qui s’écroule pour des milliers de planteurs de coton. Refusant de se soumettre à la Reconstruction et aux ordres humiliants de l’Union, certains vont chercher ailleurs une terre où reproduire leur modèle économique et social. Jeune nation indépendante depuis cinq décennies, l’empire brésilien de Dom Pedro II va alors devenir un refuge pour ces sudistes qui retrouvent toutes leurs privilèges perdus. Non seulement le pays maintient encore l’esclavage, mais il propose des avantages attractifs: terres fertiles achetables à un coût dérisoire, transport facilité, exonérations fiscales.

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C’est ainsi que près de 2 000 Américains, principalement originaires de l’Alabama, du Texas et de la Géorgie, s’installent dans l’État de São Paulo. Dans leurs bagages, des esclaves ramenés de force dans leur nouvel habitat tropical comme en témoignent les archives d’époque qui mentionnent également l’achat de captifs raflés sur les côtes africaines, revendus par les roitelets locaux aux navires européens venus s’approvisionner en marchandise humaine. Cette petite société va rapidement s’organiser et récréer tous les éléments d’un « petit Sud » qui entend survivre aux affres de l’histoire envers et contre tout.

En 1867, cette communauté se dote d’un cimetière au décès du premier de ses membres afin de pouvoir enterrer ses défunts selon le rite protestant toléré dans ce vaste empire catholique. Le « Cemitério do Campo » abrite encore aujourd’hui entre quatre et cinq cents tombes, une chapelle œcuménique et de nombreux objets liés à la Confédération, dont un obélisque dressé afin de rappeler cette épopée qui fait aujourd’hui débat dans la société brésilienne. Bien que l’esclavage ait été aboli en 1888 par la monarchie par la suite, c’est ici que les descendants de ces confédérés continuent encore de se réunir pour entretenir la mémoire de leurs ancêtres, derniers tenants d’un monde disparu où la hiérarchisation raciale et l’économie esclavagiste jouèrent un rôle central encore longtemps.

Une curiosité touristique

Pendant des décennies, la célébration a été localement vue comme une curiosité historique et un attrait touristique. Mais, avec l’apparition du Black Lives Matter (BLM) aux États-Unis, la visibilité publique du drapeau et des symboles confédérés a déclenché des critiques croissantes de la part des mouvements antiracistes, d’élu(e)s et de la société civile brésilienne. Le débat local s’est rapidement durci entre défenseurs d’une « tradition » commémorative et partisans d’une réévaluation critique du passé.

Pour les descendants des Confédérés, cet héritage, qu’ils célèbrent, n’a rien à voir avec l’esclavage. Rogério Seawright, ancien président de Fraternité des Confédérés, affirme que leur apport réside dans « les écoles, les hôpitaux, la pastèque Georgia Rattlesnake », et rejette toute accusation : « Cet héritage d’esclavage appartenait déjà au Brésil. » Il défend aussi le drapeau confédéré, symbole selon lui de leur origine.

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Mais face à ce discours, la contestation est de plus en plus vive. Les détracteurs de cette cérémonie ont réclamé que les rues rappelant ce passé sudiste, telles que Pyles, Crisp, MacKnight et Jones, soient renommées afin d’effacer toute trace de cet américanisme controversé. L’ancienne députée Erica Malunguinho a obtenu l’interdiction de ce drapeau, jugé lié au suprémacisme blanc et au Ku Klux Klan. Les tensions entre les deux communautés se sont accentuées après la visite de l’ancien député Eduardo Bolsonaro, fils du président du même nom accusé de tentative de putsch, à Santa Bárbara, soutenue par la Fraternité. En réaction, la conseillère municipale Esther Moraes (Verts) et des associations ont proposé de bannir avec succès tout symbole « raciste » des événements publics. Pour la militante Silvia Motta, l’enjeu est clair : « Tout ce qui appartient à la population noire est effacé » par les descendants des esclavagistes, d’après elle.

Le changement de gouvernance lors des dernières élections présidentielles dans le pays (2022) ont permis aux associations d’obtenir finalement gain de cause. Depuis janvier 2025, la Festa dos Confederados a décidé de se défaire définitivement de son passé et de s’appeler « Fête des Américains ». Les drapeaux confédérés de la ville ont tous été recouverts de peinture, comme le symbole arborant un obélisque au centre-ville, portant les noms de famille des soldats sudistes. Interrogés, le nouveau dirigeant de la Fête, Marcelo Sans Dodson, explique que la fête sera désormais axée sur la célébration de l’immigration américaine dans son ensemble, et non plus seulement de leur passé lié à la guerre de Sécession… Même si on peut encore y entendre Dixie, l’hymne confédéré, entonné par les descendants de ces colons, grimés tel qu’on peut le voir dans le film Autant en emporte le vent. Un peu comme en avril dernier où les Américains ont commémoré le 160e anniversaire de la reddition sudiste, à Appomattox. La Festa dos Confederados illustre parfaitement la persistance des tensions raciales au Brésil à l’heure où les États-Unis réhabilitent les noms et statues confédérées déboulonnées: sous couvert de folklore et de costumes pittoresques, elle recycle un imaginaire qui glorifie l’ordre ségrégationniste d’hier. Quoiqu’on en pense, elle reste plus que jamais le miroir de l’histoire brésilienne: une société qui, aujourd’hui encore, peine à regarder en face ses propres fondations et son histoire avec le recul que cela impose.

