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Vaccins: faire taire le complotisme

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Certains citoyens se demandent si les futures injections vaccinales ne contiendront pas des « nanopuces » pour tracer les individus. D’autres sont persuadés qu’un vaste complot travaille à une « grande remise à zéro » de l’humanité. D’où sortent ces théories? Faut-il les combattre? Une analyse d’Yves Laisné.


Le scepticisme par rapport aux vaccins n’est, dans son principe, qu’une variante du scepticisme par rapport aux médicaments. Ce dernier est très répandu, y compris dans les milieux scientifiques et médicaux et, s’il est vain de nier que le développement des médicaments – et des vaccins – a sauvé de nombreuses vies, il est dû à la vérité de constater que beaucoup de médicaments sont inutiles, soignent au prix « d’effets secondaires » pires que le mal, voire sont dangereux et, pour certains, létaux.

À la vérité est dû encore le constat que tout ce qui touche à l’expression d’opinions sur la santé publique en France est entaché d’arrière-pensées chez la plupart des intervenants: corporatisme des « soignants », gigantisme des budgets sociaux, monopole de la « Sécurité sociale », intérêts colossaux de l’industrie pharmaceutique (plus profitable que le pétrole, le luxe et les armements…), encadrement de la « recherche », esprit totalitaire de la « communauté scientifique », sensationnalisme de la majorité des médias, constituent un substrat de la transmission de l’information dans ce domaine qui doit naturellement conduire tout esprit libre ayant gardé sa capacité de critique à ne recevoir les flux transmis par les médias qu’avec la plus grande circonspection.

Le doute, ce maître du bon sens

Pour ne citer qu’un exemple, avant que le scandale de l’amiante éclate, il existait entre 1982 et 1995, sous l’égide des pouvoirs publics, un « Comité permanent amiante » (CPA), parfaitement institutionnel, même s’il est aujourd’hui rétrospectivement qualifié d’informel pour dédouaner les pouvoirs publics, peuplé de sommités scientifiques et de hauts fonctionnaires, dont l’objet était de persuader le public, y compris à l’international, que l’amiante ne présentait aucun danger pour la santé humaine.

Mais il y eut aussi la thalidomide, le distilbène, l’hormone de croissance, le chlordécone, l’Isoméride, le Mediator, la Dépakine et il y en aura bien d’autres. Faut-il dès lors rejeter tous les médicaments ? Évidemment non. Il faut simplement ne pas prendre pour argent comptant tout ce qui est raconté et garder à l’esprit ce maître du bon sens: le doute.

C’est sur les vaccins en gestation ou en début d’application, relatifs au « Covid-19 » que se concentreraient, paraît-il, les théories conspirationnistes.

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La principale d’entre elles, la plus inquiétante et la plus polémique porte sur le développement de « nanopuces » parfois dénommées RFID qui permettraient un traçage et un fichage perfectionné des individus. Certaines expériences d’implantation de puces électroniques dans le corps humain ont déjà été effectuées, sur le fondement du volontariat, par exemple pour remplacer des badges de contrôle d’accès. Ce n’est pas de la science-fiction. Mais ces puces, comme celles qui permettent de tracer les animaux, ne sont pas à l’échelle nanométrique, ce qui interdit de les implanter à l’insu du sujet.

La vérité n’est pas ailleurs

De là à imaginer que des puces électroniques, capables de stocker et de transmettre des informations, puissent être fabriquées à l’échelle nanométrique, puis insérées dans le corps humain par différents procédés, dont le plus effrayant est effectivement l’injection vaccinale, il y a un chemin à parcourir dont on ne trouve pas trace dans les documentations de vulgarisation scientifique (les seules auquel l’auteur a accès, du fait d’une spécialisation intellectuelle différente).

Reste que les théories conspirationnistes ont trouvé un aliment de choix dans certaines déclarations autorisées :

Bill Gates, dont la fondation consacre des milliards à la vaccination des populations, aurait annoncé un « carnet de vaccination injecté sous la peau » (source, le JDD.fr, 04.12.2020, URL Covid-19: pourquoi Bill Gates est devenu la cible de tant de théories du complot (msn.com) et encore : « A terme, nous disposerons de certificats numériques indiquant qui s’est rétabli ou a été testé récemment ou, quand nous aurons un vaccin, qui l’a reçu… »

Plus général dans ses commentaires, Klaus Schwab, professeur d’université, président du Forum économique mondial (qui organise la célèbre rencontre mondiale de Davos) vient de publier un ouvrage, seulement en anglais pour le moment, dont le titre veut dire La grande remise à zéro et dont l’argument est en substance que la pandémie de « Covid 19 » serait une chance pour l’humanité, car elle permettrait une restructuration en profondeur des sociétés, de l’économie et des comportements.

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Il n’est pas difficile dès lors d’extrapoler des quantités de théories, sans doute non prouvées, mais non dénuées de vraisemblance.

D’autant que les progrès du contrôle social par la technologie sont une réalité quotidienne: caméras omniprésentes, drones, documents biométriques, reconnaissance faciale, signature par empreinte digitale, traçage GPS, analyse des préférences de recherches Internet, profilage de consommation, croisements de fichiers, font partie de notre réalité quotidienne actuelle et indiscutable.

Conjurer des peurs légitimes

Cette tendance ne fera que s’amplifier. Il suffit de se rapporter à ce qui filtre du « communisme 2.0 » chinois pour prévoir ce qui nous attend à très court terme: traçage et analyse systématisés des déplacements individuels, contrôle sur tous les mouvements monétaires par la monnaie électronique, disparition de la vie privée, technopolice et profilage prévisionnel des comportements (le monde de Minority Report). Tout cela est pour demain.

Imaginer que cela pourrait aller encore plus loin par l’injection non consentie de « nanopuces » ne sort dès lors plus du vraisemblable. Mais reste pour le moment imaginaire.

Comment faire pour empêcher l’imagination de galoper? Pas par l’interdit, l’ostracisme ou la stigmatisation. Grâce aux réseaux sociaux, le « conspirationnisme » est comme naguère le feu grégeois, plus on verse d’eau pour l’éteindre, plus il se développe. La seule solution consiste à faire appel à la raison. La thèse des « nanopuces », comme certains commentateurs l’ont remarqué, est fondée sur une peur: celle que des individus, des forces plus ou moins cachées ou des autorités, utilisent ces technologies supposées, à l’insu des populations, pour les contrôler.

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Que font, très souvent les gouvernements pour conjurer des peurs: ils édictent des lois pénales. Si l’injection de composants électroniques dans le corps à l’insu d’un sujet devient un crime, plus personne ne craindra la commission d’un tel acte, car aucun médecin ou fonctionnaire raisonnable ne risquera de finir ses jours en prison pour procéder à cet acte de contrôle social. Et la théorie conspirationniste des « nanopuces » aura vécu.

Je propose donc, pour rassurer les populations et mettre fin aux fantasmagories, le vote par le Parlement de l’article de loi suivant:

Code pénal, Article 221-5-6

Le fait d’insérer dans le corps humain un dispositif électronique ou équivalent, quelles que soient sa taille, sa technologie ou sa fonction, sans avoir recueilli le consentement préalable, écrit et éclairé de la personne concernée, est puni des peines de l’article 225, même si ce dispositif n’a eu aucun effet détectable sur la santé.

Il s’agit des peines de l’empoisonnement: 30 ans de réclusion criminelle et, en cas de circonstances aggravantes, réclusion criminelle à perpétuité.

Si ce texte est voté, les théories conspirationnistes liées aux « nanopuces », perdant tout semblant de crédibilité, s’éteindront d’elles-mêmes. S’il n’est pas voté…

Le techno-monde a la langue qu’il mérite

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La langue française se meurt sous les coups des néoféministes, des universitaires, et des pseudo-linguistes qui réclament absurdement une langue « égalitaire » ou « inclusive ».


En plus d’être des militants, les massacreurs de la langue française sont souvent aussi des “communicants” dont on peut retrouver la trace dans la novlangue politique, médiatique ou publicitaire, qui est la langue du techno-monde.

« Quand on est amoureux de la langue, on l’aime telle quelle, comme sa grand-mère. Avec ses rides et ses verrues », écrivait Vialatte. Il pressentait les désastreux effets secondaires des liftings que des « chercheurs » allaient opérer. Dernièrement, un député français (!) a proposé de finir de la défigurer en promouvant la « langue française métissée » d’une chanteuse qui est à la langue française ce que Lilian Thuram est à la philosophie humaniste. L’entendre faire l’éloge de cette langue décharnée a été à la fois très drôle et très triste, car la langue qu’il utilisait pour ce faire était très mièvre et très pauvre.

La novlangue envahit nos gazettes communales

En plus d’être laide, la novlangue française gangrène les lieux les plus beaux quand elle essaie de les défendre ou d’en faire une « promotion touristique » qui promeut en réalité la destruction de l’endroit convoité. J’ai ainsi sous les yeux une brochure que je reçois régulièrement et qui me donne des « informations sur la Communauté de Communes des (…) » Les communes concernées sont entourées par une des plus belles forêts de France, une des plus grandes, une des plus anciennes, forêt de chênes et de hêtres essentiellement, lieu idéal pour les marcheurs, les cueilleurs de champignons, les chasseurs de papillons. Un petit coin de paradis. Bientôt un enfer : la brochure nous rappelle en effet qu’une « étude de développement touristique de la Forêt des (…) a été lancée » et qu’elle a « pour objectif de générer une vision partagée et de donner de la cohérence à la mise en tourisme de cet espace forestier au travers d’une démarche durable, superposant intégration locale, nouvelle mobilité et innovation. » 

Et ce n’est qu’un début.

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La suite de l’article s’intitule Une forêt vivante et est écrite dans la même langue mortifère (je ne change rien à la syntaxe, à la mise en gras de certains passages, etc.) : « La Communauté des Communes mène des réflexions complémentaires pour développer l’itinérance comme filière d’excellence ainsi que sur la signalétique et la signalisation. Bien plus qu’imaginer la localisation et la thématisation de nouveaux itinéraires avec des successions de panneaux, ces deux réflexions sont centrées sur la question de « l’expérience de visite », conçue pour différentes typologies d’acteurs : cyclistes, résidents occasionnels, touristes de passage, résidents du territoire recherchant une « respiration de nature » à proximité… Le chemin vers une véritable logique d’accueil pour « vivre » notre forêt et notre territoire est en construction. »

L’horrible verbe “impacter”

Ce genre de « littérature » se multiplie et est écrit par des individus qui sortent de notre système scolaire, lequel a « égalitairement » réduit l’héritage littéraire à presque rien et la transmission des savoirs à pas loin de zéro. La langue qu’ils écoutent ou lisent aujourd’hui est principalement celle de la publicité, des réseaux sociaux ou, dans les milieux les plus “favorisés”, celle des “éléments de langage” appris dans les écoles de journalisme ou les cercles politiques. C’est une langue emplie de fautes, d’anglicismes, de nouveaux verbes (dont l’horrible impacter), et d’expressions techno-commerciales étranges, novlangue utile au seul programme de destruction du monde. Résultat : la simple promenade est remplacée par « l’itinérance comme filière d’excellence » ; à la rêverie sur les chemins forestiers se substitue une « expérience de visite » conçue non pas pour des promeneurs du dimanche mais pour des « typologies d’acteurs » ; le chemin ne sent plus la terre et les feuilles mais mène à « une véritable logique d’accueil pour “vivre” notre forêt » ; et tandis que je peine à retrouver mon souffle en escaladant une des travées du haut de la forêt, je devrais me souvenir de rechercher une « respiration de nature ». La langue du techno-monde est celle de l’information et de la communication, les instruments d’effacement du réel. Pour l’écrire ou la parler, point besoin de poètes ou de lecteurs avertis, au contraire. Les enfants sortis de l’école actuelle, nourris au rap, aux tweets et, pour les plus « doués », aux thèses universitaires sur le genre, suffiront amplement à la tâche.

On l’a bien cherché

Dans sa réjouissante Défense et illustration de la novlangue française, Jaime Semprun conclut ironiquement : « Cependant, l’ayant défendue (la novlangue) en tant qu’elle est la plus adéquate au monde que nous nous sommes fait, je ne saurais interdire au lecteur de conclure que c’est à celui-ci qu’il lui faut s’en prendre si elle ne lui donne pas entière satisfaction. » 

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Le techno-monde a la langue qu’il mérite. L’un et l’autre se soutiennent en s’abaissant mutuellement. Un monde décadent doit pouvoir se dire et se lire dans une langue qui lui ressemble. De ce point de vue-là, on peut dire que notre novlangue française réussit totalement la tâche qui lui incombe. Pour illustration, rappelons les propos d’une fervente locutrice de la novlangue politique, Anne Hidalgo : « Loin d’être anxiogène, la résilience urbaine apporte des solutions pour mieux adapter les villes ». Aucun journaliste n’ayant demandé la traduction de cette « phrase », il faut croire que ce baragouin est maintenant compris par le plus grand nombre. Et qu’un prochain baragouineur pourra gribouiller dans ma feuille d’informations de la Communauté de Communes que « loin être éco-anxiogène, la résilience villageoise apporte des solutions pour mieux adapter les forêts », sans que personne n’y trouve rien à redire.

Défense et illustration de la novlangue française

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« À l’exception de la libre circulation, aucune liberté n’est véritablement remise en question ! »


Selon le député, la majorité n’a pas démérité face à la crise sanitaire. Le gouvernement implique les collectivités dans la prise de décision, mais assume ses responsabilités et dit la vérité aux Français. Propos recueillis par Gil Mihaely. 


