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De la banque d’investissement au retour du Tsar: l’étrange destin de l’oligarque Konstantin Malofeev

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Un oligarque russe vient de créer un mouvement politique qui milite pour la restauration des Tsars. Vladimir Poutine n’est pas nécessairement contre…


Le 22 novembre, un congrès de la « Société de l’Aigle à deux-têtes », dirigé par Konstantin Malofeev, a eu lieu à Moscou. L’événement a réuni des centaines de délégués des sections régionales de son mouvement, des représentants de l’Union des volontaires du Donbass, de l’Union des guerriers cosaques de Russie et de l’étranger, de l’Union des femmes orthodoxes, ainsi que d’autres associations patriotiques et orthodoxes proches de la mouvance tsariste. Celui qui souffle à l’oreille du président Vladimir Poutine a annoncé la création du mouvement « Tsargrad » qui présentera des candidats aux prochaines élections législatives, soutient le retour de la monarchie et la protection des valeurs traditionnelles russes.

Pour une fédération eurasienne

Entrepreneur à succès qui a noué un solide réseau politique et entouré de nombreuses controverses, Konstantin Malofeev entend désormais s’imposer à la Douma, le parlement russe. Le nom de son parti est loin d’être anodin puisqu’il se réfère aux thèses panslavistes en vigueur et l’équivalent étymologique russe de Constantinople, dont la Russie se considère comme la légitime héritière depuis sa chute en 1453. Le manifeste du parti ne manque pas d’ambition. Son préambule annonce qu’il se considère comme « la plus grande organisation représentant les intérêts des Russes » et a d’ores et déjà des centaines de milliers de membres à son actif, prêts à faire campagne pour la restauration de la monarchie tombée en 1917, victime d’une révolution achevée par les bolchéviques. Son programme reprend les grands crédos du nationalisme russe, la défense de la famille, de la culture russe, de sa diaspora, de ses valeurs religieuses et prône la renaissance de l’empire incluant l’annexion de la Moldavie, la Transnistrie, la Biélorussie au sein d’une fédération eurasienne inspirée des écrits d’Alexandre Douguine, lui-même membre du conseil suprême de Tsargrad. Un mouvement qui saura répondre « aux attaques des occidentaux, de leurs lobbys et de leurs agents présents en Russie » affirme Konstantin Malofeev.

« Nous sommes les enfants de la Victoire ! Nous sommes les bâtisseurs de l’Empire russe du futur »

« Nous sommes les héritiers des grandes victoires des armées russes sur les Khazars, sur la Horde d’Or, sur le Commonwealth [en référence à l’empire britannique-ndlr], sur le Khanat de Crimée, sur le Royaume de Suède, sur la Turquie ottomane, sur l’empire français de Napoléon et sur l’Allemagne fasciste. Nous sommes les enfants de la Victoire ! Nous sommes les bâtisseurs de l’Empire russe du futur » peut-on encore lire sur le manifeste. Le salut de la Russie passera par la restauration de ses Tsars. Une idée actuellement soutenue par un tiers des Russes, dont 46% de sa jeunesse selon un sondage daté de 2017. Très proche de la maison impériale des Romanov dont il assure la promotion médiatique, Konstantin Malofeev précise que « son mouvement rassemble des personnes de tous horizons qui partagent avec lui la conviction que la monarchie autocratique est la seule institution raisonnable, traditionnelle et naturelle pour notre société ».

« Elle a été la période la plus heureuse et la plus brillante de l’histoire du peuple russe. Je considère que c’est le seul refuge sûr pour la Russie. Et pour les croyants, c’est aussi celle qu’il faut soutenir » renchérit l’oligarque qui tente de dessiner plus royalement l’avenir de son pays et qui se prépare d’ores et déjà à l’après Vladimir Poutine, le président russe qui dirige le pays depuis 1999.

Le retour des Romanov

L’idée d’un retour de la monarchie en Russie est loin d’être nouvelle. Évoquée sous la présidence de Boris Eltsine (1992-1999) qui avait songé à faire venir auprès de lui le Grand-duc héritier George Romanov, elle resurgit régulièrement dans un pays qui se réapproprie progressivement son histoire. Les Romanov ont été réhabilités, canonisés et le Tsar Nicolas II, hier décrié comme étant un implacable tyran durant la période communiste, est aujourd’hui une des personnes préférées des Russes. Jouant à la fois sur la nostalgie impériale et soviétique, l’occupant du Kremlin a été plusieurs fois interrogé sur la possibilité d’un retour de la monarchie après son départ. « Officiellement pas sur son agenda » avait répondu Poutine au réalisateur Oliver Stone qui lui posait justement cette question lors d’une interview historique.

Habitués à brouiller les pistes, ses conseillers préfèrent démentir toute idée du genre ou nuancer ses propos. « Le président Vladimir Poutine voit l’émergence de cette idée sans réel optimisme mais reste très ouvert sur le sujet » avait alors expliqué Dimitri Peskov, le porte-parole du gouvernement en 2017, réfutant tout soutien à Konstantin Malofeev et son « initiative personnelle ». Du côté des Romanov, on se tient prêt à un éventuel retour. « Le retour d’un attachement à la foi et la tradition suscite à son tour un intérêt accru pour la monarchie. Je suis convaincu que la monarchie pourrait être à nouveau très utile à la fois en Russie et dans de nombreux autres pays. La monarchie héréditaire offre une continuité – une continuité vivante et résolue – avec le passé et peut servir de véritable arbitre neutre dans la société parce que son pouvoir n’est pas tributaire d’un parti ou d’un groupe politique. La monarchie défend et protège les intérêts de la nation entière dans son ensemble. Si nous parlions de réformes progressives et de changement, je dirais encore une fois que la monarchie est un vecteur de modernité beaucoup plus efficace que les républiques » a déclaré pas plus tard que cet été dernier la Grande duchesse Maria Wladmirovna, actuelle prétendante au trône de Russie et descendante d’Alexandre II. Un Tsar resté célèbre pour avoir aboli le servage. Reste à savoir si les Russes suivront massivement le mouvement de Konstantin Malofeev qui a reçu le soutien de divers députés et sénateurs. À moins que Vladimir Poutine ne finisse par se couronner lui-même comme certains en rêvent ouvertement en Russie.

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« Le Chili est une démocratie solide »

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Andrès Allamand, le ministre des Affaires étrangères du Chili, était en visite officielle en France le 2 décembre 2020. Il a accordé un entretien à Conflits pour évoquer la situation sociale au Chili et la coopération avec la France. Propos recueillis par Jean-Baptiste Noé.


 

Conflits. Où en est la situation sociale au Chili ? La situation est-elle aussi difficile qu’à l’automne 2019 ?

Andrès Allamand. Le Chili a eu le mérite de canaliser l’explosion sociale de 2019 à travers une procédure très démocratique, participative et institutionnelle, loin de la violence. Nous pensons que c’est ainsi qu’il faut aborder les crises politiques : avec plus de démocratie et plus de participation. Et nous avons actuellement un processus qui devrait nous conduire à une nouvelle constitution qui, d’une certaine manière, façonnera l’horizon du pays pour les prochaines décennies.

Quelle est la suite du processus institutionnel ? Comment la constitution va-t-elle être rédigée ?

Le processus chilien comprend trois étapes. D’abord, un référendum d’entrée, par lequel les Chiliens ont décidé qu’ils voulaient une nouvelle constitution, laissant l’ancienne en arrière. Ensuite, en avril, une convention constituante de 155 membres sera élue. La commission durera 9 mois, avec possibilité d’extension d’un an, et devra rédiger la nouvelle constitution. Enfin, il y aura un deuxième référendum, un référendum final ou de sortie, dans lequel le processus sera ratifié afin qu’il devienne un processus participatif, démocratique et institutionnel.

Si le projet de texte constitutionnel n’est pas ratifié, faudra-t-il recommencer le processus ?

Non, et c’est une très bonne question. Si le texte n’est pas ratifié, cela signifie que la constitution actuelle reste en vigueur. Ainsi, puisque les Chiliens ont décidé qu’ils voulaient une nouvelle constitution, cela incitera les membres de la convention à rédiger un texte que les citoyens approuvent.

A lire aussi: Madrid fait-elle sécession du reste de l’Espagne?

La convention aura lieu dans un environnement politique très actif. Les Chiliens ont hâte de savoir quel sera le contenu de leur constitution, à quoi ressemblera le régime politique et, surtout, comment leurs droits sociaux seront garantis. En particulier, comment le droit à l’éducation, le droit à la santé et le droit à la sécurité sociale seront établis. Ce sont les domaines qui requièrent le plus d’attention.

Manifestants contre la politique du Président Sebastian Pinera à Santiago du Chili le 24 octobre 2019 © Jose Miguel Rojas/SIPA Numéro de reportage: 00929562_000008
Manifestants contre la politique du Président Sebastian Pinera à Santiago du Chili le 24 octobre 2019 © Jose Miguel Rojas/SIPA Numéro de reportage: 00929562_000008

Quelles sont les causes de cette instabilité sociale ? En France, on a évoqué la hausse du prix de ticket de métro de Santiago comme cause principale. Est-ce la réalité ?

Je pense que le cas du Chili devrait attirer l’attention à l’étranger car, sous la surface des bons résultats économiques et sociaux des trente dernières années, des troubles sociaux ont été installés petit à petit. Ce malaise s’est exprimé très fortement en 2019. Voilà une leçon importante pour tous : les explosions sociales ne se produisent pas seulement dans les pays qui connaissent de graves problèmes économiques et sociaux, mais aussi dans les pays qui ont une histoire de réussite. Par exemple, les manifestations sociales peuvent se produire dans des pays qui ne sont pas sur une trajectoire de développement prospère. Cela peut être dû à la corruption ou à la faiblesse du progrès social. Je pense en particulier à certains pays de la région qui sont dans une très mauvaise situation économique. Et, bien sûr, à certains pays d’Afrique et d’Asie. Dans le cas particulier du Chili, il s’agit des manifestations dans un pays qui suit une trajectoire de réussite. Aucun pays n’est donc à l’abri de la contestation sociale. Le Chili est une démocratie solide, elle respecte les droits individuels, et elle est intégrée dans le monde. Et, malgré cela, il a subi des manifestations. Les gouvernements doivent donc être particulièrement attentifs aux causes qui, parfois, sont submergées, mais qui surgissent soudainement avec une grande force.

Comment pensez-vous faire l’unité de la nation chilienne indépendamment des présidents, des gouvernements, etc. Comment voyez-vous les années à venir ?

La politique mondiale actuelle est une politique de grande polarisation et de grande confrontation. Regardez les États-Unis : ils sont plus polarisés que jamais dans leur histoire. Par conséquent, l’une des tendances de la politique mondiale est ce type de polarisation. Le Chili a la possibilité de…

>>> Lire la fin de l’article sur le site de la revue Conflits <<<

PSG – Istanbul Basaksehir, un match engagé

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Le jour où des hommes de principe à crampons ont dit non au racisme…


Mardi soir, j’ai vu un match de foot qui, paraît-il, va rentrer dans l’histoire. Manque de bol, ma télé déconnait et les images étaient en noir et blanc. Heureusement, le spectacle était au rendez-vous et le match engagé, mais pour la bonne cause, la seule qui semble valoir de nos jours : la lutte pour le raci… pardon contre le racisme. C’est vrai quoi, parfois on ne sait plus trop ce qu’il faut dire. C’est comme pour SOS Racisme. Faut-il étymologiquement le prendre au premier ou au second degré, s’agit-il de porter secours au racisme ou de le combattre ? Comme disait Gainsbourg, qui serait aujourd’hui passible du Tribunal de Nuremberg s’il n’avait pas cassé sa pipe trop tôt : « Doit-on dire un noir ou un homme de couleur ? Parce que tout ceci n’est pas clair. » Bon bref, je vous fais un résumé de la rencontre.

Sanitairement correct

Mardi 8 décembre 2020, retenez-bien cette date. Il est 21h, le coup d’envoi est donné pour ce match de Ligue des champions sanitairement correct et donc à huis-clos, tant pis pour l’ambiance. Tout le brouhaha et le folklore habituel a généralement un mérite, celui de passer le temps durant les innombrables temps morts parce qu’il faut bien le dire, à quelques actions près, on s’emmerde le plus souvent à regarder 22 types piétiner un ballon (et pas que) pendant 90 minutes, surtout depuis l’arrêt Bosman. Mais c’est un autre sujet. Et il faut positiver. Avec des tribunes vides, pas de oh-hisse enculé, de cris de singes, d’insultes à l’arbitre, de sifflets, d’invectives… mais un retour à une certaine pureté originelle et à la grande fraternité humaine que doit incarner le sport, et patati et patata.

Sur la pelouse, un journaliste apporte une précision bien dérisoire: l’arbitre roumain a dit « le noir » et non pas « le nègre », noir se disant negru dans les Carpates. Peu importe, sus au racisme et au raciste

21h13, c’est le drame. Un arbitre roumain parle en roumain à un autre arbitre roumain pour se plaindre du comportement d’un membre de l’équipe turque sur le banc: « Le noir (negru, dans la langue de Ceaucescu) qui est là, allez vérifier qui c’est, ce n’est pas possible de se comporter comme ça. » Demba Ba, un joueur franco-sénégalais de l’équipe byzantine, sensible à l’amour du maillot puisqu’il a déjà connu dix clubs différents (merci Bosman) au cours d’une carrière en tout point exemplaire, sort de son banc et de ses gonds et plaque presque sa tête – tant pis pour la distanciation sociale – contre l’homme en noir, ou plutôt en jaune ce soir-là, mais toujours roumain. Enfin je me comprends. « Why you said negro ? Why you said negro ? Why you said negro… » éructe à plusieurs reprises et dans la langue de Shakespeare notre homme en colère. Les puristes regretteront l’absence de l’auxiliaire « did » dans ce syntagme interrogatoire multiple, mais là n’est pas l’essentiel, convenons-en.

Un joueur qui se victimise?

Très vite, un attroupement se crée autour de l’homme en noir et jaune de plus en plus pâle et de notre Martin Luther King du XXIe siècle, dont la biographie force le respect. En 2013, il refuse de revêtir le futur maillot de Newcastle en raison du nouveau sponsor de l’équipe « Wonga », une société de crédit, car la charia interdit l’emprunt à crédit. En 2014, il met en vente aux enchères son maillot de Chelsea pour financer le… CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France) récemment dissous en raison de son engagement humaniste au service de l’esprit des Lumières. Avec un pote footballeur grand amateur de quenelle et Raymond Domenechophobe, il apporte aussi un soutien financier à l’association Urgences panafricanistes créé par Kémi Seba, un activiste anticolonialiste condamné à plusieurs reprises pour antisémitisme.

A relire: Kémi Seba, un tartuffe en Afrique

Notre indigné en short, qui confesse ne pas être Charlie, se distingue aussi sur Twitter, où il semble préférer le prophète (qu’il cite souvent) au football, relaie les tweets d’une autre association humaniste récemment dissoute (Barakacity) après la décapitation de Samuel Paty et se félicite de la libération de son fondateur Idriss Sihamedi, un autre amoureux du genre humain qui refuse de serrer la main aux femmes, légitime la polygamie ou a quelques pudeurs de gazelles quand il s’agit de condamner Daech. Entre deux vidéos d’Erdogan lisant le Coran, il retweete Rokhaya Diallo, « balance » Zineb El Rhazoui et… bon bah on va s’arrêter là, parce je me rends compte qu’on s’éloigne du match.

Lequel ne reprend toujours pas.

