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Les missionnaires de la diversité ont fait le jeu de la fermeture


Les limites de « l’ouverture à l’Autre »


La montée du communautarisme inquiète les responsables politiques. Dans certains territoires, un islamisme politique tenterait de placer la charia au-dessus des lois de la République. Comment expliquer une telle dérive ? Les thuriféraires de la diversité ont-ils été les idiots utiles et paradoxaux d’une idéologie qui veut uniformiser les comportements et les pensées dans les « quartiers sensibles »? L’ouverture à l’Autre a-t-elle fait insidieusement le jeu de la fermeture ?

Une morale en noir et blanc

Diversité: voilà un mot qui sonne bien, et qu’il est de bon ton d’employer. En l’utilisant, vous vous placez sans grands efforts dans le camp du Bien. Dégainez votre opposition farouche aux frontières et votre approbation enthousiaste du multiculturalisme et de la mixité, et aussitôt toutes les portes des médias progressistes s’ouvriront devant vous !

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En vantant la diversité, le bourgeois-bohème déclame son amour de l’ouverture, du mélange, et du même coup sa désapprobation de la fermeture, de l’intolérance et du repli sur soi. Cependant, cette morale en blanc et noir n’est-elle pas un tantinet trop facile pour être honnête ? Est-elle autre chose d’ailleurs qu’une posture ?

Des évidences. Reste qu’un tel manichéisme est en partie responsable de l’émergence de l’idéologie actuelle la plus hostile à l’ouverture: l’islamisme politique.

Sagesse populaire

Cette situation paradoxale n’a pas échappé à la sagesse populaire. La défiance croissante des classes populaires envers cette diversité tant vantée et érigée en programme politique par une gauche en quête de nouveaux damnés de la terre, ne tient pas seulement au mépris que leur témoigne une intelligentsia acquise au Grand Brassage.

Le peuple sait d’intuition qu’il est difficile de faire cohabiter des cultures qui ont des  substrats anthropologiques trop différents. Sitôt que la différence culturelle devient trop importante, le repli communautaire inéluctable intervient. L’unité politique du pays est alors en danger.

L’autochtone, un bouc émissaire idéal

Quand on fait observer aux tenants de cette sacro-sainte diversité que le multiculturalisme, loin de favoriser l’échange et le dialogue, accélère au contraire le processus de communautarisation et de repli des tribus sur elles-mêmes, les adorateurs du Grand Mixage rétorquent que la faute en incombe aux autochtones européens et à leur racisme inavoué. Au lieu de se demander si toutes les cultures peuvent cohabiter au sein d’un même espace politique, les ravis de la diversité réactivent un réflexe aussi vieux que l’humanité : la recherche d’un bouc émissaire.

Le coupable est tout trouvé : il s’agit du petit peuple attaché à son terroir et à ses racines, incapable de se propulser dans le monde merveilleux du mélange et de l’indifférenciation.

Et si L’Autre désirait vivre à l’écart ?

Le plus inquiétant dans l’affaire est l’aveuglement des tenants de l’ouverture  – qui vivent, soit dit en passant, dans un entre-soi rassurant – au sujet de certaines « communautés » qui n’éprouvent aucun désir de se mélanger. A force de trouver l’Autre formidable, et l’autochtone  rassis et nauséabond, le doute s’est installé chez les meilleures volontés. Le manichéisme des tenants de la diversité s’est retourné contre eux, mais aussi contre la diversité elle-même.

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Que nous apprend en effet l’échec du vivre-ensemble ?

Avant tout que l’humanité n’est pas une bouillie dont on pourrait malaxer à volonté les cultures dans un shaker sociétal. L’hypermodernité a voulu rompre avec les grands ensembles monolithiques qui discriminaient leurs minorités. A l’arrivée, elle se retrouve avec des communautés qui vivent chacune dans son coin, sans projet politique et culturel commun.

Chassez le naturel…

Nous ne sommes pas des anges. A trop vouloir ignorer nos ancrages charnels et culturels immémoriaux, ce n’est pas l’amitié que l’on récolte, mais la segmentation et l’ignorance réciproque. Le mot d’ordre diversitaire s’est retourné contre la diversité réelle. La progression de l’islamisme politique en est la parfaite et inquiétante illustration en France.

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« On ne pourra jamais dévoiler les femmes par la force »


Opposée au voile, la féministe franco-tunisienne Hélé Béji cherche néanmoins à en comprendre les ressorts. Pour l’auteur de Dommage, Tunisie !, son essor doit moins à la tradition islamique qu’à notre modernité. La République doit ramener ces brebis égarées sans les ostraciser.



Causeur
. Le dernier épisode du feuilleton qui a démarré à Creil il y a trente ans concerne le voilement des accompagnatrices scolaires. Mis bout à bout, toutes ces affaires (hijab, burqini, burqa) forment-elles une offensive islamiste contre le modèle républicain français ?

Hélé Béji. Non. Demandons-nous plutôt si le port du voile ne progresse pas parce que l’autorité républicaine s’est perdue. Aujourd’hui, la démocratie française a été défigurée par le dogme trivial de la surenchère du moi et l’impératif du « droit culturel » à la reconnaissance de chaque singularité, identité sexuelle, marque de mode, engouement alimentaire, marquage du corps, que sais-je encore.

Peut-on vraiment mettre sur le même plan string, revendications LGBT et voile islamique ? N’est-ce pas du relativisme ?
Mais le relativisme se développe déjà ! Je suis effarée des dégâts que provoque le multiculturalisme. La notion de droit culturel attaché à une croyance, ou à une affirmation identitaire contredit l’humanisme républicain. L’idée qu’il faut affirmer ses droits culturels rend attractifs et légitimes les phénomènes d’idolâtrie de soi tous azimuts, tels le voile ou des contre-conduites encore pires. Pourvu que l’on vous voie et que l’on vous remarque, tout est bon pour s’épancher et s’affirmer. Il n’y a plus d’intime, plus de vie intérieure. C’est le culte de l’exhibitionnisme.

Mettez-vous à la place des Français. Comprenez-vous qu’ils se sentent en situation d’insécurité culturelle face au voile ?
Je me mets dans la peau d’une Française que je suis aussi. Nous autres Occidentaux pensons que la philosophie, la raison, l’égalité des sexes sont incontournables dans le processus de démocratisation d’une société. Car les femmes se disent : « On aura fait mille sacrifices séculaires pour se libérer du pouvoir masculin, des vêtements étouffants, de la culpabilité sexuelle avec comme seul résultat celui de retomber dans la vie domestique ? » La femme a en effet accompli une révolution pacifique en libérant l’homme de sa propre tyrannie, sans le détruire, en le préservant, en étant la gardienne du foyer. Or, le voile est à rebours de cette évolution. L’homme est présenté comme une menace dont il faut se protéger. Pour les militantes de #metoo, il faut l’abattre.

Voyez-vous dans le voile une réponse à la pression du mari, des frères ou des cousins ?
Pour beaucoup de femmes couvertes, le voile est moins un effet de la domination masculine qu’un choix puritain dicté par leur croyance, leur morale, leur bigoterie, leur conception du mariage et de la famille… Souvent régi par la peur, leur rapport au monde a quelque chose qui ne fonctionne pas très bien. Mais ce refuge illusoire a pour seul effet de leur voiler le monde.

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Outre la réaction identitaire, qu’est-ce qui fait qu’une Française musulmane décide soudain de se voiler ?
Il y a de multiples facteurs. Pour les musulmanes qui veulent se retirer du monde et échapper aux duretés de la vie, le voile est un refuge moral. Parfois, une fille commence à se voiler après des échecs sentimentaux ou d’autres drames personnels. Autrefois, les femmes catholiques éplorées se cloîtraient dans un couvent pour se marier avec Jésus. Comme la religion musulmane n’a pas de couvent, ces femmes trouvent leur vocation dans leur petit « couvent » ambulant, le voile, pour se sentir mieux dans leur peau et en paix avec elles-mêmes. Or, cette option personnelle est devenue un engouement mimétique : le voile est un produit de consommation qui se multiplie de manière accélérée.

Bonne fille, la République accueille toutes les options personnelles à condition de respecter un certain nombre de principes et de codes culturels…
Ça, c’était la République d’antan, homogène, car chrétienne et européenne par sa civilisation et sa généalogie. J’ai été formée par cette République-là, mais elle ne fonctionne plus. Comment se fait-il que les jeunes Français musulmans préfèrent écouter les prêches de la mosquée plutôt que les cours de science ou de philosophie de leur professeur d’école ? Je n’ai pas de réponse. En tout cas, mieux vaudrait essayer de banaliser le voile. Le jour où nous déciderons de ne plus le voir, de ne plus en faire une fixation, peut-être commenceront-elles à se dévoiler. Si on se polarise contre lui, il résistera encore plus. On ne pourra jamais dévoiler les femmes par la force.

Pardon, mais la banalisation, l’État l’a pratiquée entre 1989 (affaire de Creil) et la loi de 2004 interdisant le voile à l’école, avec le succès que l’on sait. Aujourd’hui, vous prétendez qu’une loi ne ferait que renforcer le sentiment victimaire des femmes voilées…
Mais je ne parle pas de l’école ! Dès 1990, j’avais écrit dans Le Débat qu’il fallait absolument interdire le voile à l’école. Il s’agissait de petites filles mineures que l’État et l’école devaient protéger. J’ai donc soutenu la loi de 2004, notamment pour protéger les enfants contre la pression attentatoire parentale de certaines familles obscurantistes qui ne traitent pas les garçons de la même manière que les filles. Mais avec des citoyens majeurs, on ne peut pas agir ainsi.

Vous évoquez les familles qui ne traitent pas les garçons et les filles sur un pied d’égalité. Vous voyez bien que le voile est un outil de soumission ?
Non. En se voilant, elles se mettent en position de souveraineté et d’égalité par rapport aux hommes. Cette ruse fait que le voile les désexualise et instaure un rapport d’égalité et de fraternité avec l’autre sexe. Certes, le fait que ces femmes aient plus d’autorité avec le voile que sans est sans doute lié à la société patriarcale arabo-musulmane. Le voile, anciennement attribut de servitude, et devenu celui de la souveraineté de la fille.

C’est peut-être le cœur du problème. Souvenez-vous des travaux anthropologiques de Germaine Tillion sur la structure endogame des familles méditerranéennes en général et maghrébines en particulier. Le modèle patriarcal de la « République des cousins » se perpétue-t-il encore au xxie siècle ?
Avec les femmes musulmanes et le voile, ce type de famille se perpétue, y compris au nord de la Méditerranée. C’est d’ailleurs une source de tension, car la République se fonde sur l’autonomie individuelle et la dissolution du lien des familles ; pour chaque citoyen soit reconnu en tant que tel, elle a tendance à le détacher de ses structures communautaires et familiales. Or, les musulmans résistent à ce processus, que ce soit par le port du voile ou par la fréquentation de la mosquée, dans le but maintenir les liens. Leur modèle particulier de sociabilité est profondément ancré en eux et ne s’effacera jamais.

Cela vous inquiète ?
Non, car je sais ce qu’il signifie en termes de quête de liens. De manière très maladroite, le fait de mettre un voile n’est pas antirépublicain en soi, c’est une manière de retisser du lien. Si la République est aujourd’hui en danger, ce n’est pas à cause du voile, mais parce que la destruction du lien humain a atteint un point de quasi non-retour.

En Tunisie, malgré le statut avancé de la femme, le président Essebsi mort cet été n’a pas réussi à ancrer le principe de l’égalité dans l’héritage. Comment l’expliquez-vous ?
La loi sur l’égalité, si elle avait été votée, aurait été le vrai résultat de la révolution tunisienne. Les islamo-conservateurs s’y opposent au nom de la sacralité de la famille. Car le projet de la loi prévoyait qu’une fille lésée puisse porter plainte contre son père. Les conservateurs tunisiens ont vu dans cette judiciarisation un grave point de dissension et d’éclatement de la famille. Mais au fond, je crois qu’aucune fille n’aurait porté plainte contre son père. Malheureusement, cette loi n’est pas passée.

La famille tunisienne n’est peut-être plus ce qu’elle était. Un mariage sur sept se solde par un divorce…
Malgré les divorces et la pauvreté, la famille tunisienne reste un refuge contre les aléas de la vie. Il y a une grande solidarité : les membres de la famille vivent sous le même toit et chacun apporte sa part du repas pour partager la table dans un esprit de réunion et de nécessité, de solidarité. Des membres de la famille (en majorité les filles) qui travaillent gratuitement pour leurs frères ou leurs parents, ça n’existe plus en France !

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Cela peut être vécu comme un carcan. Les Tunisiens qui souhaitent se détacher de leur famille y parviennent-ils ?
Oui, mais de manière minoritaire. Le mariage reste la règle, mais il y a plein d’exceptions : des marginaux, des femmes qui décident de rester célibataires et de ne pas avoir d’enfants malgré la pression de leur mère et de la société…

Un autre type de pression s’exerçait sous la dictature Ben Ali (1987-2011). Certaines femmes portaient le voile comme un signe d’opposition. Mais sa chute n’a pas fait baisser le nombre de hijabs, bien au contraire !
Pendant cinquante ans, le voile a été interdit dans les écoles et les administrations. Les policiers arrêtaient les femmes voilées et leur enlevaient le voile dans la rue. Finalement, ça n’a servi à rien. Puis Ben Ali a lâché un peu de lest. Après la révolution, le voile a pris des proportions gigantesques, car les femmes pouvaient s’exprimer librement alors qu’elles n’osaient pas se voiler auparavant. Les réapparitions du voile ont accompagné le processus démocratique, la jouissance des libertés politiques. C’est pourquoi l’interdire en France ne servirait à rien.

Cela nous semble paradoxal. Votre dernier livre Dommage, Tunisie (2019) fustige d’ailleurs les illusions occidentales sur la démocratie. Pourquoi consacrez-vous tant de pages à la critique du droit d’ingérence alors que la Tunisie n’en a jamais été victime ?
Si la Tunisie a réussi sa révolution, c’est précisément parce qu’elle n’a pas subi de démocratisation forcée sous la houlette d’une puissance extérieure. Pourquoi les Occidentaux sont-ils allés faire la guerre en Irak ? La nouvelle ambition impériale de la démocratie a détruit des États arabes autoritaires pour en faire des camps de redressement démocratique. C’est une aventure tragique. En tentant d’exporter la démocratie au Moyen-Orient, on a importé la guerre en Occident avec Daech et le massacre d’innocents dans les villes européennes. A contrario, la Tunisie a accompli une révolution pacifique, non religieuse, en s’autoémancipant de l’intérieur. La notion de dignité y a été centrale. Cette émancipation n’a rien à voir avec le dogme identitaire religieux. Le mot de dignité, terme phare de la révolution, ne figure pas dans le Coran.

Certes, mais les Frères musulmans d’Ennahda ont assez rapidement remporté les élections. Cela a brisé le mythe d’une Tunisie entièrement laïque et occidentalisée…
En 2011, les journalistes occidentaux, euphoriques, pensaient que la révolution avait liquidé la question identitaire et religieuse. Moi, je savais que l’islam politique allait prendre sa place. L’islam n’est pas une dissension idéologique comme les autres, mais le fond culturel de toute la société tunisienne. Il y a toujours eu le risque que la revendication culturelle religieuse devienne totalitaire. Mais cette tendance a rencontré de très fortes résistances et le pays s’est divisé.

