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L’Europe se défend à Kiev

Si la guerre en Ukraine est la première étape de la reconstruction du glacis soviétique voulue par Vladimir Poutine, les pays baltes, la Pologne, la Moldavie, la Roumanie et d’autres encore seront tôt ou tard menacés. Il faut soutenir l’Ukraine aujourd’hui, pour ne pas mourir pour elle demain.


« Si la Russie gagnait cette guerre, la crédibilité de l’Europe serait réduite à zéro[…], la vie des Français changerait. » Cette déclaration Emmanuel Macron sur France 2 le 14 mars, a suscité – à juste titre – autant d’inquiétudes que de commentaires. Et comme souvent, la polémique s’enflamme sans que les termes du débat soient définis. Le domaine du flou concerne ici les deux parties de la déclaration présidentielle : la victoire (russe) et le changement (pour les Français). Il faut donc répondre à deux questions : Que serait une « victoire russe » ? En quoi serait-elle grave pour la France ?

Poutine veut faire de l’Ukraine une Biélorussie bis

Que serait une victoire du point de vue russe ? La réponse dépend évidemment des éléments qu’on choisit de prendre en compte. La thèse qu’on défendra ici est donc contestée par des analystes parfaitement respectables. Elle consiste à rappeler que Poutine a été clair sur ses objectifs. Dans un article publié en ligne le 12 juillet 2021 (« De l’unité historique des Russes et des Ukrainiens »), il remet en question l’existence même de l’Ukraine en tant que nation distincte. Il ne se focalise ni sur la question des alliances, ni sur les droits des russophones. Le plan de guerre, exécuté le 24 février 2022,visait bien à atteindre cet objectif : prendre le contrôle du centre politique et symbolique de Kiev pour changer le régime. Les demandes de « dénazification » et de « démilitarisation »confirment que l’objectif russe est la transformation de l’Ukraine en république soviétique du xxie siècle.

Le Kremlin ayant admis officieusement l’échec de la première phase de l’opération spéciale quand il a redéployé ses armées fin mars 2022, ses buts de guerre auraient pu évoluer. Ce n’est pas le cas. Aujourd’hui, alors que la Crimée et le Donbass sont occupés par la Russie, l’une à 100 %, l’autre à 95 %, l’Ukraine n’a plus les moyens de reprendre ces territoires, ni d’en contester le contrôle à la Russie. Pourtant, Poutine refuse de négocier. En déclarant : « J’ai obtenu ce que je voulais, négocions ! », il aurait pu asséner un coup diplomatique dévastateur à l’Occident. Européens et Américains poussant un énorme soupir de soulagement seraient tombés sur Zelenski pour le forcer à négocier…

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On peut donc penser que Poutine veut faire de l’Ukraine une Biélorussie bis et qu’Emmanuel Macron veut l’en empêcher. Cela ne signifie pas que le président français veuille à tout prix restaurer l’Ukraine dans ses frontières de 1991. Macron n’a pas dit qu’il fallait que l’Ukraine gagne, mais que la Russie ne devait pas gagner, établissant une distinction entre les intérêts de l’Ukraine et ceux de la France. En revanche, à Kiev – mais aussi à Varsovie, Vilnius, Riga et Tallin – la formule est différente : défaite russe = victoire ukrainienne = frontières de 1991. La France n’est pas sur cette ligne, les États-Unis et l’Allemagne non plus.

Il faut ensuite comprendre pourquoi Emmanuel Macron affirme que, si la Russie gagne, « la crédibilité de l’Europe sera anéantie et la vie des Français changera ». Rappelons d’abord que notre défense nationale est fondée sur deux piliers : nos armées et notre dissuasion nucléaire d’une part, nos alliances, principalement l’OTAN, d’autre part. Nous avons choisi de lier notre destin à celui de la Lituanie, de la Bulgarie, du Canada et des États-Unis (entre autres) pour ne plus jamais vivre 1870, 1914 et 1940. C’est une police d’assurance-vie ultime de même niveau que la dissuasion. Et ça coûte : on ne peut pas ignorer les intérêts des Polonais, des Américains, des Roumains et des Grecs tout en comptant sur leur solidarité quand, une fois par siècle, nous nous battons pour notre survie. Après la chute de l’URSS, en l’absence d’ennemi à l’horizon, nous n’avons pas démantelé notre armement nucléaire ni quitté l’OTAN. Sans doute parce que dans la vie d’une nation, juin 1940 c’était hier. En tant que membre de l’OTAN et de l’UE, la France doit empêcher une victoire russe, sous peine de perdre collectivement en crédibilité, donc en capacité de dissuasion, vis-à-vis de la Russie.

Il en coutera plus aux Français si l’Ukraine tombe

Tout porte donc à croire que Poutine ment quand il réclame seulement la Crimée et le Donbass, et qu’il cherche en réalité à reconstruire le glacis mis en place par Staline (réhabilité par Poutine) et perdu par Gorbatchev (responsable selon le même de la plus grande tragédie du xxe siècle). Reconstituer le glacis,cela consiste à récupérer d’une manière ou d’une autre, tôt ou tard, les pays baltes, la Pologne, la Moldavie, la Roumanie, voire plus. Certes, l’armée russe n’est pas en état, aujourd’hui, d’affronter l’OTAN. Toutefois, les forces ukrainiennes sont en ce moment dans une situation critique, ce qui explique sans doute que Macron ait choisi de monter au créneau. Cela dit, personne ne pense que des chars russes essaieront de faire régner l’ordre à Varsovie et ailleurs, provoquant une riposte de l’OTAN. On peut plutôt s’attendre à des actions infra-conventionnelles comme des cyberattaques et l’agitation des minorités russophones. Reste que Macron a raison : si l’Ukraine est soumise, son cas fera école.

La France a déjà intégré le nouvel état de la menace russe : si l’enveloppe budgétaire globale de la défense pour 2014-2019 s’est élevée à près de 200 milliards d’euros, celle de 2024-2030 est fixée à 413 milliards. Nous payons déjà plus à cause des Russes, et nous payerons encore plus si l’Ukraine tombe.

Bien entendu, comme un évier bouché la veille de Noël, cette menace se précise au moment où les États-Unis dessinent un mouvement de repli. Depuis 1958, presque tous les présidents français ont affirmé qu’il ne fallait pas avoir une confiance aveugle dans l’allié américain, car un jour, il ne voudrait ou ne pourrait plus nous aider (on appelle ça l’Europe de la défense ou l’OTAN reformée). Et même si Donald Trump affirme que ses menaces ne visent qu’à réveiller les Européens pour qu’ils prennent leur part du fardeau, ce jour finira par arriver.

En 1980, face à l’URSS, 350 000 soldats américains étaient déployés en Europe. Si la France et l’Europe doivent un jour se passer du parapluie américain, ou plutôt quand elles le devront, il faudra non seulement remplacer ces soldats, mais aussi investir des centaines de milliards en équipement, autrement dit passer en économie de guerre. Ce qui changerait assurément la vie de Français nostalgiques du quoi qu’il en coûte.

Duhamel vs. Knafo: quand la politique-spectacle produit un petit chef-d’œuvre

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Face à Benjamin Duhamel sur BFMTV, c’était la toute première fois pour Sarah Knafo, la-conseillère-de-l-ombre d’Éric Zemmour, dimanche. Elle a dû faire face aux questions acides du journaliste. Replay.


Retrouvez un entretien de Sarah Knafo avec Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, dans le nouveau magazine Causeur (6 pages) NDLR•

Je me dois de vous confesser un vice majeur : les grands débats télévisés de la politique française sont mon sport préféré. Je ne m’en lasse jamais. J’ai vu les deux Mitterrand-Giscard, le Mitterrand-Chirac, le Sarkozy-Royal et le Hollande-Sarkozy un nombre incalculable de fois.

J’aime détecter les pièges que se tendent les candidats, je me délecte de regarder – parfois même au ralenti ou en arrêt sur image – les mains trembler, les regards vaciller, les voix trébucher dans les instants de tension maximale. J’aime la peur sur les visages, la panique qui perce sous l’impassibilité, la stupéfaction du favori quand il s’aperçoit qu’il est encerclé par les arguments du challenger et qu’il n’a pas de plan B. Les réputations détruites en une phrase. Les gaffes irréparables. J’aime voir la méchanceté partir à l’assaut et l’honnêteté se défendre bec et ongles. Et, maintenant que trois jours ont passé, je dois dire que le choc frontal entre Benjamin Duhamel et Sarah Knafo, dimanche dernier sur BFM, fut un modèle du genre. Revivons-le ensemble.

Théoriquement, les choses devraient bien se passer. C’est le premier vrai passage télé de Sarah Knafo, compagne et conseillère d’Éric Zemmour, et architecte de la campagne présidentielle de Reconquête en 2022. Elle se lance dans les élections européennes, à la troisième place sur la liste de Marion Maréchal. Précédée d’une réputation énigmatique de femme de l’ombre, que les anti-Zemmour se plaisent à trouver sulfureuse, elle choisit de faire ses débuts chez Benjamin Duhamel, un des intervieweurs-vedettes du moment.

Dans ce genre de cas de figure, le scénario est plus ou moins écrit d’avance. Comme il sait si bien le faire, Duhamel va commencer piano, laissant à son invitée le temps de se présenter, de prendre un peu ses aises, puis il va la titiller crescendo, mais sans forcer le trait : étant novice dans la domaine publique, Knafo ne traîne pas encore de casseroles. Il est bien trop tôt pour instruire son procès. Et puis, elle est jolie, souriante: impossible de la faire passer pour une sorcière au moment où elle entre en scène. La pendre haut et court et sans préliminaires serait fort mal élevé, inconvenant, voire même indécent : il ne prendra donc pas le risque.

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Sauf que, pour des raisons mystérieuses, Benjamin le subtil, l’habile, le rusé, décide de déchiqueter Knafo d’entrée, sans politesses ni tour de chauffe. En effet, l’interview commence et, au bout de trente-huit secondes, pas une de plus, la guerre est déclarée. Il lance, soulignant la difficulté pour la jeune Sarah de se présenter devant les électeurs alors même que les sondages donnent Reconquête en mauvaise position : « Vous avez le sens du sacrifice, ou c’est de la naïveté ? » Boum. Devant son écran plasma, l’habitué des joutes télévisées se dit alors : « Ok. Il veut la tuer. »

Gros plan sur Sarah Knafo. Il faut avoir figé l’image en cet instant très précis pour savoir ce qu’est le courage médiatique. Sarah Knafo lance à Benjamin Duhamel un sourire serein, bienveillant, presque maternel. Elle est surprise par la question et par son acidité, évidemment, mais elle n’en montre rien. On dirait une bonne copine à qui son meilleur pote vient de raconter une bonne blague.

Il faut s’arrêter sur cette très brève séquence parce qu’elle explique ce qui va suivre. Confrontés à une question introductive aussi ostensiblement mal intentionnée, Sarkozy aurait pris un air dégoûté, Mélenchon aurait enragé, Maréchal se serait indigné, Marine aurait botté en touche avec dédain, Bellamy aurait brandi un code de bonne conduite. Immobile, Sarah Knafo rigole silencieusement pendant deux secondes et lâche les premiers mots de sa carrière politique en plantant ses yeux revolver dans ceux, délavés jusqu’à l’absence, de Duhamel : « D’abord, c’est quand c’est difficile qu’il faut y aller. Ça, c’est mon caractère. » Badaboum. Elle a tout dit. 1. Tu ne me fais pas peur. 2. Si tu m’infirmes je m’affirme. 3. Prends garde à toi, petit d’homme : méfie-toi de mon côté panthère.

Le petit d’homme ne va pas prendre cet avertissement au sérieux. À mesure que les minutes, désormais extraordinairement tendues, s’accumulent, ses intentions se voient de mieux en mieux – de pire en pire -, comme la méchanceté au milieu de la figure. Il n’a pas de plan B et va se tenir à son plan A jusqu’au bout : détruire Sarah Knafo de façon systématique, acharnée, réellement stupéfiante. De mémoire de fin connaisseur du spectacle politique français, je n’ai jamais vu un journaliste mainstream agresser à ce point et aussi rapidement une personnalité politique. Pourtant, Zemmour lui-même, par exemple, en a vu des vertes et des pas mûres en 2021 et 2022… sauf qu’il était un expert surentraîné de la rixe à couteaux tirés. Ici, question venimeuse après question vénéneuse, Duhamel tente d’assassiner la soliste dans l’œuf. Que l’on me passe l’horreur de cette métaphore, car elle est juste : il veut faire de la naissance médiatique de Sarah Knafo un avortement.

« On mesure l’intelligence d’un individu à la quantité d’incertitudes qu’il est capable de supporter », écrit Emmanuel Kant. Benjamin Duhamel enferme Sarah Knafo dans une nasse de piques, de coups de dague qui perforent et lacèrent, il tape, il frappe, il tabasse. Qu’on me comprenne bien : pas une seule de ses questions n’est honnête ou objective, selon moi. Tout est à contrepied, à contretemps, par-derrière, savamment prémédité pour faire craquer la nouvelle venue. À croire qu’il espère la voir pleurer ou quitter le plateau. Et donc, à mon immense surprise, et très certainement à celle de nombreux spectateurs, Sarah Knafo est d’une magnifique intelligence au sens kantien: elle danse avec l’incertitude, elle enlace l’imprévisible, joue avec le prédateur, se joue de lui, déjoue toutes ses vilénies.

Je m’en voudrais de spoiler ce thriller de haut niveau. Indiquons tout de même la grande scène, celle qui restera dans les mémoires. Benjamin sort la chevrotine et vise en plein cœur.

Duhamel : « Vous êtes la compagne d’Éric Zemmour. On connaissait au Rassemblement National la politique de père en fille. À Reconquête, la politique se fait en couple ? »
Knafo : « La question m’étonne beaucoup venant de vous, Benjamin. »
Duhamel : « Pourquoi ? »
Knafo : « Parce que je sais que, vous aussi, vous subissez beaucoup d’accusations. »
Duhamel : « C’est-à-dire ? »
Knafo : « C’est-à-dire du piston. Vous êtes le fils de, le neveu de, etc. Donc, ça m’étonne beaucoup venant de vous. »
Duhamel : « Il ne vous a pas échappé que je ne me soumets pas au suffrage des Français. »
Knafo : « Ça change quelque chose ? »
Duhamel : « Non, mais je vous pose la question. »
Knafo : « Est-ce que vous êtes d’accord que les accusations qu’on vous fait sont tout à fait injustes ? Vous avez votre talent propre. Alors, si vous voulez, on peut aborder mon parcours ? »
Duhamel : « Attendez. Excusez-moi. Puisque vous mettez en cause ma probité… »
Knafo : « Non, votre question. »

Au terme de ce bras-de-fer-éclair initié avec une inélégance qui lui est peu coutumière, Benjamin Duhamel s’est fait déboîter le coude et Sarah Knafo ne s’est jamais départie de son sourire terriblement candide. Le comble est qu’en prononçant le mot « probité », complètement hors-sujet, tentant de poser son honneur sur la table au moment le moins opportun, l’intervieweur s’est fracassé au fond du piège qu’il avait creusé sous les pieds de son invitée. Quand on mord jusqu’au sang, il ne faut pas geindre si l’on se fait éclabousser. Il se déconsidère. Échec et mat, le match est plié.

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Car ce n’est pas un interview. C’est bel et bien un match de boxe, un guet-apens, un duel, une tuerie. Sarah Knafo n’y était pas préparée, mais elle a pris le dessus au moment crucial. Elle a maintenant l’initiative et la conservera. Mieux : visiblement, elle le comprend et y prend plaisir.

On n’a encore vu que le premier quart du temps de l’interview et Benjamin Duhamel ne s’avoue pas vaincu, alors qu’il l’est déjà à plate couture. Il va donc revenir à la charge inlassablement, ses assauts se brisant péniblement, sans espoir, sur le sourire de Sarah Knafo, son sens de la répartie, son flair et sa décontraction. Certains témoins se disent : cette femme est brillante et dangereuse, elle est une promesse pour l’avenir. La droite se dote d’une nouvelle combattante. La nouvelle Marie-France Garaud verrait-elle le jour en direct ? Alors, il faut remercier chaleureusement, sincèrement, Benjamin Duhamel. En jouant salement, comme on dit en football, en tentant de blesser Sarah Knafo, de lui faire mal, de la sortir du terrain et de la handicaper pour très longtemps, il a permis à la candidate de montrer, dès sa première fois et en un temps record, sa solidité, sa dureté quand c’est nécessaire, son enjôlante douceur sous l’orage, sa franchise en acier trempé, son humour dominateur, comme jamais un Pascal Praud, forcément plus complice, ou une Christine Kelly, nécessairement plus humaine, n’y seraient parvenu. En voulant faire de Knafo un macchabée, il lui a offert une stature, et même érigé une statue. Il a été l’ennemi idéal de la nouvelle amie des patriotes et des républicains. Félicitations, Benjamin. La France reconnaissante. À tous les amateurs d’empoignades verbales au cordeau, je ne peux que recommander ce one-woman-show qui peut-être, si Sarah Knafo continue sur cette voie et persiste à dévorer les carnassiers, laissera une trace dans les livres d’histoire de la télévision française et, pourquoi pas, j’aime rêver, de celle de la Cinquième République…


A voir également, Elisabeth Lévy : « On devrait se réjouir que des jeunes gens brillants comme Sarah Knafo s’engagent »

Inondations monstres à Dubaï: une catastrophe pas si naturelle?

Le 16 avril 2024, il est tombé à Dubaï en une seule journée autant de pluie qu’en deux ans (254 mm – soit 254 litres au m²- contre 7 mm en moyenne en avril en temps normal[1]).


La catastrophe aurait fait une vingtaine de morts et causé des millions de dollars de pertes pour l’économie. Les médias ont immédiatement invoqué le dérèglement climatique dû aux émissions de CO2. Mais un scénario plus plausible et précis s’est fait jour malgré les dénégations médiatiques : le déluge aurait été causé par l’ensemencement des nuages, technique utilisée 300 jours sur 365 dans cette région désertique, pour provoquer une chute des températures souvent suffocantes et stimuler la pluie…

Un déluge biblique

Venu en vacances à Dubaï, notre confrère journaliste Alexander Seale est resté coincé dans sa chambre d’hôtel en haut d’un gratte-ciel. Il n’est pas près d’oublier sa mésaventure « climatique ».