Kemi Seba en 2006 © SIMON ISABELLE / SIPA Numéro de reportage : 00531190_000010
Kemi Seba en 2006 © SIMON ISABELLE / SIPA Numéro de reportage : 00531190_000010

Autour des arbitres, il y a désormais 22 indignés à crampons, voire plus si affinités, qui demandent des comptes. Des hommes d’exception, dont le quotidien sur les pelouses pour beaucoup d’entre eux consiste souvent, très souvent, trop souvent à tricher, simuler, tirer le maillot, tacler par derrière, invectiver l’arbitre, lancer des « fils de p… » et des insultes homophobes à tire-larigot voire même pour certains à cracher sur l’adversaire en loucedé.

Dans la meute, on trouve par exemple un Brésilien avec les pieds en or mais le reste qui sonne désespérément creux, accusé par le fisc espagnol d’avoir fraudé pour 35 millions d’euros, et pourfendeur du racisme à géométrie (très) variable: en septembre 2020 au terme d’une rencontre mouvementée face à l’OM, il accuse un adversaire argentin d’avoir proféré des insultes racistes à son égard… quelques minutes après avoir lui-même traité de « chinois de merde » un joueur japonais de l’autre camp. En première ligne aussi un champion du monde français particulièrement sélectif sur Twitter, sauf quand il s’agit de dénoncer les violences policières en citant Diam’s, une philosophe franco-chypriote exilée en Arabie Saoudite.

Ou encore un autre international français qui, après le meurtre de Samuel Paty, like en toute décontraction le message Instagram d’un champion de MMA daguestanais, lequel balance entre autres joyeusetés sur un portrait piétiné de notre président : « Qu’Allah lâche son châtiment sur quiconque empiète sur l’honneur du meilleur des hommes, son prophète Mahomet. Que le Tout Puissant défigure cette ordure (Emmanuel Macron) et tous ses disciples qui au nom de la liberté d’expression insultent la foi de plus d’un milliard et demi de musulmans. Croyez-moi, ces provocations auront pour eux de graves conséquences car les pieux ont toujours le dernier mot. »

RMC Sport, remboursez!

Pendant ce temps sur RMC Sport, la chaîne qui diffuse en direct la rencontre, la demi-douzaine de consultants présents dans les tribunes stérilisées du Parc des Princes surjoue l’indignation. Un grand numéro de vierges effarouchées où chacun semble faire un concours de celui qui a la plus grosse… conscience morale. Sur la pelouse, un journaliste apporte une précision bien dérisoire : l’arbitre roumain a dit « le noir » et non pas « le nègre », noir se disant negru dans les Carpates. Peu importe, sus au racisme et au raciste. L’arbitre roumain. Nos indignés encravatés chassent en meute et continuent à nous bourrer le mou. Un des commentateurs croit même important de nous rappeler que le racisme est un crime contre l’humanité. Ne surtout pas penser qu’un homme en noir (et jaune) qui, dans le feu de l’action, évoque nommément un noir, cela ne casse pas trois pattes à un Neymar.

A lire aussi: La nouvelle lutte des races

Outragé, brisé, martyrisé, le club turc est rentré au vestiaire. Un club détenu par des proches de l’AKP, le parti islamiste d’Erdogan, hostile à l’homosexualité, à la contraception, à l’avortement, les femmes étant encouragé à tenir « leur rôle de mère », avec un voile sur la tête tant qu’à faire. Un club qui a des principes donc. La rencontre ne reprendra pas.

Islamiste, sexiste et homophobe – pardons pour le pléonasme –  le président turc dénonce le racisme le soir-même sur Twitter. Le lendemain matin, son chef de la diplomatie évoque un crime contre l’humanité. Bienvenue en 2020. La morale de toute cette histoire, c’est que cette noble cause est entre de bonnes mains. Et qu’apparemment, elle écrase toutes les autres. Comme le disait encore Gainsbourg : « Je voudrais que la terre s’arrête pour descendre. » 

Vaccins: faire taire le complotisme

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Certains citoyens se demandent si les futures injections vaccinales ne contiendront pas des « nanopuces » pour tracer les individus. D’autres sont persuadés qu’un vaste complot travaille à une « grande remise à zéro » de l’humanité. D’où sortent ces théories? Faut-il les combattre? Une analyse d’Yves Laisné.


Le scepticisme par rapport aux vaccins n’est, dans son principe, qu’une variante du scepticisme par rapport aux médicaments. Ce dernier est très répandu, y compris dans les milieux scientifiques et médicaux et, s’il est vain de nier que le développement des médicaments – et des vaccins – a sauvé de nombreuses vies, il est dû à la vérité de constater que beaucoup de médicaments sont inutiles, soignent au prix « d’effets secondaires » pires que le mal, voire sont dangereux et, pour certains, létaux.

À la vérité est dû encore le constat que tout ce qui touche à l’expression d’opinions sur la santé publique en France est entaché d’arrière-pensées chez la plupart des intervenants: corporatisme des « soignants », gigantisme des budgets sociaux, monopole de la « Sécurité sociale », intérêts colossaux de l’industrie pharmaceutique (plus profitable que le pétrole, le luxe et les armements…), encadrement de la « recherche », esprit totalitaire de la « communauté scientifique », sensationnalisme de la majorité des médias, constituent un substrat de la transmission de l’information dans ce domaine qui doit naturellement conduire tout esprit libre ayant gardé sa capacité de critique à ne recevoir les flux transmis par les médias qu’avec la plus grande circonspection.

Le doute, ce maître du bon sens

Pour ne citer qu’un exemple, avant que le scandale de l’amiante éclate, il existait entre 1982 et 1995, sous l’égide des pouvoirs publics, un « Comité permanent amiante » (CPA), parfaitement institutionnel, même s’il est aujourd’hui rétrospectivement qualifié d’informel pour dédouaner les pouvoirs publics, peuplé de sommités scientifiques et de hauts fonctionnaires, dont l’objet était de persuader le public, y compris à l’international, que l’amiante ne présentait aucun danger pour la santé humaine.

Mais il y eut aussi la thalidomide, le distilbène, l’hormone de croissance, le chlordécone, l’Isoméride, le Mediator, la Dépakine et il y en aura bien d’autres. Faut-il dès lors rejeter tous les médicaments ? Évidemment non. Il faut simplement ne pas prendre pour argent comptant tout ce qui est raconté et garder à l’esprit ce maître du bon sens: le doute.

C’est sur les vaccins en gestation ou en début d’application, relatifs au « Covid-19 » que se concentreraient, paraît-il, les théories conspirationnistes.

A lire aussi, Anne-Laure Boch: Reconfinement: on a préféré la punition collective à la frappe chirurgicale

La principale d’entre elles, la plus inquiétante et la plus polémique porte sur le développement de « nanopuces » parfois dénommées RFID qui permettraient un traçage et un fichage perfectionné des individus. Certaines expériences d’implantation de puces électroniques dans le corps humain ont déjà été effectuées, sur le fondement du volontariat, par exemple pour remplacer des badges de contrôle d’accès. Ce n’est pas de la science-fiction. Mais ces puces, comme celles qui permettent de tracer les animaux, ne sont pas à l’échelle nanométrique, ce qui interdit de les implanter à l’insu du sujet.

La vérité n’est pas ailleurs

De là à imaginer que des puces électroniques, capables de stocker et de transmettre des informations, puissent être fabriquées à l’échelle nanométrique, puis insérées dans le corps humain par différents procédés, dont le plus effrayant est effectivement l’injection vaccinale, il y a un chemin à parcourir dont on ne trouve pas trace dans les documentations de vulgarisation scientifique (les seules auquel l’auteur a accès, du fait d’une spécialisation intellectuelle différente).

Reste que les théories conspirationnistes ont trouvé un aliment de choix dans certaines déclarations autorisées :

Bill Gates, dont la fondation consacre des milliards à la vaccination des populations, aurait annoncé un « carnet de vaccination injecté sous la peau » (source, le JDD.fr, 04.12.2020, URL Covid-19: pourquoi Bill Gates est devenu la cible de tant de théories du complot (msn.com) et encore : « A terme, nous disposerons de certificats numériques indiquant qui s’est rétabli ou a été testé récemment ou, quand nous aurons un vaccin, qui l’a reçu… »

Plus général dans ses commentaires, Klaus Schwab, professeur d’université, président du Forum économique mondial (qui organise la célèbre rencontre mondiale de Davos) vient de publier un ouvrage, seulement en anglais pour le moment, dont le titre veut dire La grande remise à zéro et dont l’argument est en substance que la pandémie de « Covid 19 » serait une chance pour l’humanité, car elle permettrait une restructuration en profondeur des sociétés, de l’économie et des comportements.

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Il n’est pas difficile dès lors d’extrapoler des quantités de théories, sans doute non prouvées, mais non dénuées de vraisemblance.

D’autant que les progrès du contrôle social par la technologie sont une réalité quotidienne: caméras omniprésentes, drones, documents biométriques, reconnaissance faciale, signature par empreinte digitale, traçage GPS, analyse des préférences de recherches Internet, profilage de consommation, croisements de fichiers, font partie de notre réalité quotidienne actuelle et indiscutable.

Conjurer des peurs légitimes

Cette tendance ne fera que s’amplifier. Il suffit de se rapporter à ce qui filtre du « communisme 2.0 » chinois pour prévoir ce qui nous attend à très court terme: traçage et analyse systématisés des déplacements individuels, contrôle sur tous les mouvements monétaires par la monnaie électronique, disparition de la vie privée, technopolice et profilage prévisionnel des comportements (le monde de Minority Report). Tout cela est pour demain.

Imaginer que cela pourrait aller encore plus loin par l’injection non consentie de « nanopuces » ne sort dès lors plus du vraisemblable. Mais reste pour le moment imaginaire.

Comment faire pour empêcher l’imagination de galoper? Pas par l’interdit, l’ostracisme ou la stigmatisation. Grâce aux réseaux sociaux, le « conspirationnisme » est comme naguère le feu grégeois, plus on verse d’eau pour l’éteindre, plus il se développe. La seule solution consiste à faire appel à la raison. La thèse des « nanopuces », comme certains commentateurs l’ont remarqué, est fondée sur une peur: celle que des individus, des forces plus ou moins cachées ou des autorités, utilisent ces technologies supposées, à l’insu des populations, pour les contrôler.

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Que font, très souvent les gouvernements pour conjurer des peurs: ils édictent des lois pénales. Si l’injection de composants électroniques dans le corps à l’insu d’un sujet devient un crime, plus personne ne craindra la commission d’un tel acte, car aucun médecin ou fonctionnaire raisonnable ne risquera de finir ses jours en prison pour procéder à cet acte de contrôle social. Et la théorie conspirationniste des « nanopuces » aura vécu.

Je propose donc, pour rassurer les populations et mettre fin aux fantasmagories, le vote par le Parlement de l’article de loi suivant:

Code pénal, Article 221-5-6

Le fait d’insérer dans le corps humain un dispositif électronique ou équivalent, quelles que soient sa taille, sa technologie ou sa fonction, sans avoir recueilli le consentement préalable, écrit et éclairé de la personne concernée, est puni des peines de l’article 225, même si ce dispositif n’a eu aucun effet détectable sur la santé.

Il s’agit des peines de l’empoisonnement: 30 ans de réclusion criminelle et, en cas de circonstances aggravantes, réclusion criminelle à perpétuité.

Si ce texte est voté, les théories conspirationnistes liées aux « nanopuces », perdant tout semblant de crédibilité, s’éteindront d’elles-mêmes. S’il n’est pas voté…

Le techno-monde a la langue qu’il mérite

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La langue française se meurt sous les coups des néoféministes, des universitaires, et des pseudo-linguistes qui réclament absurdement une langue « égalitaire » ou « inclusive ».


En plus d’être des militants, les massacreurs de la langue française sont souvent aussi des “communicants” dont on peut retrouver la trace dans la novlangue politique, médiatique ou publicitaire, qui est la langue du techno-monde.

« Quand on est amoureux de la langue, on l’aime telle quelle, comme sa grand-mère. Avec ses rides et ses verrues », écrivait Vialatte. Il pressentait les désastreux effets secondaires des liftings que des « chercheurs » allaient opérer. Dernièrement, un député français (!) a proposé de finir de la défigurer en promouvant la « langue française métissée » d’une chanteuse qui est à la langue française ce que Lilian Thuram est à la philosophie humaniste. L’entendre faire l’éloge de cette langue décharnée a été à la fois très drôle et très triste, car la langue qu’il utilisait pour ce faire était très mièvre et très pauvre.

La novlangue envahit nos gazettes communales

En plus d’être laide, la novlangue française gangrène les lieux les plus beaux quand elle essaie de les défendre ou d’en faire une « promotion touristique » qui promeut en réalité la destruction de l’endroit convoité. J’ai ainsi sous les yeux une brochure que je reçois régulièrement et qui me donne des « informations sur la Communauté de Communes des (…) » Les communes concernées sont entourées par une des plus belles forêts de France, une des plus grandes, une des plus anciennes, forêt de chênes et de hêtres essentiellement, lieu idéal pour les marcheurs, les cueilleurs de champignons, les chasseurs de papillons. Un petit coin de paradis. Bientôt un enfer : la brochure nous rappelle en effet qu’une « étude de développement touristique de la Forêt des (…) a été lancée » et qu’elle a « pour objectif de générer une vision partagée et de donner de la cohérence à la mise en tourisme de cet espace forestier au travers d’une démarche durable, superposant intégration locale, nouvelle mobilité et innovation. » 

Et ce n’est qu’un début.

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: La langue du Quatrième Empire

La suite de l’article s’intitule Une forêt vivante et est écrite dans la même langue mortifère (je ne change rien à la syntaxe, à la mise en gras de certains passages, etc.) : « La Communauté des Communes mène des réflexions complémentaires pour développer l’itinérance comme filière d’excellence ainsi que sur la signalétique et la signalisation. Bien plus qu’imaginer la localisation et la thématisation de nouveaux itinéraires avec des successions de panneaux, ces deux réflexions sont centrées sur la question de « l’expérience de visite », conçue pour différentes typologies d’acteurs : cyclistes, résidents occasionnels, touristes de passage, résidents du territoire recherchant une « respiration de nature » à proximité… Le chemin vers une véritable logique d’accueil pour « vivre » notre forêt et notre territoire est en construction. »

L’horrible verbe “impacter”

Ce genre de « littérature » se multiplie et est écrit par des individus qui sortent de notre système scolaire, lequel a « égalitairement » réduit l’héritage littéraire à presque rien et la transmission des savoirs à pas loin de zéro. La langue qu’ils écoutent ou lisent aujourd’hui est principalement celle de la publicité, des réseaux sociaux ou, dans les milieux les plus “favorisés”, celle des “éléments de langage” appris dans les écoles de journalisme ou les cercles politiques. C’est une langue emplie de fautes, d’anglicismes, de nouveaux verbes (dont l’horrible impacter), et d’expressions techno-commerciales étranges, novlangue utile au seul programme de destruction du monde. Résultat : la simple promenade est remplacée par « l’itinérance comme filière d’excellence » ; à la rêverie sur les chemins forestiers se substitue une « expérience de visite » conçue non pas pour des promeneurs du dimanche mais pour des « typologies d’acteurs » ; le chemin ne sent plus la terre et les feuilles mais mène à « une véritable logique d’accueil pour “vivre” notre forêt » ; et tandis que je peine à retrouver mon souffle en escaladant une des travées du haut de la forêt, je devrais me souvenir de rechercher une « respiration de nature ». La langue du techno-monde est celle de l’information et de la communication, les instruments d’effacement du réel. Pour l’écrire ou la parler, point besoin de poètes ou de lecteurs avertis, au contraire. Les enfants sortis de l’école actuelle, nourris au rap, aux tweets et, pour les plus « doués », aux thèses universitaires sur le genre, suffiront amplement à la tâche.