Cependant, islamistes d’Ennahda et néobourguibistes ont gouverné ensemble malgré leurs dissensions. Aujourd’hui aucune majorité ne se dégage à l’Assemblée. Diriez-vous qu’Ennahda est devenu un parti politique comme les autres ?
Après leurs années au pouvoir, les membres d’Ennahda se sont en effet banalisés. Dès l’instant où on se sert de la religion pour faire de la politique, on disqualifie la religion, on la profane et on la rend susceptible d’erreurs et d’échecs, comme toute action. Ennahda a ainsi perdu son image de vertu et les deux tiers de ses électeurs. Ces derniers n’ont pas rallié le camp moderniste, mais ont voté pour Kaïs Saïed, un président qui utilise le référent moral et non le référent religieux. Il a semblé moins hypocrite et a rallié les couches populaires déçues par l’indifférence et l’égoïsme des politiques. En guise de comparaison, c’est comme si un chef des gilets jaunes se présentait à la prochaine élection présidentielle et gagnait contre Macron.

Si la révolution a démocratisé les institutions politiques, l’économie peine à suivre…
Le compromis historique entre islamistes et modernistes n’a pas suffi à créer les conditions politiques de la prospérité. Quelques années après l’immolation de Mohamed Bouazizi qui a déclenché la révolution, des attentats-suicides nous ont frappés. C’est un cercle vicieux qui ira en s’aggravant : plus les gens s’appauvrissent, plus la religion gagne un ascendant sur leur vie. Le discrédit frappe surtout les classes intellectuelles modernistes, les anciens militants de l’opposition qui, passés du côté du pouvoir, n’ont pas su forger le discours de leur autorité ni tirer le pays de l’ornière.

Est-ce pour cette raison que vous avez sous-titré votre libelle « La dépression démocratique » ?
Les résultats des élections montrent que la Tunisie a failli sur deux plans : le droit et la pauvreté. Le nouveau président a mis le désir de justice au premier plan. D’une certaine manière, c’est ce principe qui l’a emporté sur les besoins matériels. Reste à savoir comment Kaïs Saïed tentera de mettre en œuvre l’autorité de la loi dont il a fait un thème de campagne. La très forte abstention a exprimé une forme de dépression liée à la perte de sens de la révolution, de la démocratie, voire de la politique.

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Les fossoyeurs du rock

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Assiste-t-on à un « grand remplacement » musical?


4 ans après la tuerie du Bataclan, l’histoire nous montre que le rock était déjà condamné, avant d’être achevé à coups de Kalachnikov.

Dans les années 80 et 90, la scène rock était incandescente.

Inspirée, singulière, libre, déversant riffs et textes incisifs, elle envahissait tout ce qui était susceptible de recueillir ses décibels: les salles tournaient à plein régime, les plateaux TV autorisaient encore les groupes à jouer en live, et les radios n’étaient pas allergiques à la saturation des guitares. Du prolo à l’étudiant bourgeois, elle était diverse de ses origines. Immigrés de première et deuxième génération y prenaient place, tels Rachid Taha et Carte de Séjour, ou encore la Mano Negra. Cette vague était électrique, engagée. De Noir Dez’ aux Bérus en passant par FFF, le rock était un cri de ralliement qui peu à peu se taira dans la rentabilité du marché et l’avènement d’une industrie musicale lisse et formatée. Son bourreau est une hydre à deux têtes; avec le consentement de nombreux acteurs médiatiques et économiques, le rock a été étranglé par le conformisme mondialisé, feutré, et la pression culturelle du wesh.

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En quelques années, tout ce paysage a donc été balayé pour muter en un royaume de la musique électronique et urbaine. Les salles alternatives, rock et punk, ont fermé à tour de bras. Parmi la dizaine de lieux, rien qu’à Paris, qui ont subi ce sort, un des plus marquants reste La Flèche d’Or qui deviendra bientôt… un pub d’une franchise bien connue. La purge est au moins aussi spectaculaire dans les radios. Skyrock (vous avez dit « rock » ?) a été la première à se travestir pour chanter aux oreilles des banlieues, troquant son cuir pour un survet’. Radio publique, (Le) Mouv’ lui a plus tard emboîté le pas en vendant son âme au rap.

Victime de son ouverture à l’autre

La mort du rock est-elle le symbole de la mutation culturelle ? A-t-on gagné au change ? Que ça nous plaise ou non, notre époque sied davantage aux musiques urbaines: perte de conscience politique, ode à l’hédonisme, culte de soi, argent roi, créativité accessible à tous (surtout à ceux qui ne maîtrisent aucun instrument). La victoire du rap est surtout la conséquence de l’ouverture forcée à l’autre.

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Remplis de bons sentiments, se déchaînant lors du concert de SOS Racisme organisé à la Concorde en 1985, les groupes espéraient une fin de carrière plus glorieuse. Aujourd’hui trahis, rares sont ceux que la passion continue à animer. Ils se voient relégués au statut de chanteurs pour public nostalgique désireux d’entendre encore une guitare résonner comme on irait au musée. L’émancipation qu’offrait le rock, transposée dans le monde des rappeurs, s’est transformée en un déballage narcissique et fastueux. Les vidéos prises à l’intérieur du bus de l’équipe de France nous confirment la profondeur de cette musique qui a envoyé à la déchetterie des conteneurs entiers d’amplis Marshall.

Le Bataclan en guise de champ du repos

Déjà à l’agonie, on n’imaginait pourtant pas que le terrorisme se chargerait de lui donner le coup de grâce. Le soir du 13 Novembre 2015, un commando de jeunes français, armés jusqu’aux dents, a fait taire les power chords des Eagles Of Death Metal, en tirant froidement sur la foule venue s’en irradier. Les pires prédictions n’auraient pas pu dessiner plus grand symbole: le rock est à terre, baignant dans la bière et l’hémoglobine de ses fans. Les larsens sont venus mourir dans la symphonie des balles. Les médiators ne serviront plus qu’à se curer les dents.

Paradoxalement, jamais l’esthétique rock n’aura été aussi présente dans notre société. Les vitrines des grands magasins débordent de ceintures à clous et de perfectos, tout le monde porte des t-shirts de groupes dont il ignore la moindre mélodie, à la manière des hipsters qui arborent des portraits de Chirac en mode « thug life ». Le rock résonne parfois encore à la TV, mais c’est pour nous vendre une voiture ou un rasoir. Créature céphalophore, victime d’un progressisme qui n’a même pas pris la peine de dissimuler sa lame ensanglantée, elle finira sa chute dans les livres d’histoire, pour apporter la légèreté nécessaire à l’appropriation de notre terrible passé colonialiste.

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Le piège du « musicalement correct français »

Je laisserai ma conclusion au disparu Fred Chichin des Rita Mitsouko, duo génial et iconique dont l’œuvre est difficilement qualifiable de réactionnaire, qui peu de temps avant sa mort confiait à Télérama (!) s’être fait « piéger par le musicalement correct français » puis ajoutait : « Je suis resté deux mois avec une quarantaine de rappeurs. C’est édifiant sur le niveau et la mentalité… Le rap a fait énormément de mal à la scène musicale française. C’est une véritable catastrophe, un gouffre culturel. La pauvreté de l’idéologie que ça véhicule : la violence, le racisme anti-blancs, anti-occidental, anti-femmes… C’est affreux. »

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Rétablir la vérité sur l’Opération Turquoise

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Génocide rwandais. Depuis vingt-cinq ans, les accusations enflent contre l’armée française et son rôle présumé pendant l’opération Turquoise en 1994. Dans son ouvrage « Rwanda, la vérité sur l’Opération Turquoise », le journaliste Charles Onana enquête et fait parler les archives (notamment celles du Tribunal pénal international et du Conseil de sécurité de l’ONU). Il nous présente ses découvertes.


Chercheurs, journalistes, militants associatifs et surtout l’actuel régime de Kigali s’acharnent à soutenir régulièrement que les militaires français, qui se sont déployés dès le 22 juin à Goma (Zaïre), puis les jours suivants au Rwanda, ont commis ou soutenu les pires crimes contre l’Humanité dans ce pays. Un ancien officier français, Guillaume Ancel, est d’ailleurs venu prêter main forte aux accusateurs déjà nombreux, apportant, à travers ses interventions publiques, une forme de crédit ou de « légitimité » à ces accusations.

Les autorités rwandaises chargent les Français

Simplement, peu de personnes ont pris le temps d’examiner le bien-fondé de ces accusations ou les preuves apportées par les accusateurs pour étayer leurs dires. C’est bien l’exercice auquel je me suis astreint pendant plus de dix ans en interrogeant des témoins clés et en scrutant diverses archives dont celles du conseil de sécurité de l’ONU, de la Mission des Nations Unies pour l’Assistance au Rwanda (MINUAR), de l’Élysée, du président Clinton et du ministère français de la Défense. Au-delà de la distance critique nécessaire vis-à-vis de toutes ces archives, la meilleure garantie d’obtenir un résultat irréfutable dans l’examen des accusations a été l’analyse de la stratégie militaire des acteurs présents sur le terrain. Ainsi, j’ai passé au crible l’action militaire de la force multinationale Turquoise, celle de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) dirigée par Paul Kagame, celle des Forces Armées Rwandaises (FAR) et, in fine, celle des casques bleus de la MINUAR.

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Cette précaution permet, en cas de non-divulgation de certains documents pour des raisons propres au secret-défense ou à la raison d’État, de saisir les véritables ordres donnés aux soldats mais aussi les objectifs politiques poursuivis par les uns et les autres. L’action militaire finit par trahir la prescription politique.

En outre, mon hypothèse de départ était de considérer que les accusations portées contre l’Opération Turquoise étaient vraies, mais qu’il fallait toutefois prouver leur véracité. Ainsi, je suis allé à la recherche des preuves et des sources sur lesquelles les accusateurs se sont appuyés. Ma surprise fut grande tant les articles publiés étaient pauvres, les déclarations creuses, incohérentes et truffées d’erreurs factuelles. Pour être précis, il est nécessaire de prendre des exemples de ce qui est allégué tantôt par les autorités rwandaises elles-mêmes, tantôt par des journalistes ou des militants français.

La première accusation est que les soldats de l’opération Turquoise sont partis au Rwanda non pas pour effectuer une mission humanitaire décidée par le Conseil de sécurité de l’ONU mais plutôt pour soutenir un régime hutu en perdition. Le soutien de la France serait donc, d’après le ministre rwandais de la Justice, Tharcisse Karugarama, à la fois « diplomatique et militaire ». Cette accusation, clairement formulée dans un communiqué du 5 août 2008 par le régime de Paul Kagame, repose sur le seul fait que l’ancien ministre rwandais des Affaires étrangères Jérôme Bicamumpaka avait été reçu au Quai d’Orsay vers la fin du mois d’avril 1994. Cette visite, qui avait pour but d’obtenir un appui des autorités françaises pour freiner l’escalade de la violence et un cessez-le-feu entre les rebelles tutsis de l’APR et les forces gouvernementales hutues (FAR), s’est soldée par un échec. Les dirigeants français ayant refusé de donner la moindre suite au ministre rwandais des Affaires étrangères que les rebelles traitaient déjà de « génocidaire ».

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Après examen des documents des ministères français de la Coopération et des Affaires étrangères, le seul fait d’avoir reçu monsieur Jérôme Bicamumpaka serait en soi la preuve d’un soutien de la France aux « génocidaires ». Aucun autre élément n’est apporté à l’appui de cette accusation. Quant à la position de la France au Conseil de sécurité, il n’existe aucune déclaration, aucun document attestant d’un quelconque soutien de la France au gouvernement intérimaire auquel appartenait l’ancien ministre rwandais des Affaires étrangères ; preuve supplémentaire, ce ministre a été acquitté de tous les chefs d’accusation devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR). La conclusion sur ce point est que même si les dirigeants français ont accueilli monsieur Bicamumpaka en avril 1994, ils n’ont jamais reçu à travers lui un « génocidaire » comme cela est inlassablement répété depuis deux décennies ! Ainsi, l’accusation de soutien « diplomatique » de la France à de prétendus « génocidaires » ne repose finalement sur rien.

La deuxième accusation habituelle est la livraison d’armes par des éléments de l’opération Turquoise aux FAR en territoire zaïrois. Elle est soutenue par le même ministre Tharcisse Karugarama, et amplifiée par le journaliste Patrick de Saint-Exupéry et depuis un certain temps par le capitaine Guillaume Ancel, qui était à l’époque officier au sein de l’Opération Turquoise.

Le journaliste Patrick de Saint-Exupéry et l’officier Guillaume Ancel incapables de produire des preuves

La source sur laquelle s’appuient les dirigeants rwandais actuels serait une déclaration du colonel Luc Marchal, officier belge de la MINUAR qui a préfacé mon ouvrage. Celui-ci m’a confirmé n’avoir jamais déclaré avoir vu une livraison d’armes des militaires français aux FAR.

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Quant au journaliste Patrick de Saint-Exupéry, il a constamment brandi un mystérieux témoin anonyme qui serait un haut fonctionnaire de l’Élysée. Sommé par les juges au tribunal de grande instance et de la cour d’Appel de produire des preuves relatives à ses accusations contre les militaires de l’Opération Turquoise suite à une plainte de ces derniers, il s’est présenté, à chaque audience, les mains vides et sans la présence du « haut fonctionnaire de l’Élysée » dont on ne sait s’il a jamais existé.  Au final, il a été condamné à deux reprises et les magistrats de la cour de cassation ont même estimé que ce qu’il impute aux soldats de Turquoise ne repose pas « sur une base factuelle suffisante » autorisant leur mise en cause. Le capitaine Ancel, soutenant les mêmes accusations que Patrick de Saint-Exupéry, n’a pas, non plus, apporté, au-delà de ses déclarations péremptoires, d’éléments précis permettant de savoir à quels officiers des FAR les armes auraient été livrées et quelles armes précisément auraient été livrées en juillet 1994. L’autre problème avec cet officier français est qu’il a rédigé un rapport de fin de mission le 15 septembre 1994 sans faire une seule fois état d’une quelconque livraison d’armes aux FAR et qu’il a accordé une interview à la Nouvelle Revue d’Artillerie publiée en décembre 1994 sans mentionner cette livraison d’armes. Au surplus, les actes évoqués dans ce réveil tardif et totalement imprécis seraient en contradiction totale avec les instructions du chef d’état-major de l’armée française, l’amiral Lanxade, et avec la politique conduite par le président François Mitterrand et par le Premier ministre Edouard Balladur. Aux vues des réserves extrêmes de ce dernier, aucun militaire de Turquoise ne pouvait prendre un tel risque au demeurant non conforme au mandat de l’ONU.

En examinant seulement ces quelques accusations qui prospèrent depuis vingt-cinq ans dans nombre de médias français et dans certains milieux universitaires, elles apparaissent toutes fragiles, inconsistantes voire erronées.

Rwanda, la vérité sur l’Opération Turquoise, édition de l’Artilleur, 666p., 2019. Préface du colonel Luc Marchal ; commandant des casques bleus au Rwanda- secteur Kigali.

Rwanda, la vérité sur l'opération Turquoise: Quand les archives parlent

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Extension du domaine du gaucho 

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Dans Mémoire sur la pampa et les gauchos, Adolfo Bioy Casares  (1914-1999) se lance à la recherche de l’homme de la pampa argentine.