Causeur. Fin mars, Olivier Véran a déclaré que nos capacités en réanimation (matériels et personnels) passeraient de 5000 à 14 500 lits. En octobre, nous étions toujours à 5 800 ! Le 28 octobre, alors que 3 000 de ces lits étaient occupés, le président s’est engagé à porter ce chiffre à 10 000 lits. Que s’est-il passé ?

Ludovic Mendes. Les annonces faites en mars ne visaient pas la création d’une capacité permanente de 14 500 lits de réanimation ! Dans un laps de temps aussi court, on peut faire un effort ponctuel, mais qui ne peut pas durer. On ne crée pas un service de réanimation du jour au lendemain. N’oublions pas que pendant les dix ou quinze dernières années, des mauvaises décisions ont été prises concernant la formation des anesthésistes, réanimateurs et des infirmiers spécialisés.

Reste qu’il a fallu imposer un deuxième confinement parce que, fin octobre, les lits promis manquaient. Le problème était donc hospitalier, et non sanitaire !

Non. Nous avons amorcé le reconfinement non pas à cause d’un taux d’occupation important en réanimation, mais parce qu’il y avait une explosion à la fois du nombre des contaminations et du nombre des malades de la Covid-19 en besoin d’hospitalisation « normale ». Mais surtout, nous nous sommes aperçus que cette fois-ci, une population différente était touchée par le virus. Contrairement à la première vague, des malades sont plus jeunes, en bonne forme physique et sans comorbidité. J’ajoute qu’in fine, les autres pays ont pris des mesures semblables.

Le président a également affirmé fin octobre que, quoi que nous fassions, près de 9 000 patients seraient en réanimation mi-novembre. Nous y sommes. Les mesures prises fin octobre n’étaient pas aussi strictes qu’au printemps, et malgré cela on est à peu près à la moitié du chiffre annoncé. Avait-il de mauvais chiffres ou est-ce qu’il applique une politique de la peur, catastrophiste pour mobiliser les citoyens ?

Si je ne me trompe pas, le président a parlé d’un total de 9 000 lits de réanimations occupés, c’est-à-dire 9 000 cas graves de la Covid… mais aussi d’autres maladies. Ceci dit, il est vrai que la situation est moins grave que celle prédite par les projections d’octobre. Dans ma région, le Grand Est, nous nous attendions à un pic important aux alentours du 15 novembre, mais nous avons eu de la chance et on n’a pas atteint ce pic. Nous avons atteint un plateau et la décrue est amorcée. Le gouvernement n’essaie pas de faire peur. Souvenez-vous du début de la crise : on annonçait des millions de morts, mais personne n’y croyait vraiment ! Pourtant c’est exactement ce qui s’est passé. En France, le gouvernement se sert des projections de l’Institut Pasteur et s’appuie sur le Conseil scientifique, en prenant aussi en compte que le virus risque à tout moment de muter et rendre la situation encore plus dangereuse et compliquée. Emmanuel Macron ne navigue pas à vue. Il navigue dans un brouillard épais. Dans une telle situation, le président et la majorité ont choisi de tenir un discours de vérité même s’il est parfois alarmiste.

À lire aussi, Renaud Girard et Jean-Loup Bonnamy: “Si le confinement était un essai médicamenteux, on l’arrêterait tout de suite à cause des effets secondaires terribles”

Vous parlez d’un discours de vérité, mais avez-vous oublié les palinodies sur les masques ?

Je pense que Macron a toujours été honnête, et a aussi accepté de reconnaître les erreurs qui ont été faites. C’est également vrai pour le Premier ministre et les ministres, dont celui de la Santé.

À l’issue du premier confinement, le gouvernement a également promis que les corps intermédiaires et les élus locaux seraient associés à la gestion de la crise. Face à la deuxième vague, les réflexes jacobins sont revenus…

En imposant une politique au niveau national, l’État a tout simplement pris ses responsabilités. Depuis la rentrée, sur tout le territoire, préfets, parlementaires et élus discutent, négocient et font des remontées à Paris. Et, s’il y a bien eu le regrettable « couac marseillais », c’est parce que dans ces discussions complexes, des élus ne veulent pas jouer le jeu. Heureusement, ce cas est l’exception.

N’empêche que, concernant les petits commerces, des dizaines des maires voulaient s’opposer aux mesures dictées par le gouvernement.

Là aussi, l’État a pris ses responsabilités quand certains élus, entre autres pour des raisons électoralistes, ne voulaient ou ne pouvaient pas prendre certaines décisions : dans des villages ou des petites villes, la pression sur le maire peut être énorme !

Mais les maires sont pénalement responsables. Dès lors, pourquoi ne pas les laisser gérer leurs communes dans ce qu’elles peuvent avoir de spécifique, et en assumer ensuite les conséquences ?

Parce que parfois le maire ne voit pas le tableau global. Si vous étudiez la mobilité des Français, la manière dont ils se déplacent, font leurs courses, travaillent ou se soignent, vous vous rendez compte que les zones reculées ne le sont pas tant que ça… On ne peut donc pas traiter ces villes et villages comme des îles au milieu de la mer, et il faut raisonner à une échelle qui dépasse souvent le maire. Nous, gouvernement et majorité, ne sommes pas là pour répondre à une somme d’individus localement. Nous sommes au service de l’intérêt général et nous entendons accomplir cette mission.

Une crise de cette nature et de cette ampleur exige des arbitrages difficiles. Pour sauver des vies, on grignote des libertés en limitant la circulation, le commerce, etc. Il n’est pas évident de savoir où placer le curseur entre les libertés et la préservation des vies. Philosophiquement, vous sentez-vous à l’aise avec l’endroit où votre majorité a arrêté le curseur, alors que les critiques sont très nombreuses ?

Globalement, la seule liberté vraiment remise en question, c’est la libre circulation. Les autres sont plutôt bien respectées et le Conseil constitutionnel, sollicité à plusieurs reprises, le confirme. Nous sommes dans un état d’urgence – donc d’exception – pour faire face à une situation compliquée. Si ces décisions exceptionnelles qu’exige notre situation menacent le commerce de proximité, c’est parce qu’il n’y avait pas d’autre choix. Par ailleurs, au risque de vous déplaire, j’aurais personnellement aimé que l’on aille plus loin encore sur le cas des personnes testées positives et qui ne respectent pas la règle de rester chez elles en quatorzaine. On devrait durcir la loi sur ce point. Ces personnes doivent être retenues coûte que coûte à leur domicile ou être mises dans des espaces dédiés comme des hôtels, en collaboration avec l’État (pour la prise en charge) et recevoir une amende importante en cas de manquement. Ces personnes-là mettent en danger la vie d’autrui, et aussi notre vie économique et sociale.

Iriez-vous jusqu’à rendre la vaccination obligatoire ?

Non. Il faut déjà attendre les résultats des études cliniques, et il faut que le vaccin soit validé par l’Agence nationale du médicament et l’Agence européenne. Mais sur le principe, je ne suis pas favorable à une vaccination obligatoire, parce que je reste un libéral.

Salutem Sacrum

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La santé devient une « religion sanitaire », avec le médecin dans le rôle du prêtre…


C’est dans la seconde moitié du dix-huitième siècle que les Encyclopédistes, n’y voyant pas malice, démarrèrent un long mouvement de sacralisation de la nature et particulièrement de la santé. La santé, « salutem » en latin, vient donc remplacer le salut théologique auquel des générations avaient aspiré.

Le médecin remplaça le prêtre et la pénicilline se para de vertus miraculeuses. Le nihilisme et l’égalitarisme ayant fait les ravages qu’on sait chez l’homo occidentalis épuisé par son fardeau, la nouvelle religion sanitaire put étendre son pouvoir en majesté. Si l’on y ajoute le principe de précaution, verset premier et incontournable de cette nouvelle doxa, et qui remplace le bon vieux principe de préjudice, nous voilà dans l’eau bénite jusqu’au cou !

La santé a phagocyté le pouvoir  

Comme toutes les religions, elle a ses Grands Inquisiteurs, dont on soupçonne assez rapidement qu’ils ne se relèvent pas la nuit pour rire. Le sort qu’ils réservent aux hérétiques, par contre, pourrait donner des cauchemars, car comme dans toute foi, il convient de séparer le pur et l’impur, l’élu et le mécréant, selon des critères parfois aussi sibyllins que par le passé.

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Comme toutes les religions, ses prélats et ses vicaires prêchent sans relâche sur toutes les places, sur tous les parvis et surtout, sur tous les réseaux sociaux. Comme toutes les religions, elle a ses dévots et ses grenouilles, également appelés hypocondriaques. Et hélas, à l’instar du catholicisme et de bien d’autres religions, elle a phagocyté le pouvoir, qu’il soit démocratique, social-démocrate ou autre. Elle pratique ce que Voltaire, Diderot et les autres libéraux du dix-huitième siècle appelaient la « collusion du trône et de l’autel » et contre laquelle ils s’insurgeaient. La santé sacralisée est tombée entre les mains de l’État, tout comme y tombèrent l’enseignement et les ponts-et-chaussées. On ne discerne d’ailleurs pas pourquoi une autorité se priverait de cette cohorte de croyants, toute prête à l’aduler pour peu qu’elle lui promette l’enfer des soins intensifs et lui propose l’absolution vaccinale.

Certes, des mouvements humanistes se font entendre qui voudraient rompre cette collusion et des sceptiques s’inquiètent de cette nouvelle sacralité, qui ne laisse pas plus de place au doute que les autres. Mais on n’entend guère de libres-exaministes pour réclamer, en tapant du poing sur la table, une nouvelle loi de 1905 qui séparerait la santé sacrée du très profane pouvoir temporel. Et qui revendiquerait, comme les combats laïques l’avaient exigé et obtenu, que soit laissée à chacun la possibilité de croire ou pas.

Trois relaxes sinon rien!

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Quatre ans de prison (dont deux avec sursis) ont été requis hier à l’encontre de l’ancien président de la République. Les procureurs lui reprochent d’avoir obtenu, par l’intermédiaire de Thierry Herzog et de Gilbert Azibert, des informations secrètes au sujet d’une procédure dans l’affaire Bettencourt. Philippe Bilger prend les paris: la justice va le relaxer. Tout ça pour ça!


Ce billet est publié alors que les réquisitions du PNF dans le procès de Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, Thierry Herzog, son avocat et ami, et Gilbert Azibert, ancien magistrat qui a occupé plusieurs postes prestigieux impliquant une certaine confiance politique à l’égard de leur titulaire, ont été prises le 8 décembre.

Jean-François Bohnert, chef du parquet national financier (PNF), Jean-Luc Blachon et Céline Guillet, deux de ses représentants toujours présents aux audiences, ont requis contre les prévenus quatre ans d’emprisonnement dont deux avec sursis et, pour Me Herzog, 5 ans d’interdiction professionnelle.

Comme il se doit, l’appréciation sur l’argumentation développée par le ministère public est critique voire ironique. Cette tonalité ne fait que me confirmer davantage dans la certitude que, prochainement, trois relaxes seront édictées.

Je n’ai pas assisté aux audiences mais j’ai lu tous les comptes rendus des débats, et au travers de leurs approches diverses, sinon contradictoires, il me semble pouvoir confirmer mon intuition anticipée. Aussi bien le Figaro, le Monde, le Parisien, Libération que Marianne et Mediapart ont offert au citoyen que je suis et au magistrat que j’ai été, un pluralisme très éclairant.

Philippe Bilger D.R.
Philippe Bilger D.R.

Pour cette affaire, sans en être spécialement gêné, trois de mes relations amicales sont concernées : Thierry Herzog lui-même et deux remarquables avocats, Jacqueline Laffont qui défend Nicolas Sarkozy et Hervé Temime au soutien de la cause de son confrère et ami Herzog. Il n’y a pas là de quoi entraver ma liberté d’expression.

Ce ne sont évidemment pas les relaxes qui probablement seront prononcées qui me perturbent dès lors qu’elles s’attacheront seulement à des éléments juridiques indiscutables et à une analyse fouillée et sans complaisance des écoutes Sarkozy-Herzog aussi bien officielles que dissimulées, un certain temps, sous la fausse identité de Bismuth.

Alors qu’en revanche, depuis le début du procès, on peut constater l’étendue de tout ce qui, politiquement et médiatiquement, est mis en oeuvre pour persuader le tribunal correctionnel (dont la présidente aurait pu être plus pugnace, notamment dans le questionnement de son ancien collègue Azibert) qu’elle est saisie d’une affaire dérisoire voire « minable » et qu’elle perd son temps. Sur l’accusation qui a osé ces renvois, pèse l’opprobre d’avoir ajouté une page sérieuse au feuilleton judiciaire de Nicolas Sarkozy et d’avoir, par l’entremise de Me Herzog, touché à l’honneur sacro-saint du barreau.

Dans tous les cas, il était léger d’évoquer le caractère vain de la Justice quand la qualité des prévenus – c’est une première pour un ancien président de la République – rend cette espèce passionnante et dépasse de très loin son objet apparent qui au demeurant n’est pas médiocre.

D’abord l’absence de Gilbert Azibert le premier jour, d’où l’obligation d’un renvoi après une expertise médicale ne s’opposant pas à sa comparution. Comme s’il était possible pour Gilbert Azibert d’avoir paru fuir ainsi sa responsabilité.

Ensuite une salle majoritairement emplie d’avocats en robe pour soutenir leur confrère Me Herzog. Comme si le respect du secret professionnel était en débat et non pas son éventuel dévoiement en vue d’une infraction.