On l’a bien cherché

Dans sa réjouissante Défense et illustration de la novlangue française, Jaime Semprun conclut ironiquement : « Cependant, l’ayant défendue (la novlangue) en tant qu’elle est la plus adéquate au monde que nous nous sommes fait, je ne saurais interdire au lecteur de conclure que c’est à celui-ci qu’il lui faut s’en prendre si elle ne lui donne pas entière satisfaction. » 

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Le techno-monde a la langue qu’il mérite. L’un et l’autre se soutiennent en s’abaissant mutuellement. Un monde décadent doit pouvoir se dire et se lire dans une langue qui lui ressemble. De ce point de vue-là, on peut dire que notre novlangue française réussit totalement la tâche qui lui incombe. Pour illustration, rappelons les propos d’une fervente locutrice de la novlangue politique, Anne Hidalgo : « Loin d’être anxiogène, la résilience urbaine apporte des solutions pour mieux adapter les villes ». Aucun journaliste n’ayant demandé la traduction de cette « phrase », il faut croire que ce baragouin est maintenant compris par le plus grand nombre. Et qu’un prochain baragouineur pourra gribouiller dans ma feuille d’informations de la Communauté de Communes que « loin être éco-anxiogène, la résilience villageoise apporte des solutions pour mieux adapter les forêts », sans que personne n’y trouve rien à redire.

« À l’exception de la libre circulation, aucune liberté n’est véritablement remise en question ! »


Selon le député, la majorité n’a pas démérité face à la crise sanitaire. Le gouvernement implique les collectivités dans la prise de décision, mais assume ses responsabilités et dit la vérité aux Français. Propos recueillis par Gil Mihaely. 


Causeur. Fin mars, Olivier Véran a déclaré que nos capacités en réanimation (matériels et personnels) passeraient de 5000 à 14 500 lits. En octobre, nous étions toujours à 5 800 ! Le 28 octobre, alors que 3 000 de ces lits étaient occupés, le président s’est engagé à porter ce chiffre à 10 000 lits. Que s’est-il passé ?

Ludovic Mendes. Les annonces faites en mars ne visaient pas la création d’une capacité permanente de 14 500 lits de réanimation ! Dans un laps de temps aussi court, on peut faire un effort ponctuel, mais qui ne peut pas durer. On ne crée pas un service de réanimation du jour au lendemain. N’oublions pas que pendant les dix ou quinze dernières années, des mauvaises décisions ont été prises concernant la formation des anesthésistes, réanimateurs et des infirmiers spécialisés.

Reste qu’il a fallu imposer un deuxième confinement parce que, fin octobre, les lits promis manquaient. Le problème était donc hospitalier, et non sanitaire !

Non. Nous avons amorcé le reconfinement non pas à cause d’un taux d’occupation important en réanimation, mais parce qu’il y avait une explosion à la fois du nombre des contaminations et du nombre des malades de la Covid-19 en besoin d’hospitalisation « normale ». Mais surtout, nous nous sommes aperçus que cette fois-ci, une population différente était touchée par le virus. Contrairement à la première vague, des malades sont plus jeunes, en bonne forme physique et sans comorbidité. J’ajoute qu’in fine, les autres pays ont pris des mesures semblables.

Le président a également affirmé fin octobre que, quoi que nous fassions, près de 9 000 patients seraient en réanimation mi-novembre. Nous y sommes. Les mesures prises fin octobre n’étaient pas aussi strictes qu’au printemps, et malgré cela on est à peu près à la moitié du chiffre annoncé. Avait-il de mauvais chiffres ou est-ce qu’il applique une politique de la peur, catastrophiste pour mobiliser les citoyens ?

Si je ne me trompe pas, le président a parlé d’un total de 9 000 lits de réanimations occupés, c’est-à-dire 9 000 cas graves de la Covid… mais aussi d’autres maladies. Ceci dit, il est vrai que la situation est moins grave que celle prédite par les projections d’octobre. Dans ma région, le Grand Est, nous nous attendions à un pic important aux alentours du 15 novembre, mais nous avons eu de la chance et on n’a pas atteint ce pic. Nous avons atteint un plateau et la décrue est amorcée. Le gouvernement n’essaie pas de faire peur. Souvenez-vous du début de la crise : on annonçait des millions de morts, mais personne n’y croyait vraiment ! Pourtant c’est exactement ce qui s’est passé. En France, le gouvernement se sert des projections de l’Institut Pasteur et s’appuie sur le Conseil scientifique, en prenant aussi en compte que le virus risque à tout moment de muter et rendre la situation encore plus dangereuse et compliquée. Emmanuel Macron ne navigue pas à vue. Il navigue dans un brouillard épais. Dans une telle situation, le président et la majorité ont choisi de tenir un discours de vérité même s’il est parfois alarmiste.

À lire aussi, Renaud Girard et Jean-Loup Bonnamy: “Si le confinement était un essai médicamenteux, on l’arrêterait tout de suite à cause des effets secondaires terribles”

Vous parlez d’un discours de vérité, mais avez-vous oublié les palinodies sur les masques ?

Je pense que Macron a toujours été honnête, et a aussi accepté de reconnaître les erreurs qui ont été faites. C’est également vrai pour le Premier ministre et les ministres, dont celui de la Santé.

À l’issue du premier confinement, le gouvernement a également promis que les corps intermédiaires et les élus locaux seraient associés à la gestion de la crise. Face à la deuxième vague, les réflexes jacobins sont revenus…

En imposant une politique au niveau national, l’État a tout simplement pris ses responsabilités. Depuis la rentrée, sur tout le territoire, préfets, parlementaires et élus discutent, négocient et font des remontées à Paris. Et, s’il y a bien eu le regrettable « couac marseillais », c’est parce que dans ces discussions complexes, des élus ne veulent pas jouer le jeu. Heureusement, ce cas est l’exception.

N’empêche que, concernant les petits commerces, des dizaines des maires voulaient s’opposer aux mesures dictées par le gouvernement.

Là aussi, l’État a pris ses responsabilités quand certains élus, entre autres pour des raisons électoralistes, ne voulaient ou ne pouvaient pas prendre certaines décisions : dans des villages ou des petites villes, la pression sur le maire peut être énorme !

Mais les maires sont pénalement responsables. Dès lors, pourquoi ne pas les laisser gérer leurs communes dans ce qu’elles peuvent avoir de spécifique, et en assumer ensuite les conséquences ?

Parce que parfois le maire ne voit pas le tableau global. Si vous étudiez la mobilité des Français, la manière dont ils se déplacent, font leurs courses, travaillent ou se soignent, vous vous rendez compte que les zones reculées ne le sont pas tant que ça… On ne peut donc pas traiter ces villes et villages comme des îles au milieu de la mer, et il faut raisonner à une échelle qui dépasse souvent le maire. Nous, gouvernement et majorité, ne sommes pas là pour répondre à une somme d’individus localement. Nous sommes au service de l’intérêt général et nous entendons accomplir cette mission.

Une crise de cette nature et de cette ampleur exige des arbitrages difficiles. Pour sauver des vies, on grignote des libertés en limitant la circulation, le commerce, etc. Il n’est pas évident de savoir où placer le curseur entre les libertés et la préservation des vies. Philosophiquement, vous sentez-vous à l’aise avec l’endroit où votre majorité a arrêté le curseur, alors que les critiques sont très nombreuses ?

Globalement, la seule liberté vraiment remise en question, c’est la libre circulation. Les autres sont plutôt bien respectées et le Conseil constitutionnel, sollicité à plusieurs reprises, le confirme. Nous sommes dans un état d’urgence – donc d’exception – pour faire face à une situation compliquée. Si ces décisions exceptionnelles qu’exige notre situation menacent le commerce de proximité, c’est parce qu’il n’y avait pas d’autre choix. Par ailleurs, au risque de vous déplaire, j’aurais personnellement aimé que l’on aille plus loin encore sur le cas des personnes testées positives et qui ne respectent pas la règle de rester chez elles en quatorzaine. On devrait durcir la loi sur ce point. Ces personnes doivent être retenues coûte que coûte à leur domicile ou être mises dans des espaces dédiés comme des hôtels, en collaboration avec l’État (pour la prise en charge) et recevoir une amende importante en cas de manquement. Ces personnes-là mettent en danger la vie d’autrui, et aussi notre vie économique et sociale.

Iriez-vous jusqu’à rendre la vaccination obligatoire ?

Non. Il faut déjà attendre les résultats des études cliniques, et il faut que le vaccin soit validé par l’Agence nationale du médicament et l’Agence européenne. Mais sur le principe, je ne suis pas favorable à une vaccination obligatoire, parce que je reste un libéral.

Salutem Sacrum

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La santé devient une « religion sanitaire », avec le médecin dans le rôle du prêtre…


C’est dans la seconde moitié du dix-huitième siècle que les Encyclopédistes, n’y voyant pas malice, démarrèrent un long mouvement de sacralisation de la nature et particulièrement de la santé. La santé, « salutem » en latin, vient donc remplacer le salut théologique auquel des générations avaient aspiré.

Le médecin remplaça le prêtre et la pénicilline se para de vertus miraculeuses. Le nihilisme et l’égalitarisme ayant fait les ravages qu’on sait chez l’homo occidentalis épuisé par son fardeau, la nouvelle religion sanitaire put étendre son pouvoir en majesté. Si l’on y ajoute le principe de précaution, verset premier et incontournable de cette nouvelle doxa, et qui remplace le bon vieux principe de préjudice, nous voilà dans l’eau bénite jusqu’au cou !

La santé a phagocyté le pouvoir  

Comme toutes les religions, elle a ses Grands Inquisiteurs, dont on soupçonne assez rapidement qu’ils ne se relèvent pas la nuit pour rire. Le sort qu’ils réservent aux hérétiques, par contre, pourrait donner des cauchemars, car comme dans toute foi, il convient de séparer le pur et l’impur, l’élu et le mécréant, selon des critères parfois aussi sibyllins que par le passé.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: À chacun son quart d’heure de sainteté

Comme toutes les religions, ses prélats et ses vicaires prêchent sans relâche sur toutes les places, sur tous les parvis et surtout, sur tous les réseaux sociaux. Comme toutes les religions, elle a ses dévots et ses grenouilles, également appelés hypocondriaques. Et hélas, à l’instar du catholicisme et de bien d’autres religions, elle a phagocyté le pouvoir, qu’il soit démocratique, social-démocrate ou autre. Elle pratique ce que Voltaire, Diderot et les autres libéraux du dix-huitième siècle appelaient la « collusion du trône et de l’autel » et contre laquelle ils s’insurgeaient. La santé sacralisée est tombée entre les mains de l’État, tout comme y tombèrent l’enseignement et les ponts-et-chaussées. On ne discerne d’ailleurs pas pourquoi une autorité se priverait de cette cohorte de croyants, toute prête à l’aduler pour peu qu’elle lui promette l’enfer des soins intensifs et lui propose l’absolution vaccinale.

Certes, des mouvements humanistes se font entendre qui voudraient rompre cette collusion et des sceptiques s’inquiètent de cette nouvelle sacralité, qui ne laisse pas plus de place au doute que les autres. Mais on n’entend guère de libres-exaministes pour réclamer, en tapant du poing sur la table, une nouvelle loi de 1905 qui séparerait la santé sacrée du très profane pouvoir temporel. Et qui revendiquerait, comme les combats laïques l’avaient exigé et obtenu, que soit laissée à chacun la possibilité de croire ou pas.

Trois relaxes sinon rien!

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Quatre ans de prison (dont deux avec sursis) ont été requis hier à l’encontre de l’ancien président de la République. Les procureurs lui reprochent d’avoir obtenu, par l’intermédiaire de Thierry Herzog et de Gilbert Azibert, des informations secrètes au sujet d’une procédure dans l’affaire Bettencourt. Philippe Bilger prend les paris: la justice va le relaxer. Tout ça pour ça!


Ce billet est publié alors que les réquisitions du PNF dans le procès de Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, Thierry Herzog, son avocat et ami, et Gilbert Azibert, ancien magistrat qui a occupé plusieurs postes prestigieux impliquant une certaine confiance politique à l’égard de leur titulaire, ont été prises le 8 décembre.

Jean-François Bohnert, chef du parquet national financier (PNF), Jean-Luc Blachon et Céline Guillet, deux de ses représentants toujours présents aux audiences, ont requis contre les prévenus quatre ans d’emprisonnement dont deux avec sursis et, pour Me Herzog, 5 ans d’interdiction professionnelle.

Comme il se doit, l’appréciation sur l’argumentation développée par le ministère public est critique voire ironique. Cette tonalité ne fait que me confirmer davantage dans la certitude que, prochainement, trois relaxes seront édictées.

Je n’ai pas assisté aux audiences mais j’ai lu tous les comptes rendus des débats, et au travers de leurs approches diverses, sinon contradictoires, il me semble pouvoir confirmer mon intuition anticipée. Aussi bien le Figaro, le Monde, le Parisien, Libération que Marianne et Mediapart ont offert au citoyen que je suis et au magistrat que j’ai été, un pluralisme très éclairant.

Philippe Bilger D.R.
Philippe Bilger D.R.

Pour cette affaire, sans en être spécialement gêné, trois de mes relations amicales sont concernées : Thierry Herzog lui-même et deux remarquables avocats, Jacqueline Laffont qui défend Nicolas Sarkozy et Hervé Temime au soutien de la cause de son confrère et ami Herzog. Il n’y a pas là de quoi entraver ma liberté d’expression.

Ce ne sont évidemment pas les relaxes qui probablement seront prononcées qui me perturbent dès lors qu’elles s’attacheront seulement à des éléments juridiques indiscutables et à une analyse fouillée et sans complaisance des écoutes Sarkozy-Herzog aussi bien officielles que dissimulées, un certain temps, sous la fausse identité de Bismuth.

Alors qu’en revanche, depuis le début du procès, on peut constater l’étendue de tout ce qui, politiquement et médiatiquement, est mis en oeuvre pour persuader le tribunal correctionnel (dont la présidente aurait pu être plus pugnace, notamment dans le questionnement de son ancien collègue Azibert) qu’elle est saisie d’une affaire dérisoire voire « minable » et qu’elle perd son temps. Sur l’accusation qui a osé ces renvois, pèse l’opprobre d’avoir ajouté une page sérieuse au feuilleton judiciaire de Nicolas Sarkozy et d’avoir, par l’entremise de Me Herzog, touché à l’honneur sacro-saint du barreau.

Dans tous les cas, il était léger d’évoquer le caractère vain de la Justice quand la qualité des prévenus – c’est une première pour un ancien président de la République – rend cette espèce passionnante et dépasse de très loin son objet apparent qui au demeurant n’est pas médiocre.

D’abord l’absence de Gilbert Azibert le premier jour, d’où l’obligation d’un renvoi après une expertise médicale ne s’opposant pas à sa comparution. Comme s’il était possible pour Gilbert Azibert d’avoir paru fuir ainsi sa responsabilité.

Ensuite une salle majoritairement emplie d’avocats en robe pour soutenir leur confrère Me Herzog. Comme si le respect du secret professionnel était en débat et non pas son éventuel dévoiement en vue d’une infraction.

Je n’ose imaginer ce qu’on aurait pensé d’une assistance de policiers venant, telle une pression forte, prendre fait et cause pour des policiers renvoyés devant le tribunal correctionnel. On aurait estimé, avec justesse, cette surabondance déplacée.

Comment avoir eu l’inélégance, par ailleurs, de souiller judiciairement d’aussi belles histoires d’amitié ! Celle entre Thierry Herzog et Gilbert Azibert, celle entre Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog. Rien dans cette entente qui puisse être suspecté. Que du sentiment. Des bavardages tranquilles. Sans la moindre finalité. Beaucoup d’écoutes pour rien, en quelque sorte !