Tous les 6 décembre, en Argentine, on célèbre le gaucho dont la typologie demeure assez floue, même sur ses terres d’origine. Sous l’Équateur, cet individu ne correspond en rien au portrait de son homologue européen, voire de sa définition française. Quand on parle de gauchos dans l’hexagone, le pluriel est de rigueur. Il y a un parfum de fumigène dans l’air, des relents de révolte minière, un goût certain pour la pétition virale et la pratique sportive du lancer de pavés en milieu urbain. Les gauchos de nos latitudes avancent toujours groupés et se nourrissent essentiellement de merguez trop grillées durant de longues marches. Le cri strident de la sono en moins, nous touchons là à un point de convergence des combats sociaux, une passion pour le barbecue, sincère et enjouée, aussi vivace des deux côtés de l’Atlantique.

« L’homme de la pampa parfois rude reste toujours courtois ». Audiard

Vacher fier et brave

Chez nous, particularismes régionaux obligent, les gauchos sont aussi remontés qu’un député radical-socialiste de la IVème République à la buvette de l’Assemblée après un déjeuner chez Lipp ou qu’un Poperéniste à la fin du Congrès de Rennes. En Amérique latine, le gaucho serait plutôt une sorte de cavalier agraire, gardien de troupeaux aux étendues infinies, vacher fier et brave, paysan anobli sous le harnais des chevaux sauvages, cow-boy un peu moins frelaté par l’imagerie hollywoodienne.

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Les petits argentins s’identifient à ces figures légendaires, héros des luttes d’Indépendance et témoins de l’Homme seul face aux défis de la nature. Ils apprennent leurs manières et leur caractère tempétueux sur les bancs de l’école. Que savons-nous vraiment de ces courageux arpenteurs d’espaces vierges, à l’exception du folklore véhiculé par l’inaccessible Rudolph Valentino? Leur univers nous reste aussi mystérieux qu’une élection interne ou une investiture dans un parti politique.

Casares, argentin sauce béarnaise

Cet automne, vient de (re)paraître chez Héros-limite dans la collection géographie(s), un texte datant de 1970 signé Adolfo Bioy Casares (1914-1999), écrivain argentin d’ascendance béarnaise proche de Borges. Mémoire sur la pampa et les gauchos se présente comme un essai court et vif, piquant et drôle sur un monde qui nous échappe totalement. Casares y dévoile une plume assez féroce, pleine d’ironie et de tendresse pour ces étranges personnages de la campagne. Sa démonstration s’appuie sur des extraits de romans, des témoignages et des souvenirs d’enfance. Pourquoi une telle fascination pour le gaucho alors que le sort de nos agriculteurs suscite un profond désespoir dans nos contrées? Casares l’explique ainsi: « Le vague désir que nous avons tous, nous, habitants d’un monde progressivement accaparé par la ville, de disposer d’un ancêtre indocile auquel nous identifier, a répondu ardemment à la poésie des gauchesques, aux récits de Lynch et de Güiraldes, peut-être aussi à certains modes de diffusion plus larges : ensembles de musiciens et de zapateadores, musées, monuments, hommages, le discours officiel ».

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La perception du gaucho est aussi bien une affaire sentimentale que nationale, elle renvoie aux lectures, aux fantasmes et aux récits populaires. Selon l’érudit, la geste gauchesque s’est même répandue chez les jeunes paysans.

Gauchoïsation des esprits

L’Argentine était en voie de « gauchoïsation » dès les années 1970. Il y décelait une volonté de rédemption. « Chez plusieurs générations d’Argentins, le gaucho a suscité des sentiments contradictoires, cependant le personnage est tellement ancré non seulement dans l’affection, mais dans le respect de tous, qu’aujourd’hui nous sommes presque scandalisés au souvenir de la défaveur dont il a souffert à d’autres époques » écrit-il.

L’autel du gaucho était donc devenu un intouchable consubstantiel de la nation argentine. Ce livre donne surtout envie de se plonger dans la culture gauchesque et d’aller encore plus loin dans son étude. Et puis, rappelons que c’est un français, Michel Audiard, qui fut le premier à théoriser l’esprit du gaucho dans une saillie à jamais indépassable : « l’homme de la pampa parfois rude reste toujours courtois ».

Mémoire sur la pampa et les gauchos, Adolfo Bioy Casares – Héros-limite.

Finkielkraut fait les frais de la nouvelle campagne de pub de Caroline de Haas

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Suite à une galéjade sur le viol lors d’un débat télévisé, la sphère néoféministe et les réseaux sociaux en sont arrivés au point de vouloir interdire l’émission de France Culture du philosophe.


Les dés étaient pipés dès le début. Comme dans une tragédie de Racine, tout était en place pour que cela se termine en catastrophe !

Rappelons les faits. Alain Finkielkraut était un des invités d’une émission de David Pujadas le 13 novembre sur LCI. Ce soir-là, « La grande confrontation » proposait un débat avec entre autres l’entrepreneure féministe Caroline de Haas. Et confrontation il y eu.

Caroline de Haas: une « militante » très premier degré

Le philosophe, lassé de subir le moulin à prières du catéchisme féministe, l’éternel couplet sur Polanski et la « culture du viol », après avoir essayé vainement d’argumenter, a eu le malheur d’employer l’ironie.

« Violez, violez, violez, je dis aux hommes: violez les femmes. D’ailleurs je viole la mienne tous les soirs et elle en a marre. » Il s’agit bien sûr d’une antiphrase, l’utilisation d’un mot, d’une locution dans un sens contraire au sens véritable par ironie ou euphémisme. Qui n’a jamais dit « il fait beau » un jour de pluie?

Mais l’occasion était trop belle, par le processus désormais bien connu de la citation sortie de son contexte, et de vidéos coupées au montage, Alain Finkielkraut devint, une fois de plus, l’homme à abattre.

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Twitter fut submergé d’appels au lynchage du philosophe, qualifié de violeur en puissance, notamment de la part du collectif NousToutes, nouvelle officine victimaire de Caroline de Haas, qui s’assura une belle publicité. Je ne reproduirais aucun de ces tweets indignes, car malheureusement, rares furent les twittos qui exhortaient à remettre les propos dans leur contexte.

Le camp progressiste ne fut pas en reste, Le Monde en tête, qui – avec sa titraille racoleuse « Je dis aux hommes violez les femmes: ce qu’a déclaré Alain Finkielkraut sue LCI » – nous conduit à la limite de la fake news. Le journal se fait complice de l’exécution médiatique du philosophe, n’ignorant pas que les internautes se contentent des titres pour propager la haine.

Une pétition change.org fut vite mise en ligne pour interdire l’émission hebdomadaire « Répliques » qu’anime le philosophe le samedi matin sur France Culture. Cerise sur le gâteau, le PS se joint également à De Haas pour condamner ces propos, et je découvre ce matin que même Marlène Schiappa la remercie  « Merci à Caroline de Haas d’avoir rappelé la loi en direct à la télévision hier. »

La coupe est pleine et ma colère est froide

Plus distante, mais néanmoins salvatrice dans cet océan de boue, est la colère de Peggy Sastre, philosophe et auteur rigoureuse, ma consœur à Causeur. Voici sa réaction sur Facebook:

Finkie le gros « apologiste du viol » incite à la prudence et à la vérification, mais dans le monde des champions de l’agit-prop, on sait bien que le pourcentage de gens à se fatiguer de la sorte sera largement supplanté par les partages indignés en masse, masse qui deviendra l’argument clé du récit faisant passer les vérificateurs et les prudents pour les affreux complices de violence, discours qui à son tour servira à intimider de futurs prudents…

Il n’y a pas grand-chose à ajouter à cette parfaite analyse du panurgisme mortifère des réseaux sociaux.

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Cependant il serait temps que des voix s’élèvent. Je ne sais comment. Je ne sais lesquelles. Mais il va bien falloir un jour mettre à mal cette dictature de l’émotion.

Comme je l’avais analysé dans un précédent papier sur Sandra Muller, les féministes ont perverti les discours et ont plongé le féminisme et plus globalement le débat public dans une dictature de la névrose. A force d’incantations victimaires, d’accusations abusives, de créations de concepts délirants comme la « culture du viol » ou encore « la charge mentale » dans le seul but de faire régner un nouvel ordre moral, la parole est confisquée. Dans les fantasmes les plus fous de ces militants, la sexualité serait abolie. Pire, ces entrepreneurs en  « victimologie » se fichent du sort des réelles victimes de violences, en réalité.

Quant au mensch Finkielkraut, son seul tort – mais aussi son immense force – est d’essayer d’opposer un discours qui fait appel à la raison face à ce déferlement de propos insensés, au sens littéral. Cet homme, héritier à la fois des Lumières, de l’Honnête Homme du XVIIeme siècle et des controverses rabbiniques, n’est plus de notre temps, où la déraison semble avoir gagné la partie.

Métèque au sens noble du terme, avec votre nom à prononcer si difficile, Alain Finkielkraut, vous méritez un respect infini. Pour terminer sur une note douce-amère, car les chansons consolent, je convoque Michel Sardou, autre réac’ magnifique: nous sommes en plein voyage en absurdie.

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En une métaphore, Macron met K.O l’OTAN

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Le président français a affirmé dans The Economist que l’Otan est en état de « mort cérébrale. » Une formule destinée à marquer les esprits. Analyse.


Rien n’est plus puissant qu’une métaphore pour marquer les esprits. Cette figure de rhétorique consiste à établir une stricte équivalence entre deux choses n’ayant pas la même modalité d’existence, qui n’appartiennent pas au même champ de l’expérience. Or, la métaphore n’est pas une « figure de style » parmi les autres, comme on le fait croire à des générations d’écoliers. En agissant sur les esprits, elle agit sur le réel. Ainsi, quand le général de Gaulle rédige son «Appel du 18 juin 1940», il recourt à la métaphore ésotérique du feu prométhéen afin de faire renaître l’espérance et l’esprit d’initiative dans le cœur de chaque Français : « La flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas ».

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En un instant, les cœurs se sont embrasés dans les poitrines, le feu-toujours-vivant de la Résistance s’est allumé et le cours de l’histoire, que l’on croyait inéluctable, s’est infléchi.

« Mort cérébrale »

Toutefois, l’emploi d’une métaphore comporte un risque : dissimulant la pensée réelle derrière le voile de l’allégorie, elle peut être incomprise par l’opinion. Ainsi, on a beaucoup glosé sur la signification de la formule choc du président Emmanuel Macron selon laquelle l’Otan est en état de « mort cérébrale ». A l’heure où le bien-fondé de l’existence de l’Alliance est remis en cause, la question se pose: Emmanuel Macron entend-il graver sa métaphore dans le marbre de l’histoire au même titre que celle du général De Gaulle ? Après tout, l’appel d’Emmanuel Macron a été lancé de Londres, à travers l’hebdomadaire britannique The Economist auquel il a accordé jeudi 7 novembre 2019 son interview… L’histoire le dira. En tout état de cause, sa formule interpelle tant elle se prête à diverses exégèses.

The Economist November 9th 2019
The Economist November 9th 2019

Qu’a vraiment voulu dire Emmanuel Macron par cette formule ?

Partout dans les médias, on nous a dit que cette métaphore macabre traduisait un état de fait : l’Alliance a perdu sa vocation depuis la chute de l’Empire soviétique. Sans ennemi, qui combattre militairement? Certes, l’islamisme est devenu ce nouvel et redoutable adversaire.

L’impact désastreux de l’OTAN dans le monde arabe

Sans nul doute possible, c’est bien l’Occident – et les Etats-Unis en première ligne – qui ont provoqué sa formidable expansion mondiale. Ce sont bien les Etats-Unis qui ont armé les islamistes, du temps de la Guerre froide, pour combattre indirectement les Communistes et affaiblir les nationalismes arabes. C’est bien dans le cadre de missions otaniennes en Irak, en Libye et Syrie que, depuis 2003, ces pays sont plongés dans le chaos, avec les répercussions que l’on sait sur le sol européen. Emmanuel Macron a raison : l’Otan est en état de « mort cérébrale » parce que la géopolitique de Alliance est un désastre.

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Mais on nous a aussi expliqué que Macron faisait du Trump, dont on connaît l’appétit pour les métaphores chatoyantes. En d’autres termes, le président français alignerait sa rhétorique sur celle du président américain. C’est exact : dans ce monde fait de bruit et de fureur, le président français sait bien qu’on ne parvient pas à interpeller l’opinion sans employer des morts forts, des mots crus, des mots qui sidèrent. La polémique est nécessaire pour attirer sur soi la lumière et faire bouger les lignes. Il faut provoquer, c’est-à-dire « appeler dehors », « faire venir », « faire naître ». Ce fut efficace : la métaphore du président Macron a suscité des réactions aux Etats-Unis et au sein de l’Union européenne. Le Secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, la chancelière allemande Angela Merkel, le premier ministre polonais Mateusz Morawecki ont exprimé leur indignation tandis qu’en Russie, on applaudissait. Le président turc Recep Tayyip Erdogan choisit d’attendre le mercredi 13 novembre, alors que la France commémore, pour qualifier d’ « inacceptables » les propos d’Emmanuel Macron. »

Macron veut son Europe de la Défense

Tel était l’effet désiré par Emmanuel Macron : « faire venir » de toute part les critiques pour « faire naître » l’Europe de la défense. Oui, derrière les mots choquants se profile l’appel à l’unité européenne, un appel solennel aux Etats membres afin qu’ils prennent enfin leur destin en main et qu’une armée européenne voit le jour. Pour en finir avec l’Europe-espace, il faut faire vivre l’Europe-puissance ! Bien sûr, personne n’est dupe: demain, la France deviendrait le leader de cette Europe de la Défense. Depuis la création du Fond Européen de Défense (FED) lancé en juin 2017 suivie de l’Initiative Européenne d’Intervention (IEI) lancée le 25 juin 2018, Emmanuel Macron veut convaincre les partenaires européens d’agir collectivement et de développer une culture stratégique commune. Sous l’égide de la France éternelle.

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Mais la géopolitique est une chose; la querelle virile en est une autre. A force de gloses et d’exégèses, à force de chercher le sens caché des mots, on en oublie le superflu. On en oublie l’ironie voltairienne. Nulle part dans les médias n’a été rappelé que le chef symbolique de l’Otan, c’est Donald Trump. Oublierait-on que les relations entre les présidents français et américains sont tendues ? Ainsi, quand Emmanuel Macron déclare que l’Otan est en « état de mort cérébrale », ne sous-entend-il pas aussi et de façon plus triviale que Donald Trump est un con?

Nanterre: les antifas plombés


A l’occasion des élections universitaires à Nanterre, les antifas ont encore brillé par leur sens de la démocratie.


Des élections universitaires se sont tenues en octobre à la faculté de droit de Nanterre.

Généralement, ce genre d’événement se déroule dans le calme et l’indifférence puisque la participation n’y excède guère les 10 %. Historiquement, le département juridique de la faculté de Nanterre attire tous les rejetons de la classe bourgeoise de l’Ouest parisien. Leurs études de droit, assez exigeantes, les mettent à l’abri des cheveux bleus, échoués dans les amphithéâtres voisins de lettres et sciences humaines. Lesquels sont connus pour servir de clientèle électorale à l’UNEF, dont la faculté est aussi un fief : c’est d’ici que sont partis les événements de Mai 68.