Alexander Seale

« Je suis arrivé à Dubaï le lundi 15 avril au matin. La pluie est tombée dès le lendemain mardi 16 avril. C’était impressionnant d’assister à ce déchaînement des éléments de ma fenêtre. J’ai vu les avenues transformées soudainement en rivières. Les voitures flottaient à la surface. Puis, j’ai découvert que le hall de mon hôtel était complètement inondé et qu’on avait de l’eau jusqu’à la taille. L’ascenseur était hors service, car l’électricité avait été coupée.
Ma chambre étant située au 22e étage, j’ai réalisé que je devrais utiliser l’escalier pour accéder au restaurant de l’établissement, soit 880 marches à descendre et à remonter ! C’est exactement ce que j’ai fait tous les jours, deux fois par jour, pendant trois jours, pour aller prendre mes repas ! Le jeudi, j’ai heureusement été transféré dans une chambre au 5ème étage. J’avais prévu de visiter la ville, mais cela a été impossible. J’étais à Charjah, la capitale de l’émirat du même nom qui fait partie de la conurbation de Dubaï. À Dubaï, les rues étaient inondées, mais le lendemain ça allait mieux, alors qu’à Charjah, cela a pris beaucoup plus de temps. On m’a dit que les centres commerciaux avaient été transformés en piscines et que des milliers de tonnes de marchandises avaient été détruites. Dans le désert autour de la ville, des chameaux plongés dans l’eau jusqu’au cou, luttaient pour éviter de se noyer. Après plusieurs jours de confinement, je suis finalement parti de l’hôtel en kayak avec mes bagages pour aller prendre un taxi vers Dubaï. Il ne fallait en aucun cas que je rate mon vol vers Londres ! Apparemment, ces pluies torrentielles sont en partie causées par l’ensemencement des nuages, qui vise à lutter contre la sécheresse. Mais quand cela tourne mal, dans un pays avec des gratte-ciel et peu d’égouts, les résultats sont vraiment catastrophiques ».

L’ensemencement des nuages, kézako ?

Les nuages, qui sont le résultat du refroidissement dans l’atmosphère de la vapeur d’eau, sont composés de gouttelettes d’eau ou de cristaux de glace. En se condensant ou en se combinant avec des particules, ces derniers se transforment en précipitations (pluie ou neige). Afin d’accélérer ce processus, de nombreux pays utilisent des techniques d’ensemencement des nuages[2], qui consistent, après avoir observé les nuages les plus propices, à répandre dans l’atmosphère souvent par avion, des molécules telles que l’iodure de sodium ou des cristaux de sel, ce qui provoque une réaction chimique. Les Emirats arabes unis y ont recours depuis les années 1990. Ils utilisent également des drones provoquant des décharges électriques dans les nuages pour stimuler les précipitations. De nouvelles techniques de manipulation artificielle du climat (géo-ingénierie) permettent de capturer le CO2 dans l’atmosphère mais aussi de modifier le rayonnement du Soleil. Les Emirats arabes unis ne sont pas seuls à utiliser de telles techniques. De nombreux autres Etats les utilisent aussi pour lutter contre la pollution de l’air (la Chine) ou au profit de l’agriculture (la France)[3].

En 2021, lors de précédentes inondations à Dubaï, France Info, avait indiqué, dans un article consacré aux techniques de stimulation des précipitations utilisées dans l’émirat : « Il faut faire attention. Aux Émirats arabes unis, il ne pleut qu’environ 100 mm d’eau par an en temps normal. Donc les infrastructures ne sont pas prévues pour assimiler autant de pluie. Et puis les habitants non plus ne sont pas habitués. La technologie provoque la pluie, mais ne contrôle pas sa quantité et son intensité »[4]

Que s’est-il passé ?

Face à l’ampleur de la catastrophe qui a sidéré le monde, les spéculations sur les causes se sont multipliées. Les données de suivi des vols analysées par l’agence de presse Associated Press ont montré qu’un avion préposé à l’ensemencement des nuages avait survolé les Emirats arabes unis dimanche 14 avril. Ahmed Habib, météorologue au Centre national de météorologie (NCM) des Emirats, a déclaré à Bloomberg, que plusieurs sorties d’ensemencement de nuages avaient été effectuées dans les jours précédant le déluge. Au niveau mondial, ces déclarations ont immédiatement provoqué un vent de panique dans la sphère médiatique, qui privilégie systématiquement la thèse du réchauffement climatique comme cause principale des événements climatiques tels que les ouragans, les feux de forêts, les pluies diluviennes, etc. Le NCM a alors précisé, auprès de la chaîne américaines CNBC, qu’il n’y avait pas eu d’ensemencement des nuages le jour du déluge (mardi)[5] – mais il a bien confirmé qu’une telle opération avait en effet été effectuée les dimanche 14 avril et lundi 15 avril, soit la veille du désastre[6].


[1] https://www.climatsetvoyages.com/climat/emirats-arabes-unis/dubai

[2] https://www.lefigaro.fr/sciences/dubai-stimule-les-nuages-pour-faire-tomber-la-pluie-20210723

[3] https://www.dailymail.co.uk/sciencetech/article-13323453/Cloud-seeding-weather-modification-technique.html

[4] https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-monde-est-a-nous/face-aux-fortes-chaleurs-dubai-fait-tomber-de-la-fausse-pluie_4695459.html

[5] https://www.thenationalnews.com/news/uae/2024/04/17/cloud-seeding-uae-rain-weather/

[6] https://www.dailymail.co.uk/galleries/article-13319175/Was-Dubais-apocalyptic-rain-storm-self-inflicted.html

Tant qu’il y aura des films

Une variation brillante sur le marché de l’art, un téléfilm à la gloire de José Bové et un western qui détourne les codes du genre, ainsi va le cinéma sur les écrans, tandis que Cannes s’apprête pour le Festival.


Adjugé !

Le Tableau volé, de Pascal Bonitzer, sortie le 1er mai

On connaît le grand talent de Pascal Bonitzer, d’abord comme scénariste (pour René Allio, André Téchiné, Barbet Schroeder, Jacques Rivette et Raoul Ruiz, entre autres) puis comme réalisateur depuis Encore en 1996. Suivront notamment Rien sur Robert, l’un des meilleurs films de Fabrice Luchini, Petites coupures avec un Daniel Auteuil en grande forme ou encore Cherchez Hortense où Jean-Pierre Bacri et Claude Rich excellaient littéralement. C’est d’ailleurs l’un des atouts de cet écrivain de cinéma surdoué : son goût pour les acteurs et sa capacité manifeste à les diriger. Le plaisir du spectateur est au rendez-vous : de bons comédiens servant un bon scénario aux dialogues ciselés. Qui dit mieux ? On pourrait presque parler d’une martingale Bonitzer qui lui fait occuper une place à part dans le paysage cinématographique français. Ses comédies sont subtiles, élégantes et mélancoliques. Pour les plus réussies d’entre elles, elles font d’ailleurs songer à celles de Jean-Paul Rappeneau, même si nul ne sait atteindre le sens du rythme de ce dernier.

© Pyramide Distribution

Le nouvel opus de Bonitzer, Le Tableau volé, prend d’ores et déjà une bonne place dans sa filmographie. Avec en premier lieu et comme il se doit une distribution impeccable, d’où émergent Alex Lutz, Louise Chevillote, Léa Drucker, Nora Hamzawi et, dans un second rôle plus que parfait, l’étonnant Alain Chamfort. Bonitzer a cette fois tricoté une sombre histoire de tableau volé par les nazis, offert à un collabo et retrouvé par hasard par un jeune ouvrier. Le tout inspiré d’une histoire vraie : la découverte, au début des années 2000, d’un tableau d’Egon Schiele, dans le pavillon d’un jeune ouvrier chimiste de la banlieue de Mulhouse, par un spécialiste d’art moderne d’une grande maison de vente internationale. Mais le tableau s’est révélé être une œuvre spoliée durant la Seconde Guerre mondiale. Dans le film, cet expert, nommé André Masson, comme le peintre, est joué à la perfection par un Alex Lutz tout à la fois génialement odieux, professionnellement brillant et définitivement intéressé par l’argent et le profit. Dans son précédent film, Tout de suite maintenant, Bonitzer avait dressé le portrait sans concession des golden boys et girls de la finance internationale. La description du petit monde du marché de l’art haut de gamme est tout aussi corrosive. C’est un jeu de massacre d’autant plus efficace que Bonitzer manie le scalpel sans avoir l’air d’y toucher.

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Le mensonge, la dissimulation, l’hypocrisie sont au cœur du scénario, reléguant à l’arrière-plan le fameux tableau volé, remake funèbre des Tournesols de Van Gogh. Et Bonitzer réussit le pari de sortir de sa zone de confort habituelle, celle de la bonne bourgeoisie parisienne, pour dépeindre une autre classe sociale, défavorisée, aux antipodes des autres protagonistes du film. Si les deux camps se côtoient le temps de cette improbable rencontre, il est manifeste qu’ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Avec pertinence, Bonitzer ne fait pas le coup de l’Art qui réunit les contraires : chacun, finalement, rejoint qui, son loft et qui, son pavillon de banlieue. Le tableau volé ne les a rassemblés que le temps d’une vente aux enchères record. Entretemps, le cinéaste a développé avec son brio habituel quelques thèmes transversaux, comme cette relation tumultueuse entre une fille et son père. Ce dernier lâche, en point d’orgue, un constat désabusé tiré d’un texte de Virginia Woolf selon lequel, vivre, se résume à « encaisser, lâcher du lest, tout revoir à la baisse ». Ainsi va le cinéma de Bonitzer : une légèreté grave qui fait mouche.


Refusé

Une affaire de principe, d’Antoine Raimbault, sortie le 1er mai

© Pascal Chantier

Est-il raisonnable de faire de José Bové un personnage « de fiction » sous les traits de Bouli Lanners – par ailleurs talentueux acteur et cinéaste belge ? On est persuadé du contraire en sortant de la projection du film d’Antoine Raimbault, Une affaire de principe. On a l’impression que pour ce cinéaste, la vie ressemble à un numéro de « Complément d’enquête » aux dialogues ciselés par Élise Lucet. Certes, nul ne peut contester l’extrême efficacité des groupes de pression qui, à Bruxelles, œuvrent au quotidien pour la défense de l’industrie du tabac. On se gardera bien d’ouvrir ici le débat sur la nocivité dudit tabac et ses dégâts sur la santé publique. Mais à force de bons sentiments, de caricatures et de clichés en tous genres, à force, surtout, de faire de Bové et des assistants parlementaires des sortes de nouveaux résistants contre l’occupant, le film sombre dans un prêchi-prêcha sans intérêt. Quitte à jouer avec la réalité jusqu’au grotesque quand, dans certaines scènes, on peut se croire dans Le Parrain avec un commissaire européen affaibli dans le rôle de Brando.


Réussi

Jusqu’au bout du monde, de Viggo Mortensen, sortie le 1er mai

© Metropolitan FilmExport

Avec la réalisation de ce deuxième long métrage après Falling, l’acteur américano-danois Viggo Mortensen prouve qu’il est un cinéaste talentueux. Adoptant les codes du western traditionnel pour mieux les détourner, il raconte l’histoire de Vivienne Le Coudy, une Canadienne d’origine française (incarnée par la toujours impeccable Vicky Creeps) qui, en 1860, à San Francisco, tombe amoureuse d’un immigrant danois nommé Holger Olsen (Mortensen lui-même). Mais la guerre de Sécession va se charger de perturber leur relation… En faisant porter son regard sur le personnage principal féminin, le cinéaste joue non sans malice avec la doxa du western en vigueur à Hollywood depuis l’invention du cinématographe. Sans tomber dans la caricature ou l’anachronisme, il fait le portrait d’une femme qui refuse les conventions sociales et décide seule de son destin. On pense à Sur la route de Madison, de Clint Eastwood, mais Viggo Mortensen assume un romantisme et un romanesque sincères et sans esbroufe larmoyante. Le tout à travers une mise en scène aussi sobre qu’efficace. Autrement dit, du cinéma classique et qui fait du bien.

LFI: Voltaire a bon dos…

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Si les propos actuels des Insoumis parvenaient à ses oreilles, le philosophe des Lumières pourrait se retourner dans sa tombe !


Ecouter Mathilde Panot le 28 avril au Grand Jury, avec une animation sans complaisance d’Olivier Bost, et Manon Aubry le 29 sur Sud Radio avec Jean-Jacques Bourdin, c’est d’abord constater la pensée rigoureusement unique de LFI, l’identité des réponses, la similitude des ambiguïtés et le caractère monotone de répliques gangrenées par le caporalisme partisan. Au-delà de cette impression de désolation répétitive, j’ai été frappé par l’argumentation développée sur l’enquête ordonnée par le Parquet de Paris à la suite d’un communiqué de Mathilde Panot engageant le groupe parlementaire. Il assimilait le terrorisme du Hamas à la normalité d’une armée régulière. Était visé le délit d’apologie de terrorisme. Pour Mmes Panot et Aubry, et sans doute pour la globalité des députés LFI, cette enquête serait une honte puisqu’elle concernerait la responsable d’un groupe parlementaire d’opposition et que ce serait une atteinte gravissime à la démocratie.

Une enquête dont on aurait pu se passer

Je ne vois pas au nom de quoi il ne serait pas républicain, face à un tel communiqué, même émanant d’une présidente de groupe parlementaire, d’ordonner une enquête pour établir ou non la réalité de l’infraction concernée. Qu’elle puisse être éventuellement imputable à Mathilde Panot, en sa qualité de présidente de groupe, ne rend pas la démarche honteuse. Sa légitimité judiciaire demeure entière.

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Cela dit, pour ma part, je me serais bien gardé, en responsabilité, d’avoir une telle réaction. J’aurais considéré d’emblée qu’aussi perverse et contestable que soit la formulation incriminée, elle relevait d’une approche partisane, de nature purement politique, et qu’en démocratie, on avait le droit d’en faire usage. Faute de quoi la liberté d’expression serait vite réduite, trop vite assujettie à une qualification pénale.

Il n’est donc pas contradictoire de défendre le droit d’ordonner une enquête et celui de considérer qu’au fond, on aurait peut-être dû s’en dispenser. Il est fondamental, quel que soit le parti concerné, de veiller à ne pas empiéter par la loi sur ce qui constitue la liberté d’opinion. La frontière est parfois mince, elle appelle une vigilance toute particulière.

Comme un boomerang

Il est piquant alors, de la part de LFI qui exige à son bénéfice une liberté d’expression pleine et entière, sans la moindre entrave, d’entendre les mêmes, au nom d’une conception idéologique et hémiplégique de ce beau concept démocratique, réclamer contre ses adversaires censures, éradications, ostracismes. Faut-il rappeler Aymeric Caron[1] laissant CNews être insulté et boycotté sans réagir à Sciences Po ? On a encore en mémoire la diatribe de Jean-Luc Mélenchon contre la même chaîne!

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Ainsi, conscients ou non du caractère schizophrénique de leurs positions, ils viennent, la bouche en cœur, au nom du pluralisme et de la liberté, exiger des droits pour eux mais les refuser sans vergogne à leurs contradicteurs. Si on suivait Saint-Just et son « pas de liberté pour les ennemis de la liberté », LFI serait bien mal lotie!

Le comble est d’entendre Manon Aubry se réfugier derrière la phrase tellement exploitée attribuée à Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire ». Invoquer cette splendide définition d’une confrontation civilisée et républicaine a une saveur saumâtre quand, trop souvent, chez LFI, à l’encontre de ceux qui ne pensent pas comme eux, la haine, l’outrance et le désir de disparition ont remplacé l’humanisme élémentaire. Alors, que ceux qui au quotidien méconnaissent le principe que Voltaire aurait édicté au moins se taisent!

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[1] https://www.causeur.fr/aymeric-caron-sciences-po-lfi-contre-cnews-enieme-episode-281797

Causeur: Intégristes contre intégrés. Dernière chance avant la charia

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Samara tabassée à Montpellier, Shemseddine battu à mort à Viry-Châtillon, Rachid poignardé à Bordeaux. Dans de nombreux quartiers de France, la charia devient la norme commune et l’islam, la véritable nationalité d’une grande partie de la jeunesse musulmane. Si Gabriel Attal a osé nommer le mal, la Macronie s’est empressée de noyer le poisson islamiste dans le grand bain de la violence des jeunes. Devant cette islamisation de la société française, comme le fait remarquer Elisabeth Lévy, « les militants de l’aveuglement ont pris de sérieux coups de réel sur la caboche ». Car, dans les endroits où l’islam est majoritaire, ce dernier représente, bien plus qu’une religion, « une frontière identitaire ». Se confiant à Elisabeth Lévy et Jonathan Siksou, l’écrivain Omar Youssef Souleimane, auteur de Etre français et d’Une chambre en exil (2023), affirme avoir retrouvé en France ce qu’il pensait ne plus voir en fuyant la Syrie : l’islam politique. Il s’alarme d’observer qu’en France, toute une jeunesse endoctrinée considère que l’islam est sa nationalité.

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Dans le combat contre l’islamisme, toutes les forces sont nécessaires, selon Ivan Rioufol, qu’elles viennent de gauche ou de droite. Lâcher Mila – comme l’ont fait certaines figures de la « gauche républicaine » – au prétexte de ses fréquentations s’apparente à une trahison. Les querelles intestines affaiblissent la riposte et consolident notre ennemi. Il y a vingt ans, Jean-Pierre Obin, à l’époque inspecteur général de l’Éducation nationale, mettait les pieds dans le plat en rédigeant un rapport sur les signes religieux à l’école. Interrogé par Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, l’auteur de Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école (2020) et Les Profs ont peur (2023) livrent un jugement négatif sur notre présent : la tendance séparatiste s’est accentuée, les violences ont explosé, et une nouvelle génération de profs conteste à son tour la laïcité. Florence Bergeaud-Blackler, docteur en anthropologie et auteur de Le Frérisme et ses réseaux (2023), ne se montre guère plus optimiste. Se confiant à Céline Pina, elle soutient que la police des mœurs islamiques est l’un des visages de l’offensive frériste pour instaurer une société halal fondée sur le séparatisme, voire sur un suprémacisme musulman. La riposte est possible : commençons par interdire le voile des mineures et soutenir les courageux apostats. Jean-Baptiste Roques dresse une liste des intimidations, agressions et assassinats commis au nom d’Allah qui, depuis une trentaine d’années, rythment la vie en France. Corinne Berger analyse la manière dont l’École en est venue à priver toute une jeunesse de notre culture et à laisser prospérer la loi du clan et l’hyperviolence. Les deux normaliens Pierre Vermeren, qui a récemment co-dirigé Les Frères musulmans à l’épreuve du pouvoir, et Jean-Loup Bonnamy, qui vient de publier L’Occident déboussolé, une critique implacable de la pensée décoloniale, dialoguent avec Jean-Baptiste Roques en brossant le portrait de l’islamo-gauchisme.

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Dans son édito du mois, notre Directrice de la rédaction revient sur la question des couvre-feux pour les enfants de moins de 13 ans. Bien qu’une majorité des Français y soit favorable, que la droite soit enthousiaste et que même à gauche on ne proteste que mollement, cette idée constitue un terrible aveu d’impuissance publique. Car « qu’il faille recourir à l’État pour imposer ce qui devrait relever de normes sociales intériorisées par tous est symptomatique du délabrement de nos fondations collectives ». Dans un grand entretien, Sarah Knafo, la stratège et compagne d’Éric Zemmour, nous parle de sa descente dans l’arène électorale. Désormais candidate en troisième place sur la liste conduite aux européennes par Marion Maréchal, cette patriote passée par l’ENA connaît ses dossiers. Immigration, islam, économie, elle est convaincue que les graves problèmes du pays appellent des solutions simples. Sur son rôle, souvent contesté, comme sur les frères ennemis, elle parle sans détour. Et refuse la fatalité.