Nicolas Sarkozy n’avait rencontré que rarement l’ancien magistrat mais sa moralité lui avait été attestée par Patrick Ouart, son conseiller Justice, notamment dans l’affaire Bettencourt et ses aléas ! Tout est dit !

Il s’est agi clairement de dissocier le trio et de substituer au dessein collectif qui lui était prêté des relations singulières, sans la moindre prestation à accomplir, ni la moindre réciprocité, de telle manière qu’à l’évidence Thierry Herzog s’est dévoué – tactiquement ou sincèrement ? – pour sortir Nicolas Sarkozy du champ de la prévention pénale.

Cet avocat, au centre du jeu, a cherché à sauver Gilbert Azibert mais bien davantage son ami Nicolas Sarkozy, en danger politique et judiciaire. Il faut reconnaître que Me Herzog, sur ce plan, a été aussi doué comme prévenu que comme avocat ailleurs.

J’ai eu l’impression parfois que le rôle des mis en cause n’était pas perçu comme celui de prévenus mais qu’il s’agissait d’acteurs dont on attendait avec impatience la prestation sans s’interroger une seconde sur leur crédibilité. Comme si on était d’emblée presque heureux de les voir quitter le terrain judiciaire au profit d’une atmosphère théâtrale, d’une jouissance narcissique.

Pourtant des interrogations auraient-elles été indécentes face aux explications longuettes de Gilbert Azibert sur la Cour de cassation – une conférence ou une comparution ? -, au départ précipité de Me Herzog pour Monaco où se trouvait Nicolas Sarkozy afin de lui parler seulement de Patrick Buisson et de son épouse Carla et au changement subit de tonalité dans les écoutes des portables, la ligne officielle venant apparemment tout de suite contredire ce que la clandestine avait révélé ?

Enfin Nicolas Sarkozy vint ! Il piaffait, il piétinait, il avait hâte.

Son verbe a été loué, son énergie, sa force, son talent. Un superbe exercice d’oralité.

Mais, à le lire, on y retrouve ce qui depuis tant d’années est le fond de toutes ses apologies. Il est victime, le PNF lui en veut, les procès qu’on lui intente sont politiques et il n’y a rigoureusement rien contre lui dans les dossiers. Jamais. Il se compare à de Gaulle qui n’avait plus l’âge pour être « dictateur », pourquoi deviendrait-il, lui, « malhonnête » à 65 ans ?

Il tire des procédures multiples engagées contre lui la preuve de sa moralité, on pourrait y voir l’inverse : tout ce dont on le soupçonne est plausible, il en est capable. De Gaulle non.

Avec cette faille constante : il ne procède que par indignations, dénonciations morales. Comme s’il était forcément au-dessus du droit et pourvu d’une sorte d’exemplarité de principe. Ce qui ne peut que laisser songeur au vu de sa trajectoire présidentielle et de la dénaturation de la République irréprochable promise en 2007, si vite oubliée.

Les représentants du PNF et le chef de ce dernier ont été intelligents et vaillants.

Mais le vent souffle à la défense.

Je parie donc que trois relaxes seront édictées, le moment venu.

Parce que depuis le début on ne cesse de diffuser par tous moyens, bien au-delà du strict plan judiciaire dégradé en spectacle, que l’innocence est éclatante et qu’il ne resterait qu’à la valider.

Les juges me feront-ils mentir ?

Rétablir le service national: la fausse bonne idée de Mélenchon

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Ainsi donc, voici que M. Mélenchon veut, à son tour, rétablir le service national, notamment dans les forces de police…


Il s’agit décidément d’une recette magique que les hommes politiques, de tous bords exhument lorsqu’ils mesurent toute l’étendue de leur impuissance face à la fragmentation de la société. Le président de la République lui-même en avait fait une promesse de campagne, avant d’accoucher du S.N.U., une construction burlesque dont j’ai toujours peiné à comprendre l’utilité et dont on ne parle plus guère.  

Les Français, il est vrai, semblent montrer de l’appétit pour ce projet (sauf peut-être ceux qui seraient astreints à l’obligation). Tout se passe comme si, dans une situation de panique et de délitement profond du lien social, la résurrection de l’obligation militaire apparaissait comme une panacée. Beaucoup de nos concitoyens semblent fermement convaincus qu’en faisant passer les jeunes générations par la moulinette des hommes en vert, le goût du « vivre ensemble », aussi souvent invoqué qu’il est illusoire, naîtra ou renaîtra comme par enchantement. La mesure, cependant, présente toutes les caractéristiques d’une « fausse bonne idée » ainsi que l’on relevé bon nombre d’observateurs et notamment le remarquable général (2s) Desportes dans une interview publiée en 2016 dans le bulletin de l’Association de Soutien à l’Armée Française (A.S.A.F.). 

La raison d’être de la conscription n’a jamais été le “vivrensemble”

Avant toute chose, plantons le décor : je suis capitaine d’infanterie de réserve et j’ai servi pendant quinze ans, ce qui signifie, d’une part, que j’ai une vague idée de ce qu’est l’armée et, d’autre part, que je ne puis être soupçonné d’antimilitarisme. Bien au contraire, c’est précisément mon militarisme qui me conduit à considérer comme absurde une proposition qui fleure bon l’opportunisme politicien. 

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Si l’on veut être un peu romantique on verra l’acte de naissance de l’obligation militaire dans la canonnade de Valmy, lorsque Kellermann mit son chapeau à la pointe du sabre et s’écria « vive la nation », entrainant à sa suite la foule hétéroclite des volontaires et des vétérans de la monarchie. En réalité, la levée en masse ne sera instituée que par loi Jourdan-Delbrel du 5 septembre 1798. La conscription connaîtra ensuite des formes diverses qui la verront tantôt supprimée, tantôt rétablie, tantôt soumise aux caprices du tirage au sort, tantôt universelle.

Il reste que sa raison d’être n’était pas et n’a jamais été le brassage des populations ou l’éducation civique. Ceux qu’on appelait sous les drapeaux, dans leur écrasante majorité, se vivaient comme Français, de nation et de culture. Car ne le nions pas, jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie, au plus tôt, la France (tout comme la plupart des autres pays européens) était ethniquement assez homogène. Certes, un Breton n’est pas un Lorrain qui n’est pas un Basque. Mais il y avait et, j’ose l’espérer, il y a encore, entre ces populations un plus petit commun dénominateur : l’histoire de l’État (celle de nos rois), l’histoire de la nation (celle de la Révolution et de tous les régimes qui l’ont suivie, quelle qu’en ait été la forme), la langue, les livres, les croyances populaires ou religieuses (qu’on ait continué d’y adhérer ou non). Tout cela, au fond, qui forme un peuple.

La fratrie, c’est le sang

Peut-être l’aristocrate ne s’intéressait-il guère au bourgeois; peut-être le bourgeois ne connaissait-il pas le prolétaire ou le paysan; et peut-être certains Bas-Bretons (ou Provençaux, ou ce que vous voulez) baragouinaient-ils un français approximatif. Mais au-delà de leurs différences sociales, tous étaient Français. L’armée leur a appris à se connaître entre Français et c’est en ce sens seulement qu’elle les a brassés. Dans la boue des tranchées pataugeront côte à côte le sergent de La Ville de Mirmont (poète, tué à l’ennemi), le sous-lieutenant Pergaud (instituteur et écrivain, tué à l’ennemi), le lieutenant Péguy (écrivain et poète, tué à l’ennemi), le soldat Dorgelès (écrivain), le lieutenant Genevoix (romancier et poète), les fils du général de Castelnau (dont trois furent tués à l’ennemi) et tant d’anonymes, officiers, sous-officiers ou soldats, cordonniers, ouvriers, agriculteurs, clercs de notaire ou commis-voyageurs. 

L’armée n’est pas une machine à fondre dans un grand tout des populations qui ne se sentent pas un minimum d’appartenance commune ; ce n’est pas un instrument magique qui permettra en un tournemain de passer au-dessus du précipice culturel qui sépare telle population de telle autre. Si le rapport à la vie et à la mort n’est pas le même, si la relation au vrai et au faux, au juste et à l’injuste diffèrent profondément (sans jugement de valeur aucun) que voulez-vous que l’adjudant-chef le plus doué y fasse ? La patrie écrivait Renan, c’est le plébiscite de tous les jours; et j’ajouterai que ce plébiscite repose sur un acte de foi qui est, le plus souvent, le fait de ceux auxquels parlent « la terre et les morts » selon la formule de Barrès, aujourd’hui jugée nauséabonde. Dans son roman « Les Centurions« , Jean Lartéguy met en scène le lieutenant Mahidi, officier d’origine algérienne, ancien combattant d’Indochine, qui cependant trahira ses camarades pour rejoindre le F.L.N. Et lorsque la Grande Armée devint l’assemblage babélien de plusieurs nations européennes, les premiers à déserter ou à se battre mollement furent ceux que des systèmes d’alliances ou des conquêtes avaient contraints à se ranger sous les trois couleurs. On ne décrète pas : « untel sera mon frère » ou « untel sera mon ami ». La fratrie, c’est le sang ; l’amitié, c’est le cœur. L’éducation civique n’a rien à y voir. L’armée ne fera pas aimer la France à quelqu’un (quelle que soit son origine) qui ne considère pas d’abord les habitants de ce pays comme ses compatriotes, pas plus qu’on ne peut faire boire un âne qui n’a pas soif. Penser le contraire, c’est se leurrer. 

Nous ne sommes pas sortis de l’histoire

Et puis enfin, au-delà du fantasme d’un improbable brassage, non pas social, mais sociétal et culturel, il faut se poser la seule bonne question : à quoi sert l’armée ? Si l’armée fut parfois un instrument de conquête (sous l’Empire par exemple) elle est et reste surtout la garante de l’intégrité du territoire national, de la défense des citoyens face à une agression extérieure (guerre conventionnelle) ou intérieure (situation de guerre civile) et l’un des vecteurs essentiels de la puissance de l’État en tant qu’instrument de l’action géopolitique. « Dieu, écrivait Bussy-Rabutin, est d’ordinaire pour les gros escadrons contre les petits. » Or, les hommes qui doivent remplir ces missions ne sont plus les poilus de la Grande Guerre. Le temps est loin où l’on pouvait envoyer au front, après une formation sommaire des jeunes gens qui, quelques semaines auparavant, cultivaient leurs navets ou faisaient la classe. Les équipements sont incroyablement sophistiqués. Même le fantassin, lorsqu’il part au combat, est bardé de technologie. Le temps d’apprentissage est long et les évolutions techniques fréquentes, ce qui rend le service national tout à fait inutile du point de vue militaire. 

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Ce dont la France a besoin, si elle veut espérer continuer à peser encore sur les affaires du monde, c’est d’un outil militaire moderne, à la hauteur de ses ambitions. Or, alors qu’en 1980 l’effort militaire représentait encore 3% du PIB (5% dans les années soixante), la part des missions de défense ne représentait plus que 1,45% du PIB en 2016 (1,8% pensions incluses). À titre indicatif, le Conseil de l’Alliance atlantique fixe à ses membres un effort de défense minimal de 2% de leur PIB (hors pensions), ce que très peu respectent. Cette disette budgétaire n’affecte, en outre, que les forces conventionnelles, à l’exclusion de la force de dissuasion nucléaire, alors que ce sont elles que nous mettons constamment sous tension en les projetant aux quatre coins du monde ! Comme le rappelait l’Association de Soutien à l’Armée Française (ASAF) dans son bulletin du mois de septembre 2016 « comment parler aujourd’hui d’autonomie stratégique quand nous sollicitons les avions gros porteurs ukrainiens pour nos opérations, quand nous ne pouvons déployer que 15 hélicoptères et 3500 hommes pour contrôler les 5 millions de km2 de la bande sahélo-saharienne et quand nous ne pouvons pas contrôler seuls la chaîne de transmission des images fournies par les drones américains Reaper que nous venons d’acquérir ? ». L’association G2S, composée d’officiers généraux en deuxième section le dit clairement : porter l’effort de défense à 2,5% permettra au mieux de maintenir en l’état un outil militaire en voie de délabrement rapide. L’objectif, c’est d’atteindre au plus vite 3%. Faute de quoi, nous perdrons ce que le général (2S) Desportes a justement appelé « la dernière bataille de France »[tooltips content= »Vincent Desportes, La dernière bataille de France, Gallimard, 2015″](1)[/tooltips] et nous devrons nous résoudre à devenir un nain géostratégique.

J’ai déploré les circonstances dans lesquelles l’obligation militaire a été suspendue : à la sauvette et sans débat de fond. Mais c’était une bonne décision. En 1934, déjà, le général de Gaulle prônait la création d’une armée de métier[tooltips content= »Charles de Gaulle, Vers l’armée de métier, Berger-Levrault, 1934″](2)[/tooltips]. Cependant, il devait y avoir une contrepartie à cette mutation : la création d’un outil professionnel, certes, mais convenablement doté, supérieurement entraîné, auquel serait adossée une réserve de qualité. Bref, un véritable levier de puissance. Cette promesse-là, ni M. Chirac, ni ceux qui lui ont succédé, de droite comme de gauche, ne l’ont tenue. Peut-être parce qu’ils ont crû être sortis d’une histoire au cœur de laquelle nous sommes aujourd’hui brutalement rappelés, ils ont fait du budget de la défense une variable d’ajustement. Et de cela ils sont comptables envers leur pays.

Bonjour les enfants


En attendant la réouverture des salles de cinéma, on peut toujours étancher sa soif de cinéma avec des DVD et Blu-ray: les éditeurs en profitent pour exhumer quelques pépites. Aujourd’hui L’enfer des anges, de Christian-Jaque, est à voir dans une superbe version éditée par Pathé. Un film qui cultive avec efficacité une veine sociale jamais complaisante.


On peut toujours rêver : un jour viendra peut-être où l’on sortira Christian-Jaque de l’ornière où la Nouvelle Vague l’a fait injustement tomber. Il suffit de voir ou de revoir ce film rare, et cette fois dans une superbe version restaurée, pour se dire que décidément, c’était un vrai cinéaste, y compris à travers des intentions de mise en scène souvent habiles et inspirées.

À lire aussi, Jean Chauvet: Divan sur grand écran

Couverture du film "L'enfer des anges", éditée par Pathé.©Pathé
Couverture du film « L’enfer des anges », éditée par Pathé.©Pathé

L’exceptionnel Jean Tissier dans le rôle du salaud

L’Enfer des anges, sorti en 1941, fait partie d’une trilogie informelle sur l’enfance dont les merveilleux L’Assassinat du père Noël et Les Disparus de Saint-Agil constituent, dans un registre moins dramatique, les deux autres volets. Et puis il y a l’exceptionnel Jean Tissier pour une fois dans le rôle de salaud intégral : il implique de pauvres ados de la zone parisienne dans un trafic de drogue tout en gardant pour sa part les mains propres. Le film cultive avec efficacité une veine sociale jamais complaisante. Comme La Belle Équipe de Duvivier, il comporte deux fins, que cette très belle édition permet de découvrir.

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De la banque d’investissement au retour du Tsar: l’étrange destin de l’oligarque Konstantin Malofeev

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L'oligarche Konstantin Malofeev, au Safe Internet Forum, Moscou, 22 avril 2019. © Kommersant/SIPA

Un oligarque russe vient de créer un mouvement politique qui milite pour la restauration des Tsars. Vladimir Poutine n’est pas nécessairement contre…


Le 22 novembre, un congrès de la « Société de l’Aigle à deux-têtes », dirigé par Konstantin Malofeev, a eu lieu à Moscou. L’événement a réuni des centaines de délégués des sections régionales de son mouvement, des représentants de l’Union des volontaires du Donbass, de l’Union des guerriers cosaques de Russie et de l’étranger, de l’Union des femmes orthodoxes, ainsi que d’autres associations patriotiques et orthodoxes proches de la mouvance tsariste. Celui qui souffle à l’oreille du président Vladimir Poutine a annoncé la création du mouvement « Tsargrad » qui présentera des candidats aux prochaines élections législatives, soutient le retour de la monarchie et la protection des valeurs traditionnelles russes.