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Pour faire face à la contestation gauchiste, les mouvements de droite universitaire ont dû s’organiser au fil des ans. Ainsi, le 17 octobre, une quarantaine de militants de la Cocarde étudiante est venue tracter le jour du scrutin. Des antifas, membres de l’UNEF ou du NPA, ont alors déboulé masqués, casqués, armés de matraques, de parapluies et de bombes de gaz lacrymogène. Leurs griefs ? La Cocarde défend des positions aussi inacceptables que la « sélection sociale » et la « préférence nationale à l’université », tout en entretenant des amitiés odieuses avec « Marion Le Pen et Éric Zemmour ».

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Aux yeux de leurs agresseurs, ces étudiants gaullistes et souverainistes signeraient le retour du fascisme à l’université, que l’on pensait pourtant en recul depuis Koursk et Stalingrad. Heureusement, les CRS ont fini par séparer les deux groupes.

Bilan des urnes : la Cocarde a rassemblé 20 % des voix, au nez et à la barbe velue des antifas.

Faire des « sorcières » les icônes du féminisme est absurde

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A l’heure où Marlène Schiappa signe une tribune visant à réhabiliter les sorcières, Barbara Lefebvre dénonce sur REACnROLL cette glorification de la figure du mal féminin, la réécriture de l’histoire et le brouillage des repères dans les fictions destinées aux enfants, et les conséquences que cela implique.


Causeur vous propose de lire un extrait d’une intervention récente de Barbara Lefebvre sur REACnROLL. La chroniqueuse constate que désormais, dans les films Disney, les méchants ne sont plus vraiment des méchants, mais de pauvres personnages victimes de discrimination…

Verbatim

Faire aujourd’hui des sorcières des icônes de la libération de la femme ou d’un féminisme avant l’heure est complètement absurde, anachronique et faux. Cela me terrifie. On vit à une époque où parce qu’on est ministre ou président de la République, on peut dire n’importe quoi sur des périodes de l’Histoire, et d’ailleurs plus on les prend loin dans le temps mieux ça vaut, pour essayer de construire des récits sur aujourd’hui, pour justifier un discours politique de la bien-pensance, du néo-féminisme, du néo-antiracisme etc…

Ce phénomène-là, je le vois aussi dans la propagande culturelle qui nous vient des Etats-Unis depuis un certain nombre d’années, qui consiste à une inversion complète des valeurs à travers l’inversion des personnages…

Cela porte également préjudice aux études historiques.

Nous avons des jeunes historiens aujourd’hui qui sont aussi dans cette logique du buzz, c’est-à-dire de chercher des sujets de niche qui peuvent les mettre sur le devant de la scène. Aujourd’hui par exemple, quand on est historien et qu’on veut écrire une thèse, on doit trouver un sujet porteur pour se faire remarquer du monde académique où hélas, se développe cette mode des sujets de micro-histoire ou de sujets soit-disant « sulfureux ». En réalité, cela porte préjudice à l’étude historique.

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Ce phénomène-là, je le vois aussi dans la propagande culturelle qui nous vient des Etats-Unis depuis un certain nombre d’années, qui consiste à une inversion complète des valeurs à travers l’inversion des personnages. Ayant une enfant en âge de regarder ces niaiseries que sont les séries Disney notamment, je me rends compte que vous avez toute une réécriture des histoires de Disney, notamment La belle au bois dormant avec le personnage de Maléfique.

Maléfique a fait l’objet d’un film, avec Angelina Jolie, tome 1 et tome 2, puisqu’il y a eu la version numéro 2 qui est assez édifiante aussi et où finalement Maléfique n’est pas la méchante sorcière qu’on imaginait naïvement… En fait, Maléfique se révèle être la mère adoptive d’Aurore, la belle au bois dormant, puisqu’elle va finalement l’accueillir étant donné qu’Aurore décide que c’est sa mère son parent d’intention car son père, le roi, s’avère être un très méchant roi et au final c’est Maléfique qui se trouve être le personnage positif.

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Dans Maléfique 2, la suite, c’est carrément le monde de Maléfique qui est un monde de monstres, de trolls etc, qui s’avère être discriminé, dans un état de quasi-apartheid, par le monde des humains, à savoir le royaume du descendant du père d’Aurore ! Aurore fait le go-between entre ces deux mondes, et c’est Michelle Pfeifer qui s’avère être le personnage qui persécute Maléfique… [La sorcière] n’est donc plus une méchante mais une gentille et vous avez toute une série de productions Disney sur ce thème. Vous avez une autre série qui s’appelle Descendants, ils en sont au troisième volet. Dans ces films, tous les enfants des méchants ne sont pas des méchants mais des gentils qui vont réussir à se mêler au monde bien-pensant.

Je vois à travers tout ce récit une façon d’insuffler dans les esprits des nouvelles générations que le méchant n’est jamais méchant et que lorsque le discours général vous dit que c’est un méchant, en réalité c’est sans doute que c’est un gentil.

Je trouve cette incapacité récente à donner aux enfants des repères clairs, qui sont les repères simplistes des contes, problématique. [Autrefois] il y avait le méchant et il y avait le gentil. Et ensuite, quand on commençait à avoir un esprit critique un peu affûté, quand on devenait adulte, on n’était effectivement plus dupe de ce côté binaire des récits des contes et légendes. Mais ces contes et légendes, dans leur récit binaire, nous aident aussi à nous construire dans notre capacité à être dans un discernement moral.

Aujourd’hui, je ne vois pas comment les enfants peuvent avoir ne serait-ce qu’un début de discernement moral puisqu’on leurs explique systématiquement que le méchant n’est pas méchant, que le grand méchant loup, il n’était pas si méchant que ça, et puis après tout « peut-être que la grand-mère elle avait envie de se faire manger par le grand méchant loup. » Je trouve que c’est absolument sidérant et cela nous prépare une génération qui va être incapable d’avoir le moindre discernement moral et ça m’inquiète, c’est pourquoi cette histoire de sorcières [Marlène Schiappa NDLR] n’est pas aussi anecdotique qu’on croit, elle s’insère vraiment dans un discours général qu’on tient… aux enfants.

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Les cinq bobards des journalistes français sur le Brexit

 


Hostiles au Brexit jusqu’à l’aveuglement et n’y comprenant rien, de pseudo-experts médiatiques français répètent avec un art consommé du psittacisme un certain nombre d’approximations hâtives, de demi-vérités et d’erreurs d’appréciation. Décryptage.


« Dire la vérité n’est […] un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité. » Ainsi parlait Benjamin Constant [tooltips content= »Dans le texte connu aujourd’hui sous le titre Le Droit de mentir. »](1)[/tooltips]. On peut se demander si les Français ont droit à la vérité. En sont-ils même dignes ? S’agissant du Brexit, la réponse est non. Depuis des mois, les médias français répètent inlassablement un certain nombre d’approximations hâtives, de demi-vérités et d’erreurs d’appréciation. Ces poncifs erronés circulent de plateau télé en feuille imprimée, énoncés toujours d’un air docte et avec un psittacisme irréprochable qui préfigure la grande volière de Parrot World dont l’ouverture est prévue l’année prochaine à Crécy-la-Chapelle. Entre le recours à la perfide Albion comme repoussoir, la paresse intellectuelle et la mentalité de troupeau (l’esprit de gramophone, disait Orwell), les raisons de cette avalanche de banalités inexactes varient. N’est constant que le paradoxe du modèle économique des médias en France. Celui-ci repose sur l’exploitation d’une armée de vagues commentateurs et spécialistes, qui doivent meubler entre les titres du journal et les spots publicitaires, et sont ainsi obligés de donner libre carrière à leurs préjugés nationaux et idéologiques tout en prenant un air très savant. Il y a certes des exceptions honorables, mais comment le non-spécialiste peut-il les distinguer dans le lot des jongleurs de mots prétentieux ? Pour se repérer dans ce paysage instable, voici le palmarès des cinq lieux communs les plus discutables :

#1 « Boris Johnson est un menteur… »

« Qui est cet imposteur universel dont on parle tant ? » demande un personnage de Mademoiselle de Scudéry dans son dialogue, Du mensonge. On croirait qu’il s’agit du Premier ministre britannique, tel qu’il est dépeint par nos experts médiatiques, pour qui sa caractéristique la plus essentielle serait une mythomanie qui le différencie des autres politiciens. Ceux qui propagent cette idée sont apparemment persuadés de nous révéler une grande vérité. Pourtant, le politicien qui ne ment pas n’existe pas. « Supermenteur » était le surnom de qui ? Ah oui, de Jacques Chirac, dont la France vient de célébrer la mémoire avec autant de louanges que d’affection. On objectera que Johnson et Chirac, ce n’est pas la même chose. Ce n’est jamais la même chose, selon qu’on prend le politicien dont il s’agit en affection ou non. Traiter Boris Johnson de menteur dès le début de son mandat était tout simplement une tentative de le disqualifier avant qu’il ne fasse quoi que ce soit.

#2 « Boris Johnson fait semblant de négocier avec l’Union européenne… »

Dès avant son arrivée au 10 Downing Street, Boris Johnson avait annoncé qu’il voulait que le Royaume-Uni quitte l’UE le 31 octobre, qu’il fallait envisager une sortie sans accord, mais qu’il croyait possible de négocier un tel accord avant la date fatidique. Nos experts ayant pénétré les voies mystérieuses de la Providence divine, ont asséné à maintes reprises que non ! Johnson ne cherchait pas vraiment à pactiser avec Bruxelles. Car, en partisan fanatisé du Brexit, il visait le « no deal », et les négociations n’étaient qu’une comédie pour préparer le jeu des reproches qui suivrait inévitablement le départ « désordonné » du Royaume-Uni.

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Ici, il s’agit d’une erreur de logique contre laquelle le cardinal de Retz nous met en garde dans son Discours sur l’hypocrisie : « Si le contraire de ce que dit le menteur était toujours vrai, […] on trouverait la vérité de son intention dans la contrariété de ses paroles. » En fait, Boris Johnson a bel et bien négocié et il a conclu un accord avec les Vingt-Sept. Le devoir du commentateur authentique consiste à distinguer le vrai du faux dans les paroles et les actes d’un politicien, plutôt que de tout mettre dans le même sac.

#3 « Michel Barnier a dit… »

Les phrases qui commencent ainsi constituent les révélations les plus paresseuses de nos experts, car n’importe qui peut lire les déclarations peu prolixes et les communiqués de presse laconiques du très discret eurocrate français. En plus de la fainéantise, la simple reproduction des interventions témoigne d’une incapacité à comprendre que M. Barnier est un négociateur occupé à mener des négociations. Quand il prend la parole en public, ce n’est pas pour exprimer véritablement un souhait, un reproche ou du dépit, mais pour prendre une position précise à un moment précis des tractations. Il est obligé de cacher son jeu. À la différence de ses très naïfs commentateurs, M. Barnier a fait sienne cette maxime de Vauvenargues : « La dissimulation est un effort de la raison, bien loin d’être un vice de la nature. » On nous répétait que, « selon M. Barnier », Bruxelles ne rouvrirait pas l’accord de retrait. Eh bien, n’en déplaise à ses thuriféraires, Bruxelles et M. Barnier l’ont fait.

#4 « Le système politique britannique est mis à mal par le populisme… »

Le Brexit serait l’une des nombreuses têtes de cette hydre nommée populisme qui menace nos démocraties. On définit généralement le populisme comme un effort pour discréditer les institutions politiques traditionnelles au nom de quelque vague « volonté du peuple », que tel ou tel démagogue prétend incarner. Pour les « experts », la cause est entendue : un référendum malavisé en 2016 a permis à une forme plébiscitaire de la démocratie de miner le vieux système parlementaire du Royaume-Uni ; les élites traditionnelles ont dû céder du pouvoir à une bande de voyous parvenus, comme Nigel Farage ; la démagogie de Boris Johnson fait fi de la Constitution et dresse le peuple contre les élus.

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La réalité est plus nuancée. Qui a voté la loi ouvrant au référendum de 2016 ? Qui a promis de respecter le résultat du référendum ? Qui a voté la loi déclenchant l’article 50 ? Et celle qui consacre le départ du Royaume-Uni de l’UE ? Réponse : le Parlement. On peut aller plus loin : qui s’est montré incapable de décider de la forme que prendra le Brexit ? Qui a refusé de ratifier les accords négociés avec Bruxelles ? Qui répugne à se dissoudre, préférant maintenir en place un gouvernement minoritaire ? Pour le meilleur ou pour le pire, c’est toujours – et plus que jamais – le Parlement qui détient le pouvoir au Royaume-Uni. Contre certaines apparences. Car, comme le dit l’Espagnol Baltasar Gracián dans L’Homme détrompé : « On ne saurait bien voir les choses du monde qu’en les regardant à rebours. » À rebours de ce que font nos experts patentés.

#5 « Le Parti conservateur britannique est devenu un parti de la droite dure… »

Le Brexit aurait permis à l’aile droite du Parti conservateur, incarnée par Boris Johnson, de prendre le pouvoir. L’exclusion d’une vingtaine de députés modérés semble confirmer ce jugement. On ne sait pas très bien ce qu’est l’aile droite du parti : des politiciens favorables au Brexit passablement nationalistes ; et probablement les enfants les plus fidèles de Margaret Thatcher. S’il y a un mot qui, aux yeux des intellectuels français, résume toute l’histoire, toute la pensée britannique, c’est « libéralisme », souvent qualifié de « sauvage » ou précédé du préfix « néo ». On évoque ainsi le spectre d’une Angleterre où tout a été déréglementé afin de créer une sorte de Singapour sur la Tamise, ultime fantasme cauchemardesque des Français au sujet de leurs voisins d’outre-Manche. Partielles et partiales, ces vérités confinent au mensonge. « Toutes les vérités seraient bonnes à dire si on les disait ensemble », dit Joseph Joubert. Certes, il y a au Parti conservateur quelques fanatiques nationalistes et quelques nostalgiques du thatchérisme. Mais la grande majorité des députés tories ne cherchent qu’à honorer le résultat du référendum avant de passer à autre chose. Le programme que propose Boris Johnson consiste surtout à dépenser beaucoup d’argent public sur la police, les hôpitaux et l’éducation.

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On m’objectera que les tabloïds anglais racontent des absurdités sur l’Europe. Cependant, peu de gens se tournent vers eux pour comprendre qui se passe. Les experts français prétendent eux, sans la moindre ironie, faire de la « pédagogie ». Leurs suppositions hâtives déguisées en analyses profondes induisent le public en erreur à propos d’un sujet essentiel. Comme le dit La Rochefoucauld : « Le désir de paraître habile empêche souvent de le devenir. »



Les missionnaires de la diversité ont fait le jeu de la fermeture

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Valerie Pécresse le 8 novembre, sur les lieux des dégradations commises a Chanteloup-les-Vignes © PATRICK GELY/SIPA Numéro de reportage: 00931681_000061

Les limites de « l’ouverture à l’Autre »


La montée du communautarisme inquiète les responsables politiques. Dans certains territoires, un islamisme politique tenterait de placer la charia au-dessus des lois de la République. Comment expliquer une telle dérive ? Les thuriféraires de la diversité ont-ils été les idiots utiles et paradoxaux d’une idéologie qui veut uniformiser les comportements et les pensées dans les « quartiers sensibles »? L’ouverture à l’Autre a-t-elle fait insidieusement le jeu de la fermeture ?