Olivier Dartigolles nous parle de son amour pour les livres de Salman Rushdie mais avoue que, à la lecture de son nouveau volume Le Couteau, qui raconte comment l’écrivain a surmonté l’épreuve de la tentative d’assassinat en 2022, il a surtout été frappé par l’impuissance des mots, face à l’extrémisme, et le besoin d’action concrète. Racontant sa vie à l’Assemblée, Emmanuelle Ménard partage avec nous une de ces petites victoires qui, de temps en temps, permettent de reprendre confiance dans la politique. Stéphane Germain analyse les modalités du débat sur notre politique économique et trouve qu’il est rempli d’idées idiotes et profondément ancrées. Cela convient aux gouvernements successifs, aux médias et aux électeurs, mais pas forcément à nos créanciers. Selon lui, seule une contrainte extérieure forte nous obligera à revenir au réel. Jean-Michel Delacomptée a lu les nouveaux livres de Bernard-Henri Lévy (Solitude d’Israël) et de Gérard Araud (Israël, le piège de l’histoire) qui livre deux réflexions complémentaires sur l’État juif mais se rejoignent dans un même idéal de justice. Dans La République, c’était lui !, Éric Naulleau brosse le portrait de Jean-Luc Mélenchon en lider minimo et, selon Frédéric Magellan, montre comment un laïcard pur jus s’est mué en islamo-gauchiste convaincu, aussi séduit par les dictatures comme par la France des imams et des caïds.

Côté culture, nous risquons en ce moment de subir une overdose impressionniste, nous avertit Pierre Lamalattie. Jusqu’au 14 juillet, le musée d’Orsay célèbre les 150 ans de l’impressionnisme. Pour l’occasion, toutes les stars des cimaises sont réunies, Monet, Degas, Renoir, Morisot, Pissarro… et une partie du Salon de 1874 est reconstituée pour montrer l’ennui de la peinture académique. Résultat ? Une vision binaire de la création à la Belle Époque. Jonathan Siksou nous apprend que la mairie de Paris a une nouvelle cible dans son viseur : la place de la Concorde. Les ayatollahs de l’Hôtel de Ville sont déterminés à en bannir les voitures après les JO et à la « végétaliser » pour la rendre forcément plus festive. Une aberration urbaine et un affront à l’histoire de notre capitale. Nos intellos réunis s’apprêtent à commémorer le mois prochain les quarante ans de la mort de Michel Foucault. Pour Georgia Ray, le penseur de l’exclusion et de la prison, de la folie et du parricide, est aussi le coupable théoricien de la destruction de l’école, du savoir, de l’autorité, et de la détestation de la culture occidentale.

Un livre sur Depardieu écrit par deux journalistes du Monde ? On s’attendrait à une analyse haineuse et malhonnête. Pas du tout ! nous dit Yannis Ezziadi. L’enquête de Raphaëlle Bacqué et de Samuel Blumenfeld retrace la vie mouvementée, les blessures et le génie d’un géant français. Patrick Mandon a visité une exposition à Lunéville qui retrace la carrière fulgurante et le destin tragique de l’architecte le plus prisé de la fin de l’Ancien Régime. Si le nom de Richard Mique est tombé dans l’oubli, il est pourtant associé à Versailles et au Trianon : le style Marie-Antoinette, c’est lui ! Le nouveau roman de Caroline de Mulder expose un pan méconnu de la Seconde Guerre mondiale : les Lebensborns. Dans ces bétaillères, des femmes sélectionnées et engrossées par de bons soldats devaient perpétuer la race aryenne. Pour Alexandra Lemasson, La Pouponnière d’Himmler est un roman glaçant mené de main de maître. Sophie Chauveau rend hommage à notre confrère, le journaliste et écrivain Benoît Rayski qui est mort le 20 mars. Fils d’Adam Rayski, chef politique de l’Affiche rouge, il a entretenu la mémoire de la Résistance communiste. Mais nombre de ses confrères ne lui ont pas pardonné d’avoir « viré à droite ». La prospère petite commune de Truchtersheim, en Alsace, recèle un secret connu par une poignée d’initiés – mais qu’Emmanuel Tresmontant partage avec nous –, à savoir son Super U ! Michel Nopper a transformé sa supérette franchisée en une épicerie fine dotée d’une cave féérique. Les plus grands crus y sont vendus à des prix très attractifs, ou presque.

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Enfin, Gilles-William Goldnadel, le président d’Avocats Sans Frontières, revient sur le succès qu’il vient de remporter auprès du gendarme de l’audiovisuel, l’Arcom. Ce dernier a admonesté France-Inter pour avoir cité un chiffre représentant le nombre de morts supposés à Gaza le 8 janvier sans préciser que ce chiffre avait été fourni par le Hamas. Étrangement, ni France-Inter, ni Le Monde, ni Libé, ni Télérama n’ont parlé de cette admonestation. Mais Gilles-William Goldnadel en a parlé, et Causeur en a parlé. Car dans la lutte contre l’odieux visuel de sévices publics, il n’y a pas de petite victoire !

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Une soupe et au lit!

Plusieurs maires ont annoncé leur intention de mettre en place un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans.


C’est la dernière mode à droite. Contre la violence des jeunes, on a trouvé la solution : leur interdire de sortir de chez eux. De Gabriel Attal à Marion Maréchal en passant par Gérald Darmanin et Robert Ménard, le couvre-feu pour les mineurs se porte en bandoulière. Gérald Darmanin a ouvert le bal à Pointe-à-Pitre, Robert Ménard a embrayé, en édictant un couvre-feu pour les moins de 13 ans, de 23 heures à 6 h 30 dans trois quartiers de Béziers, suivi par le maire de Nice, Christian Estrosi. Même à Causeur, les forces de la réaction gagnent du terrain. À l’issue d’un joyeux pugilat, le camp de la liberté, emmené par votre servante, a été mis en minorité. Et à gauche, le braillomètre est plutôt mou du genou. Alexis Corbière parle du Béziers de son enfance où il pouvait jouer à l’ombre des lampadaires, L’Huma fustige les maires antijeunes, quelques associations biterroises manifestent contre les idées d’extrême droite, la Ligue des droits de l’homme rumine des poursuites. Mais le cœur n’y est pas. Peut-être parce que les électeurs, eux, approuvent massivement – d’après un sondage 67 % des Français, et 80 % des électeurs de droite sont favorables à la généralisation d’un couvre-feu pour les mineurs à partir de 23 heures afin « d’éloigner les jeunes de la délinquance ». On se demande pourquoi on n’y avait pas pensé plus tôt.

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L’argument sans appel des partisans du couvre-feu, c’est qu’il est frappé au coin du bon sens. Qui peut s’opposer au bon sens – sinon les idéologues qui, depuis des décennies, s’emploient à maquiller le désastre ? Et pourtant. On pense à cette blague où un philosophe français dit à un confrère anglais : « Votre système est formidable en pratique. Mais en théorie ? » Eh bien, même si le couvre-feu était formidable en pratique, ce qui reste à démontrer, il n’en demeurerait pas moins dangereusement liberticide en théorie.

En prime, nous acceptons d’en rabattre sur nos libertés fondamentales pour un résultat des plus incertains. Sauf à être assorti de véritables sanctions, cette règle à dormir debout a peu de chances de dissuader les premiers concernés, c’est-à-dire les racailles qui pourrissent la vie de leurs cités. Certes, la main de mon cher Ménard ne tremblera pas. À Béziers, des parents devront récupérer leurs chers bambins au commissariat. Fort bien, et après ?

Je vous entends rouspéter. Des enfants de 13 ans n’ont rien à faire le soir dans la rue. Ça ressemble à une évidence, même si elle souffre de nombreuses exceptions. L’objectif concret, qui est de ne plus voir dans nos rues des jeunes incontrôlables, est légitime. Ce qui pose problème, c’est qu’on prétende y arriver en édictant des mesures générales de privation de liberté. Que celles-ci soient aussi populaires inquiète à défaut d’étonner – cela fait longtemps que les Français, avides de protection, ont pour la liberté un goût modéré.

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Qu’on ne se méprenne pas, je n’ai pas la moindre compassion pour ces jeunes privés de sortie. Si on m’écoutait, on interdirait les enfants au restaurant, ou au moins on leur interdirait d’y parler[1]. Blague à part, il est vrai que les enfants, qui ne jouissent pas d’une pleine autonomie, ne sont pas titulaires des mêmes droits que les adultes, même si à 12 ou 13 ans, on bénéficie déjà d’une certaine liberté d’aller et venir. L’instauration de couvre-feux n’en est pas moins un terrible aveu d’impuissance publique : faute de pouvoir venir à bout des fauteurs de troubles, on décrète un confinement général. Au passage, cette punition collective prive des adultes responsables de leur autorité parentale. Cela rappelle ces féministes suédoises qui avaient inventé une arme radicale contre les violeurs : interdire aux hommes de sortir. On pourrait aussi fermer les magasins pour juguler l’inflation ou les bistrots pour éradiquer l’alcoolisme.

Qu’il faille recourir à l’État pour imposer ce qui devrait relever de normes sociales intériorisées par tous est symptomatique du délabrement de nos fondations collectives. À ce compte-là, il faudra un jour des lois pour imposer le port de chaussures, le brossage de dents ou le vousoiement des inconnus. Alors qu’on a exigé de l’Etat qu’il devienne notre mère, on lui demande désormais de se substituer aux parents défaillants, autrement dit d’être le dernier refuge d’une puissance paternelle qu’on s’acharne à destituer partout ailleurs. Ordonner à un ado de rester dans sa chambre et lui demander s’il veut être une fille ou un garçon, c’est une double injonction qui peut rendre fou. On ne redressera pas la France en sacrifiant la liberté à l’ordre. Du reste, si les sujets du roi Charles aiment tant la liberté, c’est peut-être qu’elle procure encore plus de satisfactions en pratique qu’en théorie.


[1] Que personne ne me balance au Parquet, je blague. Quoique.

Aimez-vous la choucroute?

Notre chroniqueuse a-t-elle bien fait d’aller voir Back to Black au cinéma ? Aurait-elle mieux fait de rester chez elle, à réécouter l’album légendaire d’Amy Winehouse sorti en 2006 ? Réponse.


Le film sur la vie de la dernière élue du Club des 27, Amy Winehouse, Back to Black, sorti mercredi dernier, n’a pas bonne presse. Le biopic est un genre cinématographique mal-aimé, et celui-ci ne fait pas exception à la règle. On lui reproche de nous proposer une version d’Amy Winehouse idéalisée, d’éluder ses démons. Cependant, la réalisatrice a pris le parti de nous montrer un aspect de la star plus méconnu: la midinette londonienne qui hantait les pubs pour y écouter de la musique et y trouver l’amour.

Back to Black, aucun rapport avec la choucroute, a carrément titré Libération au sujet du film réalisé par Sam Taylor-Johnson. L’ensemble de la presse est plus que mitigée au sujet de ce film. On lui reproche, notamment, d’être trop édulcoré, et de ne pas mettre assez l’accent sur la noirceur et le tragique du parcours de la chanteuse londonienne (1983-2011). Certains vont même jusqu’à dire que la réalisatrice en a fait une rom-com (comédie romantique) ! Allons, allons…

On sait déjà tout d’Amy Winehouse

Avant d’y aller de ma (modeste) analyse, je voudrais quand même répondre à Olivier Lamm, l’auteur de l’article de Libé précité1. Félicitons d’abord l’auteur de la titraille, digne des plus belles heures de Libération… Mais, qu’est-ce-que l’auteur y connaît, à la « choucroute » ? Qui est-il, pour donner des leçons de rock’n’roll et de tout ce qui va avec ? Il nous joue l’éternelle ritournelle sex, drugs and rock’n’roll, c’est bien ça ? Jusqu’à affirmer que le film est un « condensé d’indécence ». Ce journaliste se pose en expert en « malheurs » et « descente aux enfers », comme s’il était un quelconque dépositaire de l’âme damnée d’Amy Winehouse. Et si c’était plutôt cela, qui était indécent ?

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D’autant plus que le parcours tragique et magnifique de celle que les journaux ont appelé la « diva soul » est déjà très bien montré dans le documentaire d’Asif Kapadia : Amy, datant de 2015. Tout y est : la gloire, la chute, les quantités astronomiques de drogues qu’elle consommait (jusqu’à impressionner Peter Doherty, pourtant expert en la matière), les paparazzis, le boy-friend toxique, le père qui était loin d’être blanc-bleu, les concerts ratés, ceux où les Dieux de la soul music étaient avec elle… Rien ne manque. L’excellent travail accompli par le réalisateur de ce documentaire m’a donc fait douter moi aussi du bien fondé d’un biopic. Qu’allions nous apprendre de plus ?

Il semble que le parti pris de la réalisatrice ait été celui-ci : montrer une autre Amy, moins tapageuse, moins scandaleuse. Celle qui chantait lors des fêtes de famille, qui était championne de snooker, qui avait décoré sa chambre de jeune fille comme une bonbonnière et qui adorait sa grand-mère Cynthia, son « role model » qui lui inspira son look vintage et sa choucroute.

Ils m’ont dit qu’il était mauvais…

L’été 2021, pour commémorer les 10 ans de sa mort, Arte avait diffusé un autre excellent documentaire : Amy Winehouse : Back to Black, que j’avais chroniqué dans ces colonnes. Il s’agissait du making of de l’album aux 16 millions d’exemplaires vendus Back to Black. Le producteur de l’album, Mark Ronson, y parlait de la star comme d’une midinette qui aimait les girls bands des années 60, ceux qui vendaient « des cœurs brisés au kilomètres » et qui nous offraient une musique de juke box qu’Amy écoutait dans les pubs de Nord de Londres lorsqu’elle n’était pas encore célèbre.

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Une des plus jolies scènes du film est la rencontre d’Amy Winehouse avec le fameux Blake Fielder-Civil, ce lad, ce semi-voyou cockney qu’elle voyait comme un demi-dieu. Blake y fait justement jouer au juke-box The leader of the pack, le tube des Shangri-Las. Les yeux d’Amy brillent (excellente Marisa Abela) : « They told me he was bad, but I knew he was sad / That’s why I fell for the leader of pack »2, dit la chanson. Et l’histoire d’amour entre la diva et son bad boy peut commencer…

Ma petite morale de l’histoire : c’est certainement en mettant bouts à bouts les deux documentaires et ce biopic que nous pouvons toucher du bout des doigts ce que fut Amy : une jeune fille rêveuse et frêle, qui abritait en elle une voix d’un autre monde qui a fini par avoir sa peau. À ce titre, le biopic un peu sucré actuellement sur nos écrans n’est pas complètement futile.


  1. https://www.liberation.fr/culture/cinema/back-to-black-le-biopic-damy-winehouse-aucun-rapport-avec-la-choucroute-20240423_4U6DAF5I3JGF5NMXPVQDBTDFGM/ ↩︎
  2. Ils m’ont dit qu’il était mauvais, mais je savais qu’il était triste / c’est pour cela que j’ai succombé au chef de bande. ↩︎

Humza Yousaf: un mandat pour rien, ou presque

Le Premier ministre indépendantiste d’Écosse, Humza Yousaf, a démissionné ce lundi, après avoir perdu sa majorité au parlement écossais, suite au départ des Verts (Scottish Greens) de sa coalition. Retour sur un mandat décevant, surtout marqué par… un wokisme effréné.


Dans un discours aux accents émouvants, le Premier ministre écossais, Humza Yousaf, a annoncé sa démission lundi en début d’après-midi, mettant fin à une semaine de tumulte au sein de sa coalition entre le Scottish National Party (SNP) et les Scottish Greens, qui a mené à son éclatement.

L’écologie : la mère de tous ses maux

Lors de son accession au pouvoir en mars 2023, le Premier ministre démissionnaire semblait pourtant être l’homme idéal pour concilier indépendantistes et écologistes.

Fidèle de Nicola Sturgeon, son prédécesseur, il avait poursuivi l’application de l’accord de Chatham House, signé en 2021, par le Scottish National Party et les Scottish Greens. Ce texte prévoyait l’application d’un programme environnemental rigoureux, coûteux et contraignant, y compris pour le forage de pétrole en mer du Nord, une protection accentuée de la vie marine, de nouvelles protections pour les minorités sexuelles et le vote d’une loi sur la protection trans. Le problème est que le gouvernement écossais n’est pas souverain et Humza Yousaf a échoué ces derniers mois à tenir les engagements du Bute House Agreement sur l’exploitation de gaz en mer du Nord. En septembre 2023, le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, a annoncé le lancement de l’exploitation du gisement gazier de Rosebank, au large des îles Shetland, sans que Yousaf ne puisse s’y opposer, si ce n’est par les mots.

Ne parlons pas de son bilan sur les transgenres, qui est tout aussi décevant pour les progressistes de son parti.

Un bilan “multiculturel” et woke

Dans son discours de départ, Humza Yousaf s’est inscrit sans complexe dans le multiculturalisme, dont il est l’un des plus fervents promoteurs au sein du SNP. « Nous vivons aujourd’hui dans un Royaume-Uni avec un Premier ministre indien et britannique, un maire de Londres musulman, un Premier ministre gallois noir et pour un petit moment encore, un Premier ministre écossais et asiatique pour ce pays (l’Écosse) » a fièrement déclaré le Premier ministre. Et à tous ceux qui prétendent « que le multiculturalisme a échoué au Royaume-Uni, poursuit-il, je suggérerai que l’inverse s’est révélé être vrai et c’est quelque chose que nous devrions tous célébrer. » Voilà donc la seule satisfaction – ou presque – de M. Yousaf : avoir montré à l’Écosse qu’un homme d’origine pakistanaise pouvait accéder au pouvoir.

Mais de quel multiculturalisme parle Humza Yousaf ? Eh bien, hormis le fait qu’il soit d’origine pakistanaise et musulman et qu’il ait annoncé vivre le Ramadan, pas grand-chose. Il portait le kilt pour les grandes cérémonies, comme lors des obsèques d’Elisabeth II en octobre 2022, et le reste du temps, des costumes en tartan et en tweed : rien de très pakistanais, autrement dit. En fait, ce qu’a surtout soutenu le Premier ministre est le programme woke et LGBTQI+ pour se distinguer de ses opposantes en mars 2023. Il a relancé la guerre culturelle sur les transgenres et accentué les divisions déjà profondes au sein de son parti. Rappelons que c’est la même controverse sur la légalisation de la transition de genre à partir de 16 ans qui avait entrainé la démission de Nicola Sturgeon en février 2023.

Pour montrer son engagement en faveur de cette cause, M. Yousaf a fait voter une loi sur le discours haineux (hate crime law), début avril, qui s’avère, pour l’heure, impossible à faire appliquer.