Pour une fédération eurasienne

Entrepreneur à succès qui a noué un solide réseau politique et entouré de nombreuses controverses, Konstantin Malofeev entend désormais s’imposer à la Douma, le parlement russe. Le nom de son parti est loin d’être anodin puisqu’il se réfère aux thèses panslavistes en vigueur et l’équivalent étymologique russe de Constantinople, dont la Russie se considère comme la légitime héritière depuis sa chute en 1453. Le manifeste du parti ne manque pas d’ambition. Son préambule annonce qu’il se considère comme « la plus grande organisation représentant les intérêts des Russes » et a d’ores et déjà des centaines de milliers de membres à son actif, prêts à faire campagne pour la restauration de la monarchie tombée en 1917, victime d’une révolution achevée par les bolchéviques. Son programme reprend les grands crédos du nationalisme russe, la défense de la famille, de la culture russe, de sa diaspora, de ses valeurs religieuses et prône la renaissance de l’empire incluant l’annexion de la Moldavie, la Transnistrie, la Biélorussie au sein d’une fédération eurasienne inspirée des écrits d’Alexandre Douguine, lui-même membre du conseil suprême de Tsargrad. Un mouvement qui saura répondre « aux attaques des occidentaux, de leurs lobbys et de leurs agents présents en Russie » affirme Konstantin Malofeev.

« Nous sommes les enfants de la Victoire ! Nous sommes les bâtisseurs de l’Empire russe du futur »

« Nous sommes les héritiers des grandes victoires des armées russes sur les Khazars, sur la Horde d’Or, sur le Commonwealth [en référence à l’empire britannique-ndlr], sur le Khanat de Crimée, sur le Royaume de Suède, sur la Turquie ottomane, sur l’empire français de Napoléon et sur l’Allemagne fasciste. Nous sommes les enfants de la Victoire ! Nous sommes les bâtisseurs de l’Empire russe du futur » peut-on encore lire sur le manifeste. Le salut de la Russie passera par la restauration de ses Tsars. Une idée actuellement soutenue par un tiers des Russes, dont 46% de sa jeunesse selon un sondage daté de 2017. Très proche de la maison impériale des Romanov dont il assure la promotion médiatique, Konstantin Malofeev précise que « son mouvement rassemble des personnes de tous horizons qui partagent avec lui la conviction que la monarchie autocratique est la seule institution raisonnable, traditionnelle et naturelle pour notre société ».

« Elle a été la période la plus heureuse et la plus brillante de l’histoire du peuple russe. Je considère que c’est le seul refuge sûr pour la Russie. Et pour les croyants, c’est aussi celle qu’il faut soutenir » renchérit l’oligarque qui tente de dessiner plus royalement l’avenir de son pays et qui se prépare d’ores et déjà à l’après Vladimir Poutine, le président russe qui dirige le pays depuis 1999.

Le retour des Romanov

L’idée d’un retour de la monarchie en Russie est loin d’être nouvelle. Évoquée sous la présidence de Boris Eltsine (1992-1999) qui avait songé à faire venir auprès de lui le Grand-duc héritier George Romanov, elle resurgit régulièrement dans un pays qui se réapproprie progressivement son histoire. Les Romanov ont été réhabilités, canonisés et le Tsar Nicolas II, hier décrié comme étant un implacable tyran durant la période communiste, est aujourd’hui une des personnes préférées des Russes. Jouant à la fois sur la nostalgie impériale et soviétique, l’occupant du Kremlin a été plusieurs fois interrogé sur la possibilité d’un retour de la monarchie après son départ. « Officiellement pas sur son agenda » avait répondu Poutine au réalisateur Oliver Stone qui lui posait justement cette question lors d’une interview historique.

Habitués à brouiller les pistes, ses conseillers préfèrent démentir toute idée du genre ou nuancer ses propos. « Le président Vladimir Poutine voit l’émergence de cette idée sans réel optimisme mais reste très ouvert sur le sujet » avait alors expliqué Dimitri Peskov, le porte-parole du gouvernement en 2017, réfutant tout soutien à Konstantin Malofeev et son « initiative personnelle ». Du côté des Romanov, on se tient prêt à un éventuel retour. « Le retour d’un attachement à la foi et la tradition suscite à son tour un intérêt accru pour la monarchie. Je suis convaincu que la monarchie pourrait être à nouveau très utile à la fois en Russie et dans de nombreux autres pays. La monarchie héréditaire offre une continuité – une continuité vivante et résolue – avec le passé et peut servir de véritable arbitre neutre dans la société parce que son pouvoir n’est pas tributaire d’un parti ou d’un groupe politique. La monarchie défend et protège les intérêts de la nation entière dans son ensemble. Si nous parlions de réformes progressives et de changement, je dirais encore une fois que la monarchie est un vecteur de modernité beaucoup plus efficace que les républiques » a déclaré pas plus tard que cet été dernier la Grande duchesse Maria Wladmirovna, actuelle prétendante au trône de Russie et descendante d’Alexandre II. Un Tsar resté célèbre pour avoir aboli le servage. Reste à savoir si les Russes suivront massivement le mouvement de Konstantin Malofeev qui a reçu le soutien de divers députés et sénateurs. À moins que Vladimir Poutine ne finisse par se couronner lui-même comme certains en rêvent ouvertement en Russie.

Conversations avec Poutine

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« Le Chili est une démocratie solide »

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Andrès Allamand (à gauche), à Madrid, le 3 décembre 2020. © Kiko Huesca (es-ES)/EFE/SIPA Numéro de reportage : 00993702_000001

Andrès Allamand, le ministre des Affaires étrangères du Chili, était en visite officielle en France le 2 décembre 2020. Il a accordé un entretien à Conflits pour évoquer la situation sociale au Chili et la coopération avec la France. Propos recueillis par Jean-Baptiste Noé.


 

Conflits. Où en est la situation sociale au Chili ? La situation est-elle aussi difficile qu’à l’automne 2019 ?

Andrès Allamand. Le Chili a eu le mérite de canaliser l’explosion sociale de 2019 à travers une procédure très démocratique, participative et institutionnelle, loin de la violence. Nous pensons que c’est ainsi qu’il faut aborder les crises politiques : avec plus de démocratie et plus de participation. Et nous avons actuellement un processus qui devrait nous conduire à une nouvelle constitution qui, d’une certaine manière, façonnera l’horizon du pays pour les prochaines décennies.

Quelle est la suite du processus institutionnel ? Comment la constitution va-t-elle être rédigée ?

Le processus chilien comprend trois étapes. D’abord, un référendum d’entrée, par lequel les Chiliens ont décidé qu’ils voulaient une nouvelle constitution, laissant l’ancienne en arrière. Ensuite, en avril, une convention constituante de 155 membres sera élue. La commission durera 9 mois, avec possibilité d’extension d’un an, et devra rédiger la nouvelle constitution. Enfin, il y aura un deuxième référendum, un référendum final ou de sortie, dans lequel le processus sera ratifié afin qu’il devienne un processus participatif, démocratique et institutionnel.

Si le projet de texte constitutionnel n’est pas ratifié, faudra-t-il recommencer le processus ?

Non, et c’est une très bonne question. Si le texte n’est pas ratifié, cela signifie que la constitution actuelle reste en vigueur. Ainsi, puisque les Chiliens ont décidé qu’ils voulaient une nouvelle constitution, cela incitera les membres de la convention à rédiger un texte que les citoyens approuvent.

A lire aussi: Madrid fait-elle sécession du reste de l’Espagne?

La convention aura lieu dans un environnement politique très actif. Les Chiliens ont hâte de savoir quel sera le contenu de leur constitution, à quoi ressemblera le régime politique et, surtout, comment leurs droits sociaux seront garantis. En particulier, comment le droit à l’éducation, le droit à la santé et le droit à la sécurité sociale seront établis. Ce sont les domaines qui requièrent le plus d’attention.

Manifestants contre la politique du Président Sebastian Pinera à Santiago du Chili le 24 octobre 2019 © Jose Miguel Rojas/SIPA Numéro de reportage: 00929562_000008
Manifestants contre la politique du Président Sebastian Pinera à Santiago du Chili le 24 octobre 2019 © Jose Miguel Rojas/SIPA Numéro de reportage: 00929562_000008

Quelles sont les causes de cette instabilité sociale ? En France, on a évoqué la hausse du prix de ticket de métro de Santiago comme cause principale. Est-ce la réalité ?

Je pense que le cas du Chili devrait attirer l’attention à l’étranger car, sous la surface des bons résultats économiques et sociaux des trente dernières années, des troubles sociaux ont été installés petit à petit. Ce malaise s’est exprimé très fortement en 2019. Voilà une leçon importante pour tous : les explosions sociales ne se produisent pas seulement dans les pays qui connaissent de graves problèmes économiques et sociaux, mais aussi dans les pays qui ont une histoire de réussite. Par exemple, les manifestations sociales peuvent se produire dans des pays qui ne sont pas sur une trajectoire de développement prospère. Cela peut être dû à la corruption ou à la faiblesse du progrès social. Je pense en particulier à certains pays de la région qui sont dans une très mauvaise situation économique. Et, bien sûr, à certains pays d’Afrique et d’Asie. Dans le cas particulier du Chili, il s’agit des manifestations dans un pays qui suit une trajectoire de réussite. Aucun pays n’est donc à l’abri de la contestation sociale. Le Chili est une démocratie solide, elle respecte les droits individuels, et elle est intégrée dans le monde. Et, malgré cela, il a subi des manifestations. Les gouvernements doivent donc être particulièrement attentifs aux causes qui, parfois, sont submergées, mais qui surgissent soudainement avec une grande force.

Comment pensez-vous faire l’unité de la nation chilienne indépendamment des présidents, des gouvernements, etc. Comment voyez-vous les années à venir ?

La politique mondiale actuelle est une politique de grande polarisation et de grande confrontation. Regardez les États-Unis : ils sont plus polarisés que jamais dans leur histoire. Par conséquent, l’une des tendances de la politique mondiale est ce type de polarisation. Le Chili a la possibilité de…

>>> Lire la fin de l’article sur le site de la revue Conflits <<<

PSG – Istanbul Basaksehir, un match engagé

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Le 4e arbitre Sebastien COLTESCU se dispute avec Demba BA du club turc d'Istanbul Basaksehi, hier soir © VS Press/SIPA Numéro de reportage: 00994940_000041

Le jour où des hommes de principe à crampons ont dit non au racisme…


Mardi soir, j’ai vu un match de foot qui, paraît-il, va rentrer dans l’histoire. Manque de bol, ma télé déconnait et les images étaient en noir et blanc. Heureusement, le spectacle était au rendez-vous et le match engagé, mais pour la bonne cause, la seule qui semble valoir de nos jours : la lutte pour le raci… pardon contre le racisme. C’est vrai quoi, parfois on ne sait plus trop ce qu’il faut dire. C’est comme pour SOS Racisme. Faut-il étymologiquement le prendre au premier ou au second degré, s’agit-il de porter secours au racisme ou de le combattre ? Comme disait Gainsbourg, qui serait aujourd’hui passible du Tribunal de Nuremberg s’il n’avait pas cassé sa pipe trop tôt : « Doit-on dire un noir ou un homme de couleur ? Parce que tout ceci n’est pas clair. » Bon bref, je vous fais un résumé de la rencontre.

Sanitairement correct

Mardi 8 décembre 2020, retenez-bien cette date. Il est 21h, le coup d’envoi est donné pour ce match de Ligue des champions sanitairement correct et donc à huis-clos, tant pis pour l’ambiance. Tout le brouhaha et le folklore habituel a généralement un mérite, celui de passer le temps durant les innombrables temps morts parce qu’il faut bien le dire, à quelques actions près, on s’emmerde le plus souvent à regarder 22 types piétiner un ballon (et pas que) pendant 90 minutes, surtout depuis l’arrêt Bosman. Mais c’est un autre sujet. Et il faut positiver. Avec des tribunes vides, pas de oh-hisse enculé, de cris de singes, d’insultes à l’arbitre, de sifflets, d’invectives… mais un retour à une certaine pureté originelle et à la grande fraternité humaine que doit incarner le sport, et patati et patata.

Sur la pelouse, un journaliste apporte une précision bien dérisoire: l’arbitre roumain a dit « le noir » et non pas « le nègre », noir se disant negru dans les Carpates. Peu importe, sus au racisme et au raciste

21h13, c’est le drame. Un arbitre roumain parle en roumain à un autre arbitre roumain pour se plaindre du comportement d’un membre de l’équipe turque sur le banc: « Le noir (negru, dans la langue de Ceaucescu) qui est là, allez vérifier qui c’est, ce n’est pas possible de se comporter comme ça. » Demba Ba, un joueur franco-sénégalais de l’équipe byzantine, sensible à l’amour du maillot puisqu’il a déjà connu dix clubs différents (merci Bosman) au cours d’une carrière en tout point exemplaire, sort de son banc et de ses gonds et plaque presque sa tête – tant pis pour la distanciation sociale – contre l’homme en noir, ou plutôt en jaune ce soir-là, mais toujours roumain. Enfin je me comprends. « Why you said negro ? Why you said negro ? Why you said negro… » éructe à plusieurs reprises et dans la langue de Shakespeare notre homme en colère. Les puristes regretteront l’absence de l’auxiliaire « did » dans ce syntagme interrogatoire multiple, mais là n’est pas l’essentiel, convenons-en.

Un joueur qui se victimise?

Très vite, un attroupement se crée autour de l’homme en noir et jaune de plus en plus pâle et de notre Martin Luther King du XXIe siècle, dont la biographie force le respect. En 2013, il refuse de revêtir le futur maillot de Newcastle en raison du nouveau sponsor de l’équipe « Wonga », une société de crédit, car la charia interdit l’emprunt à crédit. En 2014, il met en vente aux enchères son maillot de Chelsea pour financer le… CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France) récemment dissous en raison de son engagement humaniste au service de l’esprit des Lumières. Avec un pote footballeur grand amateur de quenelle et Raymond Domenechophobe, il apporte aussi un soutien financier à l’association Urgences panafricanistes créé par Kémi Seba, un activiste anticolonialiste condamné à plusieurs reprises pour antisémitisme.

A relire: Kémi Seba, un tartuffe en Afrique

Notre indigné en short, qui confesse ne pas être Charlie, se distingue aussi sur Twitter, où il semble préférer le prophète (qu’il cite souvent) au football, relaie les tweets d’une autre association humaniste récemment dissoute (Barakacity) après la décapitation de Samuel Paty et se félicite de la libération de son fondateur Idriss Sihamedi, un autre amoureux du genre humain qui refuse de serrer la main aux femmes, légitime la polygamie ou a quelques pudeurs de gazelles quand il s’agit de condamner Daech. Entre deux vidéos d’Erdogan lisant le Coran, il retweete Rokhaya Diallo, « balance » Zineb El Rhazoui et… bon bah on va s’arrêter là, parce je me rends compte qu’on s’éloigne du match.

Lequel ne reprend toujours pas.