L’Intelligence artificielle, ou le réenchantement du monde pour les nuls

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L'ingénieur français Arthur Mensch, cofondateur de Mistral AI, Paris, 10 février 2025 © Michel Euler/AP/SIPA

On savait notre chroniqueur farouche détracteur de l’Intelligence Artificielle qui permet à tant de journalistes d’écrire des articles bien informés et vides de sens. Le voici qui craint désormais une déculturation massive, une perte sans précédent de compétences. N’exagère-t-il pas ?


Dans un article récent du Figaro, Luc Ferry explique que l’utilisation massive de l’IA entraîne déjà chez les étudiants un « Deskilling », une perte de compétences et de savoir-faire (« skills »). À quoi bon apprendre, estiment-ils, si une machine est « plus performante qu’eux dans tous les domaines de l’intelligence et du savoir ? » 

Et d’ajouter, dans un style exclamatif assez peu philosophique :
« 88 % des étudiants font faire leurs devoirs par ChatGPT ! Les derniers modèles d’IA permettent en outre de contourner l’interdiction de tricher: il suffit d’une oreillette et d’un smartphone bien cachés pour soumettre discrètement les sujets de l’examen à une IA et obtenir les réponses tout aussi discrètement en quelques secondes. Cette situation est désormais réelle. Elle a été constatée lors d’un examen de l’ULB, l’université de Bruxelles, le professeur ayant demandé à ses étudiants, pour défendre le principe de l’égalité pour tous, de découvrir leurs oreilles afin d’éviter la triche que permet l’usage d’oreillettes dissimulées. Sa demande, bien légitime, a suscité une incroyable polémique, les étudiantes voilées ayant déposé un recours contre lui au nom de la liberté religieuse ! »

Un joli prétexte pour rester voilées et tricher.

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Mais l’ancien ministre reste au seuil de la compréhension du problème. L’IA n’est pas seulement un outil. C’est une divinité.

On se souvient que Max Weber, dans L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme (1904-1905), avait théorisé le « désenchantement du monde » : après une phase primitive où tout est signe divin (fétichisme), l’humanité est passée par une phase polythéiste, avec des dieux spécialisés, puis monothéiste, avec un Dieu tout-puissant, et enfin une phase athée, où l’homme est son propre dieu. Nous en sommes aujourd’hui, depuis que l’informatique domine nos vies, à une phase égothéiste, où nous pensons être grands ordonnateurs de la pensée, alors que nous sommes les esclaves des ordinateurs auxquels nous demandons humblement des réponses à nos questions. La servitude volontaire dont parlait La Boétie nous tend ses bras et ses micro-processeurs.

Les médecins déjà avouent que l’IA est bien plus forte qu’eux pour diagnostiquer des maladies non encore perceptibles par les outils ordinaires. Les étudiants se confient aux machines pour étudier à leur place. Les journalistes, subventionnés ou non par les fabricants de merveilles, chantent les louanges de ChatGPT dans des articles écrits… par ChatGPT.

J’ai déjà tenté d’expliquer qu’il s’agit là d’une illusion extrêmement dangereuse — et d’autant plus dangereuses que la « Gen Z », ou génération Z, arrive aux manettes — et dans les salles de profs, où elle prépare ses cours avec l’IA, pense avec l’IA, et corrige avec l’IA des copies écrites avec l’IA. Mal formés par des enseignants qui ont baissé les bras devant des politiques de médiocrité généralisée, ces nouveaux boomers confondent compétences et savoirs. L’IA est sans égale dans le domaine des compétences. Elle est nulle dans le domaine du savoir. Au point que Raphaël Enthoven, qui n’est pas exactement Aristote ni Kant, a enfoncé ChatGPT il y a deux ans en proposant une dissertation de baccalauréat infiniment plus élaborée que ce que proposait la machine, réglée pour se limiter à une médiocrité de bon ton. Inintelligence artificielle, disais-je…

La fin du facteur humain

Ah oui, les médecins s’en remettent à l’IA ? Et les futurs docteurs se fient aux machines pour élaborer des diagnostics ? Demandez-leur donc comment elles annoncent à un patient atteint d’un cancer du pancréas qu’il va mourir dans un délai de six à neuf mois. Avec quelle délicatesse elles lui fourniront immédiatement des modèles de testaments.

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Sans compter que la machine, à laquelle on a intégré nécessairement la question du coût des traitements, vous abandonnera en rase campagne si elle estime votre survie trop onéreuse pour la société. Déjà que sans IA on a multiplié les déserts médicaux…

L’IA signe la fin du facteur humain. Jadis les dieux (ou le dieu) trônaient au-dessus des homes. Désormais c’est un outil de plastique qui est installé dans les foyers comme une divinité tutélaire, disponible dans la poche des pantalons comme autrefois les dieux lares. C’est le totem du New Age.

Les machines ont leur utilité — elles sont les Pic de la Mirandole de la modernité. Monsieur-Madame Je-sais-tout. Des machines dégenrées, un rêve de jobards LG-hébétés. Pas de quoi briser les ordinateurs, les smartphones, les montres connectées et autres merveilles auxquelles nous soumettons notre humanité. Mais il est essentiel d’expliquer que notre humanité ne sera jamais réductible à une mémoire artificielle — parce qu’elle est par définition dépourvue d’émotions. Et c’est ce qui fonde notre humanité.

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