L’échec du combat pour l’indépendance

Les indépendantistes purs et durs sont eux-aussi bien déçus du bilan de M. Yousaf, qui a concédé son échec sur l’imposition d’un nouveau référendum sur l’indépendance. « L’indépendance semble terriblement proche – et croyez-moi, personne ne ressent davantage de frustration qu’un président du SNP – mais les derniers miles du marathon sont toujours les plus difficiles » a déclaré le Premier ministre. Mais il ne s’agit pas du tout des derniers miles avant l’indépendance !

La loi britannique dispose qu’un référendum de cette nature ne peut être organisé qu’une fois par génération, c’est-à-dire, tous les vingt-cinq ans et le dernier référendum a eu lieu en 2014, il y a à peine dix ans…

Une succession incertaine et risquée

Deux candidates pourraient se déclarer officiellement dans les prochains jours pour les élections internes au SNP qui éliront le nouveau Premier ministre : Kate Forbes, une évangélique fervente et conservatrice, battue de peu par Humza Yousaf en 2023, et Ash Regan, une féministe, peu intéressée par une alliance avec les Scottish Greens et surtout très hostile à la cause trans. Mais un autre favori, John Swinney, qui a mené le parti aux élections en 2003, a aussi annoncé vouloir se présenter. Ancien vice-Premier ministre et ministre de l’Education, il a soutenu avec ferveur le texte sur la transition de genre à 16 ans, ainsi que l’enseignement LGBTQI+ dans le curriculum scolaire et défend aussi l’indépendance écossaise.

La bataille pour le poste de Premier ministre s’annonce rude au sein du SNP, surtout à l’approche des élections législatives nationales (General elections), qui pourraient se tenir d’ici le mois d’octobre. Le Labour est pour l’instant donné gagnant en Ecosse, avec 36% des voix, pour la première fois depuis 2003. En cas de victoire des travaillistes, la question indépendantiste pourrait bien être mise de côté pendant quelques années.

Les ballets de Monte-Carlo: une fleur au milieu des cactus

Disons-le : la chorégraphie de Jean-Christophe Maillot créée pour les Ballets de Monte-Carlo, Vers un Pays Sage est un chef-d’œuvre. Ou pour le moins, son chef-d’œuvre !


À quoi reconnaître un chef-d’œuvre ? Ici, à la beauté sereine, à la lumière qui s’en dégage, au style racé, à la virtuosité raffinée de l’écriture, à ce sentiment de plénitude, d’accomplissement qui l’accompagne. Au temps aussi : créé il y a bientôt trois décennies, « Vers un Pays Sage », de Jean-Christophe Maillot, est toujours aussi envoûtant, toujours aussi surprenant, toujours aussi moderne. Les œuvres fortes ne vieillissent pas. Sur des pages magnifiques du musicien américain John Adams, « Fearful Symmetries », qui sont comme un fabuleux tremplin pour qui sait y répondre chorégraphiquement, et tout en rendant hommage à son père qui était peintre, Maillot a composé un poème épique qui entraîne les magnifiques danseurs des Ballets de Monte-Carlo dans une aventure qu’on redécouvre avec émerveillement. Car tout y est beau, et les lumières changeantes de Dominique Drillot, auteur d’un rose rare sur les scènes théâtrales, ne font qu’exalter l’éclat de la pièce.

Art Déco

Il y a quelque chose de balanchinien dans cette composition qui rappelle l’esprit Art Déco dans certaines attitudes des danseurs, reflets fugitifs de la sculpture des Années 30. Et cette énergie qui fouette les interprètes recèle quelque chose d’affolant.

C’est avec « Vers un Pays Sage » que les Ballets de Monte-Carlo, programmés en févier 2025 au Théâtre de la Ville, briseront l’ostracisme auquel ils se sont heurtés à Paris depuis leur création. En quatre décennies, cette compagnie qui se range parmi les meilleures d’Europe et qui a cent fois peut-être fait le tour du monde, ne s’est produite qu’à deux ou trois reprises dans la capitale. Et il serait éloquent d’analyser les causes inavouées de ce dédain dans les milieux culturels parisiens où l’on vous appréhende souvent en fonction de votre provenance plus que de vos qualités propres. Un dédain auquel la réputation fâcheuse de la Principauté doit sans doute beaucoup. Sans compter la suspicion que suscite toute velléité d’excellence à une époque où règne cette tendance à la désinvolture et à l’absence de talent qu’on flatte du terme de « liberté d’expression ».

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Le plus étonnant dans cette invitation si tardive au Théâtre de la Ville, c’est que c’est probablement pour une tout autre raison qu’elle survient. Pour une pièce, également au programme, de la chorégraphe israélienne Sharon Eyal, laquelle a le vent en poupe sur les scènes branchées. Une pièce, « Autodance », où les lumineux interprètes de « Vers un Pays Sage » sont métamorphosés en créatures souffreteuses, racornies, scrofuleuses, contournant frénétiquement un espace noir comme autant de cafards grouillant autour d’un gouffre. Consternant !

765 contrats

Sous la conduite de Jean-Christophe Maillot (qui, depuis 1993, a signé 765 contrats de danseurs pour sa troupe), et avec le ferme soutien de Caroline de Hanovre, leur fondatrice, sœur ainée du chef omnipotent de la firme Monaco, les Ballets de Monte-Carlo se sont fait une place considérable dans la minuscule, mais richissime principauté.

©Alice Blangero

Si la troupe donne annuellement 25 représentations à Monaco, à l’Opéra parfois, mais surtout dans une salle moderne de plus de 1800 places du Forum Grimaldi, drainant un public d’amateurs venu de France ou d’Italie (attiré par des billets allant de 5 à 35 euros – comprenant le parking gratuit !), elle fait aussi office d’ambassadrice au cours d’innombrables tournées effectuées à travers le monde. Une cinquantaine de spectacles sont donnés sur tous les continents, des Amériques à l’Australie en passant par la Chine, inépuisable réserve de public épris de « romantisme » à l’occidentale.

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Ces tournées sont essentielles à la brève carrière des danseurs mais elles coûtent de plus en plus cher en transport et en logement, quand les salles qui reçoivent la compagnie voient leurs budgets rétrécir. Naguère, elles rapportaient de l’argent. Aujourd’hui, parvenir à équilibrer leur budget est difficile. Et l’impossible survol des zones de guerre a fait bondir de 130 000 euros les coûts d’un voyage à destination du Japon. Pour ne rien dire de ceux du fret ou des complications administratives pour obtenir des visas pour une troupe aux multiples nationalités. Ou encore de l’écroulement du pont de Baltimore qui a bloqué le navire qui transportait costumes et décors d’une production d’abord donnée à Los Angeles et bientôt programmée à Ludwigsburg, en Wurtemberg !

Une nuit de débauche

À Monaco même, ces Ballets de Monte-Carlo sont un paradoxe. Sur ce territoire où tout paraît frelaté, artificiel, et où l’on sacrifie avant toute chose et non sans ostentation au veau d’or, ils sont un foyer de création, d’engagement artistique, de travail intense, de valeurs authentiques et de démocratisation. En témoignent un répertoire parfois audacieux, servi au gré des réussites ou de quelques échecs par une compagnie éblouissante, mais aussi ces « F(ê)aites de la Danse », manifestation biennale gratuite, la seule dans ce genre dans une zone où tout s’achète au prix fort, et qui accueille des dizaines de milliers de personnes pour danser sous toutes les formes imaginables durant 24 heures sur la place du Casino et dans les bâtiments adjacents.

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Entretenir une compagnie d’une cinquantaine de sujets choisis avec un soin extrême et encadrés par vingt-cinq personnes (dont beaucoup sont d’anciens danseurs) nécessite un budget conséquent. Un peu plus de 14 millions d’euros de subventions de l’État monégasque, une contribution de 2,5 millions de la Société des Bains de mer et 4,1 millions de recettes. 20,8 millions en un mot. Ce qui est sûr, c’est que les sommes allouées aux Ballets de Monte-Carlo sont un investissement de premier ordre pour la principauté. Moins polluants que les courses d’automobiles qui la sillonnent ou les innombrables tours qui la défigurent, ils véhiculent une image d’excellence et un rayonnement inespéré pour ce petit territoire abonné aux faits divers et aux scandales people. Les Ballets, l’Opéra, l’Orchestre de Monte-Carlo, les festivals, mais encore les expositions font de cette ville capitale un ensemble fastueux. 


Ballets de Monte-Carlo, du 28 février au 5 mars 2025. Théâtre de la Ville, Paris

En septembre 2024, les éditions Gallimard publieront Danse en festin, recueil de textes d’artistes (chorégraphes, compositeurs, écrivains, scénographes etc.) qui ont collaboré avec les Ballets de Monte-Carlo.

Récit d’une escapade incognito à Sciences-Po Paris

Vendredi dernier, entre 16 heures à 19 heures, notre contributeur s’est glissé parmi les manifestants de Sciences-Po. Entre radicaux vociférants, gauchistes en keffieh et jeunes cons, il nous décrit ceux qu’il a croisés – ces « antisionistes » que Jean-Luc Mélenchon qualifie de résistants qui «sont l’honneur de la France sous les yeux du monde»


J’habite en Israël. Ce pays ayant subi une attaque d’une ampleur sans précédent le 7 octobre, les manifestations en faveur du génocidaire – le vrai, l’égorgeur de vieilles dames et le violeur d’enfants – ne sont pas légion. Par conséquent, en atterrissant à Paris aujourd’hui, ma curiosité fut immédiatement piquée par l’appel au soulèvement devant Sciences-Po lancé par la délicieuse Rima Hassan, nouvelle égérie ultime de la LFI. Si ultime qu’elle semble en avoir consumé l’essence de la pauvre Manon Aubry, tête de liste aux futures Européennes et disparue des radars depuis au moins trois semaines. Ni une ni deux, après avoir déballé quelques affaires, je saute dans un jogging un peu crasseux, des baskets sales et un blouson noir : ce que je me figure être la tenue adéquate de l’antifa en herbe, ceci de telle sorte à passer incognito au milieu de la gangrène islamisée.

Arrivée à Sciences-Po sur les coups de 16 heures. Nous sommes sur le Boulevard St-Germain, à St-Germain des Prés, quartier parmi les plus prisés de Paris. Tellement huppé qu’un adjectif décrivant ce qui s’y rapporte en esprit, en goût, existe dans la langue française : « germanopratin ». Le café Les Deux Magots est emblématique du lieu. Quelques pro-israéliens sont venus contre-manifester et se sont avancés vers la rue Saint Guillaume via le Bd St-Germain. Étant là pour observer ce qui se passe côté palestinien, je décide donc de faire le tour par la rue de Grenelle pour rejoindre Sciences-Po par l’autre entrée de la rue. Rue des Saints-Pères, rue de Grenelle, puis rue Saint Guillaume.

Les journalistes de CNews pas les bienvenus

À mesure que j’approche de ma destination, la faune évolue, ne laissant aucun doute sur le fait que je sois en bon chemin : mèches de cheveux violettes et bleues, keffiehs rouges et noirs, hommes trans-féminins et femmes trans-masculines, apparaissent graduellement. Sur place, je trouve un attroupement d’une grosse centaine de manifestants. De nombreux journalistes s’agglutinent en périphérie du groupe. Prudence oblige, les bonnettes de leurs micros ne sont pas de sortie. Cela n’empêchera d’ailleurs pas CNews de se faire prendre assez violemment à partie.


Aux fenêtres du premier étage de l’IEP ont pris place les harangueurs de foule, ceux qui diffusent les slogans que l’assemblée doit reprendre en cœur. De ce côté-là, rien de très original : « Israël assassin, Macron complice », « From the river to the sea Palestine will be free », ou encore le très classique « Free-free-Palestine ». Les énergumènes en question m’arrachent, paradoxalement, un large sourire : ils se sont habillés de keffiehs qui recouvrent leur tête et ont rabattu le reste du tissu sur leurs épaules. Ainsi ils adoptent, probablement sans le savoir, la manière même dont les Juifs se vêtissent du Talith, le châle de prière. C’est suffisamment cocasse pour me rendre ces ministres officiants sympathiques quelques instants. En contrebas, la masse des communiants est hétérogène. On en distingue essentiellement trois types :

Primo, les radicaux : les vociférants, qui reprennent à pleins poumons les slogans lancés depuis la tribune. Une large part d’entre eux est ‘racisée’. Je relève un nombre non négligeable de voiles islamiques, quoiqu’inférieur à ce que le motif de la cause en question aurait pu m’amener à penser. Se singularise une fille, exhibant le keffieh rouge popularisé par Abu Obeida, le désormais tristement célèbre porte-parole du Hamas. Elle filme sans discontinuer.

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Deuxio, les gauchistes vestimentaires : ils sont sapés à peu près comme moi aujourd’hui. C’est à dire très mal. En tout cas par rapport aux standards germanopratins. Certains ont jugé bon de se coudre des masques chirurgicaux aux motifs du keffieh. Habile. Une fille en survêt a imprimé son drapeau palestinien sur une feuille A4 et le brandit mollement. Un autre type, un peu loufoque, arbitre de baseball en bas, cycliste du Tour de France en haut, s’accroche aux grilles qui garnissent les fenêtres du rez-de-chaussée d’un immeuble pour tenter, fiévreux d’expectatives, d’entrapercevoir le cœur de la foule.

Tertio enfin, les étudiants BCBG, collant cette fois à la lettre aux standards vestimentaires du quartier. La fringue exposée coûte une blinde. Ce sont des blancs pour l’essentiel, émoulus l’année dernière, deux ans au maximum, du baccalauréat. Ceux-là sont nombreux. Ça rigole nerveusement, ça s’amuse de la situation comme on s’esclafferait d’une attraction comique et grotesque, convoquée là pour une kermesse. L’un d’entre eux « revient du côté israélien, y’avait plus d’ambiance là-bas, c’était chaud ». Tout ce petit monde joue à se donner des frissons de pacotille. Rien n’est sérieux. Les slogans sont repris par instinct grégaire plus que par réelle adhésion à la cause : le timbre de voix mi-dubitatif mi-amusé, le regard en coin s’assurant à tout instant la participation des autres larrons, ne trompent pas.

Fin des festivités

Le temps d’observer cette cour des miracles, une bonne demi-heure, voire 45 minutes ont passé. Soudain, léger mouvement de foule vers la sortie de la rue St Guillaume, côté Grenelle. Je n’y prête d’abord pas attention. Celui-ci ne faiblissant pas mais allant au contraire en s’intensifiant, je décide d’y jeter finalement un coup d’œil. La police carapaçonnée a débarqué sans crier gare. Double cordon de flics solides. Leurs larges boucliers rectangulaires colmatent les brèches dans le dispositif bleu marine. Des étudiants derrière eux scandent « Laissez les sortir ! » On est à deux doigts de convoquer la mémoire du ghetto de Varsovie.

J’emboîte le pas aux manifestants courageux mais pas téméraires qui décident, les festivités ayant assez duré et toute bonne chose devant connaître une fin, de s’exfiltrer. Un étroit corridor d’évacuation a été ménagé par la police ; on l’emprunte en file indienne. Disparaît alors dans la nature l’essentiel de notre troisième catégorie. L’heure du goûter étant passée, on se rattrapera sur l’happy hour des bars environnants. Là, le demi de bière se négocie à 8 euros. Pas grave, c’est probablement papa qui paye.

Je décide pour ma part de rejoindre maintenant l’autre entrée de la rue St Guillaume, pour aller jeter un coup d’œil à la partie israélienne. Pas de bol, j’apprends en arrivant qu’ils ont été dégagés sans grand ménagement par la police il y a plusieurs minutes. À leur place, un autre large cordon de CRS – les 44 2B. Ceux-là sont encore plus harnachés que les précédents : tous disposent d’un lourd casque anti-émeute. Ils sont occupés à contenir une partie de la foule cherchant à quitter les lieux. Je filme la scène, posé de l’autre côté de la ligne de gendarmes.

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Mais en l’espace de quelques secondes, cette ligne se brise pour évacuer les manifestants dans ma direction, et se referme presque aussi rapidement qu’elle s’était ouverte. Je me retrouve donc au milieu des militants pro-Palestine, et dans l’impossibilité d’articuler le début d’une explication au gendarme qui me talonne en m’exhortant à avancer d’un bon pas. Les CRS sont d’une extrême efficacité dans leur tâche et encadrent le troupeau vociférant vers la bouche du métro Rue du Bac. Un gueulard de la bande lance d’une voix d’ivrogne de grands slogans repris par les autres moutons transhumants. À côté de moi, une petite dame replète se lamente au téléphone de « l’inégalité de traitement qui nous est infligée par les flics par rapport aux feujs. Enfin, t’as compris Mireille, par rapport aux sionistes quoi. »

Peu de grabuge finalement

Finalement, tout le monde est fermement invité à s’engouffrer puis à déguerpir dans le métro. L’essentiel de la troupe lance quelques imprécations couardes, puis finit par s’exécuter. Quant à moi, je réussis à m’échapper et entreprends alors de revenir sur mes pas. À l’entrée de la rue Saint-Guillaume, d’autres CRS se sont entre temps déployés. Ils chargeront le reste des pro-Hamas quelques minutes à peine après mon retour. Deux camions sont arrivés : un de pompiers, un du SAMU. Il y aura finalement eu un peu de grabuge.

Il est saisissant d’observer la différence, le choc faramineux entre ces deux mondes qu’incarnent d’un côté nos forces de l’ordre ; disciplinées, inflexibles, diablement organisées, ô combien humaines et patientes, et de l’autre côté, l’assemblée des pouilleux et désœuvrés mentaux, islamistes et jeunes cons, rassemblés pour abattre, pour certains contre leurs premiers intérêts, la civilisation française. Que grâce soit rendue à nos gendarmes et à nos policiers. On est en droit de s’interroger sur l’état dans lequel se trouverait la République française en leur absence, ou s’ils devaient se voir un jour désarmés.C’est à ce moment que je choisis finalement de prendre congé, ayant ingéré plusieurs fois la dose maximale recommandée de palestinisme béat et puant. Je finirai mon après-midi en allant rendre visite aux bouquinistes, à la coupole de l’Institut de France et à Notre Dame ressuscitée. Voilà un antidote civilisationnel à nul autre pareil. Dieu merci, Paris est encore Paris. Mais pour combien de temps encore ?

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Elisabeth Lévy : « Le Comité Palestine devrait s’appeler le Comité Hamas! »

Notre directrice revenait ce matin sur ce qui s’est passé à Sciences-po, occupée vendredi, au micro de Sud Radio

Retrouvez notre directrice de la rédaction dans la matinale de Patrick Roger (99.9 FM Paris)

L’Europe se défend à Kiev

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Moscou, 7 février 2022 : Vladimir Poutine reçoit Emmanuel Macron au Kremlin afin de trouver une issue pacifique à la crise autour de l'Ukraine, quelques semaines avant l’invasion du pays par la Russie © EyePress News/Shutterstock/Sipa

Si la guerre en Ukraine est la première étape de la reconstruction du glacis soviétique voulue par Vladimir Poutine, les pays baltes, la Pologne, la Moldavie, la Roumanie et d’autres encore seront tôt ou tard menacés. Il faut soutenir l’Ukraine aujourd’hui, pour ne pas mourir pour elle demain.