Kemi Seba en 2006 © SIMON ISABELLE / SIPA Numéro de reportage : 00531190_000010
Kemi Seba en 2006 © SIMON ISABELLE / SIPA Numéro de reportage : 00531190_000010

Autour des arbitres, il y a désormais 22 indignés à crampons, voire plus si affinités, qui demandent des comptes. Des hommes d’exception, dont le quotidien sur les pelouses pour beaucoup d’entre eux consiste souvent, très souvent, trop souvent à tricher, simuler, tirer le maillot, tacler par derrière, invectiver l’arbitre, lancer des « fils de p… » et des insultes homophobes à tire-larigot voire même pour certains à cracher sur l’adversaire en loucedé.

Dans la meute, on trouve par exemple un Brésilien avec les pieds en or mais le reste qui sonne désespérément creux, accusé par le fisc espagnol d’avoir fraudé pour 35 millions d’euros, et pourfendeur du racisme à géométrie (très) variable: en septembre 2020 au terme d’une rencontre mouvementée face à l’OM, il accuse un adversaire argentin d’avoir proféré des insultes racistes à son égard… quelques minutes après avoir lui-même traité de « chinois de merde » un joueur japonais de l’autre camp. En première ligne aussi un champion du monde français particulièrement sélectif sur Twitter, sauf quand il s’agit de dénoncer les violences policières en citant Diam’s, une philosophe franco-chypriote exilée en Arabie Saoudite.

Ou encore un autre international français qui, après le meurtre de Samuel Paty, like en toute décontraction le message Instagram d’un champion de MMA daguestanais, lequel balance entre autres joyeusetés sur un portrait piétiné de notre président : « Qu’Allah lâche son châtiment sur quiconque empiète sur l’honneur du meilleur des hommes, son prophète Mahomet. Que le Tout Puissant défigure cette ordure (Emmanuel Macron) et tous ses disciples qui au nom de la liberté d’expression insultent la foi de plus d’un milliard et demi de musulmans. Croyez-moi, ces provocations auront pour eux de graves conséquences car les pieux ont toujours le dernier mot. »

RMC Sport, remboursez!

Pendant ce temps sur RMC Sport, la chaîne qui diffuse en direct la rencontre, la demi-douzaine de consultants présents dans les tribunes stérilisées du Parc des Princes surjoue l’indignation. Un grand numéro de vierges effarouchées où chacun semble faire un concours de celui qui a la plus grosse… conscience morale. Sur la pelouse, un journaliste apporte une précision bien dérisoire : l’arbitre roumain a dit « le noir » et non pas « le nègre », noir se disant negru dans les Carpates. Peu importe, sus au racisme et au raciste. L’arbitre roumain. Nos indignés encravatés chassent en meute et continuent à nous bourrer le mou. Un des commentateurs croit même important de nous rappeler que le racisme est un crime contre l’humanité. Ne surtout pas penser qu’un homme en noir (et jaune) qui, dans le feu de l’action, évoque nommément un noir, cela ne casse pas trois pattes à un Neymar.

A lire aussi: La nouvelle lutte des races

Outragé, brisé, martyrisé, le club turc est rentré au vestiaire. Un club détenu par des proches de l’AKP, le parti islamiste d’Erdogan, hostile à l’homosexualité, à la contraception, à l’avortement, les femmes étant encouragé à tenir « leur rôle de mère », avec un voile sur la tête tant qu’à faire. Un club qui a des principes donc. La rencontre ne reprendra pas.

Islamiste, sexiste et homophobe – pardons pour le pléonasme –  le président turc dénonce le racisme le soir-même sur Twitter. Le lendemain matin, son chef de la diplomatie évoque un crime contre l’humanité. Bienvenue en 2020. La morale de toute cette histoire, c’est que cette noble cause est entre de bonnes mains. Et qu’apparemment, elle écrase toutes les autres. Comme le disait encore Gainsbourg : « Je voudrais que la terre s’arrête pour descendre. » 

Vaccins: faire taire le complotisme

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Bill Gates, photographié ici en 2018, est-il en train de réfléchir à son prochain complot ? © Nils Jorgensen/Shutters/SIPA Numéro de reportage: Shutterstock40642908_000036

Certains citoyens se demandent si les futures injections vaccinales ne contiendront pas des « nanopuces » pour tracer les individus. D’autres sont persuadés qu’un vaste complot travaille à une « grande remise à zéro » de l’humanité. D’où sortent ces théories? Faut-il les combattre? Une analyse d’Yves Laisné.


Le scepticisme par rapport aux vaccins n’est, dans son principe, qu’une variante du scepticisme par rapport aux médicaments. Ce dernier est très répandu, y compris dans les milieux scientifiques et médicaux et, s’il est vain de nier que le développement des médicaments – et des vaccins – a sauvé de nombreuses vies, il est dû à la vérité de constater que beaucoup de médicaments sont inutiles, soignent au prix « d’effets secondaires » pires que le mal, voire sont dangereux et, pour certains, létaux.

À la vérité est dû encore le constat que tout ce qui touche à l’expression d’opinions sur la santé publique en France est entaché d’arrière-pensées chez la plupart des intervenants: corporatisme des « soignants », gigantisme des budgets sociaux, monopole de la « Sécurité sociale », intérêts colossaux de l’industrie pharmaceutique (plus profitable que le pétrole, le luxe et les armements…), encadrement de la « recherche », esprit totalitaire de la « communauté scientifique », sensationnalisme de la majorité des médias, constituent un substrat de la transmission de l’information dans ce domaine qui doit naturellement conduire tout esprit libre ayant gardé sa capacité de critique à ne recevoir les flux transmis par les médias qu’avec la plus grande circonspection.

Le doute, ce maître du bon sens

Pour ne citer qu’un exemple, avant que le scandale de l’amiante éclate, il existait entre 1982 et 1995, sous l’égide des pouvoirs publics, un « Comité permanent amiante » (CPA), parfaitement institutionnel, même s’il est aujourd’hui rétrospectivement qualifié d’informel pour dédouaner les pouvoirs publics, peuplé de sommités scientifiques et de hauts fonctionnaires, dont l’objet était de persuader le public, y compris à l’international, que l’amiante ne présentait aucun danger pour la santé humaine.

Mais il y eut aussi la thalidomide, le distilbène, l’hormone de croissance, le chlordécone, l’Isoméride, le Mediator, la Dépakine et il y en aura bien d’autres. Faut-il dès lors rejeter tous les médicaments ? Évidemment non. Il faut simplement ne pas prendre pour argent comptant tout ce qui est raconté et garder à l’esprit ce maître du bon sens: le doute.

C’est sur les vaccins en gestation ou en début d’application, relatifs au « Covid-19 » que se concentreraient, paraît-il, les théories conspirationnistes.

A lire aussi, Anne-Laure Boch: Reconfinement: on a préféré la punition collective à la frappe chirurgicale

La principale d’entre elles, la plus inquiétante et la plus polémique porte sur le développement de « nanopuces » parfois dénommées RFID qui permettraient un traçage et un fichage perfectionné des individus. Certaines expériences d’implantation de puces électroniques dans le corps humain ont déjà été effectuées, sur le fondement du volontariat, par exemple pour remplacer des badges de contrôle d’accès. Ce n’est pas de la science-fiction. Mais ces puces, comme celles qui permettent de tracer les animaux, ne sont pas à l’échelle nanométrique, ce qui interdit de les implanter à l’insu du sujet.

La vérité n’est pas ailleurs

De là à imaginer que des puces électroniques, capables de stocker et de transmettre des informations, puissent être fabriquées à l’échelle nanométrique, puis insérées dans le corps humain par différents procédés, dont le plus effrayant est effectivement l’injection vaccinale, il y a un chemin à parcourir dont on ne trouve pas trace dans les documentations de vulgarisation scientifique (les seules auquel l’auteur a accès, du fait d’une spécialisation intellectuelle différente).

Reste que les théories conspirationnistes ont trouvé un aliment de choix dans certaines déclarations autorisées :

Bill Gates, dont la fondation consacre des milliards à la vaccination des populations, aurait annoncé un « carnet de vaccination injecté sous la peau » (source, le JDD.fr, 04.12.2020, URL Covid-19: pourquoi Bill Gates est devenu la cible de tant de théories du complot (msn.com) et encore : « A terme, nous disposerons de certificats numériques indiquant qui s’est rétabli ou a été testé récemment ou, quand nous aurons un vaccin, qui l’a reçu… »

Plus général dans ses commentaires, Klaus Schwab, professeur d’université, président du Forum économique mondial (qui organise la célèbre rencontre mondiale de Davos) vient de publier un ouvrage, seulement en anglais pour le moment, dont le titre veut dire La grande remise à zéro et dont l’argument est en substance que la pandémie de « Covid 19 » serait une chance pour l’humanité, car elle permettrait une restructuration en profondeur des sociétés, de l’économie et des comportements.

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Il n’est pas difficile dès lors d’extrapoler des quantités de théories, sans doute non prouvées, mais non dénuées de vraisemblance.

D’autant que les progrès du contrôle social par la technologie sont une réalité quotidienne: caméras omniprésentes, drones, documents biométriques, reconnaissance faciale, signature par empreinte digitale, traçage GPS, analyse des préférences de recherches Internet, profilage de consommation, croisements de fichiers, font partie de notre réalité quotidienne actuelle et indiscutable.

Conjurer des peurs légitimes

Cette tendance ne fera que s’amplifier. Il suffit de se rapporter à ce qui filtre du « communisme 2.0 » chinois pour prévoir ce qui nous attend à très court terme: traçage et analyse systématisés des déplacements individuels, contrôle sur tous les mouvements monétaires par la monnaie électronique, disparition de la vie privée, technopolice et profilage prévisionnel des comportements (le monde de Minority Report). Tout cela est pour demain.

Imaginer que cela pourrait aller encore plus loin par l’injection non consentie de « nanopuces » ne sort dès lors plus du vraisemblable. Mais reste pour le moment imaginaire.

Comment faire pour empêcher l’imagination de galoper? Pas par l’interdit, l’ostracisme ou la stigmatisation. Grâce aux réseaux sociaux, le « conspirationnisme » est comme naguère le feu grégeois, plus on verse d’eau pour l’éteindre, plus il se développe. La seule solution consiste à faire appel à la raison. La thèse des « nanopuces », comme certains commentateurs l’ont remarqué, est fondée sur une peur: celle que des individus, des forces plus ou moins cachées ou des autorités, utilisent ces technologies supposées, à l’insu des populations, pour les contrôler.

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Que font, très souvent les gouvernements pour conjurer des peurs: ils édictent des lois pénales. Si l’injection de composants électroniques dans le corps à l’insu d’un sujet devient un crime, plus personne ne craindra la commission d’un tel acte, car aucun médecin ou fonctionnaire raisonnable ne risquera de finir ses jours en prison pour procéder à cet acte de contrôle social. Et la théorie conspirationniste des « nanopuces » aura vécu.

Je propose donc, pour rassurer les populations et mettre fin aux fantasmagories, le vote par le Parlement de l’article de loi suivant:

Code pénal, Article 221-5-6

Le fait d’insérer dans le corps humain un dispositif électronique ou équivalent, quelles que soient sa taille, sa technologie ou sa fonction, sans avoir recueilli le consentement préalable, écrit et éclairé de la personne concernée, est puni des peines de l’article 225, même si ce dispositif n’a eu aucun effet détectable sur la santé.

Il s’agit des peines de l’empoisonnement: 30 ans de réclusion criminelle et, en cas de circonstances aggravantes, réclusion criminelle à perpétuité.

Si ce texte est voté, les théories conspirationnistes liées aux « nanopuces », perdant tout semblant de crédibilité, s’éteindront d’elles-mêmes. S’il n’est pas voté…

Le techno-monde a la langue qu’il mérite

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Image d'illustration Icons8 Team / Unsplash

La langue française se meurt sous les coups des néoféministes, des universitaires, et des pseudo-linguistes qui réclament absurdement une langue « égalitaire » ou « inclusive ».


En plus d’être des militants, les massacreurs de la langue française sont souvent aussi des “communicants” dont on peut retrouver la trace dans la novlangue politique, médiatique ou publicitaire, qui est la langue du techno-monde.

« Quand on est amoureux de la langue, on l’aime telle quelle, comme sa grand-mère. Avec ses rides et ses verrues », écrivait Vialatte. Il pressentait les désastreux effets secondaires des liftings que des « chercheurs » allaient opérer. Dernièrement, un député français (!) a proposé de finir de la défigurer en promouvant la « langue française métissée » d’une chanteuse qui est à la langue française ce que Lilian Thuram est à la philosophie humaniste. L’entendre faire l’éloge de cette langue décharnée a été à la fois très drôle et très triste, car la langue qu’il utilisait pour ce faire était très mièvre et très pauvre.

La novlangue envahit nos gazettes communales

En plus d’être laide, la novlangue française gangrène les lieux les plus beaux quand elle essaie de les défendre ou d’en faire une « promotion touristique » qui promeut en réalité la destruction de l’endroit convoité. J’ai ainsi sous les yeux une brochure que je reçois régulièrement et qui me donne des « informations sur la Communauté de Communes des (…) » Les communes concernées sont entourées par une des plus belles forêts de France, une des plus grandes, une des plus anciennes, forêt de chênes et de hêtres essentiellement, lieu idéal pour les marcheurs, les cueilleurs de champignons, les chasseurs de papillons. Un petit coin de paradis. Bientôt un enfer : la brochure nous rappelle en effet qu’une « étude de développement touristique de la Forêt des (…) a été lancée » et qu’elle a « pour objectif de générer une vision partagée et de donner de la cohérence à la mise en tourisme de cet espace forestier au travers d’une démarche durable, superposant intégration locale, nouvelle mobilité et innovation. » 

Et ce n’est qu’un début.

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La suite de l’article s’intitule Une forêt vivante et est écrite dans la même langue mortifère (je ne change rien à la syntaxe, à la mise en gras de certains passages, etc.) : « La Communauté des Communes mène des réflexions complémentaires pour développer l’itinérance comme filière d’excellence ainsi que sur la signalétique et la signalisation. Bien plus qu’imaginer la localisation et la thématisation de nouveaux itinéraires avec des successions de panneaux, ces deux réflexions sont centrées sur la question de « l’expérience de visite », conçue pour différentes typologies d’acteurs : cyclistes, résidents occasionnels, touristes de passage, résidents du territoire recherchant une « respiration de nature » à proximité… Le chemin vers une véritable logique d’accueil pour « vivre » notre forêt et notre territoire est en construction. »

L’horrible verbe “impacter”

Ce genre de « littérature » se multiplie et est écrit par des individus qui sortent de notre système scolaire, lequel a « égalitairement » réduit l’héritage littéraire à presque rien et la transmission des savoirs à pas loin de zéro. La langue qu’ils écoutent ou lisent aujourd’hui est principalement celle de la publicité, des réseaux sociaux ou, dans les milieux les plus “favorisés”, celle des “éléments de langage” appris dans les écoles de journalisme ou les cercles politiques. C’est une langue emplie de fautes, d’anglicismes, de nouveaux verbes (dont l’horrible impacter), et d’expressions techno-commerciales étranges, novlangue utile au seul programme de destruction du monde. Résultat : la simple promenade est remplacée par « l’itinérance comme filière d’excellence » ; à la rêverie sur les chemins forestiers se substitue une « expérience de visite » conçue non pas pour des promeneurs du dimanche mais pour des « typologies d’acteurs » ; le chemin ne sent plus la terre et les feuilles mais mène à « une véritable logique d’accueil pour “vivre” notre forêt » ; et tandis que je peine à retrouver mon souffle en escaladant une des travées du haut de la forêt, je devrais me souvenir de rechercher une « respiration de nature ». La langue du techno-monde est celle de l’information et de la communication, les instruments d’effacement du réel. Pour l’écrire ou la parler, point besoin de poètes ou de lecteurs avertis, au contraire. Les enfants sortis de l’école actuelle, nourris au rap, aux tweets et, pour les plus « doués », aux thèses universitaires sur le genre, suffiront amplement à la tâche.