Je n’ose imaginer ce qu’on aurait pensé d’une assistance de policiers venant, telle une pression forte, prendre fait et cause pour des policiers renvoyés devant le tribunal correctionnel. On aurait estimé, avec justesse, cette surabondance déplacée.

Comment avoir eu l’inélégance, par ailleurs, de souiller judiciairement d’aussi belles histoires d’amitié ! Celle entre Thierry Herzog et Gilbert Azibert, celle entre Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog. Rien dans cette entente qui puisse être suspecté. Que du sentiment. Des bavardages tranquilles. Sans la moindre finalité. Beaucoup d’écoutes pour rien, en quelque sorte !

Nicolas Sarkozy n’avait rencontré que rarement l’ancien magistrat mais sa moralité lui avait été attestée par Patrick Ouart, son conseiller Justice, notamment dans l’affaire Bettencourt et ses aléas ! Tout est dit !

Il s’est agi clairement de dissocier le trio et de substituer au dessein collectif qui lui était prêté des relations singulières, sans la moindre prestation à accomplir, ni la moindre réciprocité, de telle manière qu’à l’évidence Thierry Herzog s’est dévoué – tactiquement ou sincèrement ? – pour sortir Nicolas Sarkozy du champ de la prévention pénale.

Cet avocat, au centre du jeu, a cherché à sauver Gilbert Azibert mais bien davantage son ami Nicolas Sarkozy, en danger politique et judiciaire. Il faut reconnaître que Me Herzog, sur ce plan, a été aussi doué comme prévenu que comme avocat ailleurs.

J’ai eu l’impression parfois que le rôle des mis en cause n’était pas perçu comme celui de prévenus mais qu’il s’agissait d’acteurs dont on attendait avec impatience la prestation sans s’interroger une seconde sur leur crédibilité. Comme si on était d’emblée presque heureux de les voir quitter le terrain judiciaire au profit d’une atmosphère théâtrale, d’une jouissance narcissique.

Pourtant des interrogations auraient-elles été indécentes face aux explications longuettes de Gilbert Azibert sur la Cour de cassation – une conférence ou une comparution ? -, au départ précipité de Me Herzog pour Monaco où se trouvait Nicolas Sarkozy afin de lui parler seulement de Patrick Buisson et de son épouse Carla et au changement subit de tonalité dans les écoutes des portables, la ligne officielle venant apparemment tout de suite contredire ce que la clandestine avait révélé ?

Enfin Nicolas Sarkozy vint ! Il piaffait, il piétinait, il avait hâte.

Son verbe a été loué, son énergie, sa force, son talent. Un superbe exercice d’oralité.

Mais, à le lire, on y retrouve ce qui depuis tant d’années est le fond de toutes ses apologies. Il est victime, le PNF lui en veut, les procès qu’on lui intente sont politiques et il n’y a rigoureusement rien contre lui dans les dossiers. Jamais. Il se compare à de Gaulle qui n’avait plus l’âge pour être « dictateur », pourquoi deviendrait-il, lui, « malhonnête » à 65 ans ?

Il tire des procédures multiples engagées contre lui la preuve de sa moralité, on pourrait y voir l’inverse : tout ce dont on le soupçonne est plausible, il en est capable. De Gaulle non.

Avec cette faille constante : il ne procède que par indignations, dénonciations morales. Comme s’il était forcément au-dessus du droit et pourvu d’une sorte d’exemplarité de principe. Ce qui ne peut que laisser songeur au vu de sa trajectoire présidentielle et de la dénaturation de la République irréprochable promise en 2007, si vite oubliée.

Les représentants du PNF et le chef de ce dernier ont été intelligents et vaillants.

Mais le vent souffle à la défense.

Je parie donc que trois relaxes seront édictées, le moment venu.

Parce que depuis le début on ne cesse de diffuser par tous moyens, bien au-delà du strict plan judiciaire dégradé en spectacle, que l’innocence est éclatante et qu’il ne resterait qu’à la valider.

Les juges me feront-ils mentir ?

Rétablir le service national: la fausse bonne idée de Mélenchon

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Ainsi donc, voici que M. Mélenchon veut, à son tour, rétablir le service national, notamment dans les forces de police…


Il s’agit décidément d’une recette magique que les hommes politiques, de tous bords exhument lorsqu’ils mesurent toute l’étendue de leur impuissance face à la fragmentation de la société. Le président de la République lui-même en avait fait une promesse de campagne, avant d’accoucher du S.N.U., une construction burlesque dont j’ai toujours peiné à comprendre l’utilité et dont on ne parle plus guère.  

Les Français, il est vrai, semblent montrer de l’appétit pour ce projet (sauf peut-être ceux qui seraient astreints à l’obligation). Tout se passe comme si, dans une situation de panique et de délitement profond du lien social, la résurrection de l’obligation militaire apparaissait comme une panacée. Beaucoup de nos concitoyens semblent fermement convaincus qu’en faisant passer les jeunes générations par la moulinette des hommes en vert, le goût du « vivre ensemble », aussi souvent invoqué qu’il est illusoire, naîtra ou renaîtra comme par enchantement. La mesure, cependant, présente toutes les caractéristiques d’une « fausse bonne idée » ainsi que l’on relevé bon nombre d’observateurs et notamment le remarquable général (2s) Desportes dans une interview publiée en 2016 dans le bulletin de l’Association de Soutien à l’Armée Française (A.S.A.F.). 

La raison d’être de la conscription n’a jamais été le “vivrensemble”

Avant toute chose, plantons le décor : je suis capitaine d’infanterie de réserve et j’ai servi pendant quinze ans, ce qui signifie, d’une part, que j’ai une vague idée de ce qu’est l’armée et, d’autre part, que je ne puis être soupçonné d’antimilitarisme. Bien au contraire, c’est précisément mon militarisme qui me conduit à considérer comme absurde une proposition qui fleure bon l’opportunisme politicien. 

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Si l’on veut être un peu romantique on verra l’acte de naissance de l’obligation militaire dans la canonnade de Valmy, lorsque Kellermann mit son chapeau à la pointe du sabre et s’écria « vive la nation », entrainant à sa suite la foule hétéroclite des volontaires et des vétérans de la monarchie. En réalité, la levée en masse ne sera instituée que par loi Jourdan-Delbrel du 5 septembre 1798. La conscription connaîtra ensuite des formes diverses qui la verront tantôt supprimée, tantôt rétablie, tantôt soumise aux caprices du tirage au sort, tantôt universelle.

Il reste que sa raison d’être n’était pas et n’a jamais été le brassage des populations ou l’éducation civique. Ceux qu’on appelait sous les drapeaux, dans leur écrasante majorité, se vivaient comme Français, de nation et de culture. Car ne le nions pas, jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie, au plus tôt, la France (tout comme la plupart des autres pays européens) était ethniquement assez homogène. Certes, un Breton n’est pas un Lorrain qui n’est pas un Basque. Mais il y avait et, j’ose l’espérer, il y a encore, entre ces populations un plus petit commun dénominateur : l’histoire de l’État (celle de nos rois), l’histoire de la nation (celle de la Révolution et de tous les régimes qui l’ont suivie, quelle qu’en ait été la forme), la langue, les livres, les croyances populaires ou religieuses (qu’on ait continué d’y adhérer ou non). Tout cela, au fond, qui forme un peuple.

La fratrie, c’est le sang

Peut-être l’aristocrate ne s’intéressait-il guère au bourgeois; peut-être le bourgeois ne connaissait-il pas le prolétaire ou le paysan; et peut-être certains Bas-Bretons (ou Provençaux, ou ce que vous voulez) baragouinaient-ils un français approximatif. Mais au-delà de leurs différences sociales, tous étaient Français. L’armée leur a appris à se connaître entre Français et c’est en ce sens seulement qu’elle les a brassés. Dans la boue des tranchées pataugeront côte à côte le sergent de La Ville de Mirmont (poète, tué à l’ennemi), le sous-lieutenant Pergaud (instituteur et écrivain, tué à l’ennemi), le lieutenant Péguy (écrivain et poète, tué à l’ennemi), le soldat Dorgelès (écrivain), le lieutenant Genevoix (romancier et poète), les fils du général de Castelnau (dont trois furent tués à l’ennemi) et tant d’anonymes, officiers, sous-officiers ou soldats, cordonniers, ouvriers, agriculteurs, clercs de notaire ou commis-voyageurs. 

L’armée n’est pas une machine à fondre dans un grand tout des populations qui ne se sentent pas un minimum d’appartenance commune ; ce n’est pas un instrument magique qui permettra en un tournemain de passer au-dessus du précipice culturel qui sépare telle population de telle autre. Si le rapport à la vie et à la mort n’est pas le même, si la relation au vrai et au faux, au juste et à l’injuste diffèrent profondément (sans jugement de valeur aucun) que voulez-vous que l’adjudant-chef le plus doué y fasse ? La patrie écrivait Renan, c’est le plébiscite de tous les jours; et j’ajouterai que ce plébiscite repose sur un acte de foi qui est, le plus souvent, le fait de ceux auxquels parlent « la terre et les morts » selon la formule de Barrès, aujourd’hui jugée nauséabonde. Dans son roman « Les Centurions« , Jean Lartéguy met en scène le lieutenant Mahidi, officier d’origine algérienne, ancien combattant d’Indochine, qui cependant trahira ses camarades pour rejoindre le F.L.N. Et lorsque la Grande Armée devint l’assemblage babélien de plusieurs nations européennes, les premiers à déserter ou à se battre mollement furent ceux que des systèmes d’alliances ou des conquêtes avaient contraints à se ranger sous les trois couleurs. On ne décrète pas : « untel sera mon frère » ou « untel sera mon ami ». La fratrie, c’est le sang ; l’amitié, c’est le cœur. L’éducation civique n’a rien à y voir. L’armée ne fera pas aimer la France à quelqu’un (quelle que soit son origine) qui ne considère pas d’abord les habitants de ce pays comme ses compatriotes, pas plus qu’on ne peut faire boire un âne qui n’a pas soif. Penser le contraire, c’est se leurrer. 

Nous ne sommes pas sortis de l’histoire

Et puis enfin, au-delà du fantasme d’un improbable brassage, non pas social, mais sociétal et culturel, il faut se poser la seule bonne question : à quoi sert l’armée ? Si l’armée fut parfois un instrument de conquête (sous l’Empire par exemple) elle est et reste surtout la garante de l’intégrité du territoire national, de la défense des citoyens face à une agression extérieure (guerre conventionnelle) ou intérieure (situation de guerre civile) et l’un des vecteurs essentiels de la puissance de l’État en tant qu’instrument de l’action géopolitique. « Dieu, écrivait Bussy-Rabutin, est d’ordinaire pour les gros escadrons contre les petits. » Or, les hommes qui doivent remplir ces missions ne sont plus les poilus de la Grande Guerre. Le temps est loin où l’on pouvait envoyer au front, après une formation sommaire des jeunes gens qui, quelques semaines auparavant, cultivaient leurs navets ou faisaient la classe. Les équipements sont incroyablement sophistiqués. Même le fantassin, lorsqu’il part au combat, est bardé de technologie. Le temps d’apprentissage est long et les évolutions techniques fréquentes, ce qui rend le service national tout à fait inutile du point de vue militaire. 

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Ce dont la France a besoin, si elle veut espérer continuer à peser encore sur les affaires du monde, c’est d’un outil militaire moderne, à la hauteur de ses ambitions. Or, alors qu’en 1980 l’effort militaire représentait encore 3% du PIB (5% dans les années soixante), la part des missions de défense ne représentait plus que 1,45% du PIB en 2016 (1,8% pensions incluses). À titre indicatif, le Conseil de l’Alliance atlantique fixe à ses membres un effort de défense minimal de 2% de leur PIB (hors pensions), ce que très peu respectent. Cette disette budgétaire n’affecte, en outre, que les forces conventionnelles, à l’exclusion de la force de dissuasion nucléaire, alors que ce sont elles que nous mettons constamment sous tension en les projetant aux quatre coins du monde ! Comme le rappelait l’Association de Soutien à l’Armée Française (ASAF) dans son bulletin du mois de septembre 2016 « comment parler aujourd’hui d’autonomie stratégique quand nous sollicitons les avions gros porteurs ukrainiens pour nos opérations, quand nous ne pouvons déployer que 15 hélicoptères et 3500 hommes pour contrôler les 5 millions de km2 de la bande sahélo-saharienne et quand nous ne pouvons pas contrôler seuls la chaîne de transmission des images fournies par les drones américains Reaper que nous venons d’acquérir ? ». L’association G2S, composée d’officiers généraux en deuxième section le dit clairement : porter l’effort de défense à 2,5% permettra au mieux de maintenir en l’état un outil militaire en voie de délabrement rapide. L’objectif, c’est d’atteindre au plus vite 3%. Faute de quoi, nous perdrons ce que le général (2S) Desportes a justement appelé « la dernière bataille de France »[tooltips content= »Vincent Desportes, La dernière bataille de France, Gallimard, 2015″](1)[/tooltips] et nous devrons nous résoudre à devenir un nain géostratégique.

J’ai déploré les circonstances dans lesquelles l’obligation militaire a été suspendue : à la sauvette et sans débat de fond. Mais c’était une bonne décision. En 1934, déjà, le général de Gaulle prônait la création d’une armée de métier[tooltips content= »Charles de Gaulle, Vers l’armée de métier, Berger-Levrault, 1934″](2)[/tooltips]. Cependant, il devait y avoir une contrepartie à cette mutation : la création d’un outil professionnel, certes, mais convenablement doté, supérieurement entraîné, auquel serait adossée une réserve de qualité. Bref, un véritable levier de puissance. Cette promesse-là, ni M. Chirac, ni ceux qui lui ont succédé, de droite comme de gauche, ne l’ont tenue. Peut-être parce qu’ils ont crû être sortis d’une histoire au cœur de laquelle nous sommes aujourd’hui brutalement rappelés, ils ont fait du budget de la défense une variable d’ajustement. Et de cela ils sont comptables envers leur pays.