« Si la Russie gagnait cette guerre, la crédibilité de l’Europe serait réduite à zéro[…], la vie des Français changerait. » Cette déclaration Emmanuel Macron sur France 2 le 14 mars, a suscité – à juste titre – autant d’inquiétudes que de commentaires. Et comme souvent, la polémique s’enflamme sans que les termes du débat soient définis. Le domaine du flou concerne ici les deux parties de la déclaration présidentielle : la victoire (russe) et le changement (pour les Français). Il faut donc répondre à deux questions : Que serait une « victoire russe » ? En quoi serait-elle grave pour la France ?

Poutine veut faire de l’Ukraine une Biélorussie bis

Que serait une victoire du point de vue russe ? La réponse dépend évidemment des éléments qu’on choisit de prendre en compte. La thèse qu’on défendra ici est donc contestée par des analystes parfaitement respectables. Elle consiste à rappeler que Poutine a été clair sur ses objectifs. Dans un article publié en ligne le 12 juillet 2021 (« De l’unité historique des Russes et des Ukrainiens »), il remet en question l’existence même de l’Ukraine en tant que nation distincte. Il ne se focalise ni sur la question des alliances, ni sur les droits des russophones. Le plan de guerre, exécuté le 24 février 2022,visait bien à atteindre cet objectif : prendre le contrôle du centre politique et symbolique de Kiev pour changer le régime. Les demandes de « dénazification » et de « démilitarisation »confirment que l’objectif russe est la transformation de l’Ukraine en république soviétique du xxie siècle.

Le Kremlin ayant admis officieusement l’échec de la première phase de l’opération spéciale quand il a redéployé ses armées fin mars 2022, ses buts de guerre auraient pu évoluer. Ce n’est pas le cas. Aujourd’hui, alors que la Crimée et le Donbass sont occupés par la Russie, l’une à 100 %, l’autre à 95 %, l’Ukraine n’a plus les moyens de reprendre ces territoires, ni d’en contester le contrôle à la Russie. Pourtant, Poutine refuse de négocier. En déclarant : « J’ai obtenu ce que je voulais, négocions ! », il aurait pu asséner un coup diplomatique dévastateur à l’Occident. Européens et Américains poussant un énorme soupir de soulagement seraient tombés sur Zelenski pour le forcer à négocier…

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On peut donc penser que Poutine veut faire de l’Ukraine une Biélorussie bis et qu’Emmanuel Macron veut l’en empêcher. Cela ne signifie pas que le président français veuille à tout prix restaurer l’Ukraine dans ses frontières de 1991. Macron n’a pas dit qu’il fallait que l’Ukraine gagne, mais que la Russie ne devait pas gagner, établissant une distinction entre les intérêts de l’Ukraine et ceux de la France. En revanche, à Kiev – mais aussi à Varsovie, Vilnius, Riga et Tallin – la formule est différente : défaite russe = victoire ukrainienne = frontières de 1991. La France n’est pas sur cette ligne, les États-Unis et l’Allemagne non plus.

Il faut ensuite comprendre pourquoi Emmanuel Macron affirme que, si la Russie gagne, « la crédibilité de l’Europe sera anéantie et la vie des Français changera ». Rappelons d’abord que notre défense nationale est fondée sur deux piliers : nos armées et notre dissuasion nucléaire d’une part, nos alliances, principalement l’OTAN, d’autre part. Nous avons choisi de lier notre destin à celui de la Lituanie, de la Bulgarie, du Canada et des États-Unis (entre autres) pour ne plus jamais vivre 1870, 1914 et 1940. C’est une police d’assurance-vie ultime de même niveau que la dissuasion. Et ça coûte : on ne peut pas ignorer les intérêts des Polonais, des Américains, des Roumains et des Grecs tout en comptant sur leur solidarité quand, une fois par siècle, nous nous battons pour notre survie. Après la chute de l’URSS, en l’absence d’ennemi à l’horizon, nous n’avons pas démantelé notre armement nucléaire ni quitté l’OTAN. Sans doute parce que dans la vie d’une nation, juin 1940 c’était hier. En tant que membre de l’OTAN et de l’UE, la France doit empêcher une victoire russe, sous peine de perdre collectivement en crédibilité, donc en capacité de dissuasion, vis-à-vis de la Russie.

Il en coutera plus aux Français si l’Ukraine tombe

Tout porte donc à croire que Poutine ment quand il réclame seulement la Crimée et le Donbass, et qu’il cherche en réalité à reconstruire le glacis mis en place par Staline (réhabilité par Poutine) et perdu par Gorbatchev (responsable selon le même de la plus grande tragédie du xxe siècle). Reconstituer le glacis,cela consiste à récupérer d’une manière ou d’une autre, tôt ou tard, les pays baltes, la Pologne, la Moldavie, la Roumanie, voire plus. Certes, l’armée russe n’est pas en état, aujourd’hui, d’affronter l’OTAN. Toutefois, les forces ukrainiennes sont en ce moment dans une situation critique, ce qui explique sans doute que Macron ait choisi de monter au créneau. Cela dit, personne ne pense que des chars russes essaieront de faire régner l’ordre à Varsovie et ailleurs, provoquant une riposte de l’OTAN. On peut plutôt s’attendre à des actions infra-conventionnelles comme des cyberattaques et l’agitation des minorités russophones. Reste que Macron a raison : si l’Ukraine est soumise, son cas fera école.

La France a déjà intégré le nouvel état de la menace russe : si l’enveloppe budgétaire globale de la défense pour 2014-2019 s’est élevée à près de 200 milliards d’euros, celle de 2024-2030 est fixée à 413 milliards. Nous payons déjà plus à cause des Russes, et nous payerons encore plus si l’Ukraine tombe.

Bien entendu, comme un évier bouché la veille de Noël, cette menace se précise au moment où les États-Unis dessinent un mouvement de repli. Depuis 1958, presque tous les présidents français ont affirmé qu’il ne fallait pas avoir une confiance aveugle dans l’allié américain, car un jour, il ne voudrait ou ne pourrait plus nous aider (on appelle ça l’Europe de la défense ou l’OTAN reformée). Et même si Donald Trump affirme que ses menaces ne visent qu’à réveiller les Européens pour qu’ils prennent leur part du fardeau, ce jour finira par arriver.

En 1980, face à l’URSS, 350 000 soldats américains étaient déployés en Europe. Si la France et l’Europe doivent un jour se passer du parapluie américain, ou plutôt quand elles le devront, il faudra non seulement remplacer ces soldats, mais aussi investir des centaines de milliards en équipement, autrement dit passer en économie de guerre. Ce qui changerait assurément la vie de Français nostalgiques du quoi qu’il en coûte.

Duhamel vs. Knafo: quand la politique-spectacle produit un petit chef-d’œuvre

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Sarah Knafo, "Reconquête". DR.

Face à Benjamin Duhamel sur BFMTV, c’était la toute première fois pour Sarah Knafo, la-conseillère-de-l-ombre d’Éric Zemmour, dimanche. Elle a dû faire face aux questions acides du journaliste. Replay.


Retrouvez un entretien de Sarah Knafo avec Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, dans le nouveau magazine Causeur (6 pages) NDLR•

Je me dois de vous confesser un vice majeur : les grands débats télévisés de la politique française sont mon sport préféré. Je ne m’en lasse jamais. J’ai vu les deux Mitterrand-Giscard, le Mitterrand-Chirac, le Sarkozy-Royal et le Hollande-Sarkozy un nombre incalculable de fois.

J’aime détecter les pièges que se tendent les candidats, je me délecte de regarder – parfois même au ralenti ou en arrêt sur image – les mains trembler, les regards vaciller, les voix trébucher dans les instants de tension maximale. J’aime la peur sur les visages, la panique qui perce sous l’impassibilité, la stupéfaction du favori quand il s’aperçoit qu’il est encerclé par les arguments du challenger et qu’il n’a pas de plan B. Les réputations détruites en une phrase. Les gaffes irréparables. J’aime voir la méchanceté partir à l’assaut et l’honnêteté se défendre bec et ongles. Et, maintenant que trois jours ont passé, je dois dire que le choc frontal entre Benjamin Duhamel et Sarah Knafo, dimanche dernier sur BFM, fut un modèle du genre. Revivons-le ensemble.

Théoriquement, les choses devraient bien se passer. C’est le premier vrai passage télé de Sarah Knafo, compagne et conseillère d’Éric Zemmour, et architecte de la campagne présidentielle de Reconquête en 2022. Elle se lance dans les élections européennes, à la troisième place sur la liste de Marion Maréchal. Précédée d’une réputation énigmatique de femme de l’ombre, que les anti-Zemmour se plaisent à trouver sulfureuse, elle choisit de faire ses débuts chez Benjamin Duhamel, un des intervieweurs-vedettes du moment.

Dans ce genre de cas de figure, le scénario est plus ou moins écrit d’avance. Comme il sait si bien le faire, Duhamel va commencer piano, laissant à son invitée le temps de se présenter, de prendre un peu ses aises, puis il va la titiller crescendo, mais sans forcer le trait : étant novice dans la domaine publique, Knafo ne traîne pas encore de casseroles. Il est bien trop tôt pour instruire son procès. Et puis, elle est jolie, souriante: impossible de la faire passer pour une sorcière au moment où elle entre en scène. La pendre haut et court et sans préliminaires serait fort mal élevé, inconvenant, voire même indécent : il ne prendra donc pas le risque.

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Sauf que, pour des raisons mystérieuses, Benjamin le subtil, l’habile, le rusé, décide de déchiqueter Knafo d’entrée, sans politesses ni tour de chauffe. En effet, l’interview commence et, au bout de trente-huit secondes, pas une de plus, la guerre est déclarée. Il lance, soulignant la difficulté pour la jeune Sarah de se présenter devant les électeurs alors même que les sondages donnent Reconquête en mauvaise position : « Vous avez le sens du sacrifice, ou c’est de la naïveté ? » Boum. Devant son écran plasma, l’habitué des joutes télévisées se dit alors : « Ok. Il veut la tuer. »

Gros plan sur Sarah Knafo. Il faut avoir figé l’image en cet instant très précis pour savoir ce qu’est le courage médiatique. Sarah Knafo lance à Benjamin Duhamel un sourire serein, bienveillant, presque maternel. Elle est surprise par la question et par son acidité, évidemment, mais elle n’en montre rien. On dirait une bonne copine à qui son meilleur pote vient de raconter une bonne blague.

Il faut s’arrêter sur cette très brève séquence parce qu’elle explique ce qui va suivre. Confrontés à une question introductive aussi ostensiblement mal intentionnée, Sarkozy aurait pris un air dégoûté, Mélenchon aurait enragé, Maréchal se serait indigné, Marine aurait botté en touche avec dédain, Bellamy aurait brandi un code de bonne conduite. Immobile, Sarah Knafo rigole silencieusement pendant deux secondes et lâche les premiers mots de sa carrière politique en plantant ses yeux revolver dans ceux, délavés jusqu’à l’absence, de Duhamel : « D’abord, c’est quand c’est difficile qu’il faut y aller. Ça, c’est mon caractère. » Badaboum. Elle a tout dit. 1. Tu ne me fais pas peur. 2. Si tu m’infirmes je m’affirme. 3. Prends garde à toi, petit d’homme : méfie-toi de mon côté panthère.

Le petit d’homme ne va pas prendre cet avertissement au sérieux. À mesure que les minutes, désormais extraordinairement tendues, s’accumulent, ses intentions se voient de mieux en mieux – de pire en pire -, comme la méchanceté au milieu de la figure. Il n’a pas de plan B et va se tenir à son plan A jusqu’au bout : détruire Sarah Knafo de façon systématique, acharnée, réellement stupéfiante. De mémoire de fin connaisseur du spectacle politique français, je n’ai jamais vu un journaliste mainstream agresser à ce point et aussi rapidement une personnalité politique. Pourtant, Zemmour lui-même, par exemple, en a vu des vertes et des pas mûres en 2021 et 2022… sauf qu’il était un expert surentraîné de la rixe à couteaux tirés. Ici, question venimeuse après question vénéneuse, Duhamel tente d’assassiner la soliste dans l’œuf. Que l’on me passe l’horreur de cette métaphore, car elle est juste : il veut faire de la naissance médiatique de Sarah Knafo un avortement.

« On mesure l’intelligence d’un individu à la quantité d’incertitudes qu’il est capable de supporter », écrit Emmanuel Kant. Benjamin Duhamel enferme Sarah Knafo dans une nasse de piques, de coups de dague qui perforent et lacèrent, il tape, il frappe, il tabasse. Qu’on me comprenne bien : pas une seule de ses questions n’est honnête ou objective, selon moi. Tout est à contrepied, à contretemps, par-derrière, savamment prémédité pour faire craquer la nouvelle venue. À croire qu’il espère la voir pleurer ou quitter le plateau. Et donc, à mon immense surprise, et très certainement à celle de nombreux spectateurs, Sarah Knafo est d’une magnifique intelligence au sens kantien: elle danse avec l’incertitude, elle enlace l’imprévisible, joue avec le prédateur, se joue de lui, déjoue toutes ses vilénies.

Je m’en voudrais de spoiler ce thriller de haut niveau. Indiquons tout de même la grande scène, celle qui restera dans les mémoires. Benjamin sort la chevrotine et vise en plein cœur.

Duhamel : « Vous êtes la compagne d’Éric Zemmour. On connaissait au Rassemblement National la politique de père en fille. À Reconquête, la politique se fait en couple ? »
Knafo : « La question m’étonne beaucoup venant de vous, Benjamin. »
Duhamel : « Pourquoi ? »
Knafo : « Parce que je sais que, vous aussi, vous subissez beaucoup d’accusations. »
Duhamel : « C’est-à-dire ? »
Knafo : « C’est-à-dire du piston. Vous êtes le fils de, le neveu de, etc. Donc, ça m’étonne beaucoup venant de vous. »
Duhamel : « Il ne vous a pas échappé que je ne me soumets pas au suffrage des Français. »
Knafo : « Ça change quelque chose ? »
Duhamel : « Non, mais je vous pose la question. »
Knafo : « Est-ce que vous êtes d’accord que les accusations qu’on vous fait sont tout à fait injustes ? Vous avez votre talent propre. Alors, si vous voulez, on peut aborder mon parcours ? »
Duhamel : « Attendez. Excusez-moi. Puisque vous mettez en cause ma probité… »
Knafo : « Non, votre question. »

Au terme de ce bras-de-fer-éclair initié avec une inélégance qui lui est peu coutumière, Benjamin Duhamel s’est fait déboîter le coude et Sarah Knafo ne s’est jamais départie de son sourire terriblement candide. Le comble est qu’en prononçant le mot « probité », complètement hors-sujet, tentant de poser son honneur sur la table au moment le moins opportun, l’intervieweur s’est fracassé au fond du piège qu’il avait creusé sous les pieds de son invitée. Quand on mord jusqu’au sang, il ne faut pas geindre si l’on se fait éclabousser. Il se déconsidère. Échec et mat, le match est plié.

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Car ce n’est pas un interview. C’est bel et bien un match de boxe, un guet-apens, un duel, une tuerie. Sarah Knafo n’y était pas préparée, mais elle a pris le dessus au moment crucial. Elle a maintenant l’initiative et la conservera. Mieux : visiblement, elle le comprend et y prend plaisir.

On n’a encore vu que le premier quart du temps de l’interview et Benjamin Duhamel ne s’avoue pas vaincu, alors qu’il l’est déjà à plate couture. Il va donc revenir à la charge inlassablement, ses assauts se brisant péniblement, sans espoir, sur le sourire de Sarah Knafo, son sens de la répartie, son flair et sa décontraction. Certains témoins se disent : cette femme est brillante et dangereuse, elle est une promesse pour l’avenir. La droite se dote d’une nouvelle combattante. La nouvelle Marie-France Garaud verrait-elle le jour en direct ? Alors, il faut remercier chaleureusement, sincèrement, Benjamin Duhamel. En jouant salement, comme on dit en football, en tentant de blesser Sarah Knafo, de lui faire mal, de la sortir du terrain et de la handicaper pour très longtemps, il a permis à la candidate de montrer, dès sa première fois et en un temps record, sa solidité, sa dureté quand c’est nécessaire, son enjôlante douceur sous l’orage, sa franchise en acier trempé, son humour dominateur, comme jamais un Pascal Praud, forcément plus complice, ou une Christine Kelly, nécessairement plus humaine, n’y seraient parvenu. En voulant faire de Knafo un macchabée, il lui a offert une stature, et même érigé une statue. Il a été l’ennemi idéal de la nouvelle amie des patriotes et des républicains. Félicitations, Benjamin. La France reconnaissante. À tous les amateurs d’empoignades verbales au cordeau, je ne peux que recommander ce one-woman-show qui peut-être, si Sarah Knafo continue sur cette voie et persiste à dévorer les carnassiers, laissera une trace dans les livres d’histoire de la télévision française et, pourquoi pas, j’aime rêver, de celle de la Cinquième République…


A voir également, Elisabeth Lévy : « On devrait se réjouir que des jeunes gens brillants comme Sarah Knafo s’engagent »

Inondations monstres à Dubaï: une catastrophe pas si naturelle?

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Dubai, 18 avril 2024 © Christopher Pike/AP/SIPA

Le 16 avril 2024, il est tombé à Dubaï en une seule journée autant de pluie qu’en deux ans (254 mm – soit 254 litres au m²- contre 7 mm en moyenne en avril en temps normal[1]).


La catastrophe aurait fait une vingtaine de morts et causé des millions de dollars de pertes pour l’économie. Les médias ont immédiatement invoqué le dérèglement climatique dû aux émissions de CO2. Mais un scénario plus plausible et précis s’est fait jour malgré les dénégations médiatiques : le déluge aurait été causé par l’ensemencement des nuages, technique utilisée 300 jours sur 365 dans cette région désertique, pour provoquer une chute des températures souvent suffocantes et stimuler la pluie…

Un déluge biblique

Venu en vacances à Dubaï, notre confrère journaliste Alexander Seale est resté coincé dans sa chambre d’hôtel en haut d’un gratte-ciel. Il n’est pas près d’oublier sa mésaventure « climatique ».