On l’a bien cherché

Dans sa réjouissante Défense et illustration de la novlangue française, Jaime Semprun conclut ironiquement : « Cependant, l’ayant défendue (la novlangue) en tant qu’elle est la plus adéquate au monde que nous nous sommes fait, je ne saurais interdire au lecteur de conclure que c’est à celui-ci qu’il lui faut s’en prendre si elle ne lui donne pas entière satisfaction. » 

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Le techno-monde a la langue qu’il mérite. L’un et l’autre se soutiennent en s’abaissant mutuellement. Un monde décadent doit pouvoir se dire et se lire dans une langue qui lui ressemble. De ce point de vue-là, on peut dire que notre novlangue française réussit totalement la tâche qui lui incombe. Pour illustration, rappelons les propos d’une fervente locutrice de la novlangue politique, Anne Hidalgo : « Loin d’être anxiogène, la résilience urbaine apporte des solutions pour mieux adapter les villes ». Aucun journaliste n’ayant demandé la traduction de cette « phrase », il faut croire que ce baragouin est maintenant compris par le plus grand nombre. Et qu’un prochain baragouineur pourra gribouiller dans ma feuille d’informations de la Communauté de Communes que « loin être éco-anxiogène, la résilience villageoise apporte des solutions pour mieux adapter les forêts », sans que personne n’y trouve rien à redire.

Défense et illustration de la novlangue française

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« À l’exception de la libre circulation, aucune liberté n’est véritablement remise en question ! »

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Ludovic Mendes. © D.R.

Selon le député, la majorité n’a pas démérité face à la crise sanitaire. Le gouvernement implique les collectivités dans la prise de décision, mais assume ses responsabilités et dit la vérité aux Français. Propos recueillis par Gil Mihaely. 


Causeur. Fin mars, Olivier Véran a déclaré que nos capacités en réanimation (matériels et personnels) passeraient de 5000 à 14 500 lits. En octobre, nous étions toujours à 5 800 ! Le 28 octobre, alors que 3 000 de ces lits étaient occupés, le président s’est engagé à porter ce chiffre à 10 000 lits. Que s’est-il passé ?

Ludovic Mendes. Les annonces faites en mars ne visaient pas la création d’une capacité permanente de 14 500 lits de réanimation ! Dans un laps de temps aussi court, on peut faire un effort ponctuel, mais qui ne peut pas durer. On ne crée pas un service de réanimation du jour au lendemain. N’oublions pas que pendant les dix ou quinze dernières années, des mauvaises décisions ont été prises concernant la formation des anesthésistes, réanimateurs et des infirmiers spécialisés.

Reste qu’il a fallu imposer un deuxième confinement parce que, fin octobre, les lits promis manquaient. Le problème était donc hospitalier, et non sanitaire !

Non. Nous avons amorcé le reconfinement non pas à cause d’un taux d’occupation important en réanimation, mais parce qu’il y avait une explosion à la fois du nombre des contaminations et du nombre des malades de la Covid-19 en besoin d’hospitalisation « normale ». Mais surtout, nous nous sommes aperçus que cette fois-ci, une population différente était touchée par le virus. Contrairement à la première vague, des malades sont plus jeunes, en bonne forme physique et sans comorbidité. J’ajoute qu’in fine, les autres pays ont pris des mesures semblables.

Le président a également affirmé fin octobre que, quoi que nous fassions, près de 9 000 patients seraient en réanimation mi-novembre. Nous y sommes. Les mesures prises fin octobre n’étaient pas aussi strictes qu’au printemps, et malgré cela on est à peu près à la moitié du chiffre annoncé. Avait-il de mauvais chiffres ou est-ce qu’il applique une politique de la peur, catastrophiste pour mobiliser les citoyens ?

Si je ne me trompe pas, le président a parlé d’un total de 9 000 lits de réanimations occupés, c’est-à-dire 9 000 cas graves de la Covid… mais aussi d’autres maladies. Ceci dit, il est vrai que la situation est moins grave que celle prédite par les projections d’octobre. Dans ma région, le Grand Est, nous nous attendions à un pic important aux alentours du 15 novembre, mais nous avons eu de la chance et on n’a pas atteint ce pic. Nous avons atteint un plateau et la décrue est amorcée. Le gouvernement n’essaie pas de faire peur. Souvenez-vous du début de la crise : on annonçait des millions de morts, mais personne n’y croyait vraiment ! Pourtant c’est exactement ce qui s’est passé. En France, le gouvernement se sert des projections de l’Institut Pasteur et s’appuie sur le Conseil scientifique, en prenant aussi en compte que le virus risque à tout moment de muter et rendre la situation encore plus dangereuse et compliquée. Emmanuel Macron ne navigue pas à vue. Il navigue dans un brouillard épais. Dans une telle situation, le président et la majorité ont choisi de tenir un discours de vérité même s’il est parfois alarmiste.

À lire aussi, Renaud Girard et Jean-Loup Bonnamy: “Si le confinement était un essai médicamenteux, on l’arrêterait tout de suite à cause des effets secondaires terribles”

Vous parlez d’un discours de vérité, mais avez-vous oublié les palinodies sur les masques ?

Je pense que Macron a toujours été honnête, et a aussi accepté de reconnaître les erreurs qui ont été faites. C’est également vrai pour le Premier ministre et les ministres, dont celui de la Santé.

À l’issue du premier confinement, le gouvernement a également promis que les corps intermédiaires et les élus locaux seraient associés à la gestion de la crise. Face à la deuxième vague, les réflexes jacobins sont revenus…

En imposant une politique au niveau national, l’État a tout simplement pris ses responsabilités. Depuis la rentrée, sur tout le territoire, préfets, parlementaires et élus discutent, négocient et font des remontées à Paris. Et, s’il y a bien eu le regrettable « couac marseillais », c’est parce que dans ces discussions complexes, des élus ne veulent pas jouer le jeu. Heureusement, ce cas est l’exception.

N’empêche que, concernant les petits commerces, des dizaines des maires voulaient s’opposer aux mesures dictées par le gouvernement.

Là aussi, l’État a pris ses responsabilités quand certains élus, entre autres pour des raisons électoralistes, ne voulaient ou ne pouvaient pas prendre certaines décisions : dans des villages ou des petites villes, la pression sur le maire peut être énorme !

Mais les maires sont pénalement responsables. Dès lors, pourquoi ne pas les laisser gérer leurs communes dans ce qu’elles peuvent avoir de spécifique, et en assumer ensuite les conséquences ?

Parce que parfois le maire ne voit pas le tableau global. Si vous étudiez la mobilité des Français, la manière dont ils se déplacent, font leurs courses, travaillent ou se soignent, vous vous rendez compte que les zones reculées ne le sont pas tant que ça… On ne peut donc pas traiter ces villes et villages comme des îles au milieu de la mer, et il faut raisonner à une échelle qui dépasse souvent le maire. Nous, gouvernement et majorité, ne sommes pas là pour répondre à une somme d’individus localement. Nous sommes au service de l’intérêt général et nous entendons accomplir cette mission.

Une crise de cette nature et de cette ampleur exige des arbitrages difficiles. Pour sauver des vies, on grignote des libertés en limitant la circulation, le commerce, etc. Il n’est pas évident de savoir où placer le curseur entre les libertés et la préservation des vies. Philosophiquement, vous sentez-vous à l’aise avec l’endroit où votre majorité a arrêté le curseur, alors que les critiques sont très nombreuses ?

Globalement, la seule liberté vraiment remise en question, c’est la libre circulation. Les autres sont plutôt bien respectées et le Conseil constitutionnel, sollicité à plusieurs reprises, le confirme. Nous sommes dans un état d’urgence – donc d’exception – pour faire face à une situation compliquée. Si ces décisions exceptionnelles qu’exige notre situation menacent le commerce de proximité, c’est parce qu’il n’y avait pas d’autre choix. Par ailleurs, au risque de vous déplaire, j’aurais personnellement aimé que l’on aille plus loin encore sur le cas des personnes testées positives et qui ne respectent pas la règle de rester chez elles en quatorzaine. On devrait durcir la loi sur ce point. Ces personnes doivent être retenues coûte que coûte à leur domicile ou être mises dans des espaces dédiés comme des hôtels, en collaboration avec l’État (pour la prise en charge) et recevoir une amende importante en cas de manquement. Ces personnes-là mettent en danger la vie d’autrui, et aussi notre vie économique et sociale.

Iriez-vous jusqu’à rendre la vaccination obligatoire ?

Non. Il faut déjà attendre les résultats des études cliniques, et il faut que le vaccin soit validé par l’Agence nationale du médicament et l’Agence européenne. Mais sur le principe, je ne suis pas favorable à une vaccination obligatoire, parce que je reste un libéral.

Salutem Sacrum

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Jean-François Delfraissy, le président du Conseil scientifique, entendu par la commission d'enquête du Sénat, le 15 septembre 2020. © Francois Mori/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22493256_000011

La santé devient une « religion sanitaire », avec le médecin dans le rôle du prêtre…


C’est dans la seconde moitié du dix-huitième siècle que les Encyclopédistes, n’y voyant pas malice, démarrèrent un long mouvement de sacralisation de la nature et particulièrement de la santé. La santé, « salutem » en latin, vient donc remplacer le salut théologique auquel des générations avaient aspiré.

Le médecin remplaça le prêtre et la pénicilline se para de vertus miraculeuses. Le nihilisme et l’égalitarisme ayant fait les ravages qu’on sait chez l’homo occidentalis épuisé par son fardeau, la nouvelle religion sanitaire put étendre son pouvoir en majesté. Si l’on y ajoute le principe de précaution, verset premier et incontournable de cette nouvelle doxa, et qui remplace le bon vieux principe de préjudice, nous voilà dans l’eau bénite jusqu’au cou !

La santé a phagocyté le pouvoir  

Comme toutes les religions, elle a ses Grands Inquisiteurs, dont on soupçonne assez rapidement qu’ils ne se relèvent pas la nuit pour rire. Le sort qu’ils réservent aux hérétiques, par contre, pourrait donner des cauchemars, car comme dans toute foi, il convient de séparer le pur et l’impur, l’élu et le mécréant, selon des critères parfois aussi sibyllins que par le passé.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: À chacun son quart d’heure de sainteté

Comme toutes les religions, ses prélats et ses vicaires prêchent sans relâche sur toutes les places, sur tous les parvis et surtout, sur tous les réseaux sociaux. Comme toutes les religions, elle a ses dévots et ses grenouilles, également appelés hypocondriaques. Et hélas, à l’instar du catholicisme et de bien d’autres religions, elle a phagocyté le pouvoir, qu’il soit démocratique, social-démocrate ou autre. Elle pratique ce que Voltaire, Diderot et les autres libéraux du dix-huitième siècle appelaient la « collusion du trône et de l’autel » et contre laquelle ils s’insurgeaient. La santé sacralisée est tombée entre les mains de l’État, tout comme y tombèrent l’enseignement et les ponts-et-chaussées. On ne discerne d’ailleurs pas pourquoi une autorité se priverait de cette cohorte de croyants, toute prête à l’aduler pour peu qu’elle lui promette l’enfer des soins intensifs et lui propose l’absolution vaccinale.

Certes, des mouvements humanistes se font entendre qui voudraient rompre cette collusion et des sceptiques s’inquiètent de cette nouvelle sacralité, qui ne laisse pas plus de place au doute que les autres. Mais on n’entend guère de libres-exaministes pour réclamer, en tapant du poing sur la table, une nouvelle loi de 1905 qui séparerait la santé sacrée du très profane pouvoir temporel. Et qui revendiquerait, comme les combats laïques l’avaient exigé et obtenu, que soit laissée à chacun la possibilité de croire ou pas.

Trois relaxes sinon rien!

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Nicolas Sarkozy le 23 novembre 2020 © Michel Euler/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22516215_000008

Quatre ans de prison (dont deux avec sursis) ont été requis hier à l’encontre de l’ancien président de la République. Les procureurs lui reprochent d’avoir obtenu, par l’intermédiaire de Thierry Herzog et de Gilbert Azibert, des informations secrètes au sujet d’une procédure dans l’affaire Bettencourt. Philippe Bilger prend les paris: la justice va le relaxer. Tout ça pour ça!


Ce billet est publié alors que les réquisitions du PNF dans le procès de Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, Thierry Herzog, son avocat et ami, et Gilbert Azibert, ancien magistrat qui a occupé plusieurs postes prestigieux impliquant une certaine confiance politique à l’égard de leur titulaire, ont été prises le 8 décembre.

Jean-François Bohnert, chef du parquet national financier (PNF), Jean-Luc Blachon et Céline Guillet, deux de ses représentants toujours présents aux audiences, ont requis contre les prévenus quatre ans d’emprisonnement dont deux avec sursis et, pour Me Herzog, 5 ans d’interdiction professionnelle.

Comme il se doit, l’appréciation sur l’argumentation développée par le ministère public est critique voire ironique. Cette tonalité ne fait que me confirmer davantage dans la certitude que, prochainement, trois relaxes seront édictées.

Je n’ai pas assisté aux audiences mais j’ai lu tous les comptes rendus des débats, et au travers de leurs approches diverses, sinon contradictoires, il me semble pouvoir confirmer mon intuition anticipée. Aussi bien le Figaro, le Monde, le Parisien, Libération que Marianne et Mediapart ont offert au citoyen que je suis et au magistrat que j’ai été, un pluralisme très éclairant.

Philippe Bilger D.R.
Philippe Bilger D.R.

Pour cette affaire, sans en être spécialement gêné, trois de mes relations amicales sont concernées : Thierry Herzog lui-même et deux remarquables avocats, Jacqueline Laffont qui défend Nicolas Sarkozy et Hervé Temime au soutien de la cause de son confrère et ami Herzog. Il n’y a pas là de quoi entraver ma liberté d’expression.

Ce ne sont évidemment pas les relaxes qui probablement seront prononcées qui me perturbent dès lors qu’elles s’attacheront seulement à des éléments juridiques indiscutables et à une analyse fouillée et sans complaisance des écoutes Sarkozy-Herzog aussi bien officielles que dissimulées, un certain temps, sous la fausse identité de Bismuth.

Alors qu’en revanche, depuis le début du procès, on peut constater l’étendue de tout ce qui, politiquement et médiatiquement, est mis en oeuvre pour persuader le tribunal correctionnel (dont la présidente aurait pu être plus pugnace, notamment dans le questionnement de son ancien collègue Azibert) qu’elle est saisie d’une affaire dérisoire voire « minable » et qu’elle perd son temps. Sur l’accusation qui a osé ces renvois, pèse l’opprobre d’avoir ajouté une page sérieuse au feuilleton judiciaire de Nicolas Sarkozy et d’avoir, par l’entremise de Me Herzog, touché à l’honneur sacro-saint du barreau.

Dans tous les cas, il était léger d’évoquer le caractère vain de la Justice quand la qualité des prévenus – c’est une première pour un ancien président de la République – rend cette espèce passionnante et dépasse de très loin son objet apparent qui au demeurant n’est pas médiocre.

D’abord l’absence de Gilbert Azibert le premier jour, d’où l’obligation d’un renvoi après une expertise médicale ne s’opposant pas à sa comparution. Comme s’il était possible pour Gilbert Azibert d’avoir paru fuir ainsi sa responsabilité.

Ensuite une salle majoritairement emplie d’avocats en robe pour soutenir leur confrère Me Herzog. Comme si le respect du secret professionnel était en débat et non pas son éventuel dévoiement en vue d’une infraction.

Je n’ose imaginer ce qu’on aurait pensé d’une assistance de policiers venant, telle une pression forte, prendre fait et cause pour des policiers renvoyés devant le tribunal correctionnel. On aurait estimé, avec justesse, cette surabondance déplacée.