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Bonjour les enfants


En attendant la réouverture des salles de cinéma, on peut toujours étancher sa soif de cinéma avec des DVD et Blu-ray: les éditeurs en profitent pour exhumer quelques pépites. Aujourd’hui L’enfer des anges, de Christian-Jaque, est à voir dans une superbe version éditée par Pathé. Un film qui cultive avec efficacité une veine sociale jamais complaisante.


On peut toujours rêver : un jour viendra peut-être où l’on sortira Christian-Jaque de l’ornière où la Nouvelle Vague l’a fait injustement tomber. Il suffit de voir ou de revoir ce film rare, et cette fois dans une superbe version restaurée, pour se dire que décidément, c’était un vrai cinéaste, y compris à travers des intentions de mise en scène souvent habiles et inspirées.

À lire aussi, Jean Chauvet: Divan sur grand écran

Couverture du film "L'enfer des anges", éditée par Pathé.©Pathé
Couverture du film « L’enfer des anges », éditée par Pathé.©Pathé

L’exceptionnel Jean Tissier dans le rôle du salaud

L’Enfer des anges, sorti en 1941, fait partie d’une trilogie informelle sur l’enfance dont les merveilleux L’Assassinat du père Noël et Les Disparus de Saint-Agil constituent, dans un registre moins dramatique, les deux autres volets. Et puis il y a l’exceptionnel Jean Tissier pour une fois dans le rôle de salaud intégral : il implique de pauvres ados de la zone parisienne dans un trafic de drogue tout en gardant pour sa part les mains propres. Le film cultive avec efficacité une veine sociale jamais complaisante. Comme La Belle Équipe de Duvivier, il comporte deux fins, que cette très belle édition permet de découvrir.

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L’Être humain, bien mieux qu’un arbre et bien mieux qu’un écran

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Seule la présence physique apaise ou guérit


Il fut un temps où certains écrivaient sur l’énergie des arbres, l’énergie que les hommes pouvaient sentir en s’approchant des arbres, et recueillir en s’appuyant sur eux. Le Covid et internet m’ont fait découvrir que la meilleure énergie que nous pouvons recueillir, c’est pourtant, bien mieux que celle des arbres, celle qui vient de nos semblables, que nos frères humains nous communiquent. Je ne le prouve pas par stricte voie expérimentale mais j’accumule les preuves.

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Comment le Covid et la vie digitale nous ont-ils fait comprendre cela ? Par la séparation des hommes que l’épidémie a provoquée et par le type de liens de substitution qu’Internet a proposés. Nous avons vécu jusqu’à plus soif le corps numérique de remplacement : les liens démultipliés des réunions sur écran permettant, entre humains, entre amis, entre parents, entre collègues, entre étudiants ou élèves et professeurs, entre partenaires divers ou inconnus, d’échanger des informations : verbales, factuelles, commerciales, techniques, futiles, spirituelles même, des informations transférables, des informations informantes, des informations locales ou mondiales. Bref d’un point de vue utilitaire, le corps numérique de remplacement a fonctionné, il a rempli son rôle. Sauf que.

L’énergie bienfaisante des corps

Nous sortions épuisés de ces longues séances digitales. Nous nous sommes rendus compte que ces séances, suivies confortablement de chez nous, au milieu de nos meubles, ou de notre bureau, sans avoir à se déplacer, sans avoir à affronter les foules et la fatigue des transports, quand même, nous épuisaient, nous laissaient sans force. 

Parce que bien plus encore que les arbres, ce sont nos semblables qui nous fournissent la meilleure énergie. C’est au contact de nos frères humains que nous nous rechargeons, que nous accumulons ce qui nous fournit l’énergie de vivre ; mais c’est de contact physique qu’il s’agit : visuel, auditif, olfactif, tactile, gustatif, au contact les uns des autres par les cinq sens réunis ; réunion qui seule génère en plus le contact psychique et spirituel. Nous sortions épuisés psychiquement, spirituellement et même corporellement de ces séances numériques ; et à force de nous étonner de cette fatigue impromptue nous avons fini par comprendre que c’est parce que, si nous recevions de derrière l’écran des informations, nous n’avions plus l’énergie bienfaisante des corps.

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Je pense aux vieillards isolés dans les Ehpad à qui l’on tendait des tablettes numériques dans lesquelles leurs enfants parlaient en souriant. Ils rendaient pourtant l’objet sans un regard. Sans comprendre. Ne voyaient rien du réel dans le substitut. Comme les petits enfants qui ne voient pas la mère dans l’écran.    

J’accumule les preuves. Le charisme est physique. Tient au regard, à la force visible, à une certaine façon d’être, de marcher, de parler, qui ne tient pas qu’au volume. Qui peut tenir à peu, mais physique, corporel, visible, perceptible. La force du saint, dit Rimbaud dans les Illuminations. Celui qui par sa seule présence guérit. Le simple médecin parfois, ou la mère aimante qui s’occupe de l’enfant malade, le soigne, comme elle dit.

On a besoin d’échanges non verbaux aussi

Je me souviens des poignées de main qu’on se donnait (on disait qu’on les échangeait) et qui disait tant de l’autre ; on se donnait une information physique et on se transmettait quelque chose qu’on appelait volontiers un fluide.

Je pense au nourrisson de quelques mois, à l’intensité des échanges non verbaux qu’il a avec l’adulte qui le regarde en souriant. Je pense aux couples qui avant de dormir trouvent dans l’enlacement de quoi revivre. Je pense là au contact amoureux avec ou sans étreinte. À l’inverse, une rencontre sexuelle qui n’est pas préparée par cet échange d’énergie, cette préparation de l’âme et de l’esprit tout autant que du corps, n’est qu’une pornographie sèche ; c’est de cela qu’il s’agit dans le sexe sans amour.

Le corps soignant. Le médecin médicament de Balint. Le chamane. Le corps thaumaturge du roi qui guérissait les écrouelles. Ceux qui ont des dons de guérison, certains disent des pouvoirs, moi je dis qu’ils existent probablement mais qu’il vaut mieux se méfier d’où ils viennent, du ciel ou des enfers.

L’illusion du monde des écrans

La discussion avec l’ami, la discussion pleine d’entrain et d’échanges, qui vous requinque dans l’adversité, qui dilate votre cœur dans les bons moments. L’amitié qui ainsi se tisse.

L’énergie que l’on ressent au contact de l’autre. Ou que l’on ne sent plus. Qui s’est éteinte.

La joie d’être ensemble, à beaucoup. La joie dilatée que procure le chant choral. Celle de la prière en commun. Ailleurs, la ferveur des supporters, les chants eux aussi (Flower of Scotland à Murrayfield, Swing low Sweet chariots à Twickenham…). Bien sûr, qui dit stade, dit aussi Nuremberg ; cette force immense détournée.

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J’accumule des preuves. Jamais l’écran ne transmettra cette énergie que les humains retirent de leurs semblables. Quand ils se croisent, se regardent, se frôlent et se touchent, se parlent avec des vrais phonèmes faits de souffle et de modulations et appuyé de tout ce langage non verbal, que l’écran abrase et voile, sinon cache. Les humains marchent à l’humain comme les fourmis qui travaillent se rechargent en se touchant les antennes. Sans le prouver mais en accumulant quand même les preuves, bien sûr que les humains dans leur fourmilière ne font jamais rien de mieux entre eux que de se prendre les mains, les yeux et de se dire des choses de toutes les façons possibles, qui sont la voix et les yeux et tout le reste.

Voilà pour quoi, on est épuisé quand on a juste, pour se recharger, que des écrans à regarder et à entendre. Et la source de cet épuisement est l’illusion trompeuse du monde tout numérique : l’alternative sanitaire et utilitaire au monde tout humain où les humains se voient, se touchent, s’informent, se soutiennent en se servant pour cela de leur corps physique en personne.

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Je me sens bien seul

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Le billet du vaurien


La mort ne me fait pas peur. Le Covid-19 m’indiffère. Je n’ai jamais été pacifiste. Les migrants me font honte et l’islam m’inspire une sainte horreur. Depuis mon enfance, j’entends dire qu’il faut être charitable et aider les Africains à sortir de leur misère. Et, en aucun cas, faire preuve de racisme, d’homophobie ou d’un quelconque préjugé vis-à-vis des formes de sexualité « déviante ». Il faudrait même célébrer Noël en famille et se réjouir que nos gouvernants nous maternent en prenant des dispositions qui pourraient sembler liberticides à de mauvais esprits, mais c’est pour notre bien. Cette bienveillance universelle a quelque chose de louche et, autant l’avouer tout de suite, elle me donne envie de vomir. Je n’ai jamais demandé à qui que ce soit de prendre soin de moi et moins encore de dicter ma conduite ou, pire encore, mes pensées.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Crèche à Béziers: comme sur des roulettes

Et me voici embarqué dans un monde où, parce que je fais partie des personnes vulnérables, on me recommande de demeurer confiné, de me protéger en portant un masque et de me tenir à une respectable distance de mes semblables. Je ne vois d’ailleurs même pas en quoi ils sont mes semblables : masqués, ils plébiscitent tout ce qui pourrait prolonger, voire sauver, leur misérable petite vie. Ils croyaient en Jésus, ils croient maintenant aux vaccins. Quand j’émets le moindre doute sur les mesures sanitaires, voire sur les bienfaits de la révolution numérique devenue un implacable instrument de contrôle des populations, je me demande si mes interlocuteurs ne me considèrent pas comme un vieux gâteux, voire comme un homme qui a profité de l’insouciance des années glorieuses et qui ne veut pas en payer le prix. Pourtant chacun est prêt, à se sacrifier pour moi : j’aurai même droit à une part de ma bûche de Noël dans la cuisine.

Chez votre marchand de journaux: Causeur: Trêve des confineurs!

Je me garde bien d’émettre le moindre doute sur la bienveillance de mes proches, mais je ne peux pas m’empêcher d’éprouver une certaine compassion pour des humains qui tiennent d’autant plus à leur vie qu’elle a perdu toute valeur. Je préférerais les voir danser au-dessus du volcan. Karl Marx disait que l’homme est l’ensemble des relations qu’il entretient avec ses semblables. Il appartenait au Vieux Monde. Lui donneriez-vous tort pour autant, vous qui êtes passé d’une confrontation de chacun contre chacun à un «  vivre-ensemble »d’autant plus hypocrite qu’il est purement virtuel? Je ne dirai pas que le Virus nous rend fous. Nous l’étions déjà. Mais il nous métamorphose en pauvres petits animaux apeurés. Inutile de préciser qu’il est une aubaine pour les gouvernants, les laboratoires pharmaceutiques et les mandarins de la médecine. À titre personnel, j’aurais préféré figurer parmi les quatre cent mille morts que nous annonçait Emmanuel Macron au cas où aucune mesure sanitaire ne serait prise ( chiffre par ailleurs nettement surévalué ) que d’assister à l’effondrement d’un art de vivre et, sans être devin, d’une civilisation.

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Pour un management moins humain


L’idée d’avoir un robot comme psy germe dans les esprits…


On ne sera guère étonné d’apprendre que 2020 aura été l’année la plus stressante pour les salariés à travers le monde. Une étude conduite dans 11 pays par Oracle, la multinationale américaine, un des leaders dans la technologie de l’information, et Workplace Intelligence, un cabinet de consultants en ressources humaines, révèle que 78 % des 12 000 personnes interrogées considèrent que la pandémie a eu un impact négatif sur leur santé mentale. Ce qui est plus surprenant, c’est que 82 % croient que l’intelligence artificielle est mieux à même de répondre à leurs besoins en termes de santé mentale que d’autres êtres humains. Aussi 68 % des salariés interrogés préféreraient-ils parler de leurs problèmes à un robot qu’à leur manager, tandis que 80 % sont tout à fait ouverts à l’idée d’avoir un robot comme psy.

Le management moderne aime se dire à visage humain

L’avantage des robothérapeutes est que ceux-ci ne portent pas de jugement sur le salarié et ne risquent pas de considérer l’aveu d’un problème de santé mentale comme une faiblesse. La gêne et la honte que nous pourrions ressentir devant un autre être humain nous sont épargnées quand nous nous confions à un chatbot ou « agent conversationnel », pur produit d’un algorithme. Déjà, en 1966, un programme informatique en langage naturel, Eliza, a été développé au célèbre Massachusetts Institute of Technology afin de simuler les échanges entre un psychothérapeute et son patient selon l’approche du grand psychologue de l’époque, Carl Rogers. Malgré les capacités linguistiques très limitées de ce programme et son manque total d’intelligence et d’empathie véritables, Eliza arrivait non seulement à maintenir des interactions avec des êtres humains, mais à en convaincre certains qu’il comprenait leur cas et éprouvait de la sympathie pour eux.

Le management moderne aime se dire à visage humain. Dommage : les salariés préfèrent un visage d’automate.

Vaccins: faire taire le complotisme

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Bill Gates, photographié ici en 2018, est-il en train de réfléchir à son prochain complot ? © Nils Jorgensen/Shutters/SIPA Numéro de reportage: Shutterstock40642908_000036

Certains citoyens se demandent si les futures injections vaccinales ne contiendront pas des « nanopuces » pour tracer les individus. D’autres sont persuadés qu’un vaste complot travaille à une « grande remise à zéro » de l’humanité. D’où sortent ces théories? Faut-il les combattre? Une analyse d’Yves Laisné.