Une morale en noir et blanc

Diversité: voilà un mot qui sonne bien, et qu’il est de bon ton d’employer. En l’utilisant, vous vous placez sans grands efforts dans le camp du Bien. Dégainez votre opposition farouche aux frontières et votre approbation enthousiaste du multiculturalisme et de la mixité, et aussitôt toutes les portes des médias progressistes s’ouvriront devant vous !

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En vantant la diversité, le bourgeois-bohème déclame son amour de l’ouverture, du mélange, et du même coup sa désapprobation de la fermeture, de l’intolérance et du repli sur soi. Cependant, cette morale en blanc et noir n’est-elle pas un tantinet trop facile pour être honnête ? Est-elle autre chose d’ailleurs qu’une posture ?

Des évidences. Reste qu’un tel manichéisme est en partie responsable de l’émergence de l’idéologie actuelle la plus hostile à l’ouverture: l’islamisme politique.

Sagesse populaire

Cette situation paradoxale n’a pas échappé à la sagesse populaire. La défiance croissante des classes populaires envers cette diversité tant vantée et érigée en programme politique par une gauche en quête de nouveaux damnés de la terre, ne tient pas seulement au mépris que leur témoigne une intelligentsia acquise au Grand Brassage.

Le peuple sait d’intuition qu’il est difficile de faire cohabiter des cultures qui ont des  substrats anthropologiques trop différents. Sitôt que la différence culturelle devient trop importante, le repli communautaire inéluctable intervient. L’unité politique du pays est alors en danger.

L’autochtone, un bouc émissaire idéal

Quand on fait observer aux tenants de cette sacro-sainte diversité que le multiculturalisme, loin de favoriser l’échange et le dialogue, accélère au contraire le processus de communautarisation et de repli des tribus sur elles-mêmes, les adorateurs du Grand Mixage rétorquent que la faute en incombe aux autochtones européens et à leur racisme inavoué. Au lieu de se demander si toutes les cultures peuvent cohabiter au sein d’un même espace politique, les ravis de la diversité réactivent un réflexe aussi vieux que l’humanité : la recherche d’un bouc émissaire.

Le coupable est tout trouvé : il s’agit du petit peuple attaché à son terroir et à ses racines, incapable de se propulser dans le monde merveilleux du mélange et de l’indifférenciation.

Et si L’Autre désirait vivre à l’écart ?

Le plus inquiétant dans l’affaire est l’aveuglement des tenants de l’ouverture  – qui vivent, soit dit en passant, dans un entre-soi rassurant – au sujet de certaines « communautés » qui n’éprouvent aucun désir de se mélanger. A force de trouver l’Autre formidable, et l’autochtone  rassis et nauséabond, le doute s’est installé chez les meilleures volontés. Le manichéisme des tenants de la diversité s’est retourné contre eux, mais aussi contre la diversité elle-même.

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Que nous apprend en effet l’échec du vivre-ensemble ?

Avant tout que l’humanité n’est pas une bouillie dont on pourrait malaxer à volonté les cultures dans un shaker sociétal. L’hypermodernité a voulu rompre avec les grands ensembles monolithiques qui discriminaient leurs minorités. A l’arrivée, elle se retrouve avec des communautés qui vivent chacune dans son coin, sans projet politique et culturel commun.

Chassez le naturel…

Nous ne sommes pas des anges. A trop vouloir ignorer nos ancrages charnels et culturels immémoriaux, ce n’est pas l’amitié que l’on récolte, mais la segmentation et l’ignorance réciproque. Le mot d’ordre diversitaire s’est retourné contre la diversité réelle. La progression de l’islamisme politique en est la parfaite et inquiétante illustration en France.

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« On ne pourra jamais dévoiler les femmes par la force »

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Hélé Béji. (c) Hannah Assouline

Opposée au voile, la féministe franco-tunisienne Hélé Béji cherche néanmoins à en comprendre les ressorts. Pour l’auteur de Dommage, Tunisie !, son essor doit moins à la tradition islamique qu’à notre modernité. La République doit ramener ces brebis égarées sans les ostraciser.



Causeur
. Le dernier épisode du feuilleton qui a démarré à Creil il y a trente ans concerne le voilement des accompagnatrices scolaires. Mis bout à bout, toutes ces affaires (hijab, burqini, burqa) forment-elles une offensive islamiste contre le modèle républicain français ?

Hélé Béji. Non. Demandons-nous plutôt si le port du voile ne progresse pas parce que l’autorité républicaine s’est perdue. Aujourd’hui, la démocratie française a été défigurée par le dogme trivial de la surenchère du moi et l’impératif du « droit culturel » à la reconnaissance de chaque singularité, identité sexuelle, marque de mode, engouement alimentaire, marquage du corps, que sais-je encore.

Peut-on vraiment mettre sur le même plan string, revendications LGBT et voile islamique ? N’est-ce pas du relativisme ?
Mais le relativisme se développe déjà ! Je suis effarée des dégâts que provoque le multiculturalisme. La notion de droit culturel attaché à une croyance, ou à une affirmation identitaire contredit l’humanisme républicain. L’idée qu’il faut affirmer ses droits culturels rend attractifs et légitimes les phénomènes d’idolâtrie de soi tous azimuts, tels le voile ou des contre-conduites encore pires. Pourvu que l’on vous voie et que l’on vous remarque, tout est bon pour s’épancher et s’affirmer. Il n’y a plus d’intime, plus de vie intérieure. C’est le culte de l’exhibitionnisme.

Mettez-vous à la place des Français. Comprenez-vous qu’ils se sentent en situation d’insécurité culturelle face au voile ?
Je me mets dans la peau d’une Française que je suis aussi. Nous autres Occidentaux pensons que la philosophie, la raison, l’égalité des sexes sont incontournables dans le processus de démocratisation d’une société. Car les femmes se disent : « On aura fait mille sacrifices séculaires pour se libérer du pouvoir masculin, des vêtements étouffants, de la culpabilité sexuelle avec comme seul résultat celui de retomber dans la vie domestique ? » La femme a en effet accompli une révolution pacifique en libérant l’homme de sa propre tyrannie, sans le détruire, en le préservant, en étant la gardienne du foyer. Or, le voile est à rebours de cette évolution. L’homme est présenté comme une menace dont il faut se protéger. Pour les militantes de #metoo, il faut l’abattre.

Voyez-vous dans le voile une réponse à la pression du mari, des frères ou des cousins ?
Pour beaucoup de femmes couvertes, le voile est moins un effet de la domination masculine qu’un choix puritain dicté par leur croyance, leur morale, leur bigoterie, leur conception du mariage et de la famille… Souvent régi par la peur, leur rapport au monde a quelque chose qui ne fonctionne pas très bien. Mais ce refuge illusoire a pour seul effet de leur voiler le monde.

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Outre la réaction identitaire, qu’est-ce qui fait qu’une Française musulmane décide soudain de se voiler ?
Il y a de multiples facteurs. Pour les musulmanes qui veulent se retirer du monde et échapper aux duretés de la vie, le voile est un refuge moral. Parfois, une fille commence à se voiler après des échecs sentimentaux ou d’autres drames personnels. Autrefois, les femmes catholiques éplorées se cloîtraient dans un couvent pour se marier avec Jésus. Comme la religion musulmane n’a pas de couvent, ces femmes trouvent leur vocation dans leur petit « couvent » ambulant, le voile, pour se sentir mieux dans leur peau et en paix avec elles-mêmes. Or, cette option personnelle est devenue un engouement mimétique : le voile est un produit de consommation qui se multiplie de manière accélérée.

Bonne fille, la République accueille toutes les options personnelles à condition de respecter un certain nombre de principes et de codes culturels…
Ça, c’était la République d’antan, homogène, car chrétienne et européenne par sa civilisation et sa généalogie. J’ai été formée par cette République-là, mais elle ne fonctionne plus. Comment se fait-il que les jeunes Français musulmans préfèrent écouter les prêches de la mosquée plutôt que les cours de science ou de philosophie de leur professeur d’école ? Je n’ai pas de réponse. En tout cas, mieux vaudrait essayer de banaliser le voile. Le jour où nous déciderons de ne plus le voir, de ne plus en faire une fixation, peut-être commenceront-elles à se dévoiler. Si on se polarise contre lui, il résistera encore plus. On ne pourra jamais dévoiler les femmes par la force.

Pardon, mais la banalisation, l’État l’a pratiquée entre 1989 (affaire de Creil) et la loi de 2004 interdisant le voile à l’école, avec le succès que l’on sait. Aujourd’hui, vous prétendez qu’une loi ne ferait que renforcer le sentiment victimaire des femmes voilées…
Mais je ne parle pas de l’école ! Dès 1990, j’avais écrit dans Le Débat qu’il fallait absolument interdire le voile à l’école. Il s’agissait de petites filles mineures que l’État et l’école devaient protéger. J’ai donc soutenu la loi de 2004, notamment pour protéger les enfants contre la pression attentatoire parentale de certaines familles obscurantistes qui ne traitent pas les garçons de la même manière que les filles. Mais avec des citoyens majeurs, on ne peut pas agir ainsi.

Vous évoquez les familles qui ne traitent pas les garçons et les filles sur un pied d’égalité. Vous voyez bien que le voile est un outil de soumission ?
Non. En se voilant, elles se mettent en position de souveraineté et d’égalité par rapport aux hommes. Cette ruse fait que le voile les désexualise et instaure un rapport d’égalité et de fraternité avec l’autre sexe. Certes, le fait que ces femmes aient plus d’autorité avec le voile que sans est sans doute lié à la société patriarcale arabo-musulmane. Le voile, anciennement attribut de servitude, et devenu celui de la souveraineté de la fille.

C’est peut-être le cœur du problème. Souvenez-vous des travaux anthropologiques de Germaine Tillion sur la structure endogame des familles méditerranéennes en général et maghrébines en particulier. Le modèle patriarcal de la « République des cousins » se perpétue-t-il encore au xxie siècle ?
Avec les femmes musulmanes et le voile, ce type de famille se perpétue, y compris au nord de la Méditerranée. C’est d’ailleurs une source de tension, car la République se fonde sur l’autonomie individuelle et la dissolution du lien des familles ; pour chaque citoyen soit reconnu en tant que tel, elle a tendance à le détacher de ses structures communautaires et familiales. Or, les musulmans résistent à ce processus, que ce soit par le port du voile ou par la fréquentation de la mosquée, dans le but maintenir les liens. Leur modèle particulier de sociabilité est profondément ancré en eux et ne s’effacera jamais.

Cela vous inquiète ?
Non, car je sais ce qu’il signifie en termes de quête de liens. De manière très maladroite, le fait de mettre un voile n’est pas antirépublicain en soi, c’est une manière de retisser du lien. Si la République est aujourd’hui en danger, ce n’est pas à cause du voile, mais parce que la destruction du lien humain a atteint un point de quasi non-retour.

En Tunisie, malgré le statut avancé de la femme, le président Essebsi mort cet été n’a pas réussi à ancrer le principe de l’égalité dans l’héritage. Comment l’expliquez-vous ?
La loi sur l’égalité, si elle avait été votée, aurait été le vrai résultat de la révolution tunisienne. Les islamo-conservateurs s’y opposent au nom de la sacralité de la famille. Car le projet de la loi prévoyait qu’une fille lésée puisse porter plainte contre son père. Les conservateurs tunisiens ont vu dans cette judiciarisation un grave point de dissension et d’éclatement de la famille. Mais au fond, je crois qu’aucune fille n’aurait porté plainte contre son père. Malheureusement, cette loi n’est pas passée.

La famille tunisienne n’est peut-être plus ce qu’elle était. Un mariage sur sept se solde par un divorce…
Malgré les divorces et la pauvreté, la famille tunisienne reste un refuge contre les aléas de la vie. Il y a une grande solidarité : les membres de la famille vivent sous le même toit et chacun apporte sa part du repas pour partager la table dans un esprit de réunion et de nécessité, de solidarité. Des membres de la famille (en majorité les filles) qui travaillent gratuitement pour leurs frères ou leurs parents, ça n’existe plus en France !

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Cela peut être vécu comme un carcan. Les Tunisiens qui souhaitent se détacher de leur famille y parviennent-ils ?
Oui, mais de manière minoritaire. Le mariage reste la règle, mais il y a plein d’exceptions : des marginaux, des femmes qui décident de rester célibataires et de ne pas avoir d’enfants malgré la pression de leur mère et de la société…

Un autre type de pression s’exerçait sous la dictature Ben Ali (1987-2011). Certaines femmes portaient le voile comme un signe d’opposition. Mais sa chute n’a pas fait baisser le nombre de hijabs, bien au contraire !
Pendant cinquante ans, le voile a été interdit dans les écoles et les administrations. Les policiers arrêtaient les femmes voilées et leur enlevaient le voile dans la rue. Finalement, ça n’a servi à rien. Puis Ben Ali a lâché un peu de lest. Après la révolution, le voile a pris des proportions gigantesques, car les femmes pouvaient s’exprimer librement alors qu’elles n’osaient pas se voiler auparavant. Les réapparitions du voile ont accompagné le processus démocratique, la jouissance des libertés politiques. C’est pourquoi l’interdire en France ne servirait à rien.

Cela nous semble paradoxal. Votre dernier livre Dommage, Tunisie (2019) fustige d’ailleurs les illusions occidentales sur la démocratie. Pourquoi consacrez-vous tant de pages à la critique du droit d’ingérence alors que la Tunisie n’en a jamais été victime ?
Si la Tunisie a réussi sa révolution, c’est précisément parce qu’elle n’a pas subi de démocratisation forcée sous la houlette d’une puissance extérieure. Pourquoi les Occidentaux sont-ils allés faire la guerre en Irak ? La nouvelle ambition impériale de la démocratie a détruit des États arabes autoritaires pour en faire des camps de redressement démocratique. C’est une aventure tragique. En tentant d’exporter la démocratie au Moyen-Orient, on a importé la guerre en Occident avec Daech et le massacre d’innocents dans les villes européennes. A contrario, la Tunisie a accompli une révolution pacifique, non religieuse, en s’autoémancipant de l’intérieur. La notion de dignité y a été centrale. Cette émancipation n’a rien à voir avec le dogme identitaire religieux. Le mot de dignité, terme phare de la révolution, ne figure pas dans le Coran.

Certes, mais les Frères musulmans d’Ennahda ont assez rapidement remporté les élections. Cela a brisé le mythe d’une Tunisie entièrement laïque et occidentalisée…
En 2011, les journalistes occidentaux, euphoriques, pensaient que la révolution avait liquidé la question identitaire et religieuse. Moi, je savais que l’islam politique allait prendre sa place. L’islam n’est pas une dissension idéologique comme les autres, mais le fond culturel de toute la société tunisienne. Il y a toujours eu le risque que la revendication culturelle religieuse devienne totalitaire. Mais cette tendance a rencontré de très fortes résistances et le pays s’est divisé.

Cependant, islamistes d’Ennahda et néobourguibistes ont gouverné ensemble malgré leurs dissensions. Aujourd’hui aucune majorité ne se dégage à l’Assemblée. Diriez-vous qu’Ennahda est devenu un parti politique comme les autres ?
Après leurs années au pouvoir, les membres d’Ennahda se sont en effet banalisés. Dès l’instant où on se sert de la religion pour faire de la politique, on disqualifie la religion, on la profane et on la rend susceptible d’erreurs et d’échecs, comme toute action. Ennahda a ainsi perdu son image de vertu et les deux tiers de ses électeurs. Ces derniers n’ont pas rallié le camp moderniste, mais ont voté pour Kaïs Saïed, un président qui utilise le référent moral et non le référent religieux. Il a semblé moins hypocrite et a rallié les couches populaires déçues par l’indifférence et l’égoïsme des politiques. En guise de comparaison, c’est comme si un chef des gilets jaunes se présentait à la prochaine élection présidentielle et gagnait contre Macron.