Alexander Seale

« Je suis arrivé à Dubaï le lundi 15 avril au matin. La pluie est tombée dès le lendemain mardi 16 avril. C’était impressionnant d’assister à ce déchaînement des éléments de ma fenêtre. J’ai vu les avenues transformées soudainement en rivières. Les voitures flottaient à la surface. Puis, j’ai découvert que le hall de mon hôtel était complètement inondé et qu’on avait de l’eau jusqu’à la taille. L’ascenseur était hors service, car l’électricité avait été coupée.
Ma chambre étant située au 22e étage, j’ai réalisé que je devrais utiliser l’escalier pour accéder au restaurant de l’établissement, soit 880 marches à descendre et à remonter ! C’est exactement ce que j’ai fait tous les jours, deux fois par jour, pendant trois jours, pour aller prendre mes repas ! Le jeudi, j’ai heureusement été transféré dans une chambre au 5ème étage. J’avais prévu de visiter la ville, mais cela a été impossible. J’étais à Charjah, la capitale de l’émirat du même nom qui fait partie de la conurbation de Dubaï. À Dubaï, les rues étaient inondées, mais le lendemain ça allait mieux, alors qu’à Charjah, cela a pris beaucoup plus de temps. On m’a dit que les centres commerciaux avaient été transformés en piscines et que des milliers de tonnes de marchandises avaient été détruites. Dans le désert autour de la ville, des chameaux plongés dans l’eau jusqu’au cou, luttaient pour éviter de se noyer. Après plusieurs jours de confinement, je suis finalement parti de l’hôtel en kayak avec mes bagages pour aller prendre un taxi vers Dubaï. Il ne fallait en aucun cas que je rate mon vol vers Londres ! Apparemment, ces pluies torrentielles sont en partie causées par l’ensemencement des nuages, qui vise à lutter contre la sécheresse. Mais quand cela tourne mal, dans un pays avec des gratte-ciel et peu d’égouts, les résultats sont vraiment catastrophiques ».

L’ensemencement des nuages, kézako ?

Les nuages, qui sont le résultat du refroidissement dans l’atmosphère de la vapeur d’eau, sont composés de gouttelettes d’eau ou de cristaux de glace. En se condensant ou en se combinant avec des particules, ces derniers se transforment en précipitations (pluie ou neige). Afin d’accélérer ce processus, de nombreux pays utilisent des techniques d’ensemencement des nuages[2], qui consistent, après avoir observé les nuages les plus propices, à répandre dans l’atmosphère souvent par avion, des molécules telles que l’iodure de sodium ou des cristaux de sel, ce qui provoque une réaction chimique. Les Emirats arabes unis y ont recours depuis les années 1990. Ils utilisent également des drones provoquant des décharges électriques dans les nuages pour stimuler les précipitations. De nouvelles techniques de manipulation artificielle du climat (géo-ingénierie) permettent de capturer le CO2 dans l’atmosphère mais aussi de modifier le rayonnement du Soleil. Les Emirats arabes unis ne sont pas seuls à utiliser de telles techniques. De nombreux autres Etats les utilisent aussi pour lutter contre la pollution de l’air (la Chine) ou au profit de l’agriculture (la France)[3].

En 2021, lors de précédentes inondations à Dubaï, France Info, avait indiqué, dans un article consacré aux techniques de stimulation des précipitations utilisées dans l’émirat : « Il faut faire attention. Aux Émirats arabes unis, il ne pleut qu’environ 100 mm d’eau par an en temps normal. Donc les infrastructures ne sont pas prévues pour assimiler autant de pluie. Et puis les habitants non plus ne sont pas habitués. La technologie provoque la pluie, mais ne contrôle pas sa quantité et son intensité »[4]

Que s’est-il passé ?

Face à l’ampleur de la catastrophe qui a sidéré le monde, les spéculations sur les causes se sont multipliées. Les données de suivi des vols analysées par l’agence de presse Associated Press ont montré qu’un avion préposé à l’ensemencement des nuages avait survolé les Emirats arabes unis dimanche 14 avril. Ahmed Habib, météorologue au Centre national de météorologie (NCM) des Emirats, a déclaré à Bloomberg, que plusieurs sorties d’ensemencement de nuages avaient été effectuées dans les jours précédant le déluge. Au niveau mondial, ces déclarations ont immédiatement provoqué un vent de panique dans la sphère médiatique, qui privilégie systématiquement la thèse du réchauffement climatique comme cause principale des événements climatiques tels que les ouragans, les feux de forêts, les pluies diluviennes, etc. Le NCM a alors précisé, auprès de la chaîne américaines CNBC, qu’il n’y avait pas eu d’ensemencement des nuages le jour du déluge (mardi)[5] – mais il a bien confirmé qu’une telle opération avait en effet été effectuée les dimanche 14 avril et lundi 15 avril, soit la veille du désastre[6].


[1] https://www.climatsetvoyages.com/climat/emirats-arabes-unis/dubai

[2] https://www.lefigaro.fr/sciences/dubai-stimule-les-nuages-pour-faire-tomber-la-pluie-20210723

[3] https://www.dailymail.co.uk/sciencetech/article-13323453/Cloud-seeding-weather-modification-technique.html

[4] https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-monde-est-a-nous/face-aux-fortes-chaleurs-dubai-fait-tomber-de-la-fausse-pluie_4695459.html

[5] https://www.thenationalnews.com/news/uae/2024/04/17/cloud-seeding-uae-rain-weather/

[6] https://www.dailymail.co.uk/galleries/article-13319175/Was-Dubais-apocalyptic-rain-storm-self-inflicted.html

Tant qu’il y aura des films

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©Metropolitan FilmExport

Une variation brillante sur le marché de l’art, un téléfilm à la gloire de José Bové et un western qui détourne les codes du genre, ainsi va le cinéma sur les écrans, tandis que Cannes s’apprête pour le Festival.


Adjugé !

Le Tableau volé, de Pascal Bonitzer, sortie le 1er mai

On connaît le grand talent de Pascal Bonitzer, d’abord comme scénariste (pour René Allio, André Téchiné, Barbet Schroeder, Jacques Rivette et Raoul Ruiz, entre autres) puis comme réalisateur depuis Encore en 1996. Suivront notamment Rien sur Robert, l’un des meilleurs films de Fabrice Luchini, Petites coupures avec un Daniel Auteuil en grande forme ou encore Cherchez Hortense où Jean-Pierre Bacri et Claude Rich excellaient littéralement. C’est d’ailleurs l’un des atouts de cet écrivain de cinéma surdoué : son goût pour les acteurs et sa capacité manifeste à les diriger. Le plaisir du spectateur est au rendez-vous : de bons comédiens servant un bon scénario aux dialogues ciselés. Qui dit mieux ? On pourrait presque parler d’une martingale Bonitzer qui lui fait occuper une place à part dans le paysage cinématographique français. Ses comédies sont subtiles, élégantes et mélancoliques. Pour les plus réussies d’entre elles, elles font d’ailleurs songer à celles de Jean-Paul Rappeneau, même si nul ne sait atteindre le sens du rythme de ce dernier.

© Pyramide Distribution

Le nouvel opus de Bonitzer, Le Tableau volé, prend d’ores et déjà une bonne place dans sa filmographie. Avec en premier lieu et comme il se doit une distribution impeccable, d’où émergent Alex Lutz, Louise Chevillote, Léa Drucker, Nora Hamzawi et, dans un second rôle plus que parfait, l’étonnant Alain Chamfort. Bonitzer a cette fois tricoté une sombre histoire de tableau volé par les nazis, offert à un collabo et retrouvé par hasard par un jeune ouvrier. Le tout inspiré d’une histoire vraie : la découverte, au début des années 2000, d’un tableau d’Egon Schiele, dans le pavillon d’un jeune ouvrier chimiste de la banlieue de Mulhouse, par un spécialiste d’art moderne d’une grande maison de vente internationale. Mais le tableau s’est révélé être une œuvre spoliée durant la Seconde Guerre mondiale. Dans le film, cet expert, nommé André Masson, comme le peintre, est joué à la perfection par un Alex Lutz tout à la fois génialement odieux, professionnellement brillant et définitivement intéressé par l’argent et le profit. Dans son précédent film, Tout de suite maintenant, Bonitzer avait dressé le portrait sans concession des golden boys et girls de la finance internationale. La description du petit monde du marché de l’art haut de gamme est tout aussi corrosive. C’est un jeu de massacre d’autant plus efficace que Bonitzer manie le scalpel sans avoir l’air d’y toucher.

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Le mensonge, la dissimulation, l’hypocrisie sont au cœur du scénario, reléguant à l’arrière-plan le fameux tableau volé, remake funèbre des Tournesols de Van Gogh. Et Bonitzer réussit le pari de sortir de sa zone de confort habituelle, celle de la bonne bourgeoisie parisienne, pour dépeindre une autre classe sociale, défavorisée, aux antipodes des autres protagonistes du film. Si les deux camps se côtoient le temps de cette improbable rencontre, il est manifeste qu’ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Avec pertinence, Bonitzer ne fait pas le coup de l’Art qui réunit les contraires : chacun, finalement, rejoint qui, son loft et qui, son pavillon de banlieue. Le tableau volé ne les a rassemblés que le temps d’une vente aux enchères record. Entretemps, le cinéaste a développé avec son brio habituel quelques thèmes transversaux, comme cette relation tumultueuse entre une fille et son père. Ce dernier lâche, en point d’orgue, un constat désabusé tiré d’un texte de Virginia Woolf selon lequel, vivre, se résume à « encaisser, lâcher du lest, tout revoir à la baisse ». Ainsi va le cinéma de Bonitzer : une légèreté grave qui fait mouche.


Refusé

Une affaire de principe, d’Antoine Raimbault, sortie le 1er mai

© Pascal Chantier

Est-il raisonnable de faire de José Bové un personnage « de fiction » sous les traits de Bouli Lanners – par ailleurs talentueux acteur et cinéaste belge ? On est persuadé du contraire en sortant de la projection du film d’Antoine Raimbault, Une affaire de principe. On a l’impression que pour ce cinéaste, la vie ressemble à un numéro de « Complément d’enquête » aux dialogues ciselés par Élise Lucet. Certes, nul ne peut contester l’extrême efficacité des groupes de pression qui, à Bruxelles, œuvrent au quotidien pour la défense de l’industrie du tabac. On se gardera bien d’ouvrir ici le débat sur la nocivité dudit tabac et ses dégâts sur la santé publique. Mais à force de bons sentiments, de caricatures et de clichés en tous genres, à force, surtout, de faire de Bové et des assistants parlementaires des sortes de nouveaux résistants contre l’occupant, le film sombre dans un prêchi-prêcha sans intérêt. Quitte à jouer avec la réalité jusqu’au grotesque quand, dans certaines scènes, on peut se croire dans Le Parrain avec un commissaire européen affaibli dans le rôle de Brando.


Réussi

Jusqu’au bout du monde, de Viggo Mortensen, sortie le 1er mai

© Metropolitan FilmExport

Avec la réalisation de ce deuxième long métrage après Falling, l’acteur américano-danois Viggo Mortensen prouve qu’il est un cinéaste talentueux. Adoptant les codes du western traditionnel pour mieux les détourner, il raconte l’histoire de Vivienne Le Coudy, une Canadienne d’origine française (incarnée par la toujours impeccable Vicky Creeps) qui, en 1860, à San Francisco, tombe amoureuse d’un immigrant danois nommé Holger Olsen (Mortensen lui-même). Mais la guerre de Sécession va se charger de perturber leur relation… En faisant porter son regard sur le personnage principal féminin, le cinéaste joue non sans malice avec la doxa du western en vigueur à Hollywood depuis l’invention du cinématographe. Sans tomber dans la caricature ou l’anachronisme, il fait le portrait d’une femme qui refuse les conventions sociales et décide seule de son destin. On pense à Sur la route de Madison, de Clint Eastwood, mais Viggo Mortensen assume un romantisme et un romanesque sincères et sans esbroufe larmoyante. Le tout à travers une mise en scène aussi sobre qu’efficace. Autrement dit, du cinéma classique et qui fait du bien.

LFI: Voltaire a bon dos…

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Manon Aubry, tête de liste de la France insoumise aux élections européennes, Villepinte, 16 mars 2024 © ISA HARSIN/SIPA

Si les propos actuels des Insoumis parvenaient à ses oreilles, le philosophe des Lumières pourrait se retourner dans sa tombe !


Ecouter Mathilde Panot le 28 avril au Grand Jury, avec une animation sans complaisance d’Olivier Bost, et Manon Aubry le 29 sur Sud Radio avec Jean-Jacques Bourdin, c’est d’abord constater la pensée rigoureusement unique de LFI, l’identité des réponses, la similitude des ambiguïtés et le caractère monotone de répliques gangrenées par le caporalisme partisan. Au-delà de cette impression de désolation répétitive, j’ai été frappé par l’argumentation développée sur l’enquête ordonnée par le Parquet de Paris à la suite d’un communiqué de Mathilde Panot engageant le groupe parlementaire. Il assimilait le terrorisme du Hamas à la normalité d’une armée régulière. Était visé le délit d’apologie de terrorisme. Pour Mmes Panot et Aubry, et sans doute pour la globalité des députés LFI, cette enquête serait une honte puisqu’elle concernerait la responsable d’un groupe parlementaire d’opposition et que ce serait une atteinte gravissime à la démocratie.

Une enquête dont on aurait pu se passer

Je ne vois pas au nom de quoi il ne serait pas républicain, face à un tel communiqué, même émanant d’une présidente de groupe parlementaire, d’ordonner une enquête pour établir ou non la réalité de l’infraction concernée. Qu’elle puisse être éventuellement imputable à Mathilde Panot, en sa qualité de présidente de groupe, ne rend pas la démarche honteuse. Sa légitimité judiciaire demeure entière.

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Cela dit, pour ma part, je me serais bien gardé, en responsabilité, d’avoir une telle réaction. J’aurais considéré d’emblée qu’aussi perverse et contestable que soit la formulation incriminée, elle relevait d’une approche partisane, de nature purement politique, et qu’en démocratie, on avait le droit d’en faire usage. Faute de quoi la liberté d’expression serait vite réduite, trop vite assujettie à une qualification pénale.

Il n’est donc pas contradictoire de défendre le droit d’ordonner une enquête et celui de considérer qu’au fond, on aurait peut-être dû s’en dispenser. Il est fondamental, quel que soit le parti concerné, de veiller à ne pas empiéter par la loi sur ce qui constitue la liberté d’opinion. La frontière est parfois mince, elle appelle une vigilance toute particulière.

Comme un boomerang

Il est piquant alors, de la part de LFI qui exige à son bénéfice une liberté d’expression pleine et entière, sans la moindre entrave, d’entendre les mêmes, au nom d’une conception idéologique et hémiplégique de ce beau concept démocratique, réclamer contre ses adversaires censures, éradications, ostracismes. Faut-il rappeler Aymeric Caron[1] laissant CNews être insulté et boycotté sans réagir à Sciences Po ? On a encore en mémoire la diatribe de Jean-Luc Mélenchon contre la même chaîne!

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Ainsi, conscients ou non du caractère schizophrénique de leurs positions, ils viennent, la bouche en cœur, au nom du pluralisme et de la liberté, exiger des droits pour eux mais les refuser sans vergogne à leurs contradicteurs. Si on suivait Saint-Just et son « pas de liberté pour les ennemis de la liberté », LFI serait bien mal lotie!

Le comble est d’entendre Manon Aubry se réfugier derrière la phrase tellement exploitée attribuée à Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire ». Invoquer cette splendide définition d’une confrontation civilisée et républicaine a une saveur saumâtre quand, trop souvent, chez LFI, à l’encontre de ceux qui ne pensent pas comme eux, la haine, l’outrance et le désir de disparition ont remplacé l’humanisme élémentaire. Alors, que ceux qui au quotidien méconnaissent le principe que Voltaire aurait édicté au moins se taisent!

Le Mur des cons

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[1] https://www.causeur.fr/aymeric-caron-sciences-po-lfi-contre-cnews-enieme-episode-281797

Causeur: Intégristes contre intégrés. Dernière chance avant la charia

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© Causeur

Découvrez le sommaire de notre numéro de mai, disponible aujourd’hui sur le site, et jeudi 2 mai chez votre marchand de journaux


Samara tabassée à Montpellier, Shemseddine battu à mort à Viry-Châtillon, Rachid poignardé à Bordeaux. Dans de nombreux quartiers de France, la charia devient la norme commune et l’islam, la véritable nationalité d’une grande partie de la jeunesse musulmane. Si Gabriel Attal a osé nommer le mal, la Macronie s’est empressée de noyer le poisson islamiste dans le grand bain de la violence des jeunes. Devant cette islamisation de la société française, comme le fait remarquer Elisabeth Lévy, « les militants de l’aveuglement ont pris de sérieux coups de réel sur la caboche ». Car, dans les endroits où l’islam est majoritaire, ce dernier représente, bien plus qu’une religion, « une frontière identitaire ». Se confiant à Elisabeth Lévy et Jonathan Siksou, l’écrivain Omar Youssef Souleimane, auteur de Etre français et d’Une chambre en exil (2023), affirme avoir retrouvé en France ce qu’il pensait ne plus voir en fuyant la Syrie : l’islam politique. Il s’alarme d’observer qu’en France, toute une jeunesse endoctrinée considère que l’islam est sa nationalité.

Le magazine Causeur est disponible à la vente maintenant sur la boutique en ligne et jeudi 2 mai en kiosques.

Dans le combat contre l’islamisme, toutes les forces sont nécessaires, selon Ivan Rioufol, qu’elles viennent de gauche ou de droite. Lâcher Mila – comme l’ont fait certaines figures de la « gauche républicaine » – au prétexte de ses fréquentations s’apparente à une trahison. Les querelles intestines affaiblissent la riposte et consolident notre ennemi. Il y a vingt ans, Jean-Pierre Obin, à l’époque inspecteur général de l’Éducation nationale, mettait les pieds dans le plat en rédigeant un rapport sur les signes religieux à l’école. Interrogé par Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, l’auteur de Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école (2020) et Les Profs ont peur (2023) livrent un jugement négatif sur notre présent : la tendance séparatiste s’est accentuée, les violences ont explosé, et une nouvelle génération de profs conteste à son tour la laïcité. Florence Bergeaud-Blackler, docteur en anthropologie et auteur de Le Frérisme et ses réseaux (2023), ne se montre guère plus optimiste. Se confiant à Céline Pina, elle soutient que la police des mœurs islamiques est l’un des visages de l’offensive frériste pour instaurer une société halal fondée sur le séparatisme, voire sur un suprémacisme musulman. La riposte est possible : commençons par interdire le voile des mineures et soutenir les courageux apostats. Jean-Baptiste Roques dresse une liste des intimidations, agressions et assassinats commis au nom d’Allah qui, depuis une trentaine d’années, rythment la vie en France. Corinne Berger analyse la manière dont l’École en est venue à priver toute une jeunesse de notre culture et à laisser prospérer la loi du clan et l’hyperviolence. Les deux normaliens Pierre Vermeren, qui a récemment co-dirigé Les Frères musulmans à l’épreuve du pouvoir, et Jean-Loup Bonnamy, qui vient de publier L’Occident déboussolé, une critique implacable de la pensée décoloniale, dialoguent avec Jean-Baptiste Roques en brossant le portrait de l’islamo-gauchisme.