Le scepticisme par rapport aux vaccins n’est, dans son principe, qu’une variante du scepticisme par rapport aux médicaments. Ce dernier est très répandu, y compris dans les milieux scientifiques et médicaux et, s’il est vain de nier que le développement des médicaments – et des vaccins – a sauvé de nombreuses vies, il est dû à la vérité de constater que beaucoup de médicaments sont inutiles, soignent au prix « d’effets secondaires » pires que le mal, voire sont dangereux et, pour certains, létaux.

À la vérité est dû encore le constat que tout ce qui touche à l’expression d’opinions sur la santé publique en France est entaché d’arrière-pensées chez la plupart des intervenants: corporatisme des « soignants », gigantisme des budgets sociaux, monopole de la « Sécurité sociale », intérêts colossaux de l’industrie pharmaceutique (plus profitable que le pétrole, le luxe et les armements…), encadrement de la « recherche », esprit totalitaire de la « communauté scientifique », sensationnalisme de la majorité des médias, constituent un substrat de la transmission de l’information dans ce domaine qui doit naturellement conduire tout esprit libre ayant gardé sa capacité de critique à ne recevoir les flux transmis par les médias qu’avec la plus grande circonspection.

Le doute, ce maître du bon sens

Pour ne citer qu’un exemple, avant que le scandale de l’amiante éclate, il existait entre 1982 et 1995, sous l’égide des pouvoirs publics, un « Comité permanent amiante » (CPA), parfaitement institutionnel, même s’il est aujourd’hui rétrospectivement qualifié d’informel pour dédouaner les pouvoirs publics, peuplé de sommités scientifiques et de hauts fonctionnaires, dont l’objet était de persuader le public, y compris à l’international, que l’amiante ne présentait aucun danger pour la santé humaine.

Mais il y eut aussi la thalidomide, le distilbène, l’hormone de croissance, le chlordécone, l’Isoméride, le Mediator, la Dépakine et il y en aura bien d’autres. Faut-il dès lors rejeter tous les médicaments ? Évidemment non. Il faut simplement ne pas prendre pour argent comptant tout ce qui est raconté et garder à l’esprit ce maître du bon sens: le doute.

C’est sur les vaccins en gestation ou en début d’application, relatifs au « Covid-19 » que se concentreraient, paraît-il, les théories conspirationnistes.

A lire aussi, Anne-Laure Boch: Reconfinement: on a préféré la punition collective à la frappe chirurgicale

La principale d’entre elles, la plus inquiétante et la plus polémique porte sur le développement de « nanopuces » parfois dénommées RFID qui permettraient un traçage et un fichage perfectionné des individus. Certaines expériences d’implantation de puces électroniques dans le corps humain ont déjà été effectuées, sur le fondement du volontariat, par exemple pour remplacer des badges de contrôle d’accès. Ce n’est pas de la science-fiction. Mais ces puces, comme celles qui permettent de tracer les animaux, ne sont pas à l’échelle nanométrique, ce qui interdit de les implanter à l’insu du sujet.

La vérité n’est pas ailleurs

De là à imaginer que des puces électroniques, capables de stocker et de transmettre des informations, puissent être fabriquées à l’échelle nanométrique, puis insérées dans le corps humain par différents procédés, dont le plus effrayant est effectivement l’injection vaccinale, il y a un chemin à parcourir dont on ne trouve pas trace dans les documentations de vulgarisation scientifique (les seules auquel l’auteur a accès, du fait d’une spécialisation intellectuelle différente).

Reste que les théories conspirationnistes ont trouvé un aliment de choix dans certaines déclarations autorisées :

Bill Gates, dont la fondation consacre des milliards à la vaccination des populations, aurait annoncé un « carnet de vaccination injecté sous la peau » (source, le JDD.fr, 04.12.2020, URL Covid-19: pourquoi Bill Gates est devenu la cible de tant de théories du complot (msn.com) et encore : « A terme, nous disposerons de certificats numériques indiquant qui s’est rétabli ou a été testé récemment ou, quand nous aurons un vaccin, qui l’a reçu… »

Plus général dans ses commentaires, Klaus Schwab, professeur d’université, président du Forum économique mondial (qui organise la célèbre rencontre mondiale de Davos) vient de publier un ouvrage, seulement en anglais pour le moment, dont le titre veut dire La grande remise à zéro et dont l’argument est en substance que la pandémie de « Covid 19 » serait une chance pour l’humanité, car elle permettrait une restructuration en profondeur des sociétés, de l’économie et des comportements.

A lire aussi: De la fachosphère à la complotosphère

Il n’est pas difficile dès lors d’extrapoler des quantités de théories, sans doute non prouvées, mais non dénuées de vraisemblance.

D’autant que les progrès du contrôle social par la technologie sont une réalité quotidienne: caméras omniprésentes, drones, documents biométriques, reconnaissance faciale, signature par empreinte digitale, traçage GPS, analyse des préférences de recherches Internet, profilage de consommation, croisements de fichiers, font partie de notre réalité quotidienne actuelle et indiscutable.

Conjurer des peurs légitimes

Cette tendance ne fera que s’amplifier. Il suffit de se rapporter à ce qui filtre du « communisme 2.0 » chinois pour prévoir ce qui nous attend à très court terme: traçage et analyse systématisés des déplacements individuels, contrôle sur tous les mouvements monétaires par la monnaie électronique, disparition de la vie privée, technopolice et profilage prévisionnel des comportements (le monde de Minority Report). Tout cela est pour demain.

Imaginer que cela pourrait aller encore plus loin par l’injection non consentie de « nanopuces » ne sort dès lors plus du vraisemblable. Mais reste pour le moment imaginaire.

Comment faire pour empêcher l’imagination de galoper? Pas par l’interdit, l’ostracisme ou la stigmatisation. Grâce aux réseaux sociaux, le « conspirationnisme » est comme naguère le feu grégeois, plus on verse d’eau pour l’éteindre, plus il se développe. La seule solution consiste à faire appel à la raison. La thèse des « nanopuces », comme certains commentateurs l’ont remarqué, est fondée sur une peur: celle que des individus, des forces plus ou moins cachées ou des autorités, utilisent ces technologies supposées, à l’insu des populations, pour les contrôler.

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Que font, très souvent les gouvernements pour conjurer des peurs: ils édictent des lois pénales. Si l’injection de composants électroniques dans le corps à l’insu d’un sujet devient un crime, plus personne ne craindra la commission d’un tel acte, car aucun médecin ou fonctionnaire raisonnable ne risquera de finir ses jours en prison pour procéder à cet acte de contrôle social. Et la théorie conspirationniste des « nanopuces » aura vécu.

Je propose donc, pour rassurer les populations et mettre fin aux fantasmagories, le vote par le Parlement de l’article de loi suivant:

Code pénal, Article 221-5-6

Le fait d’insérer dans le corps humain un dispositif électronique ou équivalent, quelles que soient sa taille, sa technologie ou sa fonction, sans avoir recueilli le consentement préalable, écrit et éclairé de la personne concernée, est puni des peines de l’article 225, même si ce dispositif n’a eu aucun effet détectable sur la santé.

Il s’agit des peines de l’empoisonnement: 30 ans de réclusion criminelle et, en cas de circonstances aggravantes, réclusion criminelle à perpétuité.

Si ce texte est voté, les théories conspirationnistes liées aux « nanopuces », perdant tout semblant de crédibilité, s’éteindront d’elles-mêmes. S’il n’est pas voté…

Le techno-monde a la langue qu’il mérite

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La langue française se meurt sous les coups des néoféministes, des universitaires, et des pseudo-linguistes qui réclament absurdement une langue « égalitaire » ou « inclusive ».


En plus d’être des militants, les massacreurs de la langue française sont souvent aussi des “communicants” dont on peut retrouver la trace dans la novlangue politique, médiatique ou publicitaire, qui est la langue du techno-monde.

« Quand on est amoureux de la langue, on l’aime telle quelle, comme sa grand-mère. Avec ses rides et ses verrues », écrivait Vialatte. Il pressentait les désastreux effets secondaires des liftings que des « chercheurs » allaient opérer. Dernièrement, un député français (!) a proposé de finir de la défigurer en promouvant la « langue française métissée » d’une chanteuse qui est à la langue française ce que Lilian Thuram est à la philosophie humaniste. L’entendre faire l’éloge de cette langue décharnée a été à la fois très drôle et très triste, car la langue qu’il utilisait pour ce faire était très mièvre et très pauvre.

La novlangue envahit nos gazettes communales

En plus d’être laide, la novlangue française gangrène les lieux les plus beaux quand elle essaie de les défendre ou d’en faire une « promotion touristique » qui promeut en réalité la destruction de l’endroit convoité. J’ai ainsi sous les yeux une brochure que je reçois régulièrement et qui me donne des « informations sur la Communauté de Communes des (…) » Les communes concernées sont entourées par une des plus belles forêts de France, une des plus grandes, une des plus anciennes, forêt de chênes et de hêtres essentiellement, lieu idéal pour les marcheurs, les cueilleurs de champignons, les chasseurs de papillons. Un petit coin de paradis. Bientôt un enfer : la brochure nous rappelle en effet qu’une « étude de développement touristique de la Forêt des (…) a été lancée » et qu’elle a « pour objectif de générer une vision partagée et de donner de la cohérence à la mise en tourisme de cet espace forestier au travers d’une démarche durable, superposant intégration locale, nouvelle mobilité et innovation. » 

Et ce n’est qu’un début.

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La suite de l’article s’intitule Une forêt vivante et est écrite dans la même langue mortifère (je ne change rien à la syntaxe, à la mise en gras de certains passages, etc.) : « La Communauté des Communes mène des réflexions complémentaires pour développer l’itinérance comme filière d’excellence ainsi que sur la signalétique et la signalisation. Bien plus qu’imaginer la localisation et la thématisation de nouveaux itinéraires avec des successions de panneaux, ces deux réflexions sont centrées sur la question de « l’expérience de visite », conçue pour différentes typologies d’acteurs : cyclistes, résidents occasionnels, touristes de passage, résidents du territoire recherchant une « respiration de nature » à proximité… Le chemin vers une véritable logique d’accueil pour « vivre » notre forêt et notre territoire est en construction. »

L’horrible verbe “impacter”

Ce genre de « littérature » se multiplie et est écrit par des individus qui sortent de notre système scolaire, lequel a « égalitairement » réduit l’héritage littéraire à presque rien et la transmission des savoirs à pas loin de zéro. La langue qu’ils écoutent ou lisent aujourd’hui est principalement celle de la publicité, des réseaux sociaux ou, dans les milieux les plus “favorisés”, celle des “éléments de langage” appris dans les écoles de journalisme ou les cercles politiques. C’est une langue emplie de fautes, d’anglicismes, de nouveaux verbes (dont l’horrible impacter), et d’expressions techno-commerciales étranges, novlangue utile au seul programme de destruction du monde. Résultat : la simple promenade est remplacée par « l’itinérance comme filière d’excellence » ; à la rêverie sur les chemins forestiers se substitue une « expérience de visite » conçue non pas pour des promeneurs du dimanche mais pour des « typologies d’acteurs » ; le chemin ne sent plus la terre et les feuilles mais mène à « une véritable logique d’accueil pour “vivre” notre forêt » ; et tandis que je peine à retrouver mon souffle en escaladant une des travées du haut de la forêt, je devrais me souvenir de rechercher une « respiration de nature ». La langue du techno-monde est celle de l’information et de la communication, les instruments d’effacement du réel. Pour l’écrire ou la parler, point besoin de poètes ou de lecteurs avertis, au contraire. Les enfants sortis de l’école actuelle, nourris au rap, aux tweets et, pour les plus « doués », aux thèses universitaires sur le genre, suffiront amplement à la tâche.

On l’a bien cherché

Dans sa réjouissante Défense et illustration de la novlangue française, Jaime Semprun conclut ironiquement : « Cependant, l’ayant défendue (la novlangue) en tant qu’elle est la plus adéquate au monde que nous nous sommes fait, je ne saurais interdire au lecteur de conclure que c’est à celui-ci qu’il lui faut s’en prendre si elle ne lui donne pas entière satisfaction. » 

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Le techno-monde a la langue qu’il mérite. L’un et l’autre se soutiennent en s’abaissant mutuellement. Un monde décadent doit pouvoir se dire et se lire dans une langue qui lui ressemble. De ce point de vue-là, on peut dire que notre novlangue française réussit totalement la tâche qui lui incombe. Pour illustration, rappelons les propos d’une fervente locutrice de la novlangue politique, Anne Hidalgo : « Loin d’être anxiogène, la résilience urbaine apporte des solutions pour mieux adapter les villes ». Aucun journaliste n’ayant demandé la traduction de cette « phrase », il faut croire que ce baragouin est maintenant compris par le plus grand nombre. Et qu’un prochain baragouineur pourra gribouiller dans ma feuille d’informations de la Communauté de Communes que « loin être éco-anxiogène, la résilience villageoise apporte des solutions pour mieux adapter les forêts », sans que personne n’y trouve rien à redire.

Défense et illustration de la novlangue française

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« À l’exception de la libre circulation, aucune liberté n’est véritablement remise en question ! »

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Ludovic Mendes. © D.R.

Selon le député, la majorité n’a pas démérité face à la crise sanitaire. Le gouvernement implique les collectivités dans la prise de décision, mais assume ses responsabilités et dit la vérité aux Français. Propos recueillis par Gil Mihaely. 


