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Salutem Sacrum

Une nouvelle sacralité


Salutem Sacrum
Jean-François Delfraissy, le président du Conseil scientifique, entendu par la commission d'enquête du Sénat, le 15 septembre 2020. © Francois Mori/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22493256_000011

La santé devient une « religion sanitaire », avec le médecin dans le rôle du prêtre…


C’est dans la seconde moitié du dix-huitième siècle que les Encyclopédistes, n’y voyant pas malice, démarrèrent un long mouvement de sacralisation de la nature et particulièrement de la santé. La santé, « salutem » en latin, vient donc remplacer le salut théologique auquel des générations avaient aspiré.

Le médecin remplaça le prêtre et la pénicilline se para de vertus miraculeuses. Le nihilisme et l’égalitarisme ayant fait les ravages qu’on sait chez l’homo occidentalis épuisé par son fardeau, la nouvelle religion sanitaire put étendre son pouvoir en majesté. Si l’on y ajoute le principe de précaution, verset premier et incontournable de cette nouvelle doxa, et qui remplace le bon vieux principe de préjudice, nous voilà dans l’eau bénite jusqu’au cou !

La santé a phagocyté le pouvoir  

Comme toutes les religions, elle a ses Grands Inquisiteurs, dont on soupçonne assez rapidement qu’ils ne se relèvent pas la nuit pour rire. Le sort qu’ils réservent aux hérétiques, par contre, pourrait donner des cauchemars, car comme dans toute foi, il convient de séparer le pur et l’impur, l’élu et le mécréant, selon des critères parfois aussi sibyllins que par le passé.

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Comme toutes les religions, ses prélats et ses vicaires prêchent sans relâche sur toutes les places, sur tous les parvis et surtout, sur tous les réseaux sociaux. Comme toutes les religions, elle a ses dévots et ses grenouilles, également appelés hypocondriaques. Et hélas, à l’instar du catholicisme et de bien d’autres religions, elle a phagocyté le pouvoir, qu’il soit démocratique, social-démocrate ou autre. Elle pratique ce que Voltaire, Diderot et les autres libéraux du dix-huitième siècle appelaient la « collusion du trône et de l’autel » et contre laquelle ils s’insurgeaient. La santé sacralisée est tombée entre les mains de l’État, tout comme y tombèrent l’enseignement et les ponts-et-chaussées. On ne discerne d’ailleurs pas pourquoi une autorité se priverait de cette cohorte de croyants, toute prête à l’aduler pour peu qu’elle lui promette l’enfer des soins intensifs et lui propose l’absolution vaccinale.

Certes, des mouvements humanistes se font entendre qui voudraient rompre cette collusion et des sceptiques s’inquiètent de cette nouvelle sacralité, qui ne laisse pas plus de place au doute que les autres. Mais on n’entend guère de libres-exaministes pour réclamer, en tapant du poing sur la table, une nouvelle loi de 1905 qui séparerait la santé sacrée du très profane pouvoir temporel. Et qui revendiquerait, comme les combats laïques l’avaient exigé et obtenu, que soit laissée à chacun la possibilité de croire ou pas.



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Romancière et scénariste belge, critique BD et chroniqueuse presse écrite et radio. Dernier roman: Sophonisbe.

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