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Dans son édito du mois, notre Directrice de la rédaction revient sur la question des couvre-feux pour les enfants de moins de 13 ans. Bien qu’une majorité des Français y soit favorable, que la droite soit enthousiaste et que même à gauche on ne proteste que mollement, cette idée constitue un terrible aveu d’impuissance publique. Car « qu’il faille recourir à l’État pour imposer ce qui devrait relever de normes sociales intériorisées par tous est symptomatique du délabrement de nos fondations collectives ». Dans un grand entretien, Sarah Knafo, la stratège et compagne d’Éric Zemmour, nous parle de sa descente dans l’arène électorale. Désormais candidate en troisième place sur la liste conduite aux européennes par Marion Maréchal, cette patriote passée par l’ENA connaît ses dossiers. Immigration, islam, économie, elle est convaincue que les graves problèmes du pays appellent des solutions simples. Sur son rôle, souvent contesté, comme sur les frères ennemis, elle parle sans détour. Et refuse la fatalité.

Olivier Dartigolles nous parle de son amour pour les livres de Salman Rushdie mais avoue que, à la lecture de son nouveau volume Le Couteau, qui raconte comment l’écrivain a surmonté l’épreuve de la tentative d’assassinat en 2022, il a surtout été frappé par l’impuissance des mots, face à l’extrémisme, et le besoin d’action concrète. Racontant sa vie à l’Assemblée, Emmanuelle Ménard partage avec nous une de ces petites victoires qui, de temps en temps, permettent de reprendre confiance dans la politique. Stéphane Germain analyse les modalités du débat sur notre politique économique et trouve qu’il est rempli d’idées idiotes et profondément ancrées. Cela convient aux gouvernements successifs, aux médias et aux électeurs, mais pas forcément à nos créanciers. Selon lui, seule une contrainte extérieure forte nous obligera à revenir au réel. Jean-Michel Delacomptée a lu les nouveaux livres de Bernard-Henri Lévy (Solitude d’Israël) et de Gérard Araud (Israël, le piège de l’histoire) qui livre deux réflexions complémentaires sur l’État juif mais se rejoignent dans un même idéal de justice. Dans La République, c’était lui !, Éric Naulleau brosse le portrait de Jean-Luc Mélenchon en lider minimo et, selon Frédéric Magellan, montre comment un laïcard pur jus s’est mué en islamo-gauchiste convaincu, aussi séduit par les dictatures comme par la France des imams et des caïds.

Côté culture, nous risquons en ce moment de subir une overdose impressionniste, nous avertit Pierre Lamalattie. Jusqu’au 14 juillet, le musée d’Orsay célèbre les 150 ans de l’impressionnisme. Pour l’occasion, toutes les stars des cimaises sont réunies, Monet, Degas, Renoir, Morisot, Pissarro… et une partie du Salon de 1874 est reconstituée pour montrer l’ennui de la peinture académique. Résultat ? Une vision binaire de la création à la Belle Époque. Jonathan Siksou nous apprend que la mairie de Paris a une nouvelle cible dans son viseur : la place de la Concorde. Les ayatollahs de l’Hôtel de Ville sont déterminés à en bannir les voitures après les JO et à la « végétaliser » pour la rendre forcément plus festive. Une aberration urbaine et un affront à l’histoire de notre capitale. Nos intellos réunis s’apprêtent à commémorer le mois prochain les quarante ans de la mort de Michel Foucault. Pour Georgia Ray, le penseur de l’exclusion et de la prison, de la folie et du parricide, est aussi le coupable théoricien de la destruction de l’école, du savoir, de l’autorité, et de la détestation de la culture occidentale.

Un livre sur Depardieu écrit par deux journalistes du Monde ? On s’attendrait à une analyse haineuse et malhonnête. Pas du tout ! nous dit Yannis Ezziadi. L’enquête de Raphaëlle Bacqué et de Samuel Blumenfeld retrace la vie mouvementée, les blessures et le génie d’un géant français. Patrick Mandon a visité une exposition à Lunéville qui retrace la carrière fulgurante et le destin tragique de l’architecte le plus prisé de la fin de l’Ancien Régime. Si le nom de Richard Mique est tombé dans l’oubli, il est pourtant associé à Versailles et au Trianon : le style Marie-Antoinette, c’est lui ! Le nouveau roman de Caroline de Mulder expose un pan méconnu de la Seconde Guerre mondiale : les Lebensborns. Dans ces bétaillères, des femmes sélectionnées et engrossées par de bons soldats devaient perpétuer la race aryenne. Pour Alexandra Lemasson, La Pouponnière d’Himmler est un roman glaçant mené de main de maître. Sophie Chauveau rend hommage à notre confrère, le journaliste et écrivain Benoît Rayski qui est mort le 20 mars. Fils d’Adam Rayski, chef politique de l’Affiche rouge, il a entretenu la mémoire de la Résistance communiste. Mais nombre de ses confrères ne lui ont pas pardonné d’avoir « viré à droite ». La prospère petite commune de Truchtersheim, en Alsace, recèle un secret connu par une poignée d’initiés – mais qu’Emmanuel Tresmontant partage avec nous –, à savoir son Super U ! Michel Nopper a transformé sa supérette franchisée en une épicerie fine dotée d’une cave féérique. Les plus grands crus y sont vendus à des prix très attractifs, ou presque.

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Enfin, Gilles-William Goldnadel, le président d’Avocats Sans Frontières, revient sur le succès qu’il vient de remporter auprès du gendarme de l’audiovisuel, l’Arcom. Ce dernier a admonesté France-Inter pour avoir cité un chiffre représentant le nombre de morts supposés à Gaza le 8 janvier sans préciser que ce chiffre avait été fourni par le Hamas. Étrangement, ni France-Inter, ni Le Monde, ni Libé, ni Télérama n’ont parlé de cette admonestation. Mais Gilles-William Goldnadel en a parlé, et Causeur en a parlé. Car dans la lutte contre l’odieux visuel de sévices publics, il n’y a pas de petite victoire !

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Une soupe et au lit!

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La journaliste Elisabeth Lévy © Eric Fougère

Plusieurs maires ont annoncé leur intention de mettre en place un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans.


C’est la dernière mode à droite. Contre la violence des jeunes, on a trouvé la solution : leur interdire de sortir de chez eux. De Gabriel Attal à Marion Maréchal en passant par Gérald Darmanin et Robert Ménard, le couvre-feu pour les mineurs se porte en bandoulière. Gérald Darmanin a ouvert le bal à Pointe-à-Pitre, Robert Ménard a embrayé, en édictant un couvre-feu pour les moins de 13 ans, de 23 heures à 6 h 30 dans trois quartiers de Béziers, suivi par le maire de Nice, Christian Estrosi. Même à Causeur, les forces de la réaction gagnent du terrain. À l’issue d’un joyeux pugilat, le camp de la liberté, emmené par votre servante, a été mis en minorité. Et à gauche, le braillomètre est plutôt mou du genou. Alexis Corbière parle du Béziers de son enfance où il pouvait jouer à l’ombre des lampadaires, L’Huma fustige les maires antijeunes, quelques associations biterroises manifestent contre les idées d’extrême droite, la Ligue des droits de l’homme rumine des poursuites. Mais le cœur n’y est pas. Peut-être parce que les électeurs, eux, approuvent massivement – d’après un sondage 67 % des Français, et 80 % des électeurs de droite sont favorables à la généralisation d’un couvre-feu pour les mineurs à partir de 23 heures afin « d’éloigner les jeunes de la délinquance ». On se demande pourquoi on n’y avait pas pensé plus tôt.

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L’argument sans appel des partisans du couvre-feu, c’est qu’il est frappé au coin du bon sens. Qui peut s’opposer au bon sens – sinon les idéologues qui, depuis des décennies, s’emploient à maquiller le désastre ? Et pourtant. On pense à cette blague où un philosophe français dit à un confrère anglais : « Votre système est formidable en pratique. Mais en théorie ? » Eh bien, même si le couvre-feu était formidable en pratique, ce qui reste à démontrer, il n’en demeurerait pas moins dangereusement liberticide en théorie.

En prime, nous acceptons d’en rabattre sur nos libertés fondamentales pour un résultat des plus incertains. Sauf à être assorti de véritables sanctions, cette règle à dormir debout a peu de chances de dissuader les premiers concernés, c’est-à-dire les racailles qui pourrissent la vie de leurs cités. Certes, la main de mon cher Ménard ne tremblera pas. À Béziers, des parents devront récupérer leurs chers bambins au commissariat. Fort bien, et après ?

Je vous entends rouspéter. Des enfants de 13 ans n’ont rien à faire le soir dans la rue. Ça ressemble à une évidence, même si elle souffre de nombreuses exceptions. L’objectif concret, qui est de ne plus voir dans nos rues des jeunes incontrôlables, est légitime. Ce qui pose problème, c’est qu’on prétende y arriver en édictant des mesures générales de privation de liberté. Que celles-ci soient aussi populaires inquiète à défaut d’étonner – cela fait longtemps que les Français, avides de protection, ont pour la liberté un goût modéré.

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Qu’on ne se méprenne pas, je n’ai pas la moindre compassion pour ces jeunes privés de sortie. Si on m’écoutait, on interdirait les enfants au restaurant, ou au moins on leur interdirait d’y parler[1]. Blague à part, il est vrai que les enfants, qui ne jouissent pas d’une pleine autonomie, ne sont pas titulaires des mêmes droits que les adultes, même si à 12 ou 13 ans, on bénéficie déjà d’une certaine liberté d’aller et venir. L’instauration de couvre-feux n’en est pas moins un terrible aveu d’impuissance publique : faute de pouvoir venir à bout des fauteurs de troubles, on décrète un confinement général. Au passage, cette punition collective prive des adultes responsables de leur autorité parentale. Cela rappelle ces féministes suédoises qui avaient inventé une arme radicale contre les violeurs : interdire aux hommes de sortir. On pourrait aussi fermer les magasins pour juguler l’inflation ou les bistrots pour éradiquer l’alcoolisme.

Qu’il faille recourir à l’État pour imposer ce qui devrait relever de normes sociales intériorisées par tous est symptomatique du délabrement de nos fondations collectives. À ce compte-là, il faudra un jour des lois pour imposer le port de chaussures, le brossage de dents ou le vousoiement des inconnus. Alors qu’on a exigé de l’Etat qu’il devienne notre mère, on lui demande désormais de se substituer aux parents défaillants, autrement dit d’être le dernier refuge d’une puissance paternelle qu’on s’acharne à destituer partout ailleurs. Ordonner à un ado de rester dans sa chambre et lui demander s’il veut être une fille ou un garçon, c’est une double injonction qui peut rendre fou. On ne redressera pas la France en sacrifiant la liberté à l’ordre. Du reste, si les sujets du roi Charles aiment tant la liberté, c’est peut-être qu’elle procure encore plus de satisfactions en pratique qu’en théorie.


[1] Que personne ne me balance au Parquet, je blague. Quoique.

Aimez-vous la choucroute?

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Marisa Abela dans "Back to Black" (2024) de Sam Taylor-Johnson © Studio Canal

Notre chroniqueuse a-t-elle bien fait d’aller voir Back to Black au cinéma ? Aurait-elle mieux fait de rester chez elle, à réécouter l’album légendaire d’Amy Winehouse sorti en 2006 ? Réponse.


Le film sur la vie de la dernière élue du Club des 27, Amy Winehouse, Back to Black, sorti mercredi dernier, n’a pas bonne presse. Le biopic est un genre cinématographique mal-aimé, et celui-ci ne fait pas exception à la règle. On lui reproche de nous proposer une version d’Amy Winehouse idéalisée, d’éluder ses démons. Cependant, la réalisatrice a pris le parti de nous montrer un aspect de la star plus méconnu: la midinette londonienne qui hantait les pubs pour y écouter de la musique et y trouver l’amour.

Back to Black, aucun rapport avec la choucroute, a carrément titré Libération au sujet du film réalisé par Sam Taylor-Johnson. L’ensemble de la presse est plus que mitigée au sujet de ce film. On lui reproche, notamment, d’être trop édulcoré, et de ne pas mettre assez l’accent sur la noirceur et le tragique du parcours de la chanteuse londonienne (1983-2011). Certains vont même jusqu’à dire que la réalisatrice en a fait une rom-com (comédie romantique) ! Allons, allons…

On sait déjà tout d’Amy Winehouse

Avant d’y aller de ma (modeste) analyse, je voudrais quand même répondre à Olivier Lamm, l’auteur de l’article de Libé précité1. Félicitons d’abord l’auteur de la titraille, digne des plus belles heures de Libération… Mais, qu’est-ce-que l’auteur y connaît, à la « choucroute » ? Qui est-il, pour donner des leçons de rock’n’roll et de tout ce qui va avec ? Il nous joue l’éternelle ritournelle sex, drugs and rock’n’roll, c’est bien ça ? Jusqu’à affirmer que le film est un « condensé d’indécence ». Ce journaliste se pose en expert en « malheurs » et « descente aux enfers », comme s’il était un quelconque dépositaire de l’âme damnée d’Amy Winehouse. Et si c’était plutôt cela, qui était indécent ?

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D’autant plus que le parcours tragique et magnifique de celle que les journaux ont appelé la « diva soul » est déjà très bien montré dans le documentaire d’Asif Kapadia : Amy, datant de 2015. Tout y est : la gloire, la chute, les quantités astronomiques de drogues qu’elle consommait (jusqu’à impressionner Peter Doherty, pourtant expert en la matière), les paparazzis, le boy-friend toxique, le père qui était loin d’être blanc-bleu, les concerts ratés, ceux où les Dieux de la soul music étaient avec elle… Rien ne manque. L’excellent travail accompli par le réalisateur de ce documentaire m’a donc fait douter moi aussi du bien fondé d’un biopic. Qu’allions nous apprendre de plus ?

Il semble que le parti pris de la réalisatrice ait été celui-ci : montrer une autre Amy, moins tapageuse, moins scandaleuse. Celle qui chantait lors des fêtes de famille, qui était championne de snooker, qui avait décoré sa chambre de jeune fille comme une bonbonnière et qui adorait sa grand-mère Cynthia, son « role model » qui lui inspira son look vintage et sa choucroute.

Ils m’ont dit qu’il était mauvais…

L’été 2021, pour commémorer les 10 ans de sa mort, Arte avait diffusé un autre excellent documentaire : Amy Winehouse : Back to Black, que j’avais chroniqué dans ces colonnes. Il s’agissait du making of de l’album aux 16 millions d’exemplaires vendus Back to Black. Le producteur de l’album, Mark Ronson, y parlait de la star comme d’une midinette qui aimait les girls bands des années 60, ceux qui vendaient « des cœurs brisés au kilomètres » et qui nous offraient une musique de juke box qu’Amy écoutait dans les pubs de Nord de Londres lorsqu’elle n’était pas encore célèbre.

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Une des plus jolies scènes du film est la rencontre d’Amy Winehouse avec le fameux Blake Fielder-Civil, ce lad, ce semi-voyou cockney qu’elle voyait comme un demi-dieu. Blake y fait justement jouer au juke-box The leader of the pack, le tube des Shangri-Las. Les yeux d’Amy brillent (excellente Marisa Abela) : « They told me he was bad, but I knew he was sad / That’s why I fell for the leader of pack »2, dit la chanson. Et l’histoire d’amour entre la diva et son bad boy peut commencer…

Ma petite morale de l’histoire : c’est certainement en mettant bouts à bouts les deux documentaires et ce biopic que nous pouvons toucher du bout des doigts ce que fut Amy : une jeune fille rêveuse et frêle, qui abritait en elle une voix d’un autre monde qui a fini par avoir sa peau. À ce titre, le biopic un peu sucré actuellement sur nos écrans n’est pas complètement futile.


  1. https://www.liberation.fr/culture/cinema/back-to-black-le-biopic-damy-winehouse-aucun-rapport-avec-la-choucroute-20240423_4U6DAF5I3JGF5NMXPVQDBTDFGM/ ↩︎
  2. Ils m’ont dit qu’il était mauvais, mais je savais qu’il était triste / c’est pour cela que j’ai succombé au chef de bande. ↩︎

Humza Yousaf: un mandat pour rien, ou presque

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Edinburgh, octobre 2023 © Jane Barlow/AP/SIPA

Le Premier ministre indépendantiste d’Écosse, Humza Yousaf, a démissionné ce lundi, après avoir perdu sa majorité au parlement écossais, suite au départ des Verts (Scottish Greens) de sa coalition. Retour sur un mandat décevant, surtout marqué par… un wokisme effréné.


Dans un discours aux accents émouvants, le Premier ministre écossais, Humza Yousaf, a annoncé sa démission lundi en début d’après-midi, mettant fin à une semaine de tumulte au sein de sa coalition entre le Scottish National Party (SNP) et les Scottish Greens, qui a mené à son éclatement.

L’écologie : la mère de tous ses maux

Lors de son accession au pouvoir en mars 2023, le Premier ministre démissionnaire semblait pourtant être l’homme idéal pour concilier indépendantistes et écologistes.

Fidèle de Nicola Sturgeon, son prédécesseur, il avait poursuivi l’application de l’accord de Chatham House, signé en 2021, par le Scottish National Party et les Scottish Greens. Ce texte prévoyait l’application d’un programme environnemental rigoureux, coûteux et contraignant, y compris pour le forage de pétrole en mer du Nord, une protection accentuée de la vie marine, de nouvelles protections pour les minorités sexuelles et le vote d’une loi sur la protection trans. Le problème est que le gouvernement écossais n’est pas souverain et Humza Yousaf a échoué ces derniers mois à tenir les engagements du Bute House Agreement sur l’exploitation de gaz en mer du Nord. En septembre 2023, le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, a annoncé le lancement de l’exploitation du gisement gazier de Rosebank, au large des îles Shetland, sans que Yousaf ne puisse s’y opposer, si ce n’est par les mots.

Ne parlons pas de son bilan sur les transgenres, qui est tout aussi décevant pour les progressistes de son parti.

Un bilan “multiculturel” et woke

Dans son discours de départ, Humza Yousaf s’est inscrit sans complexe dans le multiculturalisme, dont il est l’un des plus fervents promoteurs au sein du SNP. « Nous vivons aujourd’hui dans un Royaume-Uni avec un Premier ministre indien et britannique, un maire de Londres musulman, un Premier ministre gallois noir et pour un petit moment encore, un Premier ministre écossais et asiatique pour ce pays (l’Écosse) » a fièrement déclaré le Premier ministre. Et à tous ceux qui prétendent « que le multiculturalisme a échoué au Royaume-Uni, poursuit-il, je suggérerai que l’inverse s’est révélé être vrai et c’est quelque chose que nous devrions tous célébrer. » Voilà donc la seule satisfaction – ou presque – de M. Yousaf : avoir montré à l’Écosse qu’un homme d’origine pakistanaise pouvait accéder au pouvoir.

Mais de quel multiculturalisme parle Humza Yousaf ? Eh bien, hormis le fait qu’il soit d’origine pakistanaise et musulman et qu’il ait annoncé vivre le Ramadan, pas grand-chose. Il portait le kilt pour les grandes cérémonies, comme lors des obsèques d’Elisabeth II en octobre 2022, et le reste du temps, des costumes en tartan et en tweed : rien de très pakistanais, autrement dit. En fait, ce qu’a surtout soutenu le Premier ministre est le programme woke et LGBTQI+ pour se distinguer de ses opposantes en mars 2023. Il a relancé la guerre culturelle sur les transgenres et accentué les divisions déjà profondes au sein de son parti. Rappelons que c’est la même controverse sur la légalisation de la transition de genre à partir de 16 ans qui avait entrainé la démission de Nicola Sturgeon en février 2023.