Causeur. Fin mars, Olivier Véran a déclaré que nos capacités en réanimation (matériels et personnels) passeraient de 5000 à 14 500 lits. En octobre, nous étions toujours à 5 800 ! Le 28 octobre, alors que 3 000 de ces lits étaient occupés, le président s’est engagé à porter ce chiffre à 10 000 lits. Que s’est-il passé ?

Ludovic Mendes. Les annonces faites en mars ne visaient pas la création d’une capacité permanente de 14 500 lits de réanimation ! Dans un laps de temps aussi court, on peut faire un effort ponctuel, mais qui ne peut pas durer. On ne crée pas un service de réanimation du jour au lendemain. N’oublions pas que pendant les dix ou quinze dernières années, des mauvaises décisions ont été prises concernant la formation des anesthésistes, réanimateurs et des infirmiers spécialisés.

Reste qu’il a fallu imposer un deuxième confinement parce que, fin octobre, les lits promis manquaient. Le problème était donc hospitalier, et non sanitaire !

Non. Nous avons amorcé le reconfinement non pas à cause d’un taux d’occupation important en réanimation, mais parce qu’il y avait une explosion à la fois du nombre des contaminations et du nombre des malades de la Covid-19 en besoin d’hospitalisation « normale ». Mais surtout, nous nous sommes aperçus que cette fois-ci, une population différente était touchée par le virus. Contrairement à la première vague, des malades sont plus jeunes, en bonne forme physique et sans comorbidité. J’ajoute qu’in fine, les autres pays ont pris des mesures semblables.

Le président a également affirmé fin octobre que, quoi que nous fassions, près de 9 000 patients seraient en réanimation mi-novembre. Nous y sommes. Les mesures prises fin octobre n’étaient pas aussi strictes qu’au printemps, et malgré cela on est à peu près à la moitié du chiffre annoncé. Avait-il de mauvais chiffres ou est-ce qu’il applique une politique de la peur, catastrophiste pour mobiliser les citoyens ?

Si je ne me trompe pas, le président a parlé d’un total de 9 000 lits de réanimations occupés, c’est-à-dire 9 000 cas graves de la Covid… mais aussi d’autres maladies. Ceci dit, il est vrai que la situation est moins grave que celle prédite par les projections d’octobre. Dans ma région, le Grand Est, nous nous attendions à un pic important aux alentours du 15 novembre, mais nous avons eu de la chance et on n’a pas atteint ce pic. Nous avons atteint un plateau et la décrue est amorcée. Le gouvernement n’essaie pas de faire peur. Souvenez-vous du début de la crise : on annonçait des millions de morts, mais personne n’y croyait vraiment ! Pourtant c’est exactement ce qui s’est passé. En France, le gouvernement se sert des projections de l’Institut Pasteur et s’appuie sur le Conseil scientifique, en prenant aussi en compte que le virus risque à tout moment de muter et rendre la situation encore plus dangereuse et compliquée. Emmanuel Macron ne navigue pas à vue. Il navigue dans un brouillard épais. Dans une telle situation, le président et la majorité ont choisi de tenir un discours de vérité même s’il est parfois alarmiste.

À lire aussi, Renaud Girard et Jean-Loup Bonnamy: “Si le confinement était un essai médicamenteux, on l’arrêterait tout de suite à cause des effets secondaires terribles”

Vous parlez d’un discours de vérité, mais avez-vous oublié les palinodies sur les masques ?

Je pense que Macron a toujours été honnête, et a aussi accepté de reconnaître les erreurs qui ont été faites. C’est également vrai pour le Premier ministre et les ministres, dont celui de la Santé.

À l’issue du premier confinement, le gouvernement a également promis que les corps intermédiaires et les élus locaux seraient associés à la gestion de la crise. Face à la deuxième vague, les réflexes jacobins sont revenus…

En imposant une politique au niveau national, l’État a tout simplement pris ses responsabilités. Depuis la rentrée, sur tout le territoire, préfets, parlementaires et élus discutent, négocient et font des remontées à Paris. Et, s’il y a bien eu le regrettable « couac marseillais », c’est parce que dans ces discussions complexes, des élus ne veulent pas jouer le jeu. Heureusement, ce cas est l’exception.

N’empêche que, concernant les petits commerces, des dizaines des maires voulaient s’opposer aux mesures dictées par le gouvernement.

Là aussi, l’État a pris ses responsabilités quand certains élus, entre autres pour des raisons électoralistes, ne voulaient ou ne pouvaient pas prendre certaines décisions : dans des villages ou des petites villes, la pression sur le maire peut être énorme !

Mais les maires sont pénalement responsables. Dès lors, pourquoi ne pas les laisser gérer leurs communes dans ce qu’elles peuvent avoir de spécifique, et en assumer ensuite les conséquences ?

Parce que parfois le maire ne voit pas le tableau global. Si vous étudiez la mobilité des Français, la manière dont ils se déplacent, font leurs courses, travaillent ou se soignent, vous vous rendez compte que les zones reculées ne le sont pas tant que ça… On ne peut donc pas traiter ces villes et villages comme des îles au milieu de la mer, et il faut raisonner à une échelle qui dépasse souvent le maire. Nous, gouvernement et majorité, ne sommes pas là pour répondre à une somme d’individus localement. Nous sommes au service de l’intérêt général et nous entendons accomplir cette mission.

Une crise de cette nature et de cette ampleur exige des arbitrages difficiles. Pour sauver des vies, on grignote des libertés en limitant la circulation, le commerce, etc. Il n’est pas évident de savoir où placer le curseur entre les libertés et la préservation des vies. Philosophiquement, vous sentez-vous à l’aise avec l’endroit où votre majorité a arrêté le curseur, alors que les critiques sont très nombreuses ?

Globalement, la seule liberté vraiment remise en question, c’est la libre circulation. Les autres sont plutôt bien respectées et le Conseil constitutionnel, sollicité à plusieurs reprises, le confirme. Nous sommes dans un état d’urgence – donc d’exception – pour faire face à une situation compliquée. Si ces décisions exceptionnelles qu’exige notre situation menacent le commerce de proximité, c’est parce qu’il n’y avait pas d’autre choix. Par ailleurs, au risque de vous déplaire, j’aurais personnellement aimé que l’on aille plus loin encore sur le cas des personnes testées positives et qui ne respectent pas la règle de rester chez elles en quatorzaine. On devrait durcir la loi sur ce point. Ces personnes doivent être retenues coûte que coûte à leur domicile ou être mises dans des espaces dédiés comme des hôtels, en collaboration avec l’État (pour la prise en charge) et recevoir une amende importante en cas de manquement. Ces personnes-là mettent en danger la vie d’autrui, et aussi notre vie économique et sociale.

Iriez-vous jusqu’à rendre la vaccination obligatoire ?

Non. Il faut déjà attendre les résultats des études cliniques, et il faut que le vaccin soit validé par l’Agence nationale du médicament et l’Agence européenne. Mais sur le principe, je ne suis pas favorable à une vaccination obligatoire, parce que je reste un libéral.

Salutem Sacrum

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Jean-François Delfraissy, le président du Conseil scientifique, entendu par la commission d'enquête du Sénat, le 15 septembre 2020. © Francois Mori/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22493256_000011

La santé devient une « religion sanitaire », avec le médecin dans le rôle du prêtre…


C’est dans la seconde moitié du dix-huitième siècle que les Encyclopédistes, n’y voyant pas malice, démarrèrent un long mouvement de sacralisation de la nature et particulièrement de la santé. La santé, « salutem » en latin, vient donc remplacer le salut théologique auquel des générations avaient aspiré.

Le médecin remplaça le prêtre et la pénicilline se para de vertus miraculeuses. Le nihilisme et l’égalitarisme ayant fait les ravages qu’on sait chez l’homo occidentalis épuisé par son fardeau, la nouvelle religion sanitaire put étendre son pouvoir en majesté. Si l’on y ajoute le principe de précaution, verset premier et incontournable de cette nouvelle doxa, et qui remplace le bon vieux principe de préjudice, nous voilà dans l’eau bénite jusqu’au cou !

La santé a phagocyté le pouvoir  

Comme toutes les religions, elle a ses Grands Inquisiteurs, dont on soupçonne assez rapidement qu’ils ne se relèvent pas la nuit pour rire. Le sort qu’ils réservent aux hérétiques, par contre, pourrait donner des cauchemars, car comme dans toute foi, il convient de séparer le pur et l’impur, l’élu et le mécréant, selon des critères parfois aussi sibyllins que par le passé.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: À chacun son quart d’heure de sainteté

Comme toutes les religions, ses prélats et ses vicaires prêchent sans relâche sur toutes les places, sur tous les parvis et surtout, sur tous les réseaux sociaux. Comme toutes les religions, elle a ses dévots et ses grenouilles, également appelés hypocondriaques. Et hélas, à l’instar du catholicisme et de bien d’autres religions, elle a phagocyté le pouvoir, qu’il soit démocratique, social-démocrate ou autre. Elle pratique ce que Voltaire, Diderot et les autres libéraux du dix-huitième siècle appelaient la « collusion du trône et de l’autel » et contre laquelle ils s’insurgeaient. La santé sacralisée est tombée entre les mains de l’État, tout comme y tombèrent l’enseignement et les ponts-et-chaussées. On ne discerne d’ailleurs pas pourquoi une autorité se priverait de cette cohorte de croyants, toute prête à l’aduler pour peu qu’elle lui promette l’enfer des soins intensifs et lui propose l’absolution vaccinale.

Certes, des mouvements humanistes se font entendre qui voudraient rompre cette collusion et des sceptiques s’inquiètent de cette nouvelle sacralité, qui ne laisse pas plus de place au doute que les autres. Mais on n’entend guère de libres-exaministes pour réclamer, en tapant du poing sur la table, une nouvelle loi de 1905 qui séparerait la santé sacrée du très profane pouvoir temporel. Et qui revendiquerait, comme les combats laïques l’avaient exigé et obtenu, que soit laissée à chacun la possibilité de croire ou pas.

Trois relaxes sinon rien!

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Nicolas Sarkozy le 23 novembre 2020 © Michel Euler/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22516215_000008

Quatre ans de prison (dont deux avec sursis) ont été requis hier à l’encontre de l’ancien président de la République. Les procureurs lui reprochent d’avoir obtenu, par l’intermédiaire de Thierry Herzog et de Gilbert Azibert, des informations secrètes au sujet d’une procédure dans l’affaire Bettencourt. Philippe Bilger prend les paris: la justice va le relaxer. Tout ça pour ça!


Ce billet est publié alors que les réquisitions du PNF dans le procès de Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, Thierry Herzog, son avocat et ami, et Gilbert Azibert, ancien magistrat qui a occupé plusieurs postes prestigieux impliquant une certaine confiance politique à l’égard de leur titulaire, ont été prises le 8 décembre.

Jean-François Bohnert, chef du parquet national financier (PNF), Jean-Luc Blachon et Céline Guillet, deux de ses représentants toujours présents aux audiences, ont requis contre les prévenus quatre ans d’emprisonnement dont deux avec sursis et, pour Me Herzog, 5 ans d’interdiction professionnelle.

Comme il se doit, l’appréciation sur l’argumentation développée par le ministère public est critique voire ironique. Cette tonalité ne fait que me confirmer davantage dans la certitude que, prochainement, trois relaxes seront édictées.

Je n’ai pas assisté aux audiences mais j’ai lu tous les comptes rendus des débats, et au travers de leurs approches diverses, sinon contradictoires, il me semble pouvoir confirmer mon intuition anticipée. Aussi bien le Figaro, le Monde, le Parisien, Libération que Marianne et Mediapart ont offert au citoyen que je suis et au magistrat que j’ai été, un pluralisme très éclairant.

Philippe Bilger D.R.
Philippe Bilger D.R.

Pour cette affaire, sans en être spécialement gêné, trois de mes relations amicales sont concernées : Thierry Herzog lui-même et deux remarquables avocats, Jacqueline Laffont qui défend Nicolas Sarkozy et Hervé Temime au soutien de la cause de son confrère et ami Herzog. Il n’y a pas là de quoi entraver ma liberté d’expression.

Ce ne sont évidemment pas les relaxes qui probablement seront prononcées qui me perturbent dès lors qu’elles s’attacheront seulement à des éléments juridiques indiscutables et à une analyse fouillée et sans complaisance des écoutes Sarkozy-Herzog aussi bien officielles que dissimulées, un certain temps, sous la fausse identité de Bismuth.

Alors qu’en revanche, depuis le début du procès, on peut constater l’étendue de tout ce qui, politiquement et médiatiquement, est mis en oeuvre pour persuader le tribunal correctionnel (dont la présidente aurait pu être plus pugnace, notamment dans le questionnement de son ancien collègue Azibert) qu’elle est saisie d’une affaire dérisoire voire « minable » et qu’elle perd son temps. Sur l’accusation qui a osé ces renvois, pèse l’opprobre d’avoir ajouté une page sérieuse au feuilleton judiciaire de Nicolas Sarkozy et d’avoir, par l’entremise de Me Herzog, touché à l’honneur sacro-saint du barreau.

Dans tous les cas, il était léger d’évoquer le caractère vain de la Justice quand la qualité des prévenus – c’est une première pour un ancien président de la République – rend cette espèce passionnante et dépasse de très loin son objet apparent qui au demeurant n’est pas médiocre.

D’abord l’absence de Gilbert Azibert le premier jour, d’où l’obligation d’un renvoi après une expertise médicale ne s’opposant pas à sa comparution. Comme s’il était possible pour Gilbert Azibert d’avoir paru fuir ainsi sa responsabilité.