Si la révolution a démocratisé les institutions politiques, l’économie peine à suivre…
Le compromis historique entre islamistes et modernistes n’a pas suffi à créer les conditions politiques de la prospérité. Quelques années après l’immolation de Mohamed Bouazizi qui a déclenché la révolution, des attentats-suicides nous ont frappés. C’est un cercle vicieux qui ira en s’aggravant : plus les gens s’appauvrissent, plus la religion gagne un ascendant sur leur vie. Le discrédit frappe surtout les classes intellectuelles modernistes, les anciens militants de l’opposition qui, passés du côté du pouvoir, n’ont pas su forger le discours de leur autorité ni tirer le pays de l’ornière.

Est-ce pour cette raison que vous avez sous-titré votre libelle « La dépression démocratique » ?
Les résultats des élections montrent que la Tunisie a failli sur deux plans : le droit et la pauvreté. Le nouveau président a mis le désir de justice au premier plan. D’une certaine manière, c’est ce principe qui l’a emporté sur les besoins matériels. Reste à savoir comment Kaïs Saïed tentera de mettre en œuvre l’autorité de la loi dont il a fait un thème de campagne. La très forte abstention a exprimé une forme de dépression liée à la perte de sens de la révolution, de la démocratie, voire de la politique.

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Les fossoyeurs du rock

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Les Eagles of death Metal en août 2016 © TRACEYWELCH/Shutterstoc/SIPA Numéro de reportage: REX40446309_000019

Assiste-t-on à un « grand remplacement » musical?


4 ans après la tuerie du Bataclan, l’histoire nous montre que le rock était déjà condamné, avant d’être achevé à coups de Kalachnikov.

Dans les années 80 et 90, la scène rock était incandescente.

Inspirée, singulière, libre, déversant riffs et textes incisifs, elle envahissait tout ce qui était susceptible de recueillir ses décibels: les salles tournaient à plein régime, les plateaux TV autorisaient encore les groupes à jouer en live, et les radios n’étaient pas allergiques à la saturation des guitares. Du prolo à l’étudiant bourgeois, elle était diverse de ses origines. Immigrés de première et deuxième génération y prenaient place, tels Rachid Taha et Carte de Séjour, ou encore la Mano Negra. Cette vague était électrique, engagée. De Noir Dez’ aux Bérus en passant par FFF, le rock était un cri de ralliement qui peu à peu se taira dans la rentabilité du marché et l’avènement d’une industrie musicale lisse et formatée. Son bourreau est une hydre à deux têtes; avec le consentement de nombreux acteurs médiatiques et économiques, le rock a été étranglé par le conformisme mondialisé, feutré, et la pression culturelle du wesh.

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En quelques années, tout ce paysage a donc été balayé pour muter en un royaume de la musique électronique et urbaine. Les salles alternatives, rock et punk, ont fermé à tour de bras. Parmi la dizaine de lieux, rien qu’à Paris, qui ont subi ce sort, un des plus marquants reste La Flèche d’Or qui deviendra bientôt… un pub d’une franchise bien connue. La purge est au moins aussi spectaculaire dans les radios. Skyrock (vous avez dit « rock » ?) a été la première à se travestir pour chanter aux oreilles des banlieues, troquant son cuir pour un survet’. Radio publique, (Le) Mouv’ lui a plus tard emboîté le pas en vendant son âme au rap.

Victime de son ouverture à l’autre

La mort du rock est-elle le symbole de la mutation culturelle ? A-t-on gagné au change ? Que ça nous plaise ou non, notre époque sied davantage aux musiques urbaines: perte de conscience politique, ode à l’hédonisme, culte de soi, argent roi, créativité accessible à tous (surtout à ceux qui ne maîtrisent aucun instrument). La victoire du rap est surtout la conséquence de l’ouverture forcée à l’autre.

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Remplis de bons sentiments, se déchaînant lors du concert de SOS Racisme organisé à la Concorde en 1985, les groupes espéraient une fin de carrière plus glorieuse. Aujourd’hui trahis, rares sont ceux que la passion continue à animer. Ils se voient relégués au statut de chanteurs pour public nostalgique désireux d’entendre encore une guitare résonner comme on irait au musée. L’émancipation qu’offrait le rock, transposée dans le monde des rappeurs, s’est transformée en un déballage narcissique et fastueux. Les vidéos prises à l’intérieur du bus de l’équipe de France nous confirment la profondeur de cette musique qui a envoyé à la déchetterie des conteneurs entiers d’amplis Marshall.

Le Bataclan en guise de champ du repos

Déjà à l’agonie, on n’imaginait pourtant pas que le terrorisme se chargerait de lui donner le coup de grâce. Le soir du 13 Novembre 2015, un commando de jeunes français, armés jusqu’aux dents, a fait taire les power chords des Eagles Of Death Metal, en tirant froidement sur la foule venue s’en irradier. Les pires prédictions n’auraient pas pu dessiner plus grand symbole: le rock est à terre, baignant dans la bière et l’hémoglobine de ses fans. Les larsens sont venus mourir dans la symphonie des balles. Les médiators ne serviront plus qu’à se curer les dents.

Paradoxalement, jamais l’esthétique rock n’aura été aussi présente dans notre société. Les vitrines des grands magasins débordent de ceintures à clous et de perfectos, tout le monde porte des t-shirts de groupes dont il ignore la moindre mélodie, à la manière des hipsters qui arborent des portraits de Chirac en mode « thug life ». Le rock résonne parfois encore à la TV, mais c’est pour nous vendre une voiture ou un rasoir. Créature céphalophore, victime d’un progressisme qui n’a même pas pris la peine de dissimuler sa lame ensanglantée, elle finira sa chute dans les livres d’histoire, pour apporter la légèreté nécessaire à l’appropriation de notre terrible passé colonialiste.

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Le piège du « musicalement correct français »

Je laisserai ma conclusion au disparu Fred Chichin des Rita Mitsouko, duo génial et iconique dont l’œuvre est difficilement qualifiable de réactionnaire, qui peu de temps avant sa mort confiait à Télérama (!) s’être fait « piéger par le musicalement correct français » puis ajoutait : « Je suis resté deux mois avec une quarantaine de rappeurs. C’est édifiant sur le niveau et la mentalité… Le rap a fait énormément de mal à la scène musicale française. C’est une véritable catastrophe, un gouffre culturel. La pauvreté de l’idéologie que ça véhicule : la violence, le racisme anti-blancs, anti-occidental, anti-femmes… C’est affreux. »

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Rétablir la vérité sur l’Opération Turquoise

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Opération Turquoise au Rwanda en 1994. © Photo : NICOLAS JOSE/SIPA Numéro de reportage: 00249540_000001

Génocide rwandais. Depuis vingt-cinq ans, les accusations enflent contre l’armée française et son rôle présumé pendant l’opération Turquoise en 1994. Dans son ouvrage « Rwanda, la vérité sur l’Opération Turquoise », le journaliste Charles Onana enquête et fait parler les archives (notamment celles du Tribunal pénal international et du Conseil de sécurité de l’ONU). Il nous présente ses découvertes.


Chercheurs, journalistes, militants associatifs et surtout l’actuel régime de Kigali s’acharnent à soutenir régulièrement que les militaires français, qui se sont déployés dès le 22 juin à Goma (Zaïre), puis les jours suivants au Rwanda, ont commis ou soutenu les pires crimes contre l’Humanité dans ce pays. Un ancien officier français, Guillaume Ancel, est d’ailleurs venu prêter main forte aux accusateurs déjà nombreux, apportant, à travers ses interventions publiques, une forme de crédit ou de « légitimité » à ces accusations.

Les autorités rwandaises chargent les Français

Simplement, peu de personnes ont pris le temps d’examiner le bien-fondé de ces accusations ou les preuves apportées par les accusateurs pour étayer leurs dires. C’est bien l’exercice auquel je me suis astreint pendant plus de dix ans en interrogeant des témoins clés et en scrutant diverses archives dont celles du conseil de sécurité de l’ONU, de la Mission des Nations Unies pour l’Assistance au Rwanda (MINUAR), de l’Élysée, du président Clinton et du ministère français de la Défense. Au-delà de la distance critique nécessaire vis-à-vis de toutes ces archives, la meilleure garantie d’obtenir un résultat irréfutable dans l’examen des accusations a été l’analyse de la stratégie militaire des acteurs présents sur le terrain. Ainsi, j’ai passé au crible l’action militaire de la force multinationale Turquoise, celle de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) dirigée par Paul Kagame, celle des Forces Armées Rwandaises (FAR) et, in fine, celle des casques bleus de la MINUAR.

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Cette précaution permet, en cas de non-divulgation de certains documents pour des raisons propres au secret-défense ou à la raison d’État, de saisir les véritables ordres donnés aux soldats mais aussi les objectifs politiques poursuivis par les uns et les autres. L’action militaire finit par trahir la prescription politique.

En outre, mon hypothèse de départ était de considérer que les accusations portées contre l’Opération Turquoise étaient vraies, mais qu’il fallait toutefois prouver leur véracité. Ainsi, je suis allé à la recherche des preuves et des sources sur lesquelles les accusateurs se sont appuyés. Ma surprise fut grande tant les articles publiés étaient pauvres, les déclarations creuses, incohérentes et truffées d’erreurs factuelles. Pour être précis, il est nécessaire de prendre des exemples de ce qui est allégué tantôt par les autorités rwandaises elles-mêmes, tantôt par des journalistes ou des militants français.

La première accusation est que les soldats de l’opération Turquoise sont partis au Rwanda non pas pour effectuer une mission humanitaire décidée par le Conseil de sécurité de l’ONU mais plutôt pour soutenir un régime hutu en perdition. Le soutien de la France serait donc, d’après le ministre rwandais de la Justice, Tharcisse Karugarama, à la fois « diplomatique et militaire ». Cette accusation, clairement formulée dans un communiqué du 5 août 2008 par le régime de Paul Kagame, repose sur le seul fait que l’ancien ministre rwandais des Affaires étrangères Jérôme Bicamumpaka avait été reçu au Quai d’Orsay vers la fin du mois d’avril 1994. Cette visite, qui avait pour but d’obtenir un appui des autorités françaises pour freiner l’escalade de la violence et un cessez-le-feu entre les rebelles tutsis de l’APR et les forces gouvernementales hutues (FAR), s’est soldée par un échec. Les dirigeants français ayant refusé de donner la moindre suite au ministre rwandais des Affaires étrangères que les rebelles traitaient déjà de « génocidaire ».

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Après examen des documents des ministères français de la Coopération et des Affaires étrangères, le seul fait d’avoir reçu monsieur Jérôme Bicamumpaka serait en soi la preuve d’un soutien de la France aux « génocidaires ». Aucun autre élément n’est apporté à l’appui de cette accusation. Quant à la position de la France au Conseil de sécurité, il n’existe aucune déclaration, aucun document attestant d’un quelconque soutien de la France au gouvernement intérimaire auquel appartenait l’ancien ministre rwandais des Affaires étrangères ; preuve supplémentaire, ce ministre a été acquitté de tous les chefs d’accusation devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR). La conclusion sur ce point est que même si les dirigeants français ont accueilli monsieur Bicamumpaka en avril 1994, ils n’ont jamais reçu à travers lui un « génocidaire » comme cela est inlassablement répété depuis deux décennies ! Ainsi, l’accusation de soutien « diplomatique » de la France à de prétendus « génocidaires » ne repose finalement sur rien.

La deuxième accusation habituelle est la livraison d’armes par des éléments de l’opération Turquoise aux FAR en territoire zaïrois. Elle est soutenue par le même ministre Tharcisse Karugarama, et amplifiée par le journaliste Patrick de Saint-Exupéry et depuis un certain temps par le capitaine Guillaume Ancel, qui était à l’époque officier au sein de l’Opération Turquoise.

Le journaliste Patrick de Saint-Exupéry et l’officier Guillaume Ancel incapables de produire des preuves

La source sur laquelle s’appuient les dirigeants rwandais actuels serait une déclaration du colonel Luc Marchal, officier belge de la MINUAR qui a préfacé mon ouvrage. Celui-ci m’a confirmé n’avoir jamais déclaré avoir vu une livraison d’armes des militaires français aux FAR.

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Quant au journaliste Patrick de Saint-Exupéry, il a constamment brandi un mystérieux témoin anonyme qui serait un haut fonctionnaire de l’Élysée. Sommé par les juges au tribunal de grande instance et de la cour d’Appel de produire des preuves relatives à ses accusations contre les militaires de l’Opération Turquoise suite à une plainte de ces derniers, il s’est présenté, à chaque audience, les mains vides et sans la présence du « haut fonctionnaire de l’Élysée » dont on ne sait s’il a jamais existé.  Au final, il a été condamné à deux reprises et les magistrats de la cour de cassation ont même estimé que ce qu’il impute aux soldats de Turquoise ne repose pas « sur une base factuelle suffisante » autorisant leur mise en cause. Le capitaine Ancel, soutenant les mêmes accusations que Patrick de Saint-Exupéry, n’a pas, non plus, apporté, au-delà de ses déclarations péremptoires, d’éléments précis permettant de savoir à quels officiers des FAR les armes auraient été livrées et quelles armes précisément auraient été livrées en juillet 1994. L’autre problème avec cet officier français est qu’il a rédigé un rapport de fin de mission le 15 septembre 1994 sans faire une seule fois état d’une quelconque livraison d’armes aux FAR et qu’il a accordé une interview à la Nouvelle Revue d’Artillerie publiée en décembre 1994 sans mentionner cette livraison d’armes. Au surplus, les actes évoqués dans ce réveil tardif et totalement imprécis seraient en contradiction totale avec les instructions du chef d’état-major de l’armée française, l’amiral Lanxade, et avec la politique conduite par le président François Mitterrand et par le Premier ministre Edouard Balladur. Aux vues des réserves extrêmes de ce dernier, aucun militaire de Turquoise ne pouvait prendre un tel risque au demeurant non conforme au mandat de l’ONU.

En examinant seulement ces quelques accusations qui prospèrent depuis vingt-cinq ans dans nombre de médias français et dans certains milieux universitaires, elles apparaissent toutes fragiles, inconsistantes voire erronées.

Rwanda, la vérité sur l’Opération Turquoise, édition de l’Artilleur, 666p., 2019. Préface du colonel Luc Marchal ; commandant des casques bleus au Rwanda- secteur Kigali.

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Extension du domaine du gaucho 

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pampa gaucho argentine
Gauhco dans la pampa argentine, SIPA/Collet Guillaume, 2014. Numéro de reportage : 00680476_000002

Dans Mémoire sur la pampa et les gauchos, Adolfo Bioy Casares  (1914-1999) se lance à la recherche de l’homme de la pampa argentine.