Pour montrer son engagement en faveur de cette cause, M. Yousaf a fait voter une loi sur le discours haineux (hate crime law), début avril, qui s’avère, pour l’heure, impossible à faire appliquer.

L’échec du combat pour l’indépendance

Les indépendantistes purs et durs sont eux-aussi bien déçus du bilan de M. Yousaf, qui a concédé son échec sur l’imposition d’un nouveau référendum sur l’indépendance. « L’indépendance semble terriblement proche – et croyez-moi, personne ne ressent davantage de frustration qu’un président du SNP – mais les derniers miles du marathon sont toujours les plus difficiles » a déclaré le Premier ministre. Mais il ne s’agit pas du tout des derniers miles avant l’indépendance !

La loi britannique dispose qu’un référendum de cette nature ne peut être organisé qu’une fois par génération, c’est-à-dire, tous les vingt-cinq ans et le dernier référendum a eu lieu en 2014, il y a à peine dix ans…

Une succession incertaine et risquée

Deux candidates pourraient se déclarer officiellement dans les prochains jours pour les élections internes au SNP qui éliront le nouveau Premier ministre : Kate Forbes, une évangélique fervente et conservatrice, battue de peu par Humza Yousaf en 2023, et Ash Regan, une féministe, peu intéressée par une alliance avec les Scottish Greens et surtout très hostile à la cause trans. Mais un autre favori, John Swinney, qui a mené le parti aux élections en 2003, a aussi annoncé vouloir se présenter. Ancien vice-Premier ministre et ministre de l’Education, il a soutenu avec ferveur le texte sur la transition de genre à 16 ans, ainsi que l’enseignement LGBTQI+ dans le curriculum scolaire et défend aussi l’indépendance écossaise.

La bataille pour le poste de Premier ministre s’annonce rude au sein du SNP, surtout à l’approche des élections législatives nationales (General elections), qui pourraient se tenir d’ici le mois d’octobre. Le Labour est pour l’instant donné gagnant en Ecosse, avec 36% des voix, pour la première fois depuis 2003. En cas de victoire des travaillistes, la question indépendantiste pourrait bien être mise de côté pendant quelques années.

Les ballets de Monte-Carlo: une fleur au milieu des cactus

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© Alice Blangero

Disons-le : la chorégraphie de Jean-Christophe Maillot créée pour les Ballets de Monte-Carlo, Vers un Pays Sage est un chef-d’œuvre. Ou pour le moins, son chef-d’œuvre !


À quoi reconnaître un chef-d’œuvre ? Ici, à la beauté sereine, à la lumière qui s’en dégage, au style racé, à la virtuosité raffinée de l’écriture, à ce sentiment de plénitude, d’accomplissement qui l’accompagne. Au temps aussi : créé il y a bientôt trois décennies, « Vers un Pays Sage », de Jean-Christophe Maillot, est toujours aussi envoûtant, toujours aussi surprenant, toujours aussi moderne. Les œuvres fortes ne vieillissent pas. Sur des pages magnifiques du musicien américain John Adams, « Fearful Symmetries », qui sont comme un fabuleux tremplin pour qui sait y répondre chorégraphiquement, et tout en rendant hommage à son père qui était peintre, Maillot a composé un poème épique qui entraîne les magnifiques danseurs des Ballets de Monte-Carlo dans une aventure qu’on redécouvre avec émerveillement. Car tout y est beau, et les lumières changeantes de Dominique Drillot, auteur d’un rose rare sur les scènes théâtrales, ne font qu’exalter l’éclat de la pièce.

Art Déco

Il y a quelque chose de balanchinien dans cette composition qui rappelle l’esprit Art Déco dans certaines attitudes des danseurs, reflets fugitifs de la sculpture des Années 30. Et cette énergie qui fouette les interprètes recèle quelque chose d’affolant.

C’est avec « Vers un Pays Sage » que les Ballets de Monte-Carlo, programmés en févier 2025 au Théâtre de la Ville, briseront l’ostracisme auquel ils se sont heurtés à Paris depuis leur création. En quatre décennies, cette compagnie qui se range parmi les meilleures d’Europe et qui a cent fois peut-être fait le tour du monde, ne s’est produite qu’à deux ou trois reprises dans la capitale. Et il serait éloquent d’analyser les causes inavouées de ce dédain dans les milieux culturels parisiens où l’on vous appréhende souvent en fonction de votre provenance plus que de vos qualités propres. Un dédain auquel la réputation fâcheuse de la Principauté doit sans doute beaucoup. Sans compter la suspicion que suscite toute velléité d’excellence à une époque où règne cette tendance à la désinvolture et à l’absence de talent qu’on flatte du terme de « liberté d’expression ».

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Le plus étonnant dans cette invitation si tardive au Théâtre de la Ville, c’est que c’est probablement pour une tout autre raison qu’elle survient. Pour une pièce, également au programme, de la chorégraphe israélienne Sharon Eyal, laquelle a le vent en poupe sur les scènes branchées. Une pièce, « Autodance », où les lumineux interprètes de « Vers un Pays Sage » sont métamorphosés en créatures souffreteuses, racornies, scrofuleuses, contournant frénétiquement un espace noir comme autant de cafards grouillant autour d’un gouffre. Consternant !

765 contrats

Sous la conduite de Jean-Christophe Maillot (qui, depuis 1993, a signé 765 contrats de danseurs pour sa troupe), et avec le ferme soutien de Caroline de Hanovre, leur fondatrice, sœur ainée du chef omnipotent de la firme Monaco, les Ballets de Monte-Carlo se sont fait une place considérable dans la minuscule, mais richissime principauté.

©Alice Blangero

Si la troupe donne annuellement 25 représentations à Monaco, à l’Opéra parfois, mais surtout dans une salle moderne de plus de 1800 places du Forum Grimaldi, drainant un public d’amateurs venu de France ou d’Italie (attiré par des billets allant de 5 à 35 euros – comprenant le parking gratuit !), elle fait aussi office d’ambassadrice au cours d’innombrables tournées effectuées à travers le monde. Une cinquantaine de spectacles sont donnés sur tous les continents, des Amériques à l’Australie en passant par la Chine, inépuisable réserve de public épris de « romantisme » à l’occidentale.

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Ces tournées sont essentielles à la brève carrière des danseurs mais elles coûtent de plus en plus cher en transport et en logement, quand les salles qui reçoivent la compagnie voient leurs budgets rétrécir. Naguère, elles rapportaient de l’argent. Aujourd’hui, parvenir à équilibrer leur budget est difficile. Et l’impossible survol des zones de guerre a fait bondir de 130 000 euros les coûts d’un voyage à destination du Japon. Pour ne rien dire de ceux du fret ou des complications administratives pour obtenir des visas pour une troupe aux multiples nationalités. Ou encore de l’écroulement du pont de Baltimore qui a bloqué le navire qui transportait costumes et décors d’une production d’abord donnée à Los Angeles et bientôt programmée à Ludwigsburg, en Wurtemberg !

Une nuit de débauche

À Monaco même, ces Ballets de Monte-Carlo sont un paradoxe. Sur ce territoire où tout paraît frelaté, artificiel, et où l’on sacrifie avant toute chose et non sans ostentation au veau d’or, ils sont un foyer de création, d’engagement artistique, de travail intense, de valeurs authentiques et de démocratisation. En témoignent un répertoire parfois audacieux, servi au gré des réussites ou de quelques échecs par une compagnie éblouissante, mais aussi ces « F(ê)aites de la Danse », manifestation biennale gratuite, la seule dans ce genre dans une zone où tout s’achète au prix fort, et qui accueille des dizaines de milliers de personnes pour danser sous toutes les formes imaginables durant 24 heures sur la place du Casino et dans les bâtiments adjacents.

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Entretenir une compagnie d’une cinquantaine de sujets choisis avec un soin extrême et encadrés par vingt-cinq personnes (dont beaucoup sont d’anciens danseurs) nécessite un budget conséquent. Un peu plus de 14 millions d’euros de subventions de l’État monégasque, une contribution de 2,5 millions de la Société des Bains de mer et 4,1 millions de recettes. 20,8 millions en un mot. Ce qui est sûr, c’est que les sommes allouées aux Ballets de Monte-Carlo sont un investissement de premier ordre pour la principauté. Moins polluants que les courses d’automobiles qui la sillonnent ou les innombrables tours qui la défigurent, ils véhiculent une image d’excellence et un rayonnement inespéré pour ce petit territoire abonné aux faits divers et aux scandales people. Les Ballets, l’Opéra, l’Orchestre de Monte-Carlo, les festivals, mais encore les expositions font de cette ville capitale un ensemble fastueux. 


Ballets de Monte-Carlo, du 28 février au 5 mars 2025. Théâtre de la Ville, Paris

En septembre 2024, les éditions Gallimard publieront Danse en festin, recueil de textes d’artistes (chorégraphes, compositeurs, écrivains, scénographes etc.) qui ont collaboré avec les Ballets de Monte-Carlo.

Récit d’une escapade incognito à Sciences-Po Paris

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Paris, 26 avril 2024 © Dimitar DILKOFF / AFP

Vendredi dernier, entre 16 heures à 19 heures, notre contributeur s’est glissé parmi les manifestants de Sciences-Po. Entre radicaux vociférants, gauchistes en keffieh et jeunes cons, il nous décrit ceux qu’il a croisés – ces « antisionistes » que Jean-Luc Mélenchon qualifie de résistants qui «sont l’honneur de la France sous les yeux du monde»


J’habite en Israël. Ce pays ayant subi une attaque d’une ampleur sans précédent le 7 octobre, les manifestations en faveur du génocidaire – le vrai, l’égorgeur de vieilles dames et le violeur d’enfants – ne sont pas légion. Par conséquent, en atterrissant à Paris aujourd’hui, ma curiosité fut immédiatement piquée par l’appel au soulèvement devant Sciences-Po lancé par la délicieuse Rima Hassan, nouvelle égérie ultime de la LFI. Si ultime qu’elle semble en avoir consumé l’essence de la pauvre Manon Aubry, tête de liste aux futures Européennes et disparue des radars depuis au moins trois semaines. Ni une ni deux, après avoir déballé quelques affaires, je saute dans un jogging un peu crasseux, des baskets sales et un blouson noir : ce que je me figure être la tenue adéquate de l’antifa en herbe, ceci de telle sorte à passer incognito au milieu de la gangrène islamisée.

Arrivée à Sciences-Po sur les coups de 16 heures. Nous sommes sur le Boulevard St-Germain, à St-Germain des Prés, quartier parmi les plus prisés de Paris. Tellement huppé qu’un adjectif décrivant ce qui s’y rapporte en esprit, en goût, existe dans la langue française : « germanopratin ». Le café Les Deux Magots est emblématique du lieu. Quelques pro-israéliens sont venus contre-manifester et se sont avancés vers la rue Saint Guillaume via le Bd St-Germain. Étant là pour observer ce qui se passe côté palestinien, je décide donc de faire le tour par la rue de Grenelle pour rejoindre Sciences-Po par l’autre entrée de la rue. Rue des Saints-Pères, rue de Grenelle, puis rue Saint Guillaume.

Les journalistes de CNews pas les bienvenus

À mesure que j’approche de ma destination, la faune évolue, ne laissant aucun doute sur le fait que je sois en bon chemin : mèches de cheveux violettes et bleues, keffiehs rouges et noirs, hommes trans-féminins et femmes trans-masculines, apparaissent graduellement. Sur place, je trouve un attroupement d’une grosse centaine de manifestants. De nombreux journalistes s’agglutinent en périphérie du groupe. Prudence oblige, les bonnettes de leurs micros ne sont pas de sortie. Cela n’empêchera d’ailleurs pas CNews de se faire prendre assez violemment à partie.


Aux fenêtres du premier étage de l’IEP ont pris place les harangueurs de foule, ceux qui diffusent les slogans que l’assemblée doit reprendre en cœur. De ce côté-là, rien de très original : « Israël assassin, Macron complice », « From the river to the sea Palestine will be free », ou encore le très classique « Free-free-Palestine ». Les énergumènes en question m’arrachent, paradoxalement, un large sourire : ils se sont habillés de keffiehs qui recouvrent leur tête et ont rabattu le reste du tissu sur leurs épaules. Ainsi ils adoptent, probablement sans le savoir, la manière même dont les Juifs se vêtissent du Talith, le châle de prière. C’est suffisamment cocasse pour me rendre ces ministres officiants sympathiques quelques instants. En contrebas, la masse des communiants est hétérogène. On en distingue essentiellement trois types :

Primo, les radicaux : les vociférants, qui reprennent à pleins poumons les slogans lancés depuis la tribune. Une large part d’entre eux est ‘racisée’. Je relève un nombre non négligeable de voiles islamiques, quoiqu’inférieur à ce que le motif de la cause en question aurait pu m’amener à penser. Se singularise une fille, exhibant le keffieh rouge popularisé par Abu Obeida, le désormais tristement célèbre porte-parole du Hamas. Elle filme sans discontinuer.

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Deuxio, les gauchistes vestimentaires : ils sont sapés à peu près comme moi aujourd’hui. C’est à dire très mal. En tout cas par rapport aux standards germanopratins. Certains ont jugé bon de se coudre des masques chirurgicaux aux motifs du keffieh. Habile. Une fille en survêt a imprimé son drapeau palestinien sur une feuille A4 et le brandit mollement. Un autre type, un peu loufoque, arbitre de baseball en bas, cycliste du Tour de France en haut, s’accroche aux grilles qui garnissent les fenêtres du rez-de-chaussée d’un immeuble pour tenter, fiévreux d’expectatives, d’entrapercevoir le cœur de la foule.

Tertio enfin, les étudiants BCBG, collant cette fois à la lettre aux standards vestimentaires du quartier. La fringue exposée coûte une blinde. Ce sont des blancs pour l’essentiel, émoulus l’année dernière, deux ans au maximum, du baccalauréat. Ceux-là sont nombreux. Ça rigole nerveusement, ça s’amuse de la situation comme on s’esclafferait d’une attraction comique et grotesque, convoquée là pour une kermesse. L’un d’entre eux « revient du côté israélien, y’avait plus d’ambiance là-bas, c’était chaud ». Tout ce petit monde joue à se donner des frissons de pacotille. Rien n’est sérieux. Les slogans sont repris par instinct grégaire plus que par réelle adhésion à la cause : le timbre de voix mi-dubitatif mi-amusé, le regard en coin s’assurant à tout instant la participation des autres larrons, ne trompent pas.

Fin des festivités

Le temps d’observer cette cour des miracles, une bonne demi-heure, voire 45 minutes ont passé. Soudain, léger mouvement de foule vers la sortie de la rue St Guillaume, côté Grenelle. Je n’y prête d’abord pas attention. Celui-ci ne faiblissant pas mais allant au contraire en s’intensifiant, je décide d’y jeter finalement un coup d’œil. La police carapaçonnée a débarqué sans crier gare. Double cordon de flics solides. Leurs larges boucliers rectangulaires colmatent les brèches dans le dispositif bleu marine. Des étudiants derrière eux scandent « Laissez les sortir ! » On est à deux doigts de convoquer la mémoire du ghetto de Varsovie.

J’emboîte le pas aux manifestants courageux mais pas téméraires qui décident, les festivités ayant assez duré et toute bonne chose devant connaître une fin, de s’exfiltrer. Un étroit corridor d’évacuation a été ménagé par la police ; on l’emprunte en file indienne. Disparaît alors dans la nature l’essentiel de notre troisième catégorie. L’heure du goûter étant passée, on se rattrapera sur l’happy hour des bars environnants. Là, le demi de bière se négocie à 8 euros. Pas grave, c’est probablement papa qui paye.

Je décide pour ma part de rejoindre maintenant l’autre entrée de la rue St Guillaume, pour aller jeter un coup d’œil à la partie israélienne. Pas de bol, j’apprends en arrivant qu’ils ont été dégagés sans grand ménagement par la police il y a plusieurs minutes. À leur place, un autre large cordon de CRS – les 44 2B. Ceux-là sont encore plus harnachés que les précédents : tous disposent d’un lourd casque anti-émeute. Ils sont occupés à contenir une partie de la foule cherchant à quitter les lieux. Je filme la scène, posé de l’autre côté de la ligne de gendarmes.

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Mais en l’espace de quelques secondes, cette ligne se brise pour évacuer les manifestants dans ma direction, et se referme presque aussi rapidement qu’elle s’était ouverte. Je me retrouve donc au milieu des militants pro-Palestine, et dans l’impossibilité d’articuler le début d’une explication au gendarme qui me talonne en m’exhortant à avancer d’un bon pas. Les CRS sont d’une extrême efficacité dans leur tâche et encadrent le troupeau vociférant vers la bouche du métro Rue du Bac. Un gueulard de la bande lance d’une voix d’ivrogne de grands slogans repris par les autres moutons transhumants. À côté de moi, une petite dame replète se lamente au téléphone de « l’inégalité de traitement qui nous est infligée par les flics par rapport aux feujs. Enfin, t’as compris Mireille, par rapport aux sionistes quoi. »

Peu de grabuge finalement

Finalement, tout le monde est fermement invité à s’engouffrer puis à déguerpir dans le métro. L’essentiel de la troupe lance quelques imprécations couardes, puis finit par s’exécuter. Quant à moi, je réussis à m’échapper et entreprends alors de revenir sur mes pas. À l’entrée de la rue Saint-Guillaume, d’autres CRS se sont entre temps déployés. Ils chargeront le reste des pro-Hamas quelques minutes à peine après mon retour. Deux camions sont arrivés : un de pompiers, un du SAMU. Il y aura finalement eu un peu de grabuge.

Il est saisissant d’observer la différence, le choc faramineux entre ces deux mondes qu’incarnent d’un côté nos forces de l’ordre ; disciplinées, inflexibles, diablement organisées, ô combien humaines et patientes, et de l’autre côté, l’assemblée des pouilleux et désœuvrés mentaux, islamistes et jeunes cons, rassemblés pour abattre, pour certains contre leurs premiers intérêts, la civilisation française. Que grâce soit rendue à nos gendarmes et à nos policiers. On est en droit de s’interroger sur l’état dans lequel se trouverait la République française en leur absence, ou s’ils devaient se voir un jour désarmés.C’est à ce moment que je choisis finalement de prendre congé, ayant ingéré plusieurs fois la dose maximale recommandée de palestinisme béat et puant. Je finirai mon après-midi en allant rendre visite aux bouquinistes, à la coupole de l’Institut de France et à Notre Dame ressuscitée. Voilà un antidote civilisationnel à nul autre pareil. Dieu merci, Paris est encore Paris. Mais pour combien de temps encore ?

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