Ensuite une salle majoritairement emplie d’avocats en robe pour soutenir leur confrère Me Herzog. Comme si le respect du secret professionnel était en débat et non pas son éventuel dévoiement en vue d’une infraction.

Je n’ose imaginer ce qu’on aurait pensé d’une assistance de policiers venant, telle une pression forte, prendre fait et cause pour des policiers renvoyés devant le tribunal correctionnel. On aurait estimé, avec justesse, cette surabondance déplacée.

Comment avoir eu l’inélégance, par ailleurs, de souiller judiciairement d’aussi belles histoires d’amitié ! Celle entre Thierry Herzog et Gilbert Azibert, celle entre Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog. Rien dans cette entente qui puisse être suspecté. Que du sentiment. Des bavardages tranquilles. Sans la moindre finalité. Beaucoup d’écoutes pour rien, en quelque sorte !

Nicolas Sarkozy n’avait rencontré que rarement l’ancien magistrat mais sa moralité lui avait été attestée par Patrick Ouart, son conseiller Justice, notamment dans l’affaire Bettencourt et ses aléas ! Tout est dit !

Il s’est agi clairement de dissocier le trio et de substituer au dessein collectif qui lui était prêté des relations singulières, sans la moindre prestation à accomplir, ni la moindre réciprocité, de telle manière qu’à l’évidence Thierry Herzog s’est dévoué – tactiquement ou sincèrement ? – pour sortir Nicolas Sarkozy du champ de la prévention pénale.

Cet avocat, au centre du jeu, a cherché à sauver Gilbert Azibert mais bien davantage son ami Nicolas Sarkozy, en danger politique et judiciaire. Il faut reconnaître que Me Herzog, sur ce plan, a été aussi doué comme prévenu que comme avocat ailleurs.

J’ai eu l’impression parfois que le rôle des mis en cause n’était pas perçu comme celui de prévenus mais qu’il s’agissait d’acteurs dont on attendait avec impatience la prestation sans s’interroger une seconde sur leur crédibilité. Comme si on était d’emblée presque heureux de les voir quitter le terrain judiciaire au profit d’une atmosphère théâtrale, d’une jouissance narcissique.

Pourtant des interrogations auraient-elles été indécentes face aux explications longuettes de Gilbert Azibert sur la Cour de cassation – une conférence ou une comparution ? -, au départ précipité de Me Herzog pour Monaco où se trouvait Nicolas Sarkozy afin de lui parler seulement de Patrick Buisson et de son épouse Carla et au changement subit de tonalité dans les écoutes des portables, la ligne officielle venant apparemment tout de suite contredire ce que la clandestine avait révélé ?

Enfin Nicolas Sarkozy vint ! Il piaffait, il piétinait, il avait hâte.

Son verbe a été loué, son énergie, sa force, son talent. Un superbe exercice d’oralité.

Mais, à le lire, on y retrouve ce qui depuis tant d’années est le fond de toutes ses apologies. Il est victime, le PNF lui en veut, les procès qu’on lui intente sont politiques et il n’y a rigoureusement rien contre lui dans les dossiers. Jamais. Il se compare à de Gaulle qui n’avait plus l’âge pour être « dictateur », pourquoi deviendrait-il, lui, « malhonnête » à 65 ans ?

Il tire des procédures multiples engagées contre lui la preuve de sa moralité, on pourrait y voir l’inverse : tout ce dont on le soupçonne est plausible, il en est capable. De Gaulle non.

Avec cette faille constante : il ne procède que par indignations, dénonciations morales. Comme s’il était forcément au-dessus du droit et pourvu d’une sorte d’exemplarité de principe. Ce qui ne peut que laisser songeur au vu de sa trajectoire présidentielle et de la dénaturation de la République irréprochable promise en 2007, si vite oubliée.

Les représentants du PNF et le chef de ce dernier ont été intelligents et vaillants.

Mais le vent souffle à la défense.

Je parie donc que trois relaxes seront édictées, le moment venu.

Parce que depuis le début on ne cesse de diffuser par tous moyens, bien au-delà du strict plan judiciaire dégradé en spectacle, que l’innocence est éclatante et qu’il ne resterait qu’à la valider.

Les juges me feront-ils mentir ?

Rétablir le service national: la fausse bonne idée de Mélenchon

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Jean-Luc Mélenchon © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA Numéro de reportage: 00992945_000051.

Ainsi donc, voici que M. Mélenchon veut, à son tour, rétablir le service national, notamment dans les forces de police…


Il s’agit décidément d’une recette magique que les hommes politiques, de tous bords exhument lorsqu’ils mesurent toute l’étendue de leur impuissance face à la fragmentation de la société. Le président de la République lui-même en avait fait une promesse de campagne, avant d’accoucher du S.N.U., une construction burlesque dont j’ai toujours peiné à comprendre l’utilité et dont on ne parle plus guère.  

Les Français, il est vrai, semblent montrer de l’appétit pour ce projet (sauf peut-être ceux qui seraient astreints à l’obligation). Tout se passe comme si, dans une situation de panique et de délitement profond du lien social, la résurrection de l’obligation militaire apparaissait comme une panacée. Beaucoup de nos concitoyens semblent fermement convaincus qu’en faisant passer les jeunes générations par la moulinette des hommes en vert, le goût du « vivre ensemble », aussi souvent invoqué qu’il est illusoire, naîtra ou renaîtra comme par enchantement. La mesure, cependant, présente toutes les caractéristiques d’une « fausse bonne idée » ainsi que l’on relevé bon nombre d’observateurs et notamment le remarquable général (2s) Desportes dans une interview publiée en 2016 dans le bulletin de l’Association de Soutien à l’Armée Française (A.S.A.F.). 

La raison d’être de la conscription n’a jamais été le “vivrensemble”

Avant toute chose, plantons le décor : je suis capitaine d’infanterie de réserve et j’ai servi pendant quinze ans, ce qui signifie, d’une part, que j’ai une vague idée de ce qu’est l’armée et, d’autre part, que je ne puis être soupçonné d’antimilitarisme. Bien au contraire, c’est précisément mon militarisme qui me conduit à considérer comme absurde une proposition qui fleure bon l’opportunisme politicien. 

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Si l’on veut être un peu romantique on verra l’acte de naissance de l’obligation militaire dans la canonnade de Valmy, lorsque Kellermann mit son chapeau à la pointe du sabre et s’écria « vive la nation », entrainant à sa suite la foule hétéroclite des volontaires et des vétérans de la monarchie. En réalité, la levée en masse ne sera instituée que par loi Jourdan-Delbrel du 5 septembre 1798. La conscription connaîtra ensuite des formes diverses qui la verront tantôt supprimée, tantôt rétablie, tantôt soumise aux caprices du tirage au sort, tantôt universelle.

Il reste que sa raison d’être n’était pas et n’a jamais été le brassage des populations ou l’éducation civique. Ceux qu’on appelait sous les drapeaux, dans leur écrasante majorité, se vivaient comme Français, de nation et de culture. Car ne le nions pas, jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie, au plus tôt, la France (tout comme la plupart des autres pays européens) était ethniquement assez homogène. Certes, un Breton n’est pas un Lorrain qui n’est pas un Basque. Mais il y avait et, j’ose l’espérer, il y a encore, entre ces populations un plus petit commun dénominateur : l’histoire de l’État (celle de nos rois), l’histoire de la nation (celle de la Révolution et de tous les régimes qui l’ont suivie, quelle qu’en ait été la forme), la langue, les livres, les croyances populaires ou religieuses (qu’on ait continué d’y adhérer ou non). Tout cela, au fond, qui forme un peuple.

La fratrie, c’est le sang

Peut-être l’aristocrate ne s’intéressait-il guère au bourgeois; peut-être le bourgeois ne connaissait-il pas le prolétaire ou le paysan; et peut-être certains Bas-Bretons (ou Provençaux, ou ce que vous voulez) baragouinaient-ils un français approximatif. Mais au-delà de leurs différences sociales, tous étaient Français. L’armée leur a appris à se connaître entre Français et c’est en ce sens seulement qu’elle les a brassés. Dans la boue des tranchées pataugeront côte à côte le sergent de La Ville de Mirmont (poète, tué à l’ennemi), le sous-lieutenant Pergaud (instituteur et écrivain, tué à l’ennemi), le lieutenant Péguy (écrivain et poète, tué à l’ennemi), le soldat Dorgelès (écrivain), le lieutenant Genevoix (romancier et poète), les fils du général de Castelnau (dont trois furent tués à l’ennemi) et tant d’anonymes, officiers, sous-officiers ou soldats, cordonniers, ouvriers, agriculteurs, clercs de notaire ou commis-voyageurs. 

L’armée n’est pas une machine à fondre dans un grand tout des populations qui ne se sentent pas un minimum d’appartenance commune ; ce n’est pas un instrument magique qui permettra en un tournemain de passer au-dessus du précipice culturel qui sépare telle population de telle autre. Si le rapport à la vie et à la mort n’est pas le même, si la relation au vrai et au faux, au juste et à l’injuste diffèrent profondément (sans jugement de valeur aucun) que voulez-vous que l’adjudant-chef le plus doué y fasse ? La patrie écrivait Renan, c’est le plébiscite de tous les jours; et j’ajouterai que ce plébiscite repose sur un acte de foi qui est, le plus souvent, le fait de ceux auxquels parlent « la terre et les morts » selon la formule de Barrès, aujourd’hui jugée nauséabonde. Dans son roman « Les Centurions« , Jean Lartéguy met en scène le lieutenant Mahidi, officier d’origine algérienne, ancien combattant d’Indochine, qui cependant trahira ses camarades pour rejoindre le F.L.N. Et lorsque la Grande Armée devint l’assemblage babélien de plusieurs nations européennes, les premiers à déserter ou à se battre mollement furent ceux que des systèmes d’alliances ou des conquêtes avaient contraints à se ranger sous les trois couleurs. On ne décrète pas : « untel sera mon frère » ou « untel sera mon ami ». La fratrie, c’est le sang ; l’amitié, c’est le cœur. L’éducation civique n’a rien à y voir. L’armée ne fera pas aimer la France à quelqu’un (quelle que soit son origine) qui ne considère pas d’abord les habitants de ce pays comme ses compatriotes, pas plus qu’on ne peut faire boire un âne qui n’a pas soif. Penser le contraire, c’est se leurrer. 

Nous ne sommes pas sortis de l’histoire

Et puis enfin, au-delà du fantasme d’un improbable brassage, non pas social, mais sociétal et culturel, il faut se poser la seule bonne question : à quoi sert l’armée ? Si l’armée fut parfois un instrument de conquête (sous l’Empire par exemple) elle est et reste surtout la garante de l’intégrité du territoire national, de la défense des citoyens face à une agression extérieure (guerre conventionnelle) ou intérieure (situation de guerre civile) et l’un des vecteurs essentiels de la puissance de l’État en tant qu’instrument de l’action géopolitique. « Dieu, écrivait Bussy-Rabutin, est d’ordinaire pour les gros escadrons contre les petits. » Or, les hommes qui doivent remplir ces missions ne sont plus les poilus de la Grande Guerre. Le temps est loin où l’on pouvait envoyer au front, après une formation sommaire des jeunes gens qui, quelques semaines auparavant, cultivaient leurs navets ou faisaient la classe. Les équipements sont incroyablement sophistiqués. Même le fantassin, lorsqu’il part au combat, est bardé de technologie. Le temps d’apprentissage est long et les évolutions techniques fréquentes, ce qui rend le service national tout à fait inutile du point de vue militaire. 

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Ce dont la France a besoin, si elle veut espérer continuer à peser encore sur les affaires du monde, c’est d’un outil militaire moderne, à la hauteur de ses ambitions. Or, alors qu’en 1980 l’effort militaire représentait encore 3% du PIB (5% dans les années soixante), la part des missions de défense ne représentait plus que 1,45% du PIB en 2016 (1,8% pensions incluses). À titre indicatif, le Conseil de l’Alliance atlantique fixe à ses membres un effort de défense minimal de 2% de leur PIB (hors pensions), ce que très peu respectent. Cette disette budgétaire n’affecte, en outre, que les forces conventionnelles, à l’exclusion de la force de dissuasion nucléaire, alors que ce sont elles que nous mettons constamment sous tension en les projetant aux quatre coins du monde ! Comme le rappelait l’Association de Soutien à l’Armée Française (ASAF) dans son bulletin du mois de septembre 2016 « comment parler aujourd’hui d’autonomie stratégique quand nous sollicitons les avions gros porteurs ukrainiens pour nos opérations, quand nous ne pouvons déployer que 15 hélicoptères et 3500 hommes pour contrôler les 5 millions de km2 de la bande sahélo-saharienne et quand nous ne pouvons pas contrôler seuls la chaîne de transmission des images fournies par les drones américains Reaper que nous venons d’acquérir ? ». L’association G2S, composée d’officiers généraux en deuxième section le dit clairement : porter l’effort de défense à 2,5% permettra au mieux de maintenir en l’état un outil militaire en voie de délabrement rapide. L’objectif, c’est d’atteindre au plus vite 3%. Faute de quoi, nous perdrons ce que le général (2S) Desportes a justement appelé « la dernière bataille de France »[tooltips content= »Vincent Desportes, La dernière bataille de France, Gallimard, 2015″](1)[/tooltips] et nous devrons nous résoudre à devenir un nain géostratégique.

