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Après l’Angleterre, la grogne anti-immigration tourne à l’émeute aux Pays-Bas

Une manifestation dégénère en affrontements violents à La Haye


Après l’Angleterre, la grogne anti-immigration tourne à l’émeute aux Pays-Bas
Des manifestants d’extrême droite s’affrontent avec la police à La Haye, aux Pays-Bas, 20 septembre 2025 © James Petermeier/ZUMA/SIPA

Des batailles rangées entre la police et des hooligans, venus détourner une manifestation pacifique contre l’immigration, ont marqué le début de la campagne électorale aux Pays-Bas.


Samedi 20 septembre, sous une pluie battante à La Haye, une influenceuse de droite se présentant sous le pseudonyme de Els Rechts (= « de droite ») implorait « le peuple » de ne surtout pas voter pour la gauche aux élections législatives anticipées du 29 octobre. Si, par malheur, son appel n’était pas entendu, affirmait-elle, les demandeurs d’asile et autres migrants finiraient par « grand-remplacer » les Néerlandais.

La militante Els Rechts (vidéo en hollandais)

Un refrain entonné pour la énième fois par cette jeune femme qui a acquis une certaine notoriété sur les réseaux sociaux de droite, où elle chante les louanges du leader anti-immigration Geert Wilders. Celui-ci avait cependant décliné son invitation à s’adresser à la foule, tout comme Thierry Baudet, autre figure de la droite dure néerlandaise.

On ne porte pas le même maillot mais…

Avaient-ils pressenti que ce rassemblement modeste, sur le « Champ-de-Mars » de La Haye, finirait dans la violence et les pleurs d’une Els débordée ? Cette réunion, en apparence anodine, a pourtant attiré, comme l’a constaté la police, un millier d’individus, tous vêtus de noir, qui restaient à l’écart de l’estrade, ignoraient les discours, narguaient les forces de l’ordre et semblaient surtout célébrer leurs retrouvailles. La plupart, selon la police, faisaient partie des noyaux durs de supporters de football venus de tout le pays. Comme quoi la lutte contre l’immigration a le pouvoir de fraterniser des rivaux jurés…

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Une fois finies les embrassades, les hooligans ont pris d’assaut l’autoroute longeant le site de la manifestation, bloquant la circulation et attaquant les policiers venus les déloger. Si ces scènes de violence peuvent à peine surprendre des Français habitués aux agissements des black blocs, elles ont choqué les Néerlandais, peu accoutumés à de tels spectacles.

Chassés de l’autoroute, les jeunes hommes en noir ont manqué de lyncher des policiers en sous-nombre, ont incendié deux voitures de police, malmené des journalistes et photographes et ignoré les appels au calme d’Els Rechts. Sur l’estrade, elle s’était drapée dans un drapeau orné des portraits de deux de ses idoles assassinées : Pim Fortuyn et Charlie Kirk.

Selon certains des émeutiers ayant accepté de répondre aux reporters, la haine de l’immigration non blanche n’était pas leur seule motivation. La colère contre le « dénigrement de notre passé colonial » figurait également parmi leurs griefs. Plusieurs brandissaient ainsi des « drapeaux du prince », ancien drapeau du pays datant de la guerre d’indépendance contre l’Espagne (1568-1648), bannière récupérée par le parti collaborationniste NSB pendant l’Occupation nazie des Pays-Bas.

Saluts fascistes

Certains adeptes du white power, comme l’attestaient les slogans sur leurs T-shirts, ont provoqué les passants avec le salut fasciste, avant de tenter de prendre d’assaut les bâtiments du Parlement tout proche — tentative que la police anti-émeutes a heureusement pu déjouer de justesse. En chemin, des hooligans ont brisé les vitres d’un immeuble abritant un parti politique jugé trop favorable à l’immigration et ont tenté de l’incendier en lançant un conteneur en flammes contre sa porte d’entrée.

Leurs actions étaient souvent rythmées par un même slogan : « AZC weg ermee ! »AZC étant l’acronyme d’Asiel Zoekers Centrum (centres de demandeurs d’asile) et weg ermee signifiant « dehors ! ».

La colère d’une partie de la population hollandaise se concentre aujourd’hui sur ces AZC, d’autant plus après le meurtre, fin août, de Lisa, 17 ans, attaquée alors qu’elle rentrait seule à vélo dans son village d’Abcoude après une soirée à Amsterdam. Elle avait eu le temps d’appeler la police, mais celle-ci est arrivée trop tard. Le pays entier a été bouleversé par le destin de cette lycéenne fraîchement diplômée du bac, sportive et passionnée de l’Ajax, qu’elle suivait régulièrement au stade lors des matchs à domicile avec ses parents. Quelques jours après sa mort, une minute de silence bouleversante lui avait été dédiée à la Johan Cruijff Arena.

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Un suspect a rapidement été arrêté dans l’AZC voisin : un Africain de 22 ans récemment arrivé aux Pays-Bas, également accusé de deux agressions sexuelles à Amsterdam. Est-il Nigérian ou Érythréen ? Pouvait-il aller et venir dans lAZC à sa guise et à toute heure ? Est-il vrai que les femmes y vivent dans une peur constante de violences sexuelles et que de jeunes résidents s’adonnent à toutes sortes de trafics ? Le journal amstellodamois Het Parool l’affirme. La police, redoutant une émeute à l’anglaise contre ce centre qui héberge quelque 800 personnes, communique le moins possible en attendant le procès, prévu en novembre.

Récupération politique

Le politicien Geert Wilders a réagi à la tragédie de Lisa en exigeant la fermeture des quelque trois cents AZC du pays, ce qui lui a valu les reproches de la gauche, l’accusant d’exploiter le drame à des fins électorales. « L’insécurité des femmes est un problème d’hommes, qu’ils soient étrangers ou néerlandais », affirment certains commentateurs progressistes. Un avis contesté par une chroniqueuse du très woke NRC, rappelant que les demandeurs d’asile masculins sont bel et bien surreprésentés dans les statistiques de criminalité, notamment sexuelle.

Le sort de Lisa avait déjà conduit, à la veille des émeutes de La Haye, des centaines d’habitants de Doetinchem, près de la frontière allemande, à prendre d’assaut la mairie où devait être décidé l’ouverture d’un nouvel AZC. Partout dans le pays, ces centres sont désormais considérés comme des foyers potentiels de violeurs et de meurtriers.

Dans cette campagne électorale, débutée dans la violence, la droite (libérale ou dure) ne manquera pas d’accuser le leader de gauche Frans Timmermans de « mollesse » sur l’immigration. Son parti est pour l’instant deuxième dans les sondages, derrière celui de Geert Wilders, lequel avait, en juin dernier, sabordé « sa » coalition gouvernementale sous prétexte qu’elle ne suivait pas ses consignes pour durcir davantage la politique d’immigration1… Ses « discours de haine » ont-ils contribué aux émeutes de La Haye ? M. Timmermans et d’autres responsables de gauche en sont convaincus.


  1. Le 3 juin 2025, le Premier ministre Dick Schoof a présenté la démission de son gouvernement, après que le Parti pour la liberté de M. Wilders a décidé de se retirer de la coalition NDLR. ↩︎


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Journaliste hollandais.

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