Tous les 6 décembre, en Argentine, on célèbre le gaucho dont la typologie demeure assez floue, même sur ses terres d’origine. Sous l’Équateur, cet individu ne correspond en rien au portrait de son homologue européen, voire de sa définition française. Quand on parle de gauchos dans l’hexagone, le pluriel est de rigueur. Il y a un parfum de fumigène dans l’air, des relents de révolte minière, un goût certain pour la pétition virale et la pratique sportive du lancer de pavés en milieu urbain. Les gauchos de nos latitudes avancent toujours groupés et se nourrissent essentiellement de merguez trop grillées durant de longues marches. Le cri strident de la sono en moins, nous touchons là à un point de convergence des combats sociaux, une passion pour le barbecue, sincère et enjouée, aussi vivace des deux côtés de l’Atlantique.

« L’homme de la pampa parfois rude reste toujours courtois ». Audiard

Vacher fier et brave

Chez nous, particularismes régionaux obligent, les gauchos sont aussi remontés qu’un député radical-socialiste de la IVème République à la buvette de l’Assemblée après un déjeuner chez Lipp ou qu’un Poperéniste à la fin du Congrès de Rennes. En Amérique latine, le gaucho serait plutôt une sorte de cavalier agraire, gardien de troupeaux aux étendues infinies, vacher fier et brave, paysan anobli sous le harnais des chevaux sauvages, cow-boy un peu moins frelaté par l’imagerie hollywoodienne.

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Les petits argentins s’identifient à ces figures légendaires, héros des luttes d’Indépendance et témoins de l’Homme seul face aux défis de la nature. Ils apprennent leurs manières et leur caractère tempétueux sur les bancs de l’école. Que savons-nous vraiment de ces courageux arpenteurs d’espaces vierges, à l’exception du folklore véhiculé par l’inaccessible Rudolph Valentino? Leur univers nous reste aussi mystérieux qu’une élection interne ou une investiture dans un parti politique.

Casares, argentin sauce béarnaise

Cet automne, vient de (re)paraître chez Héros-limite dans la collection géographie(s), un texte datant de 1970 signé Adolfo Bioy Casares (1914-1999), écrivain argentin d’ascendance béarnaise proche de Borges. Mémoire sur la pampa et les gauchos se présente comme un essai court et vif, piquant et drôle sur un monde qui nous échappe totalement. Casares y dévoile une plume assez féroce, pleine d’ironie et de tendresse pour ces étranges personnages de la campagne. Sa démonstration s’appuie sur des extraits de romans, des témoignages et des souvenirs d’enfance. Pourquoi une telle fascination pour le gaucho alors que le sort de nos agriculteurs suscite un profond désespoir dans nos contrées? Casares l’explique ainsi: « Le vague désir que nous avons tous, nous, habitants d’un monde progressivement accaparé par la ville, de disposer d’un ancêtre indocile auquel nous identifier, a répondu ardemment à la poésie des gauchesques, aux récits de Lynch et de Güiraldes, peut-être aussi à certains modes de diffusion plus larges : ensembles de musiciens et de zapateadores, musées, monuments, hommages, le discours officiel ».

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La perception du gaucho est aussi bien une affaire sentimentale que nationale, elle renvoie aux lectures, aux fantasmes et aux récits populaires. Selon l’érudit, la geste gauchesque s’est même répandue chez les jeunes paysans.

Gauchoïsation des esprits

L’Argentine était en voie de « gauchoïsation » dès les années 1970. Il y décelait une volonté de rédemption. « Chez plusieurs générations d’Argentins, le gaucho a suscité des sentiments contradictoires, cependant le personnage est tellement ancré non seulement dans l’affection, mais dans le respect de tous, qu’aujourd’hui nous sommes presque scandalisés au souvenir de la défaveur dont il a souffert à d’autres époques » écrit-il.

L’autel du gaucho était donc devenu un intouchable consubstantiel de la nation argentine. Ce livre donne surtout envie de se plonger dans la culture gauchesque et d’aller encore plus loin dans son étude. Et puis, rappelons que c’est un français, Michel Audiard, qui fut le premier à théoriser l’esprit du gaucho dans une saillie à jamais indépassable : « l’homme de la pampa parfois rude reste toujours courtois ».

Mémoire sur la pampa et les gauchos, Adolfo Bioy Casares – Héros-limite.

Finkielkraut fait les frais de la nouvelle campagne de pub de Caroline de Haas

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L'entrepreneuse Caroline de Haas, photographiée en 2018 Alain © ROBERT/SIPA Numéro de reportage: 00879178_000007

Suite à une galéjade sur le viol lors d’un débat télévisé, la sphère néoféministe et les réseaux sociaux en sont arrivés au point de vouloir interdire l’émission de France Culture du philosophe.


Les dés étaient pipés dès le début. Comme dans une tragédie de Racine, tout était en place pour que cela se termine en catastrophe !

Rappelons les faits. Alain Finkielkraut était un des invités d’une émission de David Pujadas le 13 novembre sur LCI. Ce soir-là, « La grande confrontation » proposait un débat avec entre autres l’entrepreneure féministe Caroline de Haas. Et confrontation il y eu.

Caroline de Haas: une « militante » très premier degré

Le philosophe, lassé de subir le moulin à prières du catéchisme féministe, l’éternel couplet sur Polanski et la « culture du viol », après avoir essayé vainement d’argumenter, a eu le malheur d’employer l’ironie.

« Violez, violez, violez, je dis aux hommes: violez les femmes. D’ailleurs je viole la mienne tous les soirs et elle en a marre. » Il s’agit bien sûr d’une antiphrase, l’utilisation d’un mot, d’une locution dans un sens contraire au sens véritable par ironie ou euphémisme. Qui n’a jamais dit « il fait beau » un jour de pluie?

Mais l’occasion était trop belle, par le processus désormais bien connu de la citation sortie de son contexte, et de vidéos coupées au montage, Alain Finkielkraut devint, une fois de plus, l’homme à abattre.

A lire ensuite: Féministes: et maintenant, sus au patriarcaca!

Twitter fut submergé d’appels au lynchage du philosophe, qualifié de violeur en puissance, notamment de la part du collectif NousToutes, nouvelle officine victimaire de Caroline de Haas, qui s’assura une belle publicité. Je ne reproduirais aucun de ces tweets indignes, car malheureusement, rares furent les twittos qui exhortaient à remettre les propos dans leur contexte.

Le camp progressiste ne fut pas en reste, Le Monde en tête, qui – avec sa titraille racoleuse « Je dis aux hommes violez les femmes: ce qu’a déclaré Alain Finkielkraut sue LCI » – nous conduit à la limite de la fake news. Le journal se fait complice de l’exécution médiatique du philosophe, n’ignorant pas que les internautes se contentent des titres pour propager la haine.

Une pétition change.org fut vite mise en ligne pour interdire l’émission hebdomadaire « Répliques » qu’anime le philosophe le samedi matin sur France Culture. Cerise sur le gâteau, le PS se joint également à De Haas pour condamner ces propos, et je découvre ce matin que même Marlène Schiappa la remercie  « Merci à Caroline de Haas d’avoir rappelé la loi en direct à la télévision hier. »

La coupe est pleine et ma colère est froide

Plus distante, mais néanmoins salvatrice dans cet océan de boue, est la colère de Peggy Sastre, philosophe et auteur rigoureuse, ma consœur à Causeur. Voici sa réaction sur Facebook:

Finkie le gros « apologiste du viol » incite à la prudence et à la vérification, mais dans le monde des champions de l’agit-prop, on sait bien que le pourcentage de gens à se fatiguer de la sorte sera largement supplanté par les partages indignés en masse, masse qui deviendra l’argument clé du récit faisant passer les vérificateurs et les prudents pour les affreux complices de violence, discours qui à son tour servira à intimider de futurs prudents…

Il n’y a pas grand-chose à ajouter à cette parfaite analyse du panurgisme mortifère des réseaux sociaux.

A lire aussi: Une Caroline de Haas « sur deux ou trois » dit n’importe quoi

Cependant il serait temps que des voix s’élèvent. Je ne sais comment. Je ne sais lesquelles. Mais il va bien falloir un jour mettre à mal cette dictature de l’émotion.

Comme je l’avais analysé dans un précédent papier sur Sandra Muller, les féministes ont perverti les discours et ont plongé le féminisme et plus globalement le débat public dans une dictature de la névrose. A force d’incantations victimaires, d’accusations abusives, de créations de concepts délirants comme la « culture du viol » ou encore « la charge mentale » dans le seul but de faire régner un nouvel ordre moral, la parole est confisquée. Dans les fantasmes les plus fous de ces militants, la sexualité serait abolie. Pire, ces entrepreneurs en  « victimologie » se fichent du sort des réelles victimes de violences, en réalité.

Quant au mensch Finkielkraut, son seul tort – mais aussi son immense force – est d’essayer d’opposer un discours qui fait appel à la raison face à ce déferlement de propos insensés, au sens littéral. Cet homme, héritier à la fois des Lumières, de l’Honnête Homme du XVIIeme siècle et des controverses rabbiniques, n’est plus de notre temps, où la déraison semble avoir gagné la partie.

Métèque au sens noble du terme, avec votre nom à prononcer si difficile, Alain Finkielkraut, vous méritez un respect infini. Pour terminer sur une note douce-amère, car les chansons consolent, je convoque Michel Sardou, autre réac’ magnifique: nous sommes en plein voyage en absurdie.

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En une métaphore, Macron met K.O l’OTAN

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Emmanuel Macron le 12 novembre 2019 © Ludovic Marin/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22398175_000049

Le président français a affirmé dans The Economist que l’Otan est en état de « mort cérébrale. » Une formule destinée à marquer les esprits. Analyse.


Rien n’est plus puissant qu’une métaphore pour marquer les esprits. Cette figure de rhétorique consiste à établir une stricte équivalence entre deux choses n’ayant pas la même modalité d’existence, qui n’appartiennent pas au même champ de l’expérience. Or, la métaphore n’est pas une « figure de style » parmi les autres, comme on le fait croire à des générations d’écoliers. En agissant sur les esprits, elle agit sur le réel. Ainsi, quand le général de Gaulle rédige son «Appel du 18 juin 1940», il recourt à la métaphore ésotérique du feu prométhéen afin de faire renaître l’espérance et l’esprit d’initiative dans le cœur de chaque Français : « La flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas ».

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En un instant, les cœurs se sont embrasés dans les poitrines, le feu-toujours-vivant de la Résistance s’est allumé et le cours de l’histoire, que l’on croyait inéluctable, s’est infléchi.

« Mort cérébrale »

Toutefois, l’emploi d’une métaphore comporte un risque : dissimulant la pensée réelle derrière le voile de l’allégorie, elle peut être incomprise par l’opinion. Ainsi, on a beaucoup glosé sur la signification de la formule choc du président Emmanuel Macron selon laquelle l’Otan est en état de « mort cérébrale ». A l’heure où le bien-fondé de l’existence de l’Alliance est remis en cause, la question se pose: Emmanuel Macron entend-il graver sa métaphore dans le marbre de l’histoire au même titre que celle du général De Gaulle ? Après tout, l’appel d’Emmanuel Macron a été lancé de Londres, à travers l’hebdomadaire britannique The Economist auquel il a accordé jeudi 7 novembre 2019 son interview… L’histoire le dira. En tout état de cause, sa formule interpelle tant elle se prête à diverses exégèses.

The Economist November 9th 2019
The Economist November 9th 2019

Qu’a vraiment voulu dire Emmanuel Macron par cette formule ?

Partout dans les médias, on nous a dit que cette métaphore macabre traduisait un état de fait : l’Alliance a perdu sa vocation depuis la chute de l’Empire soviétique. Sans ennemi, qui combattre militairement? Certes, l’islamisme est devenu ce nouvel et redoutable adversaire.

L’impact désastreux de l’OTAN dans le monde arabe

Sans nul doute possible, c’est bien l’Occident – et les Etats-Unis en première ligne – qui ont provoqué sa formidable expansion mondiale. Ce sont bien les Etats-Unis qui ont armé les islamistes, du temps de la Guerre froide, pour combattre indirectement les Communistes et affaiblir les nationalismes arabes. C’est bien dans le cadre de missions otaniennes en Irak, en Libye et Syrie que, depuis 2003, ces pays sont plongés dans le chaos, avec les répercussions que l’on sait sur le sol européen. Emmanuel Macron a raison : l’Otan est en état de « mort cérébrale » parce que la géopolitique de Alliance est un désastre.

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Mais on nous a aussi expliqué que Macron faisait du Trump, dont on connaît l’appétit pour les métaphores chatoyantes. En d’autres termes, le président français alignerait sa rhétorique sur celle du président américain. C’est exact : dans ce monde fait de bruit et de fureur, le président français sait bien qu’on ne parvient pas à interpeller l’opinion sans employer des morts forts, des mots crus, des mots qui sidèrent. La polémique est nécessaire pour attirer sur soi la lumière et faire bouger les lignes. Il faut provoquer, c’est-à-dire « appeler dehors », « faire venir », « faire naître ». Ce fut efficace : la métaphore du président Macron a suscité des réactions aux Etats-Unis et au sein de l’Union européenne. Le Secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, la chancelière allemande Angela Merkel, le premier ministre polonais Mateusz Morawecki ont exprimé leur indignation tandis qu’en Russie, on applaudissait. Le président turc Recep Tayyip Erdogan choisit d’attendre le mercredi 13 novembre, alors que la France commémore, pour qualifier d’ « inacceptables » les propos d’Emmanuel Macron. »

Macron veut son Europe de la Défense

Tel était l’effet désiré par Emmanuel Macron : « faire venir » de toute part les critiques pour « faire naître » l’Europe de la défense. Oui, derrière les mots choquants se profile l’appel à l’unité européenne, un appel solennel aux Etats membres afin qu’ils prennent enfin leur destin en main et qu’une armée européenne voit le jour. Pour en finir avec l’Europe-espace, il faut faire vivre l’Europe-puissance ! Bien sûr, personne n’est dupe: demain, la France deviendrait le leader de cette Europe de la Défense. Depuis la création du Fond Européen de Défense (FED) lancé en juin 2017 suivie de l’Initiative Européenne d’Intervention (IEI) lancée le 25 juin 2018, Emmanuel Macron veut convaincre les partenaires européens d’agir collectivement et de développer une culture stratégique commune. Sous l’égide de la France éternelle.

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Mais la géopolitique est une chose; la querelle virile en est une autre. A force de gloses et d’exégèses, à force de chercher le sens caché des mots, on en oublie le superflu. On en oublie l’ironie voltairienne. Nulle part dans les médias n’a été rappelé que le chef symbolique de l’Otan, c’est Donald Trump. Oublierait-on que les relations entre les présidents français et américains sont tendues ? Ainsi, quand Emmanuel Macron déclare que l’Otan est en « état de mort cérébrale », ne sous-entend-il pas aussi et de façon plus triviale que Donald Trump est un con?

Nanterre: les antifas plombés

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(c) D.R.

A l’occasion des élections universitaires à Nanterre, les antifas ont encore brillé par leur sens de la démocratie.


Des élections universitaires se sont tenues en octobre à la faculté de droit de Nanterre.

Généralement, ce genre d’événement se déroule dans le calme et l’indifférence puisque la participation n’y excède guère les 10 %. Historiquement, le département juridique de la faculté de Nanterre attire tous les rejetons de la classe bourgeoise de l’Ouest parisien. Leurs études de droit, assez exigeantes, les mettent à l’abri des cheveux bleus, échoués dans les amphithéâtres voisins de lettres et sciences humaines. Lesquels sont connus pour servir de clientèle électorale à l’UNEF, dont la faculté est aussi un fief : c’est d’ici que sont partis les événements de Mai 68.