J’ai déploré les circonstances dans lesquelles l’obligation militaire a été suspendue : à la sauvette et sans débat de fond. Mais c’était une bonne décision. En 1934, déjà, le général de Gaulle prônait la création d’une armée de métier[tooltips content= »Charles de Gaulle, Vers l’armée de métier, Berger-Levrault, 1934″](2)[/tooltips]. Cependant, il devait y avoir une contrepartie à cette mutation : la création d’un outil professionnel, certes, mais convenablement doté, supérieurement entraîné, auquel serait adossée une réserve de qualité. Bref, un véritable levier de puissance. Cette promesse-là, ni M. Chirac, ni ceux qui lui ont succédé, de droite comme de gauche, ne l’ont tenue. Peut-être parce qu’ils ont crû être sortis d’une histoire au cœur de laquelle nous sommes aujourd’hui brutalement rappelés, ils ont fait du budget de la défense une variable d’ajustement. Et de cela ils sont comptables envers leur pays.

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Bonjour les enfants

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Scène du film "L'enfer des anges" de Christian-Jaque.© Pathé

En attendant la réouverture des salles de cinéma, on peut toujours étancher sa soif de cinéma avec des DVD et Blu-ray: les éditeurs en profitent pour exhumer quelques pépites. Aujourd’hui L’enfer des anges, de Christian-Jaque, est à voir dans une superbe version éditée par Pathé. Un film qui cultive avec efficacité une veine sociale jamais complaisante.


On peut toujours rêver : un jour viendra peut-être où l’on sortira Christian-Jaque de l’ornière où la Nouvelle Vague l’a fait injustement tomber. Il suffit de voir ou de revoir ce film rare, et cette fois dans une superbe version restaurée, pour se dire que décidément, c’était un vrai cinéaste, y compris à travers des intentions de mise en scène souvent habiles et inspirées.

À lire aussi, Jean Chauvet: Divan sur grand écran

Couverture du film "L'enfer des anges", éditée par Pathé.©Pathé
Couverture du film « L’enfer des anges », éditée par Pathé.©Pathé

L’exceptionnel Jean Tissier dans le rôle du salaud

L’Enfer des anges, sorti en 1941, fait partie d’une trilogie informelle sur l’enfance dont les merveilleux L’Assassinat du père Noël et Les Disparus de Saint-Agil constituent, dans un registre moins dramatique, les deux autres volets. Et puis il y a l’exceptionnel Jean Tissier pour une fois dans le rôle de salaud intégral : il implique de pauvres ados de la zone parisienne dans un trafic de drogue tout en gardant pour sa part les mains propres. Le film cultive avec efficacité une veine sociale jamais complaisante. Comme La Belle Équipe de Duvivier, il comporte deux fins, que cette très belle édition permet de découvrir.

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L’Être humain, bien mieux qu’un arbre et bien mieux qu’un écran

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Charles Deluvio / Unsplash

Seule la présence physique apaise ou guérit


Il fut un temps où certains écrivaient sur l’énergie des arbres, l’énergie que les hommes pouvaient sentir en s’approchant des arbres, et recueillir en s’appuyant sur eux. Le Covid et internet m’ont fait découvrir que la meilleure énergie que nous pouvons recueillir, c’est pourtant, bien mieux que celle des arbres, celle qui vient de nos semblables, que nos frères humains nous communiquent. Je ne le prouve pas par stricte voie expérimentale mais j’accumule les preuves.

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Comment le Covid et la vie digitale nous ont-ils fait comprendre cela ? Par la séparation des hommes que l’épidémie a provoquée et par le type de liens de substitution qu’Internet a proposés. Nous avons vécu jusqu’à plus soif le corps numérique de remplacement : les liens démultipliés des réunions sur écran permettant, entre humains, entre amis, entre parents, entre collègues, entre étudiants ou élèves et professeurs, entre partenaires divers ou inconnus, d’échanger des informations : verbales, factuelles, commerciales, techniques, futiles, spirituelles même, des informations transférables, des informations informantes, des informations locales ou mondiales. Bref d’un point de vue utilitaire, le corps numérique de remplacement a fonctionné, il a rempli son rôle. Sauf que.

L’énergie bienfaisante des corps

Nous sortions épuisés de ces longues séances digitales. Nous nous sommes rendus compte que ces séances, suivies confortablement de chez nous, au milieu de nos meubles, ou de notre bureau, sans avoir à se déplacer, sans avoir à affronter les foules et la fatigue des transports, quand même, nous épuisaient, nous laissaient sans force. 

Parce que bien plus encore que les arbres, ce sont nos semblables qui nous fournissent la meilleure énergie. C’est au contact de nos frères humains que nous nous rechargeons, que nous accumulons ce qui nous fournit l’énergie de vivre ; mais c’est de contact physique qu’il s’agit : visuel, auditif, olfactif, tactile, gustatif, au contact les uns des autres par les cinq sens réunis ; réunion qui seule génère en plus le contact psychique et spirituel. Nous sortions épuisés psychiquement, spirituellement et même corporellement de ces séances numériques ; et à force de nous étonner de cette fatigue impromptue nous avons fini par comprendre que c’est parce que, si nous recevions de derrière l’écran des informations, nous n’avions plus l’énergie bienfaisante des corps.

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Je pense aux vieillards isolés dans les Ehpad à qui l’on tendait des tablettes numériques dans lesquelles leurs enfants parlaient en souriant. Ils rendaient pourtant l’objet sans un regard. Sans comprendre. Ne voyaient rien du réel dans le substitut. Comme les petits enfants qui ne voient pas la mère dans l’écran.    

J’accumule les preuves. Le charisme est physique. Tient au regard, à la force visible, à une certaine façon d’être, de marcher, de parler, qui ne tient pas qu’au volume. Qui peut tenir à peu, mais physique, corporel, visible, perceptible. La force du saint, dit Rimbaud dans les Illuminations. Celui qui par sa seule présence guérit. Le simple médecin parfois, ou la mère aimante qui s’occupe de l’enfant malade, le soigne, comme elle dit.

On a besoin d’échanges non verbaux aussi

Je me souviens des poignées de main qu’on se donnait (on disait qu’on les échangeait) et qui disait tant de l’autre ; on se donnait une information physique et on se transmettait quelque chose qu’on appelait volontiers un fluide.

Je pense au nourrisson de quelques mois, à l’intensité des échanges non verbaux qu’il a avec l’adulte qui le regarde en souriant. Je pense aux couples qui avant de dormir trouvent dans l’enlacement de quoi revivre. Je pense là au contact amoureux avec ou sans étreinte. À l’inverse, une rencontre sexuelle qui n’est pas préparée par cet échange d’énergie, cette préparation de l’âme et de l’esprit tout autant que du corps, n’est qu’une pornographie sèche ; c’est de cela qu’il s’agit dans le sexe sans amour.

Le corps soignant. Le médecin médicament de Balint. Le chamane. Le corps thaumaturge du roi qui guérissait les écrouelles. Ceux qui ont des dons de guérison, certains disent des pouvoirs, moi je dis qu’ils existent probablement mais qu’il vaut mieux se méfier d’où ils viennent, du ciel ou des enfers.

L’illusion du monde des écrans

La discussion avec l’ami, la discussion pleine d’entrain et d’échanges, qui vous requinque dans l’adversité, qui dilate votre cœur dans les bons moments. L’amitié qui ainsi se tisse.

L’énergie que l’on ressent au contact de l’autre. Ou que l’on ne sent plus. Qui s’est éteinte.

La joie d’être ensemble, à beaucoup. La joie dilatée que procure le chant choral. Celle de la prière en commun. Ailleurs, la ferveur des supporters, les chants eux aussi (Flower of Scotland à Murrayfield, Swing low Sweet chariots à Twickenham…). Bien sûr, qui dit stade, dit aussi Nuremberg ; cette force immense détournée.

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J’accumule des preuves. Jamais l’écran ne transmettra cette énergie que les humains retirent de leurs semblables. Quand ils se croisent, se regardent, se frôlent et se touchent, se parlent avec des vrais phonèmes faits de souffle et de modulations et appuyé de tout ce langage non verbal, que l’écran abrase et voile, sinon cache. Les humains marchent à l’humain comme les fourmis qui travaillent se rechargent en se touchant les antennes. Sans le prouver mais en accumulant quand même les preuves, bien sûr que les humains dans leur fourmilière ne font jamais rien de mieux entre eux que de se prendre les mains, les yeux et de se dire des choses de toutes les façons possibles, qui sont la voix et les yeux et tout le reste.

Voilà pour quoi, on est épuisé quand on a juste, pour se recharger, que des écrans à regarder et à entendre. Et la source de cet épuisement est l’illusion trompeuse du monde tout numérique : l’alternative sanitaire et utilitaire au monde tout humain où les humains se voient, se touchent, s’informent, se soutiennent en se servant pour cela de leur corps physique en personne.

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Je me sens bien seul

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Roland Jaccard © Hannah Assouline.

Le billet du vaurien


La mort ne me fait pas peur. Le Covid-19 m’indiffère. Je n’ai jamais été pacifiste. Les migrants me font honte et l’islam m’inspire une sainte horreur. Depuis mon enfance, j’entends dire qu’il faut être charitable et aider les Africains à sortir de leur misère. Et, en aucun cas, faire preuve de racisme, d’homophobie ou d’un quelconque préjugé vis-à-vis des formes de sexualité « déviante ». Il faudrait même célébrer Noël en famille et se réjouir que nos gouvernants nous maternent en prenant des dispositions qui pourraient sembler liberticides à de mauvais esprits, mais c’est pour notre bien. Cette bienveillance universelle a quelque chose de louche et, autant l’avouer tout de suite, elle me donne envie de vomir. Je n’ai jamais demandé à qui que ce soit de prendre soin de moi et moins encore de dicter ma conduite ou, pire encore, mes pensées.

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Et me voici embarqué dans un monde où, parce que je fais partie des personnes vulnérables, on me recommande de demeurer confiné, de me protéger en portant un masque et de me tenir à une respectable distance de mes semblables. Je ne vois d’ailleurs même pas en quoi ils sont mes semblables : masqués, ils plébiscitent tout ce qui pourrait prolonger, voire sauver, leur misérable petite vie. Ils croyaient en Jésus, ils croient maintenant aux vaccins. Quand j’émets le moindre doute sur les mesures sanitaires, voire sur les bienfaits de la révolution numérique devenue un implacable instrument de contrôle des populations, je me demande si mes interlocuteurs ne me considèrent pas comme un vieux gâteux, voire comme un homme qui a profité de l’insouciance des années glorieuses et qui ne veut pas en payer le prix. Pourtant chacun est prêt, à se sacrifier pour moi : j’aurai même droit à une part de ma bûche de Noël dans la cuisine.

Chez votre marchand de journaux: Causeur: Trêve des confineurs!

Je me garde bien d’émettre le moindre doute sur la bienveillance de mes proches, mais je ne peux pas m’empêcher d’éprouver une certaine compassion pour des humains qui tiennent d’autant plus à leur vie qu’elle a perdu toute valeur. Je préférerais les voir danser au-dessus du volcan. Karl Marx disait que l’homme est l’ensemble des relations qu’il entretient avec ses semblables. Il appartenait au Vieux Monde. Lui donneriez-vous tort pour autant, vous qui êtes passé d’une confrontation de chacun contre chacun à un «  vivre-ensemble »d’autant plus hypocrite qu’il est purement virtuel? Je ne dirai pas que le Virus nous rend fous. Nous l’étions déjà. Mais il nous métamorphose en pauvres petits animaux apeurés. Inutile de préciser qu’il est une aubaine pour les gouvernants, les laboratoires pharmaceutiques et les mandarins de la médecine. À titre personnel, j’aurais préféré figurer parmi les quatre cent mille morts que nous annonçait Emmanuel Macron au cas où aucune mesure sanitaire ne serait prise ( chiffre par ailleurs nettement surévalué ) que d’assister à l’effondrement d’un art de vivre et, sans être devin, d’une civilisation.

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Pour un management moins humain

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© D.R.

L’idée d’avoir un robot comme psy germe dans les esprits…


On ne sera guère étonné d’apprendre que 2020 aura été l’année la plus stressante pour les salariés à travers le monde. Une étude conduite dans 11 pays par Oracle, la multinationale américaine, un des leaders dans la technologie de l’information, et Workplace Intelligence, un cabinet de consultants en ressources humaines, révèle que 78 % des 12 000 personnes interrogées considèrent que la pandémie a eu un impact négatif sur leur santé mentale. Ce qui est plus surprenant, c’est que 82 % croient que l’intelligence artificielle est mieux à même de répondre à leurs besoins en termes de santé mentale que d’autres êtres humains. Aussi 68 % des salariés interrogés préféreraient-ils parler de leurs problèmes à un robot qu’à leur manager, tandis que 80 % sont tout à fait ouverts à l’idée d’avoir un robot comme psy.

Le management moderne aime se dire à visage humain

L’avantage des robothérapeutes est que ceux-ci ne portent pas de jugement sur le salarié et ne risquent pas de considérer l’aveu d’un problème de santé mentale comme une faiblesse. La gêne et la honte que nous pourrions ressentir devant un autre être humain nous sont épargnées quand nous nous confions à un chatbot ou « agent conversationnel », pur produit d’un algorithme. Déjà, en 1966, un programme informatique en langage naturel, Eliza, a été développé au célèbre Massachusetts Institute of Technology afin de simuler les échanges entre un psychothérapeute et son patient selon l’approche du grand psychologue de l’époque, Carl Rogers. Malgré les capacités linguistiques très limitées de ce programme et son manque total d’intelligence et d’empathie véritables, Eliza arrivait non seulement à maintenir des interactions avec des êtres humains, mais à en convaincre certains qu’il comprenait leur cas et éprouvait de la sympathie pour eux.

Le management moderne aime se dire à visage humain. Dommage : les salariés préfèrent un visage d’automate.