Comment avoir eu l’inélégance, par ailleurs, de souiller judiciairement d’aussi belles histoires d’amitié ! Celle entre Thierry Herzog et Gilbert Azibert, celle entre Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog. Rien dans cette entente qui puisse être suspecté. Que du sentiment. Des bavardages tranquilles. Sans la moindre finalité. Beaucoup d’écoutes pour rien, en quelque sorte !

Nicolas Sarkozy n’avait rencontré que rarement l’ancien magistrat mais sa moralité lui avait été attestée par Patrick Ouart, son conseiller Justice, notamment dans l’affaire Bettencourt et ses aléas ! Tout est dit !

Il s’est agi clairement de dissocier le trio et de substituer au dessein collectif qui lui était prêté des relations singulières, sans la moindre prestation à accomplir, ni la moindre réciprocité, de telle manière qu’à l’évidence Thierry Herzog s’est dévoué – tactiquement ou sincèrement ? – pour sortir Nicolas Sarkozy du champ de la prévention pénale.

Cet avocat, au centre du jeu, a cherché à sauver Gilbert Azibert mais bien davantage son ami Nicolas Sarkozy, en danger politique et judiciaire. Il faut reconnaître que Me Herzog, sur ce plan, a été aussi doué comme prévenu que comme avocat ailleurs.

J’ai eu l’impression parfois que le rôle des mis en cause n’était pas perçu comme celui de prévenus mais qu’il s’agissait d’acteurs dont on attendait avec impatience la prestation sans s’interroger une seconde sur leur crédibilité. Comme si on était d’emblée presque heureux de les voir quitter le terrain judiciaire au profit d’une atmosphère théâtrale, d’une jouissance narcissique.

Pourtant des interrogations auraient-elles été indécentes face aux explications longuettes de Gilbert Azibert sur la Cour de cassation – une conférence ou une comparution ? -, au départ précipité de Me Herzog pour Monaco où se trouvait Nicolas Sarkozy afin de lui parler seulement de Patrick Buisson et de son épouse Carla et au changement subit de tonalité dans les écoutes des portables, la ligne officielle venant apparemment tout de suite contredire ce que la clandestine avait révélé ?

Enfin Nicolas Sarkozy vint ! Il piaffait, il piétinait, il avait hâte.

Son verbe a été loué, son énergie, sa force, son talent. Un superbe exercice d’oralité.

Mais, à le lire, on y retrouve ce qui depuis tant d’années est le fond de toutes ses apologies. Il est victime, le PNF lui en veut, les procès qu’on lui intente sont politiques et il n’y a rigoureusement rien contre lui dans les dossiers. Jamais. Il se compare à de Gaulle qui n’avait plus l’âge pour être « dictateur », pourquoi deviendrait-il, lui, « malhonnête » à 65 ans ?

Il tire des procédures multiples engagées contre lui la preuve de sa moralité, on pourrait y voir l’inverse : tout ce dont on le soupçonne est plausible, il en est capable. De Gaulle non.

Avec cette faille constante : il ne procède que par indignations, dénonciations morales. Comme s’il était forcément au-dessus du droit et pourvu d’une sorte d’exemplarité de principe. Ce qui ne peut que laisser songeur au vu de sa trajectoire présidentielle et de la dénaturation de la République irréprochable promise en 2007, si vite oubliée.

Les représentants du PNF et le chef de ce dernier ont été intelligents et vaillants.

Mais le vent souffle à la défense.

Je parie donc que trois relaxes seront édictées, le moment venu.

Parce que depuis le début on ne cesse de diffuser par tous moyens, bien au-delà du strict plan judiciaire dégradé en spectacle, que l’innocence est éclatante et qu’il ne resterait qu’à la valider.

Les juges me feront-ils mentir ?

Rétablir le service national: la fausse bonne idée de Mélenchon

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Jean-Luc Mélenchon © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA Numéro de reportage: 00992945_000051.

Ainsi donc, voici que M. Mélenchon veut, à son tour, rétablir le service national, notamment dans les forces de police…


Il s’agit décidément d’une recette magique que les hommes politiques, de tous bords exhument lorsqu’ils mesurent toute l’étendue de leur impuissance face à la fragmentation de la société. Le président de la République lui-même en avait fait une promesse de campagne, avant d’accoucher du S.N.U., une construction burlesque dont j’ai toujours peiné à comprendre l’utilité et dont on ne parle plus guère.  

Les Français, il est vrai, semblent montrer de l’appétit pour ce projet (sauf peut-être ceux qui seraient astreints à l’obligation). Tout se passe comme si, dans une situation de panique et de délitement profond du lien social, la résurrection de l’obligation militaire apparaissait comme une panacée. Beaucoup de nos concitoyens semblent fermement convaincus qu’en faisant passer les jeunes générations par la moulinette des hommes en vert, le goût du « vivre ensemble », aussi souvent invoqué qu’il est illusoire, naîtra ou renaîtra comme par enchantement. La mesure, cependant, présente toutes les caractéristiques d’une « fausse bonne idée » ainsi que l’on relevé bon nombre d’observateurs et notamment le remarquable général (2s) Desportes dans une interview publiée en 2016 dans le bulletin de l’Association de Soutien à l’Armée Française (A.S.A.F.). 

La raison d’être de la conscription n’a jamais été le “vivrensemble”

Avant toute chose, plantons le décor : je suis capitaine d’infanterie de réserve et j’ai servi pendant quinze ans, ce qui signifie, d’une part, que j’ai une vague idée de ce qu’est l’armée et, d’autre part, que je ne puis être soupçonné d’antimilitarisme. Bien au contraire, c’est précisément mon militarisme qui me conduit à considérer comme absurde une proposition qui fleure bon l’opportunisme politicien. 

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Si l’on veut être un peu romantique on verra l’acte de naissance de l’obligation militaire dans la canonnade de Valmy, lorsque Kellermann mit son chapeau à la pointe du sabre et s’écria « vive la nation », entrainant à sa suite la foule hétéroclite des volontaires et des vétérans de la monarchie. En réalité, la levée en masse ne sera instituée que par loi Jourdan-Delbrel du 5 septembre 1798. La conscription connaîtra ensuite des formes diverses qui la verront tantôt supprimée, tantôt rétablie, tantôt soumise aux caprices du tirage au sort, tantôt universelle.

Il reste que sa raison d’être n’était pas et n’a jamais été le brassage des populations ou l’éducation civique. Ceux qu’on appelait sous les drapeaux, dans leur écrasante majorité, se vivaient comme Français, de nation et de culture. Car ne le nions pas, jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie, au plus tôt, la France (tout comme la plupart des autres pays européens) était ethniquement assez homogène. Certes, un Breton n’est pas un Lorrain qui n’est pas un Basque. Mais il y avait et, j’ose l’espérer, il y a encore, entre ces populations un plus petit commun dénominateur : l’histoire de l’État (celle de nos rois), l’histoire de la nation (celle de la Révolution et de tous les régimes qui l’ont suivie, quelle qu’en ait été la forme), la langue, les livres, les croyances populaires ou religieuses (qu’on ait continué d’y adhérer ou non). Tout cela, au fond, qui forme un peuple.

La fratrie, c’est le sang

Peut-être l’aristocrate ne s’intéressait-il guère au bourgeois; peut-être le bourgeois ne connaissait-il pas le prolétaire ou le paysan; et peut-être certains Bas-Bretons (ou Provençaux, ou ce que vous voulez) baragouinaient-ils un français approximatif. Mais au-delà de leurs différences sociales, tous étaient Français. L’armée leur a appris à se connaître entre Français et c’est en ce sens seulement qu’elle les a brassés. Dans la boue des tranchées pataugeront côte à côte le sergent de La Ville de Mirmont (poète, tué à l’ennemi), le sous-lieutenant Pergaud (instituteur et écrivain, tué à l’ennemi), le lieutenant Péguy (écrivain et poète, tué à l’ennemi), le soldat Dorgelès (écrivain), le lieutenant Genevoix (romancier et poète), les fils du général de Castelnau (dont trois furent tués à l’ennemi) et tant d’anonymes, officiers, sous-officiers ou soldats, cordonniers, ouvriers, agriculteurs, clercs de notaire ou commis-voyageurs. 

L’armée n’est pas une machine à fondre dans un grand tout des populations qui ne se sentent pas un minimum d’appartenance commune ; ce n’est pas un instrument magique qui permettra en un tournemain de passer au-dessus du précipice culturel qui sépare telle population de telle autre. Si le rapport à la vie et à la mort n’est pas le même, si la relation au vrai et au faux, au juste et à l’injuste diffèrent profondément (sans jugement de valeur aucun) que voulez-vous que l’adjudant-chef le plus doué y fasse ? La patrie écrivait Renan, c’est le plébiscite de tous les jours; et j’ajouterai que ce plébiscite repose sur un acte de foi qui est, le plus souvent, le fait de ceux auxquels parlent « la terre et les morts » selon la formule de Barrès, aujourd’hui jugée nauséabonde. Dans son roman « Les Centurions« , Jean Lartéguy met en scène le lieutenant Mahidi, officier d’origine algérienne, ancien combattant d’Indochine, qui cependant trahira ses camarades pour rejoindre le F.L.N. Et lorsque la Grande Armée devint l’assemblage babélien de plusieurs nations européennes, les premiers à déserter ou à se battre mollement furent ceux que des systèmes d’alliances ou des conquêtes avaient contraints à se ranger sous les trois couleurs. On ne décrète pas : « untel sera mon frère » ou « untel sera mon ami ». La fratrie, c’est le sang ; l’amitié, c’est le cœur. L’éducation civique n’a rien à y voir. L’armée ne fera pas aimer la France à quelqu’un (quelle que soit son origine) qui ne considère pas d’abord les habitants de ce pays comme ses compatriotes, pas plus qu’on ne peut faire boire un âne qui n’a pas soif. Penser le contraire, c’est se leurrer. 

Nous ne sommes pas sortis de l’histoire

Et puis enfin, au-delà du fantasme d’un improbable brassage, non pas social, mais sociétal et culturel, il faut se poser la seule bonne question : à quoi sert l’armée ? Si l’armée fut parfois un instrument de conquête (sous l’Empire par exemple) elle est et reste surtout la garante de l’intégrité du territoire national, de la défense des citoyens face à une agression extérieure (guerre conventionnelle) ou intérieure (situation de guerre civile) et l’un des vecteurs essentiels de la puissance de l’État en tant qu’instrument de l’action géopolitique. « Dieu, écrivait Bussy-Rabutin, est d’ordinaire pour les gros escadrons contre les petits. » Or, les hommes qui doivent remplir ces missions ne sont plus les poilus de la Grande Guerre. Le temps est loin où l’on pouvait envoyer au front, après une formation sommaire des jeunes gens qui, quelques semaines auparavant, cultivaient leurs navets ou faisaient la classe. Les équipements sont incroyablement sophistiqués. Même le fantassin, lorsqu’il part au combat, est bardé de technologie. Le temps d’apprentissage est long et les évolutions techniques fréquentes, ce qui rend le service national tout à fait inutile du point de vue militaire. 

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Ce dont la France a besoin, si elle veut espérer continuer à peser encore sur les affaires du monde, c’est d’un outil militaire moderne, à la hauteur de ses ambitions. Or, alors qu’en 1980 l’effort militaire représentait encore 3% du PIB (5% dans les années soixante), la part des missions de défense ne représentait plus que 1,45% du PIB en 2016 (1,8% pensions incluses). À titre indicatif, le Conseil de l’Alliance atlantique fixe à ses membres un effort de défense minimal de 2% de leur PIB (hors pensions), ce que très peu respectent. Cette disette budgétaire n’affecte, en outre, que les forces conventionnelles, à l’exclusion de la force de dissuasion nucléaire, alors que ce sont elles que nous mettons constamment sous tension en les projetant aux quatre coins du monde ! Comme le rappelait l’Association de Soutien à l’Armée Française (ASAF) dans son bulletin du mois de septembre 2016 « comment parler aujourd’hui d’autonomie stratégique quand nous sollicitons les avions gros porteurs ukrainiens pour nos opérations, quand nous ne pouvons déployer que 15 hélicoptères et 3500 hommes pour contrôler les 5 millions de km2 de la bande sahélo-saharienne et quand nous ne pouvons pas contrôler seuls la chaîne de transmission des images fournies par les drones américains Reaper que nous venons d’acquérir ? ». L’association G2S, composée d’officiers généraux en deuxième section le dit clairement : porter l’effort de défense à 2,5% permettra au mieux de maintenir en l’état un outil militaire en voie de délabrement rapide. L’objectif, c’est d’atteindre au plus vite 3%. Faute de quoi, nous perdrons ce que le général (2S) Desportes a justement appelé « la dernière bataille de France »[tooltips content= »Vincent Desportes, La dernière bataille de France, Gallimard, 2015″](1)[/tooltips] et nous devrons nous résoudre à devenir un nain géostratégique.

J’ai déploré les circonstances dans lesquelles l’obligation militaire a été suspendue : à la sauvette et sans débat de fond. Mais c’était une bonne décision. En 1934, déjà, le général de Gaulle prônait la création d’une armée de métier[tooltips content= »Charles de Gaulle, Vers l’armée de métier, Berger-Levrault, 1934″](2)[/tooltips]. Cependant, il devait y avoir une contrepartie à cette mutation : la création d’un outil professionnel, certes, mais convenablement doté, supérieurement entraîné, auquel serait adossée une réserve de qualité. Bref, un véritable levier de puissance. Cette promesse-là, ni M. Chirac, ni ceux qui lui ont succédé, de droite comme de gauche, ne l’ont tenue. Peut-être parce qu’ils ont crû être sortis d’une histoire au cœur de laquelle nous sommes aujourd’hui brutalement rappelés, ils ont fait du budget de la défense une variable d’ajustement. Et de cela ils sont comptables envers leur pays.

Vers l'armee de metier

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Bonjour les enfants

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Scène du film "L'enfer des anges" de Christian-Jaque.© Pathé

En attendant la réouverture des salles de cinéma, on peut toujours étancher sa soif de cinéma avec des DVD et Blu-ray: les éditeurs en profitent pour exhumer quelques pépites. Aujourd’hui L’enfer des anges, de Christian-Jaque, est à voir dans une superbe version éditée par Pathé. Un film qui cultive avec efficacité une veine sociale jamais complaisante.


On peut toujours rêver : un jour viendra peut-être où l’on sortira Christian-Jaque de l’ornière où la Nouvelle Vague l’a fait injustement tomber. Il suffit de voir ou de revoir ce film rare, et cette fois dans une superbe version restaurée, pour se dire que décidément, c’était un vrai cinéaste, y compris à travers des intentions de mise en scène souvent habiles et inspirées.

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Couverture du film "L'enfer des anges", éditée par Pathé.©Pathé
Couverture du film « L’enfer des anges », éditée par Pathé.©Pathé

L’exceptionnel Jean Tissier dans le rôle du salaud

L’Enfer des anges, sorti en 1941, fait partie d’une trilogie informelle sur l’enfance dont les merveilleux L’Assassinat du père Noël et Les Disparus de Saint-Agil constituent, dans un registre moins dramatique, les deux autres volets. Et puis il y a l’exceptionnel Jean Tissier pour une fois dans le rôle de salaud intégral : il implique de pauvres ados de la zone parisienne dans un trafic de drogue tout en gardant pour sa part les mains propres. Le film cultive avec efficacité une veine sociale jamais complaisante. Comme La Belle Équipe de Duvivier, il comporte deux fins, que cette très belle édition permet de découvrir.

L'enfer des Anges [Édition Collector Blu-Ray + DVD] [Édition Collector Blu-ray + DVD]

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