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Pour faire face à la contestation gauchiste, les mouvements de droite universitaire ont dû s’organiser au fil des ans. Ainsi, le 17 octobre, une quarantaine de militants de la Cocarde étudiante est venue tracter le jour du scrutin. Des antifas, membres de l’UNEF ou du NPA, ont alors déboulé masqués, casqués, armés de matraques, de parapluies et de bombes de gaz lacrymogène. Leurs griefs ? La Cocarde défend des positions aussi inacceptables que la « sélection sociale » et la « préférence nationale à l’université », tout en entretenant des amitiés odieuses avec « Marion Le Pen et Éric Zemmour ».

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Aux yeux de leurs agresseurs, ces étudiants gaullistes et souverainistes signeraient le retour du fascisme à l’université, que l’on pensait pourtant en recul depuis Koursk et Stalingrad. Heureusement, les CRS ont fini par séparer les deux groupes.

Bilan des urnes : la Cocarde a rassemblé 20 % des voix, au nez et à la barbe velue des antifas.

Qu'est-ce que l'UNEF ?

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Faire des « sorcières » les icônes du féminisme est absurde

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Angélina Jolie dans le rôle de Maléfique, 2014. Numéro de reportage : 00673084_000017 Auteurs : LILO/SIPA

A l’heure où Marlène Schiappa signe une tribune visant à réhabiliter les sorcières, Barbara Lefebvre dénonce sur REACnROLL cette glorification de la figure du mal féminin, la réécriture de l’histoire et le brouillage des repères dans les fictions destinées aux enfants, et les conséquences que cela implique.


Causeur vous propose de lire un extrait d’une intervention récente de Barbara Lefebvre sur REACnROLL. La chroniqueuse constate que désormais, dans les films Disney, les méchants ne sont plus vraiment des méchants, mais de pauvres personnages victimes de discrimination…

Verbatim

Faire aujourd’hui des sorcières des icônes de la libération de la femme ou d’un féminisme avant l’heure est complètement absurde, anachronique et faux. Cela me terrifie. On vit à une époque où parce qu’on est ministre ou président de la République, on peut dire n’importe quoi sur des périodes de l’Histoire, et d’ailleurs plus on les prend loin dans le temps mieux ça vaut, pour essayer de construire des récits sur aujourd’hui, pour justifier un discours politique de la bien-pensance, du néo-féminisme, du néo-antiracisme etc…

Ce phénomène-là, je le vois aussi dans la propagande culturelle qui nous vient des Etats-Unis depuis un certain nombre d’années, qui consiste à une inversion complète des valeurs à travers l’inversion des personnages…

Cela porte également préjudice aux études historiques.

Nous avons des jeunes historiens aujourd’hui qui sont aussi dans cette logique du buzz, c’est-à-dire de chercher des sujets de niche qui peuvent les mettre sur le devant de la scène. Aujourd’hui par exemple, quand on est historien et qu’on veut écrire une thèse, on doit trouver un sujet porteur pour se faire remarquer du monde académique où hélas, se développe cette mode des sujets de micro-histoire ou de sujets soit-disant « sulfureux ». En réalité, cela porte préjudice à l’étude historique.

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Ce phénomène-là, je le vois aussi dans la propagande culturelle qui nous vient des Etats-Unis depuis un certain nombre d’années, qui consiste à une inversion complète des valeurs à travers l’inversion des personnages. Ayant une enfant en âge de regarder ces niaiseries que sont les séries Disney notamment, je me rends compte que vous avez toute une réécriture des histoires de Disney, notamment La belle au bois dormant avec le personnage de Maléfique.

Maléfique a fait l’objet d’un film, avec Angelina Jolie, tome 1 et tome 2, puisqu’il y a eu la version numéro 2 qui est assez édifiante aussi et où finalement Maléfique n’est pas la méchante sorcière qu’on imaginait naïvement… En fait, Maléfique se révèle être la mère adoptive d’Aurore, la belle au bois dormant, puisqu’elle va finalement l’accueillir étant donné qu’Aurore décide que c’est sa mère son parent d’intention car son père, le roi, s’avère être un très méchant roi et au final c’est Maléfique qui se trouve être le personnage positif.

A lire aussi: Comment le mot « féminicide » nous est imposé

Dans Maléfique 2, la suite, c’est carrément le monde de Maléfique qui est un monde de monstres, de trolls etc, qui s’avère être discriminé, dans un état de quasi-apartheid, par le monde des humains, à savoir le royaume du descendant du père d’Aurore ! Aurore fait le go-between entre ces deux mondes, et c’est Michelle Pfeifer qui s’avère être le personnage qui persécute Maléfique… [La sorcière] n’est donc plus une méchante mais une gentille et vous avez toute une série de productions Disney sur ce thème. Vous avez une autre série qui s’appelle Descendants, ils en sont au troisième volet. Dans ces films, tous les enfants des méchants ne sont pas des méchants mais des gentils qui vont réussir à se mêler au monde bien-pensant.

Je vois à travers tout ce récit une façon d’insuffler dans les esprits des nouvelles générations que le méchant n’est jamais méchant et que lorsque le discours général vous dit que c’est un méchant, en réalité c’est sans doute que c’est un gentil.

Je trouve cette incapacité récente à donner aux enfants des repères clairs, qui sont les repères simplistes des contes, problématique. [Autrefois] il y avait le méchant et il y avait le gentil. Et ensuite, quand on commençait à avoir un esprit critique un peu affûté, quand on devenait adulte, on n’était effectivement plus dupe de ce côté binaire des récits des contes et légendes. Mais ces contes et légendes, dans leur récit binaire, nous aident aussi à nous construire dans notre capacité à être dans un discernement moral.

Aujourd’hui, je ne vois pas comment les enfants peuvent avoir ne serait-ce qu’un début de discernement moral puisqu’on leurs explique systématiquement que le méchant n’est pas méchant, que le grand méchant loup, il n’était pas si méchant que ça, et puis après tout « peut-être que la grand-mère elle avait envie de se faire manger par le grand méchant loup. » Je trouve que c’est absolument sidérant et cela nous prépare une génération qui va être incapable d’avoir le moindre discernement moral et ça m’inquiète, c’est pourquoi cette histoire de sorcières [Marlène Schiappa NDLR] n’est pas aussi anecdotique qu’on croit, elle s’insère vraiment dans un discours général qu’on tient… aux enfants.

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Les cinq bobards des journalistes français sur le Brexit

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Boris Johnson lors de sa campagne, le 7 novembre 2019. Numéro de reportage : AP22396613_000022 Auteurs : Daniel Leal-Olivas/AP/SIPA

 


Hostiles au Brexit jusqu’à l’aveuglement et n’y comprenant rien, de pseudo-experts médiatiques français répètent avec un art consommé du psittacisme un certain nombre d’approximations hâtives, de demi-vérités et d’erreurs d’appréciation. Décryptage.


« Dire la vérité n’est […] un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité. » Ainsi parlait Benjamin Constant [tooltips content= »Dans le texte connu aujourd’hui sous le titre Le Droit de mentir. »](1)[/tooltips]. On peut se demander si les Français ont droit à la vérité. En sont-ils même dignes ? S’agissant du Brexit, la réponse est non. Depuis des mois, les médias français répètent inlassablement un certain nombre d’approximations hâtives, de demi-vérités et d’erreurs d’appréciation. Ces poncifs erronés circulent de plateau télé en feuille imprimée, énoncés toujours d’un air docte et avec un psittacisme irréprochable qui préfigure la grande volière de Parrot World dont l’ouverture est prévue l’année prochaine à Crécy-la-Chapelle. Entre le recours à la perfide Albion comme repoussoir, la paresse intellectuelle et la mentalité de troupeau (l’esprit de gramophone, disait Orwell), les raisons de cette avalanche de banalités inexactes varient. N’est constant que le paradoxe du modèle économique des médias en France. Celui-ci repose sur l’exploitation d’une armée de vagues commentateurs et spécialistes, qui doivent meubler entre les titres du journal et les spots publicitaires, et sont ainsi obligés de donner libre carrière à leurs préjugés nationaux et idéologiques tout en prenant un air très savant. Il y a certes des exceptions honorables, mais comment le non-spécialiste peut-il les distinguer dans le lot des jongleurs de mots prétentieux ? Pour se repérer dans ce paysage instable, voici le palmarès des cinq lieux communs les plus discutables :

#1 « Boris Johnson est un menteur… »

« Qui est cet imposteur universel dont on parle tant ? » demande un personnage de Mademoiselle de Scudéry dans son dialogue, Du mensonge. On croirait qu’il s’agit du Premier ministre britannique, tel qu’il est dépeint par nos experts médiatiques, pour qui sa caractéristique la plus essentielle serait une mythomanie qui le différencie des autres politiciens. Ceux qui propagent cette idée sont apparemment persuadés de nous révéler une grande vérité. Pourtant, le politicien qui ne ment pas n’existe pas. « Supermenteur » était le surnom de qui ? Ah oui, de Jacques Chirac, dont la France vient de célébrer la mémoire avec autant de louanges que d’affection. On objectera que Johnson et Chirac, ce n’est pas la même chose. Ce n’est jamais la même chose, selon qu’on prend le politicien dont il s’agit en affection ou non. Traiter Boris Johnson de menteur dès le début de son mandat était tout simplement une tentative de le disqualifier avant qu’il ne fasse quoi que ce soit.

#2 « Boris Johnson fait semblant de négocier avec l’Union européenne… »

Dès avant son arrivée au 10 Downing Street, Boris Johnson avait annoncé qu’il voulait que le Royaume-Uni quitte l’UE le 31 octobre, qu’il fallait envisager une sortie sans accord, mais qu’il croyait possible de négocier un tel accord avant la date fatidique. Nos experts ayant pénétré les voies mystérieuses de la Providence divine, ont asséné à maintes reprises que non ! Johnson ne cherchait pas vraiment à pactiser avec Bruxelles. Car, en partisan fanatisé du Brexit, il visait le « no deal », et les négociations n’étaient qu’une comédie pour préparer le jeu des reproches qui suivrait inévitablement le départ « désordonné » du Royaume-Uni.

A lire aussi : BFM TV s’en prend à Boris Johnson, «le manipulateur»

Ici, il s’agit d’une erreur de logique contre laquelle le cardinal de Retz nous met en garde dans son Discours sur l’hypocrisie : « Si le contraire de ce que dit le menteur était toujours vrai, […] on trouverait la vérité de son intention dans la contrariété de ses paroles. » En fait, Boris Johnson a bel et bien négocié et il a conclu un accord avec les Vingt-Sept. Le devoir du commentateur authentique consiste à distinguer le vrai du faux dans les paroles et les actes d’un politicien, plutôt que de tout mettre dans le même sac.

#3 « Michel Barnier a dit… »

Les phrases qui commencent ainsi constituent les révélations les plus paresseuses de nos experts, car n’importe qui peut lire les déclarations peu prolixes et les communiqués de presse laconiques du très discret eurocrate français. En plus de la fainéantise, la simple reproduction des interventions témoigne d’une incapacité à comprendre que M. Barnier est un négociateur occupé à mener des négociations. Quand il prend la parole en public, ce n’est pas pour exprimer véritablement un souhait, un reproche ou du dépit, mais pour prendre une position précise à un moment précis des tractations. Il est obligé de cacher son jeu. À la différence de ses très naïfs commentateurs, M. Barnier a fait sienne cette maxime de Vauvenargues : « La dissimulation est un effort de la raison, bien loin d’être un vice de la nature. » On nous répétait que, « selon M. Barnier », Bruxelles ne rouvrirait pas l’accord de retrait. Eh bien, n’en déplaise à ses thuriféraires, Bruxelles et M. Barnier l’ont fait.

#4 « Le système politique britannique est mis à mal par le populisme… »

Le Brexit serait l’une des nombreuses têtes de cette hydre nommée populisme qui menace nos démocraties. On définit généralement le populisme comme un effort pour discréditer les institutions politiques traditionnelles au nom de quelque vague « volonté du peuple », que tel ou tel démagogue prétend incarner. Pour les « experts », la cause est entendue : un référendum malavisé en 2016 a permis à une forme plébiscitaire de la démocratie de miner le vieux système parlementaire du Royaume-Uni ; les élites traditionnelles ont dû céder du pouvoir à une bande de voyous parvenus, comme Nigel Farage ; la démagogie de Boris Johnson fait fi de la Constitution et dresse le peuple contre les élus.

A lire aussi : Brexit: Messieurs les Anglais, sortez les premiers !

La réalité est plus nuancée. Qui a voté la loi ouvrant au référendum de 2016 ? Qui a promis de respecter le résultat du référendum ? Qui a voté la loi déclenchant l’article 50 ? Et celle qui consacre le départ du Royaume-Uni de l’UE ? Réponse : le Parlement. On peut aller plus loin : qui s’est montré incapable de décider de la forme que prendra le Brexit ? Qui a refusé de ratifier les accords négociés avec Bruxelles ? Qui répugne à se dissoudre, préférant maintenir en place un gouvernement minoritaire ? Pour le meilleur ou pour le pire, c’est toujours – et plus que jamais – le Parlement qui détient le pouvoir au Royaume-Uni. Contre certaines apparences. Car, comme le dit l’Espagnol Baltasar Gracián dans L’Homme détrompé : « On ne saurait bien voir les choses du monde qu’en les regardant à rebours. » À rebours de ce que font nos experts patentés.

#5 « Le Parti conservateur britannique est devenu un parti de la droite dure… »

Le Brexit aurait permis à l’aile droite du Parti conservateur, incarnée par Boris Johnson, de prendre le pouvoir. L’exclusion d’une vingtaine de députés modérés semble confirmer ce jugement. On ne sait pas très bien ce qu’est l’aile droite du parti : des politiciens favorables au Brexit passablement nationalistes ; et probablement les enfants les plus fidèles de Margaret Thatcher. S’il y a un mot qui, aux yeux des intellectuels français, résume toute l’histoire, toute la pensée britannique, c’est « libéralisme », souvent qualifié de « sauvage » ou précédé du préfix « néo ». On évoque ainsi le spectre d’une Angleterre où tout a été déréglementé afin de créer une sorte de Singapour sur la Tamise, ultime fantasme cauchemardesque des Français au sujet de leurs voisins d’outre-Manche. Partielles et partiales, ces vérités confinent au mensonge. « Toutes les vérités seraient bonnes à dire si on les disait ensemble », dit Joseph Joubert. Certes, il y a au Parti conservateur quelques fanatiques nationalistes et quelques nostalgiques du thatchérisme. Mais la grande majorité des députés tories ne cherchent qu’à honorer le résultat du référendum avant de passer à autre chose. Le programme que propose Boris Johnson consiste surtout à dépenser beaucoup d’argent public sur la police, les hôpitaux et l’éducation.

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On m’objectera que les tabloïds anglais racontent des absurdités sur l’Europe. Cependant, peu de gens se tournent vers eux pour comprendre qui se passe. Les experts français prétendent eux, sans la moindre ironie, faire de la « pédagogie ». Leurs suppositions hâtives déguisées en analyses profondes induisent le public en erreur à propos d’un sujet essentiel. Comme le dit La Rochefoucauld : « Le désir de paraître habile empêche souvent de